LA TRANSCENDANCE DE SOI : UNE TENTATIVE - RIM

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LA TRANSCENDANCE DE SOI : UNE TENTATIVE - RIM
Revue québécoise de psychologie, vol. 20, n° 3, 199 9
LA TRANSCENDANCE DE SOI : UNE TENTATIVE DE
DÉFINITION
Suzanne HAMEL1, 2
Richard LEFRANÇOIS
Institut universitaire de gérontologie
et gériatrie de Sherbrooke
Institut universitaire de gérontologie
et gériatrie de Sherbrooke
Gilbert LECLERC
Institut universitaire de gérontologie
et gériatrie de Sherbrooke
Résumé
Cet article est le compte rendu d’une recherche empirique visant à clarifier le concept de
transcendance de soi. Les objectifs sont les suivants : (a) spécifier les étapes qui ont mené à
une définition de la transcendance de soi, (b) définir les quatre composantes du concept, (c)
identifier un certain nombre de manifestations de la transcendance de soi en termes
d’attitudes et de comportements. Une analyse de la documentation centrée sur l’approche
transpersonnelle et la notion de transcendance a été réalisée et a mené à la sélection de
trois auteurs (Assagioli, Maslow et Frankl) pour fonder le construit. Quatre composantes
interdépendantes se sont révélées intrinsèques à l’actualisation transcendante : la Perception
en profondeur, la Perception globale, la Présence en soi et le Dépassement de soi. Par la
suite, une recherche empirique, portant sur le besoin de transcendance chez des étudiants
universitaires en psychologie, a permis d’explorer ces composantes.
Mots clés : transcendance de soi, transpersonnel, actualisation, dimension spirituelle
Bien que présent dans la psychologie d’aujourd’hui, le concept de
transcendance de soi a été peu étudié de façon empirique. L’approche
scientifique, telle que préconisée dans de nombreux champs
d’investigation en psychologie, se prête mal à la définition et à la mesure
de ce concept. Noble (1987) attribue cette limite en recherche à
l’incompatibilité de la méthode expérimentale dans l’étude du phénomène
de la transcendance, à la difficulté que pose ce concept au plan de
l’interprétation et à son caractère ineffable. Par contre, le concept de
1.
2.
Pour contacter les auteurs : Institut universitaire gériatrie de Sherbrooke, Pavillon
d’Youville, 1036, rue Belvédère Sud, Sherbrooke (Québec), J1H 4C4.
Suzanne Hamel tient à remercier chaleureusement M. Charles E. Caouette pour son
accompagnement dans la réflexion et la réalisation de cette étude.
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transcendance a fait l’objet de réflexions et d’observations préempiriques
de plusieurs auteurs tant en psychologie qu’en philosophie (Assagioli,
1965/1991, 1973/1987, 1988/1994; Davy, 1974; Dürckheim, 1987, 1991;
Frankl, 1966, 1988; Jung, 1953/1976; Maslow, 1968/1993, 1971/1993;
Tart, 1975; Walsh et Vaughan, 1984, 1993; Wilber, 1980).
Le présent article vise à clarifier le concept de transcendance de soi.
Le contexte théorique rapporte les principales théories et quelques
recherches en lien avec ce construit issu de l’approche transpersonnelle en
psychologie. Suivent des informations relatives à la démarche
méthodologique adoptée, d’une part, pour identifier des indicateurs du
concept de transcendance de soi et, d’autre part, pour classer, catégoriser
et valider le construit. La section « Résultats » de cette étude met en
évidence une définition de la transcendance de soi, les quatre
composantes fondamentales de ce concept, les sous-unités qui les
soutiennent, ainsi que des exemples de manifestations de la
transcendance de soi en termes d’attitudes et de comportements.
Finalement, la discussion apporte une critique des aspects théoriques et
méthodologiques de l’étude.
CONTEXTE THÉORIQUE
Théories
Jung est considéré comme le premier auteur en Occident à avoir
introduit, dans le domaine de la psychologie, la notion de spiritualité et à
avoir utilisé le terme « transpersonnel » en 1917 (Frager, cité dans Valle et
Halling, 1989), attirant ainsi l’attention sur la dimension transcendante de la
psyché humaine. Toutefois, le concept de transcendance de soi a été
initialement défini par Maslow (1968/1993, 1971/1993). Selon lui, « la
transcendance réfère aux niveaux les plus élevés et englobants de la
conscience humaine, amenant à traiter et à considérer comme fins plutôt
que comme moyens, soi-même, ses proches, les êtres humains en
général, les autres espèces, la nature et le cosmos » (Maslow, 1971/1993,
1
p. 269) . Après avoir établi une hiérarchie des besoins, dont les uns
concernent la survie (physiologique, sécurité) et les autres
l’épanouissement personnel (appartenance, estime, actualisation), Maslow
(1954) a observé chez des personnes actualisées l’apparition d’un besoin
de croissance qui dépasse les préoccupations égocentriques : le besoin de
transcendance.
La transcendance peut être vécue à deux niveaux : personnel et
transpersonnel (Assagioli, 1965/1991; Maslow, 1971/1993; Wilber, 1980).
Au niveau personnel, la transcendance est synonyme de développement.
Elle désigne alors l’intégration et le dépassement d’une étape ou d’un état
présent dont le but est l’épanouissement de la personnalité. Au niveau
1.
28
Traduction libre.
RQP, 20(3)
transpersonnel, la transcendance signifie l’élargissement de la conscience
perceptive et intentionnelle ainsi que la réalisation de motivations d’ordre
spirituel. Le but de cette forme de transcendance est l’intégration et le
dépassement de la simple individualité. À ce niveau, la personne est
nécessairement en lien avec une dimension se manifestant en elle-même
qui intègre et dépasse ses opinions et ses affects personnels. Les auteurs
appellent cette dimension le centre de l’Être (Dürckheim, 1992; Maslow,
1968/1993), le Soi (Assagioli, 1965/1991; Jung, cité dans Baudouin,
1963/1993), la Réalité, l’Atma (Desjardins, 1972), l’Intuition spirituelle
(Vaughan, 1984), l’Esprit (Assagioli, 1988/1994; Wilber, 1980), Dieu (Oser,
Gmünder et Ridez, 1991).
La transcendance de soi, abordée dans son sens transpersonnel,
nécessite une transformation de la conscience dite ordinaire en une
conscience non ordinaire (Valle et Halling, 1989). Tart (1987) rappelle la
distinction faite par Gurdjieff concernant les états de conscience. La
conscience ordinaire est constituée de toutes les identifications de la
personne à son corps, à ses émotions et à son mental, avec l’illusion d’être
dans le vrai et d’agir authentiquement. Vient ensuite le niveau de
conscience authentique – correspondant à la description rapportée en
psychologie humaniste – caractérisée par une perception claire des
processus internes et externes (Lewin, 1960; Maslow, 1954; Rogers,
1962). Finalement, la conscience objective est un état non ordinaire de
conscience caractérisé par une compréhension directe et sans distorsion
de la réalité. À ce niveau de conscience, les qualités de la conscience
authentique deviennent permanentes et apportent un changement profond
sur les plans de l’être et de l’agir. Cet état de conscience non ordinaire
s’acquiert grâce à un entraînement à l’éthique et à l’attention, à une
transformation émotionnelle, à une réorientation motivationnelle, au
raffinement de la conscience et au développement de la sagesse (Walsh et
Vaughan, 1993).
Recherches
En psychologie, des efforts ont été déployés pour investiguer la notion
de transcendance par une démarche scientifique. En effet, un lien
significatif a été observé entre les expériences transpersonnelles, un
changement positif durable dans la vie et la pratique de la méditation
(Wilson et Spencer, 1990). Grof (1990) a élaboré un cadre théorique des
états de conscience transpersonnels à partir de ses nombreuses
recherches sur les états de conscience non ordinaires provoqués par
différents types de psychothérapie, par l’imagerie guidée, par des
phénomènes paranormaux ou par l’induction contrôlée de drogues. De
plus, des recherches sur la méditation ont confirmé les modifications tant
physiologiques que psychiques qu’elle provoque, notamment par un
changement de l’état de conscience ordinaire vers l’état de conscience non
ordinaire (recherches citées dans Mahesh Yogi, 1976). Aussi, il a été
démontré que les expériences de transcendance apportent des
changements positifs au niveau de l’intégration de la personnalité, de la
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signification de la vie et du bien-être psychique (Greeley, 1974; Hay et
Morisy, 1978; Mathes, Zevon, Roter et Joerger, 1982; Wuthnow, 1978).
Conceptions fondamentales
En psychologie transpersonnelle, certains auteurs conçoivent la
transcendance de soi comme un des éléments de la spiritualité au même
titre que d’autres concepts tels que le sens à la vie, la conscience unitive,
les valeurs ultimes, la sacralisation de la vie (Elkins, Hedstrom, Hughes,
Leaf et Saunders, 1988; Sutich, 1968). Par exemple, Elkins et al. (1988)
conçoivent la transcendance de soi comme l’une des neuf composantes de
la spiritualité qu’ils ont répertoriées, attribuant à ce concept une définition
large. Selon eux, la dimension transcendante est une prolongation naturelle
de la conscience de soi dans les régions du supraconscient ou du Soi.
D’autres auteurs attribuent à la transcendance de soi une place
centrale dans la dimension spirituelle et la relient à l’immanence (Assagioli,
1988/1994; Dürckheim, 1987, 1991, 1992; Frankl, 1988; Maslow,
1971/1993). Ces auteurs conçoivent la transcendance de soi comme la
voie menant au centre de l’Être, à la réalisation ultime du sens de la vie de
toute personne et, par conséquent, au véritable bonheur. De telles
allégations – ainsi que celles relevées dans la documentation relative au
développement transpersonnel (Davy, 1977; Desjardins, 1972;
Dhiravamsa, 1979; Krishnamurti, 1980; Lajoie et Shapiro, 1992; Oser,
Gmünder et Ridez, 1991; Vaughan, 1984; Williams, 1980) – invitent à
approfondir la transcendance de soi comme concept central de la
dimension spirituelle (au sens séculier) de l’être humain.
MÉTHODOLOGIE
L’opérationnalisation du concept de transcendance de soi a constitué
la première phase d’une étude exploratoire portant sur le besoin de
transcendance chez des étudiants universitaires en psychologie (n = 45),
âgés de 20 à 49 ans (Hamel, 1997). La démarche a mené à la construction
d’un questionnaire portant sur la transcendance de soi. Quant à la
deuxième phase de cette étude exploratoire, elle a permis d’expérimenter
l’instrument auprès de ces mêmes sujets et de compléter la collecte des
données par une entrevue individuelle semi-structurée, dans le but de
découvrir le sens donné à certains des items du questionnaire.
La démarche méthodologique décrite ci-dessous vise à mieux
comprendre la transcendance de soi en dégageant ses éléments psychospirituels les plus fondamentaux. À la lumière des théories
transpersonnelles, des composantes (unités de sens) et des sous-unités
ont été dégagées, ainsi que des items propices à la construction d’un
questionnaire. Cette étude à finalité instrumentale comportait deux
étapes pour opérationnaliser le concept de transcendance de soi : (a)
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RQP, 20(3)
l’identification des indicateurs, (b) la classification, la catégorisation et la
validation du construit.
Identification des indicateurs
Le but principal de cette étape a été de répertorier un certain nombre
de manifestations de la transcendance de soi à partir des éléments
théoriques d’auteurs présélectionnés.
Analyse de la documentation
Une recension des écrits a d’abord permis de réunir la documentation
transpersonnelle en psychologie afin de circonscrire la notion de
transcendance. Il est intéressant de noter que la psychologie
transpersonnelle tente de relier la science et les psychologies
individualistes de l’Occident à la sagesse ancienne et aux psychologies
spirituelles de l’Orient traditionnel (Capra, Walsh, Vaughan, Fadiman et
Korfield, cité dans Walsh et Vaughan, 1984; Elgin, 1981). Par conséquent,
une exploration de reconnaissance dans les deux courants de pensée a
été réalisée, éliminant les lectures à caractère nouvel-âgiste et à tendance
typiquement religieuse. Étaient considérés comme nouvel-âgistes les écrits
insistant sur le merveilleux, le magique, les pouvoirs psi (Pelletier, 1996) et
comme religieux, les écrits avec prédominance de croyances et d’un culte
rendu à la divinité.
La lecture de la documentation dans des disciplines voisines a permis
de mieux comprendre le phénomène de transcendance de soi à partir du
point de vue de la psychologie (Assagioli, 1973/1987, 1965/1991,
1988/1994; Fadiman et Frager, 1976; Frankl, 1966, 1969, 1988; Grof,
1990; Jung, 1953/1976; Maslow, 1962, 1976, 1968/1993, 1971/1993;
Vaughan, 1984; Walsh et Shapiro, 1983; Walsh et Vaughan, 1993;
Washburn, 1990), de la philosophie occidentale aussi bien qu’orientale
traditionnelle (Benoit, 1961; Davy, 1966, 1974, 1977; Dürckheim, 1987,
1991, 1992; Desjardins, 1972; Dhiravamsa, 1979; Goleman, 1977;
Krishnamurti, 1979, 1980; Wilber, 1980) et de l’éducation (De Coulon,
Descamps, Dierkens et Fotinas, 1993; Hendricks et Fadiman, 1976;
Roberts, 1975). Ce sont les théories de Maslow, Assagioli et Frankl,
influencées par Jung et sa théorie du processus d’individuation, qui ont été
retenues pour clarifier le concept de transcendance de soi. La similitude de
leur conception, leur complémentarité, leur approche psychologique et
anthropologique à la fois réaliste et réalisable, ainsi que le fait qu’ils ont été
les premiers à avoir établi des fondements transpersonnels avec clarté, ont
été les critères de sélection.
31
Repérage des indicateurs
Un certain nombre d’indicateurs (n = 115) représentant des
manifestations de la transcendance de soi ont été sélectionnés (Hamel,
1997). Deux concepts reliés intrinsèquement à la transcendance de soi, et
précisés par Maslow (1971/1993), ont servi de guide lors du repérage : la
Métacognition (MC) et la Métamotivation (MM). Plusieurs indicateurs
étaient déjà classés par Maslow lui-même dans chacune de ces deux
dimensions. On pouvait constater que, sous la rubrique Métacognition
(connaissance d’Être, au-delà de la connaissance ordinaire), les
indicateurs faisaient appel à l’attention, à la réceptivité, au calme et à une
1
forme de conscience liée à l’intuition , à l’englobant et au sacré, tandis que
sous la rubrique Métamotivation (motivation d’Être, au-delà de la motivation
ordinaire), les indicateurs référaient à la volonté et au dépassement par la
pratique des valeurs profondes tels que l’amour, le courage, l’intégrité, la
simplicité et la bonté.
L’ensemble des lectures sur le thème de la transcendance a permis de
prendre le recul nécessaire pour constater que ces deux dimensions se
révèlent des unités « possédant un sens complet » en elles-mêmes
(L’Écuyer, 1990, p. 59). En effet, la Métacognition et la Métamotivation
concernent respectivement la conscience et la pratique (praxis), deux
champs complémentaires et nécessaires à la transcendance de soi. Ainsi,
en jumelant les facteurs passifs de l’esprit humain tels que la
concentration, la tranquillité et l’équanimité, et les facteurs actifs, comme
l’énergie, l’investigation et le ravissement (Kornfield, cité dans Walsh et
Vaughan, 1984), il est apparu souhaitable d’attribuer une structure à la
transcendance qui tienne compte de son immanence.
Catégorisation, classification et validation du construit
Le but de cette étape a été : a) d’élaborer le construit de la
transcendance de soi de façon à le rendre opérationnel, en dégageant ses
principales composantes psycho-spirituelles, et cela, à la lumière des
connaissances actuelles sur le phénomène; b) d’assurer une validité de
contenu du construit.
Formation d’un construit (unités de sens et sous-unités)
Comme le suggère Bardin (1977), une lecture flottante a favorisé un
apprivoisement des documents d’analyse en laissant émerger des
impressions, des orientations. Tel que présenté dans le tableau 1, pour
Tableau 1
1.
32
Composantes de la transcendance de soi
Le terme « intuition » est ici utilisé dans le sens d’Assagioli (1965/1991) désignant un
contenu du supraconscient et également, de Vaughan (1984) quand elle parle d’intuition
spirituelle. Il s’agit d’une intuition « pure », distincte des autres formes d'intuition, car
elle ne dépend ni des sensations, ni des émotions, ni des pensées.
RQP, 20(3)
♦
♦
♦
Métacognition (MC)
Métamotivation (MM)
1
Perception en profondeur (PP)
Ou Discernement
3
Présence en soi (PS)
ou Volonté créatrice
Porter attention
Concentration
Vision au-delà des apparences
♦
♦
♦
2
Perception globale (PG)
ou Détachement
♦
♦
♦
Prendre une distance
Accepter la réalité
Sens du relatif et de
l’interdépendance
Se connecter à soi
Se lier au Soi profond
Sens de la responsabilité
4
Dépassement de soi (DS)
ou Pratique des valeurs profondes
♦
♦
Se tourner vers les autres ou une
mission
Action désintéressée
* Chaque composante est exercée en lien avec l’Être profond (le Soi)
chacune des dimensions, deux unités de sens (composantes) ont été
dégagées à partir d’un premier regroupement des indicateurs. Pour la
dimension Métacognition, les unités de sens identifiées ont été la
Perception en profondeur (PP) et la Perception globale (PG). En effet, il
était possible de constater que certains indicateurs renvoient à une attitude
minutieuse sur le plan de la conscience des êtres et des choses,
c’est-à-dire une attitude axée sur le détail, tandis que d’autres indicateurs
réfèrent davantage à une attitude holiste ou axée sur une vision globale
des êtres et des choses. Pour la dimension Métamotivation, les unités de
sens identifiées ont été la Présence en soi (PS) et le Dépassement de soi
(DS). Ces deux tendances ressortaient également à la lumière des
indicateurs. Certains insistent sur une attitude minutieuse d’intégration du
Moi individuel en lien avec le Soi, tandis que d’autres indicateurs mettent
l’accent sur une attitude holiste, c’est-à-dire adhérant à un sens collectif sur
le plan des valeurs et dans l’action.
Un deuxième regroupement des indicateurs a permis d’identifier trois
sous-unités pour chacune des quatre composantes (n = 12, énoncées plus
loin dans la section « Résultats »). La même procédure de lecture flottante
proposée par Bardin (1977) a été adoptée. Finalement, le nombre
d’indicateurs (n = 115) a été réduit (n = 41) en ne conservant que les
phrases plus claires et spécifiques, en éliminant les énoncés redondants
ou semblables et en conservant les items communs aux trois auteurs et
dont le sens était univoque. La réduction des données a été réalisée en
collaboration avec une candidate au doctorat et un professeur titulaire en
psychologie. Les indicateurs ont été soigneusement comparés et discutés
33
en fonction de la clarté de leur formulation et de leur signification. Ceux
retenus ont finalement servi d’items à la première partie d’un questionnaire
utilisé lors d’une étude exploratoire du besoin de transcendance (Hamel,
1997). Chaque composante de la transcendance de soi a été représentée
par ses items correspondants : PP (n = 10), PG (n = 8), PS (n = 11), DS
(n = 12).
Validation de contenu du construit
Pour la validation de contenu du construit, les objectifs ont été : 1) de
bonifier la compréhension syntaxique des indicateurs en les formulant le
plus clairement et adéquatement possible; 2) de maximiser la
compréhension sémantique et transpersonnelle des indicateurs; 3) de
valider la liste des indicateurs en fonction de la justesse de leur
classification et de leur catégorisation.
Pour atteindre le premier objectif, 12 étudiants à la maîtrise et au
doctorat en psychologie, âgés de 23 à 54 ans, ont été rencontrés en
groupe. Les 41 indicateurs leur ont été soumis. Une prise de note
individuelle des réactions suivie d’une période de discussion ont permis à
l’investigatrice de colliger les avis et les suggestions. Cette vérification s’est
avérée efficace (a) pour reformuler certains items de façon à les rendre
plus clairs et (b) pour confirmer la valeur discriminante des items selon
l’âge.
Les deuxième et troisième objectifs ont été réalisés avec la
collaboration de quatre professionnels possédant une expertise en
psychologie humaniste et des connaissances en psychologie
transpersonnelle (trois psychologues et une psycho-éducatrice). Le
contenu de chaque item a d’abord été vérifié de manière à éliminer les
ambiguïtés sur le plan de l’interprétation. Autrement dit, la clarté et la
justesse des items dans leur signification transpersonnelle ont été
soigneusement discutées. La limite des mots pour exprimer une réalité
aussi profonde que la transcendance a été reconnue, comme l’ont aussi
relevé des experts internationaux en psychologie transpersonnelle (Tart,
1975; Walsh et Vaughan, 1984; Wilber, 1980).
Pour la validation de la catégorisation, chaque professionnel avait en
main une liste des 12 sous-unités dont chacune devait être associée à
l’une des quatre composantes de la transcendance. C’est à l’unanimité que
la validation de la catégorisation a été obtenue. Suivant la même
procédure, une liste des 41 items a été présentée dans le but de les
jumeler avec les sous-unités appropriées. La validation de cette
classification a été obtenue par consensus des professionnels après
discussion. Comme cette classification des indicateurs par rapport à leurs
sous-unités était secondaire dans notre étude, nous nous sommes
davantage attardés à la justesse de la catégorisation des sous-unités par
rapport à leurs composantes respectives.
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RQP, 20(3)
RÉSULTATS
La démarche méthodologique précédemment décrite a permis de
définir la transcendance de soi comme l’état d’une personne vivant en lien
avec son Être profond (le Soi) par l’élargissement de sa conscience des
êtres et des choses (métacognition) et par la réalisation des valeurs
spirituelles dans sa vie quotidienne (métamotivation). La transcendance de
soi, telle qu’étudiée dans cette recherche, présente la structure psychospirituelle suivante (composantes et sous-unités).
Transcendance de soi
Métacognition (première dimension)
(1) Perception en profondeur (première composante ou unité de sens) :
En lien avec l’Être profond ou le Soi, capacité de discerner et
d’approfondir les différents aspects de sa vie et de la vie en
général, au-delà des apparences.
Qualité fondamentale : le discernement.
•
•
•
Sous-unités :
Attention vigilante révélant une concentration ou une absorption ou
une fascination pour l'objet.
Connaissance approfondie et significative, facilitée par une grande
richesse des détails et par la vision sous différents angles de
l'objet, qu'il s'agisse de soi-même, de son environnement ou du
monde.
Perception des réalités non perceptibles pour la conscience
ordinaire exigeant une attitude réceptive et/ou un regard
contemplatif de la beauté de « l'objet ».
(2) Perception globale (deuxième composante ou unité de sens) :
En lien avec l’Être profond ou le Soi, capacité d’appréhender sa vie
et la vie en général dans une perspective englobante et
indépendante de multiples attachements.
Qualité fondamentale : le détachement.
•
•
Sous-unités :
Appréhension de la réalité telle qu'elle est avec ses dichotomies,
ses contradictions, ses incompatibilités, impliquant une capacité
d'éviter la comparaison.
Vision globale et intégrative de l'unité, non seulement de l'objet
perçu, mais aussi des incohérences ou dichotomies en soi-même
et dans le monde, en un tout super-ordonné; il s’agit d’une
35
•
compréhension profonde capable de saisir l’essentiel dans les
êtres et les choses.
Perception indépendante du temps, de l'espace ou de la culture,
plutôt que dépendante de l'environnement, de l'histoire ou de ses
propres peurs, désirs et croyances.
Métamotivation (deuxième dimension)
(3) Présence en soi (troisième composante ou unité de sens) :
En lien avec l’Être profond ou le Soi, capacité de se responsabiliser
afin de faciliter l’unification (ou l’harmonie) entre sa personnalité et
le Soi profond (noyau le plus authentique du soi dépouillé des
1
peurs et des désirs; cette présence dont parle Jung ).
Qualité fondamentale : la volonté créatrice.
•
•
•
Sous-unités :
Recherche intérieure d'harmonie au niveau du savoir-être au lieu
du savoir-faire et du savoir uniquement.
Raffinement de la construction de l'identité personnelle afin
qu'éventuellement l'ego puisse être intégré et dépassé.
Congruence entre l'être (ce que je suis en lien avec le Soi profond)
et l'action (ce que je fais) peu importe les situations de vie.
(4) Dépassement de soi (quatrième composante ou unité de sens) :
En lien avec l’Être profond ou le Soi, capacité de laisser derrière
soi ses préoccupations personnelles pour se centrer sur le monde
(les autres, une mission, un but autre que soi).
Qualité fondamentale : la pratique de valeurs profondes
(comme l’amour, la compassion, le courage, l’entraide, l’honnêteté,
etc.)
•
•
•
1.
36
Sous-unités :
Dépassement de ses limites égocentriques, en se centrant sur le
monde plutôt que sur soi et en évitant de rester préoccupé par soimême.
Identification aux valeurs d'Être comme fins en soi plutôt que
moyens, en valorisant ce qu'il y a de meilleur en soi et en
exprimant concrètement ses valeurs profondes dans ses attitudes
et dans ses comportements.
Sentiment d'appartenance à un tout plus grand que soi, se
traduisant par des sentiments d’humanité, de gratitude, d'humilité,
d’admiration, de foi et d’espoir.
« A conscience d'une présence qui produit un changement profond de notre être »
(Jung, cité par Morf, dans Cercle de psychologie analytique de Montréal, 1977, p. 116).
RQP, 20(3)
Tel que mentionné précédemment, les 41 items représentant des
manifestations de la transcendance de soi en termes d’attitudes et de
comportements (quelques exemples sont présentés dans le tableau 2) ont
servi à l’élaboration d’une première partie d’un questionnaire. Une épreuve
de fiabilité a été réalisée avec des étudiants en psychologie (n = 45)
(Hamel, 1997, 1998). Le degré de cohérence des items, estimé à l’aide du
coefficient de consistance interne Alpha de Cronbach, a conduit aux
résultats suivants : Perception en profondeur, 0,80; Perception globale,
0,75; Présence en soi, 0,87; Dépassement de soi, 0,89. Tout en
considérant le nombre restreint de sujets pour une telle analyse, les
premiers résultats de l’instrument ont permis d’observer un niveau de
fiabilité satisfaisant.
DISCUSSION
Cette étude a permis d’opérationnaliser le concept de transcendance
de soi. La discussion porte sur les contributions et sur les lacunes de la
démarche sur les plans théorique et méthodologique.
Aspects théoriques
Les concepts de métacognition et de métamotivation, identifiés par
Maslow (1971/1993), ont été réunis pour représenter les pôles réceptif et
actif du phénomène de la transcendance. En regard de la recension des
écrits dans le domaine transpersonnel, il est apparu évident que ces deux
dimensions sont intrinsèques au concept, voire nécessaires quand on parle
de transcendance de soi. En fait, la première dimension concerne plus
spécifiquement la conscience qui est appelée à s’élargir afin de percevoir
clairement et sans distorsion les êtres, les choses, les événements. Cela
exige d’être réceptif à l’Être profond (le Soi), de favoriser les facteurs
passifs de l’esprit humain (attention, concentration, équanimité, calme), tel
que l’indiquent Maslow (1971/1993) et des auteurs qui se sont attardés à la
pensée orientale traditionnelle (Goleman, 1977; Kornfield, cité dans Walsh
et Vaughan, 1984).
La deuxième dimension réfère à la pratique (praxis) permettant à cette
conscience plus ouverte de porter fruit par la volonté dans l’action, tout en
demeurant en lien avec le Soi profond. Cela favorise ainsi les facteurs
actifs de l’esprit humain (énergie, investigation, réalisation d’un but
significatif), tel que le préconisent Assagioli (1973/1987) et Frankl (1988).
Tableau 2
•
Quelques
exemples
de
manifestations
comportements de la transcendance de soi)
(attitudes
et
Je suis pleinement attentif, c'est-à-dire absorbé par ce qui se passe
dans l’instant présent.
37
•
•
•
•
•
•
•
•
Je perçois les qualités et la beauté intérieure dans chaque être humain,
peu importe qui il est.
Je prends les choses telles qu'elles sont, en dépit de leur imperfection,
de leur finitude et même de leurs aspects parfois tragiques.
Je prends la vie avec le sens du relatif, c'est-à-dire que je discerne
l'essentiel et l'accessoire.
Je suis créatif, c'est-à-dire que je dépasse mes façons habituelles et
automatiques de fonctionner pour agir davantage à partir de mes
intuitions profondes.
J’intègre mes expériences, c'est-à-dire que je comprends, accepte et
maîtrise ce qui fait obstacle à l'épanouissement de ma nature la plus
profonde.
J'apprécie la vie sous tous ses aspects, que ceux-ci soient agréables
ou désagréables.
Je me dévoue à une cause, un appel, une vocation, une mission ou un
travail apprécié pour lui-même et non pour moi-même.
Mes attitudes et mes comportements traduisent des valeurs profondes
comme la bonté, l'authenticité, la générosité, la justice.
L’unification de ces dimensions permet donc d’envisager la
transcendance de soi dans son caractère immanent (Dürckheim, 1987,
1991). La transcendance peut alors être définie comme un état de
conscience non ordinaire (métacognition) se manifestant dans l’attitude et
le comportement s’appuyant sur une volonté et un agir non ordinaires
(métamotivation), dont la référence fondamentale est le Soi.
Les quatre composantes (Perception en profondeur, Perception
globale, Présence en soi et Dépassement de soi), issues du concept de
transcendance de soi, permettent d’approfondir la compréhension psychospirituelle du phénomène. Cet essai théorique propose une structure
dynamique dans laquelle ces quatre variables sont interdépendantes. Pour
qu’il y ait actualisation dans la transcendance de soi, les quatre
composantes doivent être présentes conjointement. Autrement dit,
l’attitude de la personne doit témoigner du mouvement continu d'alternance
entre quatre qualités d’Être fondamentales : le discernement, le
détachement, la volonté créatrice et la pratique de valeurs profondes dans
le quotidien. Comme l’affirme Vaughan (1985), la découverte d’une identité
transpersonnelle permet à la personne d’accéder à un niveau supérieur
d’organisation et d’intégration de sa vie. On peut donc penser que
s’habiliter à développer au quotidien les quatre composantes de la
transcendance facilite l’ouverture à soi, aux autres et aux événements et
donne un sens profond à la vie (Frankl, 1988).
En fait, on peut dire que la transcendance, lorsque envisagée dans un
mouvement de croissance transpersonnelle immanente, rassemble sous
un même toit des facteurs de réceptivité, comme l'attention (discernement)
et le lâcher-prise (détachement), et des facteurs proactifs, comme le sens
38
RQP, 20(3)
de la responsabilité (volonté créatrice) et l'action désintéressée (pratique
de valeurs profondes). Autrement dit, les moments vécus dans la
transcendance de soi unifient les polarités ou les dualités par la conscience
du détail et du global en alternance (Perception en profondeur et
Perception globale) et par l’intégration de l’individuel et du collectif en
alternance (Présence en soi et Dépassement de soi). Ces quatre
composantes ne peuvent toutefois être actualisées à un niveau
transpersonnel de croissance que par le lien constant avec le Soi profond
(noyau le plus authentique du soi dépouillé des peurs et des désirs).
Cet essai théorique de la transcendance de soi a mis en évidence le
caractère holistique du construit. En effet, l’actualisation d’une seule
composante de la transcendance ne peut présager de l’intégralité de
l’expérience. Par exemple, trouver un sens profond à sa vie (item de la
Présence en soi) exige également de se sentir engagé envers les autres
(item du Dépassement de soi), de percevoir les autres avec un regard neuf
et au-delà des apparences (item de la Perception en profondeur) et de
discerner l’essentiel de l’accessoire (item de la Perception globale).
Comme la transcendance de soi est étroitement liée à une réalité
englobante et universalisante (Assagioli, 1988/1994; Oser, Gmünder et
Ridez, 1991), l’unification d’attitudes et de comportements reflétant
chacune des quatre composantes est nécessaire pour accéder à son
immanence.
Aspects méthodologiques
La méthodologie utilisée s’est révélée une stratégie efficace pour
établir, sur des bases rigoureuses, la classification et la catégorisation de
données reliées à la transcendance de soi. Cependant, les indicateurs font
face à la limite linguistique pour exprimer une profondeur sémantique. En
d’autres termes, le vocabulaire est restreint pour exprimer tout le sens
transpersonnel d’une manifestation de la transcendance. Cette lacune est
en partie palliée par l’importance accordée à chacun des mots utilisés pour
exprimer une manifestation, par exemple, « J’apprécie la vie sous tous ses
aspects, que ceux-ci soient agréables ou désagréables. ». En fait, aimer la
vie même dans les moments difficiles est une caractéristique de la
transcendance de soi, car elle traduit la confiance et l’intimité avec le Soi
profond. Par conséquent, elle doit être considérée au même titre que
l’appréciation de la vie quand tout va bien.
Actuellement, les personnes qui vivent des expériences
transpersonnelles ont davantage de facilité à reconnaître les
manifestations de la transcendance de soi, et cela, en dépit des mots
ordinaires utilisés pour les décrire (Walsh et Vaughan, 1984). Ceci a
d’ailleurs été observé grâce au volet qualitatif d’une étude exploratoire du
besoin de transcendance (Hamel, 1997). Aussi, faut-il mentionner que
cette étude a révélé les limites restrictives de l’usage d’un questionnaire à
questions fermées sur la transcendance de soi, s’il est utilisé seul ou sans
entrevue. En effet, il y a toujours un risque d’interprétation personnelle
39
plutôt que transpersonnelle par rapport à certains items, par exemple,
l’item « Je crois en quelque chose ou quelqu'un plus grand que moi. » Bien
que cet item ait été compris dans son sens transpersonnel pour la majorité
des sujets (référence au divin, au sacré ou à une énergie englobante),
quelques-uns l’ont interprété dans un sens personnel (référence à une
personne qu’ils admirent).
Rappelons aussi une mise en garde face à l’utilisation du questionnaire
composé des 41 items (Hamel, 1997). En effet, considérés un à un, les
items ne traduisent pas nécessairement l’état de conscience non ordinaire,
spécifique à la transcendance de soi. Certains indicateurs réfèrent
davantage à la conscience authentique, c’est-à-dire reliée à la croissance
personnelle plutôt que transpersonnelle, par exemple, « Je prends
conscience de mes lacunes ou des côtés plus sombres de ma
personnalité. ». C’est plutôt la fréquence de son application qui donnera à
cette attitude sa valeur transpersonnelle (Davy, 1966). Par contre,
considéré dans sa globalité, le questionnaire semble avoir une valeur
discriminante et refléte la transcendance de soi. Cependant, les items du
questionnaire devront tout de même être soigneusement révisés afin que
chacun puisse traduire le plus simplement, clairement et exactement
possible une manifestation transcendante. À notre avis, cela constitue la
condition nécessaire à l’utilisation du questionnaire sans le recours
d’entrevue individuelle réalisée par un investigateur spécialisé dans le
domaine transpersonnel.
Le travail de classification et de catégorisation a également rencontré
la limite suivante : l’absence de ressources financières permettant de
demander l’avis d’experts internationaux dans le domaine transpersonnel,
tel que le suggère Tart (cité dans Walsh et Vaughan, 1984). Selon lui, il est
préférable que ce soit des observateurs spécialisés qui assurent
l’investigation dans cette sphère en psychologie. Par contre, cette
contrainte a été compensée de façon satisfaisante par (a) une recension
des écrits rapportant des éléments fondamentaux du concept de
1
transcendance reconnus universellement , (b) une méthode rigoureuse
pour catégoriser et classer les indicateurs et (c) une vérification par des
professionnels ayant une expertise en psychologie humaniste et des
connaissances en psychologie transpersonnelle. Ainsi, la méthodologie
utilisée visait à satisfaire aux critères d’exclusivité dans la formation des
composantes, d’homogénéité dans la façon de classer le matériel, de
pertinence dans le lien avec l’objet de recherche et d’objectivité dans la
validation des catégories par l’aide de juges de contenu (Bardin, 1977).
Développer une méthodologie permettant d’articuler un concept aussi
abstrait que celui de la transcendance, malgré son caractère ineffable, est
essentiel pour approfondir cette réalité humaine aux plans théorique et
1.
40
La recension des écrits a réuni la documentation traduisant les pensées des cultures
occidentale et orientale traditionnelle. Les auteurs sélectionnés, c’est-à-dire Assagioli,
Frankl et Maslow, ont une conception de la transcendance de soi largement influencée
par l’apport des deux cultures.
RQP, 20(3)
pratique. Comme elle est rattachée aux grandes questions sur le sens à la
vie, la dimension transcendante constitue une réalité humaine
fondamentale et universelle (Paloutzian et Kirkpatrick, 1995) qui vaut la
peine d’être investiguée et développée par la création de nouvelles
méthodes (Tart, cité dans Walsh et Vaughan, 1984). Néanmoins, cette
réalité encore mystérieuse, souvent considérée comme réservée aux
initiés (Goleman, 1977), devra être traduite en termes psychologiques et
pragmatiques (perceptions, attitudes, comportements), ce qui facilitera
l’accès de toute personne à l’expérience de transcendance de soi.
CONCLUSION
La définition de la transcendance de soi proposée ici mérite d’être
approfondie afin d’affiner le caractère opératoire du construit. La recherche
fondamentale sur les états de conscience et les études comparatives sur
les expériences de transcendance pourraient être enrichies en tentant de
répondre à des questions concernant le processus et le contexte de la
transcendance immanente, c’est-à-dire cet état d’être que l’on peut vivre au
quotidien. Existe-t-il un processus facilitant l’actualisation transcendante?
Comment peut-on satisfaire un tel besoin d’actualisation sans vivre
retranché du monde moderne? Peut-on s’actualiser dans la transcendance
de façon soutenue malgré des besoins de survie et de sécurité?
L’élaboration des quatre composantes de la transcendance de soi
constitue un premier essai de développement de ce concept en
psychologie. Il apparaît tout à fait pertinent de s’y intéresser dans le
contexte psycho-socio-économique actuel. En effet, un nombre
grandissant de personnes s’interrogent sur le sens de leur vie dans un
contexte de vie quotidienne de plus en plus compétitif, exigeant une
performance individualisante et menaçant la sécurité, voire la survie. Déjà,
le mot « transcendant » est un qualificatif populaire fortement médiatisé,
alors que sa signification profonde demeure encore au stade des
définitions plutôt abstraites dans différentes sphères de la connaissance
(psychologie, théologie, philosophie, éducation). Par conséquent, on peut
penser que le zeitgeist (esprit de l’époque) devance la recherche et presse
les chercheurs en psychologie transpersonnelle à découvrir des aspects
théoriques et pratiques de la transcendance de soi, aspects qui
faciliteraient son actualisation dans la vie courante de tout être humain en
quête de sens à la vie.
Abstract
This article attempts to clarify the self-transcendence concept. The objectives are : a) to
specify the stages to identify a definition of self-transcendence concept, b) to bring out the
four components of this concept, c) to recognize some attitudes and behaviors of selftranscendence. An analysis of documentation on the transpersonal approach and the
transcendence notion was realised and lead to the selection of three authors (Assagioli,
Maslow, Frankl) for the theorical construct. Four interdependent components were founded
intrinsics at the actualization of the self-transcendence : Impregnated Perception, Holistic
Perception, Presence of Being and Beyond self Orientation.
41
Key words : self-transcendence, transpersonal approach, actualization
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