Visite d`une mine et d`une usine de K+S Kali GmbH.

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Visite d`une mine et d`une usine de K+S Kali GmbH.
Visite d’une mine et d’une usine de K+S Kali GmbH.
Daniel Ryckmans
Glück Auf ! Voilà comment les mineurs se saluent quand ils se croisent en descendant ou en quittant la mine… Glück Auf, « que tu en sortes avec bonheur, que tu en sortes bien »…
A l’invitation de K+S Benelux, nous avons eu l’occasion de visiter la mine de sel et de potasse de
Kali und Salz GmbH à Merkers ainsi que
l’usine de Hattorf, aux frontières des Länder
de Hesse et de Thuringe au centre de la RFA.
La firme K+S et ses produits
K+S est le premier producteur européen de
potasse (et d’une série d’autres éléments également présents dans les dépôts souterrains de
« sels et de potasse » (soude, magnésium, soufre, phosphore ainsi que plusieurs éléments
mineurs: bore, manganèse, zinc)) que l’on
trouve dans les mines exploitées par la firme
dont le siège est basé à Kassel (Hesse). K+S
est le quatrième producteur au monde de potasse, et produit 12 % (6,7 millions de tonnes)
du total mondial. La firme emploie au total
environ 12.000 personnes, dont 10.000 en Allemagne et environ 145 pour le Bénélux. Au
total, le secteur emploie environ 33.000 personnes en Allemagne.
K+S produit une trentaine d’engrais et de sels
différents, notamment le muriate ou chlorure
de potasse (KCl), le sulfate de potasse (K2
SO4), le sulfate de magnésium (Mg SO4), la
Kiesérite (Mg SO4.H2O), le Patentkali (sulfate
de potasse magnésien), le Bittersalz (sel d’Epsom),… ainsi que des produits plus ou moins raffinés à destination de l’industrie alimentaire et pharmaceutique (voir schéma n° 1 ci-dessous).
Schéma n° 1. Les divers produits de K+S Kali GmbH
En “italique”, les engrais
MOP
• MOP: Muriate of Potash / Chlorure de potasse sous forme “fine”, “sans poussière” ou
“granulé”
• Divers Chlorures de Potasse (avec différents % de KCl)
• Chlorures de potasse pour “industrie” ou “santé / alimentation”
SOP
• SOP: Sulphate of Potash / Sulphate de potasse 'standard' max. 1,0 % Cl
• Sulphate de Potasse 'pauvre en chlore' max. 0,5 % Cl
• HORTISUL® max. 0,5 % Cl
• Sulphate de Potasse 'granular' max. 1,0 % Cl
• Sulphates de Potasse avec divers % de K2SO4 (93 à 99,9%) pour “industrie” ou “santé /
alimentation”
MOP / MgSO4
• Korn-Kali “granules”
SOP / MgSO4
• Patentkali “granules” et “gazon”
MgSO4
• MgSO4 EPSO Top ®
• EPSO Microtop ®
• EPSO Combitop ®
• Sel d’Epsom pure, technical
• Sel d’ Epsom pure, technical, fine crystalline
• FloatMaXX®
• KaSa Mag49® et KaSa Mag98® (alimentation animale)
• Sel d’Epsom pur chimiquement, FCC
• Sel d’Epsom, Ph.Eur., USP
• ESTA ®Kieserite fine
NaCl
• sel de déneigement
MgCl2
• Solutions de chlorure de Magnésium
K+S exploite 8 mines à travers l’Allemagne, la première exploitation ayant commencé en 1873.
Le minerai brut de sels (« Steinsalz ») est extrait de mines de sels (sel, potasse, magnésium,…)
provenant de dépôts ayant été formés il y a plus ou moins 200 millions d’années. (voir schéma n°2
« coupe d’une mine »). A l’époque, des dépôts marins successifs suivis d’évaporations successives
ont conduit à la formation de couches de sels contenant divers minéraux dont la potasse, le magnésium, le soufre, le sodium et les chlorures. Ces dépôts ont ensuite été recouverts par d’autres
dépôts d’argile et de sable.
Schéma n°2. Coupe mine (source: K+S GmbH)
Les minerais de sels exploités sont soit de la Carnalite (un double sel de potasse et de magnésium
contenant 10 à 12% de K2O et 7,5 à 15% de MgO), de la Sylvite (contenant principalement du
chlorure de potasse (KCl, dosant 15 à 25% de K2O ) et du chlorure de sodium (du « sel » NaCl) ou
encore du « Hartsalz » ou sel dur qui est un mélange de chlorure de potasse (KCl), de sel (NaCl) et
de kiesérite (sulfate de magnésium hydraté).
20 millions de m³ d’eau saline
(contenant 6 millions de tonnes de
sel dissous), alors qu’en 2006, ces
quantités avaient été réduites à respectivement 14 millions de m³ de
solution et 4 millions de tonnes de
sel dissous. D’ici 2015, le groupe va
investir 360 millions d’€ afin
d’encore réduire ces quantités. En
2015, les solutions salines rejetées
en rivières devraient être limitées à
7 millions de m³ et à 2 millions de
tonnes de sel dissous.
(Photo 1: chargement minerai: source: K+S GmbH)
Aujourd’hui, ces sels de potasse et de magnésium sont exploités à des profondeurs
variant entre 400 et 1.200 mètres de profondeur. 38,9 millions de tonnes de minerai brut
sont extraites chaque année de l’ensemble
des mines K+S, pour produire, en fin de
compte 8,1 millions de produits finis. Dans
une tonne de minerai brut, il y a en moyenne
17% de KCl et 13% de Mg SO4, le reste étant
principalement du sel (NaCl), de l’argile, et
dans une moindre mesure du sable.
Un des grands avantages des mines allemandes c’est que plusieurs d’entre elles contiennent des dépôts non seulement de potasse
(KCl) mais aussi de kiesérite (sulfate de magnésium hydraté naturel). K+S exploite 2
mines de sel et 6 mines de potasse. On y extrait les sels de potasse et de magnésium de 2
« veines » (couches de 1 à 4 m d’épaisseur)
se trouvant à 2 niveaux différents dans des
dépôts de sel (NaCl) ayant jusqu’à 300 m
d’épaisseur.
Le sel est généralement considéré comme un
déchet, et une fois qu’on a séparé le NaCl des
sulfates de potasse et de magnésium, le sel
solide est entassé sur des montagnes géantes
à proximité des usines ou encore employé
comme « matériau de remplissage » pour
reboucher certaines galeries de mines qui
menacent de s’effondrer. La partie liquide
(solution saline) récupérée après les processus de séparation, de concentration et de raffinage est soit pompée dans le sous sol (dans
des couches poreuses de dolomites), soit rejetée en rivière. Au fil des ans, ces concentrations ont été réduites afin de limiter de plus
en plus les pollutions des rivières Werra et
Weser. En 1997, K+S rejetait encore environ
(Photo 2: déversement du minerai de sel de roche
dans le concasseur : Joseph François, Sillon Belge)
Le gisement de Merkers – Hattorf
Le dépôt de la région de Merkers – Hattorf
couvre une surface de plus ou moins 1.000
km2, soit environ la surface de la région de
Munich! 140 km² sont actuellement exploités, avec plus de 4.600 km de galeries et de
tunnels, ainsi que 150 km de bandes transporteuses pour amener le minerai de base
vers les puits par lesquels il remonte jusqu’à
l’usine. L’exploitation se fait en « ouvrant »
de nouvelles galeries par « dynamitage ». On
fore des trous de 7 m de profondeur (ce travail ce fait avec une machine équipée d’un
laser et d’un ordinateur car c’est un travail
qui doit être fait de manière très précise) tous
les mètres environ avant d’y placer du nitrate
d’ammonium (5 kg par trou) mélangé à de
l’huile qui explose après un contact électrique. Chaque explosion fait « tomber » entre
800 et 1.200 t de minerai. Celui-ci est ensuite
chargé par des bouteurs (voir photos 1 et 2)
ou bulls géants (capacité du bac de 12 à 19
tonnes), qui bennent celui-ci dans une
concasseuse – broyeuse, avant que le minerai
soit évacué par bandes transporteuses (voir
photo 3) et « godets » élévateurs jusqu’à
l’usine. On extrait 100.000 t par jour. Une
fois le minerai chargé, une « gratteuse » vient
égaliser plafond et murs de la galerie, qui
sera ensuite stabilisée et sécurisée avec des
chevilles d’un mètre quarante de long. On en
place 1 tous les 6,5m². L’entreprise en utilise
1,4 millions par an…
(Photo 3: bandes
transporteuses: K+S GmbH)
Les machines qui travaillent fonctionnent
pour partie au diesel et pour partie à
l’électricité.
De
puissants
systèmes
d’aération permettent de renouveler l’air.
L’humidité relative de l’air dans les galeries
est de 22%, et la température à 800 m sous
terre est de 28°C. On y circule en jeep sur
des « pistes de sel ». Suite à un accident de
roulage, la vitesse y a été limitée à 40
km/heure, et il y a même un radar de
contrôle! Il faut dire qu’il y a au total plus de
1.000 véhicules sous terre! Les plus gros ont
d’ailleurs été assemblés dans l’atelier dans la
mine… Dans la mine, il y a une chapelle
dédiée à Sainte Barbe (Heilige Barbara):
celle-ci est censée veiller sur les mineurs. Les
mines de K+S ont d’ailleurs le taux
d’accident de travail le plus bas de toute
l’industrie des mines allemandes, et même de
l’industrie en général.
A la fin de la seconde guerre mondiale, au
plus profond de la mine, les nazis y avaient
stocké une série de trésors (tableaux, objets
d’art,…en bonne partie volés) ainsi que 230
tonnes d’or provenant de la Reichsbank et
d’autres pays de l’axe...mais aussi 3 milliards
de Reichsmark ainsi que diverses devises.
L’armée américaine a mis la main sur cet or
(qui se trouve toujours aux E.U…) avant que
les Russes n’arrivent à leur tour à la recherche du magot…
L’usine de Werra – Hattorf (Werra Werke)
Les “Werra Werke” qui
regroupent les 3 usines
(Hattorf (voir photo 4),
Wintershall et Unterbreizbach) emploient
environ 4.200 personnes, dont 1.917 dans
les mines mêmes. On y
produit 29 produits
différents, allant du sel
de déneigeage aux solutions pour la pharmacie et la médecine, en
passant par les classiques chlorure de potasse (MOP en anglais
abrégé), sulfate de potasse (SOP en anglais abrégé) et kiesérite et
Bittersalz…. (voir schéma n° 1). L’usine de
Hattorf s’est développée le long de la rivière
Werra. On y transforme le minerai (prébroyé
dans la mine à < 60mm) de 3 manières différentes, après que celui-ci ait été finement
broyé.
Les techniques utilisées sont (voir schéma n°
3):
- le processus par séparation électrostatique (système ESTA Verfahren);
- la flottation;
- ou encore la dissolution à chaud (Heißverlösung).
(Photo 4. Tête de puits et bande transporteuse vers
usine (photo Daniel Ryckmans – Fiwap)
Schéma n°3. Les processus de transformation des minerais de potasse à Hattorf (source: K+S GmbH)
Le choix de l’une ou l’autre technique est fait
en fonction de la composition du minerai
brut et du produit final que l’on désire produire.
Le processus de séparation électrostatique
ESTA produit en fin de compte du NaCl (sel
brut) qui est considéré comme un déchet,
ainsi que du chlorure de potasse (KCl) et de
la kiesérite.
La dissolution à chaud produit des cristaux
de KCl, ainsi qu’un mélange de sel (beaucoup) et de kiesérite (moins).
Enfin le processus par flottation produit du
sel (NaCl) ainsi que de la kiesérite.
Ces produits sont ensuite soit utilisés tels
quels, soit retravaillés et mélangés pour produire d’autres sels et sulfates. En mélangeant
de la kiesérite avec de l’eau, on produit,
après dissolution et cristallisation du Bittersalz (voir photo 5) (sels d’Epsom) et du sulfate de magnésium hydraté. Le mélange Bittersalz, chlorure de potasse et d’eau produit
après divers processus du sulfate de potasse
et une solution de chlorure de magnésium.
Evolution de la production, des prix et futur
Entre début 2004 et fin 2006, le prix du chlorure de potasse (MOP) est passé de +/- 65 €/t
rendu port et chargé bateau (prix FOB), à
120 / 125 €/t. Puis les prix ont flambé pour
arriver en octobre 2008 à +/- 645 €/ t (standard, FOB). Depuis, et suite à la crise financière mondiale et au ralentissement de
l’activité économique, le prix de la potasse a
baissé. K+S a par conséquent décidé de ré-
duire de 4% (- 400.000 t) sa production de
chlorure de potasse pour le 4ième trimestre
2008. C’est une manière de ne pas accumuler
des stocks… mais aussi de soutenir les prix.
(Photo 5: Big bag de Bittersalz prêt pour expédition
source Daniel Ryckmans – Fiwap)
A l’avenir, le groupe compte investir (600
millions d’€) dans une nouvelle mine à Roßleben afin de produire 1 million de tonnes
en 2015. Les gisements de potasse existants
permettront de produire pendant encore de
longues décennies…
Plus d’infos sur www.kalibenelux.com et sur
www.k-plus-s.com