Acquisition de la parole: production, du babillage
Transcription
Acquisition de la parole: production, du babillage
L7PHO (CM8) Acquisition de la parole: production, du babillage aux premiers mots (Pierre Hallé, LPP) 30 novembre 2011 1 1 CM8: Acquisition 1 Ce cours décrit les étapes majeures observées dans les productions vocales des enfants de 0 à 2-3 ans, pour les aspects segmentaux et prosodiques. L’accent est mis sur la “spécialisation” des enfants pour leur langue maternelle, au delà des contraintes universelles de maturation anatomique et de contrôle moteur : Quels aspects des productions vocales deviennent typiques de la langue maternelle, et vers quel âge ? La première partie du cours (CM) est centrée sur les caractéristiques phonétiques du babillage ; la seconde (TD) aborde l’émergence de la production des mots, et l’émergence d’une proto-phonologie. • Les étudiants devraient surtout retenir les différentes étapes des productions vocales, et leurs principales caractéristiques. • Ils devraient aussi savoir distinguer/expliquer les aspects spécifiques et les aspects universels des productions vocales des enfants et, idéalement, repérer/formuler les régularités trouvées dans les premiers mots. 2 2 ENJEUX THÉORIQUES (1) CAPACITÉS/CONNAISSANCES INNÉES versus APPRISES inné vs. acquis / organe du langage vs. “tabula rasa” Grammaire Universelle (GU) vs. apprentissage ex nihilo disposition innée pour le langage (enfants privés d'input vs. singes apprenants) interactions complexes entre organisme et milieu (influence de la langue native…) (2) PHYLOGENÈSE / SPÉCIFICITÉ DE LA PAROLE • Evolution progressive (incrémentale) vs. mutation ? • Etapes intermédiaires, proto-langages ? • Spécificité de la parole dans les espèces • Spécificité du traitement de la parole (vs. autres sons) 3 • La faculté du langage engage-t-elle des capacités innées ? Ce serait l’organe du langage, postulé par les théories nativistes: cf. Chomsky, Pinker, Jackendoff, etc. Le LAD (Language Acquisition Device) de Chomsky. D’autres postulent des mécanismes d’apprentissage généraux: cf. Bates, Locke (tabula rasa’s & today’s John Locke). • le moyen terme, c’est “l’instinct du langage”; un précâblage limité à des mécanismes de traitement, pas de représentations préétablies: cf. Jusczyk & Bertoncini, etc. Que nous apprennent les enfants sur la phylogenèse? On suppose la Phylogenèse à l'image de l’Ontogenèse • Grande question: Évolution incrémentale ou mutation(s)? Etapes intermédiaires ? • Question de la spécificité de la parole (=langage parlé): Est-elle spécifique à l’espèce humaine ? (la parole est le propre de l’homme ?) -son traitement est-il spécifique ? C’est à dire différent du traitement des bruits, des sons quelconques ? 3 Question des singes '30s: Gua (Kellog's) couldn't speak '40s: Vicki (Hayes') said 'cup', 'up', 'mama', 'papa' (?) '60s: Washoe (Gardner's) (adapted) ASL: 130 signs, 2-3 w-sentences? '70s: Loulis, son of Washoe (Fouts') learned signs from mother? ——: Lana (Savage-Rumbaugh) keys on electronic keyboard ——: Nim Chimsky (Terrace) ASL ——: Sarah (Premack's) magnetic tokens: learned "colour" concept ——: Koko (Patterson) ASL, created new words: 'eye-hat' ≈ 'mask' … '90s: Kanzi (Greenfield) ASL/keyboard learned some syntax? Chomsky: why would chimps need us? language faculty is so advantageous... Enfants privés d'input légendes: Psamtik I (600 BC): selon Hérodote, 1er mot becos (Phrygien); autres: Jean IV d'Ecosse: l'hébreu… Victor de l'Aveyron (Sicard puis Itard): never could speak (only "Oh Dieu") but could write. Helen Keller: sourde/aveugle à 19 mois: apprend par le toucher (w-a-t-e-r), puis à parler (-> méthode Tadoma), à lire/écrire le Braille… 'Genie': enfant placard '70s (!) at 13: only learned telegraphic speech. 'Isabelle': isolée avec mère muette -> 6: good language level after 2 years! Suggère: l’âge est critique surtout pour le langage parlé (Victor); implications pour un "organe du langage" ? 4 Pour comparaison: cas d'enfants privés d'input; selon l'âge de la privation, une récupération du langage est possible ou non (notion d'age critique); rien de tel chez les singes … Singes "surexposés" au langage humain: ils n'apprennent guère. Enfants sauvages/séquestrés privés d'input: ils "savent" quand-même ! => Les humains ont au départ qqch comme un organe du langage ou des prédispositions pour qu'un tel organe se développe. 4 connaissances innées vs. acquises par apprentissage ? Question dépassée ? Non, le débat est vif et l’enjeu important : l’esprit de l’enfant a-t-il un contenu indépendant de l’expérience ? => Points de vue empiriste vs. innéiste Elizabeth Spelke: théorie des “core knowledge” innés (géométrie, numérosité, physique, balistique, orientation dans l’espace…). Ces core knowledges, peuvent être communs à plusieurs espèces animales. C’est leur utilisation en combinaison qui peut être spécifique à telle ou telle espèce animale. 5 5 “Core Knowledge of Geometry in an Amazonian Indigene Group” Dehaene, Izard, Pica, & Spelke (2006), Science, 311, 381-384 Does geometry constitute a core set of intuitions present in all humans, regardless of their language or schooling? ... Mundurukú children and adults spontaneously made use of basic geometric concepts such as points, lines, parallelism, or right angles to detect intruders in simple pictures ... evidence for geometrical intuitions in the absence of schooling, experience with graphic symbols or maps, or a rich language of geometrical terms. 6 Succès au test "quel et l'intrus ?" 6 organe du langage vs. apprentissage non spécifique arguments pour l'organe : • Idiots parlants; e.g., syndrome de Williams • Dysphasiques surdoués ; Autistes Asperger qui ne parlent pas (apprentissage ou défaut d'apprentissage n'ont rien à voir avec le langage) • Malgré la pauvreté de l'input les enfants apprennent à parler sans effort : (re)création d'une langue structurée sans langue maternelle véritable - créoles à partir des pidgins - langues signées à partir de "pidgins" signés (Nicaragua: LSN → ISN) - cas d'enfants développant seuls une langue signée • combinatoire infinie, production de nouvelles phrases JAMAIS apprises… Compromis entre organe inné et apprentissage général Ce qui est inné pourrait être simplement un programme d'acquisition (innately guided learning) : Darwin parlait déjà de “… tendance instinctive à acquérir l'art du langage” 7 GU, rien, ou des capacités d'apprentissage générale ? Arguments pour l'organe : -- idiots parlants vs. dysphasiques surdoués: n'ont pas ou ont le potentiel intellectuel pour "apprendre » => ce potentiel n'a rien à voir avec la parole. cf. aussi Lenneberg (~1960s): la capacité du langage est indépendante du QI (sauf pour les cas de retard mental très grave); en particulier, les surdoués n'apprennent pas plus vite ou ne maîtrisent pas mieux le langage que les normaux. -- les enfants apprennent à parler malgré la pauvreté de l'input : • acquisition sans effort • invention, création d'une langue structurée en l'absence de langue maternelle véritable (créoles à partir des pidgins; langues signées à partir de "pidgins" signés ou de transposition signée de langue orale: "Idiome des Signes du Nicaragua" et "Langue des Signes du Nicaragua » • enfants développant seuls une langue signée (e.g., "Simon") (Pinker, 1994) -- combinatoire infinie et production de phrases nouvelles jamais apprises… compromis : ce qui est inné n'est pas la GU, mais un programme d'acquisition (innately guided learning). Darwin parlait déjà de "… tendance instinctive à acquérir l'art du langage" 7 PLAN ◊ production: spécialisation vers la langue maternelle • aspects généraux (liés à la prosodie) - exemples de babillages anglais, français … • caractéristiques segmentales - voyelles, consonnes, cooccurrences - vers le modèle adulte • premiers mots • mots de fonction 8 8 Productions vocales enfantines: les stades "classiques" (1) 0–2mois : sons "végétatifs" ou "réflexifs" (2) 2–5 mois : 'cooing' (arheu, agueu …); 16 semaines : rire vers 4–5 mois : contrôle phonation, premières voyelles (Koopmans van Beinum & van der Stelt, 1979) (3) 3–7 mois : vocalisations "volontaires", (qques protosyllabes) (4) 7–10 mois : babillage canonique (syllabes répétées et jargon) (5) 9-11 mois : 'variegated' babbling et jargon Variantes terminologiques - "Goo" stage (Oller, 1980), "Cooing" (Stark, 1980), "Glottal" and "Velar" stage (Roug et al., 1989). - "Expansion stage" (O), "Vocal Play" (S), "Vocalic stage" (R) - Koopmans van Beinum (1979): uninterrupted/interrupted phonation (1/2) reduplicated articulatory movements (4), phonatory variations (3) 9 Cooing: une explication (spéculative) des sons de gorge (roucoulements) est qu'à cet âge les bébés sont souvent allongés sur le dos => langue va vers l'arrière par gravité Bleu: avant le babillage Vert: babillage 9 Positions théoriques sur le statut du babillage • exercices sans rapport avec le stade linguistique des 1ers mots Jakobson (1941: Langage enfantin et aphasie) Lenneberg (1967: Biological foundations of language) (pts communs: 1. caractère universel, 2. input peu (pas) important, 3. discontinuité entre babillage et 1ers mots) • continuité entre babillage et 1ers mots, modèle "biomécanique" MacNeilage (1980-2006: Frames then Contents): base = cycle mandibulaire; contraintes biomécaniques de production ; on reste dans l'universel mais la continuité observée est expliquée Vihman (1997: "articulatory filter"): 1st words selected fit babbling articulatory routines ("vocal motor schemes") • interaction entre contraintes universelles et "expérience" de l'input de Boysson-Bardies et col. (1989: babbling drift, cf. Brown '50s) (sélection des formes phonétiques et prosodiques pertinentes) 10 • MacNeilage: oscillation mandibulaire = geste de base organisateur de toutes les productions de parole ; ancienneté biologique du noyau du rythme: SMA + basal ganglia; lobe pariétal (postérieur inférieur) <-> boucle articulatoire • Lindblom: les systèmes phonétiques émergent "mécaniquement" comme adaptations aux contraintes de production (faisabilité) et de réception (discriminabilité); systémes auto-organisés. 10 importance de l'input auditif et visuel • orientation "spéciale" des enfants pour la parole: détection des accents étrangers (Grégoire, 1937: anecdotes; Mehler et al., 1988: données expérimentales) • capacités d'imitation des expressions/gestes, e.g. du visage: Meltzoff & Moore (1977), Science. • enfants sourds: - vocalisations jusqu'à 6 mois - babillage retardé de ~6 mois, surtout [ba, ma, pa] "visibles" - babillage manuel L’hypothèse de l'interaction explique la convergence vers le modèle adulte 11 Grégoire: son fils Edmond ~10 mois riant aux éclats en entendant un ami anglais parlant le français avec un fort accent… Enfants aveugles. Quelques problèmes, bizarrement (?) pour la grammaire: style télégraphique avec peu de morphologie, peu de mots de fonction. Production / perception : parallélisme pour la spécialisation après ~8 mois pour ce qui est segmental, bien avant pour ce qui est prosodique. 11 Facial imitation at 2-3 weeks Meltzoff, A. N., & Moore, M. K. (1977). Imitation of facial and manual 12 gestures by human neonates. Science, 198, 75-78. 12 Base du "babillage manuel" : Petitto et al. (2001), Nature 13 13 babillage manuel Petitto & Marentette, 1991, Science deaf children Petitto et al., 2001, Nature Les enfants exposés à l'ASL ont, en plus du beat "rapide" (2.5 Hz), un rythme lent (~1.5 Hz) : ce serait la base du babillage manuel. — speech-exposed — sign-exposed hearing children 14 Relation avec le babillage "vocal" (i.e., normal): la base syllabique. On considère que le babillage vocal apparaît lorsque au moins 20% des productions ont un "format" syllabique : durée < 500 ms, attaque-rime, variations F0 dans une registre modal. Ce critère des 20% est appliqué ici pour les gestes des mains : sont comptés comme proto-signes ceux qui ont des caractéristiques dynamiques proches des gestes signés. (notation par des juges experts en ASL) Le panneau de droite donne une idée de ce qui peut différencier la dynamique des proto-signes et celles des gestes ordinaires. 14 Les bébés utiliseraient le côté droit de la bouche (plus ouvert) pour le babillage, mais pas pour les sourires ou autres sons de "non-babillage" (Holowka et Pettito, 2002, Science: 10 5-12-mos Fr/Eng babies) 15 Pour commencer, quelque chose de mignon: Dès 7-8 mois, les bébés babillants utilisent leur hémisphère gauche pour babiller, et plutôt le droit pour sourire, grogner, etc. Le babillage n’est donc pas un simple exercice pour se dégourdir les mandibules. Il est bien prélinguistique, mais dans le sens où “pré-” signale un précurseur. 15 SMILING BABBLING Fig. 1. Consecutive frames from video recordings showing a baby's left mouth opening while smiling (left) and right mouth opening while babbling (right). Mean Laterality Index (LI) scores for all of the babies were as follows: babble = +0.88 (red), nonbabble = -0.08 (yellow), and smile = -0.82 (blue). 16 MLI: indice de latéralité; positif (rouge) => ouverture de la bouche davantage à droite qu'à gauche; négatif (bleu) => supériorité gauche … Donc HG impliqué dans babillage vs. HD ds sourire et grimaces (affectif) 16 Les babillages commencent à se différencier dès 8 mois Expériences de jugement subjectif (de Boysson-Bardies et al., 1984) : Ss adultes français ; paires d'échantillons babillage [fr. , autre] échantillons de babillage comparaison 8 mois 10 mois français vs. tunisien français vs. cantonais 75.8 69.4 74.4 31.9 pourcentages d'identifications correctes (lequel des deux est français ?) critères possibles: intonation, qualité de voix … => impressions rapportées: bébés tunisiens: attaques dures, friction dans relâchements, accentuation. bébés français: allongements, modulations plus douces. bébés cantonais: entering tones –> glottal stop exemples adultes : 合 [hap], 一 [yat], 國 [kok] => [ha?, ya?, ko?] 17 Comment: à 10 mois, bébés français et cantonais difficiles à distinguer (moins d'infos de nature prosodique). 17 Language-specifity even earlier ! Mampe,B., Friederici,A., Christophe,A., & Kathleen Wermke, K. (2009). Newborns’ cry melody is shaped by their native language. Current Biology, 19, 1-4. 18 18 extrait de babillage "cantonais" Typique du cantonais ? [l!.!ː# t!ʔ] ton "entrant" sur [t!] (≈ [t!˦]) 19 19 extrait de babillage "algérien" Typique d'une langue arabe? [ʔ!jze !jɛː] (glottal stop en initiale) 20 20 extrait de babillage "british" No comment … On croit reconnaître "sandwich" (+ pattern F0 !)21 21 extrait de babillage "français" Un échantillon moins exotique (bien français ?) [bujeoj!eː] 22 22 A coté de ces impressions qualitatives, y a-t-il des différences que l'on pourrait quantifier ? • prosodie, patterns métriques (Levitt & Wang,1991) : différences entre bébés français et américains dès 5 mois (contours F0) français: ~tous ,américains: ou • timbre et distribution des voyelles : "espaces vocaliques" influencés par l'environnement linguistique ? • distribution des consonnes • cooccurences CV • aspects "coarse grain" (squelettes syllabiques, patterns syllabiques …) 23 23 Espaces vocaliques pour 4 communautés (10 mois) British English Algerian French Cantonese Ellipses à 75% de confiance (de Boysson-Bardies et al., 1989, JCL) 24 Des différences mais pas faciles à voir. (statistiques: distances de Mahalannobis entre nuages) 24 Indice de compacité F2/F1 pour 4 communautés (adultes vs.10 mois) 4.0 Adultes Enfants F2/F1 3.5 3.0 2.5 2.0 Anglais Français Algérien Cantonais Communauté linguistique Exemples: /a, o/ compactes ; /i/, /e/ diffuses 25 Plus illustratif: les centres de gravité des nuages de points précédents 25 Distributions des voyelles (~ 18 mois: français vs. japonais) high back [u, ɯ] observed % 30 mid front [e, ɛ] 30 high front [i, y] 30 Japanese F r en c h 20 20 10 10 10 0 0 0 20 ds ds ds or ds g or w ge lin w et ua bb st rg ng ba 1 ta la or ds g or w ge lin w et ua bb st rg ng ba 1 ta la or ds g or w ge lin w et ua bb st rg ng ba 1 ta la Tendances: beaucoup plus de HB (très net) et HF en japonais qu'en français; davantage de MF en français. ‘language’ : tendances dans la langue ‘target words’ : mots adultes "visés" par les enfants ‘1st words’, ‘babbling’ : productions des enfants 26 26 Distributions des consonnes (français, anglais, japonais, suédois) % labiales % occlusives 80 F r en c h % stop consonants % labial consonants 60 50 40 AE 30 Japanese 20 Swedish 10 70 Swedish AE 60 50 F r en c h 40 30 0W 4W 15 W Recording Session 25 W 0W 4W 15 W Recording Session 25 W 0-25 Words :10 mois à 16-20 mois Tendances stables : les français ont (a) le plus de labiales et (b) le moins de stops; les % n’évoluent pas beaucoup, mais les SDs diminuent de façon marquée (de ~24% à ~8%) 27 27 Affinités "biomécaniques" (MacNeilage & Davis, 2000, Science) [ma, dæ, go] adult infant Fig 1. A schematic view … [with] the three intrasyllabic CV co-occurrence patterns … [mama, dædæ, gogo] by an American adult and babbling episodes … can be heard 28 at Science Online: www.sciencemag.org/feature/data/1047897.shl 28 mais est-ce bien un [æ] plutôt qu'un [a] ? adulte : mama, tætæ enfant : mama, tætæ ? F2 pour [æ] vs. [a] : F2 pour [æ] vs. [a] : ~1900 > ~1200 Hz ~1450 < ~1750 Hz F2 higher for /æ/ than /a/ mama tætæ unclear /æ/–/a/ difference mama tætæ 29 29 Tendances universelles ? MacNeilage & Davis (2000), Science 1. AJA mother, older female relative 2. BU(N)KA knee, to bend 3. BUR ashes, dust 4. CHUN(G)A nose, to smell 5. KAMA hold (in the hand) 6. KANO arm 7. KATI bone 8. K'OLO hole 9. KUAN dog 10. KU(N) who? 11. KUNA woman 12. MAKO child 13. MALIQ'A to suck(le), nurse, breast 14. MANA to stay (in a place) Affinités CV Front Coronal 1.94 Consonant Labial 0.83 Dorsal — Vowel Central Back 0.90 0.70 1.31 0.72 0.82 1.63 15. MANO man 16. MENA to think (about) 17. MI(N) what? 18. PAL the number 2 19. PAR to fly 20. POKO arm 21. PUTI vulva 22. TEKU leg, foot 23. TIK finger, the number 1 24. TIKA earth 25. TSAKU leg, foot 26. TSUMA hair 27. ?AQ'WA* water Biais "LabCor" C1 Labial Labial — Coronal 1 Dorsal 1 C2 Coronal 8 1 5 Affinity of Vj for Ci (or vice versa): p(CiVj)/(p(Ci) x p(Vj)) Dorsal 3 4 — 30 Les 27 mots de M. Ruhlen communs à toutes les langues (controversé !) Affinity : of Vj for Ci (or vice versa) p(CiVj)/(p(Ci) x p(Vj)) 30 CV affinities in the first & second syllabes of CVCVs (dBB) Adults 10-12-month-olds blue: 'biomechanic' (8 et 8); brown: 'unpredicted' (10 et 14) (only data for at least 5% of total CV productions are presented) (de Boysson-Bardies, 1993, "Ontogeny of language-specific syllabic productions") 31 31 Conclusion sur les productions précoces • Convergence nette vers la langue maternelle dès 10 mois • Aspects les plus saillants : - D'abord des aspects larges, plutôt prosodiques - Puis les voyelles - Ensuite, consonnes et patterns syllabiques • L'appartenance linguistique d'un enfant est reconnaissable vers 8-10 mois. 32 32 quelques données de prosodie • communication par l'intonation (vers 4-5 mois ?) - d'Odorico (1984), JCL : corrélations 'type de cris' x 'signifié' - Huttenlocher (1984) : compréhension 'no!' ≈ 'yes!' • imitation des contours F0 dès 4 mois - Kuhl & Meltzoff (1982), Science : observation 'anecdotique' • différences inter-langues productions de 2-3 syllabes : dès 7 mois patterns prosodiques typiques (Whalen et al., 1991 ; Levitt & Wang, 1991) • tons chinois et thai, accent de mot en japonais pas de convergence vers le modèle adulte avant ~20 mois (Li & Thompson, 1977; Clumeck,1980; Tuaychaoren, 1977), (Hallé et al., 1991: émergence vers 18 mois). 33 33 Point sur le babillage • les voyelles produites dans le babillage s'orientent vers le modèle adulte vers 10 mois. • pour les consonnes, ce serait un peu plus tard (12 mois) (à partir de comptages ; données acoustiques non fiables.) • c'est l'ordre observé pour la spécialisation en perception. Le retard de la production sur la réception est une constante en acquisition du langage (e.g., acquisition lexicale). ◊ Situation moins claire pour la prosodie selon intonation vs. ton/accent lexical (cf. Chao 1969: 'ripples and waves'): - jeu précoce sur l'intonation en communication - patterns accentuels moins précoces (e.g., tons) 34 34 TD premiers mots, articles... 35 35 First words in production Children "select" those words among adult words that correspond to the articulatory patterns, or routines, of their own babbling. (Vihman: "vocal motor schemes", "articulatory filter") Individual variability is the rule: holistic vs. analytic children holistic analytic Emilie (14 mos, 15 words) ba bo bebe poe po popo ka ke kki kRe qa balle bouton bébé pomme chapeau petit pot canard clef cuillère Mickey sac Marie (14 mos,15-20 words) aettae hato bebe dodo tebo ebotsa ta:tinn papitza voajy hemjetsa popi attend bateau bébé dodo c’est beau c’est beau ça tartine papillon voiture mimichat poupée 36 36 From whole-word units to segments Well illustrated by Macken's (1979) case study: Mexican Spanish "Si" from 1;6 to 2;5 (also see Macken 1992; Vihman 1997) (1) whole-word units – 1;7–1;9: only one word template (pattern, gabarit): labial–dental zapato → manzana → sopa → reloj → pwat:o mənna pwæta buddo Fernando → wan:o Ramon → mən perro → bədə gato → *kako (harmonic pattern) – 1;10–1;11: new templates: m_s_, f_n_, p_l_, b_ŋ_, k_t_, ŋ_t_… (2) adult-like word-forms as strings of segments – from 2;1; all Cs appear in words, with principled simplifications 37 • CVLV gabarit: consonant–vowel–/l/–vowel (de BoyssonBardies, 1996) ballon → bala cuillère → kola canard → kala 37 Les premiers mots en production Stratégies pré-phonologiques (1) “Squelette mélodique” = mise à un gabarit standard Exemples : - gabarit CVLV (consonne-voyelle-/l/-voyelle) (de Boysson-Bardies) ballon → bala cuillère → kola canard → kala - gabarit labial–dental (Macken) zapato → pwat:o Fernando → wan:o 38 38 Les premiers mots en production Stratégies pré-phonologiques (2) “Pattern harmonique” = simplification par harmonisation des consonnes (ou des voyelles) Exemples : chapeau → papo gâteau → tato canard → nanar * Le plus souvent, harmonie “régressive” ex. pour ‘chapeau’, papo plutôt que chacho 39 39 Systématisation proto-phonologique Exemple : “Henri” (cf. de Boysson-Bardies, 1996) modifie les mots de structure mVCV (/m/-voyelle-consonne-voyelle) en remplaçant /m/ par /b/ ou par /p/: /b/ si C voisé Exemples : /m/ → /p/ si C non voisé C non voisé (/s/): monsieur → peusieu C non voisé (/ʃ/): méchant → pécha C voisé (/z/): musique → bizik 40 40 Phonological processes at 3-years (Vihman & Greenlee, 1987) Syllable deletion Segment substitution animals > ˈæmz ... – velar, palatal fronting cow > tau, show > sou ... Final consonant deletion because > piˈkʌ ... Consonant harmony yellow > ˈlelou ... Cluster reduction flower > ˈfawr ... think > fink /sink ... – stopping some > tʌm ... – gliding love > jʌv red > wed ... 41 41 extras 42 42 Répartition des mots par catégories selon les groupes Français Américains Suédois Japonais 0% personnes 20% animaux/objets 40% verbes 60% 80% onomatopées/locutions 100% social 43 43 Capacités grammaticales précoces Nous nous limitons ici au seul cas des syntagmes du type déterminant + nom. - les déterminants ont une charge sémantique faible, pas de référent clair, ne contribuent pas à l’affectation des rôles thématiques. - pauvreté phonétique/phonologique (formes réduites, acoustiquement peu saillantes,) 44 44 Données de productions précoces (2-3 ans) • les enfants de 2 ans omettent les déterminants… => Ils n’en ont pas de représentations ? (pt de vue empiriste) Une conclusion opposée est tirée d’une analyse plus fine: (1) tâches d’imitation (Gerken et al., 1990: 26 mois): Pete pushes the ball —> Pete pushes ball Pete pushes na ball —> Pete pushes naball Les enfants font donc bien la différence entre the et na… “…les 2-ans analysent the comme un morphème et na comme début du mot naball…” (Gerken et al., 1990) 45 45 (2) études de corpus (Valian et coll., 1986-2008): à 2 ans, les enfants (MLU≈3-4) omettent les déterminants ~9 fois sur 10. Mais lorsqu’ils les produisent : • pas de confusion avec les adjectifs (det.≠ modificateur) the red truck, jamais *red the truck the green green truck, jamais *the the truck the tiny green truck, jamais *the my truck • positifs au test d’overlap (e.g., ball apparaît dans the ball, a ball, my ball, etc.); si on compte le nbre de fois où chaque nom apparaît avec un déterminant, pas de différence enfant-adulte. 46 46 (3) “filler syllables” (FS) • produites en général avant un mot; souvent réduites à une voyelle non-accentuée; variabilité inter-enfants; documenté pour langues européennes (à déterminants); disparaissent vers 3-4 ans (deviennent déterminants). • modèle de la sous-spécification initiale: les FS sont des formes sous-spécifies de déterminants; leur existence même est difficile à expliquer par la théories des “formules lexicales” bien spécifiées: une forme FS+nom est toujours qqch que l’enfant n’a jamais entendu. 47 47 Empirisme vs. Innéisme 48 48 capacités grammaticales précoces: empirisme/innéisme point de vue empiriste : formules apprises • l’enfant extrait peu à peu de l’input des séquences qui ne sont d’abord pas analysées (mots globaux); il acquiert d’abord — par des mécanismes statistiques d’apprentissage général — des “formules lexicales”. Par exemple, “petit suisse”, “la moto” … • les catégories grammaticales émergeraient plus tard, pas avant le stade “combinatoire”, vers 2-3 ans. (Cette “émergence” reste mystérieuse...) Il y a donc pour l’acquisition de la catégorie déterminant: (a) non-précocité (> 2-3 ans) (b) discontinuité (système non structuré → structuré) (d’une mosaïque de formules à une grammaire) 49 * Par exemple, “la moto” représenté par un tout insécable ** mosaïque de formules figées –> une grammaire 49 • les formules sont spécifiés phonétiquement pour tous les éléments qui les composent. (“petit suisse”, “mon biberon”). D’où une 3ème propriété : (c) spécification (formules bien spécifiées phonétiquement) Enfin, (d) peu ou pas de combinatoire => peu d’overlap (de “recouvrement”) entre les formules acquises. test de l’overlap pour des séquences det.+N : Overlap si N produit après de nombreux déterminants (ex. mon canard, le canard, ces canards …) pas d’overlap si N n’est produit qu’après tel déterminant exemple: canard après le => la formule le canard 50 50 point de vue innéiste : décomposition-recomposition L’enfant a des concepts innés sur des catégories latentes. L’input permettra de “remplir” les catégories. • le remplissage des catégories est possible très tôt pour les mots de fonction fréquents (ex. déterminants). • la capacité innée à segmenter en groupes syntaxiqueprosodiques aide à découvrir les déterminants, et s’ils sont avant ou après les noms (bord gauche ou droit). Les mots de fonction (ex. déterminants), conjugués au découpage prosodique, fournissent le squelette grammatical des énoncés. 51 51 • le remplissage des catégories est incrémental; pour les déterminants, l’enfant en “code” de plus en plus, et les représente d’une façon de plus en plus détaillée. Tous ces aspects correspondent à des propriétés à peu près opposées à celles prédites par la vision empiriste: (a) précocité (déterminants reconnus/traités tôt) (b) continuité (enrichissement incrémental) (c) sous-spécification initiale (phonétique, morpho-syntaxique) (d) combinatoire (=> overlap) 52 52