Interview - BLUES Magazine
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Interviews Manu Lanvin Paul Personne Ana Popovic Son Of Dave David Isaac Jesus Volt Martha High dossier Les cigars box guitars de Dom Bruneau SAGA Les marques 11889 -- 8282 -- F:F: 5,00 RD LL 11889 5,00 € -- RD € octobre - novembre décembre 2016 N°82 REVUE TRIMESTRIELLE ÉDITÉE PAR L’Association BLUES etc... paraît 4 fois par an : les 15 janvier, 15 avril, 15 juillet, 15 octobre ADMINISTRATION BLUES ETC... Résidence Mermoz 1, allée Maryse Bastié - 95150 Taverny Tél : 01 39 95 35 72 DIRECTEUR DE PUBLICATION Christian Le Morvan Tél : 06 07 43 17 89 RÉDACTEUR EN CHEF Claude Jandin - Tél : 06 16 39 73 55 SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Jean-Marcel Laroy DIRECTION ARTISTIQUE RÉALISATION Studio IPPAC - Tél : 03 25 87 73 18 RESPONSABLES DU SITE INTERNET bluesmagazine.net Claude Jandin [email protected] Bernard Monnot [email protected] sOMMAIRE N°82 octobre - novembre - décembre 2016 2 > ABONNEMENT 3 > EDITO 4 > Interview JEsus VOlT ABONNEMENTS Bernard Monnot 10, rue Louis Delamarre 95880 Enghien [email protected] ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO Lewis Barlet - Jean-Christophe Baugé Gérard Bickel – Evelyne Balliner Sylvie Bosc – Dominique Boulay Bernard Boyat – Stefano Caporilli Béatrice Chauvin – Patrick Dallongeville Luc Deroubaix – Michel Duganski Michel Enfert – Didier Fouquesolle Patrice Gandois – Alain Hiot Audrey Jandin – Claude Jandin Jean-Yves Kerouredan – Agathe Kipienne Jean-Marcel Laroy Christophe Dameuh Lebœuf David Lee Black – Christophe Losberger Eric Matelski – Julien Metternich Henri Mayoux – Christian Le Morvan Bernard Monnot – Jean-Marc Pocheau Jean-Philippe Porcherot Monique Pouget Natalia et Patrice de Rendinger Reynald Reyland Jean-Louis Rovere – Philippe Quiot Pascal Sarfati – Greg Szlapczynski PHOTO DE COUVERTURE Manu Lanvin par Eric Martin PRIX DU N° : 5,00 e ABONNEMENT POUR 4 NUMÉROS France 16 e - Étranger 19 e DIFFUSION : MLP 4 8 > Compte Rendu DAX MOTORs N’ BluEs FEsTIVAl 10 > Interview MARTHA HIGH COMPTABILITÉ Michel Enfert RESPONSABLE DISTRIBUTEURS Michel Enfert - Tél : 01 39 59 35 23 48 > Compte Rendu BluEs RulEs FEsTIVAl 10 18 > Dossier lEs CIGARs BOX GuITARs DE DOM BRuNEAu 16 > Compte Rendu GRésIBluEs 28 > Interview MANu lANVIN 34 > Compte Rendu lA sCÈNE JEAN-ROGER CAussIMON 36 > Saga Encart jeté 56 > Interview sON OF DAVE 56 60 > Compte Rendu FEsTIVAl BAIN DE BluEs 2016 62 62 > Interview PAul PERsONNE 68 > Interview DAVID IsAAC QuAND lEs INDéPENDANTs éTAIENT ROIs (1 PARTIE) 74 > lA lETTRE ET l’EsPRIT lEs MARQuEs MODERN 76 > l’HARMONICA DE GREG RE 78 > lA BAssE DE PAsCAl 79 > BluEs BOOks N° SIRET : 443 147 236 00014 N° ISSN : 1272-9094 DÉPOT LÉGAL à la date de parution 54 > Compte Rendu DuVEl BluEs FEsTIVAl 59 > Compte Rendu BluEs AVAIllEs PHOTOGRAVURE & IMPRESSION Imprimerie de Champagne Z.I. Les Franchises - 52220 Langres COMMISSION PARITAIRE 0920 G 78542 50 > Interview ANA POPOVIC 18 24 > Compte Rendu CAHORs BluEs FEsTIVAl 28 50 80 > sélECTION DVD 36 82 > CD à lA TENTATION 96 > suRFIN’BluEs aboNNEmENT aboNNEz-vouS à bLuES magaziNE ET rEcEvEz EN caDEau DE biENvENuE * ou L’aLbum DE ScarEcrow The LasT LE DvD Offert par Scarecrow et Blues Magazine pour un abonnement d’un an 50 aNNivErSary MonTreux Jazz FesTivaL * Offre réservée aux nouveaux abonnés (dans la limite des stocks disponibles) Offert par Eagle Vision et Blues Magazine pour un abonnement de deux ans 1 AN (4 NUMÉROS) FRANCE > 16 e AUTRES PAYS > 19 e Je souscris Nom Adresse Code postal Tél 2 ANS (8 NUMÉROS) FRANCE > 30 e AUTRES PAYS > 33 e abonnement de an(s) à partir du n° Prénom Ville E-mail Comment avez-vous découvert Blues magazine Kiosque Relations Concerts Radio Presse Autre CD/DVD 1 aN The Last 2 aNS Montreux Jazz Festival Coupon à renvoyer accompagné de votre règlement à BLUES Magazine abonnements : Bernard Monnot - 10 rue Louis Delamarre - 95880 Enghien Interview Interview préparée et réalisée par Dominique Boulay Photos © Agathe Kipienne C’EST À L’OCCASION DE LA SORTIE DE LEUR NOUVEL ALBUM QUE NOUS AVONS RENCONTRÉ LES MUSICIENS DE JESUS VOLT. COMME NOUS LE VERRONS AU COURS DE CET ENTRETIEN, LES OPPORTUNITÉS DE FAIRE CONNAISSANCE AVAIENT ÉTÉ NOMBREUSES CES DERNIÈRES ANNÉES... 4 N°82 octobre-novembre-décembre 2016 Interview JESUS VOLT Blues Magazine > Des copains de la rédaction s’étonnaient que je souhaite vous rencontrer. Ils trouvaient votre dernier opus pas vraiment Blues. Pourtant, la 1ère fois que je vous ai vus, c’était au 1er Blues en Val d’Oise en 2001 (festival qui n’a pas duré, hélas), vous étiez alors considéré comme un groupe de Blues. Puis, on s’est revu au Chesterfield Café / House Of Live pour la sortie d’Electro Button Funky Coxxx en 2003, avec Little Bob en invité spécial et Little Bono. Ensuite, il y a eu In Stereo, Hallelujah Mother Fuckers, et puis Vaya Con Dildo en 2013 chez Grounded Music. Et aujourd’hui, la sortie de Jesus Volt chez Nota A Bene (Cf. Blues Magazine n° 80). Mais pour moi, vous demeurez un groupe de Blues, un peu façon Jon Spencer Explosion, déjanté ou pas, peu importe ! Jesus Volt > C’est surprenant parce que d’autres, au contraire, trouvent notre dernier opus vraiment Blues, et même de plus en plus Blues. Il y a quelques Blues plutôt gratinés même ! C’est vrai, maintenant, on peut dire que l’on fait du Heavy Blues. Mais il y a toujours du Blues dans l’affaire. Notre base reste Blues de toute façon, même si l’on n’est pas des Bluesmen au sens puriste du terme. C’est un peu comme si l’on disait, toutes proportions gardées, que ZZ Top n’est pas Blues ! Ils ont quand même réussi à tirer le Blues vers ailleurs, ce qui le rend plus attrayant encore ! En ce qui nous concerne, c’est un peu pareil. On n’est pas vraiment étiqueté Blues, mais il y a quand même quelques Blues 100% purs et durs dans le dernier album. BM > Oui je comprends, d’autant que vous avez peut-être eu l’intention d’amener vers le Blues un public plus réceptif à d’autres choses habituellement ? JV > Ce n’est même pas notre intention. On ne pense pas à ce genre de choses, mais à jouer ce que l’on a envie, au moment où on en a envie. On ne réfléchit pas à ce genre de truc. Si c’est du Blues, c’est Blues. Si c’est du Rock’n Roll ou du Hard, c’est du Rock’n Roll ou du Hard. On joue ce que l’on a envie à chaque moment présent. Si Jacques a un riff qui est Bluesy et que l’on sent que cela accroche, on le fait. Pareil pour un autre riff dans un autre style musical. BM > À ce propos, qui est à l’origine des compositions ? JV > Cela démarre souvent à partir d’un riff de guitare de Jacques. Ensuite, j’ébauche la mélodie. Cela peut aussi partir d’une ligne de basse… Pour finir, on se met tous ensemble à travailler et on affine les morceaux. Harmoniquement parlant, c’est plutôt Jacques et moi qui amenons la genèse des morceaux. Cela peut aussi être un Groove qui nous inspire. Il n’y a pas de solution type. C’est un vrai travail de groupe. BM > C’est le 2nd album produit par l’Australien Mark Opitz (AC/DC, KISS ou INXS). Comment cela se passe t’il ? Il vient en France ou allez-vous en Australie ? JV > Non, c’est lui qui vient en France, spécialement pour travailler avec nous, pour apprécier la campagne et la douceur angevine (non je plaisante !). Il vient ici parce que c’est là que l’on trouve le meilleur studio que l’on puisse avoir en France, le Black Box Studio. Non seulement c’est le meilleur mais, en plus, on peut encore enregistrer sur bandes. On a l’habitude de dire la box lorsqu’on en parle entre nous. Mark est quand même un producteur qui a énormément travaillé avec Kevin Shirley, lorsque celui-ci a quitté l’Afrique du Sud et avant qu’il ne parte pour les États-Unis. BM > Vos objectifs, à court terme, après la parution de l’album et le concert au Trabendo, le 17 mars en 1ère partie de White Miles, puis ceux à La Batterie à Guyancourt avant Devon Allman et de la Paname Blues Night en juin ? Des concerts, toujours des concerts ? JV > On commence à avoir plusieurs dates, bien que le disque ne soit pas encore dans les bacs. Seuls, la presse, les promoteurs, les patrons de salles l’ont reçu, et nous avons fait déjà une vingtaine de dates dans l’Hexagone, Cognac Blues Passions, Dax... plus une tournée en Allemagne au printemps dernier. On va voir, il y eu pas mal de choses en été. D’ailleurs nous avions déjà fait ces festivals il y a quelques années, avec Little Bob et Nico Wayne Toussaint. BM > Visez-vous également d’autres pays, de nouvelles terres à explorer ? JV > Oui bien sûr ! Mark est en train de nous chercher un distributeur en Australie. On va ratisser large. Il se passe pas mal de choses là-bas. BM > Oui c’est sûr. Je ne sais pas si vous connaissez le label Bad Reputation, mais il a l’habitude de publier en France des groupes australiens qui sont vraiment biens. On peut dire qu’AC/DC a pleins de petits enfants prometteurs ! JV > Oui, oui, on connaît ce label ! Mais revenons à ce que tu disais : au début, lorsque l’on cherchait absolument à caractériser tel ou tel groupe, N°82 octobre-novembre-décembre 2016 5 BrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrève Accusés d’avoir piqué le riff de Stairway To Heaven à un groupe californien (voir brèves du Blues Mag n° 81), Jimmy Page et Robert Plant sont venus, en personne, à l’audience provoquée par le juge. Avant de composer Stairway to Heaven, Jimmy Page a affirmé n’avoir jamais entendu le titre de Spirit, Taurus, à qui il aurait volé le riff, mais a reconnu avoir retrouvé dans sa collection de 4300 disques, une copie du disque de Spirit sans se souvenir comment il se l’était procuré. De leur côté, les avocats de Spirit ont tenté d’apporter des preuves que les deux groupes ont participé en commun à des festivals, lors desquels Spirit à joué Taurus en présence de Led Zeppelin. Les arguments de ces derniers n’ont pas dû être convaincants car, après délibération, un jury a considéré qu’il n’y avait pas de plagiat de la part de Led Zeppelin. robert plant et Jimmy page pendant l’audience fédérale croquis de mona edwards/reuters. Le BB King BLues Band de nouveau sur scène ? © dr pLainte pour pLagiat contre Led ZeppeLin – La suite Les problèmes de santé et la disparition de BB King le 14 mai 2015 ont naturellement mis fin aux tournées du BB King Blues Band. L’ancien manager des tournées, Myron Johnson, a décidé d’œuvre à reformer le groupe puisque les musiciens souhaitaient reprendre les concerts. Une première prestation sur scène a eu lieu au New Orleans Jazz & Heritage festival en mai dernier, à l’occasion d’un hommage à BB King. Le leader du groupe, retenu pour l’occasion, est Jesse Robinson, guitariste de 71 ans qui a joué plusieurs fois en première partie de BB King à lors de ses Homecoming Celebration au club Ebony d’Indianola. Myron Johnson tente d’organiser, dans un premier temps, des tournées locales aux USA du BB KING Blues Band, qui ne jouera que des titres de la Légende disparue. Peut-être reverra-t-on d’ici peu en Europe l’orchestre de BB King… nouveau dÉpart pour Le House of BLues d’anaHeim Le club House of Blues situé près du parc Disney à Anaheim, dans la banlieue sud de Los Angeles, a fermé en mai dernier. Ouvert en 2001, il avait accueilli plus de 4000 concerts, mais était devenu trop étroit. Un nouveau House of Blues, bien plus spacieux, ouvrira au public en novembre prochain. Ce sera le premier House of Blues construit depuis dix ans. Il comprendra 4 scènes différentes qui pourront accueillir 2200 spectateurs, une salle dédiée aux manifestations privées de 400 places, et aussi un restaurant de 325 places. BrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrèvesBrève N°82 octobre-novembre-décembre 2016 15 Compte rendu Texte de Christophe Dameuh Leboeuf, Michel Enfert, Jean-Marcel Laroy et Claude Jandin Photos © Reynald Reyland et Jean-Marcel Laroy 17e EDITION DU 26 JUIN AU 1er JUILLET 2016 17ÈME ÉDITION POUR CE FESTIVAL INCONTOURNABLE DU DÉBUT DE L’ÉTÉ, ENTRE GRENOBLE ET CHAMBÉRY. ON POURRAIT CROIRE QU’IL S’EST INSTALLÉ DANS LA ROUTINE, MAIS C’EST SANS COMPTER SUR L’ÉQUIPE DE BÉNÉVOLES, SANS CESSE À LA RECHERCHE DE NOUVEAUX TALENTS. EN ROUTE POUR UNE SEMAINE DE BON BLUES… Andy J Forest : l’énergie louisianaise 16 Matches, pour un Chicago Blues remarquable. La surprise de la soirée est venue du duo italien de Marco Pandolfi. Marco, accompagné de Federico Patarnello (bat), nous a livré un set d’une extrême qualité, maniant guitare/harmo/chant avec brio. Il a conquis le public jusqu’à la fin. Mardi, rendez-vous au magnifique Fort Vauban de Barraux, nouvelle étape du festival, avec les Glossy Sisters dans un registre Swing, pour un show humoristique et groovy. Puis, le Ben Toury Corp avec son guitariste Olivier Louvel très remarqué. À noter le final avec Pascal Bako Mikaelian qui a pris en mains la scène. La météo n’était pas de la partie pour la 4ème soirée au Cheylas, et c’est en Delgres et son Soubassophone N°82 intérieur, qu’après les élèves, un duo atypique chambérien, The White Rattlesnake, Clément Maymard (gtr/cht) et Frédéric Pépin (bat), ont distillé un melting pot musical à un public qui a visiblement apprécié. Le 2nd set était assurée par l’une des formations Blues des plus emblématique, nos amis Awek : exceptionnel ! Le public était aux anges. La soirée du jeudi nous réservait une surprise. Delgres, un trio de Chambéry, nous concoctait un set Soul, Reggae, Funk aux accents caribéens, avec un étonnant Soubassophone. Très intéressant, le public a adoré. En 2nde partie, place aux vieux briscards de Nine Below Zero. Leur réputation n’est pas usurpée, Dennis Greaves et son band nous ont régalés pendant 1h30. © REYNALD REYLAND © REYNALD REYLAND St Vincent de Mercuze ouvrait le bal avec les dynamiques Space Captains dans un show très réussi. Mais c’est le néo-orléanais Andy J Forest qui a mis tout le monde d’accord pour un set très dansant de près de 2h, captivant l’assistance avec ses riffs endiablés : belle 1ère soirée. Lundi, au Touvet, mais sur un nouveau site plein de charme, les élèves entamaient leur prestation de la semaine, et notamment la belle prestation de Mathilde au chant. S’en est suivi une reprise de La Grange, menée de mains de maître par le trio Eric (bat), Jean-Marie (bs) et Bob Moustache (gtr), avant de laisser place à Daddy MT & The octobre-novembre-décembre 2016 dossier LES CIGARS BOX GUITARS DE DOM BRUNEAU Guitare de Philippe Renault N°82 octobre-novembre-décembre 2016 19 dossier LES CIGARS BOX GUITARS DE DOM BRUNEAU BM > Dom, comment t’est venue cette drôle d’idée de fabriquer tes propres guitars box ? DB > Tout est parti d’une rencontre, sur le festival de Cognac, avec Philippe Renault. J’avais un duo qui s’appelait Coup de Blues, et nous étions là-bas pour faire un peu de promo et pour taper le bœuf sur le stand de Blues Magazine. Un soir, en rentrant au camping, et alors qu’on avait bien vécu toute la journée, un type, qui avait visiblement encore mieux vécu que nous, nous appelle en nous disant : Hey les Bluesmen, il faut que je vous montre quelque chose ! Il nous a sorti une guitare bidon du coffre de sa vieille bagnole, et on est devenu potes. Parallèlement, ici à Butry-sur-Oise – Val d’Oise, nous avions une association qui s’appelait Blues dans l’air, avec laquelle nous organisions des concerts. Phil est venu y exposer ses guitares. Et puis, au festival du Buis, il y a deux ou trois ans, Phil exposait de nouveau, et j’ai flashé sur une de ses grattes, qu’il m’a ensuite transformée en gaucher. En même temps, j’ai un petit neveu qui voulait une guitare pour son anniversaire. Nous ne savions pas trop quoi lui offrir, puisque nous n’avions aucune idée de ce que l’on aurait comme fonds disponibles. C’était donc un peu bête qu’il ne puisse pas avoir une gratte de suite le jour de son anniversaire ! Du coup, comme j’avais une boîte de Whisky à disposition, j’en ai fait une guitare-tirelire que j’ai appelée Guitirelire, car elles ont toutes un nom. C’est comme ça que c’est parti. De plus, comme je suis gaucher, c’est aussi plus simple pour moi de les fabriquer directement pour mon propre compte. BM > Combien de temps te faut-il pour réaliser une box ? DB > En fait, cela dépend des modèles. Si tu prends, par exemple un Diddley Bow, c’est environ une heure de travail. Je viens d’ailleurs de faire une petite vidéo pédagogique sur YouTube pour expliquer la fabrication. Pour les guitares, cela dépend s’il y a des frettes ou pas et, bien entendu, du nombre de cordes. Si ce n’est pas 20 N°82 Un Diddley Bow Boîte de sardines Guitare bas sine fretté et que le manche n’est pas très droit, ça n’a pas d’importance, puisque ce sera joué au bottleneck. On va dire qu’en y apportant tout de même le soin nécessaire, on sera plus sur deux jours de travail, d’autant que je n’utilise pas de machines extraordinaires, et que je ne suis pas non plus le roi du bricolage. BM > Avec quoi frettes-tu tes guitares ? J’ai vu quelques vidéos sur YouTube, où certains collent des clous, d’autres mettent de vraies frettes. Qu’elle est ta préférence ? DB > Je mets de vraies frettes que j’achète en barrettes, c’est un alliage de Maillechort me semble t-il, et ça coûte finalement assez cher. Alors, comment frette-t-on ? Lorsque tu as un bois bien dur, un bois exotique par exemple, tu peux les incorporer directement. C’est fastidieux, et il faut que ce soit extrêmement précis, sinon la guitare sonnera faux. Il faut également que la hauteur soit la même partout et que ce soit parfaitement poli aux extrémités, pour ne pas s’arracher les doigts en jouant. Pour faire les encoches et installer ces frettes, j’ai acheté un kit sur Internet octobre-novembre-décembre 2016 Boîte de whisk y qui, lui aussi, coûte assez cher, mais qui est fort utile. Ce kit comporte plusieurs outils indispensables et des patrons papier pour les différents diapasons, c’est à dire le positionnement des frettes en fonction de la longueur du manche. BM > Justement, comment choisis-tu cette longueur ? Est-ce en fonction de la grandeur de la boîte qui servira de corps à la guitare ? DB > Oui, principalement la grandeur de la boîte, mais également la qualité du bois. Plus le bois sera dur, plus tu pourras avoir un manche long. Il n’y a pas de barre de réglage (Truss Rod) dans ces manches, contrairement à une guitare normale. Donc, il va risquer de vriller plus facilement si le bois est trop tendre par rapport à une longueur plus importante. Mais cela dépend aussi de la tonalité que tu veux obtenir : plus le diapason est long et plus tu auras un son qui ira dans les graves. Interview Préparée et réalisée par Lewis Barlet - Com’on Kustom Photos © Lewis Barlet MANU LANVIN MANU LANVIN, UN PERSONNAGE À PART ENTIÈRE, UNE FIGURE FORTE DU BLUES CONTEMPORAIN ET, DE SURCROÎT, FRANÇAIS, CE QUI EST TROP RARE DANS LE MILIEU DU BLUES. C’EST CE QUI NOUS A DONNÉ L’ENVIE DE VOUS LE PRÉSENTER D’UN PEU PLUS PRÈS… Manu Lanvin est ce que l’on peut appeler un showman, aussi généreux avec son public que musicien hors pair. Il est l’image de la France, dans nos pays frontaliers jusqu’aux EtatsUnis ! Manu, c’est aussi une voix forte, un sens moral et une passion pour le Blues. Le voir en live, c’est le vivre, le ressentir au plus proche de nous, car il n’hésite pas à jouer dans la fosse, à communier directement au plus près de son public. Il donne autant que faire se peut, et c’est sans doute cette monstrueuse générosité et cette humanité émanant de son jeu et de sa personne qui en font une étoile montante du Blues français. Proche de feu Calvin Russell, 1ère partie de Johnny Hallyday, Manu côtoie les grands, sans oublier qui il est, et grâce à qui il 28 N°82 en est là, aujourd’hui. Ses Musiciens, par exemple, présents dans son sillage sont le symbole essentiel au tableau d’un live. Manu c’est Manu, un mec qui résonne en vous, une alchimie sonore qui reste comme un parfum, sa colle à la peau parce que c’est sincère. BM > Bonjour Manu, tu as été interviewé en 2013 par Blues Magazine (n°74), c’était Taj Mahal en couverture… ML > Oui, ça fait déjà longtemps. Ça doit correspondre à Mauvais Casting, suite au périple que j’ai fait sur la route 61. On y était allé tourner un petit clip pour un titre qui s’appelait Sur la route 61. Il faisait partie de l’album Mauvais Casting, donc 2013, oui ça doit être ça effectivement. octobre-novembre-décembre 2016 BM > Depuis, quelles sont les nouvelles fraîches concernant le groupe ? ML > Il y a eu la sortie d’un nouvel album. Depuis 2012, c’est un rythme effréné : nous avons en moyenne 90 à 120 concerts par an. BM > C’est énorme ! ML > C’est juste énormissime ! En France, en Suisse, en Belgique, un peu en Allemagne, aux États-Unis… Tant mieux, on rattrape le temps où les gens ne voulaient pas de nous (rires). C’est aussi beaucoup de kilomètres, entre 70000 et 80000 kms par an. C’est beaucoup de sandwichs dégueulasses dans les stations services, mais c’est notre pain Interview MANU LANVIN N°82 octobre-novembre-décembre 2016 29 agaSagaSagaSaga SagaSagaSagaSag Saga LES MARQUES MODERN Texte, illistrations et photos : Bernard Boyat CES PETITES MARQUES QUI AVAIENT TOUT DES GRANDES 36 N°82 octobre-novembre-décembre 2016 LES MARQUES PARTIE 1 LES FRÈRES BIHARI Joseph Bihari (dont le patronyme viendrait d’Inde), professeur d’université à Budapest, débarque à Ellis Island en 1893. Son fils, Edward, né à Budapest et Esther Esti Taub, née à Homonna, maintenant en Slovaquie, dans une famille juive ayant émigré aux États-Unis au début du siècle dernier, se retrouvent à Philadelphie, Pennsylvanie, où ils se rencontrent et se marient en 1911. Edward travaille comme vendeur pour la fromagerie industrielle Kraft, puis il devient directeur régional de Myles Salt, avant de monter une entreprise de vente en gros de céréales et semences à Tulsa, Oklahoma. Mais il décède en 1930, victime d’une crise cardiaque, laissant Esther avec 4 filles et 4 fils. Ce sont ces derniers qui nous intéressent. L’aîné, Lester Louis, est né le 12 mai 1912 à Phoenixville (ou Pottstown, suivant les sources), Pennsylvanie. Julius Jeramiah (Jules) est né le 9 septembre 1913 à Pottstown. Saul Samuel est né le 9 mars 1918 à St. Louis, Missouri. Enfin, le benjamin, Joseph (Joe), est né le 30 mai 1925, à Memphis, Tennessee. Après le décès du père, Joe et Maxine passent une partie de leur enfance dans un foyer pour enfants juifs à La Nouvelle-Orléans, ce qui mettra Joe en contact avec la musique de cette ville. Jules travaille chez un opérateur de juke-boxes et de flippers de Tulsa vers 1935, ainsi qu’un temps comme encaisseur pour un opérateur de juke-boxes de Galveston, Texas, dont le nom inspirera celui de la marque de disques fraternelle. La famille Bihari se regroupe à Los Angeles en 1941, attirée par les emplois créés pour l’industrie de l’armement. Jules trouve du travail dans l’approvisionnement et la maintenance d’une centaine de juke-boxes Wurlitzer et Seeburg sur l’avenue centrale et dans le Watts, célèbre quartier noir de la ville, en association avec Jay Bullock, ancien mineur du Nevada. Ils opèrent depuis un petit magasin de disques, au coin de la 1ère et San Pedro. C’est ainsi qu’il découvre le Blues. Joe donne un coup de main à son frère pour remplacer les disques et collecter N°82 octobre-novembre-décembre 2016 37 agaaSagaSagaSagaSaga SagaSagaSag Saga LES MARQUES MODERN agaaSagaSagaSaga SagaSagaSagaSag Saga LES MARQUES MODERN l’argent. Il en coûte alors 5 cents pour écouter un morceau, 10 pour 2 et 25 pour 5. Généralement, les opérateurs partagent les gains moitié/ moitié avec les tenanciers, mais Jules et Bullock vont jusqu’à leur laisser 60% si leurs appareils rapportent beaucoup. À l’époque, on est en pleine pénurie de laque gommée, utilisée pour fabriquer les disques. Les distributeurs Decca et Capitol n’ont donc rien à proposer et ceux de RCA et Columbia limitent les achats à 10 exemplaires d’un disque par semaine. Cruel dilemme pour les Bihari, alors qu’ils ont 100 appareils à approvisionner. Pour tenter de résoudre l’équation, ils s’approvisionnent en disques de Blues d’occasion à Chicago, à 2 cents pièce. Jules fait alors la réflexion suivante à son frère : Joe, si nous ne pouvons acheter des disques, pourquoi ne pas en faire nous-mêmes ? Jules racontera ainsi les débuts de leur aventure discographique : Il y avait alors un morceau de Cecil Gant, I Wonder, sorti sur Bronze, puis Gilt-Edge, qui marchait bien, mais le disque était très dur à trouver, car il était pressé par Allied (en réalité, Leroy Hurte, patron de Bronze, possédait deux presses et était sous-traitant pour Allied, chez qui Capitol faisait presser ses disques. NDLR), qui ne pouvait en sortir que 500 exemplaires quotidiens. Cette marque possédait un tout petit studio, de 4 x 4m, derrière lequel il y avait un local avec une graveuse d’acétates. Ne pouvant satisfaire la demande, Allied choisit 38 N°82 Crowns. d’arrêter le pressage. C’est ce qui m’a donné l’idée de sortir un disque. Je suis allé voir un ami qui tenait un studio boulevard Robertson, avec Hadda Brooks, Jimmy Black et le batteur Cake Wichard, pour graver un acétate. Comme j’ai bien aimé le résultat, j’ai demandé si je pouvais en avoir une bonne quantité. La réponse a été qu’il fallait compter pas mal de temps pour ça. J’ai alors demandé comment faire pour avoir des disques normaux qu’on pouvait passer sur un électrophone. On m’a expliqué qu’il fallait une matrice, qu’on m’a réalisée, et je suis parti chez Charles Eckhart, boulevard Santa Monica, pour faire réaliser les moules. Un ami m’a ensuite indiqué l’endroit où je pouvais les faire presser. Nous y sommes allés et, comme ils n’avaient pas d’ouvrier pour le pressage, on nous a montré comment les presser. En 3 heures, nous en avons pressé une vingtaine mais, quand nous les avons écoutés, octobre-novembre-décembre 2016 le son était si pourri qu’il était impossible de les mettre dans un juke-box. Nous sommes revenus chez eux pour expliquer la situation et on nous a dit qu’il fallait installer des centreurs. Il a fallu aller chez Allied pour en faire mettre sur la matrice. Deux heures plus tard, c’était fait et nous avons pu presser des disques.» HADDA BROOKS INAUGURE LA MARQUE Les frères lancent ainsi la maison de disques Modern Music, abrégé en Modern ensuite, le 21 avril 1945. L’événement est annoncé dans le Billboard du 28. Leur but est d’enregistrer un éventail varié de styles musicaux noirs et blancs : Rhythm’n Blues, Country & Western, Jazz, Variété, Blues, Gospel. Ils ont, d’emblée, la main heureuse, puisque, pour 800 $, ils font enregistrer le simple Modern 101 / 102 Swingin’ The Boogie / Bluesin’ The Boogie par la pianiste Hadda Brooks. C’est un LA LETTRE et L’ESPRIT Par Patrice Gandois dEATh LETTER bLuES dAnS LE n° 81 dE bLuES MAgAzInE, LE gRAndE bARbARA hEndRIckS PARLAIT dE Son AMouR PouR Son houSE, ET TouT PARTIcuLIèREMEnT LoRSqu’IL InTERPRéTAIT dEATh LETTER bLuES. PARMI LES vERSIonS dE Son houSE, PARfoIS à RALLongE, dE cE MoRcEAu, cELLE cI-dESSouS A éTé EnREgISTRéE à boSTon LES 12 ET 14 AvRIL 1965, PouR coLoMbIA. Death Letter BLues Death Letter BLues > I got a letter this mornin, how do you reckon it read ? > It said, « Hurry, hurry, yeah, your love is dead » I got a letter this mornin, how do you reckon it read ? > You know, it said, « Hurry, hurry, how come the gal you love is dead ? » > J’ai reçu une lettre ce matin, qu’est-ce que tu crois que ça disait ? > ça disait : « Magne-toi, magne-toi, ta chérie est morte » > J’ai reçu une lettre ce matin, qu’est-ce que tu crois que ça disait ? > ça disait : « Magne-toi, magne-toi, la femme que tu aimes est morte » > So, I grabbed up my suitcase, and took off down the road > When I got there she was layin on a coolin’ board > I grabbed up my suitcase, and I said and I took off down the road > I said, but when I got there she was already layin on a coolin’ board > Well, I walked up right close, looked down in her face > Said, the good ol’ gal got to lay here ‘til the Judgment Day > I walked up right close, and I said I looked down in her face > I said the good ol’ gal, she got to lay here ‘til the Judgment Day > Bon, j’attrapé ma valise et j’ai pris la route > Quand j’ai été là-bas, elle était allongée sur la planche à froid > J’ai attrapé ma valise et j’ai dit et j’ai pris la route > Quand j’ai été là-bas, elle était déjà allongée sur la planche à froid > J’me suis approché tout prêt, et l’ai dévisagée > J’ai dit : « T’es une brave fille, faut qu’tu restes ici jusqu’au jugement dernier » > J’suis approché tout prêt, et j’ai dit, je l’ai dévisagée > J’ai dit : « T’es une brave fille, faut qu’tu restes ici jusqu’au jugement dernier » > Looked like there was 10,000 people standin’ round the buryin’ ground > I didn’t know I loved her ‘til they laid her down > Looked like 10,000 were standin’ round the buryin’ ground > You know I didn’t know I loved her ‘til they damn laid her down > On dirait qu’il y a 10 000 personnes debout autour de la tombe > J’savais pas que j’l’aimais jusqu’à ce qu’elle soit allongée > On dirait qu’il y a 10 000 personnes debout autour de la tombe > Tu sais, j’savais pas que j’l’aimais jusqu’à ce qu’elle soit allongée > Well, I folded up my arms and I slowly walked away > I said, « Farewell honey, I’ll see you on Judgment Day » > Bon, j’ai replié mes bras et je suis parti lentement > J’ai dit : « Adieu chérie, j’te verrai au jugement dernier » 74 N°82 octobre-novembre-decembre 2016 LA BASSE de Pascal > par Pascal Sarfati Country musique DANS CE NUMÉRO, JE VOUS PROPOSE DE FAIRE DE LA COUNTRY. POUR CE STYLE COMME POUR BEAUCOUP D’AUTRES COMME ROCK, RNB, ROCKABILLY, ON UTILISE LA GRILLE BLUES. La grille de Blues est une grille d’accords en 1-4-5, 1er, 4ème et 5ème degré, soit en G (G C D) et en A (A D E). Cet article sur la Country fait suite à celui de Benoît Been’s Collin qui alterne ses articles batterie avec les miens. De plus, nous jouons ensemble dans un groupe de Country Music, appelé Acounstrik (Luc guitare/chant, Benoît à la batterie et Pascal à la basse). La ligne de basse Country La ligne de basse est une alternance de fondamentales quintes en noir. C’est vraiment très typé, comme ligne de basse en Do, juste Do et Sol en noir etc. C’est une grille Blues, comme bien souvent, vous l’avez compris, dans ce style. Maintenant au travail ! Un petit Country, ça peut être sympa non ? À bientôt Pascal Blues en E Standard tuning 78 N°82 octobre-novembre-décembre 2016 BLUES books SWEET SOUL MUSIC Peter Guralnick Les Éditions ALLIA Monumental ouvrage de conception remarquable, voilà ce qui caractérise cette histoire du Rhythm & Blues sur fond de rêve sudiste de liberté. 515 pages de texte, 9 pages de bibliographie, 19 pages de discographie, un nombre incalculable de photos font de ce livre, hyper documenté, une encyclopédie indispensable. Tout commence avec Sam Cooke, se poursuit avec Ray Charles, Solomon Burke, Otis Redding, James Brown, Aretha Franklin ou Al Green, passe par certaines villes comme Macon, Muscle Shoals ou Memphis, s’invite dans des labels Stax ou Motown. Phénomène exceptionnel qui s’est abattu, au début des années soixante, sur les États-Unis d’abord, puis sur le reste du monde ensuite, Il a marqué à jamais la culture populaire et l’approche que l’on faisait, jusque là, des différents styles musicaux. Culture noire et culture blanche se sont imbriquées comme jamais auparavant, musique sacrée, musique du diable et musique profane se sont rejointes dans une même soif de liberté… Mais je n’en écris pas plus maintenant, précipitez vous pour dévorer l’une des dernières pépites que viennent d’éditer les Éditions Allia ! Ce livre a paru pour la première fois chez Harper & Row, à New York, en 1986. Dominique Boulay JOHNNY CASH I WALK THE LINE Silvain vanot Éditions Le Mot Et Le Reste Hormis la couleur de peau, Johnny Cash présentait les mêmes signes distinctifs de bon nombre de Bluesmen noirs jusque et y compris le dur labeur dans les champs de coton ! Et s’il avait dû être un personnage de roman américain, c’est plus du côté des Raisins de la colère qu’il aurait fallu aller le chercher, que de celui de Gatsby le magnifique ! Mais pourtant, ce n’est pas, à proprement parlé, d’une biographie de l’artiste qu’il s’agit, avec tout le côté fastidieux du pavé de 500 pages, mais plutôt d’une sorte de sélection du Reader‘s digest, d’un résumé du parcours d’un personnage fondamental de l’histoire de la Musique Américaine d’une part, mais également de l’Histoire du peuple Américain, d’autre part. Un petit bouquin que je ne placerai pas trop loin d’Une Histoire populaire des États-Unis d’Howard Zinn ! L’occasion inestimable d’apprendre l’essentiel sur Johnny Cash, tout en passant un bon moment. Dominique Boulay N°82 octobre-novembre-décembre 2016 79 Sélection DVD ROLLING STONES TOTALLY STRIPPED Eagle / Universal MELODY GARDOT LIVE AT THE OLYMPIA Eagle Vision / UNIVERSAL DVD, Blu-ray Melody Gardot était de passage dans cette salle mythique qu’est l’Olympia en octobre 2015, pour retrouver son public français. L’enregistrement du concert contient des titres de son dernier album comme Currency Of Man. Il est difficile de classer la musique de Melody Gardot, elle offre toujours des concerts teintés de Jazz, de Blues et de R&B. Grâce à ses talents de compositrice et d’interprète, Melody Gardot a réussi, en quelques années, à conquérir un public, à être nominée aux Grammy Awards. Cette artiste, née à Philadelphie, a connu un grave accident à l’âge de 19 ans, qui aurait pu lui être fatal. La musique fut sa meilleure thérapie. Ses shows sont élégants, que ce soit au piano ou à la guitare, sa voix reste toujours sensuelle, sentimentale, voire impertinente, accompagnée d’un excellent orchestre. Décidément, chaque trimestre nous apporte sa nouvelle livraison d’archives vidéo des Stones. Et cette fois, la mise en abîme s’avère de taille ! En 1995, en pleine folie MTV Unplugged (de Dylan à Neil Young, en passant par Rod Stewart et bien sûr Clapton), le Jag a l’intuition mercantile que la formule pourrait bien lui décrocher un nouveau jackpot. Bill Wyman les a alors quittés depuis 3 ans, et Mick Taylor depuis 20. Sur les travées de leur album Voodoo Lounge, les vieux grigous viennent de s’enquiller 2 ans de tournée mondiale, et le concept jouons la profil bas évoque alors ces patrons du CAC 40, se faisant photographier pour Paris-Match au volant de la R5 de leurs enfants. Cette série de concerts intimistes (une salle de 2000 places comme l’Olympia, c’est l’équivalent de la fête à Neuneu de Plougastel pour une institution comme les Stones) est l’occasion de les côtoyer au plus près de l’os. Tout le monde ou presque possède un beau-frère qui joue de la guitare mieux que Ron Wood, mais c’est précisément là que réside le principal atout du bougre : cet infiltré venge tous les tribute bands de la planète. En fait, comme il le confesse avec candeur ici, il EST un tribute band à lui tout seul (j’essaie de prolonger la tradition en repiquant un riff de Mick Taylor par ci et un lick de Brian Jones par là, au service de ces chansons dont j’étais fan avant de me joindre à eux). Alors, qu’importe que sur la scène restreinte du Paradiso d’Amsterdam ou celle de la Brixton Academy, les pièces rapportées (de Chuck Leavell à Bernard Fowler, en passant par Bobby Keys, Lisa Fischer et Darryl Jones) soient 3 fois plus nombreuses que les derniers Stones originels encore en lice. Ce DVD (accompagné du CD audio correspondant) permet de constater que, s’ils accusaient déjà le poids des années il y a 20 ans, cette bande de pirates à la manque aurait bien pu postuler au titre de meilleur groupe local du monde (désormais attribué pour l’éternité à Dr Feelgood), si la gloire ne s’en était mêlée. Ne boudons cependant pas notre plaisir : ces fossiles rockaient encore fièrement, en ces temps révolus. Christian Le Morvan Patrick Dallongeville Le Chat Musiques Cellier des Moines 10 Cour du Château - 58400 La Charité-sur-Loire www.lechatmusiques.com 80 N°82 octobre-novembre-décembre 2016 CD à la tentation Arlen roth Slide Guitar Summit Aquinnah ss N° Mark Pucci Media, 5000 Oak Bluff Ct Atlanta GA 30350, www.markpuccimedia.com ArthUr MiGliAZZA layinG it down Hobemian Records HB 0017 Si, comme moi, vous aimez le piano, là encore on se trouve face à un virtuose de l’instrument. Il n’est certes pas le seul, mais inconditionnel que je suis de cet instrument, je scrute ce que chacun des artistes en sort. Il y a chez cet Arthur une diversité de styles de reprises Rock avec I’Ready emprunté à Fats Domino, ou Bourbon Street Parade de P. Barbarin, qui nous emmènent à La Nouvelle-Orléans, sur lesquels il chante, de Boogie Woogie d’Albert Ammons (Boogie Woogie Stomp, The Boogie Rocks), Huey Piano Smith (Rockin’ Pneumonia & The Boogie Woogie Flu) ou Meade Lux Lewis (Honky Tonk Train Blues). À noter une très belle interprétation de St Louis Blues de WC Handy, joué de manière chaloupée au début, puis rapide en final, style Ragtime, un pot-pourri de Louis Prima avec Sing Sing Sing et de Jack Fina avec Bumble Boogie, et une compo instrumentale (Thank You Blues) Blues lent qui évoque le passé en compagnie de l’harmoniciste Sean Divine, et un hommage au Professor Longhair en collaboration avec H. Byrd. Arthur Magliazza a su s’entourer de très bons musiciens, Andy Roth et Eric Eagle ou Kelly Van Camp aux drums, Keith Lowe et Ed Friedland à la basse, les parties de guitare confiées à Jeff Fielder et Bill Molloy et Laura Martin (Love You Mama) entre autres… Suitcase Blues de Del Rey et Hersal Thomas est un autre super morceau qu’Arthur interprète, mais en solo, C’est de la bonne musique, jouée au plus haut niveau avec les changements de tempo et des couches de couleurs musicales et de tons en un peu plus de 50’. Ce bel album trouvera certainement la faveur des amateurs de musique axée sur le piano, comme moi. Jean-Marcel Laroy 82 Si vous aimez la slide guitar, ne laissez pas passer l’occasion et procurez-vous cet album, qui n’usurpe vraiment pas son nom, avec la présence d’une dizaine de maîtres du genre, dont Johnny Winter (ce fut son ultime session). Tous les titres chantés relèvent du Rockin’ R’n’B ou du Rockin’ Blues, les instrumentaux sont presque tous des ballades très agréables. Les plus étonnants du lot sont les reprises de Peach Pickin’ Time In Georgia (Jimmy Rodgers) et de Steel Guitar Rag (Merle Travis), qui valent vraiment le coup. Bernard Boyat Artistes Divers Hard time BlueS 1927-1960 Frémeaux FA 5480 20 rue Robert Giraudineau, 94300 Vincennes, www.fremeaux.com Ce double CD, dont les textes des morceaux les plus représentatifs devraient figurer dans les manuels d’histoire traitant du mouvement des Droits Civiques, est une anthologie, aux deux sens du terme. Tout est superbement conçu : le livret (Jean Buzelin et Jacques Demêtre) est des plus explicites sur l’évolution du Blues de 1927 à 1960, dans le contexte politique et social. Les morceaux sont choisis avec soin et classés par thème chronologique. Pour le contenu musical, il correspond à celui de la période indiquée, avec du Blues rural, du Folk Blues, du Talking Blues, du Blues urbain plus sophistiqué, un peu de Ragtime, de Boogie, de Rock’n Roll, de R’n’B. Indispensable, au-delà de la musique, à tous ceux s’intéressant à l’évolution de la société américaine. Bernard Boyat N°82 octobre-novembre-décembre 2016