Version PDF - Le Télescope d`Amiens

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Les salariés du Crous craignent pour leur santé
Le 07 avril 2013 par Fabien Dorémus
Un questionnaire est en train d'être distribué aux salariés du Crous d'Amiens-Picardie, l'organisme public qui
gère la restauration, l'hébergement et les aides sociales des étudiants. Élaboré par la CGT, il a pour objectif «
d'aborder, d'appréhender, et d'analyser un sujet d'actualité fréquent, de plus en plus grandissant et
omniprésent: le harcèlement moral au travail». En vingt-et-une questions.
Pour les syndicalistes, le questionnaire doit permettre d'y voir plus clair, d'obtenir des informations sur l'état de
santé de leurs collègues. «C'est la première fois que l'on fait ça, explique Martial Leulier (CGT), agent
d'entretien et de maintenance dans les résidences du Bailly. Pour l'instant, des collègues nous disent des
choses mais ce n'est qu'oral. Là, on veut collecter des éléments concrets pour les faire remonter, si besoin, à
la direction.»
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Martial Leulier, Colette Voyer et Francis Martins (CGT).
Les agents du Crous ne seraient pas très en forme. Ils parlent volontiers de «manque de reconnaissance» dans
le travail, de «pénibilité accrue» et d'une «fatigue» accumulée qui pèserait de plus en plus lourd chez une
population ouvrière qui vieillit. «L'âge médian des ouvriers du Crous est de 49 ans et ils effectuent des travaux
pénibles, reconnaît Carole Holleville, directrice des ressources humaines. Mais cela n'affecte pas le taux
d?absentéisme.» D'après le Bilan social 2012 du Crous d'Amiens-Picardie, les personnels ouvriers sont de
moins en moins absents: les accidents de travail et les arrêts maladies ont baissé ces quatre dernières années.
Pas de quoi convaincre les délégués du personnels. Pour Francis Martins (CGT), cuisinier au restaurant
universitaire St-Leu, «il y a les chiffres officiels qu'on nous présente mais sur le terrain, ce n'est pas ce que
l'on voit. La médecine du travail est de plus en plus souvent saisie. De plus en plus de collègues sont reconnus
travailleurs handicapés.» Des chiffres officiels qui ne prendraient pas non plus en compte la question du
harcèlement moral: «Des collègues avouent des choses mais seulement entre deux portes, ils ont peur d'être
réprimandés.» C'est la raison pour laquelle la CGT, majoritaire chez les personnels ouvriers, a commencé à
faire circuler son questionnaire sur le harcèlement moral.
Pourquoi les conditions de travail se seraient-elles dégradées ? Selon la CGT, il y a de plus en plus de salariés
précaires, embauchés en CDD. Pour la direction, cela se justifie notamment lors des périodes de plus forte
activité, comme le moment des inscriptions ou de la rentrée des étudiants. Carole Holleville, la directrice des
ressources humaines du Crous, estime à «une trentaine» le nombre de CDD «recrutés dans l'année pour des
remplacements maladie ou des surcroîts de travail.»
Carole Holleville, directrice des ressources humaines.
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«Dans ce cas là, ça veut dire qu'on a parfois un surcroît de travail 9 mois sur 12!», ironise-t-on du côté de la
CGT, pour dénoncer un recours trop systématique aux emplois précaires. Le syndicat a compté 46 agents en
CDD en 2012. Le 2 octobre dernier, une grève a éclaté sur cette question. «On voulait que les CDD soient
titularisés, indique Martial Leulier. Au final, sept d'entre eux l'ont été sur quatorze demandes.»
Baisse continue des effectifs
Pour les employés, c'est aussi la baisse globale des effectifs qui provoque la dégradation des conditions de
travail. La CFDT a publié un communiqué le 25 mars dans lequel elle explique que «le nombre d'agents
d'exécution pour maintenir (leur) activité est passé de 244 agents en 2011 à 221 agents en 2012 (CDI et CDD
confondus).» Une baisse des effectifs ouvriers qui serait également accompagnée d'une baisse des effectifs
dans les services administratifs du Crous. Selon la CFDT, les personnels administratifs sont passés de 46
fonctionnaires et 14,5 CDD en 2011 à 45 fonctionnaires et 11,1 CDD en 2012.
La direction réfute ces chiffres. «Entre 2011 et 2012, le nombre d'agents en CDI est stable», assure Carole
Holleville. Dans son Bilan social 2012, le Crous note qu'à la fin de l'année dernière, il y avait 186 agents en
CDI, autant qu'en 2011. Mais le graphique permet de voir l'évolution depuis 2005. Et là, le bilan est moins
glorieux. En sept ans, le Crous a perdu 24 emplois ouvriers, passant de 207 équivalents temps-plein à 183. Soit
une baisse de 11,6%.
Extrait du Bilan social 2012 du personnel ouvrier du Crous.
Pourquoi cette baisse ? «La situation du Crous n'est pas florissante», explique Carole Holleville. Et de donner
comme explication la chute de fréquentation des restaurants universitaires. «Avec la concurrence des
sandwicheries, le changements des habitudes alimentaires des étudiants, et parfois le manque de temps pour
manger, la restauration traditionnelle a moins de succès qu'auparavant.»
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Pour les syndicats, l'argument n'est pas convaincant. D'abord parce que l'année 2012 a été une très bonne
année en terme de fréquentation de la restauration, avec quasiment autant de repas servis qu'en 2008, année
référence. Le chiffre d'affaires de la restauration du Crous a ainsi atteint 13,2 millions d'euros en 2012.
Mais surtout, la baisse tendancielle de la fréquentation des resto-U aurait d'autres causes: «Quand on est passé
au 35heures, se souvient Raymond Rivière (CFDT), il n'y a pas eu d'embauches et beaucoup de restos ont
fermé le soir et le week-end. C'est à partir de ce moment-là que la fréquentation a commencé à baisser.» Une
situation qui serait similaire dans tous les Crous de France. «Nationalement, en dix ans on a perdu 10 millions
de repas servis, dont 9,5 millions le week-end et les jours fériés», assure Raymond Rivière.
Raymond Rivière (CFDT).
Par ailleurs, l'État ne subventionne plus les repas comme autrefois. Au début des années 1980, le financement
était paritaire: la moitié du prix était à la charge de l'étudiant, l'autre moitié à la charge de l'État. Aujourd'hui
un étudiant paye 60% du prix, soit 3,10 euros. La hausse continue du prix du repas pourrait avoir découragé
les étudiants les plus pauvres de manger au restaurant universitaire.
Trop d'investissements ces dernières années ?
Il y a deux types de salariés au Crous. Ceux qui sont payés directement par l'État via des subventions, ce sont
les personnels administratifs (PA). Ils sont fonctionnaires. Et ceux qui sont payés sur les fonds propres du
Crous, ce sont les personnels ouvriers (PO). Or, les fonds propres du Crous d'Amiens-Picardie ont fondu ces
dernières années.
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En effet, depuis une dizaine d'années, le Crous a lancé de grandes opérations de réhabilitations de ses
résidences universitaires. «Aujourd'hui presque toutes les résidences de Picardie ont été rénovées, se félicite
Régis Hoyer, directeur adjoint du Crous. Il ne reste que la résidence Saint-Leu à Amiens.»
Mais une partie du coût des rénovations fut à la charge du Crous d'Amiens-Picardie. «On a tellement investi
sur les fonds propres que nos réserves sont à zéro, regrette Régis Hoyer. Les prochains investissements seront
subventionnés à 100%, par le Cnous ou la Région. On ne peut plus faire autrement.»
Privatisation d'un service de ménage
Les rénovations de ces dernières années ont puisé dans les réserves mais ont aussi engendré de nombreuses
périodes de fermetures de résidences, d'où un fort manque à gagner. «On s'est privé de nombreux loyers, je
crois que certains calculs n'ont pas été bien faits à l'époque», admet Régis Hoyer, arrivé au Crous il y a quatre
ans. Pour se refaire une santé financière, le Crous ouvre depuis deux ans ses résidences traditionnelles (petites
chambres) tout l'été. La première année, cette mesure a permis de récolter 80000 euros. Une belle somme.
Les fonds propres du Crous ne sont pas au mieux, et c'est avec les fonds propres que l'on paye les personnels
ouvriers. Pour faire des économies, il a été décidé de confier au privé le service ménage de la nouvelle
résidence universitaire Charles-de-Gaulle, ouverte début 2011. «C'était moitié prix, explique le directeur
adjoint. Mais le service n'a pas donné satisfaction. Comme on est condamné à faire des économies, on va
essayer avec une autre entreprise. On fera la bilan dans un an.»
Aucune autre externalisation ne serait prévue par le Crous, selon la direction. «En ce moment, on est plutôt
dans une réflexion pour mutualiser les services entre plusieurs Crous.»
Il devrait même y avoir des embauches dans les prochaines années, afin d'accompagner la renaissance des
résidences A et B du Bailly, situées à côtés du campus amiénois. Le Bailly A devrait être rasé afin d'accueillir
200 logements modulaires en conteneurs fin 2015. Quant au Bailly B, il sera rénové en 2016.
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Les résidences du Bailly A et B seront rénovées en 2015 et 2016.
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