Chapitre 4 : 1939-1959 Guerre et Paix

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Chapitre 4 : 1939-1959 Guerre et Paix
1940 « BLITZ » BOMBARDEMENT DE LIVERPOOL
DEBUTS DE BILLY LIDDELL DURANT LA GUERRE
1945 FIN DE LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE
1946 TOURNEE D’AVANT SAISON EN AMERIQUE
1947 CHAMPION DE PREMIERE DIVISION
QUATRIEME CHAPITRE
1939-1959
Guerre et Paix
1950 FINALISTE DE LA COUPE D’ANGLETERRE
1951 DON WELSH NOMME MANAGER
1952 RECORD DE SPECTATEURS A ANFIELD
LA REINE ELISABETH II COURONNEE
1954 RELEGATION EN DEUXIEME DIVISION
1956 PHIL TAYLOR DEVIENT MANAGER
1957 INSTALLATIONS LUMINEUSES A ANFIELD
1959 DEFAITE CONTRE WORCHESTER CITY EN COUPE D’ANGLETERRE
DEBUTS DE ROGER HUNT
BILL SHANKLY NOMME MANAGER
« JE N’AURAIS PAS AIME JOUER CONTRE PAISLEY. IL EST DE PETITE TAILLE, A DEUX
JAMBES VIGOUREUSES, UN CŒUR D’OR ET UN TACLE DEVASTATEUR. SA TENACITE SE LIT
SUR TOUTES LES PARTIES DE SON VISAGE. »
THE SPORTS SPECTATOR, 1947
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Malgré le fait que le programme de la Ligue de Football fut interrompu en 1939, le
Gouvernement désira que le football continue en tant que moyen de maintenir le moral
de toute la nation. En quelques semaines seulement, les autorités du jeu mirent sur pied
une nouvelle compétition régionale destinée à survivre durant toute la période de
guerre.
Les problèmes organisationnels étaient nombreux. Les stades furent initialement limités à
8'000 personnes au maximum avec un billet délivré pour chaque spectateur entrant. Les
équipes n’étaient pas autorisées à voyager plus de 50 milles pour disputer un match. Les
joueurs devaient souvent déclarer forfait à la dernière minute pour cause d’appel au front.
Parfois, ils étaient remplacés au pied levé par des volontaires parmi les spectateurs et
beaucoup de gens pleins d’espoir se mirent à prendre leurs chaussures de football juste au cas
où ils seraient appelés à jouer. Comme la guerre continuait, les accessoires de football
devinrent rares et des coupons de rationnement apparurent, comme pour les habits. Les
matches étaient parfois annulés pour cause de risque de raides aériens.
Comme en 1914, Liverpool fournit un grand soutien à l’effort de guerre. En juillet 1939, les
joueurs d’Anfield furent parmi les premiers à répondre à l’appel de la Fédération afin que les
professionnels de football rejoignent l’armée territoriale. Tous ceux qui étaient assez âgés
s’inscrivirent. Matt Busby et Phil Taylor furent volontaires au sein du 9ème Bataillon du Roi à
Liverpool ; Jim Harley signa à la Royal Navy ; Berry Niewenhuys choisit de rejoindre la
RAF. Bob Paisley, qui venait d’arriver au club en mai de cette année-là, devint fusiller de
l’Artillerie Royale. Il était destiné à devenir un héros de guerre Britannique, aidant les Rats du
Désert à vaincre à El Alamein et pilotant un char d’assaut durant la bataille de la libération de
Rome en 1944.
Avec autant de joueurs professionnels en service actif hors des frontières, la Ligue de Football
introduisit un système d’ « invitations » où les joueurs pouvaient évoluer pour n’importe quel
club. Habituellement, ils jouaient avec le club qui se trouvait à proximité immédiate de leurs
baraquements, ils se retrouvaient ainsi parfois en train d’évoluer pour le club qu’ils aimaient
le moins. Cela signifia également que des clubs comme Blackpool et Aldershot – qui avaient
beaucoup de bases militaires autour d’eux – se retrouvèrent subitement au bénéfice de la
crème des footballeurs anglais à leur porte.
Mais le manque de talents à Liverpool ne se fit pas trop sentir et, durant toute la guerre, une
succession d’internationaux de grande classe évoluèrent avec l’équipe. Parmi ceux-ci, le
gardien de Charlton Sam Bartram, l’international Gallois d’Arsenal Horace Cumner, Stan
Cullis de Wolverhampton et Cliff Britton d’Everton. Don Welsh, également de Charlton, et
qui deviendra par la suite manager de Liverpool, fut une autre recrue temporaire. Lors d’un
12-1 exceptionnel contre Stockport, il figura à six reprises sur la liste des buteurs.
Certains invités se firent même encore mieux remarquer. En février 1942, le grand milieu de
terrain Irlandais Peter Doherty se rendit à Bloomfield Road pour voir Liverpool prendre le
meilleur contre Blackpool. Il fut rapidement convaincu par George Kay de porter un maillot
rouge. En mai de la même année, quand Liverpool battit Everton 4-1 à Anfield, Bill Shankly
de Preston porta le maillot numéro quatre.
Un joueur qui tira un profit maximum de l’absence de ses collègues fut Billy Liddell (voir
page 50). Il était encore trop jeune pour le service actif quand les hostilités commencèrent.
Cet ailier de 17 ans fit ses débuts le Jour du Nouvel An 1940, inscrivant un but lors d’une lors
d’une victoire 7-1 contre Crewe à Anfield. Une semaine plus tard, il se rendit à Maine Road et
y inscrivit un coup du chapeau lors d’une autre victoire 7-1 contre Manchester City.
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Quand il sortit du terrain, le gardien de City Frank Swift lui donna une tape dans le dos
accompagnée d’un mot de félicitations : « Bien joué mon gars, mais ne recommence pas trop
souvent. » Mais Swift, qui perdra la vie par la suite dans l’accident d’avion de Munich, savait
qu’il avait assisté à l’émergence d’un garçon au talent phénoménal. Moins de 18 mois plus
tard, cet adolescent fit partie d’une équipe représentant la Ligue de Football contre le XI
Anglais. Il fut aussi sélectionné avec l’Ecosse mais il dut décliner l’invitation pour cause de
blessure.
Pour les gens de Liverpool, le football constituait une échappatoire bienvenue aux
bombardements que la ville devait supporter de la part des bombardiers d’Hitler durant la
« Blitzkrieg ». Cyril Done se rappellera plus tard : « Nous étions engagés à part entière dans le
business de divertissement et le peuple Britannique avait besoin de se divertir le plus possible.
L’esprit en Grande-Bretagne n’avait jamais été meilleur en matière d’amitié, de fraternité et
d’aide à son prochain. Je pense que la force de cet état d’esprit était bénéfique pour le peuple
de la Mersey qui devait continuer de jouer son jeu favori pendant que les vendeurs de
divertissements professionnels faisaient fructifier leurs affaires. »
Les résultats étaient de peu d’importance mais il y eut malgré tout une ambiance de fête
quand Liverpool fut couronné champion de la Région du Nord en 1943. La même année eut
lieu un incroyable derby à Anfield qui vit Liverpool marquer à cinq reprises durant les huit
dernières minutes pour battre Everton 5-2. Plus de 13'000 spectateurs suivirent la rencontre
permettant ainsi au Lord-Maire de Liverpool d’encaisser £ 946 pour son fond de guerre. En
1944, l’équipe battit Bolton et enleva la Coupe du Lancashire après une finale aller-retour. Le
Gouvernement réhaussa par la suite la limite de spectateurs et 44'820 personnes assistèrent à
la victoire de Liverpool 3-2 contre son voisin à Goodison Park.
Quand la guerre toucha à sa fin, les règles de la Ligue furent modifiées, le nombre de matches
augmenté et la Coupe d’Angleterre rétablie. Liverpool se qualifia pour le quatrième tour et
finit en 11ème position du classement de la Ligue du Nord de 1945-46. Au même moment, les
héros rentrèrent petit à petit au pays. Un des premiers à être démobilisé fut Matt Busby mais
ses jours d’activité en tant que joueur étaient derrière lui. Liverpool désirait qu’il fasse partie
de l’équipe d’entraîneurs mais son potentiel de leader hors du commun avait déjà été
remarqué ailleurs. Reading l’approcha pour lui proposer un poste d’assistant manager et Ayr
United essaya de le ramener en Ecosse mais l’offre qu’il ne put refuser vint en octobre 1945
quand Manchester United lui demanda d’occuper le siège de patron à Old Trafford. En ce qui
concerne les autres joueurs, Liddell, qui était engagé à la RAF en tant que navigateur, rentra
sein et sauf au bercail suite à des missions de service en Europe et au Canada. Il en fut de
même pour le défenseur central Eddie Spicer, honoré et décoré pour bravoure ; Jim Harley
relevé de missions ; le défenseur Bill Jones, décoré de la médaille militaire pour aide et
sauvetage de camarades au combat ; Jack Balmer qui fut présent au débarquement à
Dunkerke ; et Bob Paisley, presque devenu aveugle à la suite d’une blessure par balle
survenue dans le désert Nord Africain.
Malheureusement, le capitaine du club Tom Cooper figurait parmi les 75 professionnels de
football qui ne revinrent jamais. Il fut même le premier à se porter volontaire au 9ème
Régiment du Roi, servant en tant que sergent dans l’Unité d’Infanterie, il rejoint plus tard la
Police Militaire. En avril 1940, le défenseur natif de Stoke joua pour Liverpool à Anfield
contre l’équipe de sa ville. A peine deux mois plus tard, il décéda dans un accident de moto
lors d’une mission.
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A la Manière Américaine
Il se passa une année entre la fin de la guerre et le retour au calendrier normal de la Ligue. Le
Président de Liverpool, William McConnell, utilisa ce temps-là à bon escient. Billy Mc était
un traiteur dont la compagnie contribua à approvisionner en nourriture les dockers des bords
de la Mersey durant la sombre période du Blitz. A part le fait qu’il entretenait un commerce
florissant, il portait un grand intérêt à la nutrition et agissait en tant que consultant averti du
Gouvernement pour le traitement des aliments durant les années de guerre. Résultat logique
de ses compétences, il devint responsable du rationnement d’après-guerre auprès des joueurs
au sein des clubs. En 1946, la nourriture contenant beaucoup de protéines comme la viande, le
fromage et les œufs était strictement limitée. Les légumes du pays étaient rares en hiver et
l’importation de fruits comme les oranges et les bananes était considérée comme un grand
luxe toute l’année durant.
McConnell eut une grande et brillante idée. Suite à des entretiens avec Kay, il organisa une
tournée gigantesque d’avant saison en Amérique : six semaines à bord du Queen Mary, avec
des matches dans dix villes majeures, partant des états du Sud des Etats-Unis pour se terminer
au Canada. Loin de leur foyer, les joueurs auraient ainsi le temps de tisser les liens de l’équipe
et, également, de retrouver leurs forces en ingurgitant une quantité illimitée de T-bones, filets
et steaks.
Le voyage fut un succès impressionnant avec, au programme, un premier match devant une
foule de 20'000 fans au Stade Municipal de Triboro contre les New York All Stars. Il fut suivi
de rencontres à Baltimore, Philadelphie et St Louis, battant le record d’affluence en matière
de football dans les trois villes. La presse appela l’équipe les « Stars Anglaises des coups de
pieds ». Les journalistes sportifs les suivaient partout où ils allaient, avides de connaître leur
point de vue de la guerre et curieux de la situation qui serait la leur à leur retour en
Angleterre. Quand ils apprirent combien ils étaient payés, les journalistes furent incrédules.
Dans ce pays, où la star de baseball Hank Greenberg venait de signer un contrat de $ 60'000
par année, ils recevaient maintenant « la fameuse équipe de football mondialement connue de
Liverpool », capable d’attirer plus de 50'000 spectateurs par match en Angleterre, dont les
joueurs ne gagnent que £ 10 par semaine durant la saison régulière et £ 7.50 durant la pause
d’été. Quand un reporter demanda à Kay où le reste de l’argent des entrées passait, il fut
embarrassé mais expliqua que les meilleurs joueurs pouvaient toucher des extras grâce à des
bonus. « On peut ainsi gagner un surplus d’environ £ 15 par semaine ce qui est toujours
mieux que le travail dans les mines. »
Au moment de traverser les chutes du Niagara, l’équipe avait déjà joué devant un total de
150'000 personnes. Puis, à Toronto, ils rencontrèrent l’équipe phare de la cité, Ulster United,
devant 14'000 autres spectateurs, ce qui représenta à l’époque la plus grande affluence pour
un match de football au Canada. Commentant la victoire de Liverpool 11-1, le Toronto Globe
& Mail reporta « qu’ils s’agissait probablement de la meilleures performance jamais réalisée
dans l’art de pratiquer le football. Une telle prestation comme celle que nous avons vue hier
soir au Stade Maple Leaf ne sera probablement jamais plus égalée dans ce pays ». A côté de
cette performance, les joueurs eurent une autre raison de se rappeler de leur visite au Canada,
ayant eu vent d’une pénurie passagère de nylon en Grande-Bretagne, une compagnie locale
leur offrit des douzaines de paires de collants à ramener à leurs épouses.
Après une nouvelle victoire lors de leur retour à New York, ils embarquèrent pour
Southampton. Ils disputèrent dix matches pour autant de victoires, marquant 70 buts pour n’en
concéder que dix.
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Ils se firent également beaucoup d’amis et connaissances ce qui leur permit de conserver des
liens afin de préparer leurs futures visites de 1948 et 1953. Et plus important, ils atteignirent
les buts que McConnell avait planifiés. Si l’on en croit le reportage du New York
Times : « Liverpool est venu aux Etats-Unis pour battre nos équipes et refaire le plein de
vitamines. Les Anglais ont remporté leurs 10 matches et, comme le fit Jack Spratt et sa
femme, nettoyèrent les plats. Loin du programme d’austérité Anglais, ils engloutirent leurs
steaks, œufs, lait et autres victuailles. Ce ne fut pas seulement visible sur le terrain mais toute
l’équipe enregistra une augmentation moyenne de poids de 10 livres par homme. »
Albert et la Bande de Fous
La nouvelle équipe pleine de muscle de Kay fit une entrée raisonnable dans la nouvelle
saison : deux victoires et une défaite. Mais, après un 5-0 désolant à Old Trafford, il prit la
décision instantanée de renforcer l’équipe. Des rumeurs persistantes dans le monde du
football laissaient supposer que l’avant-centre prolifique de Newcastle, Albert Stubbins,
cherchait un autre club. Aussitôt que Kay apprit qu’Everton tentait de le faire signer, il sauta
dans une voiture avec McConnell en direction du Nord-Est.
Le même soir, Stubbins se trouvait dans un cinéma de Newcastle, sans savoir que deux clubs
de la Mersey étaient en chasse pour obtenir sa signature. Dans une interview réalisée pour le
livre de 1993 intitulé les trois côtés de la Mersey, il expliqua ce qui s’était passé ensuite :
« …une note apparut sur l’écran : « M. Albert Stubbins veut-il bien se rendre immédiatement
à St James Park. » Il était environ six heures et je m’y rendis. M. Kay, représentant Liverpool
et M. Theo Kelly d’Everton étaient là. Stan Seymour, le directeur de Newcastle me
demanda, « Quel porte-parole désires-tu rencontrer en premier ? » Je dis, « Bon, jette une
pièce en l’air. Face Liverpool. Pile Everton. » Ce fut face, donc Liverpool. Bill McConnell, le
président de Liverpool, George Kay et moi-même avons beaucoup discuté. Je fus très
impressionné par eux et par les possibilités qui m’étaient proposées par Liverpool. Alors j’ai
dit que je choisissais Liverpool. J’ai rencontré M. Kelly qui fut très aimable. Je lui ai dit que
je m’étais décidé pour Liverpool et il m’a souhaité bonne chance, ce que j’ai trouvé très
sportif de sa part. »
Ce transfert de £ 12'500 fut très inspiré. Stubbins joua 36 matches de Ligue cette saison-là et,
avec Billy Liddell distribuant les centres, il inscrivit 24 goals. Ce fut également une grande
saison pour le buteur Jack Balmer. Il finit avec le même nombre de buts inscrits tout en
atteignant le total de dix en trois matches contre Portsmouth, Derby et Arsenal, devenant du
même coup le premier joueur de Liverpool à réaliser trois coups du chapeau consécutifs. Mais
il se produisit beaucoup de hauts et de bas durant la saison où de superbes victoires furent
suivies de ridicules défaites. Les succès 6-1 étaient immédiatement annulés par les revers 5-1.
Ce n’est qu’après un désastreux mois de janvier où ils perdirent tous leurs matches de
championnat que l’équipe commença de gagner régulièrement. Ils enregistrèrent cinq
victoires d’affilées et, à fin mars, étaient proches de Wolverhampton alors en tête du
classement de Première Division.
Ils progressaient également en Coupe, éliminant Walsall, Grimsby et Derby avant d’affronter
Birmingham en quarts de finales à Anfield. Cette victoire 4-1, conquise sur terrain gelé lors
d’un hiver parmi les plus rigoureux de l’histoire en Angleterre, est toujours profondément
ancrée dans la mémoire des supporters de Liverpool d’un certain âge. La raison ? Un coup de
tête incroyable de Stubbins qui sembla défier les lois de la gravité. D’après le Liverpool Daily
Post, ce fut « le plus beau but jamais vu à Anfield ».
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« Liddell exécuta un coup franc d’une distance d’environ 18 yards. La balle pénétra à grande
vitesse dans la surface de réparation. Deux joueurs essayèrent de l’intercepter mais elle allait
trop vite. La foule cria « Oh », sentant que la balle allait passer au travers quand Stubbins,
hors de position, plongea de tout son long en avant pour propulser de la tête la balle qui se
trouvait à moins d’un pied ou deux du sol. Celle-ci fut ramenée en direction des filets
adverses. »
Les espoirs d’une participation à la finale disparurent un mois plus tard, quand Burnley
l’emporta lors d’une demi-finale à rejouer. Mais, la possibilité de gagner le championnat
demeurait. Le titre se jouait entre quatre équipes. Avant la dernière journée de la saison,
United et Wolverhampton comptaient 56 points, contre 55 à Liverpool et Stoke. Les Rouges
se rendaient à Molineux (voir page 52). La course au titre de champion la plus captivante
depuis des années allait se terminer et, pour la première fois depuis un quart de siècle,
Liverpool finit premier.
La Famille d’Anfield
Mais, sous la houlette de Kay, l’équipe ne retrouvera jamais la forme et l‘euphorie en matière
de spectacle de cette saison-là. Les trois années qui suivirent les installèrent en milieu de
classement alors que United les dépassait, Arsenal retrouvait sa confiance et Portsmouth
gagnait en puissance pour remporter deux titres de champion successifs.
Il s’en suivit quelques changements sur le terrain. « Nivvy » se retira à la fin de la saison
1946-47 et Harley en fit de même une année plus tard. A l’attaque, Done et Balmer
commençaient à craindre pour leur place alors que Kevin Barron émergeait peu à peu,
provenant de l’équipe réserve. Et, alors que l’ailier Sud-Africain du nom de Bob Priday se fit
oublier, un garçon de la région nommé Jimmy Payne aligna une série de matches de grande
cuvée à tel point que les journaux le comparèrent à Tom Finney et Stanley Matthews. Seule la
colonne vertébrale de l’équipe d’après-guerre demeura presque intacte jusqu’à la fin des
années 40. Cyril Sidlow demeura au but, avec Ray Lambert et Eddie Spicer à l’arrière,
Paisley, Phil Taylor et Bill Jones au milieu du terrain, alors que Liddell, Stubbins et Fagan se
positionnaient en attaque.
Durant cette période, le football était plus populaire que jamais. Privés de football de première
classe durant la guerre, les fans affluèrent en quantité jamais vue jusqu’alors dans les stades.
En 1947-48, un record de 41 millions de personnes payèrent pour assister aux matches de la
Ligue Anglaise. Sur les bords de la Mersey, les grands clubs profitèrent de cet engouement.
Les entrées au stade qui avoisinaient les 50'000 durant la saison où Liverpool remporta le titre
permirent au club de réaliser un bénéfice de £ 17'208. L’année suivante, plus de 74'000
spectateurs prirent place à Goodison Park lors d’un match de Coupe d’Angleterre contre
Manchester United. Une année plus tard, un record de 78'299 fans fut enregistré dans le même
stade pour le derby du Championnat entre Everton et Liverpool.
Malgré cet état de fait, il n’y avait pas beaucoup d’argent redistribué au jeu et les joueurs
avaient un train de vie modeste. Huit membres de l’équipe vivaient dans la même rue de
Bowring Park, louant leur maison au club pour 25 Shillings (£ 1,25) la semaine. Les nouvelles
jeunes recrues s’incrustaient parfois dans les propriétés des veuves d’anciens joueurs du club.
Comme la Ligue de Football avait augmenté le salaire maximum à £ 12 par semaine – en
réponse à une menace de grève des footballeurs – le gain des joueurs dépassait de peu ce que
gagnait un professionnel en col blanc. Bien des années plus tard, Albert Stubbins se souvient
que personne de l’équipe de Liverpool ne pouvait se targuer de posséder une voiture et chacun
arrivait en bus pour les séances journalières d’entraînement.
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Wembley à Nouveau
Liverpool entra dans le livre des records lors de la saison 1949-50 pour avoir été invaincu
pendant la période la plus longue de l’histoire de la Première Division. Ils remportèrent dix de
leurs 18 premières rencontres pour 10 matches nuls, ce qui fit d’eux des candidats sérieux
pour remporter une nouvelle fois le Championnat. Mais, après avoir perdu à Huddersfield,
leur forme diminua jusqu’à perdre petit à petit l’espoir d’un nouveau titre. Au printemps, il fut
clairement établi que les meilleures chances de succès se trouvaient maintenant en Coupe
d’Angleterre.
Ils avaient en effet progressé dans la compétition de manière impressionnante, éliminant
Blackburn, Exeter et Stockport lors des premiers tours, avant de battre Blackpool 2-1 devant
54'000 spectateurs à Anfield. Grâce à Everton qui se comportait tout aussi bien, il y avait un
réel espoir d’avoir une finale entièrement composée de clubs de la Mersey. Mais le tirage au
sort en décida autrement et les deux équipes durent se rencontrer au stade des demi-finales. La
partie fut programmée à Maine Road le 25 mars, jour du Grand National. Alors que des
milliers de parieurs se rendaient à Liverpool le matin de la grande course, la route de l’Est du
Lancashire se peuplait de supporters de Liverpool et d’Everton qui s’exilaient en masse dans
le sens opposé, en direction de Manchester.
Au final, il s’avéra que ce fut bien le jour de Liverpool. Les Bleus prirent le dessus en début
de partie mais oublièrent de convertir leur domination en but. Au milieu de la première mitemps, Paisley intercepta un dégagement à l’orée des seize mètres avant de voir son lob
astucieux franchir la ligne de but. En seconde mi-temps, Liverpool mit d’avantage Everton
sous pression avant que Liddell n’intercepte une mauvaise passe en retrait pour inscrire le
deuxième but. Quand le coup de sifflet final retentit, les supporters rouges qui se trouvaient
parmi les 72'000 spectateurs se déchaînèrent et des centaines d’entre eux envahirent le terrain
pour congratuler toute l’équipe et les buteurs en particulier. Pour Paisley, ce fut un des
meilleurs moments de sa carrière de joueur.
Malheureusement, il était également en route vers l’une de ses plus grandes déceptions. Lors
de la préparation du match contre Arsenal, Kay et ses amis directeurs furent mis en face d’un
dilemme majeur au niveau de la sélection de l’équipe. Laurie Hugues, leur premier choix en
tant que défenseur central, revenait de blessure après une longue absence. Cela eut pour
conséquence que Bill Jones, qui avait parlementé avec succès, pouvait à nouveau jouer au
côté du capitaine Phil Taylor au milieu du terrain. Kay, qui en était alors aux premiers jours
d’une grave maladie, voulut maintenir Paisley mais il fut contredit par le comité. Le demidéfensif originaire de la Région de la Tyne fut, selon ses propres mots, atterré par cette
décision. Les jours qui suivirent, il se sentit même dans l’impossibilité de regarder son
manager en face.
Dans la région de la Mersey, l’excitation et les attentes étaient grandes. Liverpool avait battu
Arsenal deux fois en Championnat cette saison et était considéré comme le favori pour
remporter la Coupe et la ramener à Anfield pour la première fois en 58 ans d’histoire. La
location des billets fut liquidée en une journée et les milliers de personnes qui ne purent en
bénéficier durent se rabattre sur les magasins d’appareils électriques de la ville qui étaient en
possession d’une télévision. La succursale d’Islington de Rushworth and Dreaper demanda 1
Shilling à chaque client désireux de voir le match « live » sur un de leurs appareils et des
centaines de personnes firent la queue hors du magasin depuis les premières heures du jour.
La vieille plaisanterie à propos du Liverpoolien qui économise pour le jour ou son équipe
gagnera la coupe (et mourra millionnaire) demeurait intact. Arsenal domina le match dès le
début et inscrivit le 1-0 à la dix-septième minute déjà.
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Au milieu du terrain, le mordant de Paisley manquait cruellement à Liverpool et devant,
Liddell était sujet aux tacles dévastateurs de la part du demi-défensif Alec Forbes afin de
l’empêcher de passer. Après la pause, ils mirent les Gunners sous une certaine pression avec
des actions de Stubbins qui visa le petit filet et Jones, dont le coup de tête heurta la barre
transversale. Quand Reg Lewis inscrivit son deuxième but après 62 minutes, le match était
joué. Le footballeur de l’année du côté d’Arsenal, Joe Mercer, brandit la coupe et Liverpool
revint une nouvelle fois de Wembley les mains vides.
Qui aurait alors pensé que des dizaines de milliers de fans seraient présents le lundi soir à
Lime Street pour les accueillir lors de leur retour en train, envahissant les artères du centreville et longeant les rues jusqu’à Town Hall. Après s’être présentée à la foule depuis le
balcon, l’équipe fut conduite à Anfield où les attendaient des milliers d’autres personnes qui
suivaient alors une rencontre de juniors. Les joueurs reçurent une véritable ovation quand ils
arrivèrent le long de la ligne de touche et plusieurs d’entre eux en eurent les larmes aux yeux.
Après coup, Liddell avoua qu’il avait été submergé par l’émotion. « C’est une nuit que je ne
suis pas prêt d’oublier. Je n’ose même pas imaginer quel genre de réception l’équipe de
Liverpool qui remportera la Coupe pour la première fois recevra des gens d’Anfield. Tout ce
que j’espère c’est que je serai là pour le vivre. Son vœu sera exaucé, mais il devra attendre 15
autres années.
Une Décennie de Déclin
La nouvelle saison n’était vieille que de cinq mois quand un George Kay toujours plus fragile
se retira sur conseil médical. La veste de patron passa sur les épaules de Don Welsh, un
Mancunien excentrique qui avait été un formidable joueur avec l’équipe de Charlton.
Malheureusement, il figura parmi les nombreux footballeurs qui furent incapables de réussir
une carrière de manager. Pour la défense de Welsh, nous signalerons qu’il hérita d’une équipe
vieillissante dont certains membres étaient déjà présents avant la guerre. Alors que des
joueurs comme Fagan et Paisley étaient sur le déclin, il ne réussit pas à trouver les
remplaçants adéquats, misant trop souvent sur Liddell pour sauver l’équipe.
Welsh était terriblement enthousiaste bien que quelque peu imprévisible. Quand l’équipe
gagnait, il célébrait la victoire en faisant la roue dans les vestiaires. Le défenseur issu du club
Ray Lambert se rappelle à quel point il causa l’incrédulité au milieu des hôtes d’un hôtel de
Leeds. « Nous arrivions pour notre lunch de midi, avant le début du match, et il y avait des
gens assis dans l’hôtel. Il arriva en courant et il se mit subitement sur les mains, jambes en
l’air, toute la monnaie de ses poches tombant sur le sol. Il commença à avancer dans cette
position. Nous n’avions jamais vu quelque chose comme ça. C’était Don. »
L’ex-instructeur de l’armée toujours en forme introduisit de nouvelles méthodes rigoureuses
d’entraînement à Anfield, mettant en place de dures séances de résistance. Il causa même,
d’après les dire de Stubbins, une mini révolution de vestiaire en insistant sur un système de
marquage homme à homme : « Don avait cette théorie défensive. Je me rappelle un discours
qu’il nous tint. Il dit : De nos jours, au football, si l’adversaire ne marque pas, tu ne peux pas
perdre … en d’autres termes, nous devions jouer de manière négative. » Et cela ne fonctionna
pas. Après quatre défaites d’affilée – et un protêt déposé par les joueurs – Welsh abandonna le
système.
Lors d’un match à domicile historique, il opta toutefois pour le bon choix tactique. Le 2
février 1952, Liverpool rencontrait Wolverhampton lors du quatrième tour de la Coupe. Au
moment d’établir la formation de l’équipe pour le match, Liddell fut placé à l’aile gauche et
Cyril Done au poste de centre-avant. Juste quelques secondes avant le coup d’envoi, les deux
joueurs permutèrent leurs positions.
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Done se retrouva donc à l’aile. Wolverhampton, qui avait travaillé durement pour élaborer un
plan afin de contrer Liddell, fut jeté en pleine confusion et, durant le temps qu’ils mirent à
réorganiser leur défense, Liverpool avait déjà marqué deux fois. Les Rouges l’emportèrent
finalement 2-1 devant 61'905 fans, la plus grande affluence enregistrée jusqu’alors à Anfield.
Mis à part cette victoire, le début des années 50 fut marqué par une série de défaites
humiliantes. En 1951, Liverpool fut sorti de la Coupe par l’équipe de troisième division de
Norwich ; une année plus tard, ils furent éliminés par Gateshead. La saison suivante, ils furent
battus 5-1 à Old Trafford et Portsmouth ; 6-0 à Charlton et 5-2 à Chelsea. En avril 1954,
l’équipe se rendit à Londres pour perdre 3-0 contre Arsenal. Ce ne fut peut-être pas la pire
défaite de la campagne mais ce fut celle qui les précipta en deuxième division.
La Deuxième Division
Cette année-là est à cataloguer parmi les pires pour les fans de Liverpool. Ils virent leur
équipe être reléguée pendant qu’Everton célébrait sa promotion. Leurs espoirs d’un retour
immédiat en Première Division chancela alors que l’équipe ne remporta qu’un seul de leurs
sept premiers matches. Le 11 décembre, ils durent même faire face à la terrible perspective
d’une deuxième relégation d’affilée quand ils furent massacrés 9-1 à Birmingham.
Leurs grandes peurs s’estompèrent grâce à une succession de victoires lors de l’année qui
commençait, ce qui contribua à aider l’équipe à finir au 11ème rang. Cela ne suffit pas à
masquer le fait que Liverpool était devenu maintenant une médiocre équipe de Deuxième
Division, pas assez talentueuse pour rivaliser avec les meilleures formations du pays.
Welsh rempila pour deux saisons de plus. Durant cette période il dépensa pour le club plus de
£ 50'000, achetant des joueurs comme l’ex-buteur de Wolverhampton Sammy Smith, le demioffensif John Evans et le milieu de terrain de Carlisle Geoff Twentyman. Il donna aussi leur
chance aux joueurs locaux comme Ronnie Moran, le futur capitaine et entraîneur, Alan
A’Court, qui jouera plus tard pour l’Angleterre et le jeune Jimmy Melia, qui fut sélectionné en
équipe écoliers, puis jeunes avant d’obtenir une quantité de sélections internationales. Mais,
malgré le nombre considérable de nouveaux venus, les différentes compositions d’équipe et
les tactiques que Welsh essaya, l’équipe ne put jamais prétendre à une ascension. Et, quand
Liverpool se profila à la troisième place à la fin de la saison 1955-56, le comité décida que
Welsh avait utilisé assez de possibilités. L’homme qu’ils nommèrent à sa succession fut le
capitaine formé au club Phil Taylor (voir page 54) qui venait de suivre Paisley dans l’équipe
des entraîneurs. Il était le choix le plus populaire en fonction de l’avis des joueurs et –
pendant un court laps de temps durant sa première année – il semblait être le seul à pouvoir
faire remonter le club. Mais, comme pour Welsh, ses qualités ne furent jamais suffisantes.
Lors de sa première saison complète en charge de Liverpool, ils terminèrent de nouveau
troisième et, lors des deux années suivantes, quatrième.
En 1959, le nombre de spectateurs à Anfield était descendu à environ 30'000 de moyenne et
les fans restaient sur leur faim. Ils bombardèrent les journaux de lettres de protestation quand
Liddell perdit sa place de titulaire, adressèrent aux joueurs des applaudissements polis après
un match nul à domicile contre Portsmouth et regardèrent avec dédain leur équipe favorite
d’autrefois se faire éjecter de la Coupe d’Angleterre par Worcester City, petite équipe
n’évoluant même pas dans la Ligue.
Une lumière dans l’obscurité fut l’émergence de Roger Hunt, buteur de 21 ans qui marqua
lors de ses débuts contre Scunthorpe. Une autre étincelle arriva en novembre d’Everton en la
personne de Dave Hickson, qui traversa Stanley Park pour £ 12'000 et inscrivit deux buts lors
de son premier match. Mais, lors du match suivant, Liverpool fut battu 4-2 à Lincoln et la
promotion parut soudain aussi éloignée qu’elle l’avait toujours été.
QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX
48
Deux jours plus tard, Taylor jeta l’éponge, fatigué par le fait d’avoir essayé en vain de
redonner à son club le statut de membre de la Première Division.
Lors de la quinzaine qui suivit, l’équipe fut sans barreur pendant que les directeurs
cherchaient un remplaçant. C’est alors qu’au début du mois de décembre, le président Tom
Williams annonça que le poste avait été repourvu : « Du petit nombre de ceux qui le
désiraient, le comité décida de porter son choix sur M. W. Shankly, actuellement en place à
Huddersfield Town, et de lui offrir le poste de manager. Celui-ci annonça sa décision devant
son comité et, après avoir exprimé ses regrets à propos de son départ, fut autorisé à rejoindre
le FC Liverpool. »
Le nouveau manager signa son contrat durant les jours qui suivirent. La vie à Anfield allait
changer pour toujours.
TOP 10
1939-1959
BUTEURS
COUPS DU CHAPEAU
NOMBRE DE MATCHES EN LIGUE
1. Billy Liddell
211
2. Albert Stubbins
82
3. Jackie Balmer
64
4. John Evans
49
5. Louis Bimpson
39
6. Jimmy Melia
38
7. Antonio Rowley
38
8. Jimmy Payne
37
9. Alan A’Court
36
10. Alan Arnell
33
(Sans prise en compte des saisons de
1939-40 à 1945-46 où le système de
la Ligue fut suspendu)
1. Billy Liddell
4
2. Jackie Balmer
3
3. Albert Stubbins
3
4. Louis Bimpson
2
5. Cyril Done
2
6. John Evans
2
7. Antonio Rowley
2
8. Johnny Wheeler
1
9. --10. --(Sans prise en compte des saisons de
1939-40 à 1945-46 où le système de
la Ligue fut suspendu)
1. Billy Liddell
476
2. Ray Lambert
308
3. Laurie Hugues
303
4. William (“Bill) Jones
257
5. Bob Paisley
252
6. Jimmy Payne
224
7. Phil Taylor
223
8. Alan A’Court
215
9. Ronnie Moran
192
10. Jackie Balmer
167
(Sans prise en compte des saisons de
1939-40 à 1945-46, où le système de
la Ligue fut suspendu)
QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX
49
JOUEUR
BILLY LIDDELL
Comparer des joueurs de différentes époques est source de problèmes, mais si quelqu’un
peut être autorisé à essayer de le faire, c’est bien Ian Callaghan. L’homme qui détient le
record de titularisations de tous les temps à Liverpool admirait en ce temps-là Billy
Liddell depuis les tribunes. Il vit des centaines de joueurs aller et venir depuis lors mais
il a toujours réservé la meilleure note à l’idole de son enfance : « D’après moi, Liddell,
Keegan et Dalglish furent les meilleurs joueurs de tous les temps du club. Mais j’aurais
choisi Billy au détriment des deux autres comme étant le plus grand.
Beaucoup de monde de la génération de Callaghan ne contesteront pas. A leur crédit, il faut
admettre que Liddell était un concentré de ce qui se faisait de mieux. La force de Tommy
Smith, l’allure et la puissance d’Emile Heskey, la faculté du dribble de Peter Thompson, le
shoot ravageur de Jimmy Case. Du temps où les ailiers Britanniques étaient les meilleurs au
monde, Liddell avait un talent hors du commun. Quand les sélectionneurs choisirent les
représentants des équipes de Grande-Bretagne de 1947 et 1955, il fut un des deux seuls
joueurs a être choisi lors de ces deux années. L’autre ? Sir Stanley Matthews.
Ce fut Matt Busby, alors qu’il était encore à Liverpool, qui entendit pour la première fois
parler d’un jeune de 16 ans surdoué qui évoluait avec l’équipe Ecossaise de Lochgelly Violet
au cours de l’année 1938. Sur sa recommandation, le boss d’Anfield George Kay alla le voir
jouer et, en l’espace de quelques jours, persuada les parents du jeune adolescent de le laisser
migrer vers le sud. A l’âge de 17 ans, il signa un contrat professionnel de £ 3 par semaine et
fut immédiatement invité à faire son chemin au sein de la première équipe. Seule la guerre le
priva d’évoluer dans cette formation de Première Division. Liddell joua dans une quantité de
clubs de la Ligue Régionale durant le début des années 40, faisant du poste d’ailier gauche le
sien et obtenant au passage sa première de ses 28 sélections en équipe d’Ecosse. Il rejoint plus
tard la RAF, servant en Europe et au Canada et jouant pour son équipe des Bomber Command
durant la guerre. Il fut démobilisé alors que quelques semaines de la saison 1946-47 avaient
déjà été jouées et fit ses 35 matches de Ligue Anglaise pour Liverpool qui remporta cette
année-là le trophée de champion d’Angleterre. Il multiplia les centres pour Albert Stubbins et
Jack Balmer qui les concrétisaient ou coupait à l’intérieur pour adresser des tirs d’une
redoutable précision. Il terrorisait les défenses de Première Division par ses courses
insaisissables pour lesquelles il devint célèbre. « Billy était si fort que cela semblait
surréaliste, » dit Bob Paisley. « Il se battait tout le temps, provoquait des challenges et
montrait de la ténacité ».
L’équipe d’après-guerre alla en déclinant lors des années 50 et malgré les plus grands efforts
de l’Ecossais volant, le club continua de couler. Il eut maintes opportunités de changer d’air y
compris une offre lucrative de l’équipe Colombienne de Bogota peu après la finale de la
Coupe d’Angleterre de 1950. Mais, dans un élan de loyauté qui serait presque impensable de
nos jours, il décida de rester à Liverpool malgré le fait qu’ils furent relégués.
Ce fut essentiellement grâce à lui que le nombre d’entrées demeura relativement élevé durant
les années de Deuxième Division. Les spectateurs du Kop aimaient ce mélange de force pure
et d’habileté, payant volontiers leur place pour le voir courir au milieu de défenseurs rageurs.
Ils rebaptisèrent l’équipe en son honneur au nom de « Liddellpool ». Il changeait de poste
avec facilité, bougeant de l’aile gauche à l’aile droite, dirigeant la ligne d’attaque comme un
avant-centre prolifique, consolidant même la défense lors d’une titularisation en tant que
défenseur central.
QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX
50
Dans le monde des footballeurs professionnels, Liddell était un homme à part. Durant le
temps passé à Anfield, il continua d’exercer un travail de comptable avec horaire journalier de
9 à 17 heures. Une carrière que ses parents imposèrent comme condition à son départ du côté
de la Mersey. Il était non-fumeur, buveur de thé et Méthodiste laïque. Il soutenait aussi
certaines œuvres de charité, donnant gratuitement de son temps à officier en tant que DJ à la
radio de l’hôpital et offrant ses services de magistrat.
L’honnêteté et l’intégrité qu’il démontrait dans la vie se voyait également sur le terrain. Sa
réputation de sportivité provoquait souvent des ovations de la part des supporters adverses. Et,
en novembre 1957, quand il établit le record de la Ligue avec 430 matches disputés, toute
l’équipe de Notts County s’aligna au centre du terrain pour lui serrer la main. Il joua son
dernier match de Ligue pour le club en août 1960, quatre mois avant son 40ème anniversaire.
Peu après, une foule de 39'000 spectateurs – soit près de 10'000 de plus que la moyenne des
entrées de la saison à domicile – vinrent assister à son match d’adieu contre une sélection
Internationale. En tout, Liddell disputa 537 matches pour les Rouges, inscrivant 229 buts.
Quand il se retira, ses fans étaient convaincus de ne plus jamais revoir un joueur de ce calibre.
Le FC Liverpool lui-même savait qu’il ne retrouverait jamais un meilleur serviteur.
Billy Liddell décéda en 2001 des suites d’une longue maladie. Il demeura un spectateur
régulier à Anfield jusqu’aux derniers mois de sa vie. Il restera toujours dans les mémoires
comme l’un des meilleurs joueurs ayant évolué sur cette pelouse.
QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX
51
MATCH
1947 LA PARADE DES CHAMPIONS
C’était le milieu de l’été. Nous avions eu un mauvais hiver et une quantité de matches
reportés. Ils étaient environ 50'000, ça et là. Des hommes aux foulards noués autour du
de la tête prenaient soin de quelques filles installées sous les avants-toits à cause de la
chaleur. Quand j’enlevai mon maillot, après le match, on aurait pu penser que je le
sortais de la baignoire.
Quand Liverpool se rendit à Molineux pour le dernier match du Championnat 1946-47, il
semblait que la moitié de la ville allait les suivre. Des milliers de supporters se rendirent dans
les Midlands pour un match qu’ils devaient impérativement remporter pour pouvoir brandir le
premier trophée du Championnat d’après-guerre.
Wolverhampton, équipe la plus prolifique de Première Division avec 97 réussites, était à un
point du titre. Liverpool aligna Liddell, Fagan et le duo d’enfer Balmer et Stubbins. Mais, lors
d’une après-midi où la température atteignit les 91 degrés Fahrenheit à l’ombre, le véritable
héros se trouvait entre les poteaux. « Il était ironique de penser que l’homme qui avait fait son
maximum dans les situations chaudes pour empêcher Wolverhampton d’obtenir le match nul
nécessaire était notre gardien Sidlow, formé précisément à Wolverhampton, » écrivit Liddell.
« Cyril réalisait parades sur parades alors qu’il semblait certain qu’il devrait capituler. »
Wolves réussit finalement à marquer mais ce fut alors que Liverpool menait déjà 2-0.
L’ouverture du score fut l’œuvre de Balmer à la suite d’une action collective impliquant six
joueurs. D’après le Liverpool Echo, « ce fut un but d’anthologie qui fut probablement
travaillé et bâti jusqu’aux moindres détails dans les vestiaires. » Le second, de Stubbins,
arriva après « qu’il eut parcouru une moitié de terrain en un temps record, balle aux pieds ».
Parmi ceux qui furent étendus dans son sillage se trouvait le légendaire capitaine de
Wolverhampton Stan Cullis qui faisait pour l’occasion sa dernière apparition en tant que
joueur. « A la fin du match, Stan et moi nous sommes serrés la main, » dit Stubbins. « Je
pense qu’il y avait quelques larmes dans ses yeux parce qu’il avait laissé échapper sa dernière
chance de remporter une médaille de champion d’Angleterre. Ce fut alors, bien entendu, du
délire pour Liverpool. Nous avons chanté dans le bus durant tout le voyage du retour. »
Mais, en dépit de leur fameuse victoire, Liverpool ne savait pas encore qu’ils étaient
champions. Stoke était classé deux points derrière eux avec une meilleure différence de buts
et leur dernier match encore à jouer. Le match se disputait à Sheffield United le 14 juin –
pendant que Liverpool rencontrait Everton lors de la finale de la Senior Cup de Liverpool.
Anfield était plein comme un œuf pour l’occasion. Balmer donna l’avantage à Liverpool,
Everton égalisa, puis Bill Watkinson redonna l’avantage à l’équipe locale après la pause.
Liverpool était sur le chemin de la victoire mais qui s’en souciait réellement ? Comme cela fut
reporté dans l’édition du soir du Football Echo : « Tout l’intérêt de ce match se focalisa en
direction de la côte Ouest du pays cinq minutes avant la fin de la partie quand Monsieur
George Richards, le directeur de Liverpool, annonça au haut-parleur que Sheffield United
avait battu Stoke et que Liverpool devenait ainsi le nouveau vainqueur du Championnat
d’Angleterre après une attente de 24 années. »
QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX
52
« Le rugissement à l’unisson qui salua l’annonce de ce qui s’était passé à Hampden Park
ressembla à un brouhaha d’enfants. Comme la foule leva les bras au ciel, certains en perdirent
leur couvre-chef. Mais ils ne se préoccupèrent pas d’essayer de le retrouver avec tous ceux
qui avaient été jetés en l’air dans un élan de joie et de célébration commune. »
Quand l’arbitre mit un terme à la rencontre, les fans se précipitèrent sur le terrain, du Kop et
de Kemlyn Road, pour porter sur leurs épaules les joueurs en pleine euphorie.
Un jour plus tard, des milliers de personnes envahirent à perte de vue les rues alors que le
capitaine Willie Fagan brandissait le trophée depuis un bus à ciel ouvert. Une campagne qui
avait débuté en Amérique se terminait en triomphe à Liverpool. La bien nommée Bande de
Fous était de retour au bercail. Ils étaient champions.
QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX
53
MANAGER
PHIL TAYLOR
En tant que joueur de Liverpool, Phil Taylor eut une illustre carrière, mais ses
prestations en tant que manager sont volontiers oubliées des manuels de questionsréponses sur le football. Il fut le dernier patron avant l’aire Shankly et le seul manager
du club a n’avoir jamais exercé en Première Division.
Il n’en fut pas moins un dévoué serviteur du club. Il arriva pendant son adolescence, en droite
ligne de l’équipe de sa ville, à savoir Bristol Rovers après avoir été capitaine de l’équipe
Anglaise des écoliers. Il était cultivé, remarquable au poste de défenseur central droit où il ne
tarda d’ailleurs pas à s’imposer aux côtés des stars des années 30 qu’étaient Matt Busby, Tom
Cooper et Berry Nieuwenhuys. Sans la Deuxième Guerre Mondiale, il aurait probablement
comptabilisé plus que ses trois sélections en équipe d’Angleterre – et fait encore plus
d’apparitions que les 345 enregistrées avec son club.
Taylor fut un des premiers à se porter volontaire quand les hostilités débutèrent en 1939. Il
rejoignit le 9ème Régiment chargé de garder le viaduc de la ligne ferroviaire LiverpoolLondres. Toutefois, ce fut le football qui provoqua son unique blessure. Lors d’un derby de la
Mersey disputé durant la guerre, il alla au contact du ballon en même temps que le joueur
d’Everton Billy Cook. Il se retrouva étendu pour le compte et passa une semaine à l’hôpital.
Quand la guerre fut terminée, Taylor, converti en milieu de terrain, trouva sa place au sein de
la fameuse équipe championne d’Angleterre en 1947. Il sera nommé plus tard, le plus
naturellement du monde, au poste de capitaine. « Phil était le prototype du parfait Anglais, »
se rappelle son coéquipier de l’époque Albert Stubbins. « C’était un homme très calme et
totalement imperturbable. » Quand il termina sa carrière de joueur à l’âge de 35 ans, le titre de
champion d’Angleterre n’était plus qu’un lointain souvenir et Liverpool était retombé en
Deuxième Division. Il accepta un boulot dans l’équipe des entraîneurs et fut nommé manager
quand Don Welsh se retira en 1956.
Durant toute sa période à la tête de Liverpool, il se battit pour une place de promotion en
Première Division. Il engagea le gardien International Ecossais Tommy Younger, conclut un
audacieux transfert avec Dave Hickson d’Everton et donna sa chance au jeune Roger Hunt. A
cause du fait que la composition de ses équipes n’était pas assez talentueuse pour remonter
dans la catégorie majeure, il se résigna, après plus de trois années de frustrations. Ce fut un
Taylor stressé et usé qui expliqua les raisons de son retrait : « Il m’importe peu de savoir à
quel point la déception des directeurs fut grande à l’idée de manquer notre retour en Première
Division, elle ne fut de toute façon jamais aussi grande que la mienne. J’en avait fait mon
objectif. J’y ai mis tout mon cœur et toute mon énergie. Mais tout ce dévouement ne fut pas
suffisant et le temps est maintenant venu pour moi de passer la main à quelqu’un d’autre pour
voir s’il pourra faire mieux. »
« Je ne désire plus avoir de connexion officielle avec le club dans le future, mais j’aimerais
pouvoir sentir que je suis toujours le bienvenu quand je viendrai assister aux matches. »
Il pouvait être pour le moins certain de cela.
QUATRIEME CHAPITRE 1939-1959 GUERRE ET PAIX
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