Imagerie cérébrale du vieillissement normal et pathologique.
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Imagerie cérébrale du vieillissement normal et pathologique.
M. Guyot, M. de Clermont-Gallerande, A. Petrescu, M. Allard, Imagerie cérébrale du vieillissement normal et pathologique. M. Guyot1, H. de Clermont-Gallerande2, A. Petrescu1,3 , M. Allard1 Service Médecine Nucléaire Hôpital Pellegrin - CHU Bordeaux 2 CH Félix Guyon Bellepierre - St Denis de la Réunion 3 Central Clinical Emergency Military Hospital - Bucarest - Roumanie 1 Résumé Les démences neuro-dégénératives sont des pathologies fréquentes dont la prévalence et l’incidence augmentent avec le vieillissement de la population. Du fait de l’évolution démographique dans les pays industrialisés, il s’agit d’un problème important de santé publique. Ces affections sont caractérisées par une perte progressive des fonctions cognitives, exagérée, voire différente, du vieillissement normal. Mieux les traiter suppose une connaissance des mécanismes physiopathologiques à l’origine de ces troubles, en particulier dans les stades très précoces de la maladie. C’est le défi de la neuro-imagerie, d’aider d’une part à une meilleure compréhension du vieillissement normal et pathologique et d’autre part à un diagnostic plus précoce des démences neuro-dégénératives. Nous essayons de montrer comment les progrès récents de l’imagerie ouvrent la voie à une exploration dynamique du fonctionnement cérébral et constituent un atout pour la prise en charge des patients déments dans les phases initiales, voire pré-symptomatiques de la maladie. Vieillissement / Démences neuro-dégénératives / Neuro-imagerie INTRODUCTION ! L’évolution démographique des pays industrialisés s’accompagne d’un vieillissement de la population et la proportion de personnes âgées va continuer à augmenter dans les années à venir. La démence étant l’une des pathologies neurodégénératives les plus fréquemment associées au vieillissement, le nombre de sujets atteints augmente et pose donc un problème majeur de santé publique. Dans ce contexte, il apparaît essentiel de mieux comprendre la physiopathologie des démences séniles afin de les diagnostiquer précocement et de proposer de nouvelles stratégies thérapeutiques. Jusqu’à ces vingt dernières années, nos connaissances résultaient essentiellement d’études réalisées chez l’animal, difficiles à extrapoler chez l’homme, d’études sur des cerveaux humains postmortem et d’observations chez des patients porteurs de lésions cérébrales, données forcément incomplètes. C’est la force de la neuro-imagerie Correspondance : Pr Michèle Allard Service de Médecine Nucléaire - Hôpital Pellegrin - CHU de Bordeaux - Place Amélie Raba Léon - 33076 Bordeaux Tel : 05 56 79 55 40 - Fax : 05 56 79 61 79 - E-mail : [email protected] Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9 571 Imagerie cérébrale du vieillissement normal et pathologique d’autoriser une approche de physiologie intégrée in vivo chez l’homme de manière non invasive. Si la survenue d’une pathologie correspond à une modification des capacités fonctionnelles du système nerveux central, nous pouvons faire l’hypothèse que les données de neuro-imagerie aideront à une meilleure connaissance de sa physiopathologie. Nous essayerons donc de montrer comment les techniques d’imagerie morphologique (IRM), neurochimique (TEMP et TEP) et fonctionnelle (TEMP, TEP et IRMf) constituent des approches prometteuses dans l’étude de la physiologie du vieillissement normal, de la physiopathologie des démences et de leur diagnostic précoce. Nous nous limiterons à l’étude du vieillissement normal et celui des démences les plus fréquentes, la maladie d’Alzheimer (MA), la démence à corps de Lewy (DCL) et la démence fronto-temporale (DFT). RELATION STRUCTURE-FONCTION !Une approche d’imagerie suppose qu’il existe une relation entre une modification structurale ou fonctionnelle et une pathologie sous jacente. Ce concept est particulièrement vrai pour l’atrophie cérébrale dont différents patterns illustrent bien les différentes pathologies neurodégénératives. Par exemple, une atrophie hippocampique précoce et sévère chez un sujet se plaignant de troubles mnésiques oriente vers une MA [1-3]. Par contre une atrophie focalisée au lobe temporal ou frontal, ou les deux, oriente moins vers une MA mais plutôt vers une tauopathie type démence fronto-temporale ou maladie de Pick [4]. Il en est de même pour la perfusion cérébrale au repos, pour laquelle il est admis aujourd’hui que si une diminution est observée dans le vieillissement normal, celle-ci est majorée dans certaines aires selon les pathologies et leur évolution : le plus souvent une démence fronto-temporale s’accompagne d’une diminution 572 du métabolisme frontal dans les phases précoces, alors que c’est le lobe temporal qui est le premier atteint dans la MA [5]. Dans la DCL, si les cortex frontaux et pariétaux sont hypoperfusés, le cortex temporal est relativement épargné alors que la perfusion diminue dans le cortex occipital [6]. Les résultats de l’étude de Rotterdam (1730 participants suivis) suggèrent que l’hypoperfusion précède et pourrait contribuer à l’expression des signes cliniques . Renforçant ces notions, plusieurs études ont montré l’intérêt des corrélations anatomo-cliniques dans la MA, sur la base de l’étude volumétrique régionale corticale. Ainsi le volume hippocampique serait fortement asssocié aux performances en mémoire épisodique alors que le volume temporal néocortical serait associé aux performances en mémoire sémantique [8]. En outre le volume hippocampi-que droit est corrélé aux performances en mémoire épisodique visuelle alors que le gauche est corrélé aux performances en mémoire épisodique verbale. Ainsi, les données de la neuroimagerie, analysées à la lumière des observations cliniques et neuropsychologiques, deviennent essentielles dans l’étude du vieillissement normal et pathologique. LE VIEILLISSEMENT CÉRÉBRAL !Peut-on définir un vieillissement cérébral normal ? Comme tout organe biologique, le cerveau humain vieillit. Ce vieillissement se met en place dés la 3ème décade de vie et se caractérise au plan anatomique par une perte de substance grise (SG) et de substance blanche (SB), concomitante à une augmentation du LCR. Ces modifications sont liées à la perte neuronale, 85 neurones par jour d’après Pakkenberg [9], une diminution de l’arborisation dendritique et de la densité synaptique et une démyéli-nisation des fibres nerveuses, responsables d’une réduction de volume de la SB [10]. Mais certaines régions du cerveau Médecine Nucléaire - apparaissent plus vulnérables que d’autres au processus de vieillissement cérébral [11]. Parmi les hypothèses évoquées à cette "régionalisation" : · l’hypothèse développementale selon laquelle les structures cérébrales se développant en dernier seraient les premières à se détériorer avec l’âge [11-13], · l’hypothèse neurochimique, selon laquelle ce serait le dysfonctionnement spécifique de systèmes de neurotransmetteurs (dopaminergi-que, cholinergique...) qui serait à l’origine de la topographie régionale d’atrophie, via les connexions sous corticocorticales [14-17]. Parmi les sujets âgés, certains vont présenter des troubles mnésiques et/ ou comportementaux, dont l’étiologie n’est pas univoque, surtout au début : simple trouble mnésique "physiologique" ou précurseur d’une pathologie neurodégénérative ? Trouble cognitif d’origine dépressive ou lié à une démence frontotemporale débutante ? Or la prise en charge optimale des patients suppose une discrimination précise entre vieillissement normal et vieillissement pathologique. PLACE DE LA NEUROIMAGERIE DANS L’ÉTUDE DU VIEILLISSEMENT NORMAL ET PATHOLOGIQUE Imagerie morphologique L’atr ophie cérébr ale ’atrophie cérébrale L’ atr ophie cérébr ale et le vieillisseatrophie cérébrale ment normal Grâce à son excellent pouvoir discriminant tissulaire et sa haute résolution (<1mm) l’IRM est l’examen morphologique de référence pour évaluer l’atrophie. Les premières études ont porté sur des études transversales, avec délimitation manuelle de régions d’intérêt au niveau des structures cérébrales [18]. Il a ainsi été montré que le volume cérébral diminuait alors que les espaces péricérébraux (LCR) augmentaient avec l’âge [19,20]. Mais il s’agissait de Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9 M. Guyot, M. de Clermont-Gallerande, A. Petrescu, M. Allard, méthodes manuelles, opérateur dépendant, très lourdes et trop peu sensibles pour détecter de petites modifications. Récemment des techniques automatisées, comme l’approche VBM (Voxel Based Morphometry), ont été développées, augmentant considérablement la sensibilité de la mesure d’atrophie focale [1]. C’est ainsi que, en combinant les mesures manuelles et automatiques, Sowell et coll. ont montré que les différentes régions du cerveau perdaient du volume à des vitesses différentes et de manière non linéaire [13]. En particulier le cortex préfrontal s’atrophierait plus rapidement que les autres régions. Sur un groupe de 465 personnes normales, âgées de 18-79 ans, Good et coll. ont montré qu’il existait une diminution linéaire de la SG dans l’insula, les gyri pariétaux supérieurs, le cortex cingulaire et central alors que les structures temporales internes étaient peu affectées par l’âge [21]. Parallèlement, cette même équipe a montré qu’il existait également une atrophie de la SB au niveau frontal, des radiations optiques, des bras postérieurs de la capsule interne alors que la SB frontale postérieure, temporale droite et cérébelleuse était relativement préservée. Ces modifications structurelles de la SB sont particulièrement bien étudiées par l’imagerie des tenseurs de diffusion (voir § "les anomalies des fibres nerveuses"). Dans une étude longitudinale, ou les sujets sont leur propre témoin, plusieurs études ont montré que cette atrophie avait un rythme de 0,2% par an à l’âge de 30-50 ans puis 0,3 à 0,5% entre 70 et 80 ans [22,23]. En conclusion, malgré quelques discordances entre les études, on admet aujourd’hui que le cerveau normal, (SG et SB) perd inexorablement du volume avec l’âge et ce d’autant plus vite qu’il existe des facteurs de comorbidité et que l’âge augmente. Cette perte n’est pas homogène dans tout le cortex, le cortex préfrontal étant le plus atteint. L’atr ophie cérébr ale et le vieillisse’atrophie cérébrale ment pathologique Par rapport au sujet âgé normal, il Médecine Nucléaire - existe des différences à la fois "qualitatives et quantitatives" dans la vitesse et la localisation de l’atrophie. Atrophie et maladie d’Alzheimer Si on considère l’atrophie cérébrale comme le témoin de la destruction neuronale, elle est, avec les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires (DNF), une des caractéristiques de la MA. Comparée à celle du sujet âgé normal (0,2-0,5%), cette atrophie est beaucoup plus rapide avec une perte de 2 à 3% par an [22-24]. En outre, elle est caractérisée par le fait qu’elle précède l’apparition des symptômes [22-24] et que son intensité est corrélée au stade de la maladie [25,26], avec une accélération du processus atrophiant au fur et à mesure que la maladie progresse [26]. Les structures temporales internes, avec notamment le cortex entorhinal et l’hippocampe, sont le siège des premières anomalies histopathologiques et de l’atrophie [27-31], classiquement associées à la précocité des troubles mnésiques [32]. Mais du fait de la grande variabilité inter-individuelle, plus que la mesure ponctuelle du volume de ces 2 structures à un moment donné, c’est la dynamique temporelle de leur atrophie qui semble plus pertinente pour discriminer un sujet âgé normal d’un patient débutant une MA [2,3,33-37]. D’après Du et coll., il semble même que ce soit surtout l’analyse du cortex entorhinal qui soit particulièrement pertinente puisque ces auteurs ont trouvé une perte de 7.1 ± 3,2% par an contre "seulement" 5,9 ± 2,4% pour l’hippocampe, comparé à un groupe de sujets âgés normaux dont l’atrophie était respectivement de 1,4 ± 2% et 0,8 ± 1,7% [27]. Toutefois, cette atrophie du système limbique ne semble pas univoque et c’est probablement une accélération du processus "atrophiant" physiologique de l’ensemble du cerveau qui est caractéristique de la MA. Ainsi, après le cortex enthorhinal et l’hippocampe, elle s’étend progressivement au gyrus cingulaire post, au précuneus puis au cortex temporo pariétal au fur et à mesure que la maladie progresse et finit par atteindre la totalité du cortex à l’exception du cortex sensorimoteur, occipital et du cervelet [38,39] . Une atrophie du noyau caudé et du thalamus a également été décrite dans les stades avancées de la maladie [37]. Dans un avenir proche et dès lors que des traitements spécifiques existeront, on peut imaginer que des imageries morphologiques sériées, comparées à une imagerie de référence et couplées à des tests neuropsychologiques permettront de "dépister" et traiter précocement les patients à risque de déclin cognitif. Atrophie et dégénerescences frontotemporales Dans les DFT, l’atrophie cérébrale présente un profil relativement spécifique, avec une atrophie légère de l’hippocampe, sévère du cortex frontal et très sévère du cortex temporal [4]. Elle est souvent asymétrique, avec une prédominance gauche, en particulier dans le lobe temporal. Concernant le diagnostic différentiel entre MA et DFT, il ne semble pas que l’analyse de la progression de l’atrophie cérébrale globale soit pertinente [40] ; par contre l’analyse de la topographie de l’atrophie permettrait de les distinguer avec une atteinte rapidement diffuse dans la MA aux stades avancés alors qu’elle reste plus longtemps localisée avec une latéralisation gauche plus nette dans la DFT [40-42]. Atrophie et démence à corps de Lewy Seconde cause des démences dégénératives après la MA, la DCL s’accompagne elle aussi d’une atrophie cérébrale, mais moins importante que celle rencontrée chez les patients atteints de MA. La DCL se différencierait de la MA par une atrophie moins marquée du lobe temporal, de l’hippocampe et de l’amygdale [43,44]. Les hypersignaux de la substance blanche Un faisceau d’arguments suggère que les facteurs de risques vasculaires seraient également des facteurs de risques de démences, en particulier de la MA [45]. Les hypersignaux de la substance blanche (HSB) détectés en Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9 573 Imagerie cérébrale du vieillissement normal et pathologique IRM, marqueurs de troubles vasculaires focaux, ne constituent pas un signe pathognomonique de démence, mais leur accumulation, en particulier dans les parties postérieures du cerveau pourrait être un facteur de mauvais pronostic [46-48]. En pratique clinique, la présence de larges et nombreux HSB oriente vers une démence vasculaire, plutôt qu’une démence neurodégénérative primitive. Il nous faut cependant souligner que pour certains auteurs la frontière entre les deux types de démences est de plus en plus floue [48]. Les anomalies des fibres nerveuses Des séquences d’IRM pondérées en diffusion ont la particularité d’être sensibles aux mouvements macroscopiques de l’eau extracellulaire. Dans la substance grise, la diffusion de l’eau se fait dans toutes les directions de l’espace, de manière isotrope, alors que dans la substance blanche, elle est "guidée" par la myéline, dans la direction imposée par les fibres nerveuses de gros calibre, de manière anisotrope. Deux mesures réalisées lors d’une imagerie dite du tenseur de diffusion, le coefficient apparent de diffusion (ADC) qui est une mesure quantitative moyenne du phénomène de diffusion et la fraction d’anisotropie (FA) qui mesure le degré d’organisation des faisceaux de substance blanche, constituent des marqueurs indirects de l’intégrité des fibres nerveuses. On parle alors de connectivité anatomique [49]. Cette approche d’imagerie a permis de mettre en évidence des altérations de la microstructure de la substance blanche au cours du vieillissement avec une perte de l’homogénéité d’orientation des fibres [50]. Cependant ce déclin de l’organisation des fibres nerveuses n’est pas homogène sur la totalité du cerveau : le lobe frontal, la partie postérieure de la capsule interne et le genou du corps calleux sont particulièrement sensibles [51]. Plusieurs études suggèrent une destructuration de faisceaux spécifiques dans la MA, en particulier le fasciculus longitudinal supérieur et le cingulum postérieur alors que le 574 faisceau pyramidal est épargné [52]. De plus, des corrélations ont été mise en évidence 1- entre paramètres de diffusion et performance cognitive et ce d’autant plus que le déclin cognitif est important [53] ; 2- entre paramètres de diffusion, atrophie hippocampique et performances cognitives [54]. L’ensemble de ces données suggérent que les lésions des fibres nerveuses participent aux déficits cognitifs des patients. Ces lésions des connections anatomiques pourraient constituer le substratum anatomique des phénomènes de déconnection évoqués dans la genèse de certains troubles cognitifs de la MA. Ainsi l’apparente contradiction selon laquelle les fonctions exécutives sont précocement altérées dans la MA, alors que le cortex frontal, très impliqué dans ces processus cognitifs, a un métabolisme au repos normal pourraient trouver une explication. En effet les réseaux neuronaux impliqués dans ces fonctions cognitives pourraient être désorganisés, non pas à la suite d’une lésion focale du lobe frontal, mais suite à une altération de la communication antéropostérieure au sein du réseau. En conclusion, on retiendra 1) qu’aucune modalité d’imagerie morphologique ne peut être retenue comme un standard du diagnostic de MA à l’échelon individuel. En effet les travaux discutés dans ce chapitre s’intéressent à des cohortes et sont fondamentaux pour la compréhension des mécanismes du vieillissement normal et des démences, mais les données morphologiques dont on dispose ne permettent pas de s’affranchir de la grande variabilité individuelle, limitant la valeur diagnostique de cette imagerie ; 2) que pour interpréter correctement une imagerie cérébrale morphologique chez un sujet âgé dément, il faut d’abord bien connaître les modifications neuro-anatomiques complexes liées au vieillissement cérébral normal ; 3- se rappeler qu’on peut « passer à côté » de petites modifications structurelles du fait d’un « continuum évolutif » entre vieillissement normal et pathologique [55]. Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle Imagerie du métabolisme et de la perfusion cérébrale Les modifications structurelles, globales et régionales, décrites dans le chapitre précédent ont des répercussions sur le fonctionnement cérébral. Celui-ci peut être étudié par différentes techniques d’imagerie dont la Tomographie par Emission de Positons (TEP) et l’IRM fonctionnelle (IRMf). La Tomographie par Emission Monophotonique (TEMP), d’utilisation plus courante que la TEP, apportent toutefois des informations limitées à l’étude de la perfusion cérébrale. L’activité cérébrale de base peut être mesurée au repos soit par l’utilisation de 18FDG pour le métabolisme du glucose soit par l’utilisation d’eau marquée à l’oxygène 15. De nombreuses études ont montré un déclin global avec l’âge de la consommation de glucose et du débit sanguin cérébral [56,57] avec une diminution évaluée à 0,35% par an pour des sujets âgés de 21 à 75 ans [58]. Régionalement, cet hypométabolisme est principalement localisé dans le lobe frontal, le gyrus cingulaire antérieur, le cortex orbito-frontal et l’insula avec un recouvrement des régions bordant l’insula [57]. Toutefois, cette diminution ne parait pas aussi évidente. En effet l’un des principaux problèmes d’interprétation des données TEP concerne "l’effet de volume partiel" lié à la résolution intrinsèque des caméras TEP (environ 10 mm). Or nous avons vu plus haut que ces régions étaient justement le siège d’une atrophie préférentielle qui peut donc être responsable, au moins en partie, de l’hypométabolisme observé. Il est donc important de corriger cet effet de volume partiel en intégrant les données anatomiques aux données de l’imagerie fonctionnelle . Dans ces conditions, Meltzer et coll. n’ont pas trouvé d’influence de l’âge sur le débit sanguin cérébral [59]. Dans le vieillissement pathologique, les imageries métabolique (18FDGTEP) et perfusionnelle (99mTc-HMPAOTEMP ou 99mTc-ECD-TEMP) sont sensiblement identiques et mettent en Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9 M. Guyot, M. de Clermont-Gallerande, A. Petrescu, M. Allard, évidence des profils relativement spécifiques de chacune des démences neurodégénératives, ce qui peut être très utile pour leur diagnostic précoce et surtout différentiel (pour revues, [60,61]). Dans la MA, on observe classiquement une baisse du métabolisme et de la perfusion dans le cortex temporo-pariétal et cingulaire postérieur aux phases précoces, puis plus tardivement dans le cortex frontal [62]. Par contre, le cortex primaire, sensorimoteur et visuel, ainsi que les noyaux gris centraux sont relativement préservés. Cette hypoactivité est assez fréquemment asymétrique au début. Quant à l’atteinte pariétale, elle parait mieux corrélée à la sévérité de la maladie que l’atteinte temporale. En outre, chez les patients MCI, plusieurs auteurs ont montré qu’il existait des anomalies précessives de la symptomatologie démentielle, avec un hypométabolisme dans le cortex temporal interne [63], une hypo-perfusion dans l’hippocampe, le cortex cingulaire, le noyau dorso médian et antérieur du thalamus [64]. Chez les patients atteints de DFT, l’atteinte du cortex frontal, temporal antérieur et temporo mésial est plus précoce ou en tout cas plus sévère que l’atteinte postèrieure lorsque celle-ci existe [65]. Dans la DCL, les anomalies du métabolisme et de la perfusion sont très comparables à celles de la MA, ce qui rend la discrimination entre ces deux démences parfois délicates sur la base de l’imagerie fonctionnelle [66,67]. Seul un hypométabolisme plus marqué du cortex occipital, retrouvé chez les patients atteints de DCL, peut aider au diagnostic différentiel entre ces deux pathologies [6]. En conclusion, il existe actuellement un consensus sur l’intérêt de l’imagerie métabolique et perfusionnelle dans le diagnostic différentiel des démences neurodégénératives aux stades précoces. Il nous faut cependant souligner l’importance d’un traitement d’images associant données anatomiques (superposition d’images avec TDM ou IRM) et quantification pour augmenter la contribution de l’imagerie isotopique au diagnostic, Médecine Nucléaire - à l’échelle d’un patient et non d’un groupe de sujets. Imagerie neurochimique Dysfonctionnement des systèmes de neurotransmetteurs et imagerie neurochimique Les études histo-chimiques postmortem s’accordent à montrer que l’activité cholinergique centrale est considérablement réduite dans les stades tardifs de MA, avec une diminution significative des taux d’acétylcholinestérase et d’acétyltransférase de 50% [68] à 90% [69]. Les études des stades plus précoces sont cependant plus contradictoires. Dekosky et coll. [70] ne montrent une réduction de l’activité de l’acétylcholine transférase que dans des stades tardifs de MA mais pas dans des stades démentiels légers à modérés. Les résultats obtenus dans cette étude sur les sujets présentant des troubles cognitifs (Mild Cognitive Impairment ou MCI), montrent même une sur-expression dans le cortex frontal supérieur et dans l’hippocampe, suggérant que le système cholinergique est capable de réponses compensatoires dans les stades très précoces. En ce qui concerne les stades légers à modérés de MA, les résultats postmortem de Dekosky et coll. [70] sont cependant en contradiction avec les données des premières études d’imagerie in vivo de la neurotransmission cholinergique [71,72]. Plusieurs traceurs ont été utilisés pour visualiser le système cholinergique au niveau pré- et postsynaptique [73]. Dans la MA, Kuhl et coll. [74] ont trouvé dans les stades précoces, en utilisant le [11C]PMP, (marqueur de l’acétylcholinestérase), et le [123I]IBVM, (marqueur des transporteurs vésiculaires présents dans les terminaisons cholinergiques), des diminutions significatives des deux types d’activités dans le cortex cérébral, respectivement de 30% et de 40%, sans atteinte du striatum. Récemment Herholz et coll. [75] ont montré que les taux d’acétylcholinestérase, visualisée en TEP par le marqueur MP4A, étaient significativement réduits dans l’amygdale et le cortex cérébral, mais qu’ils étaient préservés dans le noyau basal de Meynert, suggérant que les modifications du système cholinergique sont précoces et qu’elles sont intrinsèquement liées au processus pathologique et non pas seulement la conséquence de la neurodégénérescence du noyau de Meynert. Dans la DCL, la neurotransmission cholinergique corticale présente des dysfonctionnements plus importants que dans la MA [76], et les troubles de la conscience caractéristiques de la DCL pourraient être liés à une atteinte cholinergique. Dans le thalamus, une structure très impliquée dans la régulation de l’état de conscience, il existe une sous-expression des récepteurs nicotiniques chez des patients atteints de DCL sans trouble de la conscience, comparativement aux contrôles et aux patients avec troubles de la conscience [77,78]. Il existe en outre, une diminution des récepteurs nicotiniques dans le striatum des sujets atteints de DCL parallèle à la diminution de fixation du transporteur de la dopamine [41,79,80,81], alors qu’aucune atteinte dopaminergique n’a pas été mise en évidence dans la MA [82,83]. La disponibilité de traceurs des systèmes dopaminergiques et cholinergiques, et la distribution différente de leur atteinte dans ces deux pathologies, constituent un atout pour ce type d’imagerie pour le diagnostic différentiel entre MA et DCL. Physiopathologie des démences et imagerie moléculaire spécifique Si comme nous l’avons signalé, des anomalies morphologiques et fonctionnelles sont retrouvées dans les stades précoces, voire prédémentiels des démences, les données postmortem concernant les plaques amyloïdes et les DNF dans la MA, les corps de Lewy dans la DCL, la phosphorylation anormale de la protéine Tau dans la DFT suggèrent que des anomalies biochimiques apparaissent très précocément dans l’évolution de ces démences [28,41,84,85]. On mesure ainsi tout l’intérêt d’une imagerie moléculaire in vivo spécifique de chacune des démences, aussi bien pour un diagnostic précoce qu’un diagnostic différentiel ou pour Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9 575 Imagerie cérébrale du vieillissement normal et pathologique l’évaluation de l’efficacité thérapeutique d’un traitement. Actuellement, seul des traceurs des plaques amyloïdes ont été proposés et les résultats préliminaires sont très encourageants [86,87]. En conclusion, ces techniques d’imagerie, encore à la frontière entre recherche clinique et diagnostic sont très prometteuses et pourraient largement contribuer dans un avenir proche 1- à une meilleure compréhension de l’évolution des démences ; 2parce qu’elles peuvent être interprétée à l’échelle individuelle, à une meilleure prise en charge thérapeutique grâce à un diagnostic plus précoce. Cependant, il nous faut, là encore, souligner la nécessité de systèmes de traitement d’images incluant la superposition des images fonctionnelles et morphologiques afin de localiser précisément les lésions et de méthodes de quantification du signal, puisque beaucoup de ces anomalies sont également présentes dans le cerveau de sujets âgés sains, mais en moindre quantité. Imagerie d’activation cérébrale L’avènement et l’évolution rapide des techniques d’imagerie fonctionnelle a ouvert la voie à l’exploration dynamique des processus cérébraux, de manière non invasive et à l’échelle de l’individu. Elles ont permis d’accéder à un niveau de description pertinent qui concerne les corrélats neuronaux des fonctions cognitives, c’est-à-dire d’ensemble neuronaux interconnectés, largement distribués et organisés en réseaux. L’Imagerie fonctionnelle par Résonance Magnétique (IfRM) [88], parce qu’elle mesure une réponse hémodynamique à une activation neuronale (réponse physiologique établie en 1890 par Roy et Sherrington) permet de mettre en évidence des zones activées lors de la réalisation d’une tâche donnée comparativement à des périodes de "repos". C’est ainsi que des "cartes d’activation cérébrale" ont été établies et des corrélats anatomiques des grandes fonctions proposés. Deux types de modification ont pu être mise en évidence au cours du vieillissement normal, mais égale- 576 ment en situation pathologique : · une modification des réseaux neuronaux impliqués dans la réalisation de tâches cognitives, avec le plus souvent un recrutement majoré du cortex préfrontal dorsolatéral. Celui-ci, très associé aux processus attentionnels, pourrait révéler une augmentation de la charge attentionnelle chez les sujets âgés en relation avec une difficulté accrue de la tâche [89]. Dans des tâches de mémoire, chez des patients atteints de MA, des réseaux de compensation plus complexes, impliquant là encore le cortex dorsolatéral préfrontal ont pu se développer dans les stades précoces de la maladie, atténuant ou masquant les déficits cognitifs [90-93]. Des études récentes ont révélées la mise en place très précoce de ces réseaux de compensation, chez des sujets à risque génétique asymptomatiques, porteurs homozygotes de l’allèle APOE e4 dans une tâche de mémoire épisodique ou chez des sujets MCI, dans une tâche d’attention [94,95]. · une modification des caractéristiques de la réponse hémodynamique avec une diminution de son intensité et un allongement du délai de réponse apparaît dans le vieillissement normal [96-98]. Ces altérations de la réponse hémodynamique à une stimulation neuronale sont augmentées chez les sujets MCI par rapport au sujets témoins, et encore majorées chez les sujets atteints de MA [96-98]. En conclusion, si l’apport de l’imagerie d’activation est fondamental en recherche clinique, sa contribution au diagnostic pourrait être limité par la variabilité interindividuelle dans le traitement des processus cognitifs. EXISTENT-T-IL DES FACTEURS D’IMAGERIE PRÉDICTIFS D’UN VIEILLISSEMENT À RISQUE DE DÉMENCE ? !Le défi serait bien évidemment de pouvoir dépister les patients à risque de démence, avant même l’apparition des premiers troubles cliniques. La plupart des travaux présentés lors du 56ème Congrés de l’AAN ont ainsi por- Médecine Nucléaire - tés sur la détermination de facteurs prédisposants au risque de démence chez des sujets âgés asymptomatiques. Sa fréquence élevée, 60 à 70 % des démences séniles [99], l’existence de populations de sujets à haut risque de développer une démence de type Alzheimer (les sujets porteurs de l’allèle e4 de l’apolipoprotéine ou APOE) et les sujets âgés présentant des troubles cognitifs (MCI), ont fait de cette pathologie un "modèle" pour l’étude des facteurs prédictifs de survenue de la démence. Plusieurs "marqueurs" d’imagerie ont ainsi été proposés. Les marqueurs morphologiques !Deux anomalies morphologiques semblent prédictives d’une dégradation cognitive rapide et d’une évolution vers la MA : · l’atrophie cérébrale localisée aux cortex entorhinal et hippocampique et surtout sa dynamique temporelle. Les quelques études menées chez des patients atteints de MA révèlent une dynamique de l’atrophie plus rapide que dans le vieillissement normal, avec un pattern précis, affectant en priorité l’hippocampe et le cortex entorhinal et différent des autres démences neurodégénératives (cf § "l'atrophie cérébrale"). Il apparaît que 1) une atrophie "excessive" du lobe temporal moyen est prédictive d’un déclin cognitif associé à une MA ; 2) chez des sujets MCI qui convertissent en MA, la progression de l’atrophie est significativement plus rapide dans ces régions que chez les sujets qui restent stables ou dans le vieillissement normal. Enfin, ces anomalies morphologiques pourraient précéder l’apparition des symptômes [3,100,101]. Une atrophie corticale localisée à l’hippocampe est également retrouvée chez les sujets homozygotes porteurs de l’allèle APOE e4 [102]. · la présence d’hyper signaux de la substance blanche (HSB) considérée comme le témoin d’une pathologie vasculaire sous-jacente. Différentes Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9 M. Guyot, M. de Clermont-Gallerande, A. Petrescu, M. Allard, études ont suggérées que l’étendue et /ou la localisation, en particulier postérieure, des HSB pouvaient être prédictives d’un déclin cognitif et de l’évolution vers une démence [4648,103]. Les marqueurs fonctionnels !Comme pour l’atrophie cérébrale, c’est une hypoperfusion ou un hypométabolisme localisés qui sont prédictifs d’un vieillissement pathologique. Deux régions semblent particulièrement spécifiques : les cortex temporal et cingulaire postérieur [7,104-106]. Par ailleurs, des études en imagerie spectroscopique ont mis en évidence des réductions de N acétyl aspartate, un marqueur neuronal, et de choline, un marqueur membranaire, dans l’hippocampe de sujets MCI, identiques à celles de sujets déments [107-110]. Chez des sujets porteurs de l’allèle e4, sans déficit cognitif, Reiman et coll. [111] retrouve un hypométabolisme dans les mêmes régions que chez les patients atteints de MA : précunéus, cortex cingulaire postérieur, pariétotemporal et frontal. De plus, l’hypométabolisme, dans ces structures et uniquement dans celles-ci, est d’autant plus important que le risque génétique est élevé (hétérozygote vs homozygote). L’analyse de ces modifications sélectives chez des sujets sans trouble cognitif pourrait aider à une identification individuelle des sujets à haut risque génétique ou non de développer une MA. Nous soulignerons toutefois, que comme pour les lésions anatomopathologiques, ces anomalies ne sont pas spécifiques du vieillissement pathologique ou d’une démence particulière ; c’est leur densité et leur distribution dans un contexte clinique ou neuropsychologique qui leur confère une valeur prédictive. CONCLUSION Parce qu’elles ne sont pas spécifiques, l’imagerie morphologique et l’imagerie fonctionnelle métabolique ne permettent pas, à elles seules, de poser le diagnostic de démence neurodégénérative. Par contre, associées à la clinique et aux approches neuropsychologiques, elles constituent une aide très contributive au diagnostic. Mais c’est surtout en terme de diagnostic différentiel qu’elles sont actuellement les plus contributives. Toutefois les études les plus récentes suggèrent qu’elles pourraient aussi avoir une valeur prédictive de l’évolution vers une démence, à un stade pré-symptomatique. De telles explorations ouvrent la voie à des prises en charge thérapeutiques très précoces, donc probablement plus efficaces. Cependant, les données cliniques, physiopathologiques et génétiques indiquent que les 3 démences neurodégénératives les plus fréquentes reposent sur des étiologies et des mécanismes physiopathologiques différents, ce qui suppose des traitements différents pour chacune d’elles. Par exemple, les anticholineestérasiques sont inefficaces dans la DFT et les neuroleptiques sont contre-indiqués dans la DCL. Encore aujourd’hui, le diagnostic définitif ne peut être que post-mortem, et la mise en place du traitement le mieux adapté dans les stades débutants de la maladie, reste parfois difficile sur les seuls arguments cliniques et d’imagerie non spécifique. A ce stade là, un diagnostic non ambigu serait grandement facilité par une imagerie spécifique. L’avenir est certainement dans l’imagerie moléculaire, qui doit permettre de visualiser une molécule spécifique de la voie métabolique altérée, les plaques amyloïdes ou les DNF dans la MA, la synucléide dans la DCL ou l’hyper-phosphorylation des protéines Tau dans la DFT, une dénervation dopaminergique dans la DCL ou bien une dénervation cholinergique de topographie spécifique dans la DCL ou probablement dans la MA. Dans ce contexte, Koeppe et coll. ont montré la supériorité d’une imagerie pré-synaptique de la transmission dopaminergique sur l’imagerie métabolique dans le diagnostic différentiel de ces trois démences neurodégénératives [112]. Normal and pathological aging : clinical applications of imaging for diagnosis of dementia With increasing life expectancy across the world, the number of elderly people at risk of developing dementia is growing rapidly. Thus, progressive neurodegenerative disorders such as dementia represent a growing public health concern. These diseases are characterized by a progressive loss in most of the cognitive functions. The promise, possibly in a near future, of diseasemodifying therapies has made the characterization of the early stages of dementia a topic of major interest. The assessment of these early stages is a challenge for neuroimaging studies. In order to conceive prevention trials, it is of major outcome to fully understand the mechanisms of the cognitive system impairment and its evolution, with a particular reference to the symptomatic pre-dementia stage, when subjects just begin to depart from normality. In this article we review recent progress in neuroimaging, and their potentiality for increasing a diagnostic accuracy. Aging / Neurodegenerative dementia / Neuroimaging Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°9 577 Imagerie cérébrale du vieillissement normal et pathologique RÉFÉRENCES 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 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