Histoire du jouet - Éditions du Dauphin

Transcription

Histoire du jouet - Éditions du Dauphin
Yvan Lacroix
Histoire
du jouet
depuis le Jura,
berceau du jouet
Une aventure industrielle pour petits
dauphin
d
n
a
r
g
et
s
Table des matières
Remerciements ............................................................................ 5
Note de l’auteur ........................................................................ 11
Introduction .................................................................... 13
Préambule ................................................................................... 18
Préfaces ...................................................................................... 19
Première partie
L’histoire des jouets du Jura .................................... 21
I. Du xiie au xixe siècle
Des objets de piété aux articles de Saint-Claude .............. 25
• Un chapelet de jouets ............................................. 25
• Du bois dont on fait les jouets ................................ 27
II. Le siècle d’or de la tournerie ............................................. 29
• L’âge d’or de la tournerie ........................................ 29
• L’influence des pays de l’arc alpin ........................... 31
• De l’eau au moulin .................................................. 31
• Le mouvement coopératif ....................................... 33
• Des rouliers aux négociants .................................... 34
• En route vers l’industrialisation .............................. 35
• Tournez rotatives et filettes ! .................................. 38
• Les pionniers .......................................................... 42
III. De la fin du xixe siècle aux années cinquante,
des matières naturelles aux polymères de synthèse ........................ 44
• L’arrivée des premières matières plastiques modernes ............ 44
• L’évolution des techniques de transformation
et les nouvelles applications ................................................... 52
IV. Les Trente Glorieuses : l’apogée du jouets jurassien ....................... 58
• Le plastique c’est fantastique ................................................. 58
• Foires et salons ....................................................................... 66
• Des Trente Glorieuses aux Trente Piteuses ............................. 69
V. Le temps des crises et des concentrations ......................................... 84
• La course à la taille critique .................................................... 87
• Le retour du jouet en bois ....................................................... 91
• Il revient de loin ...................................................................... 92
Deuxième partie
Les jouets et les principaux fabricants du Jura ........... 97
I. Les fabricants de jouets en bois ............................................................. 99
II. Des fabricants multisectoriels aux groupes
de dimension mondiale ....................................................................... 115
• De Berchet à Superjouet ...................................................... 115
• De Moquin & Breuil à Smoby .............................................. 124
III. Les fabricants spécialisés du Massif jurassien ...................................135
• Animaux et jouets pour les petits .......................................... 135
• Porteurs, jouets de locomotion ............................................. 141
• Véhicules (autos, bateaux, trains) ......................................... 145
• Poupées, peluches, mobilier de poupée ................................ 162
• Les jeux d’imitation .............................................................. 168
• Jeux de cubes et jeux de construction, tableaux, tirelires ...... 171
• Jeux de sport et d’adresse, jeux de plein air .......................... 184
Conclusion
La place des jouets du Jura sur l’échiquier mondial
au xxie siècle .............................................................................................. 195
Annexes .................................................................................................... 199
• Les autres fabricants français de jouets ................................ 199
• Crédits photos, iconographiques .......................................... 200
• Sources ................................................................................. 200
• Bibliographie ........................................................................ 201
• Les jouets du Jura aujourd’hui .............................................. 202
• Où trouver et voir des jouets du Jura ? ................................. 203
Histoire du jouet
Ce petit triporteur attribué à
Vilac en bois marqué « Postes »
est assez représentatif de la
production moirantine
des années 50 et du début
des années 60. Il possède
un charme indéniable malgré
sa simplicité. Son coloris vert
wagon est conforme à la charte
graphique des véhicules des
PTT d’avant 1965.
Longueur : 12,5 cm.
10
Note de l’auteur
Lorsque l’on est enfant, on n’imagine pas que l’on puisse un jour abandonner la multitude de jouets
qui nous entoure. Dans la région de Moirans-en-Montagne, pendant longtemps les enfants n’ont pas
eu à connaître ce déchirement. Devenus jeunes adultes, ils continuaient à côtoyer les jouets, passant du
statut de client à celui de fournisseur du Père Noël en intégrant l’une ou l’autre des nombreuses usines
de jouets que comptait encore ce territoire, berceau du jouet français. Ils devenaient des petits lutins,
maillons de la longue chaîne allant de la conception à la commercialisation des jouets, en passant par
leur fabrication.
Je suis natif de la région de Moirans-en-Montagne, d’une époque pas si lointaine où les études
offraient un gage d’emploi et où l’ascenseur social n’était pas en dérangement. Alors que l’on y comptait
encore les fabriques de jouets par dizaine, j’ai tout naturellement orienté mon choix de carrière dans ce
domaine. C’est ainsi que je rentrais dans la société Vilac, une marque dans laquelle passion et rigueur
professionnelle étaient nécessaires pour intégrer une équipe bien décidée à imprimer sa marque sur
le revival du jouet en bois qui débutait tout juste, et déterminée aussi à imaginer de beaux jouets qui
feraient envie aux esthètes du monde entier. Une culture d’entreprise atypique, en marge des dogmes,
allant un peu à l’encontre de l’environnement économique durci dans lequel avançait notre profession
dont les rangs s’étiolaient année après année. Cette voie a permis à Vilac de sortir de l’ornière pendant
que d’autres s’y enfonçaient davantage, faisant de cette marque une de celles ayant longtemps donné le
« la » dans le monde du jouet en bois.
Un peu plus tard, la tâche se révèle bien plus ardue lorsqu’il faut reconstruire la fabrique de poupées
Petitcollin acquise par Vilac en 1995. Étant une des plus grandes fabriques française de poupées de
l’entre-deux-guerres aux années cinquante, cette firme séculaire était à l’état de ruine lors de son rachat.
L’examen des atouts en présence m’a fait prendre conscience de la richesse patrimoniale de cette marque.
En parallèle du travail de renouvellement des collections pour susciter l’envie, à travers la co-rédaction
d’un premier livre, l’organisation de visites guidée puis l’ouverture d’un musée grâce au volontarisme
des responsables politiques locaux, j’ai utilisé cette singularité comme un ressort pour faire redécouvrir au public une histoire et un savoir-faire hors du commun qu’ils contribueraient à sauvegarder, en
transformant leurs achats en acte militant. Guidé par les pas d’Élisabeth Chauveau, une historienne
qui a consacré sa vie à étudier et à faire prodiguer à chacun l’immense savoir qu’elle a accumulé au fil
du temps, faisant avancer la recherche en même temps qu’elle sortait de l’ombre des marques oubliées,
cette expérience m’a permis de découvrir le monde de la poupée, ses collectionneurs et gens exaltés.
11
Histoire du jouet
L’Estafette Renault
publicitaire (matière plastique
et tôle lithographiée de la
marque Sésame de SaintClaude) est apparue quelques
années après l’originale.
Elle a existé dans une grande
diversité de coloris et de
décors. Cet exemplaire décoré
aux couleurs du fromage
« Vache Grosjean », grand
concurrent de la « Vache
qui rit » originaire du Jura,
date de 1963.
Longueur : 8 cm.
Sans prétention d’atteindre un tel niveau – je ne suis pas historien – mais avec la passion qui m’anime
depuis toujours, j’ai eu envie à mon tour de conter l’histoire des fabriques de jouets qui m’entouraient
et disparaissant les unes après les autres. Par nostalgie, un peu. Par volonté de figer la mémoire d’une
profession dont il est urgent de recueillir les traces et les témoignages. Pour border ce travail long et
encyclopédique qu’il est impossible de mener de manière exhaustive, j’ai choisi de circonscrire ce sujet
dans sa dimension territoriale : celle du Jura que j’aime tant. Le regard que je porte sur les jouets oscille
tantôt entre celui d’un gamin figé devant une vitrine de magasin de jouets et celui aguerri d’un professionnel. Par conséquent, le choix de mise en avant d’une marque plutôt que d’une autre relève nécessairement de goûts personnels. Il ne préjuge en rien de leur importance et n’ôte rien à la longue liste des
fabricants qui n’ont pas fait l’objet ici de développements plus poussés. Le jouet est un thème au fort
contenu émotionnel qui a déjà été abordé sous d’autres angles par quelques auteurs et par le Musée du
jouet de Moirans-en-Montagne. Cet ouvrage est le fruit de mon regard critique sur un passé riche dont
chacun peut-être fier tant cette région a été au premier plan. J’espère qu’il plaira au lecteur et qu’il ne
trahira pas les acteurs de cette histoire.
12
l’Histoire des jouets du jura
Première partie
L’histoire des jouets
du Jura
21
Histoire du jouet
Une brève histoire du jouet depuis l’Antiquité
Les traces des jouets les plus anciens remonteraient au Ve siècle avant notre ère. On peut même
supposer que des objets avaient déjà pour fonction de divertir les enfants dès l’âge des cavernes. Durant
l’Antiquité, on trouve de nombreux jouets que l’on ne qualifie pas encore comme tels. Car le mot qui
les désigne n’apparaîtra qu’au Moyen Âge. Il ne sera d’ailleurs pas utilisé au sens propre, mais plutôt au
figuré, pour qualifier un objet de dérision. Le terme « joujou » viendra l’épauler au XVIIIe siècle.
Les premiers jouets comme les hochets bruités sont destinés à éveiller le nouveau-né ou à le protéger
du mauvais œil, en tenant à l’écart les esprits malfaisants, un rempart bien faible pour préserver le bébé
de la mortalité infantile qui fera des ravages jusqu’au XXe siècle. Les jouets d’adresse : cerceaux, yo-yo,
osselets, billes (incarnées à l’origine par des noix), toupies à fouetter, balles, mais aussi les poupées, sont
les premiers objets à amuser l’enfant pour le préparer au passage à l’âge adulte.
Il faut attendre le Moyen Âge, au XIIe siècle, pour que l’idée du jeu réapparaisse. C’est à cette époque
que l’on trouve les premières traces avérées de la commercialisation et de la fabrication des jouets, sur
les lieux ou à proximité de localités de pèlerinage dans le Limousin, à St Martial et dans l’Aisne - dans la
région de Liesse, à proximité de Laon notamment - où l’on voue un culte à la Vierge noire. Également
dans la région de Saint-Claude, dans le Haut-Jura, à laquelle nous allons nous intéresser plus longuement dans cet ouvrage. Ces localités sont probablement les deux berceaux français du jouet en bois.
Seule Saint-Claude toutefois, peut s’enorgueillir des siècles d’évolution qui ont suivi, et qui ont permis
de transformer les montagnes du Jura en symbole de la production française de jeux et jouets.
Dans l’entre-deux-guerres, la
maison Jeantet-David fondée
en 1816 possède des
établissements à Saint-Claude
et à Oyonnax. Elle propose
dans son catalogue des jouets
dont la mise au point a été
longtemps mûrie par l’histoire
locale. Collection Musée
du jouet de Moirans-enMontagne.
22
l’Histoire des jouets du jura
Avant le XVe siècle, les jouets, sont des objets coûteux, essentiellement fabriqués par différents corps
de métiers. En miniaturisant avec habileté des objets du réel, les artisans les mettent à la portée des
petites mains enfantines. Cependant, leurs parents doivent assurément faire partie de l’élite bourgeoise
ou aristocratique pour pouvoir leur offrir ces objets, tellement précieux parfois que l’on n’ose pas jouer
avec par peur de les casser. À la campagne, les jouets sont davantage des objets populaires fabriqués
par les parents ou par l’entourage qui possèdent l’habileté nécessaire pour créer des jouets à partir de
matériaux naturels qui leur sont familiers.
Au cours des siècles suivants, les artisans réunis en corporations se répartiront la fabrication des différentes catégories de jouets, chacun d’entre eux n’ayant le droit de vendre que le produit de leur travail.
Ainsi, à la fin du XVIIe siècle, les bimbelotiers1, les tabletiers auteurs des jeux d’adresse, les tourneurs
qui se réservent la fabrication des flûtes, des billes et des boules, les vanniers qui se chargent de celle
des berceaux, et enfin les poupetiers qui donnent naissance à des poupées et à des figurines moulées, se
partagent la fabrication et le commerce des jouets. Ces objets sont alors destinés à faire plaisir. Ils n’ont
pas encore la vocation d’être utiles à l’éducation ou à l’apprentissage de l’enfant. En revanche, ils lui
confèrent la possibilité de ressembler aux grandes personnes.
La corporation des merciers va alors intensifier son rôle. Ce sont eux qui en premier, prendront l’initiative de faire travailler des artisans pour leur propre compte, pour constituer des gammes de jouets. Ils
partent ensuite les colporter à travers tout le territoire, jusqu’en Allemagne ou en Angleterre. Ce sont
les premiers négociants en jouets.
À la Révolution, la loi Le Chapelier qui abolit les privilèges met fin aux monopoles des différentes
corporations. Quiconque peut désormais fabriquer et vendre des jouets, ouvrir un commerce en toute
liberté. Bientôt apparaîtront les bazars et les grands magasins parisiens. On compte déjà 9 magasins de
jouets dans les galeries qui ceinturent le jardin du Palais Royal au centre de Paris en 1798. L’almanach du
commerce de la ville en dénombre quarante-deux au total. Bientôt la publicité pour les jouets apparaîtra
dans les revues enfantines et les catalogues d’étrennes apporteront les dernières nouveautés à domicile.
La révolution industrielle diminuera progressivement l’influence des colporteurs et des négociants. Ce
sont les représentants de fabriques qui deviendront les nouveaux intermédiaires entre les « cathédrales
du commerce », expression d’Émile Zola pour qualifier les grands magasins, et les premiers fabricants
français de jouets en bois qui apparaissent dans le dernier quart du XIXe siècle.
Avec l’arrivée des nouveaux matériaux et des techniques de fabrication, de distribution et de commercialisation innovantes, le jouet peut enfin prétendre à devenir l’objet de consommation qu’il incarne encore de
nos jours. Il quitte progressivement l’univers populaire et artisanal pour entrer dans l’ère industrielle. On
va faire découvrir à l’enfant des univers et des objets qu’il n’a jamais vus. On va permettre à presque toutes
les bourses d’acquérir un jouet, en mettant en place des échelles de prix basées sur la taille de l’objet. Les
baigneurs existent dans une variété de tailles et de prix inouïs dès avant la Grande Guerre.
Les grands magasins qui ont fait leur apparition à la fin du XIXe siècle font rêver à travers leurs vitrines au
moment des étrennes. Ils affichent pour la première fois des prix fixes sur les articles qu’ils proposent. Au tout
début du XXe siècle cependant, les jouets manufacturés sont encore des objets coûteux, dont la valeur peut
représenter plusieurs journées de travail d’un ouvrier. Ils sont donc réservés aux familles les plus aisées.
Nombreux sont les enfants qui n’en ont jamais eu en main, même si la tradition des étrennes qui consiste à
offrir des cadeaux au 1er janvier remonte au XVIe siècle. Il faudra attendre l’après-guerre pour que les fabrications industrielles d’objets en matière plastique en grande série rendent enfin les jouets accessibles aux masses.
1. C’est-à-dire les artisans spécialisés dans la fabrication des « bimbelots », ancienne forme du mot bibelots.
23
Histoire du jouet
Au fil des siècles, des vertus bien différentes ont été attribuées au jouet. Tantôt drapé de vertus pédagogiques, tantôt cantonné à un rôle purement ludique, il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour qu’il
quitte l’univers de la bimbeloterie et prenne la place qu’il occupe encore aujourd’hui. Il devient alors
définitivement un objet « utile » et essentiel, destiné à favoriser l’éducation et le développement de l’enfant fasciné par lui. Le jouet lui permet d’intégrer la culture de la société dans laquelle il va vivre. Il s’y
projette et se construit en cherchant à imiter l’adulte par le jeu. Mais ce sont les parents qui restent aux
commandes et qui décident quelle vision des schémas sociaux ils souhaitent transmettre à leur enfant.
Leur représentation de la société est bien souvent très conservatrice. À l’image de la distinction que l’on
voit émerger dès le XVIe siècle entre les jouets destinés aux filles et ceux assignés aux garçons. Cette
différenciation reflète la distribution des rôles sociaux qui n’a pas vraiment évolué au fil des siècles quoi
qu’on en pense. En cela les jouets sont encore plus caricaturaux que la société qui leur donne naissance.
Aux garçons, les jeux d’action et de compétition à pratiquer hors du cocon familial. Aux filles, les activités en rapport avec le foyer et la maternité. Au-delà des stéréotypes sexistes qui demeurent, les jouets
sont aussi l’incarnation de l’époque qui les voit apparaître. Ils en représentent les inventions, les modes
ou les événements, ils reprennent les derniers perfectionnements techniques qui autorisent sans cesse
de nouvelles audaces. Les jouets profitent aussi des progrès économiques et de la hausse du niveau de
vie pour accélérer et accroître leur diffusion.
C’est le récit de cette petite histoire que cet ouvrage propose à travers un prisme focalisé sur un
territoire géographique : le Jura. Du Moyen Âge aux nombreux bouleversements qui se sont produits
au cours des dernières décennies et qui semblent marquer la fin d’une époque, nous verrons dans un
premier temps comment s’est déroulée cette aventure. Nous marcherons ensuite sur les traces qui ont
été laissées par cette activité, au travers de différentes marques – dont certaines méconnues – et de
types de jouets qui nous sont les plus familiers.
Que de chemin parcouru
depuis les premiers jouets
jusqu’aux joujoux en matière
plastique produits en masse
à partir des années 50.
Le sud du département du
Jura et la région d’Oyonnax
deviendront un des viviers de
cette prolifération des jouets
bon marché. Ces petits jouets
de bazar en polyéthylène
soufflé ont été produits par
Falquet vers les années 70.
L’âne mesure 19,5 cm de
hauteur.
Le poisson mesure 24 cm
de longueur.
24
l’Histoire des jouets du jura
I. Du XIIe au XIXe siècle
Des objets de piété aux articles de Saint-Claude
Vers le milieu du Ve siècle, les montagnes du Jura étaient encore en grande partie
couvertes de forêts, et striées de vallées où l’eau coulait en abondance. Il ne s’agissait
pas d’un désert total comme on le présente parfois, mais il est possible que des foyers de
vie issus du lent déclin de l’occupation gallo-romaine, subsistaient encore. Elle avait été
notable, au moins jusqu’au IIIe siècle, dans les vallées de l’Ain, de la Bienne et de l’Héria,
au sud du massif. L’ouvrage La vie des pères du Jura rédigé au premier quart du VIe siècle par
un disciple de l’abbé Oyend nous révèle que c’est précisément au confluent de la Bienne
et du Tacon que choisit de s’installer le moine Romain vers 430-435 en vue d’y mener une
vie ascétique. Il se consacre à la prière avant d’être rejoint par son frère Lupicin et par
Oyend. Les moines « défricheurs » fondent le monastère de Condadisco. Baptisée Condat
(confluent), la localité qui se crée autour de la congrégation sera baptisée Saint-Oyend en
hommage à celui qui avait été son quatrième abbé. Malgré la rudesse du climat et la nature
répulsive souvent soulignées par l’auteur, le défrichage et l’agriculture s’imposent. Il faut désormais nourrir
une communauté grossie par l’arrivée des laïcs auprès des religieux. Dès l’origine, les miracles des trois
Pères fondateurs auraient attiré les foules. Le culte de saint Oyend en particulier, justifie l’édification au
XIe siècle d’une basilique dotée d’une crypte affectée à la vénération de ses reliques.
Un chapelet de jouets
Peu de traces écrites en revanche permettent d’éclairer les cinq siècles qui ont suivi l’installation des
moines. La population essaime dans les vallées et plateaux avoisinant la localité de Saint-Oyend. Elle
fonde prieurés et villages, posant progressivement les jalons d’un vaste territoire. Prospère et puissante,
l’abbaye se trouve malgré tout affaiblie politiquement au début du premier millénaire. Elle va décider,
pour accroître sa renommée, de promouvoir les reliques de Saint Claude. La dépouille de ce moine
auquel on attribue des miracles (et ayant vécu dans cette ville) fût inhumée au VIIe siècle et aurait été
retrouvée intacte cinq siècles plus tard. Tout cela ne manque pas d’attirer de nouveau à Saint-Oyend les
pèlerins en quête de dévotion. La popularité du saint thaumaturge était telle entre les XIIe et XVe siècles,
que l’on rebaptisera bientôt du nom de « Saint-Claude » l’agglomération qui entoure le monastère.
D’illustres visiteurs comme Philippe le Hardi, Charles le Téméraire et surtout Louis XI au XVe siècle, se
pressent auprès de sa dépouille, accroissant d’autant sa popularité.
Les premiers objets de piété étaient en buis, en ivoire ou en os. Une
longue tradition a suivi. Ces sifflets tournés dans des os (des tibias)
de mouton datent de la première moitié du XXe siècle.
Longueur : 7,5 cm. Avant d’être tournés, une fois débarrassés des
restes de chair, les os étaient cuits dans de l’eau et de la cendre de
bois pour être blanchis.
25
« Ruines Romaines. Vallée
d’Antre. » Lithographie.
Avant d’être exploitée par les
tourneurs au XXe siècle, la
vallée de l’Héria, pourtant
peu accessible, avait été
choisie par les Gallo-Romains
pour l’édification d’un
ensemble balnéaire
remarquable et de lieux
de cultes.
Histoire du jouet
Les pèlerins, tant d’origine géographique proche que lointaine, viennent en nombre à Saint-Claude,
au cœur de cette vallée jurassienne austère. Elle bénéficie ainsi d’une renommée que ne renierait pas
Lourdes de nos jours. Ces pénitents ont besoin de structures d’accueil pour se loger et se nourrir. La
population et le monastère en tirent naturellement parti. Des oboles bénéficient aux moines qui vont
même, à une certaine époque, octroyer des « bulles d’indulgences2 » pour le compte de l’Église de Rome
dont ils dépendent directement, lorsque celle-ci aura besoin de renflouer ses caisses. Non seulement
le commerce du salut des âmes fait recette, mais la vente aux pèlerins de souvenirs en témoignage de
leur voyage génère également des revenus importants. Des objets de piété (chapelets, boîtes à chapelets, croix, statuettes religieuses), des objets profanes de la vie courante (écuelles, cuillères, couteaux,
fourchettes et peignes que l’on désignera plus tard sous le terme de bimbeloterie3), et enfin des petits jouets en bois tourné à rapporter aux enfants (toupies,
sifflets et poupées) font l’objet de ce nouveau commerce dont la présence est
avérée à Saint-Claude dès la première moitié du XVe siècle. Les patenôtres4 sont
alors fabriquées en corne, en os ou en buis que l’on teinte en brun ou en violet.
Le développement de l’activité engendrera au fil du temps l’amélioration des
techniques de la tournerie, comme le passage au « tour à archet5 » qui rend
obsolète le « tour à perche6 ». En 1661, les tourneurs de la ville de Saint-Claude
se réunissent en corporation… choisissant son saint comme patron. D’autres
techniques de travail du bois se développeront aussi dans cette dite région : la
tabletterie7, la layetterie8 et la boissellerie9. Ces métiers aux origines très lointaines seront les piliers de la tradition haut-jurassienne du travail du bois et du
développement des « articles de Saint-Claude », tant dans leur variété que dans
leur nombre.
La clientèle des pèlerins se renouvelant sans cesse, l’industrie qui leur est
consacrée devient au fil des siècles une activité très prospère où les populations
viennent seconder les moines. Les paysans des fermes alentours, qui pâtissent à
la fois de la rudesse du climat et de la pauvreté du sol, sont obligés de chercher
un supplément de ressources. Dès le Moyen Âge, beaucoup deviennent ainsi
des « paysans-artisans » pour le compte de l’abbaye. Enfermés durant les longs
mois d’hivers neigeux, ils s’adonnent sur leurs petits tours à bois, à la fabrication des chapelets destinés à être vendus aux nombreux pèlerins qui se pressent
Extrait du catalogue
de la société Grandmottet
et Cordier de Moiransen-Montagne en 1931.
Collection Musée du jouet
de Moirans-en-Montagne.
2. Une indulgence était un titre de rémission des péchés en échange d’une somme d’argent, garantissant l’accès au paradis à son détenteur.
3. D’après le dictionnaire Larousse : fabrication ou commerce de bibelots ; ensemble de ces objets. La bimbeloterie inclut tous les petits
objets utilitaires ou décoratifs de la vie courante fabriqués en série, y compris les petits jouets. D’après certains auteurs, ce terme
proviendrait de l’italien « bimbo » (un enfant) et servait à désigner les petits objets qui étaient destinés aux enfants.
4. Ce terme sert à désigner les chapelets par allusion aux prières, les « pater noster ».
5. Le tour est entraîné par un archet actionné par la main du tourneur.
6. Ce type de tour dont l’usage remonte à l’antiquité est entraîné par une cordelette reliée à une perche souple ou à un arc fixé au
plafond d’une part, et à une pédale au sol d’autre part. Le mouvement de va-et-vient de la cordelette enroulée autour de l’axe du tour
provoque sa rotation.
7. Ou « petite menuiserie », c’est la technique utilisée pour la fabrication des petits objets faits de bois plat.
8. La layetterie est une déclinaison de la tabletterie consacrée à la confection d’emballages, de tiroirs et de meubles à tiroirs en bois,
souvent destinés aux horlogers et aux fabricants de lunettes pour y ranger les petites pièces.
9. La boissellerie consiste à fabriquer des objets cylindriques à partir de lames de bois tranché, comme des boîtes de camembert.
26
l’Histoire des jouets du jura
auprès des châsses des saints. La fabrication d’objets pieux devient ainsi une occupation saisonnière
dans la région de Saint-Claude, de même que la fabrication d’objets de bimbeloterie, désormais appelés
« articles de Saint-Claude ». Cette dénomination, au fil du temps, va finir par englober une vaste
diversité d’objets10 en bois ou en d’autres matières. Y compris, bien entendu, les jeux (hochets, sifflets,
toupies, quilles, boules et cochonnets, perles, yo-yo, crécelles, flageolets, seaux et pelles, croquets,
dames, échecs, castagnettes, cubes, jetons, cordes à sauter, diabolos et bilboquets) et les jouets (jouets
à traîner, jouets articulés, poupées et manèges). Un peu plus haut en altitude dans la montagne jurassienne, l’horlogerie, l’activité lapidaire (la taille de pierres précieuses) et la lunetterie organiseront leur
mode de production selon des partitions assez similaires, mais il s’agit d’une autre histoire.
Déjà éprouvée par le fléau de la peste noire en 1349 (l’année de la « Grande Mort »), la terre de
Saint-Claude s’affaiblit progressivement vers la fin du Moyen Âge. La vie religieuse connaît une décadence qui s’accentue au XVIe siècle (marqué par le « petit âge glaciaire ») et au XVIIe siècle. L’arrivée
du protestantisme dans la Genève toute proche, les miracles des saints devenant plus rares, les vies de
plus en plus dissolues des moines qui mènent désormais une existence séculière vont finir par avoir
raison de l’envie des pèlerins de faire le déplacement à Saint-Claude qui compte 4 000 habitants avant
la Révolution. En détruisant par le feu la relique de son saint à la fin XVIIIe, les révolutionnaires mettent
définitivement un terme aux pèlerinages et au commerce florissant qui en découlait (cent mille francs
de chapelets y sont vendus en 1789). C’est à cette même période, en 1784, que Joseph David de
Chaumont revendique l’invention du tour à bois à marchepied, aussi appelé « tour à roue » ou « tour à
volant ». En remplaçant l’archet par une roue d’un diamètre de 1,30 m, ce tour permet de démultiplier
sa vitesse de rotation et par conséquent l’efficacité et la rapidité d’exécution du travail de tournage.
D’abord activée par un manœuvre, la roue sera entraînée par la force hydraulique un demi-siècle plus
tard, puis par le moteur électrique au début du XXe siècle. En l’espace de quelques centaines d’années,
la tournerie est devenue une activité dominante à Saint-Claude. On dénombre près de six cents ouvriers
tourneurs dans l’arrondissement de la ville en 1875.
Du bois dont on fait les jouets
L’altitude, la nature des sols et l’orientation des versants sont variées sur le massif.
Cela a permis très tôt aux artisans de jouir de toute une palette d’essences de bois parmi
lesquelles ils ont pu choisir ceux qui sont les mieux appropriés aux objets auxquels ils
voulaient donner naissance.
Sapin et épicéa sont les conifères qui recouvrent les grandes étendues silencieuses
du Haut-Jura devenus emblématiques. Ils occupent l’étage montagnard, entre 800 et
1 300 m d’altitude, incluant les premiers plateaux et les pentes de la « haute chaîne »
qui constitue une barrière naturelle jouxtant la frontière Suisse. Le climat rigoureux
impose aux conifères une croissance lente, gage de robustesse. Faciles à travailler, ce
sont aussi des essences que choisiront les tabletiers et layetiers pour confectionner les
boîtes et coffrets de jouets et de jeux en tous genres : jeux de cubes, jeux de société,…
10. Comme les articles de cave (tire-bouchons ou robinets), les articles pour fumeurs, pour écoliers, pour confiseurs, pour soyeux ou
pharmaciens, les boutons en tous genres, les objets de mesure, les balustres et tringles, les articles de ménage et de cuisine, les boîtes
et les objets de petit ameublement.
27
Ces miniatures de jouets
en buis mesurent à peine
quelques centimètres (les
quilles mesurent 6 cm de
hauteur). La finesse de
l’essence est telle que l’on
pourrait les imaginer de taille
plus imposante. De
fabrication actuelle (par la
tournerie artisanale Carron),
ces articles sont très proches
des premiers petits jouets qui
ont été tournés à SaintClaude et dans ses environs
il y a plusieurs siècles.
Histoire du jouet
En revanche, là où se sont installés les moines défricheurs et les premiers foyers d’habitation, le long
des rivières et au fond des vallées, ce sont surtout les forêts de feuillus qui prédominent. Chêne, mais
surtout charme et hêtre (appelé localement « foyard ») vont constituer des essences de prédilection
pour la tournerie. Tout comme l’alisier, l’aulne, l’érable, le tilleul et les arbres fruitiers qui sont d’autres
essences communes sur les pentes jurassiennes. Dans la tabletterie aussi on aime recourir aux feuillus,
pour les usages où du résineux risquerait de manquer de noblesse. De nos jours encore, buis, hêtre,
charme, frêne, sont les bois préférés des tourneurs. Sapin et épicéa sont trop noueux et trop tendres
pour la tournerie, et surtout peu abondants aux altitudes où l’homme a installé ses activités.
Bien qu’ayant bénéficié d’une
certaine recherche dans les
couleurs, ces voitures en bois
tourné sont d’une finition
particulièrement sommaire.
Sur l’une d’entre elles on voit
même encore des restes
d’écorce du bois. Les traces
de piques métalliques que
l’on aperçoit à l’avant des
véhicules sont celles des
pointes ou contrepointes qui
ont servi à accrocher le
morceau de bois sur le tour.
Tout dans la conception et
dans la réalisation de ces
engins traduit un souci
d’économie évident. Il s’agit
probablement de jouets « de
quatre sous » qui ont été
fabriqués durant l’entredeux-guerres. Les modèles
au premier plan mesurent
11,5 cm. Les deux
exemplaires avec deux
personnages mesurent 15 cm.
C’est vers le buis que s’est porté assez naturellement le choix des tout premiers tourneurs. Abondant
malgré une croissance très lente – l’arbuste ne pousse que de 3 cm par an environ – la dureté et la finesse
de la veine du buis lui confèrent singulièrement un aspect et un toucher proche de celui de l’ivoire. Sa
densité remarquable et ses tiges de quelques centimètres de section se prêteront bien à la fabrication
par les artisans tourneurs, de petites pièces comme les billes et les sifflets. De nos jours, le buis est
toujours utilisé et privilégié dans la fabrication des pièces les plus nobles des jeux de plateaux : pions de
dames, dés, pièces de jeux échecs, ... Le territoire sur lequel le buis pousse en abondance va d’ailleurs
se confondre avec le « triangle d’or de la tournerie11 », c’est-à-dire le triangle d’implantation historique
de la tournerie jurassienne, délimité par Lons-le-Saunier au nord, Morez à l’est et Nantua au sud. Au
milieu se situe la localité qui en deviendra le centre économique : Moirans-en-Montagne.
Les premiers artisans auront peut-être aussi été incités par un jugement émanant de l’abbé de SaintClaude en 1313 à utiliser les essences de bois ne convenant pas au bois de chauffage. Cette décision
prévoyait l’octroi à chaque habitant d’une part de la coupe annuelle de bois communal. La pratique
de l’affouage, qui subsiste actuellement dans les villages forestiers du Haut-Jura, permettait ainsi aux
artisans tourneurs ou tabletiers de bénéficier gratuitement, pour se chauffer ou pour leur activité, de la
ressource sylvicole présente en profusion.
11. L’expression est de Christophe Picod dans « Les tourneurs sur bois », France Régions, 1991.
28
l’Histoire des jouets du jura
Extraits du catalogue
Etrennes 1928-1929 du
grand magasin parisien Au
Printemps.
Avant que les artisans
jurassiens ne commercialisent
leurs jouets en bois sous leurs
propres marques, les grands
magasins s’approvisionnent
auprès d’eux par
l’intermédiaire de grossistes et
de négociants. On les trouve
en nombre dans les catalogues
des grands magasins de la
première moitié du XXe siècle
où ils côtoient les jouets en
métal proposés par de grandes
manufactures françaises et
étrangères renommées qui ont
déjà pignon sur rue depuis le
début du XIXe siècle. En bas
de la page de droite, on peut
voir des lots de joujoux en bois
très bon marché à la finition
très sommaire, parfois
constitués d’une seule pièce.
Apparus à la fin du XIXe
siècle, on les qualifiait de
jouets à un ou deux sous, plus
communément de jouets « de
quatre sous ». Ce sont les
premiers jouets fabriqués
en quantités industrielles.
Il n’est pas aisé de reconnaître
la provenance des jouets
présentés dans les catalogues
datant d’avant la fin des
37
années 50. Car non seulement
les marques n’y sont que
rarement citées, mais de
surcroît les jouets sont souvent
dessinés avant d’être
photographiés. Le camion
rouge en planches de bois
découpées et à la finition
sommaire mesure 41 cm.
l’Histoire des jouets du jura
Lorsque la Citroën Méhari a
été présentée à la presse, elle
n’a pas bénéficié d’une
attention soutenue. Il faut
dire que c’était en mai 1968.
Cela n’a pas empêché ce
curieux véhicule à la
carrosserie en matière
plastique montée sur un
châssis de 2CV de connaître
le succès jusqu’en 1985. Ce
modèle reproduit par
Educalux a probablement eu
une carrière moins longue.
Il arbore une carrosserie
moulée dans une matière
plastique qui imite fidèlement
l’acrylonitrile-butadiènestyrène (mieux connu sous
l’acronyme ABS) utilisé pour
l’originale. Les autres pièces
qui la composent sont en bois
laqué. À la fin des années 60,
la maison Cretin entame
seulement sa transition
vers les matières plastiques.
Collection privée.
Longueur : 27 cm.
71
l’Histoire des jouets du jura
Convert n’a pas fabriqué que
des baigneurs ! Dans les
années 40, la marque
proposait des personnages
sous licence Walt Disney.
Ce chien Pluto en celluloïd
est plus tarif. Sa tête s’anime
lentement lorsqu’on le fait
bouger. Longueur : 21 cm
75
l’Histoire des jouets du jura
Deuxième partie
Les jouets
et les principaux fabricants
du Jura
97
Histoire du jouet
Il n’est pas aisé de classifier et de présenter à la fois les différents types de jouets qui ont été fabriqués
dans le Jura et les nombreux fabricants de ce territoire. La plupart de ces derniers ont proposé ou continuent à intégrer dans leurs collections des gammes qui font parfois le grand écart entre les différentes
catégories de jouets, les matériaux utilisés et les publics ciblés. De plus, les jouets étant nécessairement
le reflet de l’époque à laquelle remonte leur création et leur mise sur le marché, les disparités peuvent
être fortes au sein d’une même famille de jouets, avec une production qui s’étale quelquefois depuis une
période très longue.
Dans un premier temps, on s’intéressera aux fabricants de jouets en bois. Ce sont eux, historiquement, qui sont apparus au commencement, même si beaucoup se sont complètement détournés de
ce matériau naturel par la suite. L’exposé se poursuivra par les fabricants qui ont mené la danse du
mouvement de concentration ayant caractérisé la profession au cours du dernier quart du XXe siècle.
Enfin, grâce à une classification simple, nous balaierons les différentes catégories de jouets qui ont été
ou qui sont encore fabriqués localement. Dans cette troisième partie, nous découvrirons les fabricants
importants qui se sont spécialisés dans des familles de jouets spécifiques.
Les jouets dont la production a fait l’objet d’un processus de délocalisation (mouvement qui a pris de
l’ampleur depuis la seconde moitié du XXe siècle) ne seront pas repris dans ce survol. Cela ne préjuge en
rien de leur intérêt ou de leur valeur, mais ce choix permet de circonscrire le périmètre de l’analyse. L’offre de
jouets du Jura et la grande diversité des fabricants demeurent en tout cas un sujet au moins aussi vaste que
le lieu qui les a vus naître. La sélection d’objets et de marques présentés n’est donc en aucun cas exhaustive.
Il faudrait toute une encyclopédie pour en venir à bout. Ce travail de recherche ne fait que commencer...
Canard à traîner
en bois laqué l’Arbre à jouer
des années 70 ou 80.
Collection privée.
98
les jouets et les principaux fabricants du jura
I. Les fabricants de jouets en bois
Peu de fabricants de jouets en bois sont parvenus jusqu’à nous. Ceux qui y sont arrivés sont paradoxalement ceux qui, dans les années cinquante, n’ont pas succombé au chant des sirènes des matières
plastiques. Cette longévité leur a toutefois valu de payer le prix du désamour dont a été victime le jouet
en bois des années soixante à quatre-vingt.
Cretin – Les jouets Educalux
Le père de Paul Cretin a fondé l’atelier familial de tournerie consacré à la fabrication de robinets
de tonneaux. Lorsque son fils Michel le rejoint à son retour du service militaire au début des années
cinquante, ce dernier constate que le marché est devenu obsolète, le vin étant désormais distribué en
bouteilles et non plus en fûts. C’est alors qu’il décide presque par hasard de se lancer dans la fabrication de jouets en bois, « parce qu’il fallait bien faire quelque chose », sous l’influence de l’effervescence
qui règne autour du jouet à Moirans et ses alentours en ce début des années cinquante. D’autant que
l’atelier familial fournissait déjà en roues des fabricants de jouets comme Clairbois ou Giraud-Sauveur
qui en équipait ses chevaux.
La locomotive démontable
en bois laqué Educalux
a existé dans de nombreuses
tailles et variantes depuis
la fin des années 50.
Celle-ci, de grande taille,
avec un conducteur en matière
plastique doit dater du début
des années 80.
Collection particulière.
Longueur : 37 cm.
Les premiers jouets de chez
Cretin de Maisod sont
apparus au milieu des années
50. Comme le montre cette
publicité de 1959 publiée
dans l’annuaire Jouets et jeux
de France, la toute jeune
marque Educalux propose
avant tout des jouets en bois
tourné issus de l’atelier
familial. Jouets à empiler,
à traîner et à construire seront
pendant longtemps le credo
du fabricant. La marque et
son logo ont été inventés et
dessinés sur un coin de table
par Michel Cretin en 1958.
Il voulait à la fois mettre
en avant le caractère éducatif
de ses jouets et leur niveau
finition hors pair dû à la
laque épaisse et résistante.
La publicité n’hésite
d’ailleurs pas à parler de
« bois émaillé ».
99
Voiture avec personnage
à traîner Educalux.
Début des années 70.
La carrosserie de la voiture
et la capote sont en plastique
soufflé. La tête, les bras
et mains et le chapeau de
l’éléphant sont aussi en
plastique tandis que toutes
les autres pièces sont en bois
laqué. Un exemple typique
de jouet Educalux de cette
époque.Collection privée.
Hauteur : 27 cm, longueur :
25 cm.
les jouets et les principaux fabricants du jura
C’est d’ailleurs à la foire de Lyon en 1955 où Michel Cretin
avait fait le déplacement pour y proposer ses roues à d’autres
fabricants, qu’il entrevit le potentiel que représentait le secteur
du jouet. Décidé à voler de ses propres ailes, il créa deux ans
plus tard sa première collection de jouets en bois laqué.
Les premiers modèles sont dessinés par Michel Cretin luimême. Michel Pinget, un dessinateur de Lyon, en assure
ensuite la pérennité. La distribution se fait rapidement avec
le concours d’un représentant proche des acheteurs. Dès
1958, la maison Cretin partage un stand à la foire de Lyon
avec deux autres artisans. C’est lors d’une prochaine foire
qu’un client italien passera une commande équivalente à une
année de chiffre d’affaires, une opportunité rêvée pour faire
partie de la cour des fabricants importants de jouets en bois.
Avec la qualité de sa laque, obtenue à force de tâtonnements
dans le but d’atteindre le même niveau d’excellence que celui
du fabricant grec Kouvalias qui fera longtemps référence
dans le métier, Michel Cretin, bientôt épaulé par sa femme
Bernadette, a déjà réussi à donner une image enviable à ses jouets. Instinctivement, il créa et dessina
dès 1958 la marque et le logo Educalux qui symbolisera l’entreprise. Parmi les modèles des premières
années, le chien « Zouki » deviendra un des best-sellers de la marque, fabriqué avec un outil servant
auparavant à fabriquer des robinets, d’où la forme caractéristique de son corps.
101
Ci-contre : la marque
Educalux est à la croisée
des chemins en 1973 lorsque
cette publicité est présentée
dans la Revue du jouet.
Bien plus tard que beaucoup
d’autres fabricants jurassiens
de jouets en bois qui s’étaient
tournés vers les matières
plastiques 20 ans auparavant,
Educalux incorpore désormais
dans ses jouets en bois des
pièces faites de polymères,
comme les personnages et
quelques pièces du manège.
En bas : au premier plan,
le chien à traîner « Zouki »
(longueur : 22 cm) est
devenu au fil du temps une
des mascottes de la marque.
Son corps à la forme
asymétrique (l’avant est plus
épais que l’arrière) était
tourné avec un outil qui
servait à fabriquer des robinets
de tonneaux à l’époque
où l’atelier familial en avait
fait sa spécialité. Le modèle
de gauche est un empilable
(hauteur : 20,5 cm),
une spécialité du fabricant.
Seules les oreilles des deux
chiens sont en matière
plastique. Toutes les autres
pièces sont en bois laqué.
Collection privée.
Histoire du jouet
Ci-dessous : publicité de
1980 dans La revue du jouet.
Educalux fait alors partie du
groupement DJIN. Les pièces
en matière plastique ont
désormais complètement
remplacé celles en bois dans
les nouveaux modèles qui
apparaissent dans la
collection Educalux. Légèreté,
facilité de fabrication et coût
moindre, les qualités des
matières plastiques ont fini
par convaincre définitivement
la marque de Maisod.
À la fin des années soixante, on s’inquiète chez Educalux de la mauvaise image que pourraient avoir
les empilables en bois auprès des écoles. En effet, à cause de leur poids, ils risquent de se transformer en
projectiles entre les mains des bambins. La décision est alors prise de fabriquer des anneaux en matière
plastique soufflée. Non équipée pour effectuer un tel virage technologique, la marque va alors se tourner
vers la région d’Oyonnax où elle fera mouler ses pièces. Devant les multiples avantages procurés par les
matières plastiques qui avaient déjà au préalable séduit presque tous les anciens fabricants de jouets en
bois du massif, Educalux intégrera progressivement dans ses modèles un nombre toujours croissant de
pièces en matière plastique qui lui ouvriront de nouvelles perspectives.
L’entreprise est devenue prospère au fil du temps et dépasse maintenant les cinquante salariés dont
elle prend soin tant la main-d’œuvre est devenue une denrée rare en ce début des années soixantedix. Comme la plupart des fabricants de la région, Educalux fait venir des travailleurs immigrés : des
Turcs, des Maghrébins dont le mode de vie étonnera souvent cette France rurale de la région de SaintClaude et d’Oyonnax. Avec la ruse du Petit Poucet, la marque parviendra ensuite à s’immiscer dans des
créneaux du marché d’où elle était alors totalement absente, comme les mobiles dont elle deviendra le
premier fabricant européen, en produisant jusqu’à un millier par jour. Les jouets d’éveil et de premier
âge apporteront ainsi un second souffle à Educalux qui pâtit de la désaffection pour les jouets en bois
après les Trente Glorieuses.
Ci-dessus : jouet à traîner
Educalux entièrement
en matière plastique datant
des années 80.
Collection particulière.
Hauteur : 19 cm, longueur :
18 cm.
À la fin des années 70,
Educalux crée des
personnages et tout un
univers : les « Minitou ».
Collection particulière.
Longueur : 47,5 cm,
hauteur : 23 cm.
102
les jouets et les principaux fabricants du jura
Souffrant de la raréfaction progressive des petits détaillants, la marque devra se résoudre à se tourner
vers les circuits de grande distribution pour écouler ses jouets qui exigent désormais des séries plus
longues pour pouvoir être rentabilisés. Elle doit aussi à présent affronter des marques aux moyens sans
commune mesure. Soumise aux conditions draconiennes de la grande distribution qui l’affaiblissent peu
à peu, l’entreprise redouble pourtant d’imagination et fait preuve d’un marketing innovant pour imposer
ses produits. Comme cette opération menée en 1987 qui visera à faire connaître la marque auprès des
jeunes mamans en leur offrant un hochet à la naissance de leur enfant.
Peinant à trouver un nouveau souffle à l’aube des années quatre-vingt, la marque sera revendue au
groupe Idéal Loisirs en 1988, qui s’illustrera ensuite par le rachat de Majorette en 1993. Educalux
accueillera sous son toit la marque Pipo, elle aussi reprise par son acquéreur. Une politique de groupe
dont la fabrication française n’est pas la spécialité sonnera le glas des jouets en bois Educalux en 1990,
et l’arrêt définitif de la production en 1992.
Giraud-Sauveur
En 1910, deux Allemands venus de Nuremberg s’installent à
Champagnole. Ils s’associent avec Léon Giraud-Sauveur qui vient
tout juste d’acquérir un moulin à farine à côté duquel il dispose de
locaux vacants. Ensemble, ils démarrent rapidement la fabrication
de chevaux en carton moulé.
Après le départ des Allemands en 1913, le jeune fabricant développe sa gamme mais l’essor de l’entreprise se trouve entravé par
l’éclatement de la Grande Guerre qui conduit tous les hommes
au front et entraîne la raréfaction des matières premières. Rose
Giraud-Sauveur, la femme de Léon et la fille de M. Verpillat, maire
de Moirans, tourneur de son état qui a initié sa fille à la conduite
des affaires, va alors remplacer son mari aux commandes de l’entreprise. Elle se lance dans la fabrication de poupées au corps bourré
de copeaux, dotées d’une tête en carton moulé. Leur fabrication est
assurée par un bataillon de femmes travaillant à domicile. Au retour
du conflit, Léon Giraud-Sauveur doit subir le départ de son contremaître pour monnayer son savoirfaire chez un concurrent. Cependant, le développement des articles, la mécanisation progressive de la
production et le dynamisme dont fait preuve toute la famille lui permettent de traverser les années folles
sans encombre.
Les animaux en carton sont moulés dans les moules en plâtre ou en fonte en deux parties qui sont
ensuite collées ou agrafées l’une contre l’autre. Ils sont peints ou recouverts de véritable peau ou de
flocage de poudre de laine déposée après avoir encollé le support. Les pattes sont en bois, la crinière
et la queue en peau de lapin ou de chèvre. Dans les années trente, tandis que les deux fils Charles et
Fernand intègrent l’entreprise et épaulent leur mère désormais veuve, la demande en chevaux se fait
moins pressante, reflétant la réalité de la rue où les automobiles prennent le dessus. Giraud-Sauveur
s’oriente alors vers des articles de plage, parmi lesquels les yo-yo qui connaissent une mode importante
103
En 1919, approché par un
ancien contremaître de chez
Giraud-Sauveur, l’industriel
Georges Bazinet de
Champagnole se lance dans
la fabrication de chevaux
à bascule et à roulettes.
Une dure épreuve pour Léon
Giraud-Sauveur qui a lancé
son activité de production de
jouets quelques années plus
tôt à peine. Lorsque parait
cette publicité dans Le jouet
français en 1953, l’entreprise
vit ses dernières années.
Ci-dessus : couverture
du catalogue Giraud Sauveur
vers 1910.
Collection particulière.
Ci-contre : l’intérieur
du stand Giraud-Sauveur
à la foire de Lyon en 1917.
Les poupées à la tête
cartonnée et au corps bourré
de copeaux de bois sont
affichées comme des trophées.
La gamme des chevaux
en carton moulé est déjà
vaste elle aussi. Ils mesurent
une taille qui va de quelques
centimètres à celle
d’un véritable poulain !
Collection particulière.
les jouets et les principaux fabricants du jura
Lorge – Les jouets L’arbre à jouer
En 1880, Jules Lorge fonde à Vouglans l’entreprise familiale dans laquelle quatre générations se succéderont. Il faudra atteindre 1978 et l’apparition de la marque l’Arbre à
jouer pour que cette fabrique devienne un acteur d’importance sur le marché du jouet en
bois. En 1990, elle annonce déjà un chiffre d’affaires 22 millions de francs1 dont un quart
à l’exportation, 31 millions2 sept ans plus tard. Dans sa nouvelle usine qu’elle a érigée à
Moirans-en-Montagne, délaissant son fief historique de Vouglans, la firme emploie près
d’une cinquantaine de salariés et produit 600 000 jouets annuellement.
Un joli succès qui n’empêchera pas le fabricant de connaître à son tour des difficultés.
En septembre 2007, l’entreprise est liquidée. La marque L’arbre à jouer subsiste. Elle a
été rachetée par Vilac, le concurrent d’hier.
Villet Frères – Les jouets Vilac
C’est en 1911 que Narcisse Villet crée à Moirans son atelier de tournerie consacré à la fabrication
d’articles de Moirans pour le compte de négociants. Comme des quilles, des boules, des cordes à sauter,
des sifflets,…
En 1951, l’affaire devient Villet Fres lors de sa reprise par Paul et Raymond Villet. Ils vont la développer,
en profitant de l’engouement dont bénéficient les jouets à traîner après-guerre, et distinguer leurs jouets
de ceux de leurs concurrents grâce à la nouvelle laque cellulosique dans laquelle ils trempent les pièces
de bois. Cette particularité donnera naissance à la marque Vilac, contraction du nom des fondateurs et
du mot laque. Dès la fin des années soixante, ils n’hésiteront pas à recourir à des licences, comme Kiri
le clown et Walt Disney qui demeureront plusieurs décennies au catalogue du fabricant.
Dans les années soixante-dix, le jouet en bois souffre. Les professionnels n’y croient plus et le nombre
des points de vente fond comme neige au soleil. Les coûts de revient augmentent mais les prix de vente
ne suivent pas. La création est en berne. Le discours qui prévaut n’incite pas à l’optimisme. Pourtant
l’affaire est reprise en 1977 par Roger Prieur, un jeune ingénieur qui va s’efforcer de rationaliser et de
pérenniser la production. De nouvelles gammes de jouets sont lancées, comme les voitures en bois. En
1985, c’est un autre jeune entrepreneur qui reprend l’affaire à bout de souffle. S’entourant d’une équipe
fraîche, Hervé Halgand modernise le design de la gamme, rehausse le niveau de qualité pour tenter de
séduire des clients exigeants. Ils sont originaires parfois de l’autre bout de la planète, là où le vent a déjà
tourné pour le jouet en bois et où les consommateurs ont envie d’autre chose que des jouets hyperstandardisés des multinationales vendus en gondoles de supermarchés.
Lentement, Vilac monte en gamme, s’entoure d’artistes et s’impose comme une marque de référence dans
le Landerneau du jouet en bois. Le chiffre d’affaires grimpe et bénéficie du nouvel engouement pour les
jouets en bois qui atteindra le marché français dans les années quatre-vingt-dix. Grand prix du jouet, ourson
de l’exportation,… la profession salue ce renouveau qui se traduit par un chiffre d’affaires de 20 millions de
francs3 en 1993. En 1995, Vilac rachète Petitcollin, la fabrique meusienne de baigneurs.
1. Soit 3 350 000 euros.
2. Soit 4 720 000 euros.
3. Soit 3 millions d’euros.
111
En 1986, Lorge sera le
premier fabricant de jouets en
bois à recourir à la machine
de défonçage à commande
numérique. La machine,
selon un programme enregistré
préalablement, va découper,
creuser et percer la pièce
de bois qui est reproduite en
série, comme ce plateau de jeu
de toupie « Toupinette » au
tout début des années 2000.
Là où il aurait fallu
précédemment plusieurs
étapes, la pièce est fabriquée
en une seule fois, en série par
la machine qui change d’outil
de manière automatique.
Le bois utilisé n’en est pas
vraiment. C’est du MDF pour
« Medium Density Fiber »,
un aggloméré très dense
à base de sciure de bois et de
liant. Solide, de bel aspect
lisse une fois mis en peinture,
ce matériau est privilégié
pour les grandes pièces
de bois plat que l’on ne
pourrait pas réaliser en bois
massif. 25 x 25 cm.
Histoire du jouet
Ci-dessus : publicité dans
Nos jouets nos jeux en 1960.
Le logo est tout nouveau
et la marque Vilac encore
toute jeune.
Ci-contre : éléphant
à traîner Vilac en bois laqué.
Vers 1972.
Collection privée.
Longueur : 17 cm.
112
Durant les années 80, Vilac
s’est lancé dans la fabrication
d’objets de locomotion
(voitures, bateaux,…) stylisés,
à la finition hors pair, vendus
dans des boutiques
prestigieuses. Cette gamme a
permis de maintenir l’activité
de l’entreprise durant la
période de vaches maigres, et
de poser les fondations de
l’image haut de gamme dont
le fabricant va bénéficier par
la suite. Ce camion Citroën
mesure 40 cm.
les jouets et les principaux fabricants du jura
III. Les fabricants spécialisés
du massif jurassien
Animaux et jouets pour les petits
Les jouets de premier âge
Au XXe siècle, les jouets pour la petite enfance ne sont plus destinés comme autrefois à effrayer et
à éloigner les esprits malfaisants. Ce sont plutôt les moyens de favoriser et de stimuler l’éveil et de la
psychomotricité du nouveau-né qui sont recherchés.
La hausse de la natalité après les deux conflits mondiaux s’est accompagnée d’une place grandissante
octroyée à l’enfant au sein de la cellule familiale. Conjointement, l’apparition de nouvelles matières
légères et solides, bien adaptées aux petites mains, sera le creuset de l’essor des fabricants de jouets de
premier âge. Le moulage des hochets et des jouets destinés au premier âge se fera d’abord en celluloïd,
en acétate de cellulose, puis dans des matières plastiques modernes, et deviendra une spécialité locale.
Surtout à Oyonnax et dans ses alentours où l’on dénombre près d’une trentaine de fabricants de hochets
dans les années cinquante. Les jouets d’éveil destinés à favoriser chez les petits l’apprentissage des
formes et des couleurs seront aussi du domaine de compétence des fabricants de jouets en bois.
Hochet (années 50) en
celluloïd attribué à Convert.
À l’intérieur de la boule
se trouve un petit moulin
comme celui qui avait
été choisi comme emblème
par la marque.
Longueur : 17 cm.
La maison Convert a sans
doute été une des premières
d’Oyonnax à fabriquer des
hochets et des bouliers. Dans
son catalogue des années 70,
la marque en propose encore
une vaste gamme.
135
Apparue dans les années 50,
la maison Josaph Buathier
d’Oyonnax a commercialisé
sous la marque « But »
des jouets destinés au premier
âge, comme ce boulier vers
les années 70. Cette activité
a cessé mais la société existe
toujours actuellement.
Longueur : 35 cm
Les culbutos, appellation
moderne des poussahs,
sont une des spécialités
du fabricant Maréchal
qui en propose déjà dans
son catalogue vers 1957.
Lardy en proposera de
nombreux modèles également.
Collection privée.
Hauteur : 16 à 21 cm.
Histoire de jouets
Jouets à traîner,…
Les animaux et les formes du vivant et de la nature ont toujours été des sources d’inspiration majeures
pour les fabricants de jouets. Ils incarnent une source inépuisable de jeu en même temps qu’un objet
de réconfort, comme le ferait un véritable animal de compagnie. La variété des animaux représentés est
importante. Préhistoriques, sauvages, domestiques, bibliques ou mythiques, presque tous bénéficient
d’une attirance spontanée de la part des enfants. Les plus représentés toutefois sont les animaux familiers, porte-bonheur et ceux dont l’apparence est la plus sympathique. Tout comme dans la vie réelle,
ces derniers peuvent refléter l’appartenance à une classe sociale. On distingue ainsi les plus populaires
des luxueux. Le cheval est à la croisée des différentes classes. Attribut de puissance et de luxe en tant
qu’animal de monte ou représentation laborieuse lorsqu’il est animal de ferme, il a été un des animaux
les plus représentés sous forme de jouet.
137
Les jouets à traîner ont été
à la mode dans les années 50.
Cela va donner l’envie à Jex,
le fabricant des tampons
homonymes, de venir installer
un atelier à Saint-Claude.
Entre 1950 et début 1958,
il y fera fabriquer une gamme
de jouets à traîner animés
et de quilles en bois laqué.
Ils ont été vendus sous la
marque Jix jusqu’au début
des années 60.
Collection privée.
Longueur : environ 25 cm.
Histoire du jouet
Attelage Clairbois.
Années 50. Longueur : 32 cm
138
Le petit cheval (longueur :
19 cm) est entièrement réalisé
en pièces de bois tourné. Il
proviendrait de chez un
artisan de Corveissiat dans
l’Ain, bien qu’on le trouve
dans le catalogue de la
marque Jix de Saint-Claude.
On l’aperçoit sur ce catalogue
du Bon Marché datant de
1950 sur lequel figure aussi
une poule Eria.
Histoire du jouet
Gaget – Les miniatures Clé
Fondée à Oyonnax vers 1952 par Clément Gaget, la marque Clé reprend les trois premières lettres du
prénom de son fondateur. C’est aussi une clef qui représente le logo de la marque. Comme d’autres fabricants, Clément Gaget s’est d’abord consacré à la production d’articles pour primes, notamment pour la
célèbre lessive Bonux, lancée en 1957 sous la marque Bonus, ou encore pour les marques Huilor, Végétaline
ou pour les biscottes Prior. Les volumes conséquents ont permis de rentabiliser un outil de production que
l’entreprise a ensuite utilisé pour vendre ses modèles sous sa propre marque, en vrac, auprès des bazars ou
sur les étals des marchés, le plus souvent dans la catégorie des jouets premier prix à 100 F… ou à 1 F après
l’arrivée du nouveau franc en 1960. La production a cessé au cours des années quatre-vingt.
Le Jouet Français - Les jouets Jouef
Fondée à Paris en 1944 par le franc-comtois Georges Huart, la société Le Jouet Français donnera d’abord
naissance à la marque JF, épaulée par la marque Jouef dès 1949. La production de jouets de bazar se répartit
entre Paris, des sous-traitants comme la Manufacture de tournerie et jouets du Haut-Jura – une fabrique de
quilles installée à Foncine-le-bas – et des travailleurs à domicile. Aux productions en celluloïd succèdent des
articles en fonte d’aluminium et en bakélite.
Le premier train en tôle lithographiée apparaît en 1949, suivi du premier train électrique en 1955.
Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, l’invention de l’agrafage des plaques de métal permettant
d’occulter les soudures, les machines de découpe et d’estampage et surtout le développement de la
chromolithographie remplaçant la peinture ont constitué une révolution technique qui a permis d’accélérer les cadences et les volumes de production des plaques de tôle. Cela a rendu possible le développement de la fabrication des jouets en métal et l’émergence de marques prestigieuses comme JEP (le
Jouet de Paris).
Il n’y a pas que Jouef qui
a fabriqué des trains, comme
en témoigne ce « Bambino »
qui était proposé dans
les années 60 par Noréda
de Moirans-en-Montagne.
Coffret : 37,5 x 26,5 cm.
La locomotive mesure 17 cm.
148
les jouets et les principaux fabricants du jura
Cette publicité dans Nos
jouets nos jeux en 1958 vante
la diversité des échelles de
tailles proposées par Clément
Gaget. Curieusement, le 1/43e
n’en fait pas partie alors
que cette échelle sera reine
dans le monde de la
miniature. La Citroën DS
qui a fait sensation lors de sa
présentation quatre ans plus
tôt est toujours très prisée
des fabricants de miniatures,
tant par l’aura de modernité
que grâce au prestige qui
s’en dégage.
Si il n’y avait pas les pneus
en caoutchouc souple et les
quelques détails qui
agrémentent la carrosserie,
comme les phares scintillants
ou l’antenne, on pourrait
vraiment trouver l’aspect
spartiate de cette Peugeot 203
à l’échelle 1/48e fort peu
engageant. Le modèle est
en effet dépourvu de tout
aménagement intérieur
et ne possède pas de vitrage.
C’est à son origine de cadeau
« Bonux » et à sa vocation
de jouet de bazar qu’elle doit
un tel dénuement. La marque
Clé a en effet toujours
eu la volonté de vendre
des miniatures bon marché
en grandes quantités.
Longueur : 9 cm. Années 50.
149
Histoire du jouet
Très vite, Jouef abandonne la tôle lithographiée, éprouvée mais déjà passée de mode dans les années
cinquante. Il lui préfère la matière plastique, encore peu utilisée dans le domaine du train jouet. Elle
permet alors de reproduire fidèlement les détails des modèles réels à moindre coût. La concurrence
est pourtant rude dans le domaine ferroviaire, avec la marque française Gégé qui propose des trains plus
accessibles, et le géant britannique Hornby, une émanation du groupe Meccano. En une dizaine d’années
à peine, la marque Jouef devient progressivement un acteur majeur dans le train jouet se voit récompensée
par un oscar en 1959. Elle continue, au cours des années soixante, à démocratiser le train jouet miniature, au sein d’une vaste gamme qui compte trains, voitures, bateaux, tracteurs, jouets mécaniques,… On
trouve aussi des circuits automobiles dans le catalogue de la célèbre firme de Champagnole. Des articles
sont même vendus sous la marque Punch réservée aux grands magasins Monoprix et Prisunic.
En parallèle, grâce à des accords passés avec la société Jeujura toute proche, qui assurait leur fabrication, Le Jouet Français a aussi distribué des cubes, des jeux en bois et des jeux de société. La fin des
années soixante laisse poindre l’ancrage définitif de Jouef au monde du modélisme, au détriment du
jouet à qui le fabricant tournera progressivement le dos.
Ce wagon à ridelles transporte
quelques brindilles qui
évoquent de véritables troncs
d’arbres une fois dans leur
environnement ferroviaire à
l’échelle H0 (au 1/87e).
Présenté par Jouef en 1959,
ce modèle est encore doté d’un
des systèmes d’attelages
maison, avant que la marque
ne se rallie en 1963 au
système standardisé
« international » imposé par
la firme allemande Märklin.
La boîte porte encore le
premier logo avec la marque
inscrite à l’intérieur d’un
losange. Il s’effacera en 1962.
Longueur : 18,5 cm.
150
les jouets et les principaux fabricants du jura
Publicité parue dans le
numéro spécial consacré au
salon de Nuremberg de la
revue allemande « Das
Spielzeug » début 1967.
C’est à partir de cette époque
que la firme se tourne
résolument vers le modélisme
(ferroviaire et circuits
routiers), même si des jouets
sont maintenus au catalogue.
Les modèles proposés
rivalisent de réalisme et de
qualité, comme en attestent les
modèles présentés sur la
publicité. Les concurrents
Gégé et Meccano sont
désormais tenus à distance et
les concurrents allemands sont
plus que jamais à la portée
de Jouef. Une nécessité pour
prendre pied sur ce marché
exigeant.
En 1972, Georges Huart se sépare de son entreprise, qu’il revend à une filiale du Crédit Lyonnais. La
marque Jouef, alors à son apogée, occupe une situation de quasi-monopole au moment de la première crise
en 1973. La décennie des années soixante-dix est prospère pour la marque champagnolaise, qui n’a toutefois pas anticipé le moment où la vogue des trains miniatures viendrait à évoluer. Les modèles proposés par
la marque peinent toujours à s’imposer auprès des collectionneurs et des modélistes exigeants. En 1977,
le groupe Le Jouet Français rencontre ses premières difficultés et s’effondre quelques années plus tard, en
1981. La branche Jouef qui compte alors 3 usines et 160 personnes est reprise par la CEJI à travers sa célèbre
filiale alsacienne Joustra (contraction de « jouet » et de « Strasbourg »). Le groupe CEJI sombre à son tour
en 1985. La firme Jouef, est rachetée par Jacques Barret, auquel succède Jean-Pierre Coron en 1987.
En 1986, Jouef occupe 17 000 m2 dans ses installations de Champagnole, emploie 90 personnes
et réalise un chiffre d’affaires supérieur à celui de l’époque de la CEJI où elle employait pourtant le
double de salariés. En outre, l’entreprise prend en main la distribution de Revell, le leader mondial des
maquettes plastique. En 1989, Jouef devient Jouef Industries. La marque domine le marché français du
train électrique dont elle assure 65 % des ventes. En revanche, Jouef a du mal à percer sur les marchés
étrangers qui possèdent chacun des marques bien implantées à domicile. En guise de reconnaissance
de l’importance et de la bonne santé de l’entreprise, début décembre 1989, Jouef est introduite au
marché hors-cote de Lyon où elle offre 5,34 % de son capital au public. La bourse de Lyon a déjà vu
passer d’autres jurassiens au cours des années précédentes : Smoby, Monneret et Clairbois auxquels elle
a réservé un bon accueil.
151
Histoire du jouet
Les circuits électriques routiers
apparaissent chez Jouef vers
1963. Ce modèle « Record
64 » est un des premiers.
Collection privée.
Coffret : 61 x 41 cm.
Au cours des années suivantes, Jouef, toujours en quête de nouveaux leviers de croissance – en plus
du train électrique – va prendre la distribution de plusieurs marques de trains dont l’italien Lima en
1990. Jouef reprendra à son compte la gamme de bateaux du voisin de Champagnole Giraud-Sauveur
qu’elle rachètera fin 1987. En parallèle, Jouef reprend la marque de poupées Bella à Berchet. Elle
compte la faire distribuer par Giraud-Sauveur Loisirs dès 1990. Elle va aussi mettre un pied dans
le domaine des voitures radiocommandées en rachetant la marque bourguignonne Yankee. Dans la
foulée, une nouvelle gamme de voitures miniatures est lancée en 1992 sous la marque Jouefevolution.
Le chiffre d’affaires grimpera à 139 millions de francs en 1994, toutes activités confondues. Une
belle progression en quelques années. Mais les trains qui sont l’incarnation du métier et du savoirfaire de l’entreprise ne représentent plus que 42 millions de francs de chiffre d’affaires en 1993.
Enthousiasme et volontarisme et introduction en bourse ne suffisent pas à empêcher une nouvelle
faillite à l’automne 1995.
Le groupe italien Rivarossi, autrefois concurrent à travers sa marque Lima reprend l’activité trains de
Jouef et seulement soixante salariés sur les 156 en 1995. L’activité relancée une nouvelle fois peine à
trouver un équilibre. Difficile de devoir assumer des investissements considérables (les moules nécessaires au lancement de nouveaux modèles sont très coûteux) qu’il faudra ensuite de nombreuses années à
rentabiliser, dans un domaine où les marges sont très faibles.
La marque est pourtant toujours à la page, avec la commercialisation de l’Eurostar en 1995. L’activité stagnera ensuite
autour de 45 millions de francs au cours des années suivantes,
bien loin des objectifs revendiqués. De plus, la rentabilité ne
cesse de se détériorer et l’entreprise finit par atteindre des
pertes abyssales. En 2001, c’est le coup de tonnerre lors de la
fermeture de l’usine de Champagnole. Des productions sont
rapatriées en Italie,… jusqu’à la faillite du groupe Rivarossi
en 2004, repris à son tour par l’anglais Hornby. Depuis 2006,
des trains sont encore proposés sous la marque Jouef, dont
la production est désormais asiatique. Drôle de destin pour
la marque française, exploitée désormais par un concurrent
qu’elle avait vaincu quarante ans plus tôt.
152
les jouets et les principaux fabricants du jura
Grand-Clément – Les miniatures Minialuxe
En 1953, la maison Grand-Clément d’Oyonnax, une fabrique de boucles et de boutons fondée
cinquante ans plus tôt se lance sous l’égide d’Edouard, la seconde génération, dans la production de
miniatures, essentiellement à l’échelle 1/43e. Son petit-fils au même prénom, Edouard Blanc, portera la
destinée de Minialuxe au cours des années soixante à soixante-dix pour hisser la marque au niveau du
principal concurrent : la firme Norev installée près de Lyon. À partir des années soixante, la plupart des
moules ont été réalisés par Louis Surber, un outilleur qui deviendra réputé dans la « Plastic Vallée », ami
et aîné de deux ans de Doudou Blanc, le surnom affectueux donné à Edouard Blanc. Minialuxe propose
aussi des modèles au 1/32e, plus rarement au 1/16e.
Des voitures, quelques remorques et caravanes, des fourgons, certains modèles de camions, d’autocars
ou autres tracteurs agricoles sont sortis des ateliers d’Oyonnax. Des motocyclettes et des cycles ont été
proposés en parallèle, ainsi que des accessoires routiers (feux tricolores, panneaux indicateurs, pompes
à essence, personnages,…). Les miniatures Minialuxe étaient entièrement réalisées en matière plastique
(longtemps en acétate) sauf de rares exceptions comportant un châssis en tôle. On trouve aussi des
modèles dotés de moteurs à friction parmi ceux des années cinquante. Les Minialuxe étaient vendues en
boîte individuelle, en vrac dans un présentoir ou encore en coffrets à thèmes. Elles ont aussi été vendues
sous la marque Punch (réservée aux magasins Monoprix et Prisunic) ou parfois porté le sigle G.C.O.
(pour Grand-Clément Oyonnax).
Certains modèles enfin seront distribués en dehors des magasins de jouets en tant que primes dans
des opérations promotionnelles ou comme gain de concours. Jusque dans les années soixante-dix, il
n’était pas rare en effet, d’être récompensé par un jouet après avoir patiemment accumulé des points en
consommant des biscottes, des yaourts ou autres denrées.
153
La société Monneret n’a pas
fabriqué que des jouets
traditionnels ! Elle a aussi
conçu sous sa marque Éria
entre 1957 et 1961 une série
de miniatures à l’échelle
atypique 1/50e.
La production de certains
modèles a ensuite été reprise
par Eligor, parmi lesquels
cette Estafette.
Longueur : 8 cm.
Histoire du jouet
Austères au démarrage de la marque (les premiers modèles ne comportent ni vitrage ni aménagement intérieur), les miniatures Minialuxe existent aussi avec des niveaux de finition différents pour
un même modèle. Elles gagneront peu à peu en qualité, pour s’éloigner du simple jouet de bazar à
bas prix et séduire des clients de plus en plus habitués à des modèles raffinés. Les derniers modèles
des années soixante-dix rivaliseront sans complexe avec les miniatures Norev. Reflétant la réalité du
marché, à quelques exceptions près, ce sont majoritairement des modèles français qui composeront la
gamme Minialuxe. Les constructeurs français sont alors plus nombreux et leur part de marché est plus
importante qu’aujourd’hui. Des Gordini, Hotchkiss, Matra, Panhard, Simca et cars Floirat font ainsi
partie du catalogue des modèles contemporains au 1/43e, qui comptera environ 70 modèles différents,
disponibles dans de nombreuses variantes. La Peugeot 604 sera le dernier modèle créé par la marque
en 1976.
Les miniatures en matière plastique ont fort à faire à la fin des Trente Glorieuses, victimes des hausses
consécutives du coût des matières plastiques et d’une concurrence exacerbée qui vient désormais de
l’étranger. Après plus de deux millions de pièces produites, la fermeture de Minialuxe intervient en
septembre 1978. Quelques moules de la marque ont été repris par d’autres fabricants, notamment par
ELIGOR qui les utilisera à partir de 1986. Par ailleurs, la marque Minialuxe a été relancée en 2012 par
des investisseurs. Les miniatures sont désormais en zamak. Elles sont fabriquées sous d’autres cieux…
La résurrection d’une marque de jouets près de trente-cinq ans après sa disparition demeure en tout cas
suffisamment atypique pour être saluée !
Grande classique du paysage
automobile des années 65 à
76, la Peugeot 204 a existé
sous de multiples carrosseries.
Elle a naturellement été aussi
beaucoup reproduite au 1/43è
par de multiples fabricants.
À gauche, un coupé 204 qui
a été produit par la marque
Injectaplastic. Longueur :
8,5 cm. Il côtoie une berline
204 apparue au catalogue
Minialuxe en 1966.
Longueur : 9,5 cm. Dotée d’un
capot ouvrant, elle bénéficie
d’une finition bien supérieure
et d’un système de suspensions.
La société Injectaplastic
d’Oyonnax a produit des jouets
à partir de la fin des années 50.
Elle a commercialisé quelques
véhicules miniatures sous sa
propre marque au début des
années 70 et elle a aussi
produit des jouets de bazar et
des jouets pour primes.
154
les jouets et les principaux fabricants du jura
La Porsche 911 « Targa »
(longueur : 10 cm) et la
Jaguar Type D (longueur :
9 cm) sont deux voitures
de sport emblématiques
des années 60 qui ont été
reproduites par Minialuxe
en leur temps. Tandis que la
première a fêté en fanfare
son cinquantenaire en 2013,
la seconde est tombée dans
l’oubli auprès du grand
public. La destinée d’un objet
est parfois surprenante ou
ingrate. Il en est de même
pour les jouets et pour leurs
fabricants.
155
Histoire du jouet
À l’instar de ses concurrents,
à commencer par le voisin
Clément Gaget, qui
commercialise ses miniatures
sous la marque Clé,
Minialuxe créera entre 
1964 et 1968 à l’échelle
1/43e une série de tacots
datant du début du
XXe siècle, dont cette Renault
reconnaissable grâce à la
forme caractéristique de son
capot. Il s’agit d’une AM
limousine de 1907.
Longueur : 9 cm.
156
les jouets et les principaux fabricants du jura
Publicité dans l’Annuaire
Jouets et Jeux de France
en 1964.
157
Histoire du jouet
Le coffret de jeu « Rallye-code
», à la finition soignée, a dû
être un des tout premiers jeux
édités par la société Ponsard
en 1956. Ce fabricant de
jeux de société avait choisi
pour marque « la Tour
Saint-Denis », un édifice
emblématique de la ville
d’Ambérieu-en-Bugey – située
au pied des contreforts du sud
du massif jurassien – dans
laquelle il était installé.
Coffret : 33,5 x 35 x 4,5 cm.
Plateau : 60 x 45 cm.
Jeux de table et jeux de société
On réunit sous l’appellation jeux de société les jeux de cartes, de dames, de parcours, de chiffres et
de lettres qui se jouent généralement à plusieurs. À ce titre ils favorisent la socialisation de l’enfant en
lui apprenant à suivre les règles. À subir les lois du hasard et de la compétition aussi, surtout lorsque le
résultat est à son détriment ! C’est un terrain privilégié pour les fabricants du Jura qui ont longtemps
fourni les fabricants de tous horizons en pions, pièces de jeux, dés et coffrets.
178
les jouets et les principaux fabricants du jura
Comme plusieurs fabricants
installés dans la vallée de la
Bienne, Couvat s’est tourné
vers la production de jeux de
société de voyage en matière
plastique. Cette fabrique a
fermé il y a peu. Nain jaune :
26 x 23 cm. Jeu de dames :
15,5 x 11 cm. Années 70.
179
Histoire du jouet
Jeu de l’oie et jeu de petits
chevaux contemporain de
chez Chavet. Il suffit de
retourner le coffret pour jouer
tantôt à l’un ou à l’autre.
Ce sont des grands classiques
chez les fabricants et dans
chaque famille. Fondée en
1912 par Henri Chavet, cette
société familiale s’est d’abord
spécialisée dans la fabrication
de pions d’échecs, de dames et
de loto avant de proposer des
jeux de plateau complets à
partir des années 70.
Rachetée par Morize, elle a
continué à fabriquer jusqu’en
2013 des jeux en bois dans
son usine de Dortan, parmi
lesquels des jeux d’échecs
vendus sous la marque Chavet
Chess. 42 x 33 x 3,5 cm.
Ces pions de diamètre 3,5 cm
sont moulurés, c’est-à-dire
qu’ils sont ornés de rainures
en creux et en relief. Les
blancs sont en buis en finition
naturelle tandis que les noirs
sont en bakélite.
Coffret : 19 x 7 cm.
180
les jouets et les principaux fabricants du jura
Dortan a longtemps été le lieu de fabrication privilégié des jeux de pièces d’échecs Staunton, c’est-à-dire
de pièces qui reprennent le style et la forme qui ont été approuvés en 1849 par le meilleur joueur
d’échecs au monde de l’époque, le Britannique Howard Staunton. Après la mise au point du modèle, la
firme anglaise qui s’en était approprié la propriété s’est tournée vers les spécialistes de Dortan qui
étaient les seuls capables de reproduire fidèlement ce type de jeu dans le matériau retenu : le buis. Il
faut souligner que Dortan était déjà un haut lieu de la fabrication de pièces de jeux d’échecs. Elle
remonterait en effet au XVIIIe siècle. En 1757, Voltaire, qui séjournait alors à Ferney, tout près de
Genève, serait venu jouer aux échecs au château de Dortan contre le Comte d’Uffel. Jusqu’à la Première
Guerre mondiale, les pièces d’échecs Staunton ont été fabriquées exclusivement par la maison Alexandre
Vincent, liée contractuellement à son donneur d’ordre anglais. Le conflit ayant délié les parties, le jeu
de pièces d’échecs Staunton s’est progressivement répandu auprès des autres fabricants de la vallée. La
société Vincent, quant à elle a été reprise par la société Pichon. Pichon-Vincent a continué à Oyonnax
son activité de fabrication de jeux d’échecs et de jeux de société en bois et en matière plastique vendus
sous la marque Phidias jusque dans les années 70. Cette marque a même été le fournisseur officiel du
Championnat du monde d’échecs de 1972, théâtre du célèbre duel Spassky-Fischer.
Installée à Jeurre, au cœur de la
vallée de la Bienne, la société
familiale Lambert a fabriqué
des jeux d’échecs comme ce
très beau coffret à la finition
particulièrement raffinée. Les
yeux des cavaliers sont en verre.
Le dessous de chaque pièce est
garni de feutre qui leur confère
une grande légèreté de
mouvement, donnant l’illusion
qu’elles flottent sur le plateau.
Chaque pièce enfin, est évidée
au centre de son assise.
Un lest de plomb y est introduit
pour donner davantage
de stabilité aux pièces.
Plateau : 38,5 x 38,5 cm.
Le roi mesure 9,5 cm.
181
Histoire du jouet
Ci-dessous : le « cube
élastique » est le casse-tête le
plus courant provenant de
chez Robert Dalloz à Etival,
qui a démarré son activité de
tournerie en 1929. Après
l’arrivée des matières
plastiques, la seconde puis la
troisième génération se sont
orientés vers la fabrication
d’articles pour enfants. C’est
une commande importante
émanant d’un vépéciste en
1963 qui leur mettra le pied à
l’étrier, de la fabrication de
casse-tête en bois. Aussi
vendus sous la marque Robdal
Ci-dessous : en bois ou
en matière plastique
après-guerre, les dés qui sont
apparus au xve siècle sont
fabriqués dans le Jura de très
longue date. Les gros dés
et les moyens sont en hêtre.
Ils mesurent respectivement
7,5 cm et 3,8 cm d’arête.
Les petits sont en buis.
(la contraction de Robert
Dalloz), ils ont hissé l’atelier
familial au premier rang
européen. Arête : 6 cm.
Ci-contre : sur cet extrait du
catalogue Projouet en 1977,
on voit notamment des jeux
d’échecs et des plateaux de
jeux de chez Lardy de
Lavancia. Ils étaient vendus
vendus sous la marque Educo.
Il y a aussi des pistes de jeux
Playbox de Dortan, ainsi que
des articles Héron et
France-Cartes. Cette dernière
société rachètera les deux
précédentes.
Ci-contre : jeu de solitaire
produit par l’Arbre
à jouer dans les années 80.
Diamètre 30 cm.
182
Publicité dans l’Annuaire
Jouets et Jeux en 1981.

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