A l`origine… - Association humanitaire de réparation d`appareil
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A l`origine… - Association humanitaire de réparation d`appareil
UNIVERSITE DE RENNES I FACULTE DE MEDECINE ECOLE D'AUDIOPROTHESE DE FOUGERES Approche historique et contextuelle de l'audioprothèse MEMOIRE SOUTENU EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETAT D'AUDIOPROTHESE PAR FREDERIC REMBAUD SOUS LA DIRECTION DE : ANNE-FRANCOISE KERMARREC Audioprothésiste Dinan (22) ANNEE 2007 1 I. Introduction Ces dernières décennies, les évolutions technologiques ont permis des progrès considérables, on peut d'ailleurs affirmer déjà que d'autres progrès viendront s'ajouter dans cette extension cumulative. La prothèse auditive bénéficie de ces évolutions, mais quel a été le chemin parcouru pour arriver aux appareils de dernière génération ? Ce travail a pour but de parcourir l'ensemble des acquisitions faites en audioprothèse au cours du temps passé en les resituant dans le contexte médical, scientifique et environnemental de l'époque. La démarche est chronologique et traite en parallèle les trois domaines. Cette rétrospective amène des questions, et j'ai souhaité y apporter des réflexions personnelles afin de redire le rôle humaniste essentiel de l'audioprothésiste. Pour donner un sens à l'appareillage auditif, la plus sophistiquée des prothèses doit être d'abord portée par la personne malentendante. On retrouve ici le double aspect de l'histoire humaine. D'une part les modifications permanentes et les progrès sans cesse renouvelés de la technique, d'autre part la permanence de l'homme. Ce sont deux histoires en une, deux registres qui se croisent, mais qui se distinguent. L'histoire des rapports de l'homme aux choses est un espace ouvert d'inventions et de découvertes (l'extension cumulative citée précédemment). Les prothèses du 17ème siècle et les prothèses d'aujourd'hui n'ont plus rien en commun. L'histoire des rapports de l'homme à l'homme, soucieuse d'une permanence, est un espace de répétition sans avant ni après, sans progrès véritable. L'homme du 17ème siècle et l'homme d'aujourd'hui ne sont plus les mêmes (ne serait-ce qu'à cause de l'environnement technique) mais il reste l'homme avec ses mêmes problèmes (sociaux, politiques, existentiels…). L'audioprothèse est au centre de ces deux histoires par son caractère objectif lié à l'appareil lui-même, mais aussi par son caractère subjectif lié à l'appareillage et toute la sensibilité qu'il suppose. "C'est le plus grand triomphe de l'homme que d'avoir su transporter jusqu'au lendemain les effets et les fruits du labeur de la veille. L'humanité ne s'est lentement élevée que sur le tas de ce qui dure." Paul VALERY, Histoires Brisées (œuvre posthume 1950) 2 II. A l’origine… "Patience, Patience, Patience dans l’azur ! Chaque atome de silence Est la chance d’un fruit mûr !" Paul VALERY, Palme Recueil Charmes (1922) Avant d’entrer dans l’aspect prothétique de la correction auditive, il est intéressant de prendre le temps de comprendre l’évolution du système (au sens large du terme) que l’on stimulera. Le système auditif est un capteur sensoriel qui est en perpétuelle évolution. Elle s’opère dans un continuum de temps et peut s’étudier à deux niveaux : D’une part, l’échelle que nous nommerons "macroscopique" qui étudie l’évolution adaptative de l’oreille au cours de l’évolution des espèces. La phylogénèse nous explique ces phénomènes. D’autre part, l’échelle "microscopique" qui fait appel à l’embryogénèse et au développement de l’homme qui nous permettront de comprendre la formation de l’organe de l’ouïe, la maturation du système auditif et ses implications dans la construction de structures cérébrales. A. L’oreille Chronologique1 : i. L’appel de la vie … "Une cellule moyenne contient environ mille milliards d’atomes, à peu près autant qu’une poussière interstellaire. Mais entre les deux, il y a une différence abyssale. Au sein du grain céleste, l’organisation n’est pas nulle, mais elle est minime. … Il faut, par contre, des volumes entiers pour décrire ce que nous savons de la complexité des cellules. Et nous ne connaissons qu’une fraction infime des secrets de leurs structures et de leurs comportements." Hubert REEVES, Patience dans l’azur (La machinerie de la cellule) Tout le monde a des notions chronologiques de la formation de notre planète ainsi que de l’apparition de la vie sur terre. Il est cependant important de poser des repères pour comprendre l’évolution du vivant. 1 Frédéric BARGY/ Sylvie BEAUDOIN, Individus et Espèces, de l’ontogenèse à la phylogenèse, Ed. Ellipses 2005 Coll. Sciences Humaines en médecine 3 Vous trouverez en annexe 1 (p84.) les repères de chronologie géologique associés aux grandes étapes de la phylogénèse. Nous sommes nouveaux à l’échelle géologique. Si l’on ramenait l’existence de notre planète à 24 heures, nous serions arrivés il y a à peine 2 minutes. Les modifications géologiques ont perturbé les différentes niches écologiques mais ne suffisent pas à rendre compte de la diversité de croissance des phylums. Au contraire, chaque ère géologique est marquée par la dominance d'une classe numériquement et géographiquement (Amphibiens au secondaire, reptiles au tertiaire et mammifères ensuite). A chaque transformation du milieu correspond une émergence colonisatrice et une extinction, mais il n’y a pas de reflux dans l’évolution, ce qui constitue un fait marquant. ii. Une éclosion programmée… Après s'être situé d'un point de vue géologique, tentons de comprendre comment a évolué notre organe de l'audition. L’oreille est à l’origine l’organe de l’équilibre (statocystes ou otocystes et otolithes renseignent la méduse sur sa position -700 millions d’années). Le système se perfectionne avec des canaux semi-circulaires. Ensuite, elle se diversifie et l’on peut trouver des ébauches de cellules ciliées enfermées dans une coupole de certains poissons et batraciens. Ces cellules ciliées sont reliées à un nerf sous-cutané rattaché aux aspérités sensorielles de la surface de la peau. On est en présence d’organes tactiles. La sortie des eaux correspond à la perte définitive de la respiration branchiale. La vie aérienne va profondément modifier la structure de l’oreille. Le milieu aérien, élastique au même titre que l’eau, permet la transmission des ondes sonores. Cependant, ce changement de milieu induit une adaptation d’impédance (tympan et chaîne ossiculaire). Sans cela, une partie des ondes sonores serait réfléchie devant la fenêtre ovale de l’étrier. La stimulation nerveuse se fait grâce aux cellules ciliées toujours en milieu liquidien. L’organogénèse et la génétique (étude des homéogènes) ont permis de décrypter l’évolution de l’oreille moyenne chez les mammifères (figure 1). 4 Figure 1 Origine des osselets de l'oreille moyenne des mammifères 2 La figure 1 nous montre l'évolution des os articulaire et carré (chez le reptile) vers le marteau et l'enclume (chez le mammifère). L’oreille externe connaît aussi ses évolutions. Le domaine de fréquence audible en milieu aérien est très diversifié en fonction des différentes espèces. Le langage vocal découle de l’individualisation du larynx chez les amniotes (une évolution qui détourne la fonction primaire respiratoire et alimentaire de ce cartilage).L’apparition de plis vocaux sera les prémices de nos futures cordes vocales. Figure 2 Diagramme du domaine audible de certaines Espèces3 La partie orangée représente le domaine de fréquence audible de l’homme. Ce diagramme nous permet d’apprécier, d’une part, l’étendue du domaine de fréquence utilisé 2 3 Lewis WOLPERT et Al, Biologie du développement Les grands principes. Ed. DUNOD 2004 http://elephant.elehost.com/About_Elephants/Senses/Hearing/hearing.html 5 par les êtres vivants, d’autre part la diversité des fonctions associées à l’oreille (perception sonore et perception de l’espace). Figure 3 Adaptation au milieu chez les lapins (région chaude et froide)4 L’environnement a une influence sur le développement de fonctions spécifiques au sein même d’une espèce (figure 3). A l’échelle géologique, ces modifications sont très rapides, elles représentent entre 12 et 15% de l’âge de notre planète (4 milliards 650 millions d’années). A l’échelle de la vie humaine elles sont lentes. Il est indiscutable que cela reste une évolution "ancestrale", quelle que soit l’échelle que l’on utilise, et cela ne se peut sans influence de l’environnement. "L’évolution, c’est le déroulement régulier des phénomènes, des évènements, des idées, déroulement, selon les saisons, plus ou moins lent, plus ou moins rapide, mais toujours soumis aux exigeantes lois de la vie" Georges DUHAMEL, Manuel du protestataire, préface p.9(1952) Changeons d’échelle et plaçons-nous au niveau cellulaire dont l'évolution est, quant à elle, est beaucoup plus rapide. B. L’oreille "embryologique" : "D’où vient-il ? Sombre-t-il dans l’Océan profond Des Germes, des Fœtus, des Embryons, au fond De l’immense Creuset d’où la mère nature Le ressuscitera, vivante créature (…)" Arthur RIMBAUD Poésies, V, "Soleil et chair" III (1870). L’embryologie fit son apparition il y a plus de 2000 ans dans l’Antiquité grecque. Aristote suggéra une ébauche de l’épigenèse. Cette idée fut contestée aux 17ème et 18ème siècles par les tenants de la théorie de la préformation. La mise en place de la théorie cellulaire vers 1880 apporte des éléments en faveur d'Aristote. 4 http://www.micro.utexas.edu/courses/levin/bio304/evolution/macroevolution.html Epigenèse : 1625 épigénésie, Boiste 1808 Théorie selon laquelle un embryon se développe par formations successives de parties nouvelles, par opposition à la doctrine de la préformation. 6 Les premières expériences ont pu montrer un point fondamental : le développement dépend pour une part de la communication entre les cellules embryonnaires. Ce n’est qu’au cours des trente dernières années que l’on a pris conscience du rôle des gènes dans le développement. L’embryologie et la morphogenèse ont plusieurs atouts : entre autres, elle nous permet de suivre l’évolution et la maturation des fonctions sur un temps très court. Nous adopterons à présent l’échelle du temps cellulaire. i. L’oreille microscopique5,6… "-Ma Mère-grand, que vous avez de grandes oreilles ! -C’est pour mieux écouter, mon enfant." Charles PERRAULT,les Contes de ma mère l'oye"Le petit chaperon rouge"(1697) Le développement de l’oreille sur le plan embryonnaire se réalise à partir de trois feuillets du stade primaire : l’ectoblaste, l’endoblaste et le mésoblaste. - Développement de l’oreille interne : Les premiers signes apparaissent à la fin du premier mois sous la forme de placodes otiques (épaississements de l’ectoblaste). Une vésicule otique se forme à partir de cette placode. Figure 4 Formation de l'oreille interne5, 6 5 Cours embryogénèse, PCEM1 Faculté de médecine de Limoges 1993. W. BECKER, N.H NAUMAN, C.R PFALTZ , Précis d’oto-rhino-laryngologie, Ed. Flammarion MédecineSciences 1980 2ème tirage Ectoblaste : feuillet embryonnaire qui donne naissance à l’épiderme et au système nerveux. Endoblaste : feuillet embryonnaire interne qui donne naissance aux épithéliums digestifs et respiratoires. Mésoblaste : feuillet embryonnaire situé entre l’ectoblaste et l’endoblaste qui donne naissance au système squelettique et musculaire. 6 7 Vers six semaines, cette vésicule évolue et contient dans sa partie ventrale le canal cochléaire. Le canal cochléaire modifie sa structure interne et se creuse de cavités qui confluent vers la rampe vestibulaire et la rampe tympanique. Figure 5 Formation canal cochléaire, rampe vestibulaire et tympanique5 - Développement de l’oreille moyenne : Elle dérive de l’endoblaste et plus précisément du premier arc branchial (arc mandibulaire ou cartilage de Meckel) pour le marteau et l’enclume. L’étrier est formé à partir du deuxième arc branchial (arc hyoïdien ou cartilage de Reichert). Figure 6 Devenir des arcs branchiaux chez l'homme2 Le tympan est une lame constituée de trois feuillets : l’endoderme (oreille moyenne), l’ectoderme (oreille externe) et le mésenchyme intercalé entre les deux. - Développement de l’oreille externe : L’oreille externe se forme à partir de 6 bourgeons auriculaires. 1 tragus; 2 racine de l’hélix ; 3 hélix ; 4 racine de l’anthélix ; 5 anthélix ; 6 antitragus 8 Figure 7 Développement de l'oreille externe5, 6 Nous avons décrit la génèse de l'organe de l'ouïe à l'échelle microscopique, dès lors tentons de comprendre comment se construit la personne entendante. C. De la cellule à l’humanité … " Fierté de l’homme en marche Sous son fardeau d’humanité. Fierté de l’homme en marche Sous sa charge d’éternité." SAINT-JOHN PERSE-Discours de réception du prix Nobel de littérature(1960). L’embryon et la personne : deux mondes en continuité, mais différents, comparables à la fleur et au fruit. L’influence de l’environnement sur le développement est majeure. Il existe des relations troublantes entre le déterminisme génétique et le milieu : l’inné et l’acquis en sont la conséquence. i. Pré embryon et métamorphose : le fœtus et l'environnement7. C’est par la combinaison de deux types de gènes que le fœtus se développe. La biologie moléculaire nous a permis de les différencier : -Les gènes homéotiques ou homéogènes (du grec homïos : semblable) que l’on peut nommer architectes permettent l’élaboration des grandes structures. -Les gènes que nous nommerons "artisans" qui amènent la fantaisie. Nous avons montré l’influence de l’environnement à grande échelle sur l’évolution de l’espèce. A plus petite échelle, le milieu a une influence majeure dans le développement du fœtus à l’adulte. L’influence maximale de l’environnement est dans la création de nouvelles structures, phénomènes qui s’exécutent essentiellement au niveau du système nerveux central. 7 Maurice AUROUX, De l’embryon à la personne, Ed. ELLIPSES 2006, Collection L’esprit des sciences 9 Le cerveau est génétiquement déterminé : il possède deux hémisphères, des lobes frontaux, pariétaux, occipitaux, temporaux … Ces positions sont semblables pour chaque individu. Les grands traits caractéristiques (latéralisation, vue, audition, langage …) se trouvent identiques au sein d’une même espèce, ce qui montre qu’ils sont génétiquement déterminés. "Ce qui est programmé est le plan général des maisons d’une ville, des prévisions importantes figurent dans ce plan, la forme des toits et des murs, la disposition des pièces… Mais le plan ne s’occupe ni des meubles ni des portes secondaires laissant le soin au locataire de fabriquer ces éléments à partir des matériaux bruts fournis avec la maison et ainsi imprimer sa marque et améliorer parfois le fonctionnement de l’ensemble" Maurice Auroux (Médecin Biologiste, Professeur Faculté de Médecine Paris Sud) Le plan est l’ensemble des gènes architectes (gènes homéotiques), le locataire est l’environnement, et les matériaux sont les gènes artisans. Cette partie qui échappe au cadre génétique est d’autant plus développée que le système est perfectionné. Elle est très étendue chez l’être humain. La capacité d’enregistrer l’environnement croît au cours de l’évolution et permet l’apparition progressive de conduites adaptées à ces variations. On aborde à cet instant une notion de relative liberté. L’organe auditif contribue entre autres à cet enregistrement. Nous sommes dans une situation paradoxale : l’imprévu prévu. La génétique a prévu le stockage de l’information environnementale "les espaces vides sont aménagés dans la maison afin de permettre d’entasser"7. Le traitement du message sensoriel est complexe. Il y a échange d’informations entre les aires dévolues à la sensation (perception), les zones mémoires et le cortex frontal (qui associe les données venant des différents cortex spécialisés). L’objet perçu est catalogué dans la mémoire générale : l’hippocampe (partie centrale du cerveau). Le système auditif est mature au sixième mois. Des études ont montré l’importance de l’environnement sonore du fœtus. Le pouvoir tranquillisant des battements du cœur de la mère sur le nouveau-né implique que les sons perçus avant la naissance laissent une empreinte dans le cerveau fœtal. Heureusement, le fœtus dort seize heures par jour, il échappe durant deux tiers du temps à un environnement qui pourrait l’accabler. 10 Marcel Proust résume ce cheminement et cette complexité des sens. Une simple musique appelle la mémoire et associe d’autres sens. [...]Sans doute les notes que nous entendons alors, tendent déjà, selon leur hauteur et leur quantité, à couvrir devant nos yeux des surfaces de dimensions variées, à tracer des arabesques, à nous donner des sensations de largeur, de ténuité, de stabilité, de caprice. Mais les notes sont évanouies avant que ces sensations soient assez formées en nous pour ne pas être submergées par celles qu’éveillent les notes suivantes ou même simultanées. Et cette impression continuerait à envelopper de sa liquidité et de son “fondu” les motifs qui par instants en émergent, à peine discernables pour plonger aussitôt et disparaître, connus seulement par le plaisir particulier qu’ils donnent, impossibles à décrire, à se rappeler, à nommer, ineffables — si la mémoire, comme un ouvrier qui travaille à établir des fondations durables au milieu des flots, en fabriquant pour nous des fac-similés de ces phrases fugitives, ne nous permettait de les comparer à celles qui leur succèdent et de les différencier. Ainsi, à peine la sensation délicieuse que Swann avait ressentie était-elle expirée, que sa mémoire lui en avait fourni séance tenante une transcription sommaire et provisoire, mais sur laquelle il avait jeté les yeux tandis que le morceau continuait, si bien que, quand la même impression était tout d’un coup revenue, elle n’était déjà plus insaisissable. Il s’en représentait l’étendue, les groupes symétriques, la graphie, la valeur expressive; il avait devant lui cette chose qui n’est plus de la musique pure, qui est du dessin, de l’architecture, de la pensée, et qui permet de se rappeler la musique. Cette fois il avait distingué nettement une phrase s’élevant pendant quelques instants au-dessus des ondes sonores. Elle lui avait proposé aussitôt des voluptés particulières, dont il n’avait jamais eu l’idée avant de l’entendre, dont il sentait que rien autre qu’elle ne pourrait les lui faire connaître, et il avait éprouvé pour elle comme un amour inconnu.» Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, La Pléiade, Éd. Gallimard, t. 1, pp. 209-210. Ces fonctions dépassent l’aspect vital avec l’art, la philosophie. Le système n’est pas fermé. D’autres éléments semblent intervenir qui déterminent notre relative liberté vis-à-vis de la nature. ii. Génétique et Environnement : Inné et Acquis. Le caractère inné traduit ce qui est génétiquement programmé et transmissible : "L’architecte veille au grain." L’acquis, lui, n’appartient pas à un patrimoine génétique donné, et ne succède qu’à une expérience individuelle. Il s’étudie avec les différents environnements. La personne est 11 en perpétuelle construction. Par exemple, on constate qu’il y a une nécessité de l’oubli pour ne pas saturer en informations parasites. " L'oubli n'est pas le contraire de la mémoire mais son envers." Chris Marker dans "Sans Soleil" iii. Nos perceptions transforment le monde Les sons sont des perceptions qui n’ont d’existence que par et dans notre cerveau ; ailleurs ils n’existent pas, on est seulement en présence d’ondes et de molécules, seules réalités physiques du monde extérieur. Les perceptions sont des représentations cérébrales construites à partir des stimulations de l’environnement. Elles peuvent être considérées non pas comme la réalité mais comme une traduction de celle-ci. Ces représentations cérébrales peuvent devenir pathologiques quand il n'existe pas de concordances avec la réalité physique de l'onde sonore : c'est le cas des patients acouphéniques. L'Homme a toujours souhaité modéliser la véritable nature de nos rapports avec l’environnement. Les lois de WEBER-FECHNER, et plus récemment de STEVENS qui mettent en relation la sensation et la stimulation en sont un exemple. D. Conclusion Nous avons observé l’évolution de l’oreille à deux échelles : - L’échelle macroscopique ou géologique montre l’évolution rapide des grandes structures (gènes architectes) - L’échelle microscopique (cellulaire) permet de comprendre l’évolution de l’individu. La notion de continuum est plus que jamais présente, l’évolution des grandes structures ne peut se faire sans l’évolution de l’individu, ces deux aspects évolutifs sont indissociables. L’environnement a une influence majeure sur le développement à tous les niveaux. Cette partie nous amène à comprendre la complexité de chaque être humain. "Dès lors que chaque individu a sa propre spécificité sensorielle, à nulle autre comparable" Johannes MÜLLER. Johannes MÜLLER (1801-1858) Spécialiste Allemand en physiologie nerveuse, professeur à Bonn et à Berlin. Loi de l’énergie spécifique des nerfs : il expose que la sensation ne dépend pas du mode d’excitation mais seulement de la nature de l’organe sensoriel. 12 Deux individus différents ne voient pas, n’entendent pas la même chose. A partir d’un schéma commun (l’inné), chaque personne construit sa perception de la réalité (l’acquis). Après avoir étudié, la génèse du système auditif, il est intéressant de parcourir les évolutions scientifiques et techniques liées à l'audioprothèse. 13 III. L’ère Acoustique Antiquité (-600 avant JC- 500) Moyen-Âge (500-1500) Création des facultés de médecine, Chirurgiens barbiers et médecins Naissance de la médecine européenne en Grèce (Alcméon, Hippocrate) Renaissance (1500) 17ème;18ème, 19ème. Aboutissement de l'anatomie (vésale) Affinement de la physiologie, Avènement de la spécialité ORL Médecine Environnement Social Théâtres grecs, Musiques et instruments Charivaris et religion Gamme de Zarlin, lutherie Institut des sourds Bruits et rumeurs Théorie de l'acoustique, Platon, Pythagore, Leucipe et Démmocrite (-450 avant JC) Expérimentation Acoustique Technique 0 Révolution industrielle 476 chute de l'Empire romain Le cornet acoustique 1337 Début de la guerre de cent ans Affinements de la théorie 1515 1789 Révolution François 1er Française Roi de France A. La préhistoire : i. Faire Face. Depuis tout temps, de tous points de vues (physiologique, social, sécuritaire…), l’Homme doit "Faire Face"8 : aux différentes situations sonores de son environnement. Dans l’évolution de l’espèce, le développement de la tête de l’homme s’effectue vers l’avant, instinct primitif de prédation. L’apparition du langage a contribué au développement des fonctions du visage. L’organe de la phonation s’utilise en face à face de façon optimale. Les 46 muscles peauciers du visage contribuent à l’expression de la mimique, tout cela est régi par le nerf facial (VIIème paire crânienne). L’angle de 80° entre le pavillon de notre oreille et la boîte crânienne insiste sur la nécessité de la voie avant. Le système tête et pavillon modifie les caractéristiques de l’onde sonore. Il nous permet de localiser les sons et de les amplifier. Cette localisation s'opère grâce à deux phénoménes : - La diffraction : les sons hautes fréquences incidents sont diffractés par la tête (Lord Rayleigh).elle permet la localisation hautes fréquences (>1,5 KHz). 8 Paul BAGOT, Faire Face, cours de Sciences Humaines et Sociales, Ecole d’audioprothèse de Fougères. 14 - La différence interaurale de temps : Le phase locking* permet la localisation basses fréquences (<1,5 KHz). Figure 8 Effet d'ombre acoustique9 (cours acoustique-biophysique PCEM2 Université Paris-Sud) (A) rayon diffracté et différence interaurale de temps (B) (ITD) Figure 8 : (A) Les ondes sonores supérieures à 1500 Hz (longueur d'onde λ petite) sont diffractées. (B) Le parcours de l'onde sonore est plus long côté gauche et se traduit par une différence interaurale de temps (ITD).Ces deux mécanismes contribuent à la localisation sonore. Nous allons étudier à présent les phénomènes acoustiques liés à l’oreille externe. Le pavillon capte les vibrations sonores et les dirige vers le conduit auditif externe. Le pavillon a un rôle d’amplificateur que l’on peut dissocier de l’amplification due à la résonance du conduit auditif externe. Figure 9 Amplification pavillon, conque et conduit en champ libre9. * Phase locking : Impulsions nerveuses périodiques codant l’aspect temporel du son. (Stéphane GARNIER cours de psychoacoustique école d’audioprothèse Fougères) 9 F.MOATI, L. ANDRE, Cours de biophysique acoustique, Université de Paris sud PCEM2 15 La figure 9 montre l’effet combiné des différentes parties de l’oreille externe et son rôle amplificateur. Le résultat final de traitement acoustique reste relativement complexe car l’on doit sommer les différents effets amplificateurs, leurs déphasages et les associer à la compliance du tympan10. Le cheminement des ondes hautes fréquences se trouve perturbé par la géométrie du pavillon, des phénomènes de réflexions et de diffractions sont sources d’interférences constructives et destructives selon la direction de la source sonore (figure 10). Figure 10 Interférences constructives et destructives (10 KHz) selon la direction9 Au vu de ces résultats, "Faire face" contribue à améliorer le parcours acoustique de l'onde sonore, mais bien au-delà des considérations scientifiques cela a contribué à la socialisation. ii. Hominisation11, culture et sons12. -2 600 000 ans avant notre ère, la lignée humaine émerge. Homo sapiens (-35000 ans) caractérise l’ultime pas vers l’homme d’aujourd’hui (homo sapiens sapiens) grâce à l’acquisition de la pensée consciente et du langage articulé; l’environnement sonore évolue. L’industrie lithique de l’époque est une nouvelle source de bruit. La pensée consciente permet l’imagination, les rêves, les croyances. Les premiers rites funéraires apparaissent. Les rhombes des cavernes (figure 11) ronflent pour chasser le mauvais esprit. L’effet réverbérant des parois contribue au coté mythique du rite. 10 Harvey DILLON, Hearing Aids, Editions THIEME 2001. Capacité à empêcher ou à favoriser le passage des ondes sonores. 11 Sciences de la vie et de la terre, Terminale S, Editions Nathan 2002 12 Pierre LIENARD, Petite histoire de l’acoustique, Ed. HERMES-LAVOISIER 2001 16 Figure 11 Rhombe des cavernes lcormier.club.fr/rhombe.html La croyance en un dieu ou une multitude d’esprits contribue au développement de la musique et des chants. Le rythme des journées est bâti sur trois temps : le travail, le repas et le culte. Paroles, musiques et chants ont accompagné les trois activités La médecine de l’époque reste rudimentaire. Il n’y a pas d’indices concernant nos oreilles. L'homme évolue avec ses croyances et sa technique,mais c'est l'écriture qui marquera une nouvelle période où l'histoire pourra se transmettre. B. D’Assur à Babylone, Mandarins et Pharaons12,13,14,1516 i. L’essor mésopotamien (-4000 à - 600 avant Jésus Christ (J.C.)) Les premières règles de musique datent de -3000 avant JC et ont été mises à jour grâce à l’écriture17 qui émerge de la cité d'Ur, patrie d'Abraham (actuelle Irak). Dès lors, se développent harpes, lyres flûtes et cymbales pour le plaisir des oreilles. L’écriture primordiale laisse sa trace dans le temps. Dans le contexte médical, elle permet de poser les premières notions de sémiologie (études des signes cliniques). Nous sommes en quelque sorte à l’ère préhistorique de la médecine. Religion et pratique médicale font bon ménage. L’anamnèse contrôle les bonnes mœurs pour exclure les maux infligés par les esprits en cas d’adultère, mensonge ou tromperie. Les guerres fournissent matière pour développer l’anatomie, cependant les outils ne sont pas adaptés et nos ancêtres s'intéressent peu aux oreilles. La vue et les dents suscitent beaucoup plus d’intérêts. La vue est indispensable à cette époque pour travailler, unique source de revenu et de nourriture. Quant aux problèmes liés aux dents, ils constituent une barrière à la nutrition qui met en jeu le pronostic vital. 13 Roger DACHEZ , Histoire de la médecine : de l’Antiquité au XXème siècle, Editions Taillandier 2004. Jean-Charles SOURNIA, Histoire de la médecine, Editions de la découverte 1997. 15 Claude CHASTEL, Une petite Histoire de la médecine, Edition Ellipse collection l’esprit des sciences 2004. 16 Gérard PERNON, Histoire de la Musique, Editions Jean-Paul GLISSEROT 1998. 17 Jean GEORGES, L’écriture : Mémoire des hommes, Editions Découvertes Gallimard Archéologie 2002. 14 17 ii. Chinoiseries… Le continent asiatique n'est pas en reste. Les chinois sont précurseurs dans l’acoustique et la musique. Ils créent la règle des Liu (ou Lu) en coupant des roseaux pour séparer l’octave en douze demi-tons. La règle des Liu serait née vers -2700 avant notre ère. Les Liu ont une signification symbolique très forte. L’acoustique fournit aux médecins chinois des moyens de diagnostic, elle permet de juger de l’état de la maladie en saisissant par l’ouïe les relations entre les troubles des cinq voies : le cœur, le foie, la rate, les poumons, les reins. L’acupuncture et la musicothérapie sont inventées à cette période. Ils se trouvent cependant confrontés à un problème bien avant Pythagore : le comma pythagoricien. Nous aurons l’occasion d’en reparler plus tard. iii. L’Egypte pharaonique12,13,16. Vers -2700 à -2400 avant J.C., les musiciens ont une place privilégiée dans l’Egypte antique. Ils divertissent Pharaon et ses disciples avec les sistres et autres instruments (figure 12). Figure 12 Sistre égyptien L’acoustique architecturale émet ses premiers mystères : Le temple d’Aménophis III est mis à mal par un tremblement de terre, depuis, ses statues chantent au lever du Soleil. Cette histoire fera couler beaucoup d’encre; même Champollion s’intéressera au phénomène qui reste difficile à expliquer encore aujourd’hui. On aborde souvent la sagesse médicale de l’ancienne Egypte. On associe la maladie, la religion et les bonnes mœurs. Les papyrus ont laissé une trace des pratiques médicales égyptiennes. L’embaumement est la spécialité, les vaisseaux sanguins et les canaux excréteurs sont mélangés et sont plus ou moins reliés au cœur. A cette époque, les souffles de vie et de mort entrent respectivement par l’oreille droite et l’oreille gauche. 18 C. Grèce Antique : Berceau de notre Médecine, Origine de l’acoustique12, 13,16 i. Acoustique Helléniste "Il est juste de dire que celui qui saura employer la musique à l’égard de l’âme avec plus de mesure, est bien meilleur musicien et plus savant en harmonie, que celui qui met d’accord les cordes d’un instrument" Platon, La République III. La musique a pour les Grecs un sens plus étendu et plus profond que celui qu’on lui donne : elle est synonyme d’harmonie, équilibre et rythme. "La musique des sphères" prône l’équilibre parfait de l’univers et l’évolution harmonieuse des astres. Les sept notes de la gamme Pythagoricienne représentent sept planètes (la lune, le soleil, Vénus, Mercure, Mars, Jupiter, Saturne). Apollon Grand Maître Musicien, le plus beau des dieux, contribue à l'équilibre de l'ensemble. Cependant comment déterminer sept fractions simples dont le produit est égal à deux ? Pythagore fait appel au comma naturel pour pouvoir retrouver l’octave. De plus cette gamme soulève des problèmes de transposition et d’harmonisation en polyphonie. La naissance de la théorie de l’acoustique : "Nous pouvons définir le son comme un coup donné par l’air à travers les oreilles au cerveau et au sang et arrivant jusqu’à l’âme. Le mouvement qui s’ensuit, lequel commence à la tête et se termine dans la région du foie*est l’ouïe. Ce mouvement est-il rapide, le son est aigu, s’il est plus lent le son est grave, s’il est uniforme le son est égal et doux, il est rude dans le cas contraire ; il est fort grand, lorsque le mouvement est grand et faible s’il est petit." "Qu’est-ce que le son ?" Platon, Timée -380 avant J.C. Dans l’Antiquité, Platon et l’école pythagoricienne proposent la théorie de l’acoustique à l’aide de la philosophie et de la théorie des nombres. La faiblesse de la base expérimentale ne permet pas d’affirmer la théorie. Ce n’est que beaucoup plus tard que les premiers travaux expérimentaux verront le jour. En -450 avant J.C., Leucippe et Démocrite suggèrent une théorie de l’acoustique (atome et mécanique). Aristote et Lucrèce précisent la forme et le mouvement qui correspondent au cercle. * Le foie est le siège de l’âme et de la vie en Mésopotamie et en Grèce 19 Les Grecs ont fait preuve d’ingéniosité dans la construction de leurs théâtres, le théâtre d’Epidaure en est un exemple reconnu. Les études empiriques favorisent le demicercle et les vases de Vitruve servent d'amplificateurs de sons (précurseurs des résonateurs d’Helmholtz). ii. Naissance de la médecine européenne : Alcméon, Hippocrate… Les premières évocations de la médecine en Grèce sont présentes dans "l’Iliade et l’Odyssée". Chiron se distinguait de ses semblables, brutaux et incultes, par sa bonté et sa sagesse. Apollon et Artémis lui enseignèrent l'art de la médecine et de la chasse. Alcméon, issu de l'école de Crotone, découvre un conduit aérien entre la caisse du tympan et le pharynx d'une chèvre (appelé plus tard trompe d’Eustache). il émet alors l’hypothèse que les chèvres respirent par les oreilles. Théophraste, un autre médecin de Crotone, situe bien le rôle de l’oreille dans l’audition et précise même les bases de la conduction aérienne des sons. "Nous entendons par le vide intérieur de l’oreille (la caisse tympanique) car c’est là ce qui résonne par suite de l’entrée du souffle (porteur de bruit) en effet tout ce qui est creux résonne." Théophraste. Du sens 25-26 Alcméon annonce la théorie du principat : "c’est le centre vital et organisateur de l’être, siège de la pensée et point de convergence de toutes les sensations, le principat réside dans l’encéphale" Actius, Opinions IV, XVII,1 C’est un bouleversement complet des conceptions antérieures, comme nous l’avons vu précédemment, dans tout l’Orient Antique le centre vital est le cœur ou le foie. Cette théorie en rupture trop profonde est oubliée et rejetée par les penseurs comme Empédocle et Aristote. Néanmoins, ce sera l’un des mérites d’Hippocrate de reprendre cette opinion et d’en développer le principe. L’école de Cos révèlera Hippocrate. Ses travaux ont permis de décrire la médecine moderne. Le "Corpus" comprend une soixantaine de textes de une à deux cents pages. Son encyclopédie de la "Collection" comprend une cinquantaine de situations cliniques dont les laryngites et les oto-mastoïdites, elle contient également son serment. Vous trouverez une traduction d'une partie de cet ouvrage en annexe 3 (p.87). Les Grecs antiques ont marqué l’ère acoustique, par leurs découvertes, leur philosophie et leur capacité à la combiner aux sciences (médecine et acoustique). 20 L’acoustique art ou sciences ? Ou bien les deux à la fois ? Autant de questions qui enrichissent notre réflexion sur le métier d’audioprothésiste. D. Rome et la synthèse de la Médecine Antique13 Au premier siècle de notre ère, des spécialisations de médecine se développent, cela reste ponctuel et rare, cependant on peut rencontrer les "médiculus auricularius"(otologistes romains) pour se faire soigner l’organe de l’ouïe. Entre 25 et 35, Aurelius Celsus dit "Celse" rédige l’essentiel de son œuvre. Ses livres V et VI donnent des précisions thérapeutiques des affections nez bouche oreille, de la chirurgie plastique de la face et des réparations des lésions traumatiques des oreilles avec des prothèses sommaires. Vous trouverez une traduction des travaux de Celse en annexe 4 (p.89). En 77, Pline rédige "Histoires Naturelles". Ce document traite des sujets de religions, Histoire, Art, Sciences…On peut y trouver entre autres le traitement des otites avec de l’urine de sanglier, pratique empruntée aux usages de campagnes. Au 2ème siècle de notre ère, Galien de Pergame développe l’anatomie humaine et la physiologie. Son œuvre fait la synthèse de la médecine Antique, il reste des erreurs, mais l’influence et l’ego de Galien vont le sacrer "Prince de la médecine". Son traité fera office de référence pendant dix siècles !!. La fin de l’Antiquité est marquée par la chute de l’Empire Romain d’Occident en 476 suite aux invasions barbares, commence alors une nouvelle période : le Moyen-âge. E. Ombres et Lumières du Moyen-Âge13,14,18. i. Facultés de Médecine et Chirurgien-Barbier La médecine européenne n’apporte rien à l’anatomie et se contente des travaux de Galien qui comportent des erreurs dues à l’extrapolation de l’anatomie animale vers l’anatomie humaine. La religion interdit la dissection des cadavres, ce qui freine les découvertes. Cependant c’est au Moyen-âge que l’on voit se créer les premières facultés de Médecine mises en place par le pouvoir religieux. On peut citer les facultés de Montpellier, Paris et Lyon pour la France et Salerne pour l’Italie. Cette période marque la séparation des médecins et des chirurgiens. Les premiers posent des diagnostics, soignent, prescrivent des plantes et autres procédés thérapeutiques. 18 Jean-Pierre GUTTON, Bruits et Sons dans notre histoire Essai sur la reconstitution du paysage sonore, Presse Universitaire de France 2000. 21 Les seconds ont une autre image : Ils sont appelés chirurgiens barbiers car les deux spécialités faisaient appel aux mêmes instruments. Les interventions chirurgicales sont diverses et variées : amputations, ablations de fistules anales … Elles se font sans anesthésie, c’est pour cela que l’on reconnaît la qualité d’un chirurgien à sa rapidité. Malheureusement, les interventions chirurgicales se concluent souvent par le décès, ceci explique la mauvaise réputation des chirurgiens. ii. Charivaris et Religion Au Moyen-Âge, le bruit est partout dans les villes. Cette période est marquée par les villes sonnantes, la multitude des clochers rythme l'activité quotidienne : l'appel du peuple, le rassemblement du Clergé, l'Office. Les différents carillons permettent de célébrer le baptême, la mort, ou marquer l'arrivée d'un roi. Nous aurons l'occasion de reparler du pouvoir des cloches. La culture du Moyen-âge est conditionnée par l'oralisme : seuls les Religieux ont accès à l'écriture et à la lecture. On traite les affaires courantes sur le pas de la porte ce qui engendre ragots et rumeurs. Charivaris (manifestations bruyantes), rumeurs et invectives publiques (discours violents) étaient les vecteurs d'une justice populaire redoutée. Le charivari agit comme un médiateur social. Les mariages de veufs âgés avec des jeunes filles sont condamnés, la justice populaire préserve la jeunesse et son rôle vital pour la société. L'Eglise qui n'a pas d'intérêt au remariage réprimande peu le charivari qui est considéré comme un péché. Le temps féodal voit s'évertuer troubadours et conteurs pour distraire Seigneurs et Rois, exploits de guerre et autres conquêtes sont narrés et chantés. La prise de pouvoir du Clergé permet à la musique religieuse de se développer. La polyphonie vocale œuvre dans l'église, puis vient le "Cantus Romanus". Le chant Grégorien fait son apparition en hommage au Pape Grégoire "Le Grand". L'acoustique architecturale adopte une position majeure avec la religion. Les salles réverbérantes (Cathédrales, Mosquées, églises) donnent une dimension mystique et grandiose à l'orateur. Les règles monastiques de l'époque veulent contrôler l'éducation et les attitudes bruyantes comme les cris, les manifestations. La valeur religieuse du silence se retrouve dans les civilités (manger en silence). L'éducation religieuse instaure le silence dans les niveaux supérieurs de la société. 22 Cette période n'a pas été marquée par de grandes découvertes, les guerres, le pouvoir qu'exerce l'Eglise sont des freins. La fin des guerres franco-anglaises permet à nouveau de se projeter, commence alors la Renaissance. F. La Renaissance i. L'Italie et Les fondements de la médecine L’Italie du 16ème siècle marque un tournant pour la médecine et l’anatomie. De nombreuses erreurs sont corrigées. Les écrits de Galien sont discutés et la dissection est de nouveau autorisée, ce qui permet d’enrichir nos connaissances du corps humain. Vésale (1514-1564) est considéré comme le père de l’anatomie moderne. Ce belge, formé à Paris par Sylvius (Jacques DUBOIS), prend ses quartiers à Padoue en 1536 et publie "De Humani Corporis Fabrica Libri Septem" (figure 20) in folio de 663 pages illustré par plus de 300 planches anatomiques. On y trouve décrits la chaîne des osselets et le nerf auditif (annexe 5 p.92). Gabriel Fallope (1523-1562) décrit l'oreille moyenne, le labyrinthe, la cochlée et le canal du nerf facial (Aqueduc de Fallope). Bartolomo Eustachi (1500 ?-1574) décrit l'équilibre de pression auquel est soumise la membrane tympanique ainsi que le conduit d'origine pharyngée plus communément appelé aujourd'hui la trompe d'Eustache. A la fin du 16ème siècle, la quasi-totalité du savoir anatomique est constitué. Eustache et Fallope avaient ébauché une théorie de l'audition ce qui correspondait aux premiers pas de la physiologie. 23 Figure 13 Couverture De Humani Corporis Fabrica Vésale 1555 24 ii. Evolution du paysage musical. Zarlin et les physiciens redéfinissent une gamme naturelle qui comporte un ton majeur, un ton mineur et des demi-tons. L'imprimerie va permettre d'écrire la musique et on assiste à une réforme du chant grégorien. Le savoir s'exprime dans la lutherie où le timbre et les notions d'harmoniques sont un savant mélange de science et d'empirisme. G. Le XVIIème siècle et les expérimentateurs.13,12 L'engouement pour le renouveau à la Renaissance a permis de réaliser de très belles œuvres (peintures, sculptures, architectures…), à présent on s'intéresse aux sciences qui deviennent une priorité. Copernic, Galilée, Descartes apporteront leur pierre à l'édifice. i. Acoustique expérimentale. L'acoustique n'a guère évolué depuis l'Antiquité. Le jésuite Marin Mersenne (15881648) est un précurseur grâce à ses recherches sur l'écho. S'en suit un engouement pour l'expérimentation en acoustique. Galilée (1564-1642), Gassendi (1592-1655) et Mariotte (1620-1684) sont les premiers expérimentateurs. La loi de réfraction de Descartes (15961650) permet de comprendre comment se comporte l'onde sonore face aux obstacles (confer à l'effet d'ombre de la tête). Joseph Sauveur (1653-1716) reprend les travaux de Descartes et Mersenne. Il publie deux ouvrages sur les sons harmoniques et les hauteurs tonales. Il est considéré comme le fondateur de la science acoustique. Quelques applications acoustiques voient le jour au cours de ce siècle, comme la mesure de la fréquence. ii. Rationalisme Médical. "Cogito Ergo Sum" "Je pense donc, je suis" Descartes, Les Principes de la philosophie, article 7(1644) L'enjeu des sciences devient une priorité et fait appel au rationalisme médical. Descartes en publiant "Le discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences" va développer cet engouement pour la maîtrise et l'esprit cartésien. Claude Perrault, médecin du roi, publie en 1680 une théorie de résonance de la lame spirale (appelée plus tard membrane basilaire) comme le véritable organe auditif "…les résonances de cordes vibrantes, par leur "sympathie" avec les notes qui leur parviennent". 25 L'audiométrie voit le jour grâce aux travaux de Mersenne et Sauveur sur les cordes vibrantes. Mersenne et Reymer déterminent le seuil de tonie à 20 Hz, et Sauveur précise au début du 18ème siècle le domaine de fréquence audible de 12,5 Hz à 6400 Hz avec les moyens de l'époque (1700-1701). La Renaissance a permis une rénovation littéraire, scientifique et artistique. Ce souffle nouveau a perduré au 17ème siècle, où les expérimentateurs philosophes permettent l'avancée vers le siècle des lumières. H. Le siècle des Lumières. i. Elaboration des théories de l'acoustique12 L'impulsion donnée à la Renaissance va permettre l'émergence de nouvelles expériences acoustiques. Le 18ème siècle est riche en physiciens et mathématiciens plus ou moins influencés par la religion.(Jean le Rond D'Alembert, Abbé Nollet, Abbé Monge, Abbé Figuier). En 1738, l'Académie royale des sciences commande des expériences à CASSINI III en vue de déterminer la célérité du son. Les résultats se recoupent et précisent la célérité du son. Les mathématiciens suisses Euler et Bernoulli aidés du français Joseph Fourier émettent l'hypothèse que les mouvements ondulatoires sont une somme de mouvements sinusoïdaux. L'importance de cette analyse se révèlera très utile pour nos systèmes numériques actuels. A la fin de ce siècle, la majeure partie des équations qui régissent l'acoustique sont établies. La Révolution française de 1789 ne constituera pas un frein à cette soif de découverte, au contraire le 19ème siècle sera de plus en plus précis en matière de recherche. ii. La médecine des Lumières13. La physiologie et la physiopathologie de l'oreille sont affinées. C'est l'avènement de la méthode clinique pour poser le diagnostic. La thérapeutique fait encore défaut et on a recours à l'iatrochimie* qui enrichit la pharmacopée avec ses procédés. La chirurgie progresse, en 1705 on préconise la trépanation de la mastoïde en cas d'abcès dont l'évolution conduisait inéluctablement à une méningite foudroyante. Valsalva dans "Aure humana" (1707), décrit la manœuvre qui permet d'équilibrer la pression d'air entre l'oreille moyenne et l'oreille externe * Chimie appliquée à la médecine. 26 La première école pour un enseignement collectif des sourds est créée en France en 1760 par L'Abbé de l'Epée. C'est une première mondiale qui marque le début de l'histoire de la communauté sourde dont nous reparlerons au 19ème siècle. L'Abbé Sicard succède à l'Abbé de L'Epée à l'école des sourds de Paris où à l'instruction par les signes il ajoute l'éducation oraliste. Cet engouement pour les sens au siècle des lumières va permettre la naissance de l'otologie en France au 19ème siècle. iii. Intimité et confort sonore du XVIIIème siècle18 L'habitat est rudimentaire et n'invite pas à l'intimité. Les cloisons sont faites de planches qui n'atteignent pas le plafond et les fenêtres sont équipées de papiers huilés. Le logement est constitué d'une pièce unique. La promiscuité contribue au désir d'évasion hors de la maison et aux nombreuses heures passées sur le lieu de travail, on parle de "l'homme de pleins vents". A partir de 1750, des mesures sont prises contre le tapage nocturne et pour le repos des malades. L'agencement des bâtiments publics, comme les hôpitaux, est étudié. Les blocs opératoires sont éloignés de la rue et des salles de repos, rappelons nous que l'anesthésie sera découverte un siècle plus tard. Le confort sonore est d'actualité, la notion de chambre est abordée dans l'encyclopédie. L'appartement s'affirme. A la fin de l'Ancien Régime, les galaudages (cloison de chaux, plâtre ou briques) et les plafonds en plâtre font leur apparition. Les fenêtres sont équipées de verre. Le siècle des Lumières a permis le grand bond en avant dans les connaissances scientifiques. Il a aussi été le siècle de toutes les réflexions. La sensation, le son font appel à la science et à la philosophie. Sauveur le résume ainsi : "J'ai donc cru qu'il y avait une science supérieure à la musique, que j'ai appelé Acoustique, qui a pour objet le son en général, au lieu que la musique a pour objet le son en tant qu'il est agréable à l'ouïe". Joseph Sauveur, 1701 27 I. Le XIXème siècle et la révolution industrielle i. Perfectionnement et Spécialisation médicale13,14,15,19. En 1802 est créé l'Internat de médecine et chirurgie des hôpitaux et hospices civils de Paris. On définit et pratique l'anamnèse qui a pour but de reconstruire l'histoire de la maladie et faire des observations. L'anesthésie voit le jour, l'utilisation de l'éther et/ou de gaz hilarant rend la tâche des chirurgiens beaucoup plus simple. Ce n'est qu'en 1880 qu'apparaissent les premières notions d'asepsie qui garantissent de meilleurs résultats de morbidité chirurgicale. Les progrès apportés grâce au microscope permettent d'affiner la physiologie de l'oreille. La théorie de résonance de la membrane est encore discutée par Young, Müller et Weber au début du siècle. En 1851 Hüschke décrit quelques structures fines de l'oreille interne. Corti avec plus de précisions décrit l'organe qui porte aujourd'hui son nom, qui comprend le tunnel, les cellules ciliées internes et externes et les cellules de soutien. Helmholtz et Toeppler, vers la fin du siècle (1870), vont grâce à des moyens optiques de mesure d'une onde sonore pouvoir évaluer l'extrême sensibilité de l'oreille. La spécialité oto-rhino-laryngologie s'est constituée vers la fin de l'année 1860 en France, quand les otologistes et les laryngologistes constatèrent qu'ils avaient recours aux mêmes moyens d'éclairage. Cette union a lieu très tôt en France contrairement aux autres pays. La première revue ORL est publiée en 1875 : Les annales des maladies de l'oreille et du larynx (otoscopie, laryngoscopie, rhinoscopie). En 1882, est créée la société française d'otologie et de laryngologie, c'est une des premières sociétés de spécialités; ensuite les médecins ORL polyvalents apparurent. C'est la seule spécialité qui naquit avant les spécialistes . Les implantations de services ORL restent variables suivant les régions et les volontés politiques. ii. L'institut des sourds et muets : une spécificité française20. Créé en 1760 par l'Abbé de l'Epée, l'institut des sourds et muets en France subsiste à la révolution. Par ricochet, elle permet à la médecine des oreilles de sortir des limbes en offrant à Jean-Marie Gaspard Itard (successeur de Sicard) les conditions les plus propices pour la défricher. 19 François LEGENT, Naissance de l'oto-rhino-laryngologie en France; Université de Nantes source :BIUM (bibliothèque interuniversitaire de Paris) ressources numériques médic@ 20 François LEGENT, Les soins médicaux aux sourds-muets en France au XIXème siècle, Université de Nantes source :BIUM (bibliothèque interuniversitaire de Paris) ressources numériques médic@ 28 Il est un des précurseurs de la médecine anatomo-clinique. Les tâtonnements pour bâtir l'otologie expliquent certains égarements, faciles à découvrir avec le recul du temps, mais inhérents à toute recherche. La classification des maladies de l'oreille est discutée. Kramer en 1836 obtient un consensus et propose la classification que l'on utilise encore de nos jours. Pendant plusieurs décennies, les maladies d'oreilles subissent toutes sortes de traitements comme le galvanisme, la saignée, magnétismes divers et variés, purgatifs et bains chauds … Les traitements locaux sont innombrables et les substances utilisées dépassent l'imagination. Les douleurs entraînées par les traitements ne paraissaient pas avoir freiné l'ardeur des thérapeutes. Itard, Saissy et Deleau profitent des instituts de sourds pour des essais thérapeutiques otologiques. Le regroupement d'enfants permet les séries thérapeutiques. La médecine se spécialise et apparaît la branche des auristes. Le premier est JeanMarie Gaspard Itard (1774-1838). Ses premiers travaux datent de 1808, il publie deux mémoires "Moyens de rendre l'ouïe aux sourds-muets" et "Moyens de rendre la parole aux sourds-muets". C'est un adepte du cathétérisme tubaire où il injecte différentes substances dans l'oreille moyenne via la trompe d'Eustache. Il utilise différents types de cornets acoustiques qui portent son nom (figure 14). Son "traité des maladies de l'oreille et de l'audition" peut-être considéré comme un des ouvrages fondateurs de l'otologie. Nicolas Deleau (1797-1862) avec son âme de chercheur n'hésitait pas à mettre à mal les travaux du Maître Itard. Par son comportement, il se met à dos l'Académie de Médecine, mais est cependant soutenu par l'Académie des Sciences. C'est un adepte de la perforation tympanique au sujet de laquelle il publie un mémoire en 1822. Son ambition l'amena à être candidat au poste de médecin chef de l'institution de Paris. Deleau paiera longtemps la haine d'Itard, en atteste la thèse de Deleau fils en 1853. Figure 14 Cornet d'Itard à conduction osseuse : extrait Traite des maladies de l'oreille et de l'audition. Paris : Mequignon-Marvis, 1821. 29 Prosper Ménière (1798-1862) prend la succession d'Itard et entre à l'Institut en 1838. La recherche sur les surdités nerveuses lui fait découvrir la maladie labyrinthique qui porte son nom. En septembre 1860, Ménière fait une lecture devant l'Académie de Médecine "De l'expérimentation en matière de surdi-mutité" Il rapporte les lésions dûes aux traitements violents qu'ont pu subir les enfants. Ménière est connu pour sa découverte de la pathologie vestibulaire. Or pendant plus de 20 ans il a publié des travaux concernant la prise en charge de l'éducation des enfants sourds-muets et les maladies de l'oreille. Alexandre Blanchet (1819-1867) se pose comme initiateur du dilemme : langue des signes ou oralisation. Il succède à Ménière en 1862. Médecine ou expérimentation ? Les thérapeutiques agressives sur les enfants rapportées par Ménière et Triquet, et le mémoire de Ferdinand Berthier (Doyen des professeurs de l'institution)* sont les moteurs de la création de la communauté sourde. La langue des signes et l'oralisation sont discutées tout au long du XIXème siècle. Le modèle français s'exporte outre-atlantique avec Laurent Clerc (élève de Massieu, lui-même disciple de Sicard) en 1816, appelé par Edward Gallaudet 21. Le Gallaudet Collège est encore aujourd'hui la seule université à n'accueillir que des étudiants sourds. De ce fait, la langue des signes américaine (ASL) présente des similitudes avec la langue des signes française (LSF), ce qui n'est pas du tout le cas avec nos voisins britanniques. Le congrès de Milan en 1880 cèle le sort des sourds : l'oralisme ne se discute plus, c'était la "vérité". Cette vérité que l'on remettra en cause 98 ans plus tard en 1978 en France. Pour bien jauger les critiques de la communauté sourde, il est important de se replacer dans le contexte historique "des soins". Il appartient à chacun d'approfondir le sujet et se faire sa propre opinion. "La surdi-mutité fut le moteur du développement de l'otologie pendant une bonne partie du XIXème siècle. Les sourds-muets en furent les victimes. Les cicatrices ne furent pas seulement physiques; elles sont encore très sensibles. L'histoire de la médecine apprend que la "vérité" n'existe pas mais qu'on va d'erreur en erreur vers la vérité". François LEGENT ORL Université de Nantes; Les soins médicaux aux sourds-muets en France au XIXème siècle. * "Sur l'opinion du Docteur Itard relative aux facultés intellectuelles et aux qualités morales des sourds-muetsRéfutation présentée aux Académies de Médecine et des Sciences Morales et Politiques". 21 Oliver SACKS, Des yeux pour entendre voyage au pays des sourds; Editions du Seuil 1990 30 iii. Raffinements acoustiques Au XIXème siècle, l'acoustique est marquée par les travaux de Savart et Lissajous sur les lames vibrantes. Ils s'aperçoivent que la célérité du son dépend de la nature du matériau ou du milieu. Helmholtz développe la théorie de ses résonateurs que les grecs utilisaient à l'Antiquité (vases de Vitruve). Le nombre d'expériences acoustiques ne faiblit pas, Arago et Gay Lussac affinent la valeur de la célérité du son à partir d'une ligne Villejuif Montlhéry. La mesure du seuil d'intensité de l'audition se fait dans un premier temps au diapason, puis à l'aide du pistonphone (appareil qui mesure la pression sur une membrane, la variation de volume nous donne la pression acoustique). Savart marqua le siècle avec son violon qui avait un timbre aussi fourni qu'un Stradivarius mais malheureusement qui ne pouvait l'égaler d'un point de vue esthétique. Grâce à sa roue dentée (crécelle), il établira avec plus de précision le domaine fréquentiel audible de l'être humain en affirmant que ce dernier peut ouïr des fréquences de 24 kHz. Figure 15 Violon de Savart 1819 Source : cité de la musique médiathèque L'acoustique est enseignée en France, Chladni et son traité d'acoustique font référence. Paul Bert et les revues scientifiques donnent un accès au grand public. On soulignera les travaux de Lord Rayleigh (utilisés dans la partie préhistoire entre autres) et son œuvre "The theory of sound" publiée en 1877 considérée comme la bible des acousticiens, peu digeste mais complète. L'invention inaperçue du XIXème siècle est la transformée de Fourier qui consiste à transformer une fonction de temps (ou d'espace) en une fonction de fréquence et réciproquement. On mesurera plus tard les conséquences de cette découverte. 31 iv. Les conditions d'un nouveau paysage sonore22 Une histoire de cloches : Il reste des survivances de l'Ancien Régime : les cris de la rue, les bruits de fête. Cependant la rupture s'opère à cause de l'utilisation de l'écrit. La rue joue un rôle décisif dans beaucoup de journées car les rumeurs vont bon train. "La grande Peur" soude une coalition antiseigneuriale et contribue à faire entrer les paysans en révolution ainsi qu'à rallier les campagnes à la cause du Tiers État. La fête révolutionnaire se manifeste par la Farandole qui perdurera pendant la période républicaine (post-révolutionnaire). Un des buts de la Révolution française était d'affaiblir le pouvoir de l'Eglise. Suite à la révolution de 1789, les cloches doivent être dépendues. La tâche s'avère difficile car la sensibilité du monde sonore dans les villages est importante. La cloche représente l'amour-propre de la localité, son enlèvement provoque la rancœur. Le transfert est source de querelles de clochers intercommunales. C'est un objet de fierté par sa taille, son poids ou le nombre. Elle constitue un repère auditif des hommes de la terre. L'espace sonore de la cloche se définit en fonction de la connaissance sociale au sein des sociétés rurales avec la notion de "faire partie" ou non de cet espace : on parle d'esprit de clocher. On va jusqu'à parrainer une cloche, le clivage social s'opère : être sonné de son vivant fait partie de la sonnerie d'orgueil (fierté de la sonnerie en son nom). La codification de sonnerie est propre à chaque communauté. Seulement quelques règles sont imposées. Le tocsin constitue l'alarme, il n'a pas de limites territoriales. Il provoque l'empressement, l'inquiétude et annonce la menace ou les catastrophes naturelles. La Mairie et l'Eglise se disputent le pouvoir de sonner. Celui qui exerce son empire sur la sonnerie détient le pouvoir d'assourdir l'autre et de le forcer à se taire. Il est important de prendre conscience de la culture sensible. L'environnement sonore nous aide à nous structurer dans le temps, dans l'espace mais aussi dans la société. L'exemple des cloches est frappant, on n'y prête aucune attention quand elles ne sont pas touchées. On risque l'émeute à la moindre modification de sonnerie ou de changement de place. Le silence est toujours vertu et fait partie d'un processus de civilisation, il élève à un rang social. La révolution industrielle contribue à l'augmentation du niveau sonore : bruits manufacturiers, machines à vapeur, moulins à papier, forges, chaudronneries … Les premières surdités professionnelles sont détectées au XIXème siècle. Nos amis normands en témoignent encore. La ville de "Sourdeval" dans la Manche est spécialisée dans la fabrication 22 Alain CORBIN, Les cloches de la terre : Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXème siècle, Editions. Albin MICHEL 1994 Collection "Evolution de l'humanité. 32 de couverts emboutis. Ce nom évocateur de "Sourdeval" en dit long sur l'audition des Sourdevalais. Un peu plus au sud, la ville de Villedieu–les-Poêles un peu plus importante est réputée pour sa fabrique de cloches, Les "Sourdins" habitants de Villedieu ont-ils l'oreille musicale pour accorder leurs cloches ? Les travaux de Haussmann à Paris contribuent au développement de l'acoustique architecturale. Elle n'est pas encore totalement maîtrisée, pour preuve la déclaration de Charles Garnier à propos de l'Opéra qu'il construit à Paris dont l'acoustique est jugée exceptionnelle. "Ce n'est pas de ma faute si l'acoustique et moi nous n'avons jamais pu nous entendre. Si je n'ai pas la prétention de prouver que l'acoustique, appliquée aux salles de spectacles, est une science absolument indécise, j'ai au moins la liberté de dire que je n'y suis absolument pour rien." Charles GARNIER, Le nouvel Opéra de Paris, Ed. Ducher 1878. J. La première prothèse auditive : le cornet acoustique A l'origine le cornet acoustique est utilisé comme porte-voix ou instrument de musique. On peut penser qu'il a été utilisé comme aide auditive depuis des millénaires dans une multitude de formes et de matières. Les cornes d'animaux évidées et les conques marines constituaient un bon compromis car ces objets ne demandaient pas de fabrication spécifique. Le travail du bois et des métaux permet de faire évoluer la forme des cornets. C'est aujourd'hui à nos yeux un objet qui semble bien rudimentaire, mais qui à l'époque était déjà un progrès. i. Les différentes formes de cornets acoustiques : Le principe du cornet est de capturer les sons et de fournir une amplification dans la bande de fréquence désirée, tout en protégeant l'oreille des bruits de fond environnants, ce qui n'est pas très différent des attentes actuelles en terme d'appareil numérique. Le cornet est plus efficace en champ direct quand la personne parle dans l'ouverture. Par nécessité, il est utilisé en champ lointain, au théâtre par exemple, où l'écoute est amoindrie par l'augmentation du bruit de fond (les sons environnants). Le rapport signal sur bruit est dégradé, le cornet souffre de la distance au même titre que les prothèses actuelles. 33 Ils ont été fabriqués dans différentes formes et tailles. Les matériaux utilisés sont généralement l'acier, le laiton, la celluloïd*, le caoutchouc dur … La fabrication du cornet a réellement émergé au début du XIXème siècle. Les premiers fabricants sont entre autres la maison Charrière à Paris, la maison Rein & sons à Londres et la maison Pilling & sons à Philadelphie .Il est intéressant de noter que le cornet a été utilisé pour des surdités sévères jusque aux alentours de 1920, car les appareils électriques à carbone ne fournissaient pas le gain et l'énergie nécessaire à ce type de perte. 1 2 3 4 5 Figure 16 Divers cornets : 1-cornet métal escamotable 2- Cornet en celluloïde 3-Cornet parabolique rétractable 4- cornet en laiton 5- otophone (Meyrowitz New York) source : http://www.hearingaidmuseum.com Les tubes pour parler (speaking tube) : Les tubes pour parler sont plutôt considérés comme un produit d'assistance à l'écoute. Ils sont couramment utilisés dans une conversation et permettent d'améliorer le rapport signal sur bruit. Ils ne fournissent cependant pas de réelle amplification. L'orateur parle dans le pavillon, le son est acheminé par le tube jusqu'à l'écouteur que la personne réceptrice du message place à son oreille. Les matériaux utilisés pour la fabrication sont le caoutchouc dur, le celluloïd ou l'ivoire pour les extrémités. Le tube est généralement constitué d'une spire en métal couverte d'une gaine en coton ou en soie. Figure 17 tube pour parler source : http://www.hearingaidmuseum.com Les oreillettes acoustiques : Elles ont été utilisées en monophonie et en stéréophonie. Elles sont portées grâce à un serre-tête. Les caractéristiques de formes et de tailles permettent d'amplifier les hautes * Celluloïd: c'est un mélange de nitrate de cellulose et de camphre. Il est considéré comme la première matière plastique. 34 fréquences, de ce fait les oreillettes se comportaient comme un microphone directif. Les matériaux de fabrication utilisés sont la celluloïd et le métal. Figure 18 Oreillettes acoustiques source : http://www.hearingaidmuseum.com Les inserts d'oreille : La volonté de discrétion contribue au développement des inserts d'oreille. Ce produit ne répond pas aux attentes en terme de gain. Sa seule fonction est de changer la fréquence de résonance du conduit auditif. Les résultats amènent une image désastreuse du produit dont on pense que c'est une "arnaque". Figure 19 Inserts d'oreilles source : http://www.hearingaidmuseum.com La diversité des matériaux utilisés pour la fabrication tel l'or, l'argent, les écailles de tortues était fonction des moyens financiers. Les personnes riches pouvaient commander des fabrications sur mesure, ce qui a permis toutes les extravagances et pièces d'orfèvrerie dont voici des exemples : Figure 20 Conque artificielle et Bouquet acoustique. source : http://beckerexhibits.wustl.edu 35 L'aspect esthétique est un argument majeur. Tous les moyens sont mis en œuvre pour la discrétion (insertion dans les lunettes, éventails acoustiques, cornets cachés sous la barbe…) Figure 21 Cornet caché dans la barbe lunettes acoustiques et éventail acoustique. source : http://beckerexhibits.wustl.edu Le trône acoustique était très populaire dans les familles royales européennes aux XVIIIème et XIXème siècles. Les accoudoirs de ce trône possédaient des ouvertures en forme de tête de lions. Ces dernières étaient couplées à des résonateurs. Le son était acheminé jusqu'à un embout auriculaire grâce à un tube. Une des réalisations les plus populaires est le trône du roi du Portugal Goa VI fabriqué par Rein & Son en 1819. Figure 22 Trône du roi Joao VI du Portugal Source : http://beckerexhibits.wustl.edu ii. Le cornet "London Dôme"23 En 1850 la révolution industrielle aide à la fabrication des cornets en série. Le cornet le plus manufacturé a été le London Dôme ou Opéra Dôme. Fabriqué à partir d'une feuille de métal mince, une grille couvrait l'ouverture. Il tient son nom de l'architecture de l'opéra de Londres. 23 Entretiens Christian CLOAREC (Université Rennes 1), Jean-Pierre DALMONT (Université du Maine Le Mans). 36 Ce cornet est proposé en France dans les catalogues de vente de matériel médical et chirurgical jusqu'en 1930. Vous trouverez des extraits de ces catalogues en annexe 6 et 7 (p.97 98). Figure 23 Cornet London Dôme source : http://www.hearingaidmuseum.com A présent tentons d'étudier un cornet London dôme. Surface S1 Surface S2 Figure 24 Schéma en coupe du cornet London dôme Gain théorique Surface S1= 1,96 10-5 m2 Surface S2=7,31 10-4 m2 Gain(dB) 20 log S2 S1 7,31.10 4 20 log 31 dB 1,96.10 5 37 Ce calcul très simplifié suppose qu'il n'y ait aucune réflexion de l'onde sonore se propageant à l'intérieur du cornet, ce qui n'est pas le cas en réalité. Le calcul du gain réside dans le rapport de surface de l'entrée et la sortie du cornet. Bande passante : La bande passante du cornet est déterminée par la résonance des colonnes d'air contenues dans le tube. Dans le cas d'un tuyau à section constante, il est simple de calculer la fréquence de résonance fondamentale avec l'équation de propagation et les conditions aux limites. Malheureusement notre cornet est un tube à section variable, on peut difficilement faire un calcul sans ordinateur. Le but serait de calculer la fonction de transfert du cornet en utilisant un modèle à base de tronc de cône. La théorie n'est pas d'un grand secours ici. Analysons les mesures acoustiques. Mesures acoustiques du cornet London Dôme : Les Courbes de réponses : Nous avons utilisé la chaîne de mesure AURICAL de l'école d'audioprothèse de Fougères. Le protocole de mesure est défini par la norme CEI 118-7 relative aux mesures des prothèses auditives. Courbe rouge OSPL 90 (lecture échelle de gauche) Courbe verte Gain maximum (lecture échelle de droite) Figure 25 Courbe de Gain maximum et courbe OSPL 90 du cornet L’amplification maximum est de 16 dB de gain. Bien loin de nos 31 dB théoriques. La fréquence de coupure est aux environs de 100 Hz et la bande passante du cornet est de 200 Hz à 1200 Hz, ce qui correspond à une grande partie du spectre de la parole. 38 Mesure in vivo : La mesure in vivo permet de comprendre l'effet du cornet en utilisation. La mise en place dans le conduit auditif génère un gain d'insertion de 26 dB. On assiste à un décalage de la résonance du conduit. Cela montre que l'oreille se comporte comme un cornet acoustique mais beaucoup moins long. La bande passante est de 250 à 1,6 kHz avec un pic de résonance sur le 700 Hz Figure 26 Réponse in vivo du cornet. La courbe rouge est le gain d'insertion mesuré cornet positionné dans l’oreille. La courbe bleue est le gain naturel de l’oreille (REUR : Real Ear Unaided Response). Cornet et directivité : Vous trouverez en annexe 2 (p.85) le protocole de mesure et le matériel utilisé pour obtenir les résultats suivants. La partie rouge correspond à l'avant ( Front) et la partie bleue correspond à l'arrière (Back), le haut et la bas sont matérialisés par Up et Down (Dn). L'échelle des axes est de 50 dB. Les données ont été saisies point par point. 39 Directivité 500 Hz Axe 50 dB. DI= -0,1 dB Directivité 1000 Hz Axe 50 dB. DI= -3,6dB Directivité 750 Hz Axe 50 dB. DI= -0,7 dB Directivité 1500 Hz Axe 50 dB. DI= -0,9 dB Directivité 2000 Hz Axe 50 dB. DI= -4.1 dB Figure 27 Mesures de directivité Oreille droite du cornet A notre grande surprise, l’effet directif n’est pas significatif dans le plan horizontal: Le gain est négatif au-delà de 2 KHz et la bande passante de l’appareil travaille sur des 40 longueurs d’ondes de l’ordre de 20 à 70 cm. Ces longueurs d’ondes ne sont pratiquement pas perturbées par le cornet et par la tête, les phénomènes de réflexion et de diffraction sont minimisés. Ce cornet se comporte comme un micro omnidirectif. Cependant, dans le plan vertical l'effet directif est plus marqué, on peut observer un effet d'ombre des épaules et du corps. Les dimensions des obstacles sont plus proches des longueurs d'onde de la bande passante de notre cornet. K. Conclusion Depuis la nuit des temps, nous lions une relation troublante avec notre environnement sonore : notre histoire l'a fait évoluer, mais il nous aide à nous construire comme nous avons pu le voir avec l'histoire des cloches. Les progrès de la médecine ne se sont pas faits sans mal; ils ont contribué à l'émancipation de notre métier, au-delà des missions premières de soins et de maintien de la vie. Fait contradictoire, l'ère acoustique a vu naître la communauté sourde. Cela nous rappelle le rôle important du silence dans l'univers des sons (ce que recherchent les acouphéniques), comme l'apparition des sons dans l'univers du silence (une manière d'évoquer un des aspects de l'implant cochléaire). 41 IV. L'ère Electrique "Comme les électricités s'appellent et s'accumulent entre les deux plaques du condensateur d’où l'on fera jaillir l'étincelle, ainsi par la seule mise en présence des hommes entre eux, des attractions et des répulsions profondes se produisent, des ruptures complètes d'équilibre, enfin cette électrisation de l'âme qui est la passion." H. BERGSON, Le Rire p.121.(1900) 18ème siècle 17ème siècle Recherches sur la physiologie de l'audition 19ème siècle Affinement de la physiologie, Avènement de la spécialité ORL 20ème siècle Techniques chirurgicales otologiques, implantation cochléaire Médecine Environnement / Social Rationnalisme médical , Descartes Habitat et promiscuité Institut des enfants sourds Théorie de l'acoustique, Expérimentation Avénement de l'électricité statique Révolution industrielle Technique Le cornet acoustique (…- 1930) 1643-1715 Règne de Louis XIV Invention de la pile, Electricité Dynamique, Electromagnétisme 1789 Révolution Française 1821 Mort de Napoléon 1er Télévision, radio et Lutte contre le bruit ACA électrique (1898), ACA à lampes (1921), ACA à transistors (1952), Prothèses numériques (1996) 1939 2nde Guerre Mondiale L'énergie change de nature, les vitesses mises en jeu sont sans commune mesure : l'ère acoustique laisse place à l'ère électrique. A. Fin du XIXème siècle : La fée électricité24,25,26 i. Retour en arrière. Le terme "électricité" dérive directement du mot grec "élecktron" qui désigne l'ambre jaune, une résine fossile possédant des propriétés électrostatiques, de même, 24 Pierre ZWEICKAER, Fluide vital contes de l'ère électrique, Presses Polytechnique et Universitaire Romande Coll. Focus Sciences Ed. 2005. 25 http://volta-electricite.info/ 26 Encyclopédie Larousse : Electricité Histoire 42 l'électromagnétisme* fait référence à la terre de Magnésie, un aimant naturel utilisé dès la Haute Antiquité. L'étymologie des deux phénomènes indique qu'ils ont été découverts tôt dans l'histoire de l'humanité. Vers -600 avant notre ère, Thalès de Milet, célèbre mathématicien, s'intéresse à l'électricité et au magnétisme en frottant un morceau d'ambre jaune avec une peau de chat. Il faudra attendre le XVIIème siècle pour voir Gilbert WILLIAM (1544-1603) suggérer d'appeler "électricité" la force d'attraction des matériaux qui attirent lorsqu'ils sont frottés. Otto von Guericke (1602-1686) invente une machine électrostatique en 1663. L'étincelle produite est soumise à des records de distance. Mais l'énergie n'est pas stockable et maîtrisable. En 1746, la bouteille de Leyde (ville des Pays Bas) permet de stocker les charges électriques. Elle devient une grande attraction foraine à Paris et à Londres où pour un sou ou un shilling, on se prend "un choc électrique". Ce sera aussi l'objet de grande expérimentation pour mesurer la vitesse de l'onde électrique : on forme des chaînes humaines de plusieurs kilomètres, d'ailleurs certains y laisseront leur vie. L'Abbé Sicaud de la Fond découvre de manière peu académique la mise à la terre grâce à des expériences sur les élèves du collège Louis le Grand en juillet 1772. La découverte de l'électricité est sujette à toutes les hypothèses les plus farfelues; L'ignorance fait avancer des théories autant divinatoires que physiquement impossibles. L'Abbé Nollet (1700-1770) qui apporta une pierre à l'édifice de l'acoustique (cf. Le siècle des lumières), s'intéresse à l'électricité et concurrence. Benjamin Franklin (1706-1790) qui attribue le signe + et le signe -. De plus, ce dernier affirme que l'électricité ne se crée pas, elle passe d'un corps à l'autre suivant leur état. Cette vision très comptable s'avère être une bonne intuition. En 1785 Charles Augustin de Coulomb (1736-1798) établit les lois fondamentales de l'électrostatique : "les forces électriques entre deux particules chargées sont proportionnelles à leurs charges et inversement proportionnelles au carré de leur distance." ii. Fluide vital. En 1791 Luigi Galvani (1737-1798), physiologiste italien rapporte une expérience troublante : en touchant une cuisse de grenouille avec deux métaux différents, celle-ci se met en mouvement. Il en déduit que les grenouilles sont sources d'électricité. On connaissait les * Electromagnétisme : de magne (lapis "pierre d'aimant") Grec magnês (lithos) pierre de magnésie, ville d'Asie Mineure. 43 vertus des anguilles ou torpilles électriques depuis l'Antiquité, mais pas celle des grenouilles. La théorie de Galvani prône que l'électricité vient du vivant En 1799, Alessandro Volta comprend que l'origine de l'électricité n'est pas dûe à la grenouille mais à la présence des deux métaux différents. En 1800, la pile est inventée, elle est constituée d'un empilement (d’où son nom) d'une rondelle de cuivre, un tissu imbibé de saumure, une rondelle de zinc et ainsi de suite… La pile est une découverte majeure en électricité car jusqu'ici on produisait de l'électricité statique, elle devient à présent dynamique avec le courant continu. iii. La naissance de l'électromagnétisme. Ayant observé dès le début du XVIIIème siècle l'aimantation du fer par la foudre, on se préoccupe donc logiquement de savoir s'il existait des rapports entre l'électricité et le magnétisme. C'est une réponse positive qu'apporta Oersted (1777-1851) en 1820, lorsqu'il observa qu'une aiguille aimantée (mobile sur un pivot) quitte sa direction initiale quand elle est placée près d'un fil parcouru par un courant. La théorisation de l'électromagnétisme va être complétée dans la première moitié du XIXème siècle par André Marie Ampère (1775-1836) et Heinrich Lenz (1804-1865). Joseph Henry (1797-1878) invente la bobine à induction et Simon Ohm (1789-1854) réalise des travaux sur les différentes résistances au courant des matériaux. John Prescott Joule (1818-1889) se brûle les doigts avec un fil électrique : c'est l'effet Joule. Nous pourrions en citer d'autres : Laplace, Biot, Savart, Foucault… cependant ce sont les équations de Maxwell publiées dans son traité d'électricité et de magnétisme qui vont être le fondement de l'électromagnétisme moderne. La deuxième moitié du XIXème siècle voit se mettre en place diverses applications des théories électromagnétiques : moteurs, piles rechargeables, distribution et réseaux d'électricité. iv. Tempête technique et scientifique, statu quo philosophique. La découverte de l'électricité constitue un progrès sans commune mesure. Les vitesses mises en jeu dépassent nos limites. L'univers tranquille des sciences et des techniques s'en trouve complètement bouleversé. La révolution industrielle et la découverte de l'électromagnétisme contribuent au développement de la recherche industrielle. Les découvreurs ne sont plus les philosophes, mathématiciens et physiciens mais plutôt les ingénieurs qui mettent en pratique la théorie des premiers. 44 La société s'en trouve enrichie par une qualité de vie qui s'améliore et peut se projeter dans le futur. Cependant, cette révolution technologique ne se fait pas sans mal. Les grands théoriciens sont influencés par cette science appliquée à l'industrie. L'incrédulité, la mise en doute et les discussions sur les nouvelles techniques sont permanentes. La publication de brevets et la réclamation d'antériorité contribuent à cette compétition commerciale. L'électricité est devenue un enjeu social, économique, technique, alors qu'elle est à la base un mouvement de particules. Cette marche en avant de plus en plus rapide est capable du meilleur comme du pire : Edison (1847-1931) inventeur de la lampe à incandescence illumina l'Amérique en 1883. Cependant sa collaboratoin avec Southwick donnera naissance à la chaise électrique avec tous les essais catastrophiques que l'on peut imaginer. D'où ce besoin de réflexion et la nécessité de recul sur l'utilisation des nouvelles technologies. B. L'électroacoustique et les grandes inventions. 12,24,27 A présent le signal acoustique est transformé en signal électrique, ce changement de milieu (de l'acoustique à l'électricité) s'effectue grâce à un transducteur (micro et écouteur). Cette invention a rendra possible l'enregistrement et la stéréophonie. Le téléphone. "J'ai été frappé par le fait que la densité des osselets de l'oreille humaine est grande comparée à la membrane tympanique qui les actionne, et l'idée m'est venue que si la membrane fragile pouvait mettre en mouvement ces gros os, pourquoi une membrane plus solide ne serait-elle pas capable de mettre en mouvement une pièce de métal ? C'est à partir de cette réflexion que j'ai inventé le téléphone" Graham BELL (traduction) "Téléphone" vient du Grec "Télé" "Phonos" qui signifie "parler à distance". En 1854, Charles Bourseul développe une technologie très ressemblante à celle de Graham Bell. Cependant des problèmes de distorsions le dissuadent de continuer. Par sa volonté d'aider les sourds, en particulier sa mère et sa femme, Bell invente en 1876 malgré lui le téléphone. Ader (1876), Hugues (1878) et Edison auront aussi contribué 27 Albert MUDRY, Léon DODELE, History of the technological development of air conduction hearing aids, The Journal of Laryngology and Otology, june 2000 vol. 114 pp 418-423. 45 au développement du téléphone utilisant une technologie à carbone. De cette technologie naîtra la première prothèse électrique. Les sons en conserve. L'enregistrement et la reproduction sonore constituent une grande évolution, ils contribuent au devoir de transmission de la culture et de la mémoire. Dans la mythologie grecque le roi Midas a été puni par Apollon pour avoir favorisé Marsyas à un concours musical. Seul son esclave était au courant mais celui-ci n'a pas pu tenir le secret. Il creusa alors un trou et se débarrassa de son secret en disant " le roi Midas a des oreilles d'ânes". Malheureusement des roseaux ont poussé et aux souffles du vent ils répétaient "Le roi Midas a des oreilles d'ânes". Ceci est le premier témoignage de conservation des sons. Un autre exemple flagrant nous montre où Sony trouve son inspiration pour créer le baladeur (walkman). "Â peine fut-il hors de présence que je me mis à considérer attentivement mes livres. Les boîtes, c’est-à-dire leurs couvertures, me semblèrent admirables pour leur richesse ; l’une était taillée d’un seul diamant, plus brillant sans comparaison que les nôtres ; la seconde ne paraissait qu’une monstrueuse perle fendue en deux. Mon démon avait traduit ces livres en langage de ce monde-là ; mais parce que je n’ai point encore parlé de leur imprimerie, je m’en vais expliquer la façon de ces deux volumes. Â l’ouverture de la boîte, je trouvai dedans un je ne sais quoi de métal quasi tout semblable à nos horloges, plein d’un nombre infini de petits ressorts et de machines imperceptibles. C’est un livre à la vérité, mais c’est un livre miraculeux qui n’a ni feuillets ni caractères ; enfin c’est un livre où, pour apprendre, les yeux sont inutiles ; on n’a besoin que d’oreilles. Quand quelqu’un donc souhaite lire, il bande, avec une grande quantité de toutes sortes de clefs, cette machine, puis il tourne l’aiguille sur le chapitre qu’il désire écouter, et au même temps il sort de cette noix comme de la bouche d’un homme, ou d’un instrument de musique, tous les sons distincts et différents qui servent, entre les grands lunaires, à l’expression du langage. Lorsque j’eus réfléchi sur cette miraculeuse invention de faire des livres, je ne m’étonnai plus de voir que les jeunes hommes de ce pays-là possédaient davantage de connaissance à seize et à dix-huit ans que les barbes grises du nôtre ; car, sachant lire aussitôt que parler, ils ne sont jamais sans lecture ; dans la chambre, à la promenade, en ville, en voyage, à pied, à cheval, ils peuvent avoir dans la poche, ou pendus à l’arçon de leurs selles, une trentaine de ces livres dont ils n’ont qu’à bander un ressort pour en ouïr un chapitre seulement, ou bien plusieurs, s’ils sont 46 en humeur d’écouter tout un livre : ainsi vous avez éternellement autour de vous tous les grands hommes et morts et vivants qui vous entretiennent de vive voix. Ce présent m’occupa plus d’une heure, et enfin, me les étant attachés en forme de pendants d’oreille, je sortis en ville pour me promener." Cyrano de Bergerac. L'autre Monde ou les Etats et Empires de la Lune (1657) Les coïncidences sont surprenantes, il ne manquait que la technologie à Cyrano. Les premiers systèmes d'enregistrement des sons sont basés sur le principe de la gravure. Les supports sont multiples : papier enduit de noir de fumée (destinée seulement à l'analyse visuelle), les rouleaux de cire (Phonographe de Charles CROS) ou de cuivre (Gramophone d'Edison). Ces systèmes rudimentaires exploitent le domaine acoustico-mécanique. On enregistre les célébrités (Jaurès, Apollinaire…). L'arrivée de l'électricité permet l'amplification du signal acoustique. Mais la gravure reste le principal moyen d'enregistrement pendant très longtemps (disque vinyle). L'avancement des connaissances sur l'aimantation des métaux ferreux permet le développement de l'enregistrement magnétique. Les premières expériences se font sur un fil, cette technique permet de réduire la distorsion et le bruit. Le fil se transformera en rouleau, et le rouleau en bande ferro-magnétique ce qui permettra d'augmenter la capacité d'enregistrement. L'enregistrement magnétique sera utilisé pendant plus de 50 ans. L'ère de l'enregistrement numérique met définitivement fin à l'enregistrement gravé et magnétique. La numérisation du signal en binaire permet un stockage beaucoup plus important des informations. C'est en 1979 que le disque compact fut inventé conjointement par les firmes Philips et Sony. Selon les rumeurs, la capacité du CD 12 centimètres a été augmentée à 74 minutes pour que la version la plus lente de la 9e symphonie de Beethoven tienne sur un seul CD, ceci à la demande de Herbert von Karajan, qui lui la dirigeait en ce temps précis. La stéréophonie. La notion de stéréophonie apparaît à l'exposition d'électricité en 1881, où deux téléphones reliés à la scène de l'opéra permettent une écoute stéréo au casque. "Stéréos" signifie solide ou ce qui tient lieu à trois dimensions. On se pose donc très tôt des questions sur la prise de sons, le synchronisme des sources pour rendre une notion spatiale sonore. Clément ADER et son théâtrophone en sont les précurseurs. On peut noter que les disques vinyle étaient gravés sur les deux faces du sillon pour restituer la stéréophonie. 47 C. Le début du XXème siècle : conflit mondial et innovation médicale La fin du XIXème siècle voit l'avènement de l'électro-acoustique. Le début du XXème siècle est marqué par la première guerre mondiale, la médécine bénéficie des dernières recherches en électromagnétisme et le premier appareil de correction auditive électrique voit le jour. i. Révolution du diagnostic médical. Le début du 20ème siècle est marqué par l'explosion du savoir et des techniques. Wilhelm Röntgen découvre les rayons X en 1895 et reçoit le Prix Nobel de physique pour ses travaux. La radiographie va bouleverser le diagnostic médical. Dorénavant on peut voir dans le corps humain sans intervention chirurgicale. ii. La première prothèse électrique et le microphone à carbone. Figure 28 Appareil électrique Acousticon Modèle A source : http://www.hearingaidmuseum.com C'est Louis Jacobson qui a déposé le premier brevet pour une aide auditive en 1878, en Allemagne. Les premières productions peuvent être associées à Ferdinand Alt (Clinique Politzer à Vienne 1906) et Miller Reese HUTCHINSON (Alabama Etats-Unis 1er appareil "Akoulalion"1898). Cet appareil auditif marque le début de l'ère analogique, ainsi l'appareil de correction auditive passe d'un mode passif à un mode actif. Tout cela a été possible grâce à l'invention du microphone à carbone par Hugues en 1878. Il est constitué d'un micro et d'un écouteur branché sur un circuit alimenté par une pile. On peut le schématiser de la façon suivante. 48 Résistance Variable (micro) Ecouteur Pile Figure 29 Schéma bloc ACA électrique. Principe de fonctionnement : La technique utilisée dans les prothèses auditives diffère légèrement de celle utilisée dans le téléphone. Le micro des Appareils de Corrections Auditives (ACA) utilise un bloc en carbone formé de plusieurs coupelles remplies de petites billes. Le tout est maintenu par un fin diaphragme. Tous ces éléments sont en carbone. Quand l'onde sonore frappe le micro, elle pousse légèrement le diaphragme, qui luimême contraint les billes. Le système voit sa résistance électrique modifiée du fait de cette contrainte. La variation de la résistance induit une variation de courant (loi d'Ohm U=Ri) autour d'une valeur constante (courant alternatif). Les variations de signaux électriques se dirigent vers le récepteur. Figure 30 1)Intérieur d'un micro carbone : la platine grise (en carbone) et les six coupelles de réception des billes carbone. 2) Gros plan coupelles remplies de billes 3) diaphragme source : http://www.hearingaidmuseum.com 49 Figure 31 Publicité pour appareil électrique source : http://www.hearingaidmuseum.com Les ACA avec micro carbone avaient une amplification qui ne permettait d'appareiller que les pertes d'auditions légères à moyennes. Si une amplification plus forte était requise, plusieurs micros à carbone étaient branchés en parallèle pour augmenter les variations de signaux électriques. Ce type d'appareil produisait des craquements et du bruit de manière importante, cela est dû à l'action des billes de carbone sur le diaphragme. La distorsion harmonique est très importante, et la courbe de réponse en fréquence reste limitée. Testons un appareil à carbone en chaîne de mesure. Figure 32 Gain maximum et Sortie Maximum (OSPL 90 CEI 118) Acousticon simple micro Pile 3 volt 50 La courbe bleue représente le gain maximum (pic 47.8 dB à 1180 Hz). La courbe rouge représente le niveau de sortie maximum (pic 120.2 dB SPL à 1150 Hz). La tension d'alimentation est de 3 volts. La bande passante de cet appareil s'étend de 750 Hz à 2500 Hz. Figure 33 Acousticon simple micro mesure de distorsion harmonique en mode balayage La caractéristique des appareils à carbone est de distordre énormément le signal, on peut atteindre des taux de distorsion harmonique de plus de 50 %. Les résultats obtenus ici restent convenables, au vu des 80% de distorsion obtenus dans certains cas. Il est intéressant de noter que les micros ne fonctionnent pas si ils sont posés à plat, car les billes de carbone ne touchent pas le diaphragme. Les ACA à carbone demandaient des courants importants pour produire l'amplification. Des piles de 3 et 4.5 volts étaient utilisées, parfois 6 volts. La grande consommation de courant donnait une durée de vie de la pile de 2 voir 3 jours maximum. Cette durée de vie variait en fonction du nombre de micros, de la durée d'utilisation et du type d'appareil. Ces piles étaient généralement séparées de l'appareil, et étaient portées dans une poche ou harnachées le long du corps. Certaines prothèses ont proposé une alimentation intégrée mais l'encombrement du tout a constitué à frein à ce type d'appareils. Des fabricants ont commercialisé des piles rechargeables (base de plomb et acide). Commercialisation : Les premiers brevets sont américains et la commercialisation débute en 1898 avec Hutchinson et l'Akouphone Company, son premier modèle est l'"Akoulallion" une prothèse de table (non portable). En 1900, il réduit la taille de l'appareil et le nomme "Akouphone", c'est un véritable succès. La gamme d'appareil s'étoffe et apparaît "Acousticon" sous différents modèles. Comme on peut le voir figure 31, les essais gratuits (free trial) existaient déjà à cette époque. La Western Electric Company est le premier concurrent, elle propose un 51 appareil avec alimentation intégrée et écouteur avec embout auriculaire : le "Western Electric modèle 34A". En Europe, les nouveautés ne se font pas attendre. En Allemagne, la Deutsche Akustic Gesellschaft à Berlin (1905) propose l'Akustic CII. Siemens (fondée en 1847) crée sa branche audiologie en 1910. En France, les frères Franck-Valéry commercialisent des ACA carbone en 1911, vont suivre la maison Luer (1913), la maison Drapier et la Maison Duffaud (1920), tous distributeurs de matériel médical. Vous trouverez en annexe 7 (p.97) un extrait de leur catalogue. Hans DEMANT (dont la femme est sourde) crée OTICON en 1904 au Danemark où il distribue l'Acousticon de Hutchinson. Par manque d'approvisionnement durant la seconde guerre mondiale, il produira ses propres appareils, ce qui permettra à la société d'évoluer au rang qu'elle tient aujourd'hui. Les appareils électriques ont été vendus jusqu'à la veille de la deuxième guerre mondiale. Le début du XXème siècle a vu les principaux fabricants de prothèses prendre place. L'arrivée de l'électricité dans le monde de l'audioprothèse accélère le processus d'innovation technique. Les lampes amplificatrices sont inventées rapidement mais la technique dédiée aux ACA arrivera 20 ans plus tard. La radio arrive dans les foyers et attire les curiosités. D. Années folles et Deuxième Guerre Mondiale. i. Découverte de l’amplificateur à lampe. John Ambrose Fleming inventa en 1904 la diode basée sur l'observation de Thomas Edison. Le courant unidirectionnel (continu) et la construction de la diode originale amena Lee De Forest à placer une autre électrode, un fil tendu ou écran appelé la grille , entre le filament et la plaque en 1906. De Forest découvrit que le courant circulant du filament vers la plaque (anode) dépend de la tension appliquée sur la grille. Ce composant à trois électrodes permet de réaliser un amplificateur de tension excellent et très sensible (tension/courant). Il appela son invention l'audion, mais elle est plus connue sous le nom de triode. Pour être suffisamment forte, l’amplification doit être réalisée par l’utilisation en cascade de plusieurs tubes et à l’aide de tétrodes (2 grilles) ou pentodes (3 grilles). 52 Figure 34 Triode de De forest Les tubes furent longtemps les seuls composants actifs et ils ont permis la fabrication en série des premiers appareils électroniques : récepteur radio, puis télévision. Les premiers ordinateurs ou calculateurs, comme le Colossus, utilisaient 2 000 tubes, l'ENIAC en utilisait près de 18 000. Le premier audiomètre qui bénéficiera de cette technologie s'appelle le Western Electric 1A et est commercialisé en 1923. Cet audiomètre (équivalent à une armoire) nécessitaient un local approprié (cf. Figure 35). Sept ans plus tard, la miniaturisation des lampes aidant, la Western Company propose le modèle 2A (64 Hz à 8 KHz) plus compact (modèle de table). Figure 35 Audiomètre Western Company à gauche : modèle 1A. A droite modèle 2A source : http://dept.kent.edu/hearingaidmuseum ii. Domestiquer les sons : Les maisons sonores.12 L'invention de l'amplificateur à lampe va bouleverser la vie dans les foyers. En effet, le phonographe, la radio et la télévision font entrer les sons dans la maison. La musique, les chansons, les dialogues sur les ondes radios font partie du quotidien en 1922. L'arrivée du premier poste de radio dans les villages provoque autant de curiosité et d'engouement que 53 l'arrivée de l'électricité. Le 31 mai 1933, une loi est votée pour instaurer la redevance radiophonique pour financer les radios d'état. Les radios privées doivent créer leurs ressources grâce à la publicité…Puis la radio s'universalise. Aujourd'hui on peut écouter la radio avec son ordinateur, dans sa voiture, avec son téléphone… C'est le vecteur informatif le plus réactif. La radio fait partie de la culture sensible au même titre que les cloches. iii. Les appareils à lampe.27 Figure 36 Maico Model 41 pile"A" (droite) et pile "B" (gauche) écouteur à l'extrème droite. source : http://www.hearingaidmuseum.com Le premier appareil utilisant cette technologie est prétendu être le "vactuphone" mis au point par Earl HANSON. Il utilise un amplificateur à lampe sur un ACA avec micro carbone. La Western Electric et La Globe Hearing aid collaborent pour sa production en 1921. Figure 37 Vactuphone. Vue externe et vue interne (lampe). source : http://www.hearingaidmuseum.com Commence alors la course folle à la miniaturisation. Aux débuts des années 40, Raytheon (fabricant de lampes) diminue la taille de ses produits. La figure 38 vous propose plus de 60 ans de miniaturisation d'amplificateur. De la première lampe en 1906 (11,5 cm) au circuit intégré en 1964 (quelques millimètres), la technique permet une division de la taille des composants par 10. 54 Figure 38 Evolution des amplificateurs échelle 1. source : http://www.hearingaidmuseum.com. Cela permet de fabriquer des appareils que l'on peut mettre dans une poche. Malheureusement, les lampes demandaient une tension d'alimentation importante. Il y avait deux piles différentes : une pile A pour alimenter les filaments, une pile B pour fournir la haute tension pour la grille (figure 36 p. 53). Les piles étaient branchées à l'extérieur de l'appareil. Une multitude d'accessoires sont proposés pour le maintien des piles et de l'appareil (figure 39). Figure 39 Accessoires et ports source : www.Beckerexhibits.wustl.edu En 1936 Les microphones évoluent, on utilise l'effet piézoélectrique. Après la seconde guerre mondiale, les efforts réalisés par les fabricants permettent de diminuer la tension d'alimentation des lampes. La tension d'alimentation passe de 33 volts à 55 19 volts (voir 15 volts pour certains modèles). La taille des piles diminue et on place l'alimentation dans le corps de l'appareil : l'appareil boîtier est né. Le microphone magnétique voit le jour en 1946, c'est le système inverse de l'écouteur. Progressivement, on voit apparaître des limiteurs de sortie (Peak Clipping) et le panel de composants électroniques s'étoffant, on perçoit les premiers systèmes de contrôle de gain linéaire. Vous trouverez ci-après les mesures effectuées sur un Sonotone 910 appareil à lampes commercialisé en 1949. Cet appareil possède un filtre, un potentiomètre de volume et un limiteur de sortie. Figure 40 Sonotone 910 Les mesures ont été effectuées avec le microphone et l'écouteur d'origine. C'est un appareil boîtier avec écouteur déporté sur lequel un embout venait s'insérer. Figure 41 Courbes de sorite maximum OSPL 90 et courbe de gain maximum Sonotone 910. La courbe rouge représente la sortie maximum (pic 115.6 dB SPL à 1500 Hz) et la courbe bleue représente le gain maximum (pic 53.5 dB à 3650 Hz). 56 Figure 42 Sonotone 910 distorsion harmonique. L'important taux de distorsion dans les basses fréquences est dû au vieillissement de l'écouteur. Western Electric Company et Globe Hearind aid Company ont été les pionniers dans la commercialisation des appareils à lampes. La société Maico Electronics de Minneapolis aux Etats-Unis lance les modèles Maico entre 1940 et 1942, on peut aussi citer la Dictograph Corporation de New York et ses modèles Acousticon. Le continent Américain voit se développer une multitude de fabricants à Pittsburgh (Duratron), Chicago (Otarion Electronics, Beltone Electronics), NewYork (Sonotone dont la dynamique des dirigeants va permettre de faire évoluer leur marque comme nom générique). En 1946, la Beltone Electronics propose le modèle "Harmony" un appareil boîtier. On notera la longévité du parcours de la marque Beltone, seul fabricant à proposer encore des appareils boîtiers de nos jours. Petite transition vers le transistor : les appareils hybrides. En 1948, le transistor sort des laboratoires Bell. On voit apparaître sur une période très courte (année 1952) des appareils hybrides constitués de lampes et d'un transistor. Ce transistor permet de substituer de une à trois lampes et permet de diviser la valeur de courant par trois. Le premier à se lancer dans l'aventure est Sonotone avec son modèle 1010. Quelques fabricants emboîtent rapidement le pas, on peut citer Aurex (modèle T2), Acousticon (modèles A-300 et A-310), Danavox, Siemens (modèle Delta). ). A nouveau, on cherche à réduire la taille des composants, les appareils à lampes subsisteront jusqu'en 1953, jusqu'à ce qu'ils soient subitement remplacés par les appareils à transistors. 57 iv. Naissance de la compression dynamique28 Les premières études psychophysiques sur les pertes d'audition sont réalisées par Steinberg et Gardner aux laboratoires Bell en 1937. A l'époque, ils mesurent la croissance de sonie de sujets appareillés en fonction de l'intensité sonore. Ils découvrent alors ce que l'on nomme aujourd'hui "le recrutement de sonie", définie par le Standard ANSI (norme américaine) comme "une croissance anormalement rapide de sonie en fonction de l'intensité". Le temps s'est écoulé depuis 1938 et nous savons aujourd'hui que ce recrutement est dû à la lésion des cellules ciliées externes de l'organe de Corti. Ces cellules sont responsables de l'amplification des sons faibles et agissent comme compresseur naturel, en découlent d'ailleurs les lois de STEVENS. Quand les cellules sont endommagées le champ dynamique est réduit menant au recrutement. Steinberg et Gardner ont été les premiers à parler de compression dans les amplificateurs. Les premières prothèses à compression dynamique (WDRC) apparaîtront 50 ans plus tard chez la société Resound (1987) v. Sensibilité sonore : Approche de méthode de choix prothétique29 L'apparition des premières prothèses électriques permet seulement le réglage du gain par un potentiomètre. C'est alors au patient de déterminer le niveau d'amplification désiré. L'évolution de l'électronique a permis d'améliorer le fonctionnement de l'aide auditive et du matériel d'audiométrie. Cela ouvre une porte vers les méthodes d'appareillages. L'Homme a toujours souhaité mettre en équation une formule permettant de déterminer le gain idéal d'un appareil auditif. Mais : " Le fait que ces derniers éléments [anamnèse; conditions de vie du patient] ne soient aucunement pris en compte par la quasi-totalité des méthodes de calcul actuelles, permet d'expliquer que l'acte d'appareillage reste un habile compromis entre science et art." Précis d'Audioprothèse Tome II p. 62. En 1937, WEST préconise la mesure audiométrique dans le but de mettre en place une méthode d'appareillage. Il crée la méthode du miroir total qui consiste à fournir un gain égal à la perte auditive tonale relevée en audiométrie. Cette technique est reprise par WATSON ET KNUDSEN en 1940. Les niveaux d'inconfort étant très vite atteints, LYBARGER (1944) propose la règle du demi-gain qui est un miroir fractionné. On divise par deux la perte auditive pour obtenir le gain fonctionnel. D'autres méthodes de miroirs fractionnés verront le 28 Jant B. ALLEN, Wide Dynamic Range Compression Hearing Aids : History, Physiology and signal processing 29/09/2002. 29 Collège National d'Audioprothèse, Précis d'Audioprothèse L'appareillage de l'adulte Tome II, le choix prothétique, Editions du Collège National d'Audioprothèse 1999. 58 jour (REDDELL et CALVERT facteur correctif constant 1966, évolution de LYBARGER, 2/3 gain LIBBY …). Trois grands courants de méthodes de choix prothétiques vont naître : Le miroir audiométrique. La restitution du seuil de confort du malentendant au niveau du seuil de confort de l'entendant. La bissection : La cible définit un gain idéal à partir d'un partage du champ auditif compris entre le seuil d'audition et le seuil d'inconfort. La diversité et la complexité des méthodes évoluant avec les appareils consisteraient en un ouvrage à elles seules. Nous retiendrons que le souci du confort et l'efficacité prothétique font partie de l'histoire. Les outils scientifiques de modélisation et l'évolution des techniques ont pour but de s'approcher de la sensibilité du patient, sachant sûrement que l'objectif est peut-être inatteignable ! E. Les trente glorieuses. La période sombre de la seconde guerre mondiale est terminée, la reconstruction s'opére.La découverte de nouvelles technologies reprend de façon exponentielle en attestent les progrès de la médecine et de l'électronique. i. Progrès de la médecine otologique, Prix Nobel et Implantation cochléaire.15,30 Le XXème siècle est marqué par l'évolution des techniques chirurgicales. L'otospongiose ou otosclérose préoccupe les chirurgiens ORL. Les premières techniques consistaient à recréer une fenêtre labyrinthique et d'y poser le tympan directement (Jenkins 1914, Barany 1924, Holmgreen 1937)31. Le processus d'ossification perdurant, les résultats à long terme étaient déplorables. En 1938, Lempert32 décrit une nouvelle technique (par voie mastoïdienne). Il fixe une partie du tympan au canal semi-circulaire latéral, l'autre partie restant en place. Lempert obtient des résultats à long terme beaucoup plus performants. En France, la famille Portmann (Bordeaux) œuvre depuis plus d'un siècle dans la spécialité ORL et bénéficie d'une renommée mondiale pour ses travaux. 30 Thierry BAZIN, "L'implant cochléaire" Cours électronique 3ème année école d'audioprothèse de Fougères J. LEMPERT, Improvement of Hearing in cases of otosclerosis, Archives of Otolaryngology 1938 42-97 32 www.entlink.net/museum/ 31 59 "Mon grand-père jouissait d'une aura mondiale difficile à imaginer aujourd'hui, se souvient Michel Portmann, l'un de ses descendants. J'ai le souvenir prégnant de salles entières qui se levaient dans un silence religieux à son arrivée." Michel Portmann. L'express du 16/11/2006 Les grandes familles de Bordeaux: Les Portmann pionniers de l'ORL. Michel Portmann agrégé en 1955, professeur honoraire de l'université Victor-Segalen à Bordeaux, est spécialisé dans le traitement des troubles de la communication. Il est à l'origine du Laboratoire d'audiologie expérimentale (Inserm) de Bordeaux et devient, dès 1954, l'un des pionniers de la microchirurgie de l'oreille. Il met au point les interventions chirurgicales otologiques qui sont encore pratiquées aujourd'hui (entre autres pour l'otospongiose). Ses ouvrages (précis d'audiométrie clinique et Manuel de chirurgie otologique) font référence. En 1961, Georg von Bekesy reçoit le prix Nobel de physiologie et de médecine pour ses travaux de physiologie cochléaire sur les mammifères. Il décrit les mécanismes (passifs) de la membrane basilaire et des cellules ciliées. Ce n'est que dans les années 80 que l'on comprendra réellement le rôle des cellules ciliées externes (mécanique active). La fin du XXème siècle est marquée par l'invention de l'implant cochléaire. André DJOURNO (professeur de physique médicale) et Charles EYRIES (chirurgien ORL) mettent au point le premier implant cochléaire en 1957. Une implantation mono électrode bilatérale redonnera l'audition à un sourd profond atteint de cholestéatome bilatéral. Le premier implant mono électrode est commercialisé en 1965 par House à Los Angeles. Le premier implant multi électrodes voit le jour en 1966 et équipe des animaux. Sa mise sur le marché s'opère 7 ans plus tard à San Fransisco. En 1974, le laboratoire de recherche ORL de l'hôpital Saint Antoine (Professeur Claude Henri CHOUARD) propose un système à 8 canaux. Depuis le nombre de canaux a augmenté (jusqu'à 22 canaux), cependant la grande évolution de l'implant cochléaire réside dans la stratégie de codage du signal acoustique. Les électrodes ne pouvant envoyer que des impulsions électriques, la question est de savoir si c'est l'aspect fréquentiel ou temporel du signal qui est pertinent. Aujourd'hui chaque fabricant s'est fait son idée sur la question, ce qui nous permet de nous adapter aux diverses stratégies, c'est notre capacité à nous adapter à un nouvel environnement grâce à notre "Plasticité cérébrale". L'évolution des techniques d'imagerie (PETSCAN) nous permet désormais de confirmer les hypothèses des années 8021 sur le fonctionnement de notre cerveau. On peut 60 observer une redistribution de la cartographie des aires sensorielles dédiées quand un "enregistreur" est lésé. Aujourd'hui, une grande partie des processus reste à découvrir. Les surdités de perception sont majoritairement compensées par un appareillage auditif. L'évolution des techniques d'appareillages et des technologies numériques a permis une meilleure acceptation de la prothèse auditive par le patient. ii. Maîtriser les sons, lutter contre le bruit.12,18 A la fin de la seconde guerre, la télévision fait son apparition. Après l'ouïe c'est la vue qui est stimulée. La domestication des sons est alors à son comble, le mot "jingle", qui signifie tinter, apparaît en 1970. C'est une musique qui s'associe à une marque, une rubrique, une émission, elle est reprise à chaque diffusion sur les ondes pour stimuler la mémoire. La musique contemporaine s'affirmera grâce à Pierre BOULEZ et sa composition "Repons" écrite pour six solistes, un ensemble et un ordinateur. Ce dernier est le fondateur de l'IRCAM (Institut de Recherche et de Coordination de l'Acoustique et de la Musique). La maîtrise des sons s'opère aussi dans les salles. Nous en étions restés au succès de Mr GARNIER et son Opéra. Depuis d'autres opéras ont vu le jour, entre autres l'Opéra Bastille à Paris, sur lequel les avis sont partagés. Aujourd'hui, c'est la polyvalence des salles que l'on recherche avant tout. Les modèles acoustiques architecturaux ont aidé à la conception des nouveaux bâtiments : les plafonds sont mobiles, la sectorisation se fait rapidement en cloisonnant. Cependant, il reste deux phénomènes non maîtrisables qui sont la température et l'humidité qui se modifient en salle pleine. Il est un domaine où l'on ne cherche plus à maîtriser mais à lutter : c'est le domaine des nuisances sonores. Raymond SCHÄFER décrit dans son livre "le paysage sonore" (Paris 1979) deux environnements sonores : un environnement Hi-fi ou chaque son est perçu car le niveau sonore ambiant est faible (paysage de la campagne), apparaissent alors les notions de perspectives sonores du premier plan au champ lointain. L'environnement Lo-fi lui est caractéristique du paysage des villes, les signaux sonores se perdent dans une surpopulation de sons. Le développement du transport aérien constitue une nouvelle source de nuisance. Une autorité de contrôle technique de l'environnement sonore aéroportuaire est mise en place. Plusieurs stratégies ont été testées pour réduire les nuisances des atterrissages et des décollages, la dernière en date consistait à enregistrer le bruit de l'avion et renvoyer ce bruit en opposition de phase pour annuler l'original. En 1982 est créé le Conseil National du Bruit (CNB) qui, sous couvert du ministère de l'environnement, œuvre à lister et réduire les nuisances sonores. Les dix années de défrichage 61 et de travail du CNB permettent de voter la loi 92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit. En 2003 une grande campagne contre les nuisances sonores est mise en place. Les villes de plus de 100 000 habitants doivent réaliser une cartographie des nuisances sonores (Annexe 8 p.98) iii. Une Aporie* qui mérite réflexion : Histoire du transistor "Hélas ! Hélas Les petites choses viennent à bout des grandes…" Victor HUGO Notre Dame de Paris.(1831) L’effet transistor a été découvert en 1947 par des chercheurs* de la compagnie Bell Téléphone. Leurs travaux ont été récompensés par un prix Nobel de physique en 1956. Le transistor devient très rapidement le composant actif fondamental en électronique utilisé principalement comme interrupteur commandé et amplificateur . Ces applications permettent de réaliser des portes logiques synonymes de calculs. L'enjeu étant d'augmenter le nombre de transistors pour augmenter les capacités de calculs. Figure 43 Schéma Transistor Bipolaire NPN (B : Base; E: Emetteur; C: Collecteur) et JFET effet de champ (G : grille; S: source; D: drain). Aujourd'hui, la plupart des circuits intégrés numériques (en particulier les microprocesseurs) utilisent la technologie CMOS qui permet d'intégrer à grande échelle (plusieurs millions) des transistors à effet de champ "Less is more"*33, ou Comment peut-il y avoir plus d'informations dans le moins que dans l'abondance même ? Pour résoudre cette aporie, il faut comprendre que notre monde * Aporie : Difficulté d'ordre rationnel paraissant sans issue, contradiction insoluble. Aporisme : Problème considéré comme insoluble. * Bardeen, Shocley et Brattein. * Moins c'est plus 33 Paul BAGOT,LESS IS MORE, Sciences Humaines et Sociales école d'audioprothèse Fougères 2006. 62 évolue dans une complexité croissante d’où cette nécessité de mettre plus dans le moins. Nous avons déjà effleuré ce sujet lorsque nous avons évoqué la miniaturisation des lampes électroniques. L'évolution du transistor a permis de résoudre ce problème illogique, on met de plus en plus de transistors dans des puces de plus en plus petites (aujourd'hui 135 millions dans un processeur Intelcore duoTM). Figure 44 A gauche : microprocesseurs sur tranche de silicium. A droite : circuit intégré monté en surface sur un circuit imprimé Les capacités de calculs des processeurs augmentent de façon exponentielle*, mais on ne connaît pas encore à quelles applications elles vont être dédiées. Le rapport de l'homme aux choses est complexe, il semble difficile de faire face à ces nouvelles situations. Prendre conscience de l'absurde, c'est en quelque sorte retrouver la liberté, en accepter les conséquences permet de vivre avec sérénité (Albert Camus34). "Tout au plus, consentira-t-il à utiliser l'expérience passée pour fonder ses actes futurs. Le temps fera vivre le temps et la vie servira la vie" Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, l'homme Absurde p.97 Il est intéressant de rapporter cette discussion au thème de l'audioprothèse, car elle aussi indirectement subit cette évolution. Ces dernières années, l'évolution des appareils numériques s'est opérée de manière exponentielle. Ce sont une dizaine d'appareils nouveaux qui émergent chaque année, l'audioprothésiste doit s'adapter rapidement à chaque nouvelle génération toujours plus performante, mais quelle est la limite ? Il semble qu'elle soit humaine, et propre à chacun. * record d'Intel avec 11 millliards de transistors en 2007. Albert Camus, Le mythe de Sisyphe. Essai sur l'absurde, Collection Folio Essai. Editions Gallimard 2006 34 63 iv. Les appareils à transistor.27,35 La découverte du transistor en 1948 remet en marche le processus de miniaturisation. Les fabricants de prothèses réalisent les opportunités pour les appareils futurs. Cette technologie permet de travailler avec des tensions moins élevées et des piles plus petites. Le producteur de lampes Raytheon leader dans l'industrie de l'audioprothèse développe en 1951 un transistor dédié aux prothèses auditives. Il réussit la prouesse de remplacer sa production de lampe par une production de transistor au cours de l'année 1952. Figure 45 Les transistors remplacent les lampes source : http:/www.ck722museum.com Les relations privilégiées qu'entretient Raytheon avec les principaux fabricants de prothèses auditives (MAICO, ZENITH et SONOTONE) permettent aux premiers appareils à transistors d'apparaître sur le marché en 1953. Le ZENITH Royal T, le MAICO Transist-ear et le SONOTONE 1010 sont les premiers à utiliser le CK718 (transistor Raytheon). Figure 46 Le ZENITH Royal T 1953 vue externe et interne : source Bob's Virtual Transistor Museum and History Website. La figure 46 nous montre l'utilisation des 3 transistors CK718 pour l'amplification du signal. Nous les retrouvons à la figure 47 sur le schéma électrique de la prothèse. 35 http://www.hearingaidmuseum.com 64 Bobine téléphone position T Entrée Micro 1er Etage amplificateur 2ème Etage amplificateur filtre passe-bas réglable Sortie Ecouteur 3ème étage amplificateur filtre passe-haut réglable Figure 47 Diagramme Schématique du ZENITH Royal T. D'après un magazine d'électronique de 1953, cet appareil fonctionnait avec une pile de 1,5 volts, le courant requis était de 4,5 mA, ce qui donnait une durée de vie de la pile de 400 heures. Le niveau de sortie maximum était de 135 dB SPL avec un gain maximum de 62 dB. Les deux premiers étages d'amplification sont alimentés par un courant de base faible grâce à des ponts diviseurs (cela permet de moins consommer de courant), Le troisième étage d'amplification (sortie) est alimenté par un courant plus fort grâce des résistances variables ce qui permettra d'adapter le niveau de sortie. Examinons les caractéristiques de l'appareil boîtier PHILLIPS HP8123, appareil à transistor, commercialisé dans les années 60. 65 Figure 48, Appareil Boitier PHILIPS HP 8123 Courbe de réponse en fréquence OSPL 90 et gain maximum 66 Les courbes de réponses en fréquence (en vert) de la figure 48 nous permettent d'évaluer l'action des filtres : en haut filtre pleine bande (p.65). au milieu filtre passe-bas (p.65) en bas filtre passe-haut. (p.65) Les réglages se faisaient par action sur des potentiomètres. Figure 49 Philips HP8123 Courbe de distorsion On peut noter la forte distorsion dans les fréquences graves. Ceci est dû au vieillissement des composants qui créé des distorsions par ajout d'harmoniques. Les jonctions de transistor s'altèrent, ce qui est générateur de bruit de fond. La faible place occupée par les transistors va permettre le développement d'appareils encore plus petits. En 1956, apparaissent les premiers contours d'oreilles. Il est difficile de savoir quel fabricant a été le premier à proposer ce type d'appareil. ZENITH et BELTONE commercialisent des contours d'oreille entre 1956 et 1957. La miniaturisation n'étant pas encore aboutie, l'esthétique s'en trouve marquée par des formes relativement disgracieuses des premiers ACA surnommés "banana" (banane en anglais). Figure 50 Un des premiers contours d'oreille le Zenith Diplomate source : http://www.hearingaidmuseum.com 67 Le ZENITH diplomate est arrivé sur le marché en juin 1956, il utilisait quatre transistors et était muni d'un écouteur externe, il fonctionnait avec une pile 675. La coque est construite en nitrate de cellulose. L'apparition des contours d'oreilles permet l'adaptation binaurale stéréophonique. On peut dès lors rendre la localisation spatiale au malentendant. Les appareils boîtiers ne permettaient pas l'écoute stéréophonique car ils ne possédaient qu'un seul micro. Un cordon Y permettait seulement une écoute binaurale monophonique. Les premières contraintes sont apparues quand il a fallu appareiller les pertes d'audition importantes. La miniaturisation rapproche le micro et l'écouteur, des problèmes de larsen apparaissent. Le Peak Clipping et la compression font leur apparition. La découverte du circuit intégré (appelé "puce") par Robert NOYCE (Ingénieur Fairchild Semi-conductor) en 1958, va révolutionner le monde moderne de l'électronique. Le ZENITH Arcadia est le premier contour avec circuit intégré (4 transistors) commercialisé en 1964. Figure 51 Zenith Arcadia 1964 http://www.hearingaidmuseum.com Auparavant, les différents éléments du circuit étaient reliés par des câbles soudés; l'apparition des puces électroniques supprime une grande partie du câblage et par conséquent les problèmes de fiabilité dûs aux soudures. Au-delà des soucis de fiabilité, l'arrivée de la puce électronique a permis de remettre en marche le processus de miniaturisation. Le début des années 60 marque l'apparition des premiers appareils intra-auriculaires; la technologie désormais permet de positionner l'appareil dans le conduit auditif. 68 Figure 52 Evolution des appareils intra-auriculaire 1961 Intra canal (pile déportée); 1978 Intra conque; 1997 Intra CIC Completely in the canal En 1967, la France définit l'exercice de la profession d'audioprothésiste et la valide par un diplôme d'état. Les micros en céramique apparaissent, et laissent place très rapidement aux micros à électrets (1971). Leur principe de fonctionnement les rend autonomes en alimentation, ce qui permet un gain de consommation. Ces quarante années ont permis de miniaturiser les appareils et d'augmenter les capacités de réglages. Les filtres sont de plus en plus performants (5ème et 6ème ordre de pente) et les transducteurs (micros et écouteurs) de plus en plus petits. GN Resound commercialise un appareil WDRC (Wide Dynamic Range Compression) en 1987. Cela permet de traiter les sons forts et faibles dans deux canaux hautes et basses fréquences, ce qui est fort utile dans les cas de recrutement. La technologie du transistor sera utilisée jusqu'en 1996, où elle laissera place au traitement numérique du signal. F. A l'aube du XXIème siècle : En route vers le progrès "Je me suis essayé autrefois à me faire une idée positive de ce que l'on nomme progrès. Eliminant donc toute considération d'ordre moral, politique, esthétique, le progrès me parut se réduire à l'accroissement très rapide et très sensible de la puissance utilisable par les hommes, et à celui de la précision qu'ils peuvent atteindre dans leur prédiction." Paul VALERY, Regards sur le monde Actuel, Sur le progrès, p.172(1931) 69 i. Naissance du Microprocesseur et audioprothèse hybride36,37 Jusqu’au début des années 1970, les différents composants électroniques formant un processeur ne pouvaient tenir sur un seul circuit intégré. En 1971, la compagnie Intel a réussi, pour la première fois, à placer tous les transistors qui constituent un processeur sur une plate forme, donnant ainsi naissance au microprocesseur. Le microprocesseur a été inventé par Marcian Hoff (surnommé Ted Hoff) en 1971, alors qu'il était ingénieur chez Intel. En 1988, avec l'appareil de la société suisse Bernafon, il devenait possible, pour la première fois, d'effectuer une programmation numérique des aides auditives. Jusqu'ici l'audioprothésiste devait ajuster les différents organes de réglages au moyen d'un tournevis. Avec le système PHOX, l'adaptation se fait grâce à une console (PX8) spécialement développée à cet effet et dotée d'un processeur Intel 80C31. Il était possible de régler une dizaine de paramètres comme : - le gain, - les filtres passe-haut et passe-bas, - la pente de la réponse en fréquence (aigus et graves), - un filtre passe-haut spécifique (coupure du gain en dessous de 1500 Hz) - un réglage 3 KHz pour le pic de résonance. - Le système de réduction de bruit en option qui coupe le gain basse et haute fréquence avec une pente de 18 dB/octave. - Un contrôle automatique de gain (AGC) qui gère plusieurs degrés de compression. Figure 53 Console Bernafon PX8 et Prothèses avec système PHOX société Bernafon 1988 La même année, la société danoise Widex propose la prothèse Quattro programmable numériquement par console. Cet appareil possédait quatre programmes contenus dans des mémoires. Le patient faisait appel à des programmes grâce à une télécommande qui communiquait par système FM. L'audioprothésiste pouvait régler les paramètres suivants : le 36 COUESPEL, BAZIN, Cours d'électronique ACA numérique, Ecole d'Audioprothèse Fougères 2007 Sergei KOCHKIN, 10 year trends in the hearing aid market – Has anything change?, the Hearing Journal, Vol 49 n°1 January 1996, p 1-6. 37 70 gain, le niveau de sortie maximum, les filtres passe-haut et passe-bas, un filtre spécifique pour les presbyacousies. Figure 54 Widex Quattrohttp://www.hearingaidmuseum.com Il est important de noter le caractère hybride de ces prothèses. En effet, le traitement du signal reste analogique. La nouveauté réside dans le remplacement des trimmers (réglage par tournevis) par un réglage numérique. Une communication binaire (0 ou 1) va activer ou non un paramètre. Cela a été possible grâce au microprocesseur. La multiplicité permet d'adapter de nouvelles fonctions relatives au type de pathologie (presbyacousie, recrutement…) et/ou à l'environnement sonore (réducteur de bruit …). La miniaturisation et l'augmentation de la capacité des puces permettent à présent de prendre en considération la culture sensible du malentendant (l'ouïe et son environnement sonore). Le schéma suivant explique le fonctionnement d'une prothèse analogique à programmation numérique. 71 Filtre 1 Filtre 2 Filtre 3 Micro Ampli de sortie Ecouteur Analogique Boîtier de Sélection Numérique PROTHESE 01001…01110 Console de programmation Figure 55 Principe de fonctionnement d'une prothèse analogique à programmation numérique. Même si les performances de ses appareils hybrides ne représentent pas une évolution significative pour le malentendant, l'arrivée de la communication et de la gestion numérique des réglages constitue une avancée technologique sans commune mesure. On peut communiquer avec une prothèse via une console. Le développement exponentiel des microprocesseurs va permettre aux audioprothésistes de passer dans l'ère numérique et informatique. ii. La révolution numérique36 Alors que les signaux numériques sont en général associés avec les systèmes numériques binaires utilisés dans l’électronique moderne et dans l’informatique, bien d'autres systèmes numériques ont existé pendant les siècles précédents et n'étaient en aucun cas électroniques. Une balise lumineuse est peut-être l’exemple le plus simple d’un signal numérique qui n’est pas électronique, avec deux états (marche et arrêt). L’ADN se compose d’une longue séquence de quatre types de molécules (A, C, G, et T); c'est en fait un système numérique de base 4. Chacun de ces chiffres correspond à une molécule organique, connue sous le nom d’un nucléotide. L’ADN est le système majeur de transfert des informations entre les générations; l’évolution a donc développé ses propriétés numériques en une méthode de communication robuste. Le code Morse emploie cinq états numériques : point, trait, petite pause (entre chaque lettre), moyenne pause (entre les mots), et longue pause (entre les phrases); afin d’envoyer 72 des messages en utilisant une variété de porteurs différents tels que l’électricité, ou la lumière. Les signaux analogiques ne présentent pas de discontinuité dans le temps, contrairement aux signaux numériques (figure 56). Le monde numérique est composé de "0" et de "1" (codage binaire). La représentation du signal analogique peut se faire par une série de nombres appelés échantillons. La capacité de numérisation ainsi que le stockage de l'information numérisée étant limités, on ne peut saisir qu'un nombre fini d'échantillons. De ce fait, les portions de signal analogique contenues entre deux échantillons disparaissent du code numérique. La précision de reproduction dépendra donc de la fréquence d'échantillonnage (nombre d'échantillons par seconde). Figure 56 Principe de numérisation La capacité de traitement étant limitée, il faut déterminer la fréquence d'échantillonnage minimum qui permettra de restituer l'intégralité de l'information originale. On fait appel au théorème d'échantillonnage ou de Shannon qui stipule que la fréquence d'échantillonnage doit être au moins le double de la plus grande fréquence du signal à traiter. Cela se réalise grâce à un filtre passe-bas (filtre anti-aliasing) dont la fréquence de coupure est la moitié de la fréquence d'échantillonnage. La fréquence d'échantillonnage des prothèses auditives est de 20 kHz, les signaux sont numérisés jusqu'à 10 kHz. Cela permet de couvrir la bande passante du microphone (> 10 kHz), l'écouteur étant lui limité à 7 kHz. Un autre facteur intervient : c'est la précision de l'échelle qui permet de mesurer l'amplitude de chaque échantillon. Le nombre de bits (binary digit) détermine cette amplitude. Les prothèses de première génération codaient sur 8 bits (28 valeurs possibles, soit 256), soit 48 dB de dynamique possible du signal (20 log 256 = 48 dB). Aujourd'hui la nouvelle génération de prothèses code sur 14 bits (84 dB). Pour mémoire, la dynamique de 73 l'audition normale est d'environ 100 dB. Cependant, chaque bit supplémentaire implique une augmentation du volume et de l'énergie (capacité de calcul et de stockage). Le choix du nombre de bits est donc un compromis entre la qualité de la reproduction et les capacités de traitements numériques du signal. Après traitement, le signal numérique doit être transformé à nouveau en signal analogique. L'opération consiste à relier entre elles les valeurs numériques grâce à un filtre passe-bas qui supprime les composantes parasites aiguës du signal numérique. Figure 57 Conversion Numérique Analogique En pratique, ces opérations se réalisent avec des convertisseurs Analogique/Numérique (CAN) et Numérique/Analogique (CNA). iii. Traitement numérique du signal Nous avons converti le signal en une suite de valeurs. Voici le schéma bloc d'un système audio numérique (par exemple une aide auditive). Figure 58 Principe simplifié d'une aide auditive numérique Nous avons précédemment traité des parties analogique et conversion (entrée et sortie de l'ACA). Nous allons nous intéresser à la partie numérique (Figure 58). Tout se passe dans 74 le DSP (Digital Signal Processor), ou processeur de signal numérique, qui réalise les calculs nécessaires au traitement du signal. Il est temps à présent d'utiliser la fameuse invention inaperçue du XIXème siècle : la Transformée de Fourier, qui consiste à transformer une fonction de temps (ou d'espace) en une fonction de fréquence et réciproquement. Le principe est de réaliser des analyses fréquentielles de brefs échantillons de signal. On définit une fenêtre temporelle dans laquelle on transpose le signal dans le domaine fréquentiel. On répète l'opération successivement en faisant glisser la fenêtre temporelle (Figure 59). Les différentes fenêtres se recoupent pour ne pas perdre d'information. Figure 59 Fenêtres temporelles glissantes A partir de ces spectres fréquentiels, on peut réaliser toutes sortes d'opérations : Gérer le gain par bande de fréquence (multiplication par une constante). Filtrer le signal (permettant des filtres absolus avec pente très élevée, 7ème ou 8ème ordre). Compresser le signal en le multipliant par une fonction dont on choisit l'allure. Réduire le bruit. Supprimer le Larsen. (grâce à la notion de gain critique et/ou aujourd'hui par le contrôle dynamique d'une fonction sinusoïdale dans le signal). Figure 60 Modification du spectre fréquentiel 75 Après avoir traité les blocs successifs d'informations, on les transpose à nouveau dans le domaine temporel en effectuant une transformée de Fourier inverse. Les blocs obtenus représentent les signaux transformés dans les fenêtres temporelles initiales. Le signal continu traité est reconstitué à partir de ces blocs (figure 61). Figure 61 Reconstitution du signal traité par addition des fenêtres temporelles Nous avons représenté des spectres d'amplitudes du signal, les spectres de phases ont été omis pour simplifier le contenu mais ils entrent bien entendu en compte dans le traitement du signal. Nous allons aborder la notion de retard numérique. Il est important de le maintenir dans des limites raisonnables, car il peut y avoir des conséquences sur la qualité de l'appareillage : - déphasage de la lecture labiale avec le signal acoustique, - difficulté avec les appareillages ouverts (déphasage entre voie naturelle et voie amplifiée), - précocité du larsen. Le traitement numérique du signal prend un certain temps. Ce retard est inévitable et il est d'autant plus long que le concept numérique est complexe. L'évolution exponentielle des capacités des microprocesseurs numériques a permis de diminuer ce retard numérique. On voit apparaître tous les ans une nouvelle génération de puce numérique capable d'effectuer plus d'opérations en moins de temps ("Less is More"). Les fabricants se distinguent par deux stratégies de traitement du signal. Certains utilisent des puces numériques dédiées à la prothèse auditive. Ces puces sont fabriquées spécialement, et leur structure permet d'attribuer des canaux pré-câblés, elles ne pourront pas servir à d'autres applications. L'intérêt est de gagner du temps en définissant physiquement les canaux (bandes de fréquences) pour utiliser les ressources du processeur au traitement du signal. Ces canaux sont juxtaposés et très sélectifs (pente de 42 dB/octave). 76 Les autres utilisent les puces numériques présentes sur le marché. Il doivent alors définir la structure de la puce, en définissant le nombre de canaux alloués au signal transformé par FFT (Fast Fourier Transform : transformée de Fourier rapide). Le processeur utilise de la mémoire et des ressources de calculs pour définir le cadre. Le temps de traitement est optimisé pour les premiers, ils possèdent une marge de manoeuvre en terme de capacité de calcul. Les seconds bénéficient des progrès exponentiels du microprocesseur pour s'adapter aux nouvelles exigences. Puce mono fonction Filtres pré câblés : Fréquences • Peu de canaux (16), juxtaposés => hyper sélectifs (42 dB/octave) • Pas de calcul => 100% des ressources de la puce pour le traitement de signal • Rapide, quel que soit le nombre de canaux (délai = 2 ms) Puce multi fonctions Filtres calculés FFT : Fréquences • Beaucoup de canaux (64), fortement chevauchants => faible sélectivité • Calcul des filtres => grosse utilisation des ressources de la puce • Lents, dépendant du nombre de canaux (délai >4 ms) Figure 62 Configuration des puces numériques pré cablées et FFT source: SIEMENS audiologie La correction de l'audition a dû attendre près de 40 ans (naissance du microprocesseur) pour pouvoir bénéficier de la technologie numérique. Les laboratoires de recherche avaient les idées d'application, mais trois freins importants ont entaché la mise en œuvre pratique : Une miniaturisation insuffisante : Jusqu'à très récemment, il était impossible de loger toutes les fonctions numériques requises dans le faible espace disponible dans une aide auditive. Une consommation d'énergie inacceptable. La nécessité de développer une vision nouvelle permettant d'aller au-delà de la simple numérisation de fonctions existantes. Outre les importantes capacités de traitement du signal disponibles, les technologies numériques présentent de grands avantages. Le bruit de fond est diminué, les appareils 77 présentent un faible taux de distorsion harmonique. La sensibilité est moindre aux interférences électromagnétiques et aux variations de température et de tension d'alimentation. De plus, la suppression des dispositifs micromécaniques fragiles (trimmers) permet d'améliorer la fiabilité. Le passage à la technologie numérique permet des traitements du signal beaucoup plus sophistiqués que la technologie analogique. D'ailleurs, certaines solutions ne seraient pas réalisables sans la technologie numérique (ou seraient beaucoup trop complexes). iv. La première prothèse numérique La première aide auditive numérique est apparue sur le marché en 1987 et s'appelait le Nicolet Phoenix. Elle a été développée conjointement par L'Université de Wisconsin et the Nicolet Instrument Corporation. L'appareil était constitué de deux parties : une partie processeur boîtier et une partie contour d'oreille, connectées ensemble par un câble. Très peu d'exemplaires ont été réalisés. En 1989, une nouvelle version proposait un contour d'oreille qui contenait le processeur, le tout était alimenté par trois piles 675. Cet appareil n'a jamais été produit en série; il se dit qu'un utilisateur de Wisconsin s'en est servi pendant trois ans sans aucun problème. Figure 63 Nicolet Phoenix première prothèse numérique. Source : http://dept.kent.edu/hearingaidmuseum On peut remarquer que le premier modèle fonctionnait avec quatre piles 675, trois pour le processeur et une pour le contour d'oreille. En 1996, Oticon et Widex commercialisent les premiers appareils auditifs numériques. L'OTICON Digifocus et le WIDEX Senso font sensation et auront plus de 78 succès que la prothèse Nicolet Phoenix. C'est SIEMENS qui poursuit avec le PRISMA en 1997, le marché de la prothèse auditive numérique est lancé. Examinons les caractéristiques du WIDEX Senso. Figure 64 WIDEX Senso C9+ Sortie Maximum, Réponse en fréquence et gain maximum. La courbe rouge représente le niveau de sortie maximum (OSPL 90 norme CEI 118). La courbe verte représente le gain maximum (norme CEI 118) La courbe verte rprésente la réponse en fréquence (norme CEI 118 avec paramètres au maximum). Figure 65 WIDEX Senso C9+ Distorsion On peut constater que Senso C9 présente malgré son âge (10 ans) de bonnes caractéristiques techniques en vue d'une adaptation (bande passante large et faible taux de distorsion). Cependant, il est difficile de nos jours, de retrouver un ordinateur possédant le logiciel d'adaptation de cet appareil. 79 La prothèse Widex Senso était programmable avec un ordinateur PC. Les fabricants de prothèses se sont réunis en 1993 et ont créé "The Hearing Instrument Manufacturers Software Association" (HIMSA). Cette société est à fonds privés mais fonctionne comme un consortium. Son objectif est de commercialiser une interface de programmation (Hi-Pro et aujourd'hui Noah Link) et une plate forme commune de programmation (Logiciel Noah). Elle est adoptée par tous les audioprothésistes aujourd'hui. v. La dernière génération de prothèses numériques38 WIDEX suit le progrès des technologies numériques. Le DSP du Senso C comportait 120 000 transistors (1996). L'évolution a permis au Senso Diva™ en 2002 d'augmenter la capacité à un million de transistors, et d'avoir une vitesse de calcul de 32 kHz. La dernière génération de DSP WIDEX Intéo™ contient toujours un million de transistors, mais la fréquence d'horloge (vitesse de calcul) est de 2 MHz, soit près de soixante fois plus rapide. L'augmentation de la capacité (mémoire) et les vitesses de calculs élevées permettent de mettre en place de nouvelles stratégies de traitement. On effectue les traitements en parallèle (en même temps) et non plus en série (les uns après les autres). Cela contribue au développement de nouvelles fonctions. La communication sans fil numérique (bluetooth) fait son apparition et se substitue aux systèmes FM (Modulation de Fréquence : système analogique). De nombreux concepts sophistiqués et innovants peuvent être réalisés dans les appareils numériques. Ces fonctions nouvelles connues aujourd'hui ne cesseront d'évoluer avec la technologie numérique. En voici une liste non exhaustive : Les systèmes anti-larsen adaptatifs, les focalisateurs mono ou multi-bande permettant une directivité adaptative de multi-microphones, la restitution spatiale avec simulation de l'effet d'ombre de la tête. les réducteurs de bruit, Les modèles cochléaires (banc de filtres comparables aux bandes critiques), Enregistrement de données, Analyse de l'environnement sonore… Les possibilités des technologies numériques sont extrêmement vastes. Si l'on se fie à l'évolution des microprocesseurs selon la loi de Moore, on peut espérer avoir des circuits encore plus petits avec infiniment plus de possibilités. 38 J. WOUTERS, Digitals Hearing Aids and Future directions for hearing Aids, Acta oto-rhino-laryngologica belg. 2002, n° 56, p. 357-361. 80 La taille de l'électronique ne sera plus un facteur limitant de la taille des appareils, la nanotechnologie en est à ses balbutiements et l'on peut très bien imaginer que l'audioprothèse pourra à terme en bénéficier. Un autre enjeu est le transfert complet du savoir "audioprothétique" dans les logiciels qui sont beaucoup plus souples à faire évoluer (logiciel ATEC Franck LEFEVRE par exemple). Le dernier enjeu de taille est de pouvoir augmenter le degré de personnalisation de l'appareil; cela se fait déjà en partie aujourd'hui, on fait appel à la logique floue (Fuzzy logic) qui en fonction des évènements met en place un arbre décisionnel. Mais le but n'est-il pas de rendre sa culture sensible* au patient ? En attendant le ou les algorithmes qui répondront aux attentes de tous les malentendants, c'est le processeur humain de l'audioprothésiste, médiateur indiscutable entre le patient et l'appareil, qui semble le plus performant. G. Conclusion L'ère électrique a permis les grandes évolutions de la prothèse auditive. Plus de cent ans séparent la première prothèse électrique de la dernière prothèse numérique. Pouvons-nous d'ailleurs encore parler d'ère électrique ? On ne manipule plus les mêmes informations. A l'origine on traite un signal électro-acoustique; à présent on effectue des opérations arithmétiques sur des informations numériques d'ordre informatif voire environnemental. Ce grand siècle a été la prise de conscience de la condition du malentendant et de sa sensibilité. J'entends par sensibilité, la perception sonore qu'il peut avoir du monde qui l'entoure. Nous l'avons vu, un des grands enjeux est de pouvoir restituer la perception sonore dans les situations délicates où l'objectif est d'entendre et de COMPRENDRE. Pourrons-nous concevoir un système intelligent capable de corriger les distorsions dues à la surdité, sachant qu'elles sont propres à chaque individu ? Nous n'avons pas encore la réponse, malgré les progrès démesurés qu'apporte la technique. D’où la nécessité de l'audioprothésiste, médiateur incontournable, pour faire accepter l'appareil. * sensibilité à l'environnement sonore acquis. 81 V. Epilogue Des oublis ont été commis, soit par omission, soit par volonté. Mais vouloir tout évoquer ne pourrait aboutir qu'à une confusion. "La multitude qui ne se réduit pas à l'unité est confusion, l'unité qui ne dépend de la multitude est tyrannie." Pascal Les Pensées n°1027 Conscient que ce travail constitue une approche contextuelle personnelle de l'audioprothèse; il reste ouvert, et ne demande qu'à être enrichi, argumenté. L'évolution de l'espèce nous a dotés de spécificités sensorielles propres à chacun et à nul autre pareil. Deux individus ne voient pas la même chose, n'entendent pas la même chose. C'est d'autant plus vrai pour la personne malentendante. On connaît aujourd'hui l'effet d'une prothèse sur la plasticité cérébrale. Mais parler de la plasticité cérébrale est une façon élégante de cacher notre ignorance, pourra-t-on jamais connaître la sensation redonnée par une prothèse auditive ? Ce parcours historique nous a présenté des appareils qui nous paraissent bien rudimentaires aujourd'hui, mais à l'époque ils constituaient déjà un progrès. D’où l'impérieuse nécessité de resituer le malentendant et sa prothèse dans l'environnement et la culture de l'époque. La fée électricité : c'est incontestablement le grand saut, parce que l'énergie change de nature. Même si les premières applications ne sont pas extraordinaires, cette énergie nouvelle va permettre l'accès rapide à l'électronique et au numérique. La miniaturisation galopante fait son apparition ("Less is More") et contribue à l'acceptation des appareils. Les progrès des cent dernières années ont bouleversé les rapports de l'homme avec la technique. L'espace extensible des nouveautés technologiques s'est démultiplié, d'où cette question sur l'avenir de la technique de l'audioprothèse. Cet avenir est par définition imprévisible, ce qui ne veut pas dire opaque, mais quoi qu'il en soit, on n'inventera pas tous les jours la numérisation. A l'observation des résultats obtenus, et à la lumière de tous les progrès réalisés, traduisant les satisfactions ressenties : Que de chemin parcouru ! Mais également à la lumière de l'imperfection et de l'insuffisance des résultats obtenus : Que de chemin reste encore à parcourir ! 82 Les deux formulations s'imposent, traduisant d'une part les progrès toujours très nombreux et très rapides de la technique (bien que toujours insuffisants…), d'autre part le changement toujours très lent de l'être humain (bien que toujours nécessaire…). C'est ainsi que l'audioprothèse se situe à la rencontre exacte de la technique et de l'homme, chacun des deux restant une incomplétude, parce que c'est une technique qui s'adresse à l'être humain. Ici la technique ne vaut que par l'amélioration qu'elle procure à l'être humain. La meilleure technique possible restant dans le fond d'un tiroir serait parfaitement inutile !… Les progrès des différentes techniques vont nécessiter des spécialisations de plus en plus restreintes. La nature du rôle de l'audioprothésiste évoluera, d’où la nécessité de maintenir une formation continue (Enseignement Post Universitaire, congrès, presse spécialisée, rencontre entre professionnels…) au cours de la vie professionnelle. Mais plus on va découper l'individu en petits morceaux pour le faire correspondre aux différentes spécialités, plus on devra refaire l'unité à la sortie : d'où la nécessité du collège de professionnels garant de la formation et de l'unité de notre profession. "Quand un malade s'adresse à la conscience, plus qu'à la science de son thérapeute, il ne s'agit pas d'un fragment à réparer, il s'agit d'une détresse à secourir." Georges CANGUILHEM C'est bien là le rôle irremplaçable de l'audioprothésiste : la personne malentendante est d'abord un être qui souffre. C'est une manière d'expliciter la véritable attente de chacun des malentendants et du rôle humaniste de l'audioprothésiste qui en dernier ressort ne s'adresse qu'à un être humain … et à un seul. (les rapports de l'homme à l'homme). La prothèse auditive doit être portée et comme elle s'adresse au système sensoriel, il y a nécessité d'une médiation entre la technique et l'utilisateur. Cette médiation ne pourra être réalisée que par l'audioprothésiste. Alors concluons : "Ainsi donc parce que la transmission et la communication sont nécessaires l'une à l'autre, le rôle de l'audioprothésiste, dans cet affrontement entre l'homme et la technique, sera d'abord de ménager et de retrouver le monde propre de la personne malentendante. Vaste programme …!" Paul BAGOT 83 VI. Annexes 84 Annexe 1 Tableau 1 Repère Chronologie Géologique . Erratum : big bang -15 milliards d'années origine des galaxies et non de notre planète. 85 Annexe 2 Mesure de Directivité : Matériel : - source sonore externe (bruit blanc large bande 20Hz-20 kHz) constitué par un générateur de signaux (wavelab) d'un amplificateur et d'une enceinte large bande. - chaine de Mesure de Marque Aurical avec module de Mesure in vivo. - Cabine Audiométrique insonorisé Ecole J.E. BERTIN Fougères. - Logiciels : Microsoft excel, CATT-acoustic 7.2. Méthodologie : - - Directivité de la Main et du pavillon : Le sujet est placé dans le plan horizontal face à la source. Une mesure REUR (Real Ear Unaided Response) "gain naturelle" de l'oreille est prise. Le sujet place sa main derrière l'oreille, puis on réalise une mesure du gain d'insertion sur la bande 250-4000 Hz tous les 15°. Directivité du cornet : La méthode est identique dans le plan Horizontal. La source sonore est placé à 90° pour les mesures dans le plan vertical. source Principe de Mesure en Azimut (horizontal) Distance 1 m Principe de Mesure en Site (vertical) Distance 1 m Reproductibilité et fiabilité des Mesures : 86 Les graphiques suivants ont été réalisés dans le cadre de travaux pratiques à l'école d'audioprothèse de Fougères. Le but de ce travail était de déterminer la reproductibilité des mesures in vivo en fonction du niveau d'entrée(50,60, 70 dB SPL) et de l'opérateur (4 opérateurs). Les mesures ont été répétées 5 fois, ce qui représente 135 mesures par opérateur et par sujet. Opérateur A Opérateur B 7,00 7,00 6,00 6,00 5,00 5,00 Données 4,00 3,00 Données 4,00 Écartype de REUR Écartype de REIR 50 Écartype de REIR 60 Écartype de REIR 70 Écartype de REUR Écartype de REIR 50 Écartype de REIR 60 Écartype de REIR 70 3,00 2,00 2,00 1,00 1,00 - - 125 250 500 1000 2000 4000 125 250 500 Fréquence 1000 2000 4000 Fréquence Opérateur D Opérateur C 9,00 7,00 8,00 6,00 7,00 5,00 6,00 Données Données 4,00 Écartype de REUR Écartype de REIR 50 Écartype de REIR 60 Écartype de REIR 70 3,00 5,00 Écartype de REUR Écartype de REIR 50 Écartype de REIR 60 Écartype de REIR 70 4,00 3,00 2,00 2,00 1,00 1,00 - 125 250 500 1000 2000 4000 125 250 Fréquence 500 1000 2000 4000 Fréquence Discussion : La reproductibilité des mesures de gain in vivo est fiable sur une bande fréquence de 250 Hz à 2000/2500 Hz. Il n’y a pas d’influence de dispersion des mesures de gain in vivo en fonction des différents niveaux d’entrées. Chaque opérateur possède son propre domaine de fiabilité des mesures. Ce dernier est plus ou moins étendu (un cas de 125 à 2000 Hz). Les mesures effectuée en dessous de 125 Hz et au dessus de 4000 Hz semblent très peu fiables car elle présente de très grands écart types. Les mesures effectuées dans ce mémoire sont à destinées prédictives. Les mesures sur KEMAR (Knowles Electronic Manikin for Acoustical Research) restent aujourd'hui le procédé le plus fiable. Il n'a malheureusement pas été possible d'approcher le KEMAR pour cette étude, la mise à disposition du matériel représentant un coût trop élevé. 87 Annexe 3 : Hippocrate Œuvres complète vol.10 / Littré Paris J.B BAILLIERE 1861 source : BIUM (bibliothèque interuniversitaire de médecine de paris) ressources numériques. 88 89 Annexe 4 : Celsus Aurelius / Celse Traité de Médecine de A.C Celse traduction nouvelle Paris Masson 1876 Editions du Dr VEDRENNES source : BUIM (bibliothèque interuniversitaire de médecine de Paris) ressources numériques. 90 91 92 Annexe 5 : De Humani Corporis fabrica Libri Septem, Couverture, p.43 et 44. 1555 Vésale : source : BUIM (bibliothèque interuniversitaire de médecine de Paris) ressources numériques. 93 94 95 Annexe 6 : extrait du catalogue de la maison Mathieu source : BUIM (bibliothèque interuniversitaire de médecine de Paris) ressources numériques. 96 97 Annexe 7 : extrait du catalogue de la maison Drapier et de la Maison Duffaud. source : BUIM (bibliothèque interuniversitaire de médecine de Paris) ressources numériques. 98 Annexe 8 : Joël GARREAU, Olivier DUMAS, Marie-Alice DORLEANS, Première Expérience de cartographie de bruit stratégique; Nantes Métropôle; Journée d'information sur le Bruit des transports 12 octobre 2006 CETE ouest; Cartographie du bruit Ville de Nantes Carte de bruit routier et carte des populations exposées période jour quartier Beaulieu Nantes. 99 VII. 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[34.] Albert CAMUS Le mythe de Sisyphe Essai sur l'absurde, Collection Folio Essai Editions Gallimard 2006. [35.] http://www.hearingaidmuseum.com [36.] COUESPEL, BAZIN, Cours d'électronique ACA numérique, Ecole d'Audioprothèse Fougères 2006. 101 [37.] Sergei KOCHKIN, 10 year trends in the hearing aid market – Has anything change?, the Hearing Journal, Vol 49 n°1 January 1996, p 1-6. [38.] J. WOUTERS, Digitals Hearing Aids and Future directions for hearing Aids, Acta otorhino-laryngologica belg. 2002, n° 56, p. 357-361. [39.] Ruth A. BENTLER and Monica R. DRUVE, Comparison of Hearing Aids over the 20th Century, Ear and Hearing December 2000 p.625 to 639. [40.] A VOLANTHEN, Manuel Technique des Aides auditives, ISBN 327400084-1. [41.] Joël GARREAU, Olivier DUMAS, Marie-Alice DORLEANS, Première Expérience de cartographie de bruit stratégique; Nantes Métropôle; Journée d'information sur le Bruit des transports 12 octobre 2006 CETE ouest; VIII. 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Table des figures FIGURE 1 ORIGINE DES OSSELETS DE L'OREILLE MOYENNE DES MAMMIFERES ................................................................5 FIGURE 2 DIAGRAMME DU DOMAINE AUDIBLE DE CERTAINES ESPECES ..........................................................................5 FIGURE 3 ADAPTATION AU MILIEU CHEZ LES LAPINS (REGION CHAUDE ET FROIDE) ........................................................6 FIGURE 4 FORMATION DE L'OREILLE INTERNE5, 6 .............................................................................................................7 FIGURE 5 FORMATION CANAL COCHLEAIRE, RAMPE VESTIBULAIRE ET TYMPANIQUE5 ....................................................8 FIGURE 6 DEVENIR DES ARCS BRANCHIAUX CHEZ L'HOMME2..........................................................................................8 FIGURE 7 DEVELOPPEMENT DE L'OREILLE EXTERNE5, 6....................................................................................................9 FIGURE 8 EFFET D'OMBRE ACOUSTIQUE (COURS ACOUSTIQUE-BIOPHYSIQUE PCEM2 UNIVERSITE PARIS-SUD) (A) RAYON DIFFRACTE ET DIFFERENCE INTERAURALE DE TEMPS (B) (ITD) ............................................................... 15 FIGURE 9 AMPLIFICATION PAVILLON, CONQUE ET CONDUIT EN CHAMP LIBRE9. ............................................................15 FIGURE 10 INTERFERENCES CONSTRUCTIVES ET DESTRUCTIVES (10 KHZ) SELON LA DIRECTION9 ................................16 FIGURE 11 RHOMBE DES CAVERNES LCORMIER.CLUB.FR/RHOMBE.HTML .....................................................................17 FIGURE 12 SISTRE EGYPTIEN .........................................................................................................................................18 FIGURE 13 COUVERTURE DE HUMANI CORPORIS FABRICA VESALE 1555 ....................................................................24 FIGURE 14 CORNET D'ITARD A CONDUCTION OSSEUSE : EXTRAIT TRAITE DES MALADIES DE L'OREILLE ET DE L'AUDITION. PARIS : MEQUIGNON-MARVIS, 1821. .............................................................................................. 29 102 FIGURE 15 VIOLON DE SAVART 1819 SOURCE : CITE DE LA MUSIQUE MEDIATHEQUE ...................................................31 FIGURE 16 DIVERS CORNETS : 1-CORNET METAL ESCAMOTABLE 2- CORNET EN CELLULOÏDE 3-CORNET PARABOLIQUE RETRACTABLE 4- CORNET EN LAITON 5- OTOPHONE (MEYROWITZ NEW YORK) SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM............................................................................................................. 34 FIGURE 17 TUBE POUR PARLER SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM ......................................................34 FIGURE 18 OREILLETTES ACOUSTIQUES SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM ........................................35 FIGURE 19 INSERTS D'OREILLES SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM .....................................................35 FIGURE 20 CONQUE ARTIFICIELLE ET BOUQUET ACOUSTIQUE. SOURCE : HTTP://BECKEREXHIBITS.WUSTL.EDU ...........35 FIGURE 21 CORNET CACHE DANS LA BARBE LUNETTES ACOUSTIQUES ET EVENTAIL ACOUSTIQUE. SOURCE : HTTP://BECKEREXHIBITS.WUSTL.EDU .................................................................................................................. 36 FIGURE 22 TRONE DU ROI GOA VI DU PORTUGAL SOURCE : HTTP://BECKEREXHIBITS.WUSTL.EDU ..............................36 FIGURE 23 CORNET LONDON DÔME SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM ..............................................37 FIGURE 24 SCHEMA EN COUPE DU CORNET LONDON DOME ..........................................................................................37 FIGURE 25 COURBE DE GAIN MAXIMUM ET COURBE OSPL 90 DU CORNET...................................................................38 FIGURE 26 REPONSE IN VIVO DU CORNET......................................................................................................................39 FIGURE 27 MESURES DE DIRECTIVITE OREILLE DROITE DU CORNET .............................................................................40 FIGURE 28 APPAREIL ELECTRIQUE ACOUSTICON MODELE A SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM ........48 FIGURE 29 SCHEMA BLOC ACA ELECTRIQUE. ..............................................................................................................49 FIGURE 30 1)INTERIEUR D'UN MICRO CARBONE : LA PLATINE GRISE (EN CARBONE) ET LES SIX COUPELLES DE RECEPTION DES BILLES CARBONE. 2) GROS PLAN COUPELLES REMPLIES DE BILLES 3) DIAPHRAGME SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM............................................................................................................. 49 FIGURE 31 PUBLICITE POUR APPAREIL ELECTRIQUE SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM ......................50 FIGURE 32 GAIN MAXIMUM ET SORTIE MAXIMUM (OSPL 90 CEI 118) ACOUSTICON SIMPLE MICRO PILE 3 VOLT ......50 FIGURE 33 ACOUSTICON SIMPLE MICRO MESURE DE DISTORSION HARMONIQUE EN MODE BALAYAGE .........................51 FIGURE 34 TRIODE DE DE FOREST.................................................................................................................................53 FIGURE 35 AUDIOMÈTRE WESTERN COMPANY À GAUCHE : MODÈLE 1A. A DROITE MODÈLE 2A SOURCE : HTTP://DEPT.KENT.EDU/HEARINGAIDMUSEUM ..................................................................................................... 53 FIGURE 36 MAICO MODEL 41 PILE"A" (DROITE) ET PILE "B" (GAUCHE) ECOUTEUR A L'EXTREME DROITE. SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM............................................................................................................. 54 FIGURE 37 VACTUPHONE. VUE EXTERNE ET VUE INTERNE (LAMPE). SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM ............................................................................................................................................................................54 FIGURE 38 EVOLUTION DES AMPLIFICATEURS ECHELLE 1. SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM. ...........55 FIGURE 39 ACCESSOIRES ET PORTS SOURCE : WWW.BECKEREXHIBITS.WUSTL.EDU ......................................................55 FIGURE 40 SONOTONE 910 ............................................................................................................................................56 FIGURE 41 COURBES DE SORITE MAXIMUM OSPL 90 ET COURBE DE GAIN MAXIMUM SONOTONE 910. ........................56 FIGURE 42 SONOTONE 910 DISTORSION HARMONIQUE..................................................................................................57 FIGURE 43 SCHEMA TRANSISTOR BIPOLAIRE NPN (B : BASE; E: EMETTEUR; C: COLLECTEUR) ET JFET EFFET DE CHAMP (G : GRILLE; S: SOURCE; D: DRAIN). ........................................................................................................ 62 FIGURE 44 A GAUCHE : MICROPROCESSEURS SUR TRANCHE DE SILICIUM. A DROITE : CIRCUIT INTEGRE MONTE EN SURFACE SUR UN CIRCUIT IMPRIME ..................................................................................................................... 63 FIGURE 45 LES TRANSISTORS REMPLACENT LES LAMPES SOURCE : HTTP:/WWW.CK722MUSEUM.COM .........................64 FIGURE 46 LE ZENITH ROYAL T 1953 VUE EXTERNE ET INTERNE : SOURCE BOB'S VIRTUAL TRANSISTOR MUSEUM AND H ISTORY WEBSITE. ...................................................................................................................................... 64 FIGURE 47 DIAGRAMME SCHEMATIQUE DU ZENITH ROYAL T. ..................................................................................65 FIGURE 48, APPAREIL BOITIER PHILIPS HP 8123 COURBE DE REPONSE EN FREQUENCE OSPL 90 ET GAIN MAXIMUM ............................................................................................................................................................................66 FIGURE 49 PHILIPS HP8123 COURBE DE DISTORSION ...................................................................................................67 FIGURE 50 UN DES PREMIERS CONTOURS D'OREILLE LE ZENITH DIPLOMATE SOURCE : HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM............................................................................................................. 67 FIGURE 51 ZENITH ARCADIA 1964 HTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM ...............................................................68 FIGURE 52 EVOLUTION DES APPAREILS INTRA-AURICULAIRE 1961 INTRA CANAL (PILE DÉPORTÉE); 1978 INTRA CONQUE; 1997 INTRA CIC COMPLETELY IN THE CANAL...................................................................................... 69 FIGURE 53 CONSOLE BERNAFON PX8 ET PROTHÈSES AVEC SYSTÈME PHOX SOCIÉTÉ BERNAFON 1988 .....................70 FIGURE 54 WIDEX QUATTROHTTP://WWW.HEARINGAIDMUSEUM.COM .........................................................................71 FIGURE 55 PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT D'UNE PROTHESE ANALOGIQUE A PROGRAMMATION NUMERIQUE. ............72 FIGURE 56 PRINCIPE DE NUMERISATION .......................................................................................................................73 FIGURE 57 CONVERSION NUMERIQUE ANALOGIQUE ....................................................................................................74 FIGURE 58 PRINCIPE SIMPLIFIE D'UNE AIDE AUDITIVE NUMERIQUE ...............................................................................74 FIGURE 59 FENETRES TEMPORELLES GLISSANTES .........................................................................................................75 FIGURE 60 MODIFICATION DU SPECTRE FREQUENTIEL ..................................................................................................75 FIGURE 61 RECONSTITUTION DU SIGNAL TRAITE PAR ADDITION DES FENETRES TEMPORELLES ....................................76 103 FIGURE 62 CONFIGURATION DES PUCES NUMERIQUES PRE CABLEES ET FFT SOURCE: SIEMENS AUDIOLOGIE ............77 FIGURE 63 NICOLET PHOENIX PREMIÈRE PROTHÈSE NUMÉRIQUE. SOURCE : HTTP://DEPT.KENT.EDU/HEARINGAIDMUSEUM ..................................................................................................... 78 FIGURE 64 WIDEX SENSO C9+ SORTIE MAXIMUM, REPONSE EN FREQUENCE ET GAIN MAXIMUM. .............................79 FIGURE 65 WIDEX SENSO C9+ DISTORSION................................................................................................................79 104 Résumé Ce travail a pour but de parcourir l'ensemble des acquisitions faites en audioprothèse au cours du temps passé en les resituant dans le contexte médical, scientifique et environnemental de l'époque. La démarche est chronologique et traite en parallèle les trois domaines. Ces dernières décennies, les évolutions technologiques ont permis des progrès considérables. Mais quel a été le chemin parcouru pour arriver aux appareils de dernière génération, tout en considérant que la meilleure des prothèses dans un tiroir n'a aucun sens ? On retrouve ici le double aspect de l'histoire humaine : les rapports de l'homme chose et les rapports de l'homme à l'homme. L'audioprothèse est au centre de ces deux histoires. On retiendra que toutes les évolutions techniques se sont adressées à des être humains en souffrance et qu'elles avaient pour but l'amélioration de leur condition humaine. "Aider à mieux vivre" doit rester la fonction principale à son niveau de l'audioprothésiste. Rôle minime peut-être, rôle essentiel pourtant dans le cadre d'une culture humaniste globale et qui ne peut que croître qu'avec le développement des acquisitions techniques. L'audioprothésiste se doit d'être un véritable technicien humaniste. Mots clés : Histoire - Audioprothèse – Audiologie – Acoustique – Environnement sonore – Humanisme. 105