actualité législative et réglementaire 2 jurisprudence 4 international
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actualité législative et réglementaire 2 jurisprudence 4 international
SOMMAIRE ACTUALITÉ LÉGISLATIVE ET RÉGLEMENTAIRE 2 Nouveau statut du Foyer d’entraide de la Légion étrangère Autorisation du traitement de données à caractère personnel dénommé « Système API-PNR France » Mise en ligne des dossiers des fusillés de la 1ère Guerre mondiale sur le site «Mémoire des Hommes» Indemnisation des victimes des essais nucléaires français Ajustements et précisions concernant la protection fonctionnelle La reprise d’ancienneté dans le cadre d’un recrutement au titre des emplois réservés Renforcement du SCA dans son rôle de pilote de la chaîne « administration générale et soutien commun » L’acquisition d’un bien d’habitation situé dans la garnison d’affectation JURISPRUDENCE 4 Pension militaire d’invalidité et autres revenus de substitution dans le calcul de la prestation compensatoire Rétention administrative en conflit armé international (CEDH, Hassan c/ RU, 16 septembre 2014) Preuve de l’imputabilité au service de troubles psychiques Droit syndical dans les armées? (CEDH, ADEFDROMIL c/ FRANCE, 2 octobre 2014) Prime pouvant être accordée aux candidats non-retenus dans le cadre d’un contrat de partenariat INTERNATIONAL 8 Signature d’un accord de statut des forces entre la France et la Nouvelle-Zélande Entrée en vigueur du traité instituant un partenariat de défense avec la République du Gabon ANALYSE 9 OPERATION BARKHANE : enjeux et contraintes juridiques La France autorise le recours aux équipes privées de protection des navires La première ordonnance prise sur habilitation de la loi de programmation militaire 2014-2019 Génocide rwandais : dernières décisions en matière de diffamation EVENEMENTS 13 ACTUALITÉ LÉGISLATIVE ET RÉGLEMENTAIRE LE FOYER D’ENTRAIDE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE EST DOTÉ D’UN NOUVEAU STATUT Le décret n°2014-562 du 30 mai 2014 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Foyer d’entraide de la Légion étrangère (FELE) a été pris en application des dispositions de la loi n° 2013‑1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale. Le décret détermine les catégories de personnes ayant accès aux données, celles qui peuvent en être légitimement destinataires et les modalités d'habilitation de ces personnes. Dans ce cadre, les services spécialisés de renseignement du ministère de la défense (DGSE, DPSD, DRM) peuvent avoir communication de ces données pour leurs missions. En cas de menace grave et d'urgence avérée, la DGSE bénéficie, pendant une durée maximale de sept jours, de la faculté de visualiser l'ensemble des données collectées au sein du traitement. Ce décret apporte les précisions nécessaires au fonctionnement du FELE en insérant dans le code de la défense un chapitre nouveau. Ce décret précise notamment le siège de cet établissement public (art. R. 3418-1), la composition de son conseil d’administration (art. R. 3418-2) et ses règles de fonctionnement (art. R. 3418-4 et R. 3418-5), les modalités de désignation et les attributions du directeur général et du directeur général adjoint (art. R. 3418-6 et R. 3418-7), le régime des contrats (art. R. 3418-11) et les contrôles auxquels l’établissement est soumis (art. R. 3418-8). L’adoption de ce décret permet au ministère de la défense de mettre en œuvre les dispositions par lesquelles le législateur a doté le Foyer d’entraide de la Légion étrangère d’un statut adapté à sa spécificité et de pérenniser cet établissement qui marque la reconnaissance de la France aux ressortissants étrangers qui se sont engagés pour sa défense. LE TRAITEMENT DE DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL DÉNOMMÉ « SYSTÈME API-PNR FRANCE » A ÉTÉ AUTORISÉ Publié au JORF du 28 septembre 2014, le décret n°2014-1095 du 26 septembre 2014 portant création d'un traitement de données à caractère personnel dénommé « Système API-PNR France » autorise la mise en œuvre d’un traitement des données personnelles collectées auprès des transporteurs aériens. La création de ce fichier était prévue par la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 du 18 décembre 2013. Géré par un service à compétence nationale dénommé « Unité Information Passagers », ce traitement a notamment pour finalité de prévenir les actes de terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. Il permet de recueillir les données d'identification des passagers ou des membres d’équipages provenant du passeport ou d'un autre document de voyage (données dites « API »), ainsi que des informations générales concernant le vol et les données des dossiers passagers créés par les compagnies aériennes (données dites « PNR »). L’AUTORISATION DE METTRE EN LIGNE LES DOSSIERS DES FUSILLÉS DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE SUR LE SITE «MÉMOIRE DES HOMMES» A ÉTÉ ACCORDÉE Lors de l’annonce des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, le 7 novembre 2013, le Président de la République a souhaité que les dossiers des conseils de guerre soient numérisés et rendus accessibles au public. Le site internet de la Direction de la mémoire du patrimoine et des archives (DMPA) « Mémoire des Hommes » était le vecteur approprié pour diffuser ces dossiers. Les démarches nécessaires ont été effectuées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le cadre juridique relatif à ce site, destiné à mettre à la disposition du public des documents numérisés et des informations issues des fonds d'archives et des collections gérés par le ministère de la défense, a donc été revu. Ce nouvel arrêté du 24 juillet 2014 publié au JORF du 15 août 2014 précise ainsi que le site « Mémoire des Hommes » permet de mettre en ligne des traitements automatisés de données à caractère personnel ayant pour finalités de collecter, de numériser, d'indexer, de conserver et de diffuser sur internet des données à caractère personnel destinées à la préservation de la mémoire des conflits contemporains et à la mise à la disposition du public d'informations à des fins historiques. 12 LE DÉCRET DU 15 SEPTEMBRE 2014 PARACHÈVE LE NOUVEAU RÉGIME DE RECONNAISSANCE ET D’INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS Le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 (publié au JORF du 17.09.2014) abroge et remplace le décret du 11 juin 2010 pris en application de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, afin de tenir compte des modifications apportées à cette loi par la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Il prend notamment en compte le changement de statut du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN), qui était auparavant un organisme consultatif faisant des recommandations au ministre de la défense et qui est désormais une autorité administrative indépendante ayant compétence pour décider d’attribuer ou non des indemnisations au titre de la loi du 5 janvier 2010. Ce décret fixe ainsi les règles de fonctionnement du comité et définit les modalités d’instruction des demandes d’indemnisation. En complément de ce décret, un arrêté interministériel du 22 septembre 2014 fixe le montant des indemnités pouvant être allouées aux membres du CIVEN. AJUSTEMENTS ET PRÉCISIONS CONCERNANT LA PROTECTION FONCTIONNELLE L’article 35 de la loi de programmation militaire harmonise et étend les conditions d’accès à la protection fonctionnelle accordée par le ministre de la défense. Cet article, qui modifie l’article L.4123-10 du code de la défense, aligne les droits des concubins et des partenaires de pacte civil de solidarité des militaires sur ceux des conjoints d’une part, et étend l’octroi de la protection fonctionnelle aux ayants droit des militaires (lorsque le militaire décède, en raison de ses fonctions, du fait d’une atteinte volontaire à sa vie) et de certains agents civils du ministère de la défense (lorsque l’agent civil est victime à l’étranger d’une atteinte volontaire à sa vie du fait de sa participation à une mission de soutien à l’exportation de matériel de défense), d’autre part. la défense ou leurs ayants droit lors des instances civiles ou pénales qu’ils engagent en distinguant deux situations. La première situation est celle dans laquelle le militaire ou ses ayants droit sont victimes de menaces ou d’attaques « en propre » (en raison, respectivement, de ses fonctions ou de la qualité de militaire de la personne avec qui ils sont liés). A ce titre, le décret reprend le principe arrêté par la jurisprudence du Conseil d’État, permettant le remboursement d’une partie des frais engagés lorsque le montant des honoraires facturés ou déjà réglés est manifestement excessif au regard des pratiques tarifaires habituelles dans la profession, de la nature des prestations effectivement accomplies ou du niveau des difficultés présentées par le dossier. La seconde situation est celle dans laquelle les ayants droit d’un militaire ou d’un personnel civil de la défense engagent des poursuites en raison de l’atteinte portée à la vie de l’agent avec lequel ils sont liés dans les circonstances définies à l’article 35 de la LPM précité. Le décret organise les modalités de prise en charge des frais d’avocat dans le respect du libre choix du conseil par le bénéficiaire de la protection fonctionnelle et des exigences des règles de la profession d’avocat. Il fixe ainsi plusieurs principes (principe de limitation de la prise en charge par l’État des honoraires d’avocat à un plafond global de 108 000 euros qui s’apprécie pour l’ensemble des ayants droit d’un même défunt et pour l’ensemble des instances à l’encontre du ou des auteurs des faits à l’origine du décès ; principe d’un paiement des honoraires à la fin de l’instance, tout en autorisant une avance d’un montant maximum du tiers du montant total du plafond...). Ce décret s’inscrit résolument dans l’objectif poursuivi par la protection fonctionnelle qui traduit la volonté de l’État de défendre son collaborateur attaqué du fait de ses fonctions et de protéger à travers lui la réputation, l’honneur des institutions, voire la continuité du service public, tout en veillant à la bonne utilisation des deniers publics. Il renvoie par ailleurs à un décret en Conseil d’Etat le soin de préciser « les conditions et les limites de la prise en charge financière par l’Etat au titre de la protection des frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales par le militaire ou les ayants droit mentionnés au présent article ». Pris en application de cet article, le décret n° 2014-920 du 19 août 2014 précise donc les conditions de prise en charge des frais et honoraires d’avocat engagés par les militaires et certains agents civils relevant du ministère de 23 LA REPRISE D’ANCIENNETÉ DANS LE CADRE D’UN RECRUTEMENT AU TITRE DES EMPLOIS RÉSERVÉS NE CONCERNE QUE LES MILITAIRES EN ACTIVITÉ. L’ACQUISITION D’UN BIEN D’HABITATION SITUÉ DANS LA GARNISON D’AFFECTATION, EST SANS INCIDENCE SUR LE DROIT À PERCEVOIR LA MAJORATION DE L’INDEMNITÉ POUR CHARGES MILITAIRES (MICM). (CE, 31 mars 2014, n° 367303) Par une décision n° 367303 en date du 31 mars 2014, le Conseil d’Etat a jugé, en application des dispositions des articles L.4139-3 du code de la défense et L.397 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre relatifs à l’accès aux emplois réservés que la possibilité de bénéficier d’une reprise d’ancienneté est ouverte aux seuls militaires qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l’accès aux emplois réservés, ont été placés en position de détachement et ont conservé la qualité de militaire jusqu’à la date de leur intégration ou de leur titularisation. Par suite, les reprises d’ancienneté ne concernent que les militaires en activité au moment de leur recrutement. Ainsi, un ancien militaire de la marine nationale, libéré depuis moins de trois ans, peut bénéficier d’un emploi réservé mais ne peut solliciter, lors de sa titularisation au grade de gardien de paix, une reprise de ses services effectifs. LE SERVICE DU COMMISSARIAT DES ARMÉES (SCA) VOIT SON RÔLE DE PILOTE DE LA CHAÎNE « ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET SOUTIEN COMMUN » RENFORCÉ L’arrêté du 29 juillet 2014 portant organisation du SCA (publié au JORF du 30 août 2014) a modifié l’organisation du service du commissariat des armées pour traduire réglementairement un plan de transformation qui s’inscrit dans le cadre de la rénovation de l’organisation, de la gouvernance et du fonctionnement du ministère de la défense. (CE, 12 mars 2014, n° 368229) Un titre de perception avait été émis à la demande du ministère de la défense à l’encontre d’un officier propriétaire, à des fins d’investissement locatif, d’une maison située dans le périmètre de sa garnison, au titre de la MICM qu’il avait perçue à compter de la date d’acquisition de ce bien. L’administration estimait en effet que dès cette date, l’intéressé était libre d’habiter son bien avec sa famille et ne remplissait donc plus la troisième des conditions posées par la règlementation à savoir être dans « l'obligation de louer un logement dont le loyer principal, charges exclues, est supérieur à un loyer plancher (article 5 bis du décret du n°59-1193 du 13 octobre 1959 modifié fixant le régime de l’indemnité pour charges militaires). Le tribunal administratif de Rouen avait, en première instance, validé cette analyse et rejeté la requête dirigée contre ce titre de perception, estimant que le requérant, locataire d’un logement situé dans sa garnison d’affectation, et qui avait par ailleurs acquis un bien immobilier dans la même zone géographique, avait fait le choix d’exploiter ce bien à des fins d’investissement locatif plutôt que de l’occuper lui-même et n’était donc pas « obligé » , au sens de la réglementation, de continuer de louer son logement. Par une décision n° 368229 rendue le 12 mars 2014, le Conseil d’Etat a censuré, pour erreur de droit, une telle analyse, en jugeant que la troisième condition posée par l’article 5 bis du décret du 13 octobre 1959 précité devait être regardée comme imposant uniquement au militaire de justifier du montant du loyer versé, mais comme ne lui imposant nullement, en revanche, de prouver qu’il n’avait d’autre possibilité que de louer un logement. Cette transformation vise à professionnaliser et à rationaliser la chaîne « administration générale et soutien commun » et à transférer les groupements de soutien des bases de défense au service du commissariat des armées. Ce dernier est réorganisé autour de trois processus : - un processus de délivrance, dans une logique de « bout en bout », à un client, un organisme ou un personnel, de prestations de service organisées en filières (restaurationhébergement-loisirs, soutien de l’homme, administration du personnel, notamment), - un appui des filières par des expertises métiers (achats, finances, juridique, notamment) - un soutien organique du service, dans son ensemble. 34 JURISPRUDENCE PRISE EN COMPTE DE LA PENSION MILITAIRE D’INVALIDITÉ AINSI QUE DES AUTRES REVENUS DE SUBSTITUTION DANS LE CALCUL DE LA PRESTATION COMPENSATOIRE (Conseil Constitutionnel, décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014.) Dans le cadre d’une procédure en divorce et afin de fixer le montant d’une prestation compensatoire, le juge aux affaires familiales prend en compte les différentes ressources de chacun des époux, et notamment la pension militaire d’invalidité (PMI), conformément aux dispositions des articles 270 et suivants du code civil. En revanche, l’article 272 alinéa 2 exclut de ce calcul les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et celles versées au titre du droit à compensation d’un handicap. Dans le cadre d’une procédure en divorce d’un personnel militaire bénéficiant d’une PMI, celui-ci a entendu faire reconnaître, en soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, la PMI comme une réparation d’un préjudice professionnel assimilable à une rente d’accident du travail ou aux sommes perçues en compensation d’un handicap. A ce titre, la PMI aurait donc dû être exclue, elle aussi, du calcul de la prestation compensatoire en application de l’article 272 alinéa 2 du code civil. Le Conseil constitutionnel saisi de la question, a considéré que l’exclusion expresse des sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et celles versées au titre du droit à compensation d’un handicap, institue entre les époux « des différences de traitement qui ne sont pas en rapport avec l’objet de la prestation compensatoire qui est de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, et que, par suite, cette interdiction méconnaît l’égalité devant la loi ; que le second alinéa de l’article 272 du code civil doit être déclaré contraire à la Constitution ». Cette décision aboutit, non pas à exclure la PMI du calcul de la prestation compensatoire, mais au contraire à prendre en compte dans ce calcul toutes les sommes qui sont liées à l’état de santé de chacun des époux (charges, allocations et pensions). Il s’agit de permettre au juge aux affaires familiales de déterminer au plus juste les besoins de chacun, par la prise en compte des sommes versées en compensation d’un handicap, indifféremment de leur nature alimentaire ou réparatrice. En effet, l’objet de la prestation compensatoire étant de rattraper une perte de revenus, son calcul doit inclure toutes les sommes pouvant être considérées comme un revenu professionnel ou un revenu de substitution de l’époux débiteur, y compris les sommes versées en réparation d’un accident du travail qui seraient destinées à compenser, au moins partiellement, une perte de revenu. Par cette décision, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur la nature de la PMI, objet de qualifications divergentes. En effet, contrairement à la Cour de cassation qui considère la PMI comme l’indemnisation de pertes de gains professionnels et des incidences professionnelles de l’incapacité (Cass civ, 9 novembre 2011, n° 10-15381), la jurisprudence du Conseil d’Etat tend à conférer à la PMI une nature mixte en prenant en considération la réparation du déficit fonctionnel et donc la compensation d’un handicap (CE, 7 octobre 2013, n° 337851, M. Hamblin). La décision n°2014-398 QPC du 2 juin 2014 prend effet à compter de sa publication et ne remet pas en cause les prestations compensatoires fixées par des décisions devenues définitives en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles. PREUVE DE L’IMPUTABILITÉ AU SERVICE DE TROUBLES PSYCHIQUES: LE CONSEIL D’ETAT MET FIN À L’EXIGENCE D’UN FAIT PRÉCIS DE SERVICE (CE, 22/09/2014 n°366628) Par une décision, en date du 22 septembre 2014 (CE 6ème et 1ère sous-sections réunies, M. Dutrès c/ Ministère de la défense, n° 366628), le Conseil d’Etat précise que, pour rejeter une demande de pension militaire d’invalidité à raison de troubles anxieux et dépressifs, l’administration ne peut exclusivement se fonder sur l’absence de preuve d’un évènement particulier et personnel que seul le militaire demandeur aurait subi. En l’absence de fait traumatique précis constitutif d’une blessure, au sens du 1° de l’article L.2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), il appartient à l’administration de rechercher si l’affection dont est victime le demandeur peut néanmoins être regardée comme imputable au service au vu des éléments relatifs aux circonstances particulières dont il fait état et ouvrir droit à une pension sur le fondement du 2° de l’article L.2 du CPMIVG. En l’espèce, le syndrome clinique de stress posttraumatique devait être regardé comme résultant d’une maladie et non d’une blessure. Le Conseil d’Etat juge ainsi que les troubles psychiques peuvent constituer des maladies au sens du 2° de l’article L.2 du CPMIVG. La Haute Assemblée met ainsi fin en la matière à l’exigence d’un fait précis de service, permettant aux requérants qui ne peuvent invoquer la présomption légale, de prouver par tout moyen l’imputabilité au service de leur pathologie. Dès lors, un plus grand nombre de militaires souffrant d’un syndrome post-traumatique pourront bénéficier d’une pension militaire d’invalidité. Article L.2 du CPMIVG : « Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service […] ». 45 ARRÊT RENDU PAR LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME DANS L’AFFAIRE HASSAN C. ROYAUME-UNI LE 16 SEPTEMBRE 2014 Dans cette affaire particulièrement attendue, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé qu’il était possible pour un Etat partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) de détenir des individus pour des raisons de sécurité en période de conflit armé international (CAI). L’affaire est née de la capture en avril 2003 par les forces britanniques du frère de M. Hassan, Tarek, et sa détention à Camp Bucca en Irak. D’après M. Hassan, son frère se retrouva sous le contrôle des forces britanniques et on découvrit par la suite son corps, qui portait des marques de torture et d’exécution. Après avoir été débouté par les juridictions britanniques, M. Hassan introduisit une requête devant la CEDH le 5 juin 2009, soutenant que son frère avait été arrêté et détenu par les forces britanniques en Irak et que le corps de celuici avait par la suite été découvert sans que les circonstances de son décès aient été élucidées. La Cour a tout d’abord retenu la compétence extraterritoriale du Royaume-Uni. Elle a ensuite rappelé la règle générale édictée par l’article 5 de la Convention suivant laquelle toute personne a droit à la liberté et à la sûreté et nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans certains cas limitativement énumérés par la Convention, parmi lesquels ne figure pas la détention administrative lorsque des poursuites pénales ne sont pas envisagées dans un délai raisonnable. Elle a néanmoins précisé qu’il était également possible pour un Etat d’interpréter les dispositions de l’article 5 à l’aune des dispositions pertinentes du droit international humanitaire (DIH) et ce, même lorsque l’Etat en question n’a pas activé l’article 15 de la Convention qui permet de déroger aux dispositions relatives au droit à la liberté et à la sûreté extérieures menées à l’étranger) La Cour note d’ailleurs que les Etats parties n’ont jamais notifié de dérogation au titre de l’article 15 lors d’opérations militaires. La Cour procède ici à un infléchissement substantiel de sa jurisprudence. En effet, dans l’arrêt Al-Jedda du 7 juillet 2011, la Cour avait rejeté l’argumentation du gouvernement britannique invoquant l’obligation découlant de la base légale constituée par une Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies pour écarter ses obligations découlant de l’article 5 de la Convention. Dans l’arrêt Hassan en revanche, la Cour considère qu’il en va différemment lorsque l’Etat invoque les dispositions du DIH en matière de détention. Ainsi, la Cour admet que l’Etat ne déroge pas à ses obligations découlant de l’article 5 de la Convention lorsqu’il se fonde sur les 3ème et 4ème Conventions de Genève pour détenir des prisonniers de guerre ou des civils en période de CAI. Cependant, la Cour précise que la régularité de la décision de détenir doit faire l’objet d’une révision périodique par un organisme compétent offrant des garanties en matière d’impartialité et d’équité de la procédure, sans pour autant être un organe juridictionnel. Cela a été le cas en l’espèce, M. Hassan ayant été remis en liberté au bout d’un mois de détention, une fois confirmé son statut de non-combattant. Par ailleurs, en ce qui concerne son décès et l’obligation qui aurait pesé sur le Royaume-Uni d’enquêter sur les circonstances de ce décès, la Cour a rejeté la responsabilité des autorités britanniques, la mort étant intervenue environ quatre mois après sa sortie de Camp Bucca, dans une partie lointaine du pays non contrôlée par les forces britanniques. Un arrêt transposable en situation de conflit armé non international (CANI) ? La question reste toujours posée de savoir si la Cour adopterait le même raisonnement s’agissant d’interpréter souplement les dispositions de l’article 5 de la CESDH dans une situation de conflits armés non internationaux (CANI), puisque les dispositions du droit international humanitaire sont nettement moins développées en la matière pour encadrer les conditions de rétention d’individus capturés. ARRÊT RENDU PAR LA CEDH, ADEFDROMIL C. FRANCE, LE 2 OCTOBRE 2014 A la suite du rejet par le Conseil d’Etat de sa demande d’annulation de trois décrets, l’association de défense des droits des militaires (« ADEFDROMIL ») a introduit, le 12 juin 2009, une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre du gouvernement français, en invoquant, notamment, son droit à la liberté d’association au sens de l’article 11§2 de la Convention européenne des droits de l’homme. La demande de l’association, créée en avril 2001 par deux militaires et dont l’objet statutaire est « l’étude et la défense des droits, des intérêts matériels, professionnels et moraux, collectifs ou individuels, des militaires », avait été jugée irrecevable par le Conseil d’Etat en raison de la nature illicite de son objet au regard de l’article L 4121-1 du code de la défense. La Cour de Strasbourg a rendu sa décision par un arrêt de chambre, le 2 octobre dernier, condamnant la France pour violation de l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cet arrêt fera l’objet d’une analyse ultérieure. 56 PRÉCISIONS JURISPRUDENTIELLES SUR LE MONTANT DE LA PRIME DEVANT ÊTRE ACCORDÉE AUX CANDIDATS NON-RETENUS DANS LE CADRE D’UN CONTRAT DE PARTENARIAT TA Paris, 20 mai 2014, n° 1211736 A l’issue du dialogue compétitif attribuant à la société Opale Défense le contrat de partenariat public/ privé relatif au Grand Balard, l’un des candidats évincés a saisi le juge administratif en arguant du fait que la prime qui lui avait été versée était insuffisante eu égard aux dépenses qu’il avait consenties pour candidater. Le TA de Paris a rejeté sa requête dans un jugement du 20 mai 2014 qui apporte à l’administration des informations utiles sur le montant des primes qui doivent être versées aux candidats évincés dans le cadre de contrats de partenariat. Pour mémoire en effet, il résulte des dispositions de l’article 7-I de l’ordonnance du 17 juin 2004 modifiée relative aux contrats de partenariat public / privé que « lorsque les demandes de la personne publique impliquent un investissement significatif pour les candidats ayant participé au dialogue compétitif, une prime doit leur être versée ». Cependant, aucun élément de cette ordonnance ne précise de quelle façon le montant de cette prime doit être déterminé. En l’espèce, l’administration estimait pouvoir déterminer librement le montant de la prime devant être versée tandis que la société requérante soutenait que la prime versée devait être égale à 80 % des dépenses réellement consenties par les candidats, quitte à ce que le montant de cette prime soit réévalué en cours de procédure. Il résulte de la décision du tribunal administratif de Paris que le montant de la prime versée aux candidats évincés d’un PPP n’a pas pour vocation de couvrir une part « substantielle des dépenses engagées par les candidats » et que le contrôle du juge en la matière se limite à celui de l’erreur manifeste d’appréciation : en d’autres termes un tribunal ne pourrait censurer le montant d’une telle prime que dans le cas où la prime serait manifestement dérisoire au regard des sommes engagées. pourrait d’ailleurs être jugée contraire au principe de transparence auquel sont soumis les acheteurs publics. Enfin, la société requérante prétendait que le montant de la prime avait pu avoir pour effet de porter atteinte aux principes de libre accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats en favorisant les grandes entreprises disposant d’importants moyens financiers au détriment des entreprises de plus petite taille, dotées d’une assise financière moins importante et moins à même de prendre le risque de participer à une procédure onéreuse. En l’espèce, le juge administratif n’a pas retenu cet argument, dont la société requérante pouvait d’ailleurs difficilement se prévaloir de bonne foi. Toutefois le rapporteur public a néanmoins relevé que « cette circonstance aurait peut-être pu affecter les règles de la concurrence, mais [qu’] elle n’est pas de nature à ouvrir droit à réparation envers celui qui a effectivement soumissionné ». Dès lors, dans l’hypothèse où le requérant aurait été une société n’ayant pas soumissionné du fait du montant de la prime proposée par l’administration, il n’apparait pas exclu qu’un tel moyen eut pu prospérer. Ainsi, en cas d’investissement significatif des candidats à un contrat de partenariat, l’Administration doit : - obligatoirement prévoir une prime, - tenir compte de l’enjeu du marché et de l’investissement nécessaire afin de fixer un montant non manifestement disproportionné avec les dépenses susceptibles d’être consenties par les candidats, - prendre soin de fixer une prime qui ne soit pas de nature à dissuader les PME de soumissionner (si la nature du contrat le permet), - mentionner le montant de cette prime dans l’avis d’appel à la concurrence ou dans les documents de consultation et ce, afin permettre aux candidats de connaitre, à l’avance et de façon transparente, leur niveau d’indemnisation. A titre informatif, il ressort du cas d’espèce qu’une prime équivalente à 18.5% du montant des sommes engagées n’est pas de nature à caractériser une disproportion manifeste. Il en découle que l’administration dispose d’une grande liberté dans l’évaluation du montant de la prime dès lors que celle-ci n’apparait pas manifestement disproportionnée. Par ailleurs, le rapporteur public en charge de ce dossier a relevé qu’il ne ressortait d’aucun texte, d’aucune jurisprudence, pas plus des travaux parlementaires ou de la doctrine, que le pouvoir adjudicateur soit tenu de réévaluer la prime en cas de sous-estimation manifeste lors de l’élaboration de la consultation. Ainsi, la personne publique n’est jamais tenue de réévaluer le montant initial de la prime dès lors que celui-ci a bien été mentionné dans l’AAPC ou le règlement de consultation. Une telle pratique 67 INTERNATIONAL SIGNATURE D’UN ACCORD RELATIF AU STATUT DES FORCES ENTRE LA FRANCE ET LA NOUVELLE-ZELANDE ENTRÉE EN VIGUEUR DU TRAITÉ INSTITUANT UN PARTENARIAT DE DÉFENSE AVEC LA RÉPUBLIQUE DU GABON Le 31 mai 2014, en marge de la 13e session du Shangri La Dialogue à Singapour, M. Jean-Yves Le Drian a signé avec son homologue néo-zélandais, le docteur Jonathan Coleman un accord concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense. Le traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise, signé le 24 février 2010, est entré en vigueur le 1er juin 2014 dans les conditions prévues à son article 22 (il a été publié au JORF du 14 juin 2014). L'accord reprend les dispositions traditionnelles contenues dans un accord relatif au statut des forces. Son objet est de définir le statut des forces d’une Partie lorsque celles-ci se trouvent sur le territoire de l’autre Partie dans le cadre d’activités de coopération de défense. Les domaines et les formes de cette coopération sont variés et peuvent notamment concerner l'organisation de visites et d’échanges militaires, d’exercices ou d’autres activités, conjoints ou unilatéraux, la fourniture de soutien logistique, l’échange d'informations dans le domaine de la défense et dans le domaine spatial, l’échange de renseignement, des activités conjointes dans les domaines de l'armement, de la technologie et de la recherche dans le domaine de la défense, la fourniture d’aide humanitaire internationale et la fourniture d’aide d’urgence. L’accord est conclu pour une durée de 20 ans et demeure en vigueur au-delà de cette période, à moins qu’il ne soit dénoncé par l’une des Parties. Il nécessitera une autorisation parlementaire préalable à son approbation en vertu de l’article 53 de la Constitution, procédure actuellement en cours. Ce traité constitue le nouveau cadre juridique de notre relation de défense avec le Gabon, en regroupant dans un seul instrument les différents volets de celle-ci, notamment la coopération militaire technique et la présence des forces françaises au Gabon. Il contient un volet conséquent sur le statut des personnels déployés sur le territoire des deux Etats (conditions d’entrée, de séjour et de sortie du territoire, conditions de port et d’usage des armes, répartition des compétences juridictionnelles, règlement des dommages, etc.). Le traité ne comporte pas de clause d’assistance en cas de troubles internes et il est complété par une annexe relative aux facilités opérationnelles accordées aux forces françaises stationnées au Gabon (franchise douanière, liberté de circulation, emprises mises à disposition, etc.). Ce traité abroge l’ensemble des accords conclus antérieurement par les parties dans le domaine de la défense et de la sécurité, et notamment l’accord de défense du 17 août 1960. 78 ANALYSE OPERATION BARKHANE : ENJEUX ET CONTRAINTES JURIDIQUES DE LA RÉGIONALISATION DE LA LUTTE CONTRE LES GROUPES ARMÉS TERRORISTES Lancée le 1er août 2014, l’opération BARKHANE est menée simultanément sur le territoire du Mali, du Niger, du Tchad, de la Mauritanie et du BurkinaFaso, soit un espace aussi vaste que l’Europe. Elle a pour objet de soutenir les forces armées des cinq Etats hôtes (dits « G5 Sahel ») et les forces multinationales engagées dans la lutte contre les groupes armés organisés affiliés à Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Elle succède en cela à l’opération SERVAL, dont l’action était, elle, circonscrite au territoire malien. Elle absorbe également les missions et les moyens de l’opération EPERVIER, conduite depuis 1986 au Tchad. La décision politique de régionaliser l’intervention militaire française dans la bande sahélo-saharienne tire les conséquences du caractère transnational et transfrontalier des agissements de la mouvance AQMI. Elle ouvre de nouvelles perspectives de coordination politique et de coopération opérationnelle entre la France et les Etats du G5 Sahel dans une logique d’optimisation et d’efficacité des moyens engagés. Au plan juridique, la régionalisation est encore largement embryonnaire. Les Etats sont en effet les sujets primaires du droit international public. De ce fait, la qualification juridique du contexte et la légalité des actions entreprises par la force BARKHANE sont appréciées à l’échelle du territoire de chacun des Etats hôtes, même si la résolution 2164 (2014) du conseil de sécurité des Nations Unies reconnaît le caractère transnational de la menace terroriste (PP 15). Ce sont donc non pas un, mais cinq cadres juridiques distincts qui s’imposent encore à l’opération BARKHANE. Bien que le centre de gravité opérationnel se déplace vers le Niger, le centre de gravité juridique de l’opération BARKHANE, au plan du jus ad bellum, reste situé au Mali, où les groupes armés terroristes (GAT) opèrent à titre principal. L’intervention française est fondée dans cet Etat sur la demande d’assistance adressée à la France par le gouvernement malien en janvier 2013. Elle est confortée notamment par la résolution 2164 (2014) sous chapitre VII du conseil de sécurité des Nations Unies, qui autorise l’armée française à user de tous les moyens nécessaires pour intervenir en appui de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Les actions conduites dans les pays limitrophes consistent à appuyer les forces locales pour s’opposer à l’infiltration de GAT liés au conflit malien. Ces actions sont encadrées par des accords intergouvernementaux opérationnels bilatéraux conclus par la France avec chacun des Etats hôtes. Tout a été mis en œuvre, lors des négociations, pour que les dispositions de ces accords soient aussi proches que possible, afin de donner une cohérence d’ensemble au dispositif et ainsi garantir la continuité de l’action, notamment lorsque la force BARKHANE conduit des opérations transfrontalières. Les Etats du G5 Sahel ne sont pour l’heure liés entre eux par aucun accord opérationnel, susceptible d’autoriser les forces armées de l’un d’entre eux à exercer un « droit de poursuite » sur le territoire d’un Etat voisin. La signature d’instruments bilatéraux ou multilatéraux dans ce domaine est d’autant plus souhaitable que les forces françaises n’ont, en principe, pas vocation à opérer de façon autonome mais en soutien des forces locales. Les Nations Unies ont d’ailleurs souligné la nécessité d’une approche régionale cohérente pour lutter contre cette menace (résolution 2164, OP 30). Au plan du jus in bello, la fragmentation juridique du théâtre confronte la force BARKHANE à la question, de l’applicabilité du DIH aux opérations conduites sur le territoire d’Etats qui ne constituent certes pas l’épicentre du conflit armé, mais en subissent aussi les effets. La situation de conflit armé non international et l’applicabilité de l’article 3 commun et du protocole additionnel II aux conventions de Genève du 12 août 1949 ne sont contestées par personne s’agissant du Mali, de même que ce CANI malien puisse être de facto exporté aux Etats voisins, comme l’a reconnu le conseil de sécurité des Nations Unies. D’ailleurs, il est notamment admis que des parties à un CANI sur le territoire d’un Etat puissent être ciblées et frappées sur le territoire des Etats voisins, sous réserve de l’accord de ces derniers. A cet égard, certainement plus que toute autre opération conduite à ce jour par les armées françaises, la « manœuvre » juridique de BARKHANE incarne la complexité de l’interaction entre le DIH et le droit international des droits de l’homme (DIDH) (interaction qui a par ailleurs fait tout récemment l’objet d’un colloque organisé par la direction des affaires juridiques le 22 octobre 2014 à l’Ecole militaire), qui ne cesse pas de s’appliquer en période de conflit armé. La régionalisation de l’opération éclaire notamment sous un jour nouveau la problématique de la rétention et de la remise aux autorités locales des personnes qui seraient capturées par les forces françaises. Dans ce contexte légal encore évolutif, le conseiller juridique opérationnel (legal advisor, LEGAD) placé auprès du commandant de la force BARKHANE à N’Djamena (Tchad), a plus particulièrement pour mission : d’anticiper et de contribuer à l’évolution du cadre juridique de l’opération (jus ad bellum) ; de veiller à la licéité du recours à la force armée et des mesures de coercition mises en œuvre par les militaires français (jus in bello) ; de faire en sorte que ces paramètres soient pris en compte dans la planification puis dans la conduite des missions terrestres et aériennes réalisées quotidiennement par la force. Il contribue à cet égard à la diffusion du DIH prévue à l’article 83 du protocole additionnel I aux conventions de Genève du 12 août 1949 ; de traiter au plan juridique les conséquences de ces missions opérationnelles, notamment lorsque des membres des GAT tombent au pouvoir de la force. 89 Le LEGAD de BARKHANE agit en lien avec les conseillers juridiques du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l’état-major des armées, appuyés par la direction des affaires juridiques (DAJ). Il est secondé par un LEGAD positionné dans la ville de Gao, au nord Mali. affaires étrangères peut, de sa propre initiative, proposer au Premier ministre de redéfinir ces zones au regard de l’évolution des menaces identifiées. - Cette activité ne peut s’exercer qu’à bord du navire à protéger, le recours à des navires d’escorte privés et armés est exclu ; le nombre des agents de protection ne peut être inférieur à trois sur un navire protégé ; - L’encadrement rigoureux de l’exercice de l’activité par la mise en place d’un agrément administratif et d’une certification obligatoire pour les entreprises sous le contrôle du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS) s’inspirant de ce que prévoit déjà le code de la sécurité intérieure pour les entreprises de gardiennage ou de transport de fonds. LA FRANCE AUTORISE LE RECOURS AUX ÉQUIPES PRIVÉES DE PROTECTION DES NAVIRES La loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection des navires, publiée au Journal officiel du 2 juillet 2014, marque l’aboutissement d’un processus enclenché lors du Comité interministériel de la mer du 2 décembre 2013 au cours duquel le Premier ministre a décidé d’autoriser le recours à des entreprises privées de protection des navires dans les zones présentant un risque de piraterie. La multiplication, ces dernières années, des actes de piraterie, notamment en océan Indien et dans le golfe de Guinée a conduit le gouvernement à engager des forces navales dans les opérations conduites à l’initiative de l’Union européenne (Atalanta) ou sous l’égide de l’OTAN ainsi qu’à mettre à disposition des équipes de protection embarquées de la Marine nationale pour assurer la protection des navires français dans ces zones. Cependant, le déploiement de ces équipes présente des contraintes d’ordre logistique ou diplomatique qui ne sont pas toujours compatibles avec les délais commerciaux très contraints des professionnels. L’Etat ne répondant ainsi favorablement qu’à environ 70 % de la trentaine de demandes reçues chaque année, le gouvernement a estimé que des entreprises privées de protection des navires, compte tenu d’un pré-positionnement plus important, pourraient se montrer plus réactives. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé la mise en place d’un cadre légal autorisant et encadrant le recours à des services de protection privée des navires. Le dispositif de la loi du 1er juillet 2014 vient modifier le code des transports ainsi que le code de la sécurité intérieure et repose sur les principes suivants : - L’activité n’est autorisée qu’à bord des navires battant pavillon français définis par décret (certains types de navires peuvent être exclus), au-delà de la mer territoriale des Etats dans les zones à haut risque déterminées par un arrêté du Premier ministre. Un comité réunissant des représentants des armateurs, du ministre de la défense, du ministre chargé des transports et du ministre des - La professionnalisation des acteurs, qui devront être titulaires d’une autorisation d’exercer pour les dirigeants et gérants, et d’une carte professionnelle pour les agents, délivrées par le CNAPS, afin d’attester l’honorabilité et les aptitudes professionnelles, les compétences portant tout autant sur les aspects liés à la protection elle-même que sur les compétences maritimes. - Un encadrement strict de l’armement, comprenant une définition des catégories d’armes et de munitions autorisées, des modalités d’acquisition, de détention, de transfert ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont embarquées et stockées à bord. - Un régime d’utilisation des armes fondé sur la légitime défense. - La transparence de l’activité, au travers de l’instauration d’un régime de contrôles administratifs sur le territoire national et à bord des navires protégés et du suivi régulier des activités des entreprises et de leur agents (obligation de signalement de l’embarquement d’une équipe, déclaration obligatoire des incidents survenus à bord, tenue d’un registre de l’activité…). Enfin, on notera que le nouvel article L.616-5 du code de la sécurité intérieure confie à certains militaires le pouvoir de constater à bord des navires français les infractions aux dispositions du code de la sécurité intérieure relatives à la protection privée des navires. Sont concernés les commandants et commandants en second des navires de l’Etat, les commandants des aéronefs de l’Etat affectés à la surveillance maritime ainsi que, lorsqu’ils sont spécialement habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, les administrateurs et officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes, les officiers de la marine nationale ainsi que les commissaires des armées embarqués à bord des bâtiments de la marine nationale. Le cadre normatif sera très prochainement complété par des décrets et des arrêtés préparés par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche). 910 LA PREMIÈRE ORDONNANCE PRISE SUR HABILITATION DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2014-2019 A ÉTÉ PUBLIÉE LE 11 JUILLET 2014 En vue de centrer le débat parlementaire sur les dispositions les plus stratégiques de la partie normative de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, diverses mesures à caractère technique ont été renvoyées à des ordonnances. L’article 55 de la loi n° 2013‑1168 du 18 décembre 2013 a ainsi habilité le Gouvernement à légiférer en ces matières. La première ordonnance portant application de cet article (ordonnance n° 2014‑792 du 10 juillet 2014) a été publiée au Journal officiel du 11 juillet 2014. L’ordonnance tire, tout d’abord, les conséquences de la fusion des trois corps statutaires de commissaires de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine nationale dans le corps statutaire des commissaires des armées en modifiant ou en abrogeant plusieurs dispositions de nature législative qui font référence à l’un des trois anciens corps. La fusion des corps statutaires de commissaires s’inscrivant dans une réforme des corps militaires de soutien, elle a impliqué, pour que l’économie de la réforme ne soit pas déséquilibrée, de modifier les limites d’âge de certains corps. En outre, l’ordonnance prend en compte la nouvelle terminologie « zone de défense et de sécurité » pour la substituer à celle de « zone de défense » dans la partie législative du code de la défense. Par ailleurs, des dispositions relatives au droit de l’armement visent à étendre le régime des importations et des exportations de matériels de guerre aux flux en provenance et à destination des collectivités d’outre-mer. Les dispositions de la loi n° 2011‑702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés ne permettaient pas de régir les flux d’armes en provenance ou à destination de certaines collectivités françaises d’outre-mer. Or, au regard du droit de l’Union européenne, celles-ci ont le statut de pays et territoires d’outre-mer (PTOM) et sont assimilées à des pays tiers. Les modifications figurant dans l’ordonnance comblent ce vide en faisant subsister un dispositif de contrôle des flux à destination et en provenance de ces collectivités, consistant à les considérer expressément comme des pays tiers dans le traitement des demandes d’autorisation d’importation ou d’exportation. Deux types de dispositions relatives aux activités nucléaires figurent dans cette ordonnance. D’une part, l’ordonnance insère dans la partie législative du code de la défense des dispositions relatives aux installations et activités nucléaires intéressant la défense (IANID). Ces dispositions visent en particulier à codifier le III de l’article 2 de la loi n° 2006‑686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite «loi TSN», et à préciser les conditions et limites dans lesquelles doit s’exercer le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives aux IANID, en conformité avec l’article 7 de la Charte de l’environnement. D’autre part, elle renforce le cadre juridique concernant la protection des installations nucléaires. La mesure retenue consiste à donner compétence au préfet de département pour réglementer la circulation et le stationnement à proximité de toutes les installations nucléaires, qu’elles soient civiles ou militaires. Les dispositions relatives aux ressources humaines sont de quatre ordres: 1. La modification de l’article L. 4138‑14 du code de la défense permet de transposer aux militaires le dispositif de « congé parental » dont bénéficient les fonctionnaires. Ce congé est ouvert aux militaires qui assurent la charge de l’enfant en vertu d’une filiation ou d’une décision administrative ou judiciaire et les deux parents militaires peuvent désormais prendre ce congé concomitamment pour élever le même enfant. Durant ce congé, les droits des militaires sont préservés (droits à l’avancement d’échelon, prise en considération de service effectif - en totalité la première année et réduction de moitié pour les années suivantes, conservation du droit à congé de maternité, de paternité ou d’adoption en cas de naissance ou d’adoption pendant le congé parental en cours). 2. Le 2° du I de l’article L. 4139‑16 du code de la défense définit, par corps, les limites d’âge associées à chaque grade. Or, dans le cadre de la rationalisation du paysage statutaire, il a été décidé, qu’au 1er janvier 2016, les officiers du corps technique et administratif (CTA) de la marine qui n’auraient pas intégré le corps des commissaires des armées intégreront d’office le corps des officiers spécialisés de la marine (OSM), corps dont les limites d’âge sont plus basses que celui des CTA de la marine. En conséquence, cet article prévoit, au profit des officiers du CTA de la marine affectés d’office dans le corps des OSM, la conservation de la limite d’âge de leur grade dans leur corps d’origine (CTA de la marine). 3. Il est créé au profit des militaires blessés en opérations extérieures, dont un retour à l’emploi est probable, un congé spécifique relevant de la position d’activité : le congé du blessé. Ce congé s’applique à tout militaire blessé en opérations extérieures, qu’il soit de carrière, sous contrat ou réserviste. Cette création est la contrepartie de l’esprit de sacrifice et de l’acceptation des risques consubstantiels à l’état de militaire et caractérise le moyen pour la Nation de manifester sa reconnaissance aux militaires qui reviennent d’OPEX blessés physiquement et psychologiquement ou qui y contractent une maladie. 4. La possibilité en droit de prévoir une rémunération inférieure au SMIC pour certains militaires ne repose que sur une disposition de niveau réglementaire : l’article R. 4123‑1 du code de la défense. Or, cet article déroge à un principe général du droit énoncé par le Conseil d’Etat dans son arrêt de section du 23 avril 1982 Ville de Toulouse c/Mme Aragnou. L’ordonnance modifie donc l’article L. 4123-1 du code de la défense afin d’y insérer le principe selon lequel les volontaires et élèves militaires perçoivent une rémunération qui peut être inférieure à la rémunération prévue à l’article L. 3231‑2 du code du travail. 1011 Enfin, l’ordonnance prévoit une extension du champ de compétence des bureaux enquêtes accidents du ministère de la défense. Ces derniers, jusqu’à présent compétents pour les accidents impliquant des véhicules ou des aéronefs, le seront désormais pour les accidents de plongée et les accidents de tir et de munitions, ce qui permettra, en parallèle d’une éventuelle enquête judiciaire, de disposer d’une expertise technique pour déterminer rapidement les causes des accidents et pour faire en sorte que les armées puissent continuer leurs missions dans les meilleures conditions de sécurité possibles. D’autres ordonnances seront prises pour améliorer des dispositions financières et domaniales du code de la défense, pour modifier certains points relatifs aux dispositions statutaires, ainsi que pour refondre la partie législative du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. GÉNOCIDE RWANDAIS : DERNIÈRES DÉCISIONS EN MATIÈRE DE DIFFAMATION Crim. 30 mars 2005, bull. n° 113, pourvoi n° 04-85.048 Crim. 30 mai 1953 bull n °184 Quand la Cour de Cassation rappelle quelques principes en matière de diffamation et étend la responsabilité de l’auteur et de l’éditeur aux mentions figurant sur la couverture d’un ouvrage. Dans deux arrêts du 20 mai s’est à nouveau prononcée engagée par deux officiers publication du livre intitulé « La France au Rwanda ». 2014, la Cour de cassation au sujet de la procédure généraux à propos de la Complices de l’inavouable - Dans cette affaire, la couverture du livre publié en 2009 faisait apparaître - parmi d’autres mentions en filigrane le nom de deux officiers généraux ayant exercé des missions de commandement dans l’opération « Turquoise » menée par la France au Rwanda en 1994. Estimant que l’association de leur nom avec le titre de l’ouvrage leur attribuait une responsabilité explicite dans le génocide, les deux officiers citaient l’auteur du livre et l’éditeur devant le juge pénal pour diffamation publique envers officiers sur le fondement de la loi sur la presse du 29 juillet 1881. Le tribunal correctionnel et la cour d’appel de Paris avaient d’abord relaxé les prévenus, estimant que le bénéfice de la bonne foi pouvait leur être accordée. Dans un premier arrêt du 13 mars 2012, la Cour de Cassation avait rappelé aux juridictions du fond qu’elles devaient se livrer à un contrôle réel et rigoureux de la bonne foi de l’auteur, sans se contenter de ses simples allégations, en recherchant notamment s’il disposait d’éléments suffisants pour croire à la vérité des faits relatés, si les écrits visaient à informer et non à nuire et obéissaient à une certaine proportionnalité et prudence. Statuant sur renvoi, la cour d’appel de Paris déboutait à nouveau les parties civiles. Elle considérait d’abord que l’auteur du livre devait être mis hors de cause puisqu’il n’avait pas participé à l’élaboration de la couverture de l’ouvrage et ensuite que les expressions poursuivies ne présentaient pas de caractère diffamatoire, faute d’imputation d’un fait précis. Les pourvois formés contre ces deux solutions offraient à la Cour de cassation la possibilité de contredire à nouveau l’analyse de la Cour d’Appel. Dans ses arrêts du 20 mai 2014, la juridiction suprême rappelle dans un premier temps qu’il existe une « complicité automatique » entre l’éditeur et l’auteur, tiré de l’article 43 de la loi de 1881. Cette disposition précise en effet que « lorsque les directeurs ou codirecteurs de la publication ou les éditeurs seront en cause, les auteurs seront poursuivis comme complices ». Il en résulte que l’auteur, en publiant en son nom un écrit, est présumé avoir consenti à la publication et qu’il lui appartient donc de démontrer que la publication incriminée n’a été « ni voulu ni permise » par lui. Dans le cas présent, la Cour de cassation estime que la responsabilité de l’auteur s’étend donc – par l’effet de la complicité avec l’auteur – aux mentions figurant sur la couverture, nonobstant le fait qu’il n’ait matériellement pas participé à sa rédaction ou à sa présentation. S’agissant de savoir si le rapprochement entre le titre de l’ouvrage et l’identité des officiers généraux présentait un caractère infamant, la Cour de Cassation précise que la diffamation est également caractérisée lorsque l’imputation ou l’allégation d’un fait portant atteinte à l’honneur sont présentées sous une forme déguisée et par voie d’insinuation. En l’espèce, elle a jugé que le titre, son association avec les noms des parties civiles et les mentions de la 4ème de couverture avaient un caractère effectivement diffamatoire. Si le marathon judiciaire n’est pas terminé dans le dossier rwandais, il ne fait nul doute que les décisions d’ores et déjà rendues par la Cour de Cassation inviteront les éditeurs et les auteurs à plus de modération ou de vigilance dans la présentation de leurs ouvrages ; en veillant notamment à ce que la recherche d’une couverture commercialement accrocheuse ne ternisse pas à tort l’honneur et la réputation des militaires. L'article 29 alinéa, 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Le délit de diffamation suppose donc la réunion de quatre conditions cumulatives, à savoir, des propos portant sur l’allégation de fait précis ; la mise en cause d’une personne déterminée ou identifiable ; une atteinte à l’honneur ou à la considération de cette personne ; le caractère public des propos litigieux. La diffamation est constituée même si elle est présentée sous une forme déguisée, dubitative, ou sous forme d’insinuation. Le défendeur à l'action en diffamation peut s'exonérer de sa responsabilité pénale en rapportant soit la preuve de la véracité des faits allégués, soit à défaut la preuve de sa bonne foi. Selon la jurisprudence, la bonne foi résulte d'une pluralité de circonstances : la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure de l'expression, et la fiabilité de l'enquête. L'absence d'un seul de ces critères d'entre eux suffit à l'exclure le bénéfice de la bonne foi. La Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel Lyon pour être à nouveau jugée sur le fonds. 1112 EVENEMENTS DAJ INTERVENTION DE LA DIRECTRICE DES AFFAIRES JURIDIQUES À LA CONFÉRENCE JURIDIQUE INTERNATIONALE DE EUCOM Mme Claire Landais s’est rendue à Stuttgart, les 3 et 4 septembre 2014, afin de participer avec M. Olivier Landour, sous-directeur du droit international et du droit européen, à la Conférence juridique internationale organisée tous les ans par le commandement des forces américaines en Europe (US EUCOM). La Directrice des affaires juridiques est intervenue sur les problématiques juridiques rencontrées par les armées françaises au Mali et en RCA et plus particulièrement leur base juridique. Elle s’est par ailleurs entretenue avec les représentants du commandement des forces américaines en Afrique (US AFRICOM), en marge de la conférence, sur plusieurs sujets d’intérêts communs. CONFÉRENCE LEGAD Le 22 septembre 2014, la direction des affaires juridiques et le service du commissariat des armées ont organisé à l'Ecole militaire la 3ème conférence annuelle des conseillers juridiques opérationnels (Legal Advisor, LEGAD). Cette rencontre professionnelle, au-delà du rassemblement des LEGAD et du partage de leurs expériences respectives, avait pour objectif principal de faire un point sur les sujets d’actualité en matière de droit opérationnel. Au cours de cette journée, ont été abordés les thèmes suivants : retour d’expérience des opérations "Serval" et "Sangaris", la judiciarisation du champ de bataille, les systèmes d’armes létaux autonomes (SALA), les enjeux juridiques de la cyberdéfense, pour conclure par le rôle des LEGAD dans les structures de l’OTAN. STAGE LEGAD DE NIVEAU III Les 23 et 24 septembre, s’est déroulé, dans les locaux de la DAJ, la 2ème édition du stage LEGAD de niveau III, qui parachève la professionnalisation du cursus de formation des conseillers juridiques opérationnels. Ce stage était co-organisé avec l'EMA au profit de 10 officiers supérieurs possédant une expérience du domaine juridique opérationnel et/ou devant tenir des postes de responsabilité dans le domaine du droit opérationnel et du droit international en France ou à l’étranger. Ce stage, adossé à la conférence annuelle des LEGAD, a permis d’aborder de manière très interactive les problématiques juridiques actuelles du ministère de la défense : nucléaire, armes chimiques, défense antimissiles balistiques, relations avec la justice pénale internationale, accord de statut des forces (SOFA) et arrangements techniques, mécanisme de renforcement du Droit international humanitaire. 22 OCTOBRE 2014: COLLOQUE SUR LES RELATIONS ENTRE LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET LE DROIT EUROPEEN DES DROITS DE L’HOMME, QUELLES PERSPECTIVES? Le 22 octobre 2014, la direction des affaires juridiques a organisé un colloque sur le thème : « Les relations entre le droit international humanitaire et le droit européen des droits de l’homme, quelles perspectives ? ». Cet événement a rassemblé des praticiens et des opérationnels des différents ministères (Affaires étrangères, Justice, Défense…), des membres de juridictions pénales internationales et des juridictions européennes et des universitaires reconnus dans les domaines de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et du droit international humanitaire (DIH). Trois tables rondes articulées autour du thème central retenu ont permis aux participants de débattre des moyens de concilier ou de faire cohabiter les principes du DIH et ceux du droit européen des droits de l’homme, notamment en analysant les enseignements tirés des opérations militaires auxquelles les forces françaises participent et à la lumière des jurisprudences les plus récentes (arrêt Hassan, CEDH, 16 septembre 2014). Cette conférence s’est déroulée à l'Ecole militaire (75007), dans l'amphithéâtre De Bourcet. 1213 EVENEMENTS OTAN ET CYBERDÉFENSE. COUR PÉNALE INTERNATIONALE Le 24ème Sommet de l’OTAN a érigé en priorité le renforcement des capacités de cyberdéfense de l’Alliance. Outre le fait que la responsabilité et la solidarité des membres en matière de défense des réseaux ont été rappelées, ce sommet a introduit une nouveauté : l’Alliance a en effet reconnu que le droit international s’appliquerait en cas de cyberattaque pouvant constituer une agression armée, et pourrait de ce fait mener à l’invocation « au cas par cas » de l’article 5 du Traité de Washington et, partant, à la légitime défense collective des Etats de l’Alliance, y compris l’emploi de la force, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Cette déclaration, du fait de sa prudence, s’apparente plus à un exercice de dissuasion qu’à une réelle définition des cyberattaques (et de leur seuil) pouvant mener à des mesures de rétorsion militaire. Néanmoins, elle tend à confirmer une conception des opérations « cyber » offensives et à consacrer un droit à la légitime défense dans le cyberespace, notions inspirées par le Manuel de Tallinn sur le droit international applicable à la cyberdéfense. République centrafricaine (RCA) ARMES CHIMIQUES SYRIENNES Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé le 24 septembre dernier d'ouvrir une seconde enquête en République Centrafricaine (RCA), portant sur différents chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis par des membres de l’ex-Séléka et des anti-balakas depuis le 1er août 2012. La situation avait été renvoyée à la Cour par le Gouvernement centrafricain de transition, le 30 mai 2014. Dans son rapport analytique sur l’ouverture de cette enquête, le Procureur de la CPI précise que la situation en RCA doit être qualifiée de conflit armé non international depuis décembre 2012. République de Côte d'Ivoire (RCI) Après avoir d’abord ajourné sa première décision de confirmation des charges à l'encontre de Laurent Gbagbo et demandé au Procureur de la CPI de poursuivre et d’approfondir son enquête en février 2013, la Chambre préliminaire de la CPI en charge de l’affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo a finalement décidé le 12 juin 2014 de confirmer les charges portées par le Procureur à l’encontre de l’ex-président de la République de Côte d’Ivoire. La destruction de l’arsenal chimique syrien a franchi une étape importante le 30 septembre 2014 avec la fin de la Mission conjointe menée par l’ONU et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). C’est dans le cadre de cette mission que la totalité des produits déclarés prioritaires (produits de catégorie 1) et retirés de Syrie a été détruite sur le navire américain Cape Ray dans les eaux internationales. Le reliquat des produits chimiques de catégorie 2 est en cours de destruction sur le territoire d’autres Etats. Encadrée par la Résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations Unies et par les décisions de l’OIAC (notamment celle du 27 septembre 2013), l’élimination du programme d’armes chimiques syrien n’est toutefois pas achevée et continue d’impliquer les deux organisations. Des questions demeurent en effet non-résolues, qui portent sur l’exhaustivité et la sincérité de la déclaration initiale syrienne et de ses amendements additionnels, la destruction des installations de production et les allégations d’emploi de gaz de chlore, qui font l’objet d’une enquête de l’OIAC. Le Courrier juridique de la Défense est une lettre d'information éditée par la direction des affaires juridiques du ministère de la Défense (SGA/DAJ) Directeur de publication : Claire Landais, directrice des affaires juridiques Nathalie Leclerc, adjointe à la directrice des affaires juridiques Comité éditorial : capitaine Jean-Philippe Andrieu ([email protected] , David Sarthou ([email protected]) ; Secrétaire de rédaction: Michèle Bergonzi.([email protected]) Rédaction: Christian Bossoutrot, Brice Bourguignon, François Chatelet, Laurent Doncarli, commissaire en chef de 1ère classe Pierre Ferran, Matthieu Sauvetre, commissaire en chef de 2ème classe Luc Pozzo di Borgo, Alain Attanasio, Lucie Raclet, Guillaume Hervé, Laurent Bonvallet, Laure Jezequel, Fréderic Zunda, Olivier Agnus, magistrat-général Jean-Luc Gadaud, Olivier Landour, commissaire-principal Joris Cuzin, commissaire en chef de 2ème classe Eric Turquet de Beauregard, Camille Peron, Léa Bass, Julie Sillet, François Chevillard, Nicolas Roy, capitaine Pierre-Yves Grenier, Hélène Boutan Copyright © 2013 SGA/COM - Tous droits réservés 1314