Vers un nouvel espace intelligent

Transcription

Vers un nouvel espace intelligent
La viLLe 3.0
Vers un nouvel
espace intelligent ?
ALTRAN_KALISTE_CV_ok.indd 1
06/05/11 16:31
ALTRAN_KALISTE_CV_ok.indd 2
06/05/11 16:31
ALTRAN
Leader européen du conseil en innovation et hautes
technologies, Altran intervient depuis près de 30 ans
auprès des acteurs majeurs des principaux secteurs
d’activité : automobile, aéronautique, énergie, santé,
services financiers, télécommunications etc.
Le groupe rassemble 17 149 consultants dans le
monde à travers 26 pays prioritaires. Il a généré un
chiffre d’affaires de 1 436,7 millions d’euros en 2010.
Sa maîtrise des technologies avancées et des
processus d’innovation lui permet d’accompagner
les entreprises dans leurs démarches de création
et de développement de produits et services.
Déclinées dès les phases de plan stratégique
en matière de technologies nouvelles jusqu’aux
phases d’industrialisation, ses offres couvrent cinq
grands domaines technologiques : management
de l’innovation, management de la performance,
systèmes d’information, ingénierie mécanique,
ingénierie systèmes et systèmes embarqués.
Altran Telecoms & Media est le pôle d’expertise
en télécommunications du groupe Altran.
Pour en savoir plus : www.altran.com
ALTRAN_KALISTE_PREZ.indd 1
06/05/11 16:42
ALTRAN_KALISTE_EDITO.indd 2
06/05/11 16:41
La ville 3.0 :
un Monde nouveau à notre porte
Méhand Guiddir
CTO
Altran TEM
Les espaces physiques et numériques n’en finissent pas
de converger : le numérique, substance invisible, irrigue
progressivement notre monde réel, traite, connecte
et propage une information foisonnante.
L’information circule grâce à des systèmes embarqués
miniaturisées de plus en plus invasifs, des chaînes
de contrôle et de commande s’insinuant par capillarité
jusqu’au cœur des objets. L’enveloppe physique
de l’ordinateur se réduit désormais à l’interface avec
son propriétaire et l’accompagne partout dans ses
déplacements en ville, dans l’espace public et privé,
lui assurant même une continuité d’échange avec
le mobilier urbain, sa voiture ou son appartement.
Vaste réceptacle de flux physiques d’information
enchevêtrés et de réseaux interdépendants, la « ville
intelligente » permet d’organiser de façon participative
les transports en commun et intermodaux, de visualiser
et de réguler le trafic routier en temps réel mais aussi
d’anticiper les pics de consommation électrique et d’agir
en conséquence.
L’humain, désormais au centre du dispositif, voit ses
activités relayées, scrutées, décortiquées, conseillées,
modérées, partagées et enrichies par l’environnement
des TICs qui l’entourent et l’imprègnent, lui
procurant ubiquité et interactivité. Extension
du champ du possible ou asservissement
progressif à la machine ? Levier incontrôlable
d’appauvrissement de l’expérience humaine ou
vecteur de mutation, permettant enfin
à la Technologie de livrer sa promesse
au service du progrès de l’Homme ?
Telles sont les questions que nous
ne poserons pas directement,
mais qui constituent un fil rouge discret,
dans la toile de fond du décor de
ce Monde nouveau, que nous
vous invitons à parcourir ici.
En vous souhaitant
de passionnantes découvertes…
ÉDITO
Édito
ALTRAN_KALISTE_SOM.indd 4
06/05/11 16:48
p. 3
Édito
p. 5
Sommaire
p. 7
Executive summary
p. 10
L’état de l’art
p. 11
p. 14
p. 21
Stéphane Schmoll - Deveryware
La technologie pour bien vieillir
Giovanni Ungaro - Groupe Legrand
Tribune libre - La ville et la maison intelligentes
p. 37
Tribune libre - Smart Grid, réseau intelligent
Olivier Meulle et Chantal Vallet - Télécom SudParis
Hossam Afifi, Vincent Gauthier et Marc Girod Genet - Télécom SudParis
Les transports et leurs écosystèmes
La mobilité connectée dans la ville
Aurélien Clerc, Laurie de l’Éprevier et Olivier Picard - Pr[í]me
p. 47
Tribune libre - L’éco-mobilité : nécessité écologique ou économique ?
p. 51
Interview - Les systèmes de gestion du trafic
Philippe Orvain - Nomadic Solutions
Matthias Mann et Bernhard Scherer - PTV AG
Les technologies intelligentes : des réponses aux défis du futur ?
p. 60
p. 78
Tribune libre - Mythes et réalités de la géolocalisation dans la “ville connectée”
p. 31
p. 42
p. 58
La ville communicante
Nils Aziosmanoff - Navidis
L’Homme au cœur de l’habitat et du logement
p. 26
p. 40
État des lieux
Vladimir Froment
Les nouveaux services numériques urbains : entre avantages et risques
p. 16
p. 24
SOMMAIRE
Sommaire
Applications et révolutions du eye-tracking
Antoine Luu - Tobii Technology
p. 69
Tribune libre - La vidéoprotection à la SNCF
p. 75
Tribune libre - L’avènement des App Stores automobiles
Conclusion
André Santini
Bertrand Taquin - SNCF
Chris Wild - Altran Praxis
ALTRAN_KALISTE_EXECUTIV.indd 6
06/05/11 16:41
EXECUTIVE SUMMARY
Executive
Summary
Les Systèmes d’Information et les chaînes de contrôle/commande
s’insinuent dans le tissu et les composants urbains, transformant
progressivement la ville en un espace « intelligent » et interactif.
Désormais, la ville-système génère et diffuse une grande quantité
de données, qui sont à la racine de nouveaux bouquets de services
visant à créer une valeur d’usage supplémentaire dans l’habitat,
dans les lieux publics, dans les transports… La ville devient
également un espace collectif de dialogue et de médiation,
à la fois porteuse de nouvelles formes de citoyenneté et territoire
de bouleversements socio-économiques.
Afin de mieux appréhender les enjeux technologiques et sociétaux
liés à ces évolutions récentes et à leur accélération, notre tour
d’horizon s’articule autour des sujets suivants :
La ville communicante
Nils Aziosmanoff – Navidis
La ville communicante est un défi politique et technologique majeur du siècle qui
s’ouvre. Se superposant au territoire physique, les réseaux virtuels créent un nouveau paradigme spatial, dont l’impact sur l’économie et les sociétés est de plus en
plus significatif. Une révolution sans précédent pourrait transformer radicalement le
paysage urbain du XXIe siècle. Accroissant la mobilité des personnes, des biens et des
informations, le numérique va façonner des hyper-lieux connectés en permanence à
la media-sphère. L’essor des usages numériques, l’interopérabilité des systèmes,
l’Internet des objets et le très haut débit, sont autant de signes avant-coureurs des
profondes mutations qui transformeront probablement nos cadres de vie.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_EXECUTIV.indd 7
7
06/05/11 16:41
Mythes et réalités de la géolocalisation
dans la “ville connectée“
Stéphane Schmoll – Deveryware
La géolocalisation est de plus en plus intimement intégrée dans les services du
quotidien. Par exemple, en utilisant un smartphone, la localisation peut s’activer et
envoyer l’information à des serveurs distants. Faut-il s’en réjouir ou s’en méfier ?
La technologie pour mieux vieillir
Giovanni Ungaro – Legrand
Il est parfois difficile pour une personne âgée d’accepter l’idée d’être aidée, notamment par des technologies, car elle n’a pas toujours conscience d’en avoir besoin.
Schématiquement, il s’agit d’une problématique liée à l’acceptabilité des solutions
dans un marché où les clients et les prescripteurs ne sont généralement pas les
utilisateurs finaux… L’analyse des relations entre ces acteurs aux différents niveaux de cette nouvelle chaîne de valeur, est déterminante pour la conception des
technologies et typologies de services candidates…
La ville et la maison intelligentes au service du handicap
Olivier Meulle et Chantal Vallet – Télécom SudParis Labo Handicom
Les TICs peuvent-elles apporter une réponse aux grandes problématiques de l’intégration
sociale des personnes handicapées ? Intégrer le handicap dans la société passe par la
prise en compte du « défi collectif » pour la création d’équipements pour tous…
Smart Grid : réseau intelligent
Hossam Afifi, Vincent Gauthier et Marc Girod Genet – Télécom SudParis
Un réseau électrique Smart grid comprend un système de contrôle intelligent qui permet de suivre toute l’électricité circulant dans le système d’acheminement et l’événementiel qui motive tout changement de flux de puissance. Le Smart grid devient un
instrument interactif sur le marché de l’électricité, prenant des décisions tarifaires en
temps réel et en fonction de la consommation.
La mobilité connectée dans la ville
Aurélien Clerc, Laurie de L’Éprevier et Olivier Picard – Altran Pr[í]me
Les TICs apportent désormais une nouvelle composante à la mobilité – la connectivité,
qui résulte de l’association intime des flux d’information et des flux physiques. De
nouveaux services visent à créer les passerelles nécessaires entre les différents
modes de transport, afin de faciliter la planification « sans coutures » des trajets. Dans
une approche systémique, l’infrastructure et les vecteurs de mobilité permettent de
renouveler l’offre de services et d’information aux usagers.
8
kalisté : été 2011
EXECUTIVE SUMMARY
L’éco-mobilité : nécessité écologique ou économique ?
Philippe Orvain – Nomadic Solutions
Tandis que le nouvel ordre financier mondial tarde à venir, la voie du développement
durable sort renforcée de la crise, notamment dans les pays industrialisés. Une nouvelle organisation sociale basée sur l’ultra-communication est née de l’association des
technologies TICs et de leurs nouveaux usages permettant un maillage collaboratif qui
était impossible auparavant. Ceci devient un ferment d’évolution de nos usages, notamment en ce qui concerne la mobilité des personnes ou des marchandises.
Les systèmes de gestion du trafic
Interview de Matthias Mann et Bernhard Scherer, PTV AG
Un acteur du domaine des solutions de gestion de trafic (TMS), aux confins des
technologies actuelles, partage sa vision et ses projets, dont :
• le démonstrateur du système de guidage par des mesures de gestion du trafic à
Dortmund et Düsseldorf ;
• les technologies clés requises dans l’architecture TMS ;
• l’émergence des normes européennes en matière d’interopérabilité de ces systèmes.
Applications et révolutions du eye-tracking
Antoine Luu – Tobii
L’eye-tracking est un outil privilégié de mesure pour reconstituer le parcours oculaire d’une personne et comprendre ainsi sa stratégie de prise d’informations visuelles. L’information qui découle du parcours visuel de l’usager sert aussi bien
aux architectes pour agencer un bâtiment ou un espace, qu’au concepteur d’un
portail informatique qui souhaite offrir au visiteur un cheminement rapide vers les
« balises » visuelles qui sous-tendent l’ergonomie d’utilisation…
La vidéoprotection à la SNCF
Bertrand Taquin – SNCF
Apparue à l’origine pour des motifs de sûreté dans les gares, la vidéo-intelligente
de demain deviendra un facteur d’amélioration continue du service rendu au client.
Dès 2006, des solutions Ethernet à très haut débit ont été adoptées par la SNCF
sur une infrastructure dès lors évolutive, prête à s’interconnecter avec les partenaires internes ou externes des zones urbaines. La gare, lieu de développement
urbain, réserve une place de choix à la vidéo intelligente pour améliorer la qualité,
la performance et le renouveau du service en gare, tout en contribuant à inventer
la mobilité de demain.
L’avènement des App Stores automobiles
Christopher Wild – Altran Praxis
Les systèmes d’infodivertissement automobiles actuels sont relativement fermés et
artificiellement appauvris pour des raisons de sécurité liées à la conduite des véhicules. Le concept d’App Store appliqué à l’automobile pourrait constituer une solution
sécurisée, permettant l’ouverture technologique qui fait défaut aux systèmes actuels.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_EXECUTIV.indd 9
9
06/05/11 16:41
L’état
ALTRAN_KALISTE_CHAP1.indd 10
de l’art
06/05/11 16:37
État
des lieux
Pourquoi ne pas imaginer la ville du futur comme un
espace de vie idéal ? Une citoyenneté forte dans un
univers dense, ultra-connecté, écologique et sain.
Dressons donc cette cartographie onirique, dans laquelle les toutes dernières technologies disponibles
cohabitent…
Depuis 2008, plus de la moitié de la population
mondiale vit en ville. D’après les Nations Unies1, ce
chiffre devrait grimper à 70 % en 2050 (86 %, pour
les pays développés). Les mégapoles vont fusionner
et former des « méga-régions ». Les villes de HongKong, Shenhzen et Guangzhou constituent d’ores
et déjà la première d’entre elles, avec 120 millions
d’habitants. D’autres exemples existent en Égypte :
Le grand Caire, 77 millions d’habitants ; au Japon :
Nagoya-Ozaka-Kyoto-Kobe, 60 millions d’habitants ;
ou au Brésil : de São Polo à Rio de Janeiro, 43 millions d’habitants.
Cet accroissement de la population citadine nécessite un aménagement des infrastructures de
connectivité. Les nouveaux moyens d’accès à l’Internet (smartphones, tablettes via les hotspot publics, 3G et même déjà 4G dans certains pays) préparent le terrain. La fibre optique y jouera un rôle
prépondérant. En France, des plateformes d’expérimentation sont développées (Neptune, pour le LTE)
ou même déjà exploitées (THD, pour la fibre optique)
pour permettre à des sociétés innovantes de créer
les services de demain.
Le télétravail participe à cet élan de construction
d’une civilisation numérique. Les technologies sont
déjà là : Webmail, VPN, Téléphone et PC portables.
1 State of the World’s Cities, éditions 2008/2009 et 2010/2011,
United Nations - Habitat
«
Une citoyenneté
forte dans un
univers dense,
ultra-connecté,
écologique
et sain.
Les avantages sont tangibles : moins d’encombrements sur les routes, moins de CO2, moins de
dépenses, moins de stress et de fatigue, pour une
meilleure qualité de vie…
Toujours sur le terrain professionnel, la vidéoconférence se répand au sein des grandes entreprises.
Dans les salles de réunion spécialement aménagées, les systèmes haut de gamme proposent des
restitutions visuelles et auditives très réalistes.
La réalité augmentée et l’holographie pourraient
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP1.indd 11
11
06/05/11 16:37
«
La véritable
transition
vers la ville
connectée se fera
progressivement,
presque
naturellement…
transposer ce système vers d’autres dimensions, et
vers un autre public : le prisme ViZoo est capable
de reconstituer un sujet dans l’espace en 3D. Le Kinect de Microsoft – destiné initialement à l’univers
vidéo-ludique, mais qui a été modifié par des hackers – permet à ses utilisateurs les plus créatifs de
développer à moindre coût de nouvelles manières
d’exploiter la réalité augmentée. Plusieurs dispositifs commerciaux basés sur cette technologie existent déjà. Par exemple, l’application Metro Paris 3.0
pour iPhone affiche la localisation d’une station de
métro sur la capture video « live » de l’appareil et
guide l’utilisateur pour s’y rendre. Le tout grâce à
une combinaison de réalité augmentée et de navigation par satellite.
La géo-localisation et les systèmes GPS sont
d’ailleurs très présents dans notre quotidien et ouvrent de nouvelles possibilités. Le Machine-to-Machine (M2M) – vecteur majeur du développement
des objets communicants – apporte un nouveau type
de connectivité en s’intégrant aux nombreux systèmes de navigation existants. Un exemple concret :
le TomTom HD Traffic, dont les données extraites
depuis chaque terminal utilisateur sont combinées
puis utilisées pour le suivi de la circulation et les
prévisions d’incidents routiers. L’utilisateur obtient
une information sur l’état du réseau routier quasiment en temps réel.
Le RFID, que l’on ne présente plus, permet de suivre
à la trace tout type d’objet. Depuis l’inventaire de
12
stocks jusqu’aux systèmes antivols, en passant par
le suivi des colis : ses applications préparent le terrain aux réseaux d’objets intelligents. La technologie
NFC (Near-Field Communication), dérivée du RFID,
va encore plus loin. Dans ce cas, la puce est intégrée
dans le téléphone ; après identification, elle ouvre
l’accès aux services. Le projet « Nice : ville sans
contact » en est une éloquente vitrine technologique.
Le smartphone joue à la fois le rôle de moyen de
paiement, de badge de transport en commun et de
guide multimédia lors des visites de musées.
Il existe plusieurs projets de villes explicitement
« futuristes » : Masdar City à Abu Dhabi, Dongtan
City en Chine, New Songdo City en Corée. Toutefois,
ce type de projet reste exceptionnel, à vocation purement exploratoire. La véritable transition vers la
ville connectée se fera progressivement presque
2 Top Seven Intelligent Communities of the Year 2011, classement
fait par l’Intelligent Community Forum.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP1.indd 12
06/05/11 16:37
«
naturellement… Les grandes villes françaises ont
lancé des réflexions et des projets pour anticiper ces
changements : la Fabrique Toulousaine et la Communauté Urbaine de Bordeaux en sont quelques
exemples. La ville d’Issy-les-Moulineaux (92), élue
au titre de ville possédant une des meilleures stratégies de développement numérique2 au monde, affiche son ambition de construire la ville de demain.
Désormais, la plupart des projets urbains tiennent
compte de l’aspect écologique. Le développement
des transports propres (train, tramway, métro) est
d’ailleurs une des stratégies de développement
proposées lors du Grenelle de l’Environnement.
Par ailleurs, le déploiement des lignes ferroviaires
à grande vitesse redessine les territoires économiques : en France, Lyon est devenu le « 21e arrondissement de Paris » grâce au TGV ; en Chine, le
temps de trajet Wuhan/Guangzhou qui durait près
de 10 h autrefois a été réduit à 3 h. Chaque nouvelle
ville desservie impacte la structure de connectivité
au niveau du système et chamboule les équilibres
locaux.
Au-delà des innovations issues de l’industrie,
chaque citoyen peut contribuer à l’édifice numérique. Les réseaux sociaux et les initiatives communautaires (associations, projets libres de droit)
Au-delà des
innovations issues
de l’industrie,
chaque citoyen
peut contribuer
à l’édifice numérique.
sont autant de ressources à même de rendre l’individu acteur du changement, en le faisant participer
– à son échelle – aux activités qui l’entourent. Par
exemple : « La Ruche », le réseau social local de
la ville de Rennes destiné à promouvoir les interactions entre citoyens ; ou OpenStreetMap, ce projet
libre de droit qui utilise les contributions de volontaires pour constituer une cartographie du monde
à l’image des cartes IGN ; ou encore Noisetube, par
SonyLab, qui transforme en micro d’ambiance le téléphone portable des membres de sa communauté,
pour tracer une cartographie du niveau sonore dans
les villes.
Supportés par les réseaux de télécommunications,
poussés par les innovations industrielles et les initiatives communautaires, des solutions se présentent pour interconnecter les systèmes et combiner
les technologies, afin d’étendre le champ des services offerts au citoyen, et construire la ville 3.0.
Dans cette ville devenue mégapole, la technologie
ne sera plus simplement un outil aidant à la réalisation de tâches, elle sera partie intégrante de nos
vies. À travers les réseaux d’objets intelligents, ce
sont les modalités de communication et les rapports entre l’homme et la machine qui sont visés.
« Sans contact », « eye-tracking » : des chemins se
dessinent vers une interaction à distance.
La rue pourrait devenir un véritable espace « ludique » où l’information serait livrée au citoyen suite
à un simple regard en direction d’un restaurant
ou d’un musée. Nécessairement durable et respectueuse de l’environnement, la ville connectée
pourrait bien transformer le concept d’urbanisation tel que nous le considérons aujourd’hui, en lui
substituant celui d’expérience citadine augmentée ?
Continuons à rêver…
Vladimir Froment
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP1.indd 13
13
06/05/11 16:37
Les nouveaux services numériques urbains :
entre avantages
et risques
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 14
06/05/11 16:38
Nils Aziosmanoff
Président
Navidis
Président de Navidis, éditeur de cartographie interactive multimédia qui figure parmi
les leaders en matière de cartographie éditoriale 2D et 3D (www.navidis.com).
Président du Cube, 1er centre de création numérique en France, établissement de la
communauté d’agglomération Grand Paris Seine Ouest. Le Cube est un lieu pilote sur
la scène internationale, en matière de nouvelles formes d’expression artistique liées
à l’innovation technologique et aux usages numériques (www.lecube.com).
Président d’Art3000, créé en 1988, association pionnière dans le domaine des arts
numériques, qui a notamment édité la revue Nov’Art et organisé plus de 500 événements.
Nils Aziosmanoff a également dirigé ISEA2000, le Symposium International des Arts
Électroniques, événement de référence de la scène internationale.
Ex musicien, Directeur du Conservatoire de Musique et de Danse de Jouy-en-Josas, il a
enseigné la micro informatique musicale à l’Institut National de l’Audiovisuel (INA), ainsi
qu’à l’Institut International de l’Image et du Son (IIIS).
Lauréat du programme Challenge+ d’HEC, il a participé à la création de plusieurs
entreprises de technologies innovantes et d’édition multimédia.
Animateur des Rendez-vous du Futur, il accueille régulièrement des personnalités autour
des enjeux de la société numérique : Jacques Attali, Claudie Haigneré, Joël de Rosnay,
André Santini, Bernard Werber, Serge Tisseron, François Schuiten…
Auteur de nombreux articles et études, chroniqueur à la Technology Review du MIT,
et à Regards sur le Numérique.
Expert en développement des usages numériques, il intervient régulièrement auprès
de grandes entreprises et de collectivités.
Nils Aziosmanoff est Chevalier des Arts et des Lettres.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 15
15
06/05/11 16:38
La ville
communicante
«
La ville communicante est un des grands défis
politiques et technologiques du siècle qui s’ouvre
car elle pose la question de la capacité des individus
à se mouvoir au sein d’espaces géographiques se
prolongeant dans le continuum infini des réseaux.
La réussite de ce maillage et notre capacité à inventer une « ville augmentée » sans exclusion, seront
à n’en pas douter l’un des creusets de la citoyenneté
numérique.
Le sujet de la villeinterface ouvre
un important champ
de réflexion.
D’ici quelques décennies, 80 % des habitants de
la planète vivront dans les quelques 500 mégapoles recensées par les Nations Unies. Ces « villes
mondes » structurent les échanges mondiaux, tel
un réseau backbone constituant de véritables carrefours d’interconnexions à l’échelle planétaire. Mais
ce phénomène devrait connaître de surprenantes
évolutions avec l’irruption de plus en plus massive
des technologies dans notre quotidien.
Se superposant au territoire physique, les réseaux
virtuels créent un nouveau paradigme spatial dont
l’impact sur l’économie et les sociétés est de plus
en plus significatif. Une révolution sans précédent
devrait donc radicalement transformer le paysage
urbain du XXIe siècle, portée par les effets conjugués
de la mondialisation, des concentrations urbaines et
des innovations technologiques.
16
Accroissant la mobilité des personnes, des biens
et des informations, le numérique va façonner des
hyper-lieux connectés en permanence à la mediasphère. L’essor des usages numériques, l’interopérabilité des systèmes, l’Internet des objets et le très
haut débit, sont autant de signes avant-coureurs des
profondes mutations qui transformeront nos cadres
de vie. Si à l’ère des réseaux, comme le souligne
l’économiste Jeremy Rifkin, « la valeur n’est plus le
contenu mais l’accès aux contenus », les modes de
vie du futur dépendront donc de plus en plus de la
qualité du maillage entre le monde réel et la sphère
virtuelle.
La « ville interface » intègrera peu à peu dans ses
murs, des écrans et des systèmes d’information, de
reconnaissance et de localisation. Quelle que soit
sa position géographique, l’individu sera le point de
convergence de multiples services interactifs personnalisés. Plus que communicant, l’espace public
sera « réagissant » en intégrant des technologies
relationnelles lui permettant de dialoguer avec
chaque individu.
En Chine, les médias façades et écrans géants à LED
envahissent déjà des mégapoles, comme celle de
Shanghai, dont l’espace urbain prend l’allure d’un
immense jeu vidéo. Aujourd’hui dévolus à la seule
publicité, les displays numériques vont peu à peu intégrer de multiples contenus d’information, dotant
ainsi la ville d’une « réalité augmentée » s’adaptant
en flux aux besoins de chaque individu.
Certains pointent le risque d’une « big brotherisation » de la société, mais d’autres voient dans cette
évolution la promesse d’une ville réincarnée, « réhabitée » comme espace collectif de médiation et
pouvant produire de nouvelles formes d’exercice de
la citoyenneté. Quoiqu’il en soit, le sujet de la villeinterface ouvre un important champ de réflexion sur
les nouvelles définitions et les usages de l’espace
public, sur la dimension individuelle et collective
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 16
06/05/11 16:38
de ses interactions sociales et sur leurs modes de
régulation. Car la ville du futur sera non seulement
connectée en permanence au reste du monde, produisant ses propres signaux identitaires, mais elle
sera également tournée vers chacun des individus la
constituant.
Le citoyen du futur, plus mobile et plus autonome,
souhaitera accéder à des services personnalisés
accessibles à tout moment et en tout lieu. Habitué
aux usages collaboratifs de l’Internet, il s’impliquera dans la cogestion de la cité, favorisant ainsi
l’émergence d’une citoyenneté participative. Ce lien
dynamique entre la sphère publique et les réseaux
sociaux constituera une e-agora sans cesse recombinée, mais également un écosystème territorial
susceptible d’accélérer les processus d’échanges,
de projets coopératifs et de création de valeur.
La révolution numérique va radicalement transformer les usages de la ville. Avec la généralisation du
très haut débit, de la 3D, des réseaux sociaux et des
technologies de la mobilité, les espaces dématérialisés deviennent accessibles en continu, en tout lieu
et à tout moment, et offrent d’importantes perspectives d’innovation dans le domaine des services aux
citoyens et aux usagers.
Les succès de jeux tels que World of Warcraft ou
encore d’outils tels que Google Earth ont préparé
le terrain à une nouvelle génération d’usages. À la
croisée des mondes miroirs, des réseaux sociaux
et des MMO (jeux massivement multi-joueurs) qui
comptent plusieurs centaines de millions d’adeptes
dans le monde, les « simulateurs de réalités » révolutionneront bientôt l’Internet. Porté par sa dimension participative, le Web 3D se construira autour d’espaces virtuels socialisés qui constitueront
à terme une galaxie de mondes interconnectés. Ce
phénomène suscite déjà l’apparition « d’espaces
publics parallèles », dans lesquels s’expérimentent de nouvelles formes de relations sociales et de
règles collectives.
Parmi ces mondes virtuels, pour l’instant principalement dédiés aux loisirs et aux échanges, une catégorie devrait connaître un essor particulièrement
important, les « serious games 3D », sortes de jeux
multi-joueurs utilisés pour des usages professionnels dans des domaines aussi variés que la santé, la
gestion du territoire, l’éducation, la sécurité, ou encore la culture et le tourisme. Ces outils utilisent la
puissance d’évocation et l’aspect ludo-éducatif des
jeux vidéo, ainsi que leur dimension sociale, tout en
exploitant des données métiers rigoureuses.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 17
17
06/05/11 16:38
Dans le domaine de la santé, par exemple, le serious game devrait connaître une forte croissance
dans les années à venir. Selon Ben Sawyer, co-fondateur de l’Initiative Serious Games aux États-Unis,
« il offre déjà de réelles avancées en terme de formation et d’entraînement des chirurgiens, de diagnostic et de traitement des pathologies, mais aussi
dans des domaines variés tels que la modélisation
et la gestion du territoire ».
Cette révolution va encore s’accentuer avec la
convergence de trois grands domaines d’activité :
la géolocalisation de l’information, les outils de
business intelligence et le web 3D. Pour le grand
public, la valeur d’usage tiendra dans la possibilité
d’accéder à de nombreuses informations, services
et contenus géolocalisés au travers d’interfaces
intuitives et spectaculaires. La technologie permet, en effet, aujourd’hui de connecter des bases
de données hétérogènes, d’agréger, d’exploiter et
de valoriser les informations au sein de représentations virtuelles faciles d’utilisation et à forte valeur d’usage. L’utilisateur peut ainsi accéder à des
données de stock et de flux accessibles en continu
via différents types de supports : Internet, tablettes
tactiles, smartphones, tableaux blanc interactifs,
city walls…
Pour les collectivités et les entreprises, ces technologies offrent l’opportunité de développer une
meilleure qualité d’accès à l’information tout en
renforçant l’expérience utilisateur, en matière de
communication, de concertation ou encore d’aide
à la décision. Elles permettent, en outre, aux uti-
18
lisateurs « non techniciens », salariés, décideurs
ou grand public, de disposer d’outils puissants qui
simplifient la compréhension, le partage, la gestion,
la scénarisation ou encore le monitoring de projets,
dans de nombreux champs d’application : économie, environnement, urbanisme, tourisme, etc.
Les collectivités travaillent au plus près des citoyens
et ont en charge la conduite locale de services et
de projets. Face à l’exigence accrue des usagers en
matière d’information, elles ont notamment la responsabilité de mieux communiquer et d’organiser la
concertation. Les usages de la 3D interactive, largement répandus au sein de la génération des « digital natives » qui pratiquent le jeu vidéo depuis leur
jeune âge, offrent la possibilité de concevoir de nouveaux services alliant la puissance de représentation de la 3D interactive et la dimension éditoriale de
contenus métiers. L’exploitation, la valorisation et la
mise en scène de données techniques rigoureuses
ouvrent la perspective prometteuse d’applications
pour tous publics.
La ville d’Issy-les-Moulineaux a ainsi ouvert un
« Atelier d’Urbanisme et de Développement Durable » conçu autour de l’application numérique
Issy3D développée par la société Navidis. Cet outil
propose une visite virtuelle interactive de la ville,
grâce à l’utilisation de technologies « 3D temps
réel ». Cette application repose sur l’exploitation de
bases de données SIG, INSEE ou IGN, qui permettent de « simuler le réel », associées aux données
rich media (vidéo, photo, textes, animations, etc.)
permettant de bâtir une véritable offre éditoriale.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 18
06/05/11 16:38
L’innovation d’usage repose en grande partie sur
l’agrégation de données et de contenus hétérogènes
au sein de systèmes de représentation homogènes
et simples d’utilisation, grâce à des interfaces de
haute qualité en ergonomie et design numérique,
véritables « réducteurs de complexité ».
La démarche de Navidis a également consisté à
superposer une vision réaliste du territoire à des
représentations symboliques, renforçant ainsi la
dimension spectaculaire et émotionnelle de la navigation interactive. S’affichant en fonction du type
d’information recherchée et de l’échelle d’observation, elles transforment la ville en un véritable « media cartographique 3D » qui emprunte aux jeux vidéo
les technologies dynamiques de « comportement »,
en proposant spontanément des contenus liés aux
centres d’intérêts de l’utilisateur.
Outre les 6 000 bâtiments modélisés, les espaces
verts, les flux de circulation, les sites majeurs détaillés, les activités et les grands projets d’urbanisme, de nombreux contenus sont proposés. Par
exemple, une simulation temporelle de l’aménagement urbain, avec une modélisation dynamique de la
ville entre 1975 et 2015, ou encore, des vidéos mappées sur les façades des bâtiments permettant de
visualiser l’activité se déroulant à l’intérieur du lieu.
Autre exemple, une animation sonore renforce la dimension immersive en « montrant » ce qui n’est pas
visible. Ainsi, en passant à proximité d’une école on
entend le bruit des enfants jouant dans la cour de récréation. Enfin, la dimension participative n’est pas
oubliée, puisque les résidents peuvent utiliser Issy3D
comme un outil de concertation et enrichir l’application. Des
cartes postales et photographies
anciennes viendront ainsi par
exemple constituer une « mémoire collective » de la ville.
sent la question du rôle de l’État dans une sphère
virtuelle qui s’affranchit de plus en plus des règles
du monde réel ».
L’espace physique se maille à la sphère virtuelle,
alliant le « ici et maintenant » de l’espace physique
au « partout et tout le temps » des réseaux. De nouveaux espaces d’interaction sociale, à la croisée du
réel et du virtuel, constituent aujourd’hui les prolongements naturels de la cité numérique.
Les développements du Cloud Computing, des environnements intelligents, des technologies sans
contact et des écrans urbains sont autant de secteurs
d’innovation dont la convergence va encore susciter
d’autres révolutions d’usages, susceptibles de transformer radicalement la physionomie de la cité.
Au XIXe siècle, le baron Haussmann avait changé les
usages de la ville en créant le « haut débit urbain ».
À présent, le défi des architectes du numérique et
des « urbanistes de la donnée » est d’inventer les
usages d’une « ville augmentée », connectée et ubiquante. Au-delà des visions souvent utopistes ou
menaçantes issues de la science fiction, il s’agit de
repenser le « vivre ensemble » à l’ère des grandes
concentrations urbaines. Le numérique peut ici
constituer un puissant vecteur de lien social et de
qualité de service, dans une cité devenue « relationnelle », à la fois centrée sur chaque individu et
connectée au reste du monde.
Des pays comme la Suède et
l’Estonie ont déjà ouvert des
« ambassades virtuelles »,
simples guichets virtuels pour
le moment, mais qui pourraient
à terme dématérialiser totalement les services publics. Ce qui
fait dire à Pierre de La Coste, auteur de L’Hyper-République, que
« les mondes virtuels représentent des défis sans précédents
pour les pouvoirs publics, et po-
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 19
06/05/11 16:38
Stéphane Schmoll
Directeur Général
Deveryware
Ingénieur diplômé de l’École Centrale de Marseille (1979), Stéphane Schmoll a débuté
sa carrière dans des multinationales (Texas Instruments, Thomson-CSF,
Matra/EADS, Daimler-Benz), dans lesquelles il a exercé des fonctions techniques,
commerciales et de direction, en Europe, aux USA et en Asie.
En 1997, Stéphane Schmoll, fonde Traqueur, spécialiste de la détection et de la
récupération électronique de véhicules volés, devenu aujourd’hui le n°1 du secteur,
grâce à des partenariats avec les pouvoirs publics, les constructeurs automobiles,
les assureurs et des industriels comme TDF, EADS et LoJack.
En 2006, fort de ce succès, il rejoint Deveryware pour soutenir et accompagner
son développement en tant que Directeur Général et étendre son expérience
à la géolocalisation multi-technologies des véhicules, des personnes et des biens.
Féru de hautes technologies et militant engagé en faveur du rôle des PME
dans le tissu industriel français, il adhère au Pacte PME, à Croissance Plus,
et à des comités de pilotage de plusieurs pôles de compétitivité.
Stéphane Schmoll a co-fondé l’Open Location Alliance au niveau européen et animé
le groupe de travail sur la géolocalisation de la Mobile Marketing Association France.
20
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 20
06/05/11 16:38
TRIBUNE LIBRE
Mythes et réalités
de la géolocalisation
dans la “ville connectée”
L
a géolocalisation est de plus en plus
présente dans les services du quotidien,
souvent à l’insu des usagers. En voiture,
l’assistant de navigation localise la position et peut mémoriser les parcours. À pied,
dans les transports et dans presque toutes les
applications de nos smartphones, la localisation
s’active et l’information est envoyée à des serveurs distants. Que nous le souhaitions ou non,
cette technologie nous envahit. Faut-il s’en réjouir ou s’en méfier ?
Le spectre de « Big Brother » :
une figure de style convenue
Les innombrables abus commis par les publiposteurs, les spammeurs sur Internet ajoutés à de
rares mais spectaculaires déviances des écoutes
téléphoniques, ont exacerbé la crainte de « Big
Brother », en référence au démiurge omniscient
et omnipotent d’Orwell dans 1984. Mais que représente « Big Brother » dans notre monde réel ?
S’agit-il de l’État tout puissant et de ses services,
d’officines d’intelligence économique ou de manipulation de voisins ou de concurrents envieux,
de conjoints ou de parents paranoïaques, d’assureurs, de banquiers, ou tout simplement de marchands ?
Quels sont les risques ?
L’essor de la géolocalisation, des smartphones et
autres objets communicants menace de démultiplier les risques si des garde-fous individuels et col-
lectifs ne sont pas mis en place. En effet, on a déjà
vu sur Internet des conséquences préoccupantes
liées à l’exploitation mal contrôlée de données personnelles. Or, elles pourraient bien être amplifiées
par la montée en puissance des traitements sémantiques.
Mais « quand le sage montre la lune, l’imbécile
regarde le doigt ». Ce sont parfois les mêmes qui
crient au loup lorsque des fichiers de police croisent
quelques données sur les individus et se précipitent
pour télécharger sur leur smartphone des applications dont ils n’imaginent pas le danger.
Exemple 1 : une récente application permet de téléphoner gratuitement à ses contacts en passant par
la voix sur IP. Mais une fois activée, cette application
se propage en invitant les personnes du carnet de
contacts contenu dans votre téléphone. Pour y parvenir, cette petite application va innocemment copier tous vos contacts sur un serveur central, dont
la nature de l’hébergement et du contrôle demeurent obscurs.
Exemple 2 : l’analyse et la transmission de la localisation d’un smartphone à des serveurs spécialisés
permet de connaître nos déplacements les plus fréquents, le lieu où l’on habite, l’endroit où l’on travaille, nos itinéraires favoris, pour nous envoyer ensuite des publicités à proximité d’enseignes offrant
des promotions : souvent, celles-ci correspondent
étonnamment à nos préférences de consommation
et à nos habitudes, sans que l’on ait vraiment l’impression d’avoir autorisé cette « intrusion ». Sympathique, mais terrifiant !
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 21
21
06/05/11 16:38
Quels gardiens pour nous
protéger ?
Heureusement, il y a une pluralité de solutions pour
nous protéger. Elles résident notamment dans le
développement de bonnes pratiques professionnelles, dans l’éducation des utilisateurs, dans l’apprentissage d’une hygiène numérique et si nécessaire dans la loi.
Il y a en France deux gardiens institutionnels des
libertés en la matière : la Commission Informatique
et Libertés (CNIL) et la Presse.
Les principes de la CNIL, érigés dès 1978, ont été
progressivement adaptés aux éventualités liées à
l’avènement du numérique, avec l’appui tardif de la
loi aux niveaux français et européen. Mais la technologie, qui avance vite, parvient souvent à contourner
les dispositifs légaux : plus leur formulation se veut
générale, plus l’interprétation et l’apparition de nouveaux usages les rend caduques. À titre d’exemple,
la notion de responsable de traitement, jadis relativement claire dans les chaînes d’intervenants linéaires,
est devenue parfois insaisissable dans des systèmes
coopératifs maillés mutualisant en permanence les
données. De plus, les éditeurs et opérateurs des
services sujets à caution sont souvent off-shore et
échappent à la surveillance communautaire.
Quant à la Presse, sa contrainte de réactivité est
si forte qu’elle agit parfois dans un mode de captation de rumeurs, qu’elle déforme et amplifie,
transformant le champ des possibles en champ des
probables et occasionnellement en « légendes urbaines ». L’opinion publique peut alors se trouver
fortement impactée par le pouvoir de propagation et
de multiplication de la toile…
Fort heureusement, les professionnels – annonceurs, régies de transport ou autres prestataires
de services – gardent généralement leur discernement. D’une part, ils savent que l’on ne peut violer
les libertés arbitrairement : la mise en œuvre des
mécanismes techniques et opérationnels qui le permettraient est souvent lourde et complexe, voire
onéreuse. De plus, ils savent que la loi punit sévèrement les délits d’atteinte aux libertés individuelles
(5 ans de prison et 300 000 € d’amende) : le jeu n’en
vaut donc pas la chandelle.
Parallèlement, le risque de rejet par les usagers
des services dits « intelligents » a poussé les professionnels à réfléchir ensemble, au niveau de leurs
associations et syndicats, à des codes de déontologie ou de bonnes pratiques. Toute infraction exposerait ainsi le contrevenant à une mise au ban systématique.
22
Exemples : la Mobile Marketing Association France
qui regroupe des annonceurs, des agences, des
opérateurs de réseaux et des prestataires techniques, a élaboré, après une longue réflexion de ses
membres et une consultation de juristes spécialisés, puis publié, un code de déontologie et un guide
des bonnes pratiques du marketing mobile. L’Association Française des Correspondants aux Données
Personnelles (AFCDP) qui regroupe les correspondants informatique et libertés (CIL) de grandes entreprises et de PME spécialisées ainsi que des chercheurs et des juristes, a créé dès 2009 un groupe de
travail « géolocalisation et libertés ».
La morale, la loi,
la déontologie, le bon sens :
quels sont les derniers
gardiens de la raison ?
Les usages qui découlent des nouveaux vecteurs
de communication (navigateurs, smartphones, tablettes…) ont commencé à modifier la nature profonde de la communication entre les individus.
En général, les usages précèdent la loi. Par ailleurs,
la morale reste souvent silencieuse face aux pratiques récentes et innovantes. Ainsi c’est la déontologie professionnelle et personnelle qui s’adapte
le plus vite, par intérêt ou par prévention. Le droit
pourra s’en inspirer ensuite, ne serait-ce qu’à travers la jurisprudence. D’ailleurs, le droit latin peine
à définir à temps ce qui doit être interdit et évolue
vers un droit anglo-saxon qui se contente de punir
les dols manifestes.
Les pratiques et services
à craindre ou encourager
Désormais, la ville numérique fourmille de capteurs, de réseaux et d’interfaces de communication
interconnectés, fonctionnant aussi bien dans les bâtiments que dans le métro.
Les capteurs englobent les terminaux embarqués
ou portatifs qui mesurent la position, l’accélération,
les usages préférentiels et tout ce que l’on peut en
déduire par analyse logicielle… Ils incluent également les caméras de vidéosurveillance, et même
les capteurs environnementaux de tous types.
Par ailleurs, les réseaux de communication se
cumulent : GSM, Wi-Fi, et bientôt les liaisons
au standard Wave, qui permettront de multiples
échanges entre véhicules et infrastructures pour
faciliter la circulation, la sécurité, la transmission
de contenus et la gestion de multiples services. On
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 22
06/05/11 16:38
ALTRAN_KALISTE_CHAP2.indd 23
L’usager doit pouvoir comprendre et connaître l’utilisation qui est faite de ses données personnelles,
pour en garder le contrôle : donner et reprendre à
tout moment une autorisation de recueil d’information, de conservation et de traitement des données,
notamment pour faciliter le « droit à l’oubli ».
La CNIL, pour sa part, établit des principes et des
obligations parfois inutilement contraignants, audelà des usages acceptés. En conséquence, elle
perd bon nombre des recours en Conseil d’État, déposés par des entreprises avisées.
Il semblerait donc que les codes de déontologie,
les chartes et les labels d’organisations professionnelles constituent une force de régulation plus
réactive et plus adaptée, souvent préférable à la
promulgation de lois tardives et inapplicables. La
charte PermiLoc, par exemple, qui sera publiée en
2011, permettra à chacun de spécifier son consentement à être localisé : usage, durée, lieux, plages
horaires…
TRIBUNE LIBRE
peut en espérer le meilleur : amélioration de la sécurité routière, fluidité de la circulation (feux rouges
et guidage intelligent), optimisation du stationnement et mutualisation des moyens de transport,
péages virtuels circonstanciels, et pourquoi pas,
maîtrise de la pollution atmosphérique ou sonore.
Le covoiturage, les vélos ou autos en libre-service,
les taxis à la demande, l’optimisation des trajets en
transport collectif, entrent progressivement dans
notre réalité et font presque l’unanimité. Lorsque
les échanges de requêtes sont anonymes, personne
n’y voit malice puisqu’il ne s’agit que d’échanges
entre machines. Pourtant, nous avons des comptes,
des identifiants qui permettraient de reconstituer
une multitude de détails sur nos vies, nos habitudes, nos préférences, nos comportements… Mais
la géolocalisation, encore trop souvent utilisée pour
des applications simples ou futiles, pourrait devenir
« intelligente » et créer de la valeur en fournissant
des données utiles au bon moment, au bon endroit.
La publicité intrusive pourrait même se transformer
en information choisie et ciblée, inversant ainsi la
chaîne de valeur, en remettant l’individu au centre
de la technologie. Les modèles économiques évoluent également, avec une poussée des bouquets de
services et du financement par la publicité, qui perturbent la perception de vraie valeur. D’autant qu’il
n’existe pas encore d’évaluation objective des services basés sur la localisation, notamment en terme
de bénéfices réels pour les usagers.
Bien d’autres services seront progressivement
proposés au grand public : retrouver sa voiture
dans un parking souterrain, être prévenu quand
ses enfants sont (ou ne sont pas) rentrés de l’école
ou arrivés à la piscine, trouver ce qu’on cherche
dans un centre commercial ou retrouver quelqu’un
dans un lieu public…
Dans le domaine professionnel, les attraits de la ville
numérique intelligente sont considérables. Ainsi,
des programmes de recherche étudient la mutualisation du transport et de la distribution de marchandises en milieu urbain pour réduire les émissions
de CO2, grâce à l’optimisation du taux d’utilisation
des modes de transport (camionnettes, péniches,
tramways…) de jour comme de nuit, en fonction des
lieux de stockage, de transbordement, l’info-trafic,
la météo, l’offre et la demande… Ces projets ne sont
pas utopiques mais ils nécessitent des systèmes
et des logiciels interopérables très sophistiqués.
Ils doivent également être relayés par une volonté
politique appuyant la prise de conscience citoyenne
globale. Un dispositif d’incitations fiscales est probablement à envisager pour soutenir l’ensemble.
La géolocalisation des personnes, souvent considérée comme une épée de Damoclès, est devenue progressivement une brique contributive des services
urbains, aux enjeux multiples. Face aux dérives possibles, il y a un espace vierge que les européens et
les français pourraient combler en proposant des
solutions originales, performantes et rassurantes
quant au respect des libertés. Dans ce contexte de
prolifération des technologies, d’évolution des besoins, des usages, des politiques, des réglementations et alliances industrielles, il est plus que jamais
essentiel de développer une coopération accrue,
coordonnée et transparente, entre tous les acteurs
concernés de l’écosystème de la « ville connectée »,
y compris les PME innovantes et responsables.
06/05/11 16:38
L’Homme au cœur
de l’habitat
et du logement
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 24
06/05/11 17:41
Giovanni Ungaro
Chef de projet « Assistance à l’Autonomie »
Groupe Legrand
Au sein du Groupe Legrand, Giovanni Ungaro est aujourd’hui en charge du pilotage
du projet « Assistance à l’Autonomie », sous la responsabilité directe de la direction
générale du groupe.
Né en 1973, Giovanni Ungaro est titulaire d’un Doctorat de Recherche en
Télécommunications et diplômé de l’École supérieure des Télécommunications de Paris
(ParisTech) et de l’École Polytechnique de Turin (Italie). Il a démarré sa carrière dans
le monde des télécommunications chez France Telecom. Pendant deux ans, il a été
responsable du pôle télécommunications au sein de l’UTE, bureau de normalisation
de l’AFNOR pour les affaires électrotechniques. Il a rejoint le groupe Legrand en 2005
en tant que responsable de la normalisation des installations électriques.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 25
25
06/05/11 17:41
La technologie
pour bien vieillir
Les jeunes générations sont pleinement accoutumées au paysage ultra-technologique actuel,
peuplé de connexions internet ultra rapides, tablettes en tout genre, équipements intelligents…
En revanche, le taux de pénétration de ces technologies auprès des personnes âgées est plutôt
faible : par exemple, seulement 22 % des plus de
70 ans sont équipés d’un ordinateur (source CREDOC « Conditions de vie et Aspirations des Français »). Dans le présent article, nous proposons
un bref tour d’horizon des besoins émergents, en
établissant la relation avec les différentes technologies qui sont susceptibles d’y répondre.
Contexte : les personnes âgées
et le handicap
Avec l’âge, nous sommes confrontés à une perte
progressive d’un certain nombre de facultés (auditive, motrice, mentale, sensibilité à la température, etc.). Compte-tenu de ce caractère progressif, une forme de compensation naturelle
s’active, réduisant l’impact des déficiences. Par
exemple, la perte progressive de l’audition engendre une compensation naturelle par d’autres
sens : automatiquement, le cerveau se met à interpréter un certain nombre de signaux, comme
les gestes, qui n’étaient pas pris en compte avec
la même acuité. Assurant un niveau cognitif équivalent, ce mécanisme s’opère sans que la personne soit toujours consciente de la déficience
de certaines de ses facultés. Ce cas de figure
est bien différent de celui d’une personne handicapée, dont le handicap serait apparu de façon
brutale et donc immédiatement ressentie. Cette
différence est de taille : sans prise de conscience
de ses propres déficiences, il est difficile pour un
individu d’accepter l’idée d’être aidé, même par
des technologies. C’est là que réside principalement la problématique liée à l’acceptation des
solutions.
26
On se doit alors de proposer une approche spécifique, qui peut être prescriptive, émanant de la
famille, ou reposant sur des solutions non-stigmatisantes, mais au contraire valorisantes. Par
exemple, proposer à une personne âgée un ordinateur avec des interfaces adaptées ne sera par
forcement la meilleure option. En revanche, proposer une tablette tactile, bien sûr adaptée, mais
proche de ce que sont les références du marché,
avec un design soigné et « tendance », permettra à
la personne d’être valorisée dans un contexte particulièrement technologique. Une expérimentation
a été menée dans le département de la Corrèze :
quelques dizaines de bénéficiaires de services de
téléassistance ont été équipés de tablettes tactiles
Visiovox, assurant aussi le service de visiophonie. À
la surprise générale, le produit a immédiatement
séduit la majorité des personnes participant au
test, avec un taux de rejet très faible et même un
engouement particulier pour le design et les interfaces logicielles « dans l’air du temps ».
«
Le succès
des solutions
de connectivité
simples montre
que le contact
et la sécurité
restent des
besoins importants.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 26
06/05/11 17:41
Quels besoins ?
Être ré-assuré : tel semble être le premier besoin
de nos aînés. Vivant souvent seuls, parfois isolés,
un peu coupés d’un monde qui va vite et dont ils
n’ont pas vraiment envie de comprendre les codes,
ils sont parfois victimes de peurs et de craintes visà-vis de leur entourage. Les technologies peuvent
leur apporter une partie de la solution. Le succès
des solutions de connectivité simples, comme la
téléassistance, montre que le contact, même à distance, et la sécurité restent des besoins importants.
C’est pourquoi, nous voyons se développer d’autres
solutions portant sur le logement, comme par
exemple l’automatisation des éclairages pendant
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 27
la nuit qui permettent une réduction du risque de
chute (jusqu’à -30 % dans certains cas !), tout en
procurant une vraie amélioration de la qualité de
vie. Lors d’une expérimentation dans le département de la Creuse, un système spécifique d’automatisme d’éclairage nocturne a été installé chez
10 personnes âgées et dans une maison de retraite.
Ce système, appelé « chemin lumineux », aide la
personne à se déplacer dès la descente du lit, avec
un éclairage tamisé et automatisé. Les détecteurs
de mouvement radio, installés sur le parcours
(chambre - couloir - WC), déclenchent les lumières
de façon temporisée pour qu’elles s’éteignent
quand la personne regagne son lit. Les médecins
on été surpris par la baisse du taux d’incidence des
06/05/11 17:41
«
états dépressifs. Cette baisse, conjuguée à la baisse
spectaculaire du taux de chute (divisé par deux en
maison de retraite), a conduit le Conseil Général
du département à déployer la solution sur plus de
2 200 logements. Cet exemple illustre parfaitement
l’impact d’un élément de sécurité, même « passif »
et qui ne nécessite pas d’interaction directe avec la
personne, sur l’amélioration du niveau de sécurité
ressenti. Ceci contribue donc à améliorer considérablement la qualité de vie de la personne.
Rester maître. Une des craintes viscérales de tout
un chacun est la perte d’autonomie : être dans l’incapacité d’effectuer seul les tâches de la vie courante,
ou ne plus comprendre et maîtriser ce qui se passe
autour de soi. La technologie peut là-aussi apporter
son lot de solutions intelligentes. Pour ce faire, il
est primordial que ces solutions soient « transparentes », avec une technologie qui s’efface au profit
de la fonction et du service rendu. Par exemple, un
système de gestion du chauffage ultra-simplifié et
automatisé, capable de s’autoréguler en fonction de
la température intérieure et extérieure, des heures
de la journée et de l’occupation des pièces, procure
un confort de vie supérieur. Ce type de solutions
permet de déployer une technologie complexe, en
ne rendant perceptible que le service rendu (confort
et économie d’énergie) pour lequel la personne n’a
plus qu’à indiquer si elle a « chaud » ou « froid ».
Il est également important de mentionner l’approche « design for all » (conception pour tous) qui
se généralise aux produits de la vie courante. On
est capable désormais de proposer des produits
et surtout des fonctions associant facilité d’usage
et perception esthétique non-stigmatisante. À titre
d’illustration, les interrupteurs électriques avec un
levier au lieu du classique bouton, permettent une
manipulation aisée par des personnes ayant des
problèmes d’arthrose au niveau des mains, tout en
se positionnant sur le marché des produits « vintage
» aujourd’hui à la mode.
28
On est capable
désormais de
proposer des
produits et surtout
des fonctions
associant facilité
d’usage et
perception
esthétique
non-stigmatisante.
Garder le contact. Peu familières avec les nouvelles
technologies de l’information, éloignées de leur entourage et de leur cercle d’amitié, les personnes
âgées se trouvent parfois dans une situation d’isolement social difficile à vivre : les aidants à domicile
font parfois office d’unique lien vers l’extérieur…
Dans ce contexte, les TICs ont un rôle primordial à
jouer. La mise à disposition de solutions communicantes adaptées (ex. tablettes de visiophonie) ont
démontré que si l’interface est bien adaptée, si le
contenu et les services proposés sont en adéquation avec la demande, elles sont utilisées avec enthousiasme. Elles permettent le renforcement des
liens quotidiens et familiers qui seraient difficiles à
maintenir autrement. À titre d’exemple, la société
Sirmad propose la solution Innovox, basée sur l’installation chez la personne âgée d’une tablette de visiophonie : la personne peut ainsi entrer en contact
visiophonique avec ses proches, ou bénéficier de la
visio-assistance, nettement plus conviviale que la
téléassistance. Mais le plus novateur, c’est l’offre
de service qui peut être potentiellement associée.
En particulier, la tablette devient un media central
de service, qui se substitue à l’ordinateur connecté
des familles.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 28
06/05/11 17:41
Quelles conditions pour réussir ?
Pour réussir, les solutions technologiques doivent
impérativement se positionner dans un nouvel écosystème. Dans le cas du marché des personnes
âgées, le client n’est généralement pas l’utilisateur
final, ni le prescripteur. Le client ou payeur peut être
un membre de l’entourage (ex. les enfants) ou un acteur public (ex. mairie via les CCAS). Par ailleurs, les
prescripteurs des solutions comprennent aussi bien
les professionnels de santé (médecins, infirmiers,
ergothérapeutes, etc.), que les divers intervenants
à domicile, dont les contacts quotidiens avec la personne âgée en font finalement les interlocuteurs
les plus écoutés. Tous ces éléments constituent un
nouvel écosystème qu’il est indispensable d’appréhender, avant de pouvoir élaborer un modèle économique viable. C’est dans la bonne compréhension
des composants et des articulations de cet écosystème que réside le défi auquel sont confrontés les
concepteurs et les vendeurs de solutions destinées
à faciliter le quotidien de nos aînés.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 29
29
06/05/11 17:41
Olivier Meulle
Chercheur
Laboratoire Handicom - Télécom SudParis
Olivier Meulle est titulaire d’un DEUST EMI* de l’université d’Orsay (Paris XI), il a intégré
l’équipe Handicom en 2004 dans le cadre des activités de recherche sur la « Maison
Intelligente et Handicap ». Il travaille sur l’intégration et l’interfaçage des services
existants de la Maison Intelligente par la mise en œuvre d’une passerelle domestique
basée sur une Home Gateway qui permet d’utiliser la télévision comme support
d’informations visuelles et auditives. Par ailleurs, il s’attache à développer de nouveaux
services multimédia pour l’habitat.
Chantal Vallet
Chercheur
Laboratoire Handicom - Télécom SudParis
Chantal Vallet est titulaire d’un DEA de l’université de Troyes et travaille plus
particulièrement sur les usages et évaluations des NTIC pour les personnes en situation
de dépendance afin de permettre la mise en place et la validation sur site de solutions
innovantes destinées à des personnes dépendantes, par l’intermédiaire de plateformes
technologiques, flexibles, évolutives et configurables.
Chantal Vallet et Olivier Meulle travaillent dans le laboratoire Handicom (HANDicap EngIneering &
COMmunication Lab.) qui est un laboratoire de recherche scientifique au sein de Télécom SudParis
de l’Institut Telecom). Les travaux du laboratoire portent sur l’interaction homme-machine et l’usage
des aides technologiques pour améliorer la qualité de vie des personnes dépendantes, essentiellement
les personnes handicapées et âgées.
* EMI = Electronique et Micro Informatique
30
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 30
06/05/11 17:41
TRIBUNE LIBRE
La ville
et la maison intelligentes
D
ans le monde, on estime aujourd’hui qu’il
y a environ 650 millions de personnes
souffrant d’une incapacité. Si l’on inclut
les membres de leurs familles, il y a approximativement 2 milliards de personnes directement touchées par le handicap, ce qui représente
presque un tiers de la population mondiale : une
personne sur dix souffre d’une infirmité physique,
mentale ou sensorielle1. Les aides techniques ou
humaines permettent de compenser leurs restrictions physiques ou fonctionnelles et d’améliorer de
manière significative leurs conditions de vie à domicile ou en institution, mais en dehors de ces lieux,
les aides technologiques n’existent pas.
Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) peuvent-elles « venir au secours » de
ces personnes, leur offrir une certaine capacité à
compenser leur handicap et in fine, améliorer leur
intégration sociale et économique ? Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’apport des
deux technologies prégnantes que sont Internet et
les Mobiles, omniprésentes dans la ville comme à la
maison et qui permettent de prolonger les services
d’assistance à la personne au-delà du domicile.
Qu’est-ce que le Handicap ?
Le handicap est une discordance entre les performances de l’individu, ses capacités, et les attentes
du milieu. On considère donc comme handicapées,
les personnes pour lesquelles, suite à une atteinte
de leurs fonctions physiques, psychiques ou intellectuelles, les activités quotidiennes et/ou la participation à la vie sociale sont rendues difficiles voire
impossibles. La notion de handicap ne concerne
donc pas seulement l’individu, mais la société entière.
Philip Wood introduit, en 1980, une clarification
conceptuelle dans la définition du handicap à l’initiative de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Ses travaux constituent le fondement de la Classification Internationale des Handicaps (CIH), adoptée
par la France en 1988 comme référence des nomenclatures statistiques sur le handicap. Toutefois,
en mai 2000, cette classification est remplacée par
une nouvelle classification (CIF), fondée sur une
approche fonctionnelle du handicap qui prend en
compte les facteurs socio – environnementaux. Dès
lors, l’environnement est considéré comme source
de situations handicapantes.
Le terme de handicap est défini selon trois dimensions2 :
- la déficience qui est une perte de substance ou altération d’une structure ou fonction (psychologique,
physiologique ou anatomique) ; elle correspond, par
exemple, à une amputation, une lésion de la moelle
ou à la dégénérescence d’un nerf, et/ou au déficit
en résultant (paraplégie, ankylose, aphasie, surdité,
incontinence urinaire, etc.).
- l’incapacité correspond à toute réduction (partielle
ou totale) de la capacité d’accomplir une activité
d’une façon normale ou dans les limites considérées comme normales. C’est par exemple, l’incapacité de marcher, de s’accroupir, de fermer le poing,
mais aussi en « situation » pour exécuter une action
comme se lever, se laver, s’habiller, communiquer,
mémoriser, réfléchir, etc.
- les désavantages ou handicaps (conséquence des
déficiences ou des incapacités) représentent une
1 Source : http://www.un.org
2 Source : DREES N° 417, juillet 2005 ; Les déficiences motrices
d’origine accidentelle ; Vanessa Bellamy et Christine de Peretti,
ÉTÉ 2011 : KALISTÉ
31
Schéma conceptuel de Wood (1980) : Classification Internationale des Handicaps (CIH)
limitation ou une interdiction d’accomplissement
d’un rôle social normal (en rapport avec l’âge, le
sexe, les facteurs sociaux et culturels) : faire des
études, occuper un emploi, avoir des loisirs, etc.
Concrètement, les déficiences concernent une ou
plusieurs fonctions et sont donc classées en déficiences intellectuelles, déficiences psychiques, déficiences motrices, déficiences visuelles, déficiences
auditives, déficiences viscérales et générales.
La maison intelligente
« au secours » des personnes
handicapées ?
On estime que 52 % des personnes handicapées ont
un niveau de formation faible et que leur taux de
chômage est deux fois plus élevé que la moyenne
nationale1. L’apport de l’Internet et des terminaux
mobiles, en termes de formation et de travail, pourrait certainement contribuer à faire diminuer ces
chiffres. Cependant, il faut être conscient que ces
personnes n’ont pas toujours les compétences voulues pour les utiliser ou pour suivre leur évolution,
mais des études sont en cours sur l’importance des
TIC en tant que facteurs d’égalisation des capacités2.
Source image : Universal design for the home: great looking,
great living design for all. Par Wendy A. Jordan
32
Le premier problème à résoudre pour les personnes handicapées est celui de l’accessibilité à un équipement ou à une
station de travail en entreprise,
voire même au télétravail.
Le cyber travail semble une solution intéressante
de travail à domicile pour les personnes handicapées, mais il entraîne de nombreuses contraintes : le
temps de travail n’est pas ou peu défini, il s’effectue
davantage à la tâche (ce qui peut poser des difficultés
d’estimation du temps passé effectivement sur une
réalisation), il imbrique vie privée et vie professionnelle et surtout il ne rompt pas l’isolement « social »
de la personne handicapée. De nombreuses actions
gouvernementales ou associatives (UIT, Unesco etc.)
tentent de promouvoir de nouvelles méthodes d’organisation du travail et de l’activité économique, de favoriser le télétravail pour permettre à tous les citoyens
de travailler partout dans le monde sans quitter leur
communauté et pour ouvrir aux personnes handicapées de nouveaux débouchés professionnels. Depuis
le 1er janvier 2006, date de son entrée en application en
France, la loi handicap donne un nouvel élan à l’emploi
des personnes handicapées : quelques entreprises et
sites de recrutement3 proposent des emplois, mais les
initiatives sont encore trop rares.
Le handicap et/ou la vieillesse ne doivent pas
constituer des freins au maintien à domicile. De
nombreuses solutions existent à ce jour en matière
d’aménagement et de nombreux travaux de recherche sont en cours avec le concept de « Design
for All » qui est une « philosophie » se basant sur les
différences individuelles et impliquant la réalisation
d’un environnement, de produits et de services accessibles et utilisables par tous. Ainsi l’habitat pour
tous pourrait ressembler au modèle présenté cicontre.
1 Le taux de chômage des travailleurs handicapés [1] s’élève à
17 % contre 8 % en moyenne pour l’ensemble de la population
en âge de travailler (15-64 ans), source : http://www.inegalites.fr
2 Exemple : http://www.idrc.ca
3 Exemple : http://www.cadremploi.fr
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 32
06/05/11 17:41
TRIBUNE LIBRE
Le contrôle de l’environnement dans l’habitat a
pour but premier de permettre à une personne
handicapée moteur de passer outre les différentes
barrières l’empêchant de communiquer avec son
entourage. Cette thématique a fait l’objet de nombreux travaux de recherche ; ainsi une entreprise japonaise (SGI Japon) a construit un habitat intelligent
et réalisé un concept de chambre originale baptisé
« RoomRender »1 (avec les travaux de GS Yuasa et
de l’Université de Tokyo), assurant le contrôle de
tous les appareils électroniques de la maison en
réagissant non seulement à la voix de l’utilisateur,
mais également à l’émotion contenue dans la voix.
La pièce inclut ainsi un mur pouvant prendre diverses couleurs en fonction de l’humeur des habitants et possède également un diffuseur d’odeurs
s’adaptant au « climat mental » ressenti… Cet
environnement se base sur un moteur de reconnaissance d’émotion (Technologie de sensibilité
et de l’émotion) utilisant une nouvelle technologie
logicielle (AGI) permettant de reconnaître et de répondre aux émotions humaines « ressenties » : joie,
calme, colère, excitation.
Mais le coût élevé de cette pièce (entre 30 et
40 000 €) ne permet, pour l’instant, que de l’envisager dans des lieux spécifiques : salles de réunion
d’entreprises, hôtels ou hôpitaux.
La ville du futur
La « ville accessible à tous » est un des enjeux de
la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées » du 11 février 2005 qui fait référence à des
formes de handicap peu ou pas prises en compte
dans les lois précédentes (en particulier les handicaps visuels, auditifs, psychiques et cognitifs). Divers travaux de réflexion et de recherches sont engagés depuis de nombreuses années. Ainsi la ville
Vill’Âge,
l’habitat intelligent.
RoomRender
de Rennes a été l’une des premières à proposer des
services pour tous : le système de calcul d’itinéraire
permet d’optimiser un itinéraire selon certains critères et paramètres identifiés : trottoir surbaissé,
matériel urbain, végétation, etc. Mais l’engagement
des acteurs économiques et des différents décideurs semble limiter aujourd’hui le développement
efficace des différentes problématiques de l’accessibilité sur le territoire.
De son côté l’association MEDeTIC a lancé en 2006
son projet « Vill’Âge »2, dans le cadre d’un projet européen ITEA-Nuadu, consistant à mettre en place,
au cœur d’une commune, une résidence pour des
personnes âgées encore autonomes. L’objectif est
de favoriser et de maintenir leur autonomie et leur
intégration. Des « maîtresses de maison » seront à
disposition des habitants pour assurer l’animation
et une assistance d’urgence ; les logements seront
équipés de capteurs médicaux permettant de transmettre à distance des paramètres de santé (tension,
poids, glycémie, fréquence cardiaque, etc.).
1 Source : http://www.internetactu.net/?p=6704
2 Source :
http://www.altivis.fr/Un-premier-Vill-age-pour-personnes.html
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 33
33
06/05/11 17:41
de handicap et développent des services accessibles
depuis divers environnements : domicile, hôpital,
gare, parking, institution, centre commercial, etc.
Le nouveau robot Rovio
Les habitants, surtout
les malades chroniques,
seront ainsi en permanence
sous surveillance médicale. Un fauteuil « intelligent », dont les accoudoirs transmettent des dizaines de données médicales, pourrait compléter le
dispositif (brevet déposé).
Des projets de recherche comme EVIDENT1 (Espace
de Vie Intelligent pour les personnes DépENndanTes)
ont opté pour une approche non pharmacologique
et orientée sur l’amélioration de la qualité de vie
dans son environnement naturel : d’abord l’habitat
puis la rue. Dans ce projet on parle de l’existant afin
de prolonger d’abord l’autonomie des personnes
chez elles, ce qui semble être la seule solution sociétale acceptable et économiquement viable. À cet
égard, nous pouvons mentionner une étude menée
aux États-Unis, qui a permis de quantifier l’impact
économique du maintien à domicile des personnes
atteintes de troubles cognitifs, en retardant de 2 ans
leur mise en institution : à l’échelle du pays, cela
représente une économie de plus de 2 milliards de
dollars chaque année. Ainsi certains aménageurs
urbains commencent à prendre en compte l’accessibilité extérieure pour les personnes en situation
1 http://www.psevs.eu/index.php?option=com_
k2&view=item&id=33:evident-espace-de-vie-intelligent-pourles-personnes-d%C3%A9pendantes-interview-de-mounirmokhtari&Itemid=37
La robotique joue un rôle très innovant (grâce à
l’industrie des jouets !) et de nouveaux robots sont
apparus tel « Wow Wee Rovio4 » et « Spykee ». Ils
assurent à la fois la surveillance ou une nouvelle
forme de réseau social.
En effet ces robots de télésurveillance et de « téléprésence » peuvent être contrôlés à partir d’un point
quelconque du monde grâce à la technologie Wi-Fi.
Leurs fonctions permettent de surveiller sa maison,
son bureau, ou tout autre endroit et lorsqu’un mouvement est détecté, ils déclenchent une alarme ou
envoient la photo par email.
Ils permettent également de dialoguer en direct
avec des proches ou des amis. Ainsi, il est possible de voir et d’entendre ces derniers comme s’ils
étaient présents (hauts parleurs et au micro intégrés). Et en cas d’impossibilité de déplacement, on
envoie son clone robotique à sa place !
Ces premiers robots Wi-Fi permettent également la
téléphonie sur IP, la prise de photos et l’enregistrement ou la lecture de vidéos MP3.
De plus ils sont équipés d’un système d’auto-rechargement quand la batterie est faible, le robot
sans fil retourne seul sur sa base de rechargement !
En ce qui concerne la téléphonie mobile, les constructeurs et les opérateurs s’engagent petit à petit à rendre
accessibles leurs terminaux et services. Créée en
2002, l’AFOM (Association Française des Opérateurs
Mobiles) s’est engagée en 2005, avec les opérateurs
de téléphonie mobile et le Secrétariat d’État aux Personnes Handicapées, à rendre le téléphone mobile accessible au plus grand nombre à travers une « Charte
d’engagements pour faciliter l’accès des personnes
handicapées à la téléphonie mobile ».
Logos des services adaptés à certains handicaps (source : http://www.afom.fr)
34
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 34
06/05/11 17:41
TRIBUNE LIBRE
Ainsi chaque opérateur sélectionne et développe
dans sa gamme des produits destinés à favoriser
l’autonomie des personnes handicapées. Des pictogrammes identifient les spécificités de chaque produit pour les utilisateurs potentiels et leurs proches,
selon trois niveaux de critères : critères primordiaux,
critères de confort et critères d’évolution.
Les principales fonctions offertes aux personnes
handicapées sont les suivantes : vibreur, WAP, écriture intuitive de SMS, identification de l’appelant par
sa photo, compatibilité avec un appareil auditif, appareil photo intégré, caméra vidéo intégrée, synchronisation avec l’ordinateur, compatibilité BluetoothTM,
kit piéton stéréo, reconnaissance vocale, main libre,
touches programmables, SMS pré-enregistrés.
Certains opérateurs proposent des services particuliers, comme le service Motamo1 destiné à des
personnes déficientes de l’ouïe et de la parole, permettant différents types d’échanges multimédias,
(SMS, MMS, Voix/Visio), ainsi qu’un système de MMS
en langue des signes.
D’autres opérateurs ont lancé gratuitement un
logiciel baptisé « Mobile Speak » (SFR, Bouygues
Télécom en partenariat avec Handicapzéro2) garantissant l’accès à toutes les fonctions du téléphone
mobile d’aujourd’hui. Les menus et fonctions du
téléphone sont restitués en mode vocal : du répertoire, en passant par les textos et jusqu’à l’accès à
l’internet ; la synthèse vocale, de très bonne qualité,
est développée par le groupe Acapela. Malheureusement, « Mobile Speak » n’est
compatible qu’avec certains
mobiles…
Malgré toutes ces avancées, il semble qu’il reste
encore beaucoup à faire : Les associations sont
satisfaites, précise-t-on à la DIPH3. Mais nous demandons à ce que cela continue, car s’il y a des
évolutions technologiques, il n’y a par exemple pas
d’appareil ni de logiciel pour le handicap mental. Ce
dernier recouvre en effet une très grande diversité
de cas et peut toucher aussi bien des personnes valides que totalement dépendantes. La situation est
donc plus difficile à appréhender.
Au travers de ces quelques exemples, il apparaît
que les TICs constituent une véritable opportunité
d’accès à l’information, à la culture, aux différents
services publics, voire même un moyen d’expression et de visibilité pour les personnes handicapées.
Malgré les progrès déjà réalisés, l’accessibilité et la
formation à ces technologies restent des enjeux majeurs pour favoriser davantage l’intégration socioprofessionnelle des personnes handicapées. La prise
de conscience est collective, au travers de diverses
manifestations, comme la Journée internationale
des personnes handicapées qui s’est déroulée le
3 décembre 2010 sur le thème « Tenir la promesse,
intégrer la dimension du handicap dans les objectifs
du Millénaire ».
1 Source : http://mobile-shop.orange.fr/images/contrats/
contrat995.pdf
2 Source : http://www.handicapzero.org/
3 Délégation Interministérielle aux Personnes Handicapées
Le robot Spykee
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 35
35
06/05/11 17:41
Hossam Afifi
Enseignant - chercheur
Télécom SudParis
Hossam Afifi est Docteur de l’Université de Nice Sophia Antipolis et auteur d’une thèse
à l’INRIA. Il travaille sur les problèmes de sécurité des réseaux sans fil et sur les
modèles de mobilité des réseaux véhiculaires. Il a effectué un postdoc à Washington
University St. Louis. Après l’obtention de l’habilitation à diriger la recherche de Rennes,
il a profité d’un séjour sabbatique au sein de Nokia Research Labs, Mountain View Cal.
USA pour étudier l’extension d’IPv6 et de la sécurité dans les réseaux cellulaires.
Il est actuellement professeur à Télécom SudParis et encadre des doctorants sur les
thèmes mentionnés.
Vincent Gauthier
Docteur et maître de conférences
Télécom SudParis
Vincent Gauthier est Docteur de l’Université Paris VI. Suite à des travaux sur les outils
d’évaluation et de simulation des réseaux sans fil. Il a également participé à la création
du nouveau simulateur opensource NS3. Enfin, il a travaillé deux ans au sein du NIST
à l’occasion de son postdoc aux États-Unis.
Cette période lui a permis de travailler sur les Smart Grid et plus précisément, sur les
aspects télécom de ce domaine très complexe.
Il est actuellement maître de conférences à Télécom SudParis et encadre plusieurs
doctorants sur des thèmes variés autour des réseaux sans fil.
Marc Girod Genet
Docteur
Télécom SudParis
Marc Girod Genet est Docteur de l’Université de Versailles. Suite à des travaux sur
les outils d’apprentissage et d’intelligence artificielle pour le dimensionnement
des réseaux d’opérateurs. Marc a participé à de nombreux projets de recherche
Européens dans le domaine des réseaux personnels, des capteurs et de l’internet
du futur. Il s’intéresse, par ailleurs, aux aspects d’intelligence artificielle du Smart Grid
et encadre de nombreux doctorants dans ces domaines.
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 36
06/05/11 17:41
TRIBUNE LIBRE
Smart Grid,
réseau intelligent
Vers l’automatisation
de la gestion de l’électricité
Réseau d’information
pour la toile d’energie
Le domaine Smart Grid – ou Grille Intelligente –
concerne la consommation et la production de
l’électricité. Il implique le consommateur, le producteur et l’opérateur. Grâce à lui, le consommateur a accès à des plages dynamiques de tarification, ouvrant la possibilité de consommer à des
moments opportuns. Le producteur d’énergie peut
être un petit producteur, un producteur d’énergie
renouvelable ou un acteur classique du domaine. Il
participe aussi par l’application de grilles tarifaires
dynamiques motivant les autres parties à consommer l’énergie lorsqu’elle n’est pas en période de
pointe. L’opérateur, quant à lui, fait la liaison entre
les deux : il participe aux politiques de prix et gère
la distribution de l’énergie et des revenus.
Réseau de
communications
Système
de tarification
dynamique
Prédiction
distribuée
Unité de contrôle et gestion des flux éléctriques.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 37
37
06/05/11 17:41
Position dans le Grenelle
de l’Environnement
Ce thème prend de l’importance pour plusieurs raisons. D’abord, il aide à dérèglementer le marché
de l’électricité. Ensuite, il s’intègre parfaitement
dans un contexte de fermes solaires, de champs
d’éoliennes, etc. La particularité de ces nouvelles
sources est leur manque de régularité. Généralement, les éoliennes et les panneaux vont générer de
l’énergie dans la journée, période de faible consommation. Or il faut rappeler que l’électricité se stocke
difficilement : une politique tarifaire intéressante
pourrait inciter le consommateur à consommer
dans ces heures creuses.
Il en va de même pour les nouvelles applications
écologiques. Les véhicules électriques pourraient
constituer 10 % du parc automobile dans une décennie. La recharge du véhicule peut se faire à
tout moment. On peut donc choisir de charger
sa batterie lorsque le tarif est le plus compétitif. On peut même imaginer décharger le véhicule
lorsque la charge n’est pas nécessaire, contre rémunération.
Acquis et état de l’art
L’axe de recherche Smart Grid est né aux ÉtatsUnis, en réponse au manque de régulation et de
coordination entre états, mais également pour pallier les pannes à grande échelle qui frappent certains états en période de grand froid.
En France, l’intérêt de cette nouvelle perspective
est davantage lié à la volonté de disposer d’un réseau optimisé dans un contexte en pleine évolution :
l’arrivée des énergies renouvelables, les véhicules
électriques à recharge libre et la dérèglementation
de la distribution d’électricité.
État des standards
Plusieurs organismes s’attellent à la normalisation du système. Par ailleurs, quelques initiatives
privées commencent à apparaître et notamment
le Google Power Metering. Nous pouvons noter à
l’IEEE, les standards suivants :
• IEEE Standards pour les réseaux de communications ;
• IEEE P2030 (OpenSG initiative) dont le rôle est de
standardiser les interfaces réseaux/logiciels pour le
Smart Grid ;
• IEEE Standards pour les réseaux accès sans fil
pour le SG ;
• IEEE 802.11af dont le rôle est de proposer des
bandes de fréquence basse UHF/VHF, Multicanaux ;
• EEE 802.15.4g/e dont le rôle est de travailler sur
des nouvelles modulations, Spread Spectrum, plus
de bandes de fréquences disponibles ;
• IEEE Standards pour les réseaux ad hoc pour le
SG (qui est un groupe en formation).
Comme le montre la figure, le Smart Grid se fonde
sur plusieurs axes :
• Un système d’information standard ;
• Un réseau de communications ;
• Des systèmes distribués de prédiction ;
• Une théorie du jeu pour trouver le bon tarif au bon
moment.
38
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 38
Architecture globale Smart Grid, incluant la distribution et
la production d’énergie dans les environnements résidentiels.
06/05/11 17:41
TRIBUNE LIBRE
Les travaux de Télécom SudParis :
les réseaux, la prédiction et
la théorie du jeu
Nos contributions viennent compléter l’initiative de
la Grille Intelligente en fournissant un outil qui permet d’évaluer les normes de communication sans
fil utilisées pour déterminer les caractéristiques
des technologies. Le modèle mis au point fait une
analyse de la norme IEEE 802.15.4, de son canal PHY
et de sa couche MAC. Notre outil permet d’étudier le
passage à l’échelle de communications massives et
répond donc aux exigences de la Grille Intelligente.
L’objectif que nous nous sommes donné et que
nous avons réalisé est de combiner deux modèles
pertinents :
• Un modèle PHY qui outrepasse la simulation simpliste classique en forme de disque et qui prend en
considération les zones dites de transition ;
• Un modèle qui reproduit la couche MAC à base
d’une chaîne de Markov.
Le modèle que nous avons obtenu nous permet
d’établir les interactions entre la PHY et les couches
MAC et de fournir quelques améliorations, en particulier pour le modèle MAC utilisé, afin d’obtenir des
résultats plus précis. Notre modèle est disponible
sur le SGIP NIST Smart Grid Collaboration Site.
Dans les nouvelles grilles électriques et leurs réseaux de communications, de nombreuses tâches
doivent être automatisées et distribuées parmi les
entités constituant le réseau et la grille. Ces tâches,
telles que le monitorage, la maintenance, la gestion
ou le routage, devront mettre en œuvre des nouvelles techniques s’apparentant notamment à des
agents intelligents distribués.
Nos travaux concernent :
• L’apprentissage, la modélisation et la prédiction
du comportement de n’importe quel objet de la
Grille Intelligente (données, entités, environnement,
contexte, processus, utilisateur final…) ;
• L’identification des états et des statuts et la
connaissance nécessaire à une prise de décision
améliorée au sein des unités de contrôle distribuées de la « Grille Intelligente » (ceci étant rendu
possible grâce aux techniques d’apprentissage, de
modélisation et de prédiction) ;
• Enfin, l’application de ces décisions dans les entités distribuées de contrôle et de gestion de l’énergie et de la « Grille Intelligente ».
L’apprentissage implique la mise à disposition de
deux principaux types d’informations côté client :
sa propre consommation, les durées de vie de ses
recharges, sa production d’énergie renouvelable et
aussi les données de l’opérateur.
Le réseau « opérateur » mesure instantanément
la consommation et la prédiction de ses clients,
ainsi que celle de son infrastructure. Il dispose
aussi d’indications sur la quantité d’énergie renouvelable disponible. Il combine ces informations pour mettre une grille tarifaire en ligne.
Les calculs nécessaires à cette opération sont
complexes mais leur mise en œuvre est cependant possible en exploitation. Il faut aussi
prendre en compte une multitude de données, y
compris la météo, la demande d’états voisins et
leurs tarifs, etc.
Schéma de prédiction.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP3.indd 39
39
06/05/11 17:41
Les transports
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 40
et leurs écosystèmes
06/05/11 17:59
Aurélien Clerc
Consultant
Pr[í]me
Ingénieur diplômé de l’ENSAM et de l’Université de Karlsruhe (Allemagne), Aurélien Clerc
est un spécialiste de la conception de produit et de l’innovation.
Il réalise le design, le style, l’illustration de concepts, la conception de produits innovants
dans le cadre de projets dans l’automobile, l’aéronautique, le luxe, la bagagerie, le BTP.
Il est spécialisé dans le développement technique des solutions, de la modélisation
tridimensionnelle au suivi du prototypage.
Il participe depuis 2005 à l’élaboration de Kalisté en réalisant les illustrations des concepts
produits et services.
Laurie de L’Éprevier
Consultante
Pr[í]me
Titulaire d’un Master de Design d’Interaction et Sciences Cognitives et d’un diplôme
d’ingénieur en Mécanique, option Design Industriel de l’UTC (Compiègne), Laurie de
L’Éprevier a rejoint le pôle design de Pr[í]me pour y apporter sa compétence de designer
centré utilisateur. Passionnée par la relation entre l’Homme et la technique, cette dernière
a un parcours qui lui permet de mieux comprendre ce qui définit les interactions entre
l’Homme et son environnement.
Avant d’œuvrer chez Pr[í]me, elle a étudié également le design italien et européen à Turin.
Olivier Picard
Partner
Pr[í]me
Olivier Picard est diplômé du Strate Collège en design industriel et de Créa Université en créativité.
Il est également titulaire d’un diplôme d’ingénieur en conception de produits. Cette double
compétence lui confère une double culture. Il a développé une forte expertise dans le domaine
de la créativité, de l’innovation, de la conception de produits et du design, dans des secteurs aussi
variés que la mobilité, l’automobile, le médical, les produits industriels, ou le luxe.
Quatre produits sur lesquels il a travaillé ont été mis sur le marché pour des typologies de clients
aussi varieés qu’une start-up (DBV Technologies), une PME innovante (Touax), une association
caritative (Fédération Française des Banques Alimentaires) et un grand groupe international
(Essilor). Ces projets ont été récompensés dans le cadre de quatre concours de design.
Il a également participé à des projets comme Just 2, présenté au Mondial de l’automobile 2010
ou encore I Modal, labellisé par les pôles de compétitivité Moveo et Advancity.
Il intervient à l’Institut Supérieur d’Optique et à l’UTBM dans le cadre de formations au design et à
la créativité. Il est membre du jury du Master de design industriel du Strate Collège Designers.
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 41
06/05/11 17:59
La mobilité
connectée
dans la ville
Imaginer et concevoir de nouveaux systèmes connectés de mobilité,
centrés sur les attentes actuelles et futures des utilisateurs.
Le défi et les perspectives
de solutions
Aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale vit dans des villes, et cette proportion est en
constante augmentation. Dans les pays développés,
cette urbanisation déjà largement avancée tend à se
stabiliser en comparaison avec les pays émergents
qui voient l’apparition de nombreuses mégapoles.
Les défis associés à ces évolutions sont considérables,
notamment en matière d’environnement, de sécurité,
d’activités économiques et bien sûr de transports.
Pour y répondre tout en améliorant la qualité de vie
des habitants, la ville telle que nous la connaissons
aujourd’hui va connaître de profonds changements.
«
Les TICs permettent
de collecter
et de transférer
les informations
en temps réel
entre les outils,
l’infrastructure
et l’utilisateur.
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 42
Aujourd’hui, l’automobile demeure le vecteur principal de mobilité individuelle. Le taux de possession est élevé dans les pays développés et en très
forte croissance dans les pays émergents. Cependant, dans un grand nombre de pays européens,
dont la France, la circulation automobile stagne
depuis plus de 6 ans. Cela s’explique en partie par
les hausses du prix des carburants, mais aussi
par l’évolution des valeurs culturelles des jeunes
générations pour lesquelles la relation à la voiture change : on passe de la « voiture plaisir »
à la « voiture outil » et les parts de budgets qui lui
sont consacrés baissent, la possession même du
véhicule n’étant plus un pré-requis .
Comme le souligne le rapport de la mission
« nouvelles mobilités », il ne faut pas attendre
de modifications rapides de l’usage de l’automobile compte tenu de fortes inerties dans les évolutions économiques, sociales et territoriales. Il
n’y aura pas de solution rapide liée au report du
trafic automobile vers les modes de transport
collectif, ni par les nouvelles technologies de
motorisation et d’énergie, ni par la concentration
de l’habitat dans des zones à forte densité.
Il est admis qu’une des solutions aux défis posés
par l’urbanisation passe par un changement des
habitudes et du comportement. Cependant, l’usage
des nouvelles formes de mobilité ne se développera que si les nouveaux systèmes de mobilité
répondent à trois attentes fortes des personnes :
l’accessibilité, le service « porte à porte » et la liberté de choix.
06/05/11 17:59
La connectivité,
facteur de
solution
Schématiquement, la mobilité se
fonde sur deux composantes : les
vecteurs de mobilité et les infrastructures. Pour assurer les déplacements des hommes et des
biens, nous utilisons, en effet des
outils dédiés. Les vecteurs traditionnels comprennent l’automobile, le vélo, les poids lourds,
le train, l’avion, l’autobus… Ils
peuvent être soit privés, soit partagés. Les infrastructures quant
à elles, permettent d’assurer
et de faciliter la circulation des
vecteurs et de leurs occupants :
il s’agit des routes, du mobilier
urbain, des gares, des aéroports,
des parkings…
L’arrivée des TICs apporte une
nouvelle composante à la mobilité – la connectivité,
qui résulte de la convergence des flux d’information
avec les flux physiques. Grâce à la multiplication des
terminaux en mobilité (pads, smartphones..), nous
avons accès en permanence aux données de mobilité et à leurs services associés, tels que la géolocalisation, l’info trafic, les services de total journey
planning, le covoiturage dynamique, les services et
les informations d’inter-modalité…
Jusqu’à présent, les différentes composantes de
la mobilité n’étaient qu’insuffisamment corrélées :
l’évolution des infrastructures était traitée de manière plus ou moins indépendante des vecteurs, en
raison notamment de cycles de vie très différents.
La mobilité connectée change la donne, rendant
le sujet plus complexe, porteur de nouvelles expériences pour l’utilisateur et de gisements de valeur
diversifiés. Les TICs permettent de collecter et de
transférer les informations en temps réel entre les
outils, l’infrastructure et l’utilisateur. La disponibilité de cette information permet une meilleure organisation et régulation des réseaux par les organisations responsables de l’infrastructure, ainsi qu’une
meilleure visibilité pour l’utilisateur. Plusieurs
exemples de travaux sur la normalisation de l’information multimodale en temps réel, illustrent la volonté de mettre à disposition de nouvelles solutions
de mobilité (par exemple le programme CHOUET
qui vise à définir une norme de donnée de transport
universelle).
L’innovation dans le domaine de la mobilité
découle de la mixité vecteur/infrastructure/information. Les différents acteurs de la mobilité sont
donc contraints de décloisonner leurs activités.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 43
43
06/05/11 17:59
Les vecteurs de mobilité deviennent des supports
d’information, voire se substituent à des éléments
d’infrastructure. L’infrastructure offre des services
et de l’information à l’usager, interagit directement
avec les véhicules. Les informations deviennent disponibles en temps réel pour l’utilisateur, grâce aux
terminaux mobiles et aux plateformes de services
qui permettent l’optimisation des déplacements.
L’augmentation du nombre et de la durée des trajets domicile-travail illustre bien la place centrale
de la mobilité au quotidien : nul besoin de décrire
l’impact des grèves des secteurs publics ou du prix
des carburants ! Cependant, la multiplication des
modes de transports et la superposition de leurs
différents réseaux, ne favorise pas toujours une
lecture aisée pour l’usager qui veut entreprendre
un déplacement. Lors de la planification du trajet,
il faut composer avec des modes de transport dont
le séquencement peut être incompatible et qui ne
disposent pas de la visibilité suffisante, en temps
réel, pour effectuer un choix pertinent (pannes,
retards, engorgements…). De nouveaux services
visent à créer les passerelles nécessaires entre
les différents modes de transport, et les systèmes
d’information afférents, afin de faciliter la planification « sans coutures » des trajets. Par ailleurs,
les modes de déplacement eux-mêmes peuvent
être repensés en faveur d’une mobilité plus durable et plus sécurisée, via notamment l’utilisation
de l’intermodalité (plusieurs modes de transport
au cours d’un même déplacement) et la virtualisation de la mobilité.
Just 2
De vraies solutions d’auto-mobilité apparaissent,
bousculant ainsi l’approche conventionnelle de l’automobile : covoiturage et autopartage deviennent
des leviers pour rationaliser les parcs et modifier
les usages.
L’automobile doit prendre en compte ces changements. C’est pourquoi, Altran Pr[í]me a imaginé
un concept de véhicule autour du covoiturage dynamique qui intègre ce service comme axe de réflexion systémique, au niveau du service associé,
des systèmes embarqués, de l’architecture véhicule
ou du groupe motopropulseur.
Just 2 est un véhicule connecté sur les réseaux
sociaux pour permettre le covoiturage dynamique.
Ainsi, les personnes qui se situent sur le parcours
du véhicule peuvent en temps réel proposer au
conducteur de les prendre au passage et de partager tout ou partie du trajet. Les piétons peuvent
visualiser les véhicules disponibles pour le covoiturage en réalité augmentée. L’architecture du véhicule, trois places en diagonales, est pensée pour le
covoiturage. La place du conducteur est privative et
les deux autres places sont partageables. Du côté
conducteur, une zone bagages privée est prévue et
peut-être sécurisée en cas de besoin. Toujours pour
Grâce à cette virtualisation de la mobilité, l’expérience utilisateur évolue, afin d’optimiser, d’enrichir
et d’améliorer la qualité du déplacement. La lisibilité, l’intégration d’informations en temps réel, la
connexion avec des services ou d’autres utilisateurs
peut transformer la perception du trajet par l’usager. Ainsi, le transport est rendu plus agréable. La
valeur créée pour l’usager ne se mesure plus seulement en coût et en vitesse, mais aussi en terme de
qualité d’expérience : grâce à la connectivité, l’usager pourrait choisir délibérément de mettre 10 minutes de plus pour atteindre une destination, si ce
trajet lui permet par exemple de voyager assis ou en
compagnie d’un ami ou de consommer un service
(téléchargement de contenu, pause par un centre
de loisirs…).
Deux exemples de solutions illustrant la mixité
vecteur/infrastructure/information
44
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 44
06/05/11 17:59
faciliter le partage du véhicule, les ouvrants sont
asymétriques : double porte sans pied au milieu
côté conducteur et grande porte coulissante côté
passager. La connectivité de Just 2 permet également une maintenance préventive.
I Modal :
approche par territoire
L’arrivée des TICs dans les circuits traditionnels de
circulation de l’information trafic et réseaux de déplacement, a dépossédé les Autorités Organisatrices
des Transports (AOT) de leur monopole de l’information sur les déplacements. Il apparaît important de
redonner de la visibilité aux AOTs en leur fournissant
un outil qui leur permettra de piloter les réseaux
multimodaux dont elles ont la responsabilité.
I Modal fait l’objet d’un projet collaboratif initié par
Altran, impliquant 7 partenaires et labellisé par le
pôle de compétitivité Advancity. I Modal est une plateforme logicielle interopérable qui récolte l’information de tous les modes de transport et l’agrège
pour alimenter :
1 un module d’aide au pilotage des transports destiné aux AOT ;
2 un module de composition de trajets multimodaux
pour l’utilisateur final. Ce système sera embarqué
sur mobile et combiné à des tags.
Les aspects particulièrement novateurs résident
dans une démarche systémique d’optimisation
des transports, une facilitation du changement de
mode, une prise en compte de la navigation piéton
(Guidage indoor [codes barres 2D et NFC]), une prise
en compte des réseaux sociaux.
Le but est d’expérimenter I Modal sur la zone du
plan Campus sur le plateau de Saclay, en partenariat avec la communauté de Communes du Plateau
de Saclay.
En conclusion
Le développement des TICs dans le domaine de
la mobilité va conduire à des évolutions majeures
en termes d’offres. Pour qu’elles soient adoptées
et qu’elles permettent les changements profonds
nécessaires des usages et des comportements, la
conception de ces offres devra être centrée sur les
attentes et la qualité de « l’expérience » des personnes. Elles devront également apporter un service « porte à porte » disponible et flexible.
Notre mobilité future ne proviendra pas d’une solution unique mais de la conjugaison d’innovations
multiples qui pousseront les acteurs de la chaîne
de valeur à s’associer pour y répondre, modifiant
ainsi les écosystèmes. À terme, la mobilité évoluera
progressivement d’une économie de biens à une
économie de services. Les modèles économiques
de ces nouvelles mobilités restent encore à définir.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 45
45
06/05/11 18:00
Philippe Orvain
Président
Nomadic Solutions
Diplômé de mécanique générale et titulaire d’une licence d’informatique graphique
(CAO), Philippe Orvain, 58 ans, démarre sa carrière dans un bureau d’études avant
de se tourner quelques années vers l’enseignement. Il devient pendant une dizaine
d’années éditeur
d’un logiciel de Conception Assistée par Ordinateur. À la fin des années 1990,
il rejoint le monde de la mobilité et fonde Nomadic Solutions en 2003 avec Patrick
Minot. Il occupe actuellement les fonctions de Président de cette société.
Par ailleurs, Philippe Orvain est membre du Conseil d’Administration
et Vice-président du Comité d’Orientation Stratégique NUM (Nouveaux Usages
et Mobilité) du pôle de compétitivité Advancity. Philippe Orvain est également
membre du comité embarqué du Syntec Numérique.
46
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 46
06/05/11 18:00
TRIBUNE LIBRE
L’éco-mobilité :
nécessité écologique
ou économique ?
À
l’heure d’une reprise économique frémissante, force est de constater que
les modèles classiques ont montré
leurs limites, après avoir essuyé de
sérieux revers. Outre les mesures étatiques, l’effondrement a été en partie évité grâce à la dynamique du développement de solutions alternatives.
Tandis que le nouvel ordre financier mondial tarde
à venir, la voie du développement durable sort renforcée de cette dure épreuve, notamment dans les
pays industrialisés.
Par ailleurs, depuis les accords de Kyoto en 1997,
et plus récemment le Grenelle de l’Environnement,
la feuille de route est tracée vers une réduction de
20 % de nos émissions de CO2 à l’horizon 2020. Pour
atteindre ces objectifs, il faut optimiser les ressources existantes et l’impact sur l’environnement.
En France, il faut noter le dynamisme des pôles
de compétitivité, tels Advancity ou System@tic,
ainsi que des syndicats métiers tel le Syntec Numérique. Ils permettent de fédérer les acteurs et de
faire aboutir des projets innovants plus particulièrement orientés ville 2.0, mettant en synergie PME,
grands groupes et laboratoires.
En plus du projet Wikiwalk (Feder4), guidage collaboratif et vocal en zone urbaine, mené par Nomadic
en collaboration avec l’Esiee, voici la liste des projets labellisés par Advancity :
• 5 projets FUI : Latext (PV) et Serveau 2.0 (ECOVILLE), TerraMobilita (ECOVILLE) en colabellisisation avec Cap Digital, EP IT 2.0 (ECOVILLE) et ILMAB
(B2E) avec System@tic ;
• 2 projets FEDER : PFT+ (NUM) et BatiMac (B2E).1
Les moyens technologiques, les réseaux, physiques
et sociaux, évoluent de telle sorte que le lien de citoyen à citoyen, ou entre citoyens et infrastructures,
la communication Machine-to-Machine, deviennent
les pierres angulaires d’une nouvelle organisation
sociale basée sur l’ultra-communication.
L’association de toutes ces technologies (Haut débits 3&4G, Cloud Computing, Applicatifs SAAS, etc.)
et leurs nouveaux usages permettent un maillage
collaboratif qui était impossible auparavant. Autant
de verrous s’en trouvent levés, pour la construction
de la ville 3.0.
1 Communiqué de Presse – Paris, le 30 novembre 2009 :
http://www.capdigital.com/wp-content/uploads/CP_TICVD-vf.pdf
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 47
47
06/05/11 18:00
C’est une chance inouïe, car la population mondiale
a bondi de 4,4 milliards à 6,7 milliards en 40 ans
à peine : que l’on soit écoloscéptique ou non, cela
nous impose une modification de nos habitudes,
notamment en ce qui concerne la mobilité des personnes ou des marchandises.
Ces modifications nécessaires entraînent l’émergence de nouveaux marchés de plus en plus visibles, aussi bien pour les professionnels que pour
le grand public. Les secteurs de la mobilité individuelle ou collective, le commerce, la santé, le bâtiment, la production et la distribution de l’énergie,
sont de formidables champs pour le déploiement de
ces nouveaux assemblages technologiques.
Ces thèmes prennent un nouveau sens après la crise
économique. Le renchérissement du coût des carburants, la prise de conscience du péril écologique, le
développement exponentiel des IT for Green, ont été
des facteurs concomitants, favorisant l’avènement
de nouveaux marchés et leur croissance durable.
Le chemin vers la ville décarbonée est certes encore
long, mais les impératifs écologiques et économiques
nous contraignent à repenser et à limiter les déplacements. Le télétravail et la localisation de la production au plus près des lieux de consommation sont
désormais des éléments essentiels pour entrer dans
le cercle vertueux d’un monde plus respectueux.
Ainsi les technologies Machine-to-Machine permettent d’ores et déjà de diagnostiquer, voire réparer
une panne sur un photocopieur distant, sans avoir
recours au déplacement d’un technicien. Dans le
même registre, des boîtiers de télématique équiperont bientôt en série les automobiles pour permettre un suivi des véhicules à distance (ecall, bcall,
maintenance préventive…).
Les retombées dans notre secteur, l’éco-mobilité,
sont extrêmement nombreuses. Les limites pour
assembler judicieusement toutes les pièces de ce
puzzle technologique géant sont celles de nos imaginations. C’est l’opportunité de rendre l’activité
humaine moins destructrice pour son biotope qui
s’offre enfin à nous.
Les technologies dites IT for Green sont les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC)
mises au service de l’environnement. Ces technologies reposent tout d’abord sur les infrastructures
des réseaux physiques de télécommunication qu’ils
soient optiques, filaires ou radio, puis sur des matériels et des logiciels, embarqués ou non. Cet ensemble permet de proposer des solutions de plus
en plus performantes sur des sujets comme la
géolocalisation, l’optimisation des tournées, la logistique du dernier kilomètre, le suivi des attitudes
d’éco-conduite, le vélo ou l’auto partage, le covoiturage, et plus généralement la multimodalité des
transports…
48
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 48
06/05/11 18:00
TRIBUNE LIBRE
Si on se penche un instant sur des modèles comme
l’autopartage peer2peer ou le covoiturage, il y a fort
à parier que ces derniers vont prendre un essor qui
aurait été impossible il y a encore quelques années !
En effet, quand tout est opulence, nul besoin de partager ses trajets ou son véhicule… Aujourd’hui, hormis l’aspect écologique, c’est bien souvent le facteur économique qui donne un sens à ces nouveaux
services. Leur acceptation sociétale sera favorisée
par les outils de télématique embarquée et les réseaux sociaux, car ils rendront ces concepts de plus
en plus faciles à utiliser et de plus en plus sécurisés. On ne partage que dans la confiance !
Comme chacun sait, le développement durable repose sur les trois piliers que sont l’écologie, l’économie et le social… Les TICs impactent aussi le domaine social en créant du lien entre les citoyens et
en proposant des services aux personnes les plus
fragiles. Ainsi, la mise à disposition de traceurs per-
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 49
sonnels relayés par des plateformes d’assistance
médicale permet de déclencher des secours aux
porteurs et/ou de rassurer leurs proches… C’est un
marché extrêmement prometteur compte tenu du
vieillissement de la population dans les pays européens dont le prolongement n’est autre que le développement des robots domestiques.
Nomadic Solutions s’est investi très tôt dans ces
innovations touchant à l’éco-mobilité. Aujourd’hui
Nomadic Solutions est le partenaire technologique des plus importants prestataires dans les
domaines de l’apprentissage de l’écoconduite, du
co-voiturage, de l’auto-partage peer to peer ou du
guidage urbain collaboratif. Croyant fermement à
la naissance de ce Monde nouveau basé sur les
green technologies, Nomadic Solutions continuera de s’impliquer à l’avenir dans des projets
collaboratifs, propres à favoriser l’avènement de
la ville 3.0…
06/05/11 18:00
Matthias Mann
Directeur R&D d’ITS Technology
Les logiciels de trafic ITS Technology
PTV AG
Matthias Mann est diplômé de l’Université d’Osnabrück (Allemagne) en développement
de Systèmes Appliqués. Matthias a débuté sa carrière il y a 9 ans en tant que développeur
de logiciels TMC (Traffic Management Systems) chez PTV. En 2006, il devient consultant
senior en recherche et innovation du département ITS. Il a également travaillé en tant que
chef de projet pour différents programmes de recherche allemands et européens dans le
domaine des Co-Operative Systems (par exemple CVIS, Akviv).
Depuis 2010, il est Directeur du pôle Recherche et Innovation du département ITS
Technology et participe ainsi à la mise en œuvre de projets innovants.
Bernhard Scherer
Directeur des ventes, logiciels de trafic
Gestion des ventes et industrie télématique
PTV AG
Bernhard Scherer est titulaire d’un master d’ingénierie industrielle de l’Université
Technique de Karlsruhe (Allemagne) et d’un master d’ingénierie industrielle
de l’Université de Valence (Espagne).
Bernhard a débuté sa carrière il y 9 ans comme chef de produit navigation chez
MAP&GUIDE, une ancienne filiale de PTV. En tant que Directeur des ventes,
il a mis au point des projets de navigation OEM/ODM dans toute l’Europe, l’Afrique
du Sud, l’Asie Pacifique et la Péninsule Arabique. Depuis la fusion de MAP&GUIDE et
PTV en 2007, il est Directeur des ventes des Solutions Télématiques du département ITS
(Intelligent Transport Systems). À ce titre, il est chargé de mettre en place une plateforme
géo-spatiale, une plateforme de trafic et des terminaux de systèmes de navigation non
embarqués pour les fournisseurs de services télématiques et les principaux acteurs
du secteur de l’automobile et de l’ITS.
L’objectif est de mettre au point des services de mobilité disponibles, connectés
et innovants.
50
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 50
06/05/11 18:00
INTERVIEW
Les systèmes
de gestion
du trafic
Pouvez-vous nous parler de la
société PTV, ses activités, ses
produits, ses clients, et votre
implication dans l’élaboration
des Systèmes de Gestion du
Trafic (Traffic Management
Systems -TMS) ?
Le groupe PTV, créé en 1979, dont
le siège se situe à Karlsruhe en
Allemagne, rassemble 700 salariés. Il élabore des logiciels de
pointe et des solutions de conseil
permettant de répondre au mieux
aux besoins de mobilité croissants des consommateurs. Il occupe une position de leader dans
l’élaboration de produits et de solutions permettant d’améliorer le
trafic et de planifier le transport.
PTV Technology propose un ensemble de produits dans le domaine des logiciels : MAP&GUIDE
et PTV Vision.
Le secteur des logiciels de trafic s’organise de la manière
suivante : le développement, le
marketing et la vente d’une large
gamme de logiciels destinés à la
planification et à l’optimisation
des transports.
Cela concerne bien sûr la suite
logicielle PTV Vision, leader sur
le marché des solutions de planification du transport, de modélisation et de simulations de trafic,
des prévisions de trafic, de sécurité routière, d’ingénierie des
réseaux et de rassemblement de
données d’enquêtes.
Le département ITS (Intelligent
Transport Systems) se concentre
sur toutes les activités qui
concernent les systèmes de télématique routière et la gestion de
la circulation.
Le pôle mobilité et solutions
télématiques visent principalement des clients du secteur de
l’automobile (OEM, les TSP, et
les fournisseurs d’information
de circulation).
Nos activités dans ce domaine
sont toutes liées à l’utilisation
de cartes de nouvelle génération
et au traitement de données et
d’informations concernant l’état
du trafic. PTV est une société
experte dans les domaines du
transport, qui s’adresse aux piétons, aux cyclistes, aux voitures
et aux camions. Elle propose
également des outils capables
de calculer le coût des péages et
des émissions de CO2. Ils peuvent
également prendre en compte
les accélérations de vitesse et
un suivi en direct de l’état du
trafic. PTV fournit les terminaux
pour de nombreux fournisseurs
de systèmes de navigation non
embarqués et met en place des
produits et des services technologiques de façon modulaire. Ses
offres varient d’un simple serveur
basé sur des cartes pour améliorer les ecall et bcall (systèmes
intégrés aux voitures permettant
d’émettre des appels d’urgence)
ou des systèmes d’assurance
dits pay-per-use ; jusqu’à des
offres complètes de plateforme
FCD qui permettent d’observer
PTV EST
UNE SOCIÉTÉ
EXPERTE DANS
LES DOMAINES
DU TRANSPORT,
QUI S’ADRESSE
AUX PIÉTONS,
AUX CYCLISTES,
AUX VOITURES
ET AUX CAMIONS.
l’état du trafic, de calculer les
temps de trajets et de localiser
les incidents. Actuellement, de
nombreux outils dans le domaine
télématique visent plutôt le marché des véhicules électriques et
des véhicules pouvant intégrer
des applications et des services.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 51
51
06/05/11 18:00
l’offre de PTV
Infrastructure operation
Dans le domaine des systèmes
de gestion de la circulation (Traffic Management Systems), PTV
fournit des portails de mobilité
avec des plannings de trajets à
différents critères, de l’information sur l’état du trafic en direct
et des prévisions de trafic à court
et long terme. Dans ce domaine,
ses clients sont le plus souvent
des gestionnaires de réseaux
routiers, des administrations de
villes ou d’états fédéraux.
Vous avez mis au point
un simulateur intégrant
des systèmes de planification
de trajets associés à des outils
de gestion du trafic à Dortmund
et Düsseldorf.
Que pouvez-vous nous dire
à propos de ce projet ?
Traditionnellement, les outils de
gestion de la circulation reposent
sur des infrastructures collectives, telles que le contrôle des
feux de signalisation, la mise en
place de panneaux à messages
fixes ou variables. L’information
sur l’état du trafic retransmise
par la voix ou le canal TMC complète ces moyens de diffusion
ayant pour but d’améliorer la sécurité et l’efficacité du trafic.
52
L’action des gestionnaires de
réseaux routiers n’est plus aujourd’hui réduite à la détection
et la prévision d’éventuels bouchons, mais comprend de plus
en plus des outils de guidage
collectifs. Ainsi, ces derniers ont
pour but de canaliser le trafic
vers d’autres parties du réseau,
si la capacité d’accueil des autres
voies est suffisante. Si des voies
alternatives sont détectées, une
surveillance à grande échelle
du trafic et la mise en place des
dernières techniques permettant
d’analyser la circulation actuelle
et future sont nécessaires. La
couverture du réseau doit par
ailleurs être suffisante, au-delà
des autoroutes.
Avec des systèmes de navigation
de plus en plus présents dans
l’équipement du parc automobile,
les systèmes de planification de
trajets individuels sont en passe
de devenir des outils majeurs
dans l’optimisation de la gestion
du trafic. Les systèmes de navigation interactifs, qui sont de
plus en plus disponibles pour le
consommateur, prennent maintenant en compte les messages
habituellement reçus via la diffusion TMC, et plus récemment, des
indications de temps de trajet dé-
rivés des techniques de détection
de trafic dense et de systèmes de
simulation.
Le « Strategic Routing Service »
de PTV comprend actuellement
un outil supplémentaire pour les
gestionnaires de trafic urbain,
faisant partie de la stratégie de
régulation du trafic et ayant pour
but de transmettre des informations aux systèmes de navigation connectés. Cet outil permet
de fournir aux conducteurs un
panel de suggestions de trajets
possibles compatibles avec les
outils précédemment mis en
place. Dans l’idéal, le conduc-
AVEC DES SYSTÈMES
DE NAVIGATION
DE PLUS EN PLUS
PRÉSENTS DANS
L’ÉQUIPEMENT
DU PARC AUTOMOBILE,
LES SYSTÈMES
DE PLANIFICATION
DE TRAJETS
INDIVIDUELS SONT EN
PASSE DE DEVENIR
DES OUTILS MAJEURS
DANS L’OPTIMISATION
DE LA GESTION
DU TRAFIC.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 52
06/05/11 18:00
INTERVIEW
teur peut être amené jusqu’à sa
destination en évitant les parties
du réseau surchargées. De plus,
cet outil entre en parfaite combinaison avec les autres outils
d’amélioration de gestion de la
circulation (prenant en compte
l’environnement, la sécurité et
le bruit). Le trafic urbain peut
ainsi être mieux régulé et réparti
sur le réseau. Petit à petit, le réseau routier sera plus équilibré
et moins contraignant pour les
conducteurs.
Le potentiel d’un outil de transport stratégique est énorme. Le
traditionnel outil de transport
dynamique n’est basé que sur
un critère de perte de temps de
transport et ne peut être efficace que si un accident a déjà eu
lieu. L’outil de transport stratégique fournit des informations au
conducteur avant même qu’un
incident ne se soit produit. Il évite
ainsi le développement de bouchons éventuels sur le réseau
routier. C’est un outil particulièrement utile dans les cas d’événements ou d’incidents facilement
prévisibles. Bien entendu, le fait
de rediriger stratégiquement un
conducteur sur une autre route
implique que le réseau routier ait
une capacité d’accueil suffisante
sur ces portions du réseau. Dans
la majorité des cas, ce ne sera pas
un problème. Pendant les heures
creuses, ou dans les zones non
touchées par les bouchons où il
y aurait des itinéraires alternatifs
possibles avec le même temps de
trajet et la même capacité d’accueil, le changement d’itinéraire
fonctionne, et les accidents peuvent être contournés facilement.
Mais dans le but d’éviter que
les conducteurs ne se dirigent
d’une zone de bouchons vers finalement une autre zone de bouchons, les outils de gestion du
trafic doivent avoir une meilleure
vision de la situation du trafic
urbain, et une meilleure prévisibilité sur le réseau, incluant les
routes dites alternatives au trajet initial. C’est seulement grâce
à une connaissance complète du
trafic sur le réseau que les outils
stratégiques de transport seront
totalement efficaces.
Les simulateurs développés par
PTV, intégrant la planification des
trajets comme un nouvel outil de
Le schéma suivant donne un exemple du potentiel de l’outil stratégique
de gestion du transport. Il décrit la combinaison distance-temps
concernant la route principale (la courbe rouge) et sa route alternative
(la courbe noire).
C’EST SEULEMENT
GRÂCE À UNE
CONNAISSANCE
COMPLÈTE DU TRAFIC
SUR LE RÉSEAU
QUE LES OUTILS
STRATÉGIQUES
DE TRANSPORT
SERONT TOTALEMENT
EFFICACES.
gestion de la circulation, à l’intérieur d’une stratégie de gestion
du trafic globale dans la ville de
Dortmund, a montré avec succès le potentiel d’amélioration de
l’efficacité du trafic urbain. Ces
simulateurs ont été développés
en même temps que les projets
de recherche européens CVISCoopérative Vehicule Infrastructure Systems et que le projet de
recherche allemand Düsseldorf
in motion.
Dans cet exemple, on observe
que le trajet alternatif fait gagner
environ 30 % de temps par rapport au trajet initial, malgré une
distance beaucoup plus grande.
En conclusion, on peut dire que
l’outil stratégique de gestion du
trafic peut être considéré comme
un des outils de tout un ensemble
de mesures de gestion de trafic
urbain. C’est un des résultats les
plus probants provenant des essais de Dortmund et Düsseldorf.
Dans ces villes, les trajets alternatifs à l’extérieur des autoroutes
ont été mis en avant grâce à l’accroissement de la capacité de
circulation, en adaptant la gestion des feux de signalisation (une
meilleure coordination et des périodes plus longues de feux vert).
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 53
53
06/05/11 18:00
Quels sont les principaux
obstacles au développement
de tels systèmes ?
Globalement, nous sommes au
début d’une ère de navigation
connectée. Actuellement, il existe
quelques fournisseurs venant principalement du domaine des PND
(assistants de navigation personnels) et des Smartphones. Ainsi, le
premier obstacle vient de la faible
capacité de la base d’installation
de tels outils de navigation connectée. Cependant, courant 2011, les
fournisseurs qui lanceront des outils de navigation connectée seront
plus nombreux, particulièrement
à l’intérieur même du secteur de
la navigation. Le second obstacle
vient du fait que l’installation de
base des appareils connectés ne
peut traiter l’information des outils de guidage de navigation ou
de prévision de densité du trafic.
Une des raisons expliquant cette
situation est le manque courant de
normes et de fournisseurs disposant de telles informations.
Le troisième obstacle provient
du fait que les outils stratégiques
déjà existants ne sont disponibles
que dans des zones isolées et
les informations sont, dans le
meilleur des cas, diffusées sur
les panneaux routiers ou sur des
pages web locales. De plus, on se
rend compte que dans la plupart
des pays, il n’y a pas de système
national de gestion de contenu
disponible pour centraliser et
fournir de telles données.
Le quatrième obstacle vient de la
disponibilité d’informations précises et fiables sur l’état du trafic.
Actuellement, peu de pays disposent d’un réseau TMC qui couvre
totalement le territoire. Le déploiement des systèmes FCD et
FMD de ces dernières années va
contribuer à réduire ces barrières
et permettra d’élargir la couverture du réseau en incluant de plus
petites catégories de routes.
FCD EST L’ÉLÉMENT
CLÉ POUR SE FAIRE
UNE IDÉE EXACTE
DE LA SITUATION
ACTUELLE DU
TRAFIC ROUTIER DE
TOUT UN PAYS.
Quelles sont les technologies
clés requises pour l’installation
TMS ? (des capteurs installés
dans les voitures, des
détecteurs de densité
de trafic…)
Le plan d’action européen (European Action Plan and Directive)
en relation avec ITS, a permis de
mettre en place un cadre pour
le développement et le déploiement de systèmes intelligents de
transport. La gestion dynamique
du trafic urbain en est l’un des
éléments clés.
Nous pensons que les 4 systèmes
technologiques suivants feront
partie des éléments qui assureront le succès d’un futur système
ITS.
1 - Le traitement FCD
FCD est l’élément clé pour se
faire une idée exacte de la si-
tuation actuelle du trafic routier
de tout un pays. Avec un tel outil, il est possible de situer et de
traiter des milliards de points
de localisation de voitures par
année et grâce à un traitement
efficace des données, d’obtenir
l’état exact du trafic d’un pays
et les différents temps de trajet
associés. L’avantage principal
de l’information trafic FCD se
situe dans la densité de couverture et de localisation et dans
la mise à jour en continu de ses
données.
Pour mieux comprendre ce processus, voici un schéma qui
montre les étapes pour calculer
l’indicateur d’efficacité du trafic
level of service (LOS) et pour diffuser des messages d’accidents
sur le réseau. Actuellement,
cette information est fournie par
les messages TMC.
FCD-processing
54
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 54
06/05/11 18:00
INTERVIEW
2 - Les méthodes
de prédiction de densité
du trafic
La prochaine étape consistera
à utiliser de l’information provenant des FDC pour mettre en
place des modèles dynamiques,
en vue de fournir des prévisions
à long-terme de densité du trafic
urbain. Ainsi, le temps de trajet
d’un lundi matin ordinaire sur
une certaine route pourra être
connu à l’avance.
Avec la combinaison des processus FDC et de modèles évoluant
au fil du temps, on peut aller
encore un peu plus loin et fournir des prévisions à court-terme
plus rapidement. Dans ce cas, le
système sélectionne le meilleur
modèle de référence sur une période, qui correspond à l’actuel
modèle de mesure rapide. Cette
technologie est très prometteuse
en ce qui concerne les scénarios
qui se répètent.
Pour les prévisions à court terme
et à moyen terme, nous pensons
qu’un outil de prévision basé sur
la demande offre plus de perspectives. PTV a déjà mis au point
de tels projets en Allemagne.
L’un des avantages de ce système
réside dans le fait que le nombre
de voitures circulant sur chaque
portion de route est connu et que
les informations relatives aux
conséquences d’un accident et
aux travaux sur les routes peuvent être diffusées sur le réseau.
Dans notre centre de recherche,
nous travaillons actuellement
sur la combinaison entre notre
modèle de gestion du trafic basé
sur la demande et les outils FCD
fonctionnant en temps réel. L’objectif est de calibrer le modèle
sur un outil FCD fonctionnant
en temps réel. Les résultats de
notre centre de recherche et des
tests effectués sont très prometteurs et ces derniers doivent
maintenant être confirmés à plus
grande échelle et dans les premiers systèmes de production.
3 - Way-Point-Server
Le Way-Point-Server est un
nouvel outil clé qui permet de
transformer l’itinéraire stratégique initial en points de localisation qui peuvent être lus par
différents systèmes de navigation. PTV a déjà développé cette
technologie dans le passé pour
un OEM (Original Equipment Manufacturer), afin d’obtenir sur
un serveur les meilleures informations sur l’état du trafic et de
fournir un itinéraire efficace aux
systèmes connectés. Une autre
des applications de cette technologie se trouve dans la planification d’un itinéraire à l’avance. Le
client peut prévoir son trajet de
retour de vacances facilement
grâce à un outil de planification
d’itinéraire qui comporte toutes
les informations sur les zones
d’affluence de touristes. Les
différents itinéraires de voyage
peuvent être sauvegardés sur le
système et transférés sur l’appareil de navigation intégré à la
voiture.
4 - Road-Content Editor
Comme on l’a mentionné plus
haut, un des obstacles majeurs
pour définir les stratégies d’itinéraires et les routes recommandées qui y correspondent est
l’absence d’un système de gestion de contenu et d’un outil. Ainsi, PTV développe actuellement
un logiciel standard pour effacer
cet obstacle et permettre aux
gestionnaires de réseaux routiers d’intégrer des outils stratégiques plus fluides et de stocker
les données qui ont une influence
sur l’état du trafic, comme par
exemple les zones de construction et les lieux où se déroulent
des événements dans les villes.
Le système leur permet de fournir du contenu et des stratégies
d’itinéraires directement à leurs
services d’information et à leurs
portails internes, puis ensuite
aux tierces parties comme les
fournisseurs de services de télématique routière.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 55
55
06/05/11 18:00
TPEG PERMET
DE TRANSMETTRE
LES INFORMATIONS
CONCERNANT L’ÉTAT
DE LA CIRCULATION
DE FAÇON BEAUCOUP
PLUS FLUIDE,
SANS PRENDRE
EN COMPTE LE TYPE
D’APPAREIL
DU CLIENT,
SA LOCALISATION,
OU ENCORE LE
TYPE DE CANAL
PERMETTANT LA
TRANSMISSION
D’INFORMATIONS.
Quelles sont les normes
émergentes, s’il y en a, qui
permettraient une meilleure
interopérabilité des systèmes ?
Par exemple la standardisation
pan-Européenne…
Le développement de tels systèmes dépend beaucoup du développement et de l’introduction
de normes garantissant l’interopérabilité des systèmes.
TPEG – The Transport Protocol
Experts Group – est un groupe
d’experts conduit par l’EBU (European Broadcast Unit). Ils sont
issus de tous les domaines de
la gestion de la circulation et de
l’information sur l’état du trafic, mais aussi du secteur de la
diffusion qui travaille sur des
normes pour permettre de fournir à tous les véhicules de l’in-
56
formation trafic. TPEG permet
de transmettre les informations
concernant l’état de la circulation
de façon beaucoup plus fluide,
sans prendre en compte le type
d’appareil du client, sa localisation, ou encore le type de canal
permettant la transmission d’informations (par exemple DAB,
HD radio, Internet, DVB-x, DMB,
GPRS, Wi-Fi…). L’uniformisation
de la langue a aussi été primordiale lors de la conception de
TPEG. TPEG apparaît comme
l’outil d’avenir pour transmettre
les informations relatives au trafic. En comparaison avec TMC
(qui donne une information trafic
à partir des événements routiers),
TPEG comprend tout un arsenal
d’outils spécifiques, offrant une
plus grande gamme de services à
un plus grand nombre de clients
et ayant une plus grande compatibilité avec les appareils des utilisateurs. Les services TPEG sont
mis en place de façon modulaire
et peuvent s’étendre dans plusieurs directions :
• Les applications (par exemple
les messages concernant le trafic routier, les transports publics,
ou les lieux de stationnement) ;
• Les méthodes de transmission
(DAB digital radio, DMB, internet) ;
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 56
06/05/11 18:00
INTERVIEW
• Les méthodes de localisation
(les méthodes prédéfinies utilisant par exemple des outils TMC)
ou des appareils de localisation
en temps réel (destinés aux systèmes de navigation des véhicules, les navigateurs internet ou
les appareils mobiles) ;
• Les conditions d’accès aux informations (si les données sont
accessibles à tous gratuitement
ou si les utilisateurs doivent payer
pour avoir le droit de recevoir ces
données).
La plupart des messages fournissent des informations sur une
localisation (par exemple, une
portion de route, une intersection, une région) et ils se réfèrent
à cela en utilisant une référence
de localisation. On observe deux
approches différentes :
(1) Les localisations prédéfinies
et codées à l’avance (ISO 14819-3).
Les localisations RDS-TMC sont
identifiées et définies par un code.
Puis un service RDS-TMC utilise
un tableau de localisations prédéfinies qui contient des détails
préenregistrés qui peuvent être
utilisés dans les messages de ce
service. Le code de localisation
du message sert d’adresse de référence par rapport aux détails de
localisation préenregistrés dans
le tableau de localisation utilisé
par ce service. Cependant, le
nombre de codes de localisation
est limité.
(2) Le référencement des lieux
en temps réel (ISO 17572-3).
AGORA-C est une méthode de
référencement de localisation en
temps réel grâce à une carte. Un
code est créé à partir d’une base
de données de cartes dans le système « envoyeur ». Il est ensuite
envoyé dans un message, décodé dans la base de données de
cartes du système « receveur »,
puis supprimé. Le référencement
de localisations en temps réel est
considéré comme un élément
de technologie clé pour de nombreuses applications à venir dans
le monde hyper évolutif des télématiques.
Enfin, OGC (Open Geospatial
Consortium) offre un ensemble
de critères pour garantir l’interopérabilité lors de la distribution
et l’échange d’informations. Ces
critères ne sont pas forcément
liés à l’information trafic.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP4.indd 57
57
06/05/11 18:00
Les technologies intelligentes :
des réponses
aux défis du futur ?
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 58
06/05/11 19:15
Antoine Luu
South West Europe Area
Tobii Technology
Antoine Luu a rejoint Tobii Technology en 2007 pour gérer les activités de la région
Sud Ouest Europe. Passionné par la technologie du eye-tracking et ses applications
potentielles révolutionnaires, il intervient régulièrement dans les universités et dans
de nombreuses conférences en France comme « ambassadeur du eye-tracking ».
Ingénieur en Énergie, diplômé de l’École Supérieure de l’Énergie et des Matériaux
(Orléans) et titulaire du MBA de l’IAE de Paris, il a débuté sa carrière dans le domaine
de la conception assistée par ordinateur et les simulations en mécanique des fluides
(CFD). Il garde un œil attentif sur ce domaine, en tant que fondateur-associé de la société
CFD Numerics, basée à Lyon, spécialisée dans les services de calcul et d’expertise en
mécanique des fluides et thermique numérique.
Il collabore activement avec les principaux instituts d’études marketing et de sondage,
ainsi qu’avec plusieurs universités. Son objectif est de faire connaître la technologie
eye-tracking et eye-control, pour la mettre à la disposition du plus grand nombre :
chercheurs en psychologie, en sciences cognitives et ergonomie, agences web,
designers, spécialistes des études comportementales et « consumer insights ».
Il développe également des partenariats industriels sur la base des solutions OEM
de Tobii, afin d’intégrer cette technologie dans le quotidien.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 59
59
06/05/11 19:15
Applications
et révolutions
du eye-tracking
Ces dernières années, les écrans et pavés tactiles se
sont immiscés dans notre quotidien : le clavier et la
souris, que nous avons apprivoisés au fil du temps,
se sont avérés insuffisants pour accéder plus rapidement et facilement à l’information. Il y a eu aussi
le joystick des années 80, puis la Wiimote® plus récemment, et maintenant nos doigts, nos bras, voire
notre corps avec la Kinect®. La commande vocale
n’a pas (encore ?) tenu ses promesses et les applications utilisant les ondes cérébrales en sont encore à leurs balbutiements.
La demande des utilisateurs pour des Interfaces
Homme-Machine plus intuitives, plus naturelles
(NUI, Natural User Interface) est une tendance
désormais affirmée. Si les concepteurs et développeurs ont retrouvé leur appétence pour améliorer l’ergonomie des interfaces et des systèmes, ceci
n’est qu’une étape intermédiaire vers la simplification de l’accès à l’information : on se surprend dès
lors à imaginer des outils et modes d’interaction
faisant intervenir des sens encore inexploités, et
penser les objets « intelligents » de demain.
Quel sens privilégier pour interagir avec notre milieu ? La vue a percé d’elle-même : la discipline
connue sous le nom d’oculométrie (mesure des
mouvements oculaires), ou eye-tracking (oculométrie en Français, le terme anglo-saxon s’est imposé)
est utilisée par les spécialistes de l’œil, du regard et
de la psychologie depuis plus de 100 ans. Depuis une
petite décennie, elle a connu un essor fantastique,
bénéficiant de la miniaturisation des caméras numériques, de l’explosion de la puissance de calcul
mais aussi des usages et attentes des publics professionnels et particuliers, qui ont motivé les chercheurs et industriels à innover davantage.
Il y a encore quelques années, faire fonctionner un
eye-tracker (oculomètre) nécessitait des compétences avancées en optométrie, électronique et informatique. Aujourd’hui, cette technologie est bien
60
plus accessible. Les principes de mesure physique
les plus couramment utilisés à ce jour en oculométrie sont ceux du reflet cornéen et pupillaire, à
partir d’une source infrarouge. Grâce à une combinaison d’émetteurs, de caméras et de modèles
numériques de l’œil, il est possible de déterminer
les mouvements de chaque œil avec une précision
suffisante, puis par recomposition, d’en déduire
la direction du regard. Cette technique, sans danger pour la santé, présente un avantage considérable pour l’utilisateur : les yeux pourraient ainsi
constituer une « manette » naturelle pour contrôler
une interface, permettant de s’affranchir d’un appareillage spécifique.
«
les yeux pourraient
ainsi constituer
une « manette »
naturelle.
Quelques petits pas restent encore à faire, avant
d’introduire cette modalité dans notre vie de tous les
jours. Les ultimes itérations se situent à des niveaux
techniques, culturels et juridiques. Dans cet article,
nous commencerons par dresser un état des lieux
des applications actuelles du eye-tracking, notamment en tant qu’outil de mesure passive. Dans un
second temps, nous tenterons d’imaginer comment
cette technologie potentiellement interactive pourrait
s’intégrer et modifier progressivement nos habitudes,
grâce au passage du eye-tracking à l’eye-control.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 60
06/05/11 19:15
Le eye-tracking aujourd’hui :
un état des lieux des applications
Un proverbe affirme que les yeux sont le miroir de
l’âme. En s’inspirant de cet adage, les chercheurs,
psychologues, cogniticiens, ne se sont pas trompés…
Mais plus que d’y puiser l’âme, il s’agit avant tout de
caractériser le comportement d’une personne (utilisateur, consommateur, patient) tout au long de l’accomplissement d’une tâche spécifique. Ce Graal, les
chercheurs l’ont atteint grâce au eye-tracking qui
procure une mesure continue, automatisée et en
temps réel, sans même que le sujet n’ait besoin de
parler. Cet aspect non-verbal présente un avantage
déterminant. Encore récemment, les « tests utilisateurs » consistaient à enregistrer en vidéo une
scène dans laquelle un sujet, placé dans un laboratoire, reproduisait une certaine mission comme le
visionnage d’une publicité, d’une vidéo, l’achat sur
un site de e-commerce, ou plus simplement lisait
un texte. Très souvent, il était demandé au sujet de
parler, de « verbaliser », de dire ce qu’il allait faire,
de dire ce qu’il pensait et de faire ce qu’il sait. Ce
film était alors « codé » par le spécialiste, c’est-àdire décortiqué à travers une grille de lecture afin
d’en déduire les intentions et les comportements
du sujet. Cette méthode, bien que très utile, com-
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 61
porte ses limites et introduit un biais inévitable
de fondement : nombre de nos actes ne sont pas
« conscients » ou sont devenus des réflexes conditionnés par certains facteurs et stimuli. Tenter de
les rendre conscients par la méthode de verbalisation est alors un sérieux frein à un comportement
naturel et spontané, « écologique » comme le qualifient les spécialistes, même si le sujet est observé
dans des conditions les plus proches possibles de
son « écosystème » réel.
Le eye-tracking apporte une réponse élégante : en
mesurant directement et discrètement le regard,
les spécialistes recueillent les réactions et l’attitude
du sujet. Ils peuvent ainsi reconstituer le parcours
oculaire d’une personne et comprendre sa stratégie
de prise d’informations visuelles, ou ses réactions
inconscientes et réflexes suite à différents stimuli.
Aujourd’hui, les applications du eye-tracking sont
principalement de trois ordres :
• Recherche en sciences cognitives, psychologie,
neuropsychologie (facteurs humains, compréhension du développement mental, de l’apprentissage,
de la lecture) ;
• Mesure dans les sciences du consommateur (ergonomie d’interface et pré-test publicitaires) ;
• Communication augmentée pour les personnes
handicapées moteur (accessibilité).
06/05/11 19:15
Recherches en psychologie,
neuropsychologie et sciences cognitives
Test de développement de compétence, de lecture, d’une séquence
de jeu d’un sportif et d’ergonomie d’un cockpit en simulateur.
tomobile ; dans des situations professionnelles,
telles que le pilotage d’un avion, d’une centrale
électrique,
• Les situations d’interaction sociale, comme le
dialogue, le sport,
• Évaluation de l’organisation et de l’architecture d’un bâtiment ; il s’agit notamment d’évaluer l’aspect fonctionnel d’une pièce, d’un lieu :
- Comment un visiteur perçoit-il une salle
de spectacle ?
- Parvient-il à trouver les panneaux de signalisation, de « sortie de secours » ?
- Combien de temps met-il pour trouver son
chemin dans les couloirs d’un métro et sur
quelles « balises » visuelles s’appuie-t-il
pour y parvenir ?
- Est-ce que les panneaux publicitaires ont
été perçus, constituent-ils une distraction
lorsqu’une personne est en situation de
conduite ?
Ces tests sont également menés pour évaluer
l’agencement des mobiliers urbains, ainsi que la
visibilité ou le caractère accidentogène de certains
visuels mal placés.
© Fotolia
C’est par la communauté des chercheurs que le
eye-tracking a acquis ses lettres de noblesse. De
nombreux laboratoires de recherche utilisent aujourd’hui cette technique en complément d’autres
mesures (telles que la réponse dermale, l’électrocardiogramme, l’encéphalogramme, ou parfois
l’IRM) pour évaluer les comportements humains
(ainsi que ceux des primates) face à des situations
cadrées. Les domaines d’intérêts sont par exemple :
• Pour les applications d’ordre médical :
• La lecture et le langage : comprendre
comment le cerveau prend ses informations lors
de l’acquisition du langage ; dans le cas de la
dyslexie, mettre en place des exercices de rééducation,
• Le développement de l’enfant en bas-âge :
l’apprentissage d’un jeu, l’utilisation d’un outil,
la reconnaissance d’un visage familier, l’observation d’un film…
• Les déficiences mentales : il s’agit par exemple
de constituer une batterie de tests pour diagnostiquer de manière précoce des retards ou des
déficits de l’attention (autisme) ou intellectuel,
des dégénérescences (maladie d’Alzheimer) afin
d’adapter les accompagnements de l’enfant et
de la personne âgée.
• Pour les autres applications :
• Les facteurs humains dans des situations de
la vie courante, telles que la conduite d’une au-
Illustrations relatant les travaux réalisés par l’Université d’Uppsala / Suède)
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 62
06/05/11 19:15
Applications en sciences du consommateur
Les études marketing sont conduites depuis longtemps par les instituts EMO (Études Marketing
Opinions) pour comprendre comment un nouveau
produit, une nouvelle offre visuelle, est perçu par
le consommateur : ces études sont principalement
basées sur du déclaratif. Or, il n’est pas toujours
évident de faire le tri entre ce qui est affirmé et ce
qui est réellement perçu. De même, nombre de
tests utilisateurs consistent à mesurer les taux de
clics et à récolter des questionnaires en ligne. Or,
toute action, acte d’achat ou décision, est consécutif
à une stratégie de recherche visuelle.
Depuis quelques années, le eye-tracking apporte un
complément d’information extrêmement précieux
par son approche comportementale et non-verbale.
Ainsi les ergonomes IHM (Interfaces Homme-Machine) utilisent cette technologie pour éprouver
« l’utilisabilité » des interfaces logicielles, c’est-àdire le caractère plus ou moins intuitif et efficient
d’un logiciel ou d’un site internet à remplir des missions types. De leur côté, les créateurs/marketeurs
vont confronter le fruit de leur réflexion à la perception du consommateur.
On demande à un petit panel de consommateurs
(leur nombre varie d’une dizaine à une centaine se-
lon les objectifs et la complexité des missions) de
réaliser certaines tâches d’observation, de parcours
dans un magasin ou d’achat, afin de collecter des
données statistiques telles que :
• Temps de découverte (Combien a-t-il fallu de
temps pour qu’il/elle trouve le produit sur le linéaire ?) ;
• Durée d’observation (Combien de temps il/elle est
resté(e) sur une zone) ;
• Nombre de visites (Combien d’aller-retour a-t-il/
elle fait entre différentes zones d’intérêts) ;
• Combien de temps s’est-il écoulé entre la découverte et le clic (« Taux de conversion » et efficacité
sur un site de e-commerce).
Différentes restitutions du eye-tracking (cartes de chaleur
avec les points chauds, parcours chronographiés sur un packaging,
sur une page web et un journal)
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 63
63
06/05/11 19:15
AAC ou assistance à la communication des
personnes handicapées moteur
Il est possible d’envisager une scolarisation normale dans une des
classes aménagées grâce à des appareils contrôlés par le regard.
Certaines maladies génétiques engendrent des dégénérescences musculaires, entraînant une perte
progressive ou brutale de l’usage des membres.
De fait, l’emploi d’un clavier, d’une souris ou d’une
commande vocale n’est plus possible. Si la mobilité oculaire est conservée, elle peut être utilisée comme mode de sélection et de commande.
On parle alors d’outils en AAC ou Augmentative and
Alternative Communications. Le eye-tracking devient alors eye-control. Couplé avec d’autres outils
tels que le Text to Speech (synthétiseur vocal), le
eye-control permet alors à une personne handicapée moteur de pouvoir déplacer le curseur sur un
écran sans l’usage de la souris. C’est la direction de
son regard qui va piloter les actions. Pour sélectionner et actionner, plusieurs solutions sont possibles :
• Soit le clignement des yeux ;
• Soit une fixation prolongée (par exemple 0,5 secondes) ;
• Soit, si le patient peut partiellement bouger la tête,
un buzzer.
Ainsi, pour rédiger un message (email), la personne
dispose d’un clavier présenté sur un écran ; son
regard se pose sur les différentes « touches » de
celui-ci : un clignement des yeux ou une fixation
prolongée va lui permettre de « cliquer ». En association avec un dictionnaire de type « T9 » ou un logiciel d’apprentissage automatique, la composition
d’un texte devient alors rapide et aisée. L’utilisation
d’un synthétiseur vocal permet d’aller au delà de
l’aspect visuel : la personne peut alors s’exprimer
presque librement. En outre, si l’appareil de eyetracking/eye-control est relié à un système domotique, il devient envisageable de rendre une certaine
autonomie à ces patients. De nombreuses sociétés
sont dotées de ces appareils pour permettre à leurs
employés, ayant perdu l’usage de leur main suite à
un accident, de continuer à exercer leur métier.
Aujourd’hui, ce type d’appareils est réservé aux
grands handicapés. Dans un avenir proche, il est
envisageable d’étendre leur utilisation à une population plus large, comme les personnes âgées.
Avec le vieillissement de la population en Europe et
Amérique du Nord, la demande peut être potentiellement forte.
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 64
06/05/11 19:15
Initialement prévu pour mesurer de manière passive une situation, le eye-tracking voit ses applications glisser progressivement vers le eye-control
dans des contextes où la personne est active, peut
interagir avec la machine, agir sur des interfaces et
même des objets.
Cette modalité d’interaction peut amener des changements intéressants dans notre quotidien. L’éventail des applications potentielles est particulièrement large…
© Fotolia
Le futur :
du eye-tracking au eye-control
Salles de contrôle et de supervision : nous avons
évoqué ci-dessus la notion de charge cognitive. Lors
de l’accomplissement de tâches complexes dans
des conditions de stress important, le processus
mental qui consiste à faire appel à sa mémoire de
travail et à intégrer de nouvelles informations ne se
déroule pas de manière « normale ». Selon les chercheurs, cette surcharge cognitive peut être responsable de l’échec de la réalisation de la mission. Or
dans des contextes tels que la conduite d’un train, la
gestion d’un incident en usine chimique, le travail en
contrôle aérien, un échec n’est pas acceptable. Lors
de ces situations, il est alors intéressant de pouvoir
détecter en direct le niveau de charge cognitive de
« l’opérateur » et lui délivrer les messages dans
un ordre précis de priorité et de manière lisible.
L’analyse en temps réel du parcours oculaire (plus
ou moins « ordonné ») combiné à d’autres données
telles que la fréquence cardiaque, la fréquence des
battements des paupières ou la dilatation pupillaire
donne une indication de son niveau de charge, et
permet de ce fait d’adapter la délivrance de messages prioritaire à l’exclusion d’autres informations
pouvant perturber son attention.
Pour le public professionnel d’abord
© Fotolia
Dans les salles d’opérations chirurgicales stériles : le chirurgien est souvent assisté d’outils
contrôlés par des moniteurs pour suivre la progression d’une caméra ou d’une radio. Il lui est souvent
difficile de zoomer sur certaines images à sa convenance, tout en poursuivant son opération. Ainsi en
cœlioscopie, le praticien doit suivre la progression
de son geste sur un écran tout en manipulant ses
instruments. La charge cognitive est élevée durant l’opération car il doit pouvoir se repérer tout
en pratiquant des gestes précis. Or, pour zoomer, il
doit lâcher un des instruments pour manipuler un
moniteur, causant une rupture dans sa représentation spatiale de la zone à opérer : dans ce cas, il
lui faudrait une « troisième main » ! Un système de
contrôle basé sur le regard lui permettrait de fixer
une zone qui s’agrandirait automatiquement, sans
contact, réduisant de fait les risques nosocomiaux.
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 65
été 2011 : kalisté
65
06/05/11 19:15
alerte de mise à jour sera reléguée au second plan,
alors qu’un email reçu de votre supérieur sera affiché ;
• Vous partez de votre bureau mais souhaitez laisser l’accès de votre document à un groupe de collaborateurs : la session sera déclenchée uniquement
lorsqu’ils seront présents devant votre ordinateur.
Sécurité : comment assurer la confidentialité d’une
information affichée sur un moniteur situé dans un
lieu public ? Certaines applications militaires sont
dotées d’un système sophistiqué, basé sur l’identité
de l’individu et son centre de vigilance, pour n’afficher que certaines parties d’un document confidentiel : par exemple, ne montrer que quelques mots et
symboles autour de la zone d’observation.
Pour le « grand » public
Ordinateur grand public : l’intégration de systèmes
eye-tracking dans les PCs n’est plus une utopie et
va introduire une multitude de fonctionnalités révolutionnaires pour notre expérience face à la machine. Bien entendu, il y aura le déplacement de
la souris avec le regard ; mais imaginez ceci dans
votre quotidien :
• Votre ordinateur est en veille. Vous arrivez à votre
bureau, la détection de vos yeux, et de vos seuls yeux,
déclenche le login automatique de votre compte ;
• Dans l’environnement multifenêtre de votre système d’exploitation, il est nécessaire de cliquer sur
l’une d’elles pour la rendre active. Grâce à l’eyetracking, il suffira de regarder la fenêtre pour la
mettre au premier plan et l’activer pour travailler ;
• Vous lisez un long document : il défile automatiquement au fur et à mesure que vous le parcourez ;
• Si l’appareil détecte que vous « lisez en diagonale », il va automatiquement mettre en exergue les
mots-clefs ;
• Vous butez sur un mot technique dont vous ne
comprenez pas toutes les acceptions : le fait de fixer
plus longuement le mot va activer une recherche
dans l’encyclopédie et vous présenter les précisions
souhaitées ;
• Vous êtes en pleine rédaction de rapport, votre
regard reflète votre niveau de concentration : une
66
Jeu vidéo : qui n’a pas rêvé de « tuer un monstre
avec son regard » ? Vous pouvez également diriger
votre avatar dans un monde virtuel en fixant la direction souhaitée, combiner le mouvement du corps
ou d’un joystick avec la visée avec les yeux… Si votre
attention diminue, le jeu va s’adapter à votre état et
changer de niveau !
Sécurité automobile (ou tout véhicule roulant ou
volant) : la sécurité routière est plus que jamais
d’actualité. La baisse de vigilance due à la fatigue
ou à des facteurs distrayants est une cause majeure d’accidents. Il a été démontré que la fréquence et la vitesse de battement des paupières,
combinées à la direction du regard (sur la route
ou en dehors de la route) sont d’excellents indicateurs du niveau d’attention du conducteur. Associer ce niveau de vigilance aux outils d’assistance
à la conduite permet de réduire considérablement
les risques de collision.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 66
06/05/11 19:15
Conclusion
© Fotolia
Un système de eye-tracking miniaturisé et encapsulé dans le tableau de bord à l’intérieur du véhicule, permettra, en outre, d’offrir d’autres fonctionnalités telles que :
• le contrôle de systèmes d’affichage tête-haute
(par exemple, changer la destination d’un GPS, ou
la station d’un auto-radio, tout en conservant le regard sur la route, sans quitter le volant des mains) ;
• l’affichage d’une sélection d’informations autour
de la direction du regard ;
• l’application des réglages personnalisés de siège
et rétroviseurs suite à la reconnaissance de l’identité oculaire du conducteur.
Mobiliers interactifs : le mobilier de ville ou de salon est un support idéal pour le eye-tracking. En effet, imaginez que vous puissiez commander un billet
de train sur une borne interactive sans contact avec
l’écran. Cela permettrait de réduire considérablement les risques de contamination par contact avec
des germes. Imaginez que vous puissiez choisir
une chaîne sur votre téléviseur sur une mosaïque
de plusieurs dizaines de miniatures, et ce, sans la
télécommande. Imaginiez enfin qu’une porte ne
s’ouvre que lorsque vous la regardez et non parce
que vous passez devant… Cela permettrait certainement d’éviter l’ouverture intempestive des portes,
et de mieux conserver les conditions thermiques du
bâtiment.
Le eye-tracking constitue un formidable outil pour
l’analyse et la compréhension du comportement
humain. Il peut être utilisé dans un mode passif
pour révéler la manière dont un internaute parcourt visuellement une page d’accueil, comment un
consommateur compare différents produits dans
un linéaire de supermarché, les stratégies mises en
œuvre par un enfant pour apprendre à se servir d’un
outil, ou encore la charge cognitive d’un contrôleur
aérien. Les dispositifs AAC (Augmentative and Alternative Communications) basés sur le eye-control
permettent aux personnes handicapées moteur de
maîtriser un environnement informatique avec leur
seul regard. Mais surtout, cette modalité d’interaction va se généraliser pour les professionnels et se
démocratiser dans notre quotidien : c’est une « troisième main » pour le chirurgien, c’est un système
de détection de la vigilance de conduite, c’est un ordinateur standard doté de eye-tracking, ce sont des
jeux d’ordinateur contrôlés par le regard…
Comme dans toute innovation, certains ne manqueront pas de relever les dérives possibles : « intrusion » dans la vie privée d’un passant, collecte de
données individuelles à des fins commerciales. Les
instituts d’études marketing et d’opinions organisent
régulièrement des collectes de données, dans une
démarche transparente et un cadre pleinement légal : le panel interrogé est informé de la méthode et
de la métrique utilisée ; en outre, c’est le comportement moyen qui intéresse les spécialistes des études
et non les données individuelles. Il appartiendra très
certainement aux pouvoirs publics de se saisir de la
question, en bordant le champ applicatif, fixant les limites d’enregistrement et d’exploitation des données
glanées à l’insu des utilisateurs, afin de permettre à
cette technologie de livrer sereinement et rapidement tout son potentiel au bénéfice de la société.
Aujourd’hui, le coût d’acquisition d’une solution de
eye-tracking de bonne facture, avec un accompagnement adéquat, reste compris entre 2 k (en location) et 20 k€ (en investissement) : c’est un « luxe »
encore réservé aux professionnels. Les enjeux pour
les utilisateurs et les bienfaits attendus justifient
pleinement de continuer à stimuler les développements industriels. Ceux-ci sont essentiels pour réduire les coûts d’acquisition et améliorer les performances, ce qui permettrait d’enclencher une
spirale vertueuse vers l’utilisation par le plus grand
nombre, à la rencontre d’un marché substantiel et
d’une appropriation citoyenne de cette technologie...
Photos : © Tobii Technology 2011
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 67
67
06/05/11 19:15
Bertrand Taquin
Directeur de projet vidéoprotection
SNCF
Bertrand Taquin, 49 ans, ingénieur Télécom Lille 1, a été nommé directeur de projet
au Département des Télécommunications de la Direction de l’Ingénierie SNCF
le 15 janvier 2009.
Il est également intervenu en tant que manager dans différents établissements
de production SNCF et a travaillé comme expert pour les études de conception
des systèmes de télécommunications du TGV coréen en relation avec KRRI1.
Il fut également le représentant de l’INFRA2 pour la rédaction du premier PPP3
de Réseau Ferré de France sur le projet GSMR4. Il a géré de nombreux projets externes
comme la réalisation des infrastructures radio du métro de Lyon.
Chef de projet à l’origine des premières expériences SNCF de vidéo haut débit
sur IP (projet VATIM5), il est maintenant à la tête d’une task-force chargée de décliner
sur le territoire national le déploiement et l’intégration des solutions de vidéoprotection
au sol.
Cette entité a pour mission essentielle de garantir la cohérence technique de bout
en bout, d’industrialiser les méthodes et d’animer sur l’ensemble du territoire national
les entités régionales de production.
Bertrand Taquin est spécialisé dans le lancement de grands projets
de télécommunications en milieu ferroviaire mettant en œuvre des nouvelles
technologies. Il s’appuie pour ce faire sur de nombreux experts, bureaux d’études
et industriels, sans oublier les services juridiques et les entités marchés.
1 Korean Railroad Research Institute
2 Branche Infrastructure de la SNCF
3 Partenariat Public Privé
4 GSM Railways
5 Vidéo Antiterrorisme Intra Muros
68
kalisté : été 2011
TRIBUNE LIBRE
La vidéoprotection
à la SNCF
Un outil communicant performant
au service de la sûreté
et du transport ferroviaire
Genèse
Le contexte politique et les besoins de prévention
de la délinquance ont conduit les pouvoirs publics
à favoriser le développement de la vidéoprotection.
Des attentes fortes ont ainsi été exprimées au plus
haut niveau de l’État, encadrées par un dispositif légal complet et cohérent :
• Un cadre protecteur des libertés fixé par la loi du
21 janvier 1995 et élargi par la loi du 23 janvier 2006 ;
• Des modalités d’application fixées par le décret du
17 octobre 96, simplifiées par le décret du 22 janvier
2009 ;
• Des règles de qualité et d’efficacité fixées par l’arrêté sur les normes techniques du 3 août 2007.
Mesurant immédiatement l’importance vitale
qu’elle représente pour la vie économique et sociétale du pays, la SNCF a manifesté sa volonté
d’accroître très fortement les équipements de vidéoprotection mis en œuvre dans le monde ferroviaire, en complément d’autres actions de prévention.
En choisissant dès 2006 des solutions technologiques
communicantes basées sur l’Ethernet à très haut débit
plutôt que des réseaux ATM1, son réseau Ile de France
a été apte dès l’origine à recevoir toutes les évolutions
et capable de s’interconnecter avec l’ensemble de ses
partenaires internes ou externes des zones urbaines.
Aujourd’hui, l’utilisation faite de la vidéoprotection
répond complètement aux cahiers des charges
SNCF dans le strict respect des contraintes légales :
• protéger et rassurer les clients et le personnel ;
• protéger les installations ;
• renseigner les forces de Police ;
• lever le doute lors de signalements et coordonner
les interventions ;
• apprécier les flux de voyageurs et la régulation du
trafic ;
• enrichir l’information diffusée aux voyageurs en
gare et à ses abords.
1 Asynchronus Transfer Mode
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 69
69
06/05/11 19:15
Ces choix technologiques ont nécessité de nombreuses études de conception générale et détaillée
qui permettent aujourd’hui d’offrir un éventail de
solutions techniques répondant au juste besoin des
activités SNCF et à une logique de maîtrise des coûts.
Un projet d’envergure nationale
L’ampleur du nouveau programme engagé par la
SNCF a conduit à un changement d’échelle dès 2008,
l’objectif étant d’équiper la plupart des gares tant en
Ile-de-France que dans les principales villes de province, sans oublier l’équipement de ses trains. Cela
représentera à terme plusieurs milliers de caméras
dont les images seront intégralement enregistrées.
Ce programme a poussé plus loin l’ambition technologique en retenant des orientations techniques
innovantes :
• l’utilisation systématique de caméras numériques
IP1 ;
• un support de transmission sur fibres optiques de
bout en bout ;
• des équipements DWDM2 et IP3 à très haut débit
dans le réseau et l’implémentation de fonctionnalités MPLS4 ;
• une solution logicielle éprouvée et ouverte vers
le monde extérieur permettant de disposer de plusieurs centaines de postes opérateurs accédant à
l’ensemble des images en temps réel ou en temps
différé ;
• un système informatique hautement sécurisé garantissant des conditions d’utilisation et d’extraction des images strictement encadrées ;
• des systèmes d’enregistrement représentant
plusieurs milliers de Terra octets de données, accessibles uniquement par les postes opérateurs à
vocation sûreté via un système de navigation et de
recherche très performant ;
• d’autres systèmes de transmission radio ou CPL5
adaptés aux plus petites entités.
70
Leur mise en oeuvre est pilotée par la Direction de
l’Ingénierie au niveau national ; elle s’appuie sur la
DSIT5 pour le réseau IP. L’objectif est de garantir la
cohérence d’ensemble des systèmes depuis l’acquisition jusqu’au traitement des images sans oublier la mise à disposition des outils d’exploitation
et de maintenance pour son centre de service géré
par CSCTI6.
Plusieurs plateformes de pré-production ont donc
été nécessaires en usine et in-situ pour valider les
solutions retenues. Elles ont maintenant livré leurs
secrets et permis de vérifier que la solution répondait en tous points aux contraintes légales et aux
attentes des comités utilisateurs sûreté, exploitants
ferroviaires, mainteneurs et forces de sécurité.
La vidéo a donc tout d’une technique sophistiquée
s’appuyant sur l’informatique et les télécommunications. Mais sait-on que sa mise en œuvre en
milieu ferroviaire (quais de gares, souterrains, hall
de gares, etc.) nécessite d’importants travaux de
génie civil, des précautions particulières liées à la
présence de la très haute tension 25 KV~ dans les
caténaires et aux circulations ferroviaires ?
Des chantiers se profilent dans toute la France et
sont actuellement engagés à un rythme soutenu. Ils
ont nécessité de nombreux appels d’offres, une industrialisation des méthodes et une harmonisation
des systèmes de vidéoprotection au niveau national.
Pour garantir une exploitation cohérente centralisée, les plus emblématiques sont sans aucun doute
les grandes gares parisiennes comme Paris-Nord
qui est maintenant dotée de plusieurs centaines de
caméras. Un système équivalent équipe les gares
de Paris-Est, Paris-Gare de Lyon, Marseille, Perpignan, Lille…
1 Internet Protocol.
2 Dense Wavelength Division Multiplexing permet de faire
passer jusqu’à 32 longueurs d’ondes sur une seule fibre optique.
3 Multi Protocol Label Switch permet un déploiement à grande
échelle pour acheminer différents types de trafic tout en
respectant les contraintes de fonctionnement associées.
4 Courants Porteurs en Ligne réfère à une technique permettant
le transfert d’informations numériques en passant par les
lignes électriques.
5 Direction des Systèmes d’Information et des Télécommunications.
6 Centre de Service Client Télécom et Informatique.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 70
06/05/11 19:15
TRIBUNE LIBRE
ia
ol
©
t
Fo
Au cours des mois et des années à venir, chaque
nouveau chantier programmé débouchera sur une
mise en service planifiée avec les différents maîtres
d’ouvrages et les exploitants.
cours le démontrent au quotidien avec
le réaménagement des gares
de Paris et de province.
N’oublions pas non plus les trains de la vie quotidienne dont l’équipement est en cours. Ainsi, en
Ile-de-France, la première nouvelle automotrice
Transilien est livrée avec ses caméras et ses enregistreurs. Certains modèles de matériel roulant
plus anciens profiteront quant à eux des opérations
programmées de rénovation pour leur équipement.
Grâce à son emplacement stratégique au cœur des
villes et aux flux importants généré, par le trafic
ferroviaire, la gare a vocation à devenir un pôle d’activité dynamique. Elle devient à la fois un lieu de développement urbain, de transit, de vie, de services
et d’échanges.
Si la SNCF a porté l’ambition de la vidéoprotection
du système ferroviaire auprès des pouvoirs publics,
elle doit désormais la faire partager à ses partenaires dans l’activité de transport.
La vidéo en gare au cœur
de l’inter modalité urbaine
L’ambition de la SNCF est de rendre la gare plus ouverte sur la ville, fonctionnelle et lisible, confortable
et accessible, vivante et animée. Grand partenaire
de la SNCF, Réseau Ferré de France partage avec
elle le souci de la sécurité des circulations ferroviaires, y compris dans l’environnement des gares.
S’il fallait s’en convaincre, les grands chantiers en
Mais alors, quels sont les apports de la vidéo dans
ce nouveau contexte ?
L’expérience SNCF a montré que la vidéo apporte
des informations précieuses aux personnels dont la
mission est la prise en charge des voyageurs. C’est
une aide quotidienne à la production ferroviaire,
aussi bien pour la gestion des voyageurs que pour la
préparation des trains et leur circulation.
Au-delà de leurs fonctions primaires de sûreté, les
caméras permettent de saisir l’ambiance de la gare
sur les quais, dans le bâtiment voyageurs ou ses
abords immédiats. Elles facilitent ainsi la gestion
des déplacements en apportant une aide efficace
pour l’accueil et la prise en charge des groupes de
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 71
71
06/05/11 19:15
voyageurs, en anticipant l’arrivée des cars grâce
à leur visualisation et en supervisant les déplacements de ces groupes dans l’enceinte de la gare.
De même, les caméras apportent leur aide lors d’interventions d’urgence ou pour faciliter l’accès aux
trains pour les personnes à mobilité réduite, par
une préparation mieux adaptée et un meilleur suivi.
Dans les centres chargés de l’information des
voyageurs, l’opérateur qui effectue les annonces
sonores bénéficie quant à lui d’un retour visuel en
temps réel lui permettant de vérifier la bonne compréhension de ses messages par les clients et d’en
mesurer l’impact. Ce dernier apprécie alors le besoin de compléter ou non l’annonce faite aux clients.
C’est ce retour visuel sur la concentration des flux
de voyageurs qui lui permet de mettre en œuvre des
stratégies plus efficaces pour fluidifier les déplacements et limiter les mouvements de foules non
souhaités. Ainsi, lors des situations de perturbation,
la visualisation des clients qui attendent les trains
en gare permet d’évaluer et de cerner les situations
à risque.
Dans le processus de décision, les caméras apportent une aide précieuse pour agir rapidement : désengorger des quais trop bondés, ajouter si nécessaire des arrêts supplémentaires, mettre en place
des transports de substitution…
Autres utilisations probantes
de la vidéo :
• L’optimisation de la production : assistance à la
mise à quais des trains lors de grands départs ou
lors d’événements particuliers tels que la fête de la
musique, les grands événements sportifs, politiques
ou culturels ;
• Interventions de contrôle : supervision d’interventions délicates d’agents en gare auprès d’usagers
potentiellement réactifs, par exemple lors d’opérations de contrôle sur les quais ;
• La protection des zones sensibles : seule ou cou-
72
plée à d’autres systèmes de détection d’intrusion,
la vidéo apporte un soutien efficace pour la surveillance des garages de rames (dispositifs anti-tagueurs), des zones d’embarquement de type Transmanche, des tunnels ferroviaires, des couloirs de
correspondance… ;
• La gestion des équipements en gare : une caméra pointée sur un escalator permet de renseigner
l’exploitant sur son bon fonctionnement, sur le fait
qu’un incident s’y est produit ou tout simplement de
l’arrêter ;
• Surveillance des biens : la surveillance des parcs
de stationnement des vélos ou voitures permet de
prévenir des dégradations éventuelles. Cette surveillance peut être étendue aux distributeurs automatiques qui délivrent des billets de train, de l’argent, des boissons ;
• L’aide aux personnes en situation de détresse :
utilisée en couplage audio sur les bornes d’appel
d’urgence en Ile de France, elle permet de prendre
en compte l’environnement de la personne qui intervient depuis un quai ou un souterrain, pour mieux
cibler la réponse à donner en terme d’assistance.
La vidéo trouve donc de nombreuses applications en
gare pour améliorer la qualité et la performance du
service en gare, garantir leur renouveau et inventer
la mobilité de demain afin de préparer l’ouverture
du marché voyageur.
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 72
06/05/11 19:15
TRIBUNE LIBRE
Préparer l’avenir
L’outil vidéo est un outil en pleine évolution. Audelà de la captation des images et des techniques
de transmission, des études sont lancées sur ce
qu’on appelle la vidéo-intelligente. Le spectre est
très large : certaines applications sont aujourd’hui
bien maîtrisées et peuvent faire l’objet d’une utilisation « industrielle » tandis que d’autres, plus
nombreuses, font l’objet de travaux de recherche
pointus. La SNCF entend tirer parti des potentialités
nouvelles qu’offrira l’outil vidéo pour ses activités de
transporteur.
Aujourd’hui, la SNCF teste de nombreuses solutions
innovantes. Par exemple, la vidéo-mobilité qui permet de se connecter en toute sécurité à distance via
des PDA1 sur les installations en gare, des solutions
de transmission d’images à très haut débit entre le
sol et le bord pour télécharger les données enregistrées, etc. Elle installe et continue de tester des
solutions de vidéo « anti-intrusion » évoluées qui
permettent de détecter des personnes non habilitées pénétrant dans des zones protégées.
Des exemples simples peuvent illustrer le bénéfice
que l’on peut attendre en matière ferroviaire : la
protection du matériel roulant stationné pour éviter
des actes de malveillance ou l’embarquement de
passagers clandestins, l’interdiction d’accès à des
ouvrages d’art tels qu’un tunnel. Dans ce dernier
cas, la caméra devra distinguer le déplacement de
personnes de celles de véhicules ferroviaires dont
le passage est légitime, ces détections pouvant être
faites de jour comme de nuit par des systèmes infra
rouge.
Dans une perspective plus lointaine, un programme
de veille technologique est mené en partenariat
entre les activités SNCF, les Directions de l’Ingénierie, de la Recherche et de la Sûreté pour anticiper
les développements nécessaires.
La Sncf : une entreprise citoyenne
En s’engageant dans une politique de prévention
forte comprenant cet ambitieux programme d’équipement vidéo, la SNCF a choisi de témoigner une
nouvelle fois de sa dimension citoyenne à travers
des réponses à la hauteur des enjeux qui se posent
à la collectivité.
S’appuyant sur ses compétences internes d’ingénierie et sa connaissance du monde du transport,
elle mène ce projet avec détermination pour en tirer le plus grand bénéfice pour la sûreté des biens
et des personnes, l’exploitation du transport ferroviaire et pour l’accueil et l’accompagnement de ses
clients tout au long de leur voyage.
Apparue à l’origine pour des motifs de sûreté dans
les gares, la vidéo trouve donc également aujourd’hui sa pertinence dans la production ferroviaire où elle a déjà modifié fortement les comportements métiers en apportant une efficacité accrue.
1 Personal Digital Assistant
Demain, elle continuera d’être un facteur de l’amélioration continue du service rendu au client.
ÉTÉ 2011 : KALISTÉ
73
Chris Wild
Directeur Technique
Altran Praxis
Chris Wild, actuellement Directeur technique d’Altran Praxis, possède plus de 25 ans
d’expérience dans l’industrie du software et la gestion de projets.
De l’aérospatial à l’automobile, en passant par le multimédia, le parcours de
Chris Wild l’a également amené à travailler sur l’intelligence artificielle
et la théorie de la complexité. On retrouve beaucoup de son travail sur des modèles
de voitures BMW et Volkswagen, différents appareils de téléphonie mobile et dans
les études de fabricants de semi-conducteurs.
Avant de rejoindre le groupe Altran, Chris Wild a occupé les fonctions de Directeur
du développement de logiciels chez Infineon, Directeur concepteur du compass
design, et de nombreux postes en tant qu’ingénieur dans les administrations
britanniques chez Smith’s Aerospace ou encore Digital Corporation.
Au-delà de sa carrière sans faille dans la conception et le développement de
logiciels, Chris Wild tire une grande fierté de son action dans le développement et la
gestion d’équipes d’ingénieurs internationales.
74
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 74
06/05/11 19:15
TRIBUNE LIBRE
L’avènement des
App Stores
automobiles
L
es plateformes de téléchargement de logiciels applicatifs et de services, connues
désormais sous le terme consacré d’App
Stores, font aujourd’hui partie de la périphérie indispensable de tout smartphone qui se
respecte ! Les App Stores offrent aux utilisateurs
un achat sécurisé, ainsi que le téléchargement et
l’installation de nouvelles applications par un processus simple et contrôlé, via le web ou directement
sur les terminaux. Dans ce contexte, la confiance
des utilisateurs envers les applications proposées
dans les App Stores revêt un caractère crucial :
elle est assurée par une sélection en amont de la
part des fabricants. Cette évolution a engendré de
nombreuses retombées positives sur le marché des
smartphones. Les créateurs d’applications sont capables de fournir beaucoup plus de contenu en volume, s’appuyant sur une phase de commercialisation plus efficace. Cela aurait été impossible par le
biais d’un système central intégré ou d’un système
de développement commissionné.
Les systèmes d’Infotainment, intégrés dans les voitures, sont actuellement perçus comme un nouveau
marché potentiellement fécond pour les App Stores.
De nombreux problèmes associés à la mise en
place et à l’opérationnalisation des systèmes d’Infotainment pourraient ainsi être résolus en utilisant
un système d’App Store centralisé, à l’instar de ce
celui des smartphones. Mais ce n’est pas si simple…
Aujourd’hui, les systèmes d’Infotainment se heurtent en premier lieu à des barrières politiques et
législatives : les applications d’Infotainment sont
utilisées par le conducteur, alors que le conducteur est par définition en train de conduire ! Dans
ce contexte, c’est l’ergonomie et le design qui priment. Les sous-traitants d’équipements automobiles considèrent les aspects de design et d’ergonomie comme faisant partie de leur image de marque.
Toutefois, cette dernière agrège également l’image
de sécurité des équipements : il n’est pas question
que leurs produits soient associés à une mise en
péril des automobilistes.
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 75
75
06/05/11 19:15
«
Les sous-traitants
seront obligés
de mettre de côté
leurs systèmes
bridés et cloisonnés.
Par ailleurs, les sous-traitants de l’automobile sont
sous pression pour concevoir des systèmes compatibles avec les terminaux usuels, fonctionnant avec
des télématiques connectées, répondant au plus
près aux attentes des consommateurs. Cette attente se résume dans cette simple phrase : « tout le
monde veut un smartphone et pouvoir l’utiliser dans
sa voiture ». Le problème technique qui s’ensuit est
que le cycle de développement des systèmes intégrés aux voitures est compris entre 2 et 4 ans, alors
que les appareils, les services et applications pour
smartphones arrivent sur le marché en seulement
quelques mois.
Il est donc évident que les sous-traitants seront
obligés de mettre de côté leurs systèmes bridés et
cloisonnés, s’ils souhaitent répondre au mieux à ces
obligations. L’enjeu principal est que les systèmes
intégrés aux voitures devront pouvoir supporter la
76
mise en place et l’intégration des logiciels après
que le système de base ait été mis en place, testé
et vendu. Dans ce cadre, il semble inévitable que les
sous-traitants recourent à des tierces parties, car
ils n’ont pas les ressources nécessaires pour développer toutes les applications eux-mêmes.
L’émergence des App Stores pour « automobiles
connectées » pourrait donc prendre un certain
temps, afin de permettre aux sous-traitants d’évoluer dans ce contexte. L’arrivée d’un support technologique, à travers la mise en place de kits de
développement logiciels (Software Development
Kits -SDK) procurant contrôle et sécurisation de la
réalisation pour l’App Store, devrait permettre aux
sous-traitants ou aux tierces parties de développer
et obtenir des logiciels plus rapidement, tout en garantissant l’image de marque et la qualité, dans un
modèle flexible et transparent. Dans ce cas, l’atout
que porte l’App Store réside dans un processus de
développement indépendant, combiné à un portail
de contrôle qualité à l’entrée de l’App Store. Ce projet nécessite aussi que la technologie de base des
systèmes intégrés aux voitures évolue pour prendre
en compte l’intégration d’applications, ce que l’on
rencontre déjà dans des publications telles que GENIVI (références 1 à 3).
Bien entendu, ce processus repose sur de multiples
facteurs à prendre en compte pour être en phase
avec le marché.
A minima, l’utilisateur final doit avoir la volonté
d’acquérir des systèmes intégrés aux voitures ! Pour
cela, les applications doivent se situer au plus près
de ses attentes, être sécurisées, procurer une ergonomie satisfaisante et afficher un prix abordable.
L’aspect ergonomique sera intégré dans le SDK en
fonction de critères définis par les sous-traitants,
tandis que la dimension sécurité sera certainement
déterminée par le législateur (référence 4).
kalisté : été 2011
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 76
06/05/11 19:16
TRIBUNE LIBRE
La recherche d’applications nouvelles stimule généralement la créativité des concepteurs… Dans le
cas de l’automobile, il y a fort à parier que les applications seront moins nombreuses que pour les
iPhones. En revanche, le leitmotiv des concepteurs
pourrait certainement évoluer vers la recherche
d’applications utiles et fonctionnelles pour les
conducteurs. Apparemment, les frémissements actuels montrent que la première vague d’applications
à succès sera celle qui permettra d’accroître les capacités déjà présentes dans les voitures de façon
non-intrusive. Par exemple, acheter en temps réel
la musique qui passe sur une station radio, gérer
la facturation automatique, la transférer sur l’appareil, tout cela en appuyant sur une seule touche…
L’approche App Store pourrait avoir des retombées
positives pour l’ensemble des acteurs de la chaîne
de valeur. Son développement comprendra plusieurs étapes : développement d’applications, de
services, communication et plateformes de support.
Le revenu global sera partagé entre les créateurs
d’applications, les sous-traitants de services, les
opérateurs de communication et les sous-traitants
automobiles. En revanche, les bonnes connexions
entre les acteurs de la chaîne de valeur restent à
inventer : les sous-traitants géreront-ils l’App Store
dans son ensemble, en s’occupant des serveurs
et de la facturation ; externaliseront-ils ces tâches
vers des tierces parties, ou à l’inverse, se lancerontils dans la compétition avec un certain nombre d’acteurs tels que les opérateurs de téléphonie ? L’avenir le dira, car il est fort probable que le concept App
Store apparaisse dans nos véhicules d’ici quelques
années, poussé par une attente croissante du marché et un contexte technologique favorable. En
revanche, qui seront les futurs utilisateurs de
ces App Stores et autour de quels axes de valeur
d’usage plébisciteront-ils ce modèle ? Là encore, la
question est ouverte…
1 http://www.genivi.org/refs, Hughes Telematics
2 http://www.hughestelematics.com/solutions/manufacturer.php , Ford
3 http://reviews.cnet.com/8301-13746_7-10385619-48.html
4 http://blogs.findlaw.com/injured/2010/01/the-in-car-infotainment-system-what-risks-are-posed.
html?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+Injured+(Injured)
été 2011 : kalisté
ALTRAN_KALISTE_CHAP5.indd 77
77
06/05/11 19:16
CONCLUSION
Conclusion
La ville 3.0 :
Vers un nouvel espace intelligent ?
André Santini
Ancien Ministre
Député-Maire
d’Issy-les-Moulineaux
Président du conseil
de surveillance
de la Société du
Grand Paris
Selon l’ONU, plus de la moitié de la population mondiale vit,
depuis le début du XXIe siècle, en ville. Pour la première fois
dans l’histoire de l’humanité, les citadins sont plus nombreux
que les campagnards. Surtout, la population mondiale
devrait dépasser les 9 milliards d’habitants d’ici 2050, ce qui
provoquera inéluctablement de profonds bouleversements
dans notre manière d’appréhender le monde.
La ville 3.0 est celle d’un futur proche. Après le web 2.0, que
l’on peut résumer par l’utilisation de l’intelligence collective
au service de l’humanité, le web 3.0 devrait tirer parti de
l’intelligence artificielle, autour notamment de l’Internet
des objets. En communiquant ensemble, ces capteurs et
senseurs vont permettre de mieux gérer notre consommation
énergétique, de fluidifier la circulation automobile dans
les grands centres urbains, de mieux protéger les citoyens
et de mieux appréhender les grands enjeux de la ville, sans
jamais oublier que celle-ci est d’abord l’expression d’une
communauté d’hommes et de femmes partageant un lieu
de vie et de savoir.
C’est le pari que j’ai pris lorsque, au début des années 90,
j’ai engagé ma ville d’Issy-les-Moulineaux sur la voie du
numérique. Un investissement qui a permis d’améliorer
les services rendus à la population et d’accroitre l’attractivité
de la ville qui, en accueillant davantage d’entreprises et
d’habitants, peut s’enorgueillir d’avoir des impôts locaux plus
faibles aujourd’hui qu’en 1996, date du lancement de notre
site issy.com. Nous travaillons, aujourd’hui, sur des projets
de Smart grid qui, basés sur les technologies du web 3.0,
devraient renforcer plus encore notre rôle de ville pionnière.
La révolution technologique transforme nos sociétés. Nous
vivons depuis une vingtaine d’années le début d’un cycle dont
nous ne connaissons évidemment pas la fin mais qui pourrait
rendre, enfin, la vie de tous les habitants de cette planète plus
supportable qu’elle ne l’a jamais été dans notre Histoire. Après
avoir rendu le savoir accessible à tous, la société numérique
peut résoudre de nombreux maux, dans le domaine de la
médecine, de l’environnement et de la société en général.
C’est cet espoir que porte, à mes yeux, la ville connectée.
78
KALISTÉ : ÉTÉ 2011
ALTRAN_KALISTE_CONCLU.indd 78
06/05/11 19:16
REMERCIEMENTS
ALTRAN REMERCIE L’ENSEMBLE
DES CONTRIBUTEURS AYANT
PARTICIPÉ À L’ÉLABORATION
DE KALISTÉ ÉDITION ÉTÉ 2011 :
Hossam Afifi, Nils Aziosmanoff,
Aurélien Clerc, Laurie de l’Éprevier,
Vincent Gauthier, Marc Girod Genet,
Antoine Luu, Matthias Mann, Olivier Meulle,
Philippe Orvain, Olivier Picard,
Bernhard Scherer, Stéphane Schmoll,
Bertrand Taquin, Giovanni Ungaro,
Chantal Vallet, Chris Wild
et enfin Monsieur André Santini
qui a conclu les travaux de Kalisté.
ALTRAN_KALISTE_CONCLU.indd 79
06/05/11 19:16
COMITÉ DE RÉDACTION KALISTÉ
Méhand Guiddir
Directeur de la publication
[email protected]
Luc Vidal
Chef de projet
[email protected]
Vladimir Froment
Assistant directeur de la publication
[email protected]
Audrey Boullenger
Responsable communication
[email protected]
Émilie Bartier
Chargée de communication
[email protected]
DESIGN & CONCEPTION GRAPHIQUE
Laurie de l’Éprevier
Illustrations - Designer Pr[í]me
[email protected]
Aurélien Clerc
Illustrations - Designer Pr[í]me
[email protected]
Luce Théry
Conception graphique et mise en page
[email protected]
Kalisté est la publication d’Altran Telecoms & Media.
Vos commentaires sont les bienvenus.
Merci de les adresser à notre comité de rédaction :
58, boulevard Gouvion Saint-Cyr, 75017 Paris, France.
Téléphone : +331.48.88.00.00.
[email protected]
Copyright 2011 © Altran, tous droits réservés.
ALTRAN_KALISTE_OURS.indd 80
DIRECTION ALTRAN
Telecoms & Media
Cédric Péan
Directeur général
[email protected]
Yannick Waller
Directeur général adjoint
[email protected]
06/05/11 19:17
ALTRAN_KALISTE_CV_ok.indd 2
06/05/11 16:31
La viLLe 3.0
Vers un nouvel
espace intelligent ?
ALTRAN_KALISTE_CV_ok.indd 1
06/05/11 16:31