Acquisition de la parole: production, du babillage

Transcription

Acquisition de la parole: production, du babillage
L7PHO (CM8)
Acquisition de la parole: production, du
babillage aux premiers mots
(Pierre Hallé, LPP)
30 novembre 2011
1
1
CM8: Acquisition 1
Ce cours décrit les étapes majeures observées dans les
productions vocales des enfants de 0 à 2-3 ans, pour les aspects
segmentaux et prosodiques. L’accent est mis sur la “spécialisation”
des enfants pour leur langue maternelle, au delà des contraintes
universelles de maturation anatomique et de contrôle moteur :
Quels aspects des productions vocales deviennent typiques de la
langue maternelle, et vers quel âge ?
La première partie du cours (CM) est centrée sur les
caractéristiques phonétiques du babillage ; la seconde (TD) aborde
l’émergence de la production des mots, et l’émergence d’une
proto-phonologie.
• Les étudiants devraient surtout retenir les différentes étapes des
productions vocales, et leurs principales caractéristiques.
• Ils devraient aussi savoir distinguer/expliquer les aspects
spécifiques et les aspects universels des productions vocales des
enfants et, idéalement, repérer/formuler les régularités trouvées
dans les premiers mots.
2
2
ENJEUX THÉORIQUES
(1) CAPACITÉS/CONNAISSANCES INNÉES versus APPRISES
inné vs. acquis / organe du langage vs. “tabula rasa”
Grammaire Universelle (GU) vs. apprentissage ex nihilo
disposition innée pour le langage
(enfants privés d'input vs. singes apprenants)
interactions complexes entre organisme et milieu
(influence de la langue native…)
(2) PHYLOGENÈSE / SPÉCIFICITÉ DE LA PAROLE
• Evolution progressive (incrémentale) vs. mutation ?
• Etapes intermédiaires, proto-langages ?
• Spécificité de la parole dans les espèces
• Spécificité du traitement de la parole (vs. autres sons)
3
• La faculté du langage engage-t-elle des capacités innées ? Ce serait l’organe
du langage, postulé par les théories nativistes: cf. Chomsky, Pinker,
Jackendoff, etc. Le LAD (Language Acquisition Device) de Chomsky.
D’autres postulent des mécanismes d’apprentissage généraux: cf. Bates, Locke
(tabula rasa’s & today’s John Locke).
• le moyen terme, c’est “l’instinct du langage”; un précâblage limité à des
mécanismes de traitement, pas de représentations préétablies: cf. Jusczyk &
Bertoncini, etc.
Que nous apprennent les enfants sur la phylogenèse? On suppose la
Phylogenèse à l'image de l’Ontogenèse
• Grande question: Évolution incrémentale ou mutation(s)? Etapes
intermédiaires ?
• Question de la spécificité de la parole (=langage parlé): Est-elle spécifique à
l’espèce humaine ? (la parole est le propre de l’homme ?)
-son traitement est-il spécifique ? C’est à dire différent du traitement des
bruits, des sons quelconques ?
3
Question des singes
'30s: Gua (Kellog's) couldn't speak
'40s: Vicki (Hayes') said 'cup', 'up',
'mama', 'papa' (?)
'60s: Washoe (Gardner's) (adapted)
ASL: 130 signs, 2-3 w-sentences?
'70s: Loulis, son of Washoe (Fouts')
learned signs from mother?
——: Lana (Savage-Rumbaugh) keys on
electronic keyboard
——: Nim Chimsky (Terrace) ASL
——: Sarah (Premack's) magnetic
tokens: learned "colour" concept
——: Koko (Patterson) ASL, created
new words: 'eye-hat' ≈ 'mask' …
'90s: Kanzi (Greenfield) ASL/keyboard
learned some syntax?
Chomsky: why would chimps need us?
language faculty is so advantageous...
Enfants privés d'input
légendes: Psamtik I (600 BC): selon
Hérodote, 1er mot becos (Phrygien);
autres: Jean IV d'Ecosse: l'hébreu…
Victor de l'Aveyron (Sicard puis Itard):
never could speak (only "Oh Dieu")
but could write.
Helen Keller: sourde/aveugle à 19 mois:
apprend par le toucher (w-a-t-e-r),
puis à parler (-> méthode Tadoma), à
lire/écrire le Braille…
'Genie': enfant placard '70s (!) at 13:
only learned telegraphic speech.
'Isabelle': isolée avec mère muette -> 6:
good language level after 2 years!
Suggère: l’âge est critique surtout pour
le langage parlé (Victor); implications
pour un "organe du langage" ?
4
Pour comparaison: cas d'enfants privés d'input; selon l'âge de la privation, une
récupération du langage est possible ou non (notion d'age critique);
rien de tel chez les singes …
Singes "surexposés" au langage humain:
ils n'apprennent guère.
Enfants sauvages/séquestrés privés d'input:
ils "savent" quand-même !
=> Les humains ont au départ qqch comme un organe du langage ou des
prédispositions pour qu'un tel organe se développe.
4
connaissances innées vs. acquises par apprentissage ?
Question dépassée ?
Non, le débat est vif et l’enjeu important : l’esprit de
l’enfant a-t-il un contenu indépendant de l’expérience ?
=> Points de vue empiriste vs. innéiste
Elizabeth Spelke: théorie des “core knowledge” innés
(géométrie, numérosité, physique, balistique, orientation
dans l’espace…).
Ces core knowledges, peuvent être communs à plusieurs
espèces animales.
C’est leur utilisation en combinaison qui peut être
spécifique à telle ou telle espèce animale.
5
5
“Core Knowledge of Geometry in an Amazonian Indigene Group”
Dehaene, Izard, Pica, & Spelke (2006), Science, 311, 381-384
Does geometry constitute a core set of intuitions present in all
humans, regardless of their language or schooling? ...
Mundurukú children and adults spontaneously made use of basic
geometric concepts such as points, lines, parallelism, or right angles
to detect intruders in simple pictures ...
evidence for geometrical intuitions in the absence of schooling,
experience with graphic symbols or maps, or a rich language of
geometrical terms.
6
Succès au test "quel et l'intrus ?"
6
organe du langage vs. apprentissage non spécifique
arguments pour l'organe :
• Idiots parlants; e.g., syndrome de Williams
• Dysphasiques surdoués ; Autistes Asperger qui ne parlent pas
(apprentissage ou défaut d'apprentissage n'ont rien à voir avec le langage)
• Malgré la pauvreté de l'input les enfants apprennent à parler sans effort :
(re)création d'une langue structurée sans langue maternelle véritable
- créoles à partir des pidgins
- langues signées à partir de "pidgins" signés (Nicaragua: LSN → ISN)
- cas d'enfants développant seuls une langue signée
• combinatoire infinie, production de nouvelles phrases JAMAIS apprises…
Compromis entre organe inné et apprentissage général
Ce qui est inné pourrait être simplement un programme d'acquisition
(innately guided learning) : Darwin parlait déjà de
“… tendance instinctive à acquérir l'art du langage”
7
GU, rien, ou des capacités d'apprentissage générale ? Arguments pour l'organe :
-- idiots parlants vs. dysphasiques surdoués: n'ont pas ou ont le potentiel intellectuel
pour "apprendre » => ce potentiel n'a rien à voir avec la parole.
cf. aussi Lenneberg (~1960s): la capacité du langage est indépendante
du QI (sauf pour les cas de retard mental très grave);
en particulier, les surdoués n'apprennent pas plus vite ou ne maîtrisent
pas mieux le langage que les normaux.
-- les enfants apprennent à parler malgré la pauvreté de l'input :
• acquisition sans effort
• invention, création d'une langue structurée en l'absence de langue
maternelle véritable (créoles à partir des pidgins; langues signées à partir de
"pidgins" signés ou de transposition signée de langue
orale: "Idiome des Signes du Nicaragua" et "Langue des Signes du Nicaragua »
• enfants développant seuls une langue signée (e.g., "Simon")
(Pinker, 1994)
-- combinatoire infinie et production de phrases nouvelles jamais apprises…
compromis : ce qui est inné n'est pas la GU, mais un programme d'acquisition
(innately guided learning).
Darwin parlait déjà de "… tendance instinctive à acquérir l'art du langage"
7
PLAN
◊ production: spécialisation vers la langue maternelle
• aspects généraux (liés à la prosodie)
- exemples de babillages anglais, français …
• caractéristiques segmentales
- voyelles, consonnes, cooccurrences
- vers le modèle adulte
• premiers mots
• mots de fonction
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8
Productions vocales enfantines: les stades "classiques"
(1) 0–2mois : sons "végétatifs" ou "réflexifs"
(2) 2–5 mois : 'cooing' (arheu, agueu …); 16 semaines : rire
vers 4–5 mois : contrôle phonation, premières voyelles
(Koopmans van Beinum & van der Stelt, 1979)
(3) 3–7 mois : vocalisations "volontaires", (qques protosyllabes)
(4) 7–10 mois : babillage canonique (syllabes répétées et jargon)
(5) 9-11 mois : 'variegated' babbling et jargon
Variantes terminologiques
- "Goo" stage (Oller, 1980), "Cooing" (Stark, 1980), "Glottal" and
"Velar" stage (Roug et al., 1989).
- "Expansion stage" (O), "Vocal Play" (S), "Vocalic stage" (R)
- Koopmans van Beinum (1979): uninterrupted/interrupted phonation (1/2)
reduplicated articulatory movements (4), phonatory variations (3)
9
Cooing: une explication (spéculative) des sons de gorge (roucoulements) est
qu'à cet âge les bébés sont souvent allongés sur le dos => langue va vers
l'arrière par gravité
Bleu: avant le babillage
Vert: babillage
9
Positions théoriques sur le statut du babillage
• exercices sans rapport avec le stade linguistique des 1ers mots
Jakobson (1941: Langage enfantin et aphasie)
Lenneberg (1967: Biological foundations of language)
(pts communs: 1. caractère universel, 2. input peu (pas) important,
3. discontinuité entre babillage et 1ers mots)
• continuité entre babillage et 1ers mots, modèle "biomécanique"
MacNeilage (1980-2006: Frames then Contents): base = cycle
mandibulaire; contraintes biomécaniques de production ; on reste
dans l'universel mais la continuité observée est expliquée
Vihman (1997: "articulatory filter"): 1st words selected fit
babbling articulatory routines ("vocal motor schemes")
• interaction entre contraintes universelles et "expérience" de l'input
de Boysson-Bardies et col. (1989: babbling drift, cf. Brown '50s)
(sélection des formes phonétiques et prosodiques pertinentes)
10
• MacNeilage: oscillation mandibulaire = geste de base organisateur de toutes
les productions de parole ; ancienneté biologique du noyau du rythme: SMA +
basal ganglia; lobe pariétal (postérieur inférieur) <-> boucle articulatoire
• Lindblom: les systèmes phonétiques émergent "mécaniquement" comme
adaptations aux contraintes de production (faisabilité) et de réception
(discriminabilité); systémes auto-organisés.
10
importance de l'input auditif et visuel
• orientation "spéciale" des enfants pour la parole:
détection des accents étrangers (Grégoire, 1937: anecdotes;
Mehler et al., 1988: données expérimentales)
• capacités d'imitation des expressions/gestes, e.g. du visage:
Meltzoff & Moore (1977), Science.
• enfants sourds:
- vocalisations jusqu'à 6 mois
- babillage retardé de ~6 mois, surtout [ba, ma, pa] "visibles"
- babillage manuel
L’hypothèse de l'interaction explique
la convergence vers le modèle adulte
11
Grégoire: son fils Edmond ~10 mois riant aux éclats en entendant un ami
anglais parlant le français avec un fort accent…
Enfants aveugles. Quelques problèmes, bizarrement (?) pour la grammaire:
style télégraphique avec peu de morphologie, peu de mots de fonction.
Production / perception : parallélisme pour la spécialisation après ~8 mois pour
ce qui est segmental, bien avant pour ce qui est prosodique.
11
Facial imitation at 2-3 weeks
Meltzoff, A. N., & Moore, M. K. (1977). Imitation of facial and manual
12
gestures by human neonates. Science, 198, 75-78.
12
Base du "babillage manuel" : Petitto et al. (2001), Nature
13
13
babillage manuel
Petitto & Marentette, 1991,
Science
deaf children
Petitto et al., 2001, Nature
Les enfants exposés à l'ASL ont,
en plus du beat "rapide" (2.5 Hz),
un rythme lent (~1.5 Hz) : ce
serait la base du babillage manuel.
— speech-exposed
— sign-exposed
hearing children
14
Relation avec le babillage "vocal" (i.e., normal): la base syllabique.
On considère que le babillage vocal apparaît lorsque au moins 20% des
productions ont un "format" syllabique : durée < 500 ms, attaque-rime,
variations F0 dans une registre modal.
Ce critère des 20% est appliqué ici pour les gestes des mains : sont comptés
comme proto-signes ceux qui ont des caractéristiques dynamiques proches des
gestes signés. (notation par des juges experts en ASL)
Le panneau de droite donne une idée de ce qui peut différencier la dynamique
des proto-signes et celles des gestes ordinaires.
14
Les bébés utiliseraient le côté droit de la bouche (plus ouvert)
pour le babillage, mais pas pour les sourires ou autres sons de
"non-babillage"
(Holowka et Pettito, 2002, Science: 10 5-12-mos Fr/Eng babies)
15
Pour commencer, quelque chose de mignon:
Dès 7-8 mois, les bébés babillants utilisent leur hémisphère gauche pour
babiller, et plutôt le droit pour sourire, grogner, etc. Le babillage n’est donc
pas un simple exercice pour se dégourdir les mandibules. Il est bien
prélinguistique, mais dans le sens où “pré-” signale un précurseur.
15
SMILING
BABBLING
Fig. 1. Consecutive frames from video recordings showing a baby's left mouth
opening while smiling (left) and right mouth opening while babbling (right).
Mean Laterality Index (LI) scores for all of the babies were as follows:
babble = +0.88 (red), nonbabble = -0.08 (yellow), and smile = -0.82 (blue).
16
MLI: indice de latéralité; positif (rouge) => ouverture de la bouche davantage
à droite qu'à gauche; négatif (bleu) => supériorité gauche …
Donc HG impliqué dans babillage vs. HD ds sourire et grimaces (affectif)
16
Les babillages commencent à se différencier dès 8 mois
Expériences de jugement subjectif (de Boysson-Bardies et al., 1984) :
Ss adultes français ; paires d'échantillons babillage [fr. , autre]
échantillons de babillage
comparaison
8 mois
10 mois
français vs. tunisien
français vs. cantonais
75.8
69.4
74.4
31.9
pourcentages d'identifications correctes (lequel des deux est français ?)
critères possibles: intonation, qualité de voix … => impressions rapportées:
bébés tunisiens: attaques dures, friction dans relâchements, accentuation.
bébés français: allongements, modulations plus douces.
bébés cantonais: entering tones –> glottal stop
exemples adultes : 合 [hap], 一 [yat], 國 [kok] => [ha?, ya?, ko?]
17
Comment: à 10 mois, bébés français et cantonais difficiles à distinguer (moins
d'infos de nature prosodique).
17
Language-specifity
even earlier !
Mampe,B., Friederici,A., Christophe,A., & Kathleen Wermke, K. (2009). Newborns’ cry
melody is shaped by their native language. Current Biology, 19, 1-4.
18
18
extrait de babillage "cantonais"
Typique du cantonais ? [l!.!ː# t!ʔ] ton "entrant" sur [t!] (≈ [t!˦]) 19
19
extrait de babillage "algérien"
Typique d'une langue arabe? [ʔ!jze !jɛː] (glottal stop en initiale)
20
20
extrait de babillage "british"
No comment … On croit reconnaître "sandwich" (+ pattern F0 !)21
21
extrait de babillage "français"
Un échantillon moins exotique (bien français ?) [bujeoj!eː]
22
22
A coté de ces impressions qualitatives, y a-t-il des
différences que l'on pourrait quantifier ?
• prosodie, patterns métriques (Levitt & Wang,1991) :
différences entre bébés français et américains dès 5 mois
(contours F0) français: ~tous  ,américains:  ou 
• timbre et distribution des voyelles : "espaces vocaliques"
influencés par l'environnement linguistique ?
• distribution des consonnes
• cooccurences CV
• aspects "coarse grain" (squelettes syllabiques, patterns
syllabiques …)
23
23
Espaces vocaliques pour 4 communautés (10 mois)
British English
Algerian
French
Cantonese
Ellipses à 75% de confiance (de Boysson-Bardies et al., 1989, JCL)
24
Des différences mais pas faciles à voir.
(statistiques: distances de Mahalannobis entre nuages)
24
Indice de compacité F2/F1 pour 4 communautés
(adultes vs.10 mois)
4.0
Adultes
Enfants
F2/F1
3.5
3.0
2.5
2.0
Anglais
Français
Algérien
Cantonais
Communauté linguistique
Exemples: /a, o/ compactes ; /i/, /e/ diffuses
25
Plus illustratif: les centres de gravité des nuages de points précédents
25
Distributions des voyelles
(~ 18 mois: français vs. japonais)
high back
[u, ɯ]
observed %
30
mid front
[e, ɛ]
30
high front
[i, y]
30
Japanese
F r en c h
20
20
10
10
10
0
0
0
20
ds
ds
ds
or
ds
g
or
w
ge
lin
w
et
ua
bb
st
rg
ng
ba
1
ta
la
or
ds
g
or
w
ge
lin
w
et
ua
bb
st
rg
ng
ba
1
ta
la
or
ds
g
or
w
ge
lin
w
et
ua
bb
st
rg
ng
ba
1
ta
la
Tendances: beaucoup plus de HB (très net) et HF en japonais qu'en
français; davantage de MF en français.
‘language’ : tendances dans la langue
‘target words’ : mots adultes "visés" par les enfants
‘1st words’, ‘babbling’ : productions des enfants
26
26
Distributions des consonnes
(français, anglais, japonais, suédois)
% labiales
% occlusives
80
F r en c h
% stop consonants
% labial consonants
60
50
40
AE
30
Japanese
20
Swedish
10
70
Swedish
AE
60
50
F r en c h
40
30
0W
4W
15 W
Recording Session
25 W
0W
4W
15 W
Recording Session
25 W
0-25 Words :10 mois à 16-20 mois
Tendances stables : les français ont (a) le plus de labiales et
(b) le moins de stops; les % n’évoluent pas beaucoup, mais les
SDs diminuent de façon marquée (de ~24% à ~8%)
27
27
Affinités "biomécaniques"
(MacNeilage & Davis, 2000, Science)
[ma, dæ, go]
adult
infant
Fig 1. A schematic view … [with] the three intrasyllabic CV co-occurrence patterns
… [mama, dædæ, gogo] by an American adult and babbling episodes … can be heard
28
at Science Online: www.sciencemag.org/feature/data/1047897.shl
28
mais est-ce bien un [æ] plutôt qu'un [a] ?
adulte : mama, tætæ
enfant : mama, tætæ ?
F2 pour [æ] vs. [a] :
F2 pour [æ] vs. [a] :
~1900 > ~1200 Hz
~1450 < ~1750 Hz
F2 higher for /æ/ than /a/
mama
tætæ
unclear /æ/–/a/ difference
mama
tætæ
29
29
Tendances universelles ?
MacNeilage & Davis (2000), Science
1. AJA mother, older female relative
2. BU(N)KA knee, to bend
3. BUR ashes, dust
4. CHUN(G)A nose, to smell
5. KAMA hold (in the hand)
6. KANO arm
7. KATI bone
8. K'OLO hole
9. KUAN dog
10. KU(N) who?
11. KUNA woman
12. MAKO child
13. MALIQ'A to suck(le), nurse, breast
14. MANA to stay (in a place)
Affinités CV
Front
Coronal 1.94
Consonant Labial 0.83
Dorsal —
Vowel
Central Back
0.90
0.70
1.31
0.72
0.82
1.63
15. MANO man
16. MENA to think (about)
17. MI(N) what?
18. PAL the number 2
19. PAR to fly
20. POKO arm
21. PUTI vulva
22. TEKU leg, foot
23. TIK finger, the number 1
24. TIKA earth
25. TSAKU leg, foot
26. TSUMA hair
27. ?AQ'WA* water
Biais "LabCor"
C1
Labial
Labial
—
Coronal 1
Dorsal 1
C2
Coronal
8
1
5
Affinity of Vj for Ci (or vice versa): p(CiVj)/(p(Ci) x p(Vj))
Dorsal
3
4
—
30
Les 27 mots de M. Ruhlen communs à toutes les langues (controversé !)
Affinity : of Vj for Ci (or vice versa)
p(CiVj)/(p(Ci) x p(Vj))
30
CV affinities in the first & second syllabes of CVCVs (dBB)
Adults
10-12-month-olds
blue: 'biomechanic' (8 et 8); brown: 'unpredicted' (10 et 14)
(only data for at least 5% of total CV productions are presented)
(de Boysson-Bardies, 1993, "Ontogeny of language-specific syllabic productions")
31
31
Conclusion sur les productions précoces
• Convergence nette vers la langue maternelle dès 10 mois
• Aspects les plus saillants :
- D'abord des aspects larges, plutôt prosodiques
- Puis les voyelles
- Ensuite, consonnes et patterns syllabiques
• L'appartenance linguistique d'un enfant est reconnaissable
vers 8-10 mois.
32
32
quelques données de prosodie
• communication par l'intonation (vers 4-5 mois ?)
- d'Odorico (1984), JCL : corrélations 'type de cris' x 'signifié'
- Huttenlocher (1984) : compréhension 'no!' ≈ 'yes!'
• imitation des contours F0 dès 4 mois
- Kuhl & Meltzoff (1982), Science : observation 'anecdotique'
• différences inter-langues
productions de 2-3 syllabes : dès 7 mois patterns prosodiques
typiques (Whalen et al., 1991 ; Levitt & Wang, 1991)
• tons chinois et thai, accent de mot en japonais
pas de convergence vers le modèle adulte avant ~20 mois
(Li & Thompson, 1977; Clumeck,1980; Tuaychaoren, 1977),
(Hallé et al., 1991: émergence vers 18 mois).
33
33
Point sur le babillage
• les voyelles produites dans le babillage s'orientent vers le
modèle adulte vers 10 mois.
• pour les consonnes, ce serait un peu plus tard (12 mois)
(à partir de comptages ; données acoustiques non fiables.)
• c'est l'ordre observé pour la spécialisation en perception.
Le retard de la production sur la réception est une
constante en acquisition du langage (e.g., acquisition
lexicale).
◊ Situation moins claire pour la prosodie selon intonation vs.
ton/accent lexical (cf. Chao 1969: 'ripples and waves'):
- jeu précoce sur l'intonation en communication
- patterns accentuels moins précoces (e.g., tons)
34
34
TD
premiers mots,
articles...
35
35
First words in production
Children "select" those words among adult words that correspond to the
articulatory patterns, or routines, of their own babbling. (Vihman: "vocal
motor schemes", "articulatory filter")
Individual variability is the rule: holistic vs. analytic children
holistic
analytic
Emilie (14 mos, 15 words)
ba
bo
bebe
poe
po
popo
ka
ke
kki
kRe
qa
balle
bouton
bébé
pomme
chapeau
petit pot
canard
clef
cuillère
Mickey
sac
Marie (14 mos,15-20 words)
aettae
hato
bebe
dodo
tebo
ebotsa
ta:tinn
papitza
voajy
hemjetsa
popi
attend
bateau
bébé
dodo
c’est beau
c’est beau ça
tartine
papillon
voiture
mimichat
poupée
36
36
From whole-word units to segments
Well illustrated by Macken's (1979) case study: Mexican Spanish "Si"
from 1;6 to 2;5 (also see Macken 1992; Vihman 1997)
(1) whole-word units
– 1;7–1;9: only one word template (pattern, gabarit): labial–dental
zapato →
manzana →
sopa →
reloj →
pwat:o
mənna
pwæta
buddo
Fernando → wan:o
Ramon → mən
perro →
bədə
gato →
*kako (harmonic pattern)
– 1;10–1;11: new templates: m_s_, f_n_, p_l_, b_ŋ_, k_t_, ŋ_t_…
(2) adult-like word-forms as strings of segments
– from 2;1; all Cs appear in words, with principled simplifications
37
• CVLV gabarit: consonant–vowel–/l/–vowel (de BoyssonBardies, 1996)
ballon → bala
cuillère → kola
canard → kala
37
Les premiers mots en production
Stratégies pré-phonologiques
(1) “Squelette mélodique” = mise à un gabarit standard
Exemples :
- gabarit CVLV (consonne-voyelle-/l/-voyelle)
(de Boysson-Bardies)
ballon → bala
cuillère → kola
canard → kala
- gabarit labial–dental (Macken)
zapato → pwat:o
Fernando → wan:o
38
38
Les premiers mots en production
Stratégies pré-phonologiques
(2) “Pattern harmonique” = simplification par
harmonisation des consonnes (ou des voyelles)
Exemples :
chapeau → papo
gâteau → tato
canard → nanar
* Le plus souvent, harmonie “régressive”
ex. pour ‘chapeau’, papo plutôt que chacho
39
39
Systématisation proto-phonologique
Exemple : “Henri” (cf. de Boysson-Bardies, 1996) modifie
les mots de structure mVCV (/m/-voyelle-consonne-voyelle)
en remplaçant /m/ par /b/ ou par /p/:
/b/ si C voisé
Exemples :
/m/ →
/p/ si C non voisé
C non voisé (/s/): monsieur → peusieu
C non voisé (/ʃ/): méchant → pécha
C voisé (/z/):
musique → bizik
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Phonological processes at 3-years (Vihman & Greenlee, 1987)
Syllable deletion
Segment substitution
animals > ˈæmz
...
– velar, palatal fronting
cow > tau, show > sou
...
Final consonant deletion
because > piˈkʌ
...
Consonant harmony
yellow > ˈlelou
...
Cluster reduction
flower > ˈfawr
...
think > fink /sink
...
– stopping
some > tʌm
...
– gliding
love > jʌv
red > wed
...
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extras
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Répartition des mots par catégories selon les groupes
Français
Américains
Suédois
Japonais
0%
personnes
20%
animaux/objets
40%
verbes
60%
80%
onomatopées/locutions
100%
social
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Capacités grammaticales précoces
Nous nous limitons ici au seul cas des syntagmes du type
déterminant + nom.
- les déterminants ont une charge sémantique
faible, pas de référent clair, ne contribuent pas à
l’affectation des rôles thématiques.
- pauvreté phonétique/phonologique (formes
réduites, acoustiquement peu saillantes,)
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Données de productions précoces (2-3 ans)
• les enfants de 2 ans omettent les déterminants…
=> Ils n’en ont pas de représentations ?
(pt de vue empiriste)
Une conclusion opposée est tirée d’une analyse plus fine:
(1) tâches d’imitation (Gerken et al., 1990: 26 mois):
Pete pushes the ball —> Pete pushes ball
Pete pushes na ball —> Pete pushes naball
Les enfants font donc bien la différence entre the et na…
“…les 2-ans analysent the comme un morphème et na
comme début du mot naball…” (Gerken et al., 1990)
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(2) études de corpus (Valian et coll., 1986-2008):
à 2 ans, les enfants (MLU≈3-4) omettent les déterminants
~9 fois sur 10. Mais lorsqu’ils les produisent :
• pas de confusion avec les adjectifs (det.≠ modificateur)
the red truck, jamais *red the truck
the green green truck, jamais *the the truck
the tiny green truck, jamais *the my truck
• positifs au test d’overlap (e.g., ball apparaît dans
the ball, a ball, my ball, etc.);
si on compte le nbre de fois où chaque nom apparaît avec
un déterminant, pas de différence enfant-adulte.
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(3) “filler syllables” (FS)
• produites en général avant un mot; souvent réduites à
une voyelle non-accentuée; variabilité inter-enfants;
documenté pour langues européennes (à déterminants);
disparaissent vers 3-4 ans (deviennent déterminants).
• modèle de la sous-spécification initiale: les FS sont des
formes sous-spécifies de déterminants; leur existence
même est difficile à expliquer par la théories des
“formules lexicales” bien spécifiées: une forme FS+nom
est toujours qqch que l’enfant n’a jamais entendu.
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Empirisme vs. Innéisme
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capacités grammaticales précoces: empirisme/innéisme
point de vue empiriste : formules apprises
• l’enfant extrait peu à peu de l’input des séquences qui ne
sont d’abord pas analysées (mots globaux); il acquiert
d’abord — par des mécanismes statistiques d’apprentissage
général — des “formules lexicales”.
Par exemple, “petit suisse”, “la moto” …
• les catégories grammaticales émergeraient plus tard, pas
avant le stade “combinatoire”, vers 2-3 ans. (Cette
“émergence” reste mystérieuse...)
Il y a donc pour l’acquisition de la catégorie déterminant:
(a) non-précocité (> 2-3 ans)
(b) discontinuité (système non structuré → structuré)
(d’une mosaïque de formules à une grammaire)
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* Par exemple, “la moto” représenté par un tout insécable
** mosaïque de formules figées –> une grammaire
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• les formules sont spécifiés phonétiquement pour tous les
éléments qui les composent. (“petit suisse”,
“mon biberon”). D’où une 3ème propriété :
(c) spécification (formules bien spécifiées phonétiquement)
Enfin,
(d) peu ou pas de combinatoire => peu d’overlap (de
“recouvrement”) entre les formules acquises.
test de l’overlap pour des séquences det.+N :
Overlap si N produit après de nombreux déterminants
(ex. mon canard, le canard, ces canards …)
pas d’overlap si N n’est produit qu’après tel déterminant
exemple: canard après le => la formule le canard
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point de vue innéiste : décomposition-recomposition
L’enfant a des concepts innés sur des catégories latentes.
L’input permettra de “remplir” les catégories.
• le remplissage des catégories est possible très tôt pour les
mots de fonction fréquents (ex. déterminants).
• la capacité innée à segmenter en groupes syntaxiqueprosodiques aide à découvrir les déterminants, et s’ils sont
avant ou après les noms (bord gauche ou droit).
Les mots de fonction (ex. déterminants), conjugués au
découpage prosodique, fournissent le squelette grammatical
des énoncés.
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• le remplissage des catégories est incrémental; pour les
déterminants, l’enfant en “code” de plus en plus, et les
représente d’une façon de plus en plus détaillée.
Tous ces aspects correspondent à des propriétés à peu près
opposées à celles prédites par la vision empiriste:
(a) précocité (déterminants reconnus/traités tôt)
(b) continuité (enrichissement incrémental)
(c) sous-spécification initiale (phonétique, morpho-syntaxique)
(d) combinatoire (=> overlap)
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