ACV comparative de biocarburants : une orientation pour la

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ACV comparative de biocarburants : une orientation pour la
Congrès International sur l’Analyse du Cycle de Vie
Lille, Novembre 2011
ACV comparative de biocarburants : une orientation pour la recherche de procédés
plus écologiques
Cédric His***, Rénato Froidevaux*, Pascal Dhulster*, Benjamin Hanoune**, Muriel Bigan*, Michel
Millares***
* Laboratoire ProBioGEM, Université technique et scientifique de Lille 1, Boulevard Paul Langevin C
Cité scientifique, 59655 Villeneuve d’Ascq
** PC2A, Cité scientifique - Bâtiment C11, 59655 Villeneuve d’Ascq
*** GECCO, 84 rue d’Artois BP 61061, 59011 Lille
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Section du CNU de rattachement: 62/64
Ce poster a pour objectif de présenter un comparatif d’analyse de cycle de vie (ACV)
entre deux procédés existants de fabrication de biocarburants à partir d’huiles alimentaires usagées
(HAU) et un troisième en cours d’élaboration. Le premier procédé est un traitement de l’HAU avec du
méthanol pour en faire de l’ester méthylique d’huiles alimentaires usagées (EMHAU). Le deuxième
procédé est une utilisation directe de l’HAU en tant que carburant. Le dernier procédé est un
traitement de l’huile par voie biologique.
1) Procédé chimique de transestérification utilisant le méthanol
Pour ce premier procédé, les informations sont tirées de l’étude réalisée par l’ADEME
1
sur les biocarburants de première génération . Certaines hypothèses de travail seront conservées
pour le reste de l’étude. L’unité fonctionnelle utilisée est ici « permettre le déplacement d’un véhicule
sur 1 km » qui est ensuite ramenée au « Mégajoule (MJ) de carburant consommée » afin de faciliter
les comparaisons. Cette unité sera aussi utilisée pour les autres parties. Dans le scénario décrit,
l’huile est collectée (étape de transport), puis elle subit un dégrillage (élimination des particules de
tailles supérieur à 1-1,5 mm) et une décantation. Avant le procédé de transestérification, l’huile subit
une pré-estérification acide afin d’éviter les phénomènes de saponification. Une catalyse homogène à
l’hydroxyde de potassium est ensuite réalisée et suivie par un lavage à l’eau durant lequel le produit
est récupéré ainsi que certains coproduits tels que du sulfate de potassium. Enfin la dernière étape de
ce scénario est l’étape d’utilisation du biocarburant dans un véhicule classique Euro 4. L’HAU étant un
déchet il n’est pas tenu compte de l’impact environnemental de l’huile vierge dont il est issu ; il n’y a
donc pas d’imputation liée à la production de l’huile vierge ou à son utilisation.
Au niveau des impacts environnementaux, cinq sont pris en compte dans l’étude : la
consommation d’énergie non renouvelable (EnR), les émissions de gaz à effet de serre (GES), le
potentiel de toxicité humaine, le potentiel d’eutrophisation et le potentiel d’oxydation photochimique.
En ce qui concerne la consommation d’énergie non renouvelable, la consommation est 90 % moins
importante que pour les filières fossiles (0,236 MJ/MJ de carburant pour la filière ester méthylique
contre 1,25MJ/MJ de carburant pour la filière fossile). Le fait que l’étape de « production » du déchet
ne soit pas comptabilisée dans le système impacte pour beaucoup sur ce résultat. L’étape du procédé
la plus pénalisante est l’étape industrielle de transformation à cause de l’utilisation du méthanol, des
nombreux prétraitements de l’huile et des lavages pour récupérer les coproduits. Le même schéma
est retrouvé en ce qui concerne les émissions de CO 2 avec un indice en faveur du biocarburant
-3
-2
(8,7.10 kg CO2eq/MJ de carburant) soit 90 % d’amélioration par rapport à la filière fossile (9,14.10 kg
CO2eq/MJ de carburant), la cause principale des émissions étant due à l’étape industrielle de
transformation. Pour la toxicité humaine, le gain est très important puisque l’on passe d’une valeur de
-1
4,12.10 kg éq. de 1,4-DCB (di chlorobenzène)/MJ de carburant à -6,78 kg éq. de 1,4-DCB/MJ de
carburant soit un gain de -100 % et ceci malgré l’utilisation de méthanol. Pour le potentiel
d’eutrophisation des sols, les deux valeurs restent identiques entre les deux types de carburant (de
-5
2l’ordre de 10 kg éq. de PO4 /MJ de carburant). La dernière valeur en faveur des EMHAU concerne le
-5
potentiel d’oxydation photochimique puisque la valeur observée de 1,12.10 kg éq. de C2H4/MJ de
carburant pour la filière fossile de référence passe à 4,96. kg éq. de C2H4/MJ de carburant pour la
filière EMHAU étudiée.
Bien que ces valeurs soient encourageantes pour la filière EMHAU, des problèmes se
posent encore. Tout d’abord l’utilisation du méthanol, composé dont la toxicité est très forte. Le
deuxième problème vient du nombre de prétraitements réalisés sur l’huile alimentaire usagée servant
de matière première.
Congrès International sur l’Analyse du Cycle de Vie
Lille, Novembre 2011
2) Utilisation de l’HAU sans transformation
L’entreprise Gecco collecte les HAU dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie.
Dans le cadre d’une étude sur l’utilisation d’HAU directement comme carburant, une analyse sur les
polluants émis par la carburation d’une voiture diesel a été réalisée avec le laboratoire PC2A de Lille.
Il en découle une ACV réalisée avec le logiciel Gabi 4.0 sur cette utilisation dont voici les explications
et résultats.
Toutes les étapes ont été prises en compte de la collecte des HAU à la carburation.
Comme dans l’étude de l’ADEME, les HAU sont considérées comme des déchets et donc n’impactent
pas sur l’environnement par une étape de fabrication. Les étapes prises en compte ici sont la collecte,
la filtration incluant aussi une période de décantation ainsi que le lavage des bidons nécessaires à la
collecte de ces huiles, la centrifugation qui est effectuée grâce à une centrifugeuse ALFA LAVAL dont
la vitesse de rotation est de 7000 tr/min et enfin l’utilisation de l’huile ainsi traitée. La fabrication des
contenants tels que les cuves de 1000 litres servant à stocker les HAU et des machines et
équipements entrant dans le process ne sont pas pris en compte conformément au référentiel. Dans
cette ACV, le scénario considère que chaque collecte, faite avec un véhicule léger de 3,5 tonnes, est
réalisée pour au minimum collecter 600 kg d’huiles. Les déchets organiques issus du traitement des
HAU sont envoyés en incinérateur bien que le but final de l’entreprise soit de les méthaniser. Deux
types d’incinérateur proposé dans le logiciel ont été testés : « l’incinérateur municipal » et « les
déchets commerciaux envoyés dans un incinérateur municipal ». Par défaut, les valeurs d’impact pour
ces deux scénarios étant similaires, « l’incinérateur municipal » a été conservé car légèrement plus
impactant.
Les cinq mêmes impacts ont été calculés avec la méthode CML 2001 utilisée dans
l’étude de l’ADEME et comparés aux résultats de cette même étude. La consommation d’énergie non
-2
renouvelable est de 3,7.10 MJ/ MJ de carburant consommé. La valeur de la consommation en
carburant (facteur de conversion pour passer d’une unité par km à une unité par MJ) utilisée est la
même que pour les huiles végétales pures employées comme carburants. La consommation en
énergie renouvelable est donc meilleure que pour les EMHAU. Ce constat est le même en ce qui
-5
concerne le potentiel d’oxydation photochimique (3,5.10 kg éq. de C2H4/MJ de carburant) et pour la
-3
toxicité humaine (1,9.10 kg éq. de DCB/ MJ de carburant). Pour le potentiel d’eutrophisation, la
-5
3valeur est similaire aux EMHAU (7,9.10 kg éq. de PO4 /MJ de carburant). Seules les émissions de
-2
gaz à effet de serre sont légèrement moins bonnes (1,55.10 de CO2eq/MJ de carburant). Tous ces
résultats sont à améliorer. En effet, certains facteurs comme le type de station d’épuration utilisé pour
les eaux usées, les allocations à attribuer à la part d’huile réellement utilisée pour la fabrication lors de
la collecte, des résultats sur les tests moteurs plus fins seraient intéressants. De plus, certains
paramètres mécaniques n’ont pas été pris en compte dans cette étude. Par exemple, l’utilisation
d’huile sans transformation dans le moteur est assez aisé sur les moteurs diesel d’ancienne
génération mais est plus délicat sur les moteurs à rampe d’injection commune et nécessite parfois des
adaptations sur les moteurs. De plus, il serait nécessaire d’évaluer l’impact potentiel de ces
modifications sur la durée de vie du moteur.
3) Procédé biologique de traitement des HAU
Gecco, ProBioGEM et le PC2A travaillent actuellement sur la mise au point d’un
procédé de traitement innovant pour transformer ces déchets en biocarburant. Ce procédé devra
répondre à des contraintes écologiques et une ACV poussée sera réalisée pour répondre à ces
contraintes. Beaucoup de données sont actuellement manquantes pour traiter ce procédé en ACV de
manière complète et cohérente. Une première approche en introduisant un produit A dans l’ACV
précédemment réalisée pour l’utilisation directe de l’HAU permet de voir que la consommation en EnR
serait multipliée par quatre et que la valeur des autres paramètres serait quant à elle multipliée par
deux ou trois.
L’ACV permettra d’évaluer l’impact des substances utilisées et des conditions
opératoires et sera ainsi utilisée en tant qu’outil de mise au point du procédé pour atteindre le meilleur
compromis entre performance du carburant et impact environnemental.
Référence
[1] Analyses de Cycle de Vie appliquées aux biocarburants de première génération
consommés en France, rapport final, février 2010
Congrès International sur l’Analyse du Cycle de Vie
Lille, Novembre 2011
700
600
500
400
Flax shives
Miscanthus
Cereal straw
300
Triticale, whole plant
Linseed straw
200
100
0
Abiotic
depletion
Acidification
Eutrophication Global warming Ozone layer
(GWP100) depletion (ODP)
Terrestrial
ecotoxicity
Photochemical
Energy
oxidation
consumption
-100
Figure 1 : Potential impact comparison of studied biomass sources (baseline 100, flax shives as a
reference).
Biomasse sources
Triticale as whole plant
Miscanthus
Cereal straws
Flax shives
Linseed straw
Net energy yield
(MWhproduced/ MWhconsumed)
8.5
12.8
15.7
25.6
26.5
Table 1 : Energy yields of studied biomasses, expressed as the ratio of the energy produced by the
boiler (MWhp) to the renewable and non-renewable energy consumed during the production and
logistics steps (MWhc).
As a conclusion, flax shives were the least impacting feedstock supply, and linseed straw was
the alternative with the least environmental impacts. If global warming is considered as the most
important impact to mitigate, miscanthus appears as an interesting supply. Eventually, this study
shows the relevance of integrating local data in agricultural LCA, especially to accounting for soil
carbon sequestration and the logistic phase.
Bibliography
1.
ADEME, Analyses de Cycle de Vie appliquées aux biocarburants de première génération
consommés en France. Rapport final de l’étude réalisée pour le compte de l’ADEME, du MEEDD et
du MAAP et de FranceAgriMer par Bio Intelligence Service, 2010. p. 236.
2.
Berthoud, A., et al., Assessing freshwater ecotoxicity of agricultural products in life cycle
assessment (LCA): a case study of wheat using French agricultural practices databases and USEtox
model. The International Journal of Life Cycle Assessment, 2011. 16(8): p. 841-847.
3.
Birkved, M. and M.Z. Hauschild, PestLCI--A model for estimating field emissions of pesticides
in agricultural LCA. Ecological Modelling, 2006. 198(3-4): p. 433-451.
4.
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Other Land Use, 2006.
5.
Saffih-Hdadi, K. and B. Mary, Modeling consequences of straw residues export on soil organic
carbon. Soil Biology and Biochemistry, 2008. 40(3): p. 594-607.
6.
Silalertruksa, T. and S.H. Gheewala, Environmental sustainability assessment of bio-ethanol
production in Thailand. Energy, 2009. 34(11): p. 1933-1946.