3 Le Maroc et l`avion

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3 Le Maroc et l`avion
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MarocSoir
09•12•2005
Maroc’30
3
COMMENTAIRE
JEAN-LUC PIERRE
L’avenir des
communications
passe par l’avion
haque jour, la presse se fait l’écho
d’incidents ou d’accidents aériens,
d’exploits d’aviateurs et d’aviatrices, et
de constructions d’engins volants plus gros,
plus rapides et plus sûrs. L’aviation,
balbutiante avant la guerre, est devenue une
arme efficace au cours de la première Guerre
Mondiale.
En 1919, Pierre-Georges Latécoère,
constructeur d’avions, conçoit le projet d’une
ligne régulière entre Toulouse et l’Amérique
du Sud. Il réalise rapidement le tronçon entre
Toulouse et Casablanca, puis inaugure, en
1925, le deuxième tronçon entre Casablanca
et Dakar. En 1927, Latécoère vend la ligne
aérienne qui devient la «Compagnie Générale
Aéropostale».
En 1928, l’Amérique du Sud est reliée chaque
semaine à Toulouse par avion.
Il ne fut pourtant pas si simple de transformer
les avions en appareils commerciaux.
Les performances, l’entretien, la fiabilité des
avions devenaient essentiels. Des escales, des
émetteurs radios, des moyens de secours dans
des espaces désertiques et rebelles devaient
être mis en place avec des coûts maîtrisés.
Or, dès 1930, l’Aéropostale rencontre des
difficultés financières comme en témoigne la
pauvreté de ses publicités. En 1933, avec
d’autres petites compagnies, l’Aéropostale
intègre le groupe qui portera désormais le
nom d’«Air France».
Les pilotes étaient alors des aventuriers, des
as de l’aviation et portaient les noms illustres
qui resteront à jamais gravés dans la mémoire
des habitants de la «terre des hommes» par
leurs exploits ou leur talent d’écrivain.
Mermoz, Guillaumet, Saint-Exupéry, savaient
la fragilité de la vie mais l’aimaient
éperdument. Ils fréquentaient, pendant
l’escale casablancaise, le bar du «PetitPoucet» avant de se rendre au petit matin,
emmitouflés dans leur peau de mouton, sur le
terrain d’aviation. Là, attendait depuis l’aube
le courrier ou l’éventuel client qui allait
risquer sa vie pour un gain de temps.
C’est un accident dans le désert, «à mille milles
de toute terre habitée», qui inspira, à Saint-Ex,
l’immortel poème en prose «Le Petit Prince».
Dans le meilleur des cas, il fallait pouvoir se
poser sans risque, réparer, ou amerrir à
proximité d’un navire pour trouver des secours.
Le choix technique entre l’avion terrestre
multimoteur ou l’hydravion à coque
n’était pas encore tranché. L’un était rapide,
l’autre, gros porteur, pouvait voler de nuit. Dès
les années 30, le rayon d’action, la sécurité, le
confort et le nombre des passagers par
appareil, préfigurent l’évolution de l’aviation
commerciale.
Au mois de décembre 1930, l’armada
d’hydravions commandée par le général et
ministre de l’air Italo Balbo, un des pères du
fascisme italien, impressionne les
observateurs. Ces énormes avions font escale
à Kénitra, survolent Casablanca avant de
longer les côtes marocaines pour traverser
enfin l’Atlantique sud. Un mois plus tôt, c’est le
décollage du plus gros avion du monde, le Dox,
un hydravion allemand qui impressionne la
presse internationale.
L’éditorial de Maurice Le Glay est donc cousu
à l’aune du bon sens. Il pressent, avec un demisiècle d’avance, l’avenir du transport aérien de
masse et augure bien du futur «Hub»
casablancais de la Royal Air Maroc.
C
Le Maroc et l’avion
ARCHIVES MAROC SOIR
Les progrès
spectaculaires
de l’aviation et
l’Aéropostale
au Maroc
La «Vigie Marocaine»
Documents
O7 décembre 1930. Éditorial de
Maurice Le Glay sur les pionniers
de la traversée de l’Atlantique
sud.
«Les Allemands, non sans
quelque lourdeur, se sont appliqués à nous démontrer que rien
ne ressemble plus à l’aviation militaire que la plus civile des aviations commerciales.
Pour le développement de
l’aviation commerciale, le Maroc
est la terre d’élection, un pays rêvé. Le Maroc, à peine séparé de
l’Europe par un bras de mer, est
le trajet logique d’Europe vers
toute la côte africaine et toute
l’Amérique du Sud. C’est par le
Maroc enfin que l’on peut atteindre toute l’Afrique du Nord.
Le Maroc en raison de sa situation géographique, doit prendre
les devants, montrer la voie et
s’organiser. C’est une vaste plaque
tournante entre trois continents,
un carrefour obligé et d’ailleurs
aimable, riche en curiosités diverses où peuvent s’attarder les
voyageurs non sans profit pour
l’économie générale.
Demain, grâce au progrès des
avions géants de transport en
commun, on prendra les cars volants aussi facilement que ceux
qui roulent. Déjà certains débarquent à Casa, venus de plus ou
moins loin, gens d’affaires ou de
plaisir, qui voudraient trouver juste à point l’avion dont le vol leur
permettra, soit de continuer vers
les contrées voisines, soit de
visiter à leur guise cet Empire
charmant.»
27 fevrier 1931. Un travail de
pionnier transatlantique.
«Le courrier de l’Aéropostale
parti de Toulouse le dimanche 11
mai à 6h10 est arrivé à Rio-de-Ja-
h
Air Maroc,
Air Atlas
Affiche de la
compagnie
chérifienne
des
transports
aériens.
neiro le 13 à 23 heures. Le
Laté 28, l’hydravion piloté par
Mermoz réalise la première liaison postale à travers l’Atlantique
en moins de trois jours. L’appareil au moteur Hispano-Suiza de
600 CV est muni d’un poste TSF.
Il dispose d’un rayon d’action de
4500km. La réalisation de la première traversée a été confiée à un
équipage d’élite : Mermoz, un des
premiers pilotes au monde ; Dabry, navigateur entraîné aux plus
récentes méthodes de la navigation scientifique ; Gimié, radio- télégraphiste rompu à l’utilisation des postes TSF. La
compagnie dispose d’un réseau
de sécurité qui communique au
pilote le temps probable qu’il ren-
contrera sur son parcours, l’altitude optimale et les vents pour
gagner du temps.
Afin de corriger les erreurs de
navigation, chaque escale et
chaque aviso ou dépanneur sont
pourvus d’un récepteur goniométrique permettant sur une émission de l’avion de l’avion de lui indiquer sa position.»
histoire plus
C’était le
30 décembre
1930
UN INCIDENT AÉRIEN
«L’avion de la compagnie Aéropostale, parti de Casablanca le 27 décembre pour Dakar, a dû atterrir le même
jour en zone dissidente entre
Agadir et Cap-Juby, par suite d’une panne de moteur
causée par un vol important
de sauterelles.
Prévenu par radio, Monsieur Bailes, chef de l’aéropostale d’Agadir, parti immédiatement à son secours,
C’était le
27 février
1931
Dessin de
Néri : le
baptême de
l’air.
N O U V E A U X A P PA R E I L S
DESSIN VIGIE
MAROCAINE
réussit à réparer l’avion et à atterrir, malgré le terrain difficile.
Il prit à bord le pilote et les
passagers de l’avion en panne et
décolla malgré les grosses
difficultés, cassant le train
d’atterrissage. Mais il put at-
teindre Agadir et atterrir avec
seulement des dommages
matériels. Sur l’avion voyageait
un envoyé de l’Italie convoyant
des hélices destinées aux
hydravions italiens du général
Balbo.»
«Le Laté 35, trimoteur, 1200
chevaux. L’aménagement de la
cabine où 12 passagers sont
commodément installés, est
poussé à un haut degré de
confort. Toute la garniture de la
cabine est en tissu imperméable et ininflammable. Le
vestibule d’entrée forme cabinet de toilette en vol. Deux
coffres permettent d’emporter
plus de 2m3 de bagages.»

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