actualité législative et réglementaire 2 jurisprudence 4 international

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actualité législative et réglementaire 2 jurisprudence 4 international
SOMMAIRE
ACTUALITÉ LÉGISLATIVE ET RÉGLEMENTAIRE
2
Nouveau statut du Foyer d’entraide de la Légion étrangère
Autorisation du traitement de données à caractère personnel dénommé « Système API-PNR France »
Mise en ligne des dossiers des fusillés de la 1ère Guerre mondiale sur le site «Mémoire des Hommes»
Indemnisation des victimes des essais nucléaires français
Ajustements et précisions concernant la protection fonctionnelle
La reprise d’ancienneté dans le cadre d’un recrutement au titre des emplois réservés
Renforcement du SCA dans son rôle de pilote de la chaîne « administration générale et soutien commun »
L’acquisition d’un bien d’habitation situé dans la garnison d’affectation
JURISPRUDENCE
4
Pension militaire d’invalidité et autres revenus de substitution dans le calcul de la prestation compensatoire
Rétention administrative en conflit armé international (CEDH, Hassan c/ RU, 16 septembre 2014)
Preuve de l’imputabilité au service de troubles psychiques
Droit syndical dans les armées? (CEDH, ADEFDROMIL c/ FRANCE, 2 octobre 2014)
Prime pouvant être accordée aux candidats non-retenus dans le cadre d’un contrat de partenariat
INTERNATIONAL
8
Signature d’un accord de statut des forces entre la France et la Nouvelle-Zélande
Entrée en vigueur du traité instituant un partenariat de défense avec la République du Gabon
ANALYSE
9
OPERATION BARKHANE : enjeux et contraintes juridiques
La France autorise le recours aux équipes privées de protection des navires
La première ordonnance prise sur habilitation de la loi de programmation militaire 2014-2019
Génocide rwandais : dernières décisions en matière de diffamation
EVENEMENTS
13
ACTUALITÉ
LÉGISLATIVE ET RÉGLEMENTAIRE
LE FOYER D’ENTRAIDE DE LA LÉGION
ÉTRANGÈRE EST DOTÉ D’UN NOUVEAU STATUT
Le décret n°2014-562 du 30 mai 2014 relatif à
l’organisation et au fonctionnement du Foyer
d’entraide de la Légion étrangère (FELE) a été pris
en
application
des
dispositions
de
la
loi
n° 2013‑1168 du 18 décembre 2013 relative à la
programmation militaire pour les années 2014 à
2019 et portant diverses dispositions concernant la
défense et la sécurité nationale.
Le décret détermine les catégories de personnes ayant
accès aux données, celles qui peuvent en être
légitimement destinataires et les modalités d'habilitation
de ces personnes. Dans ce cadre, les services spécialisés
de renseignement du ministère de la défense (DGSE,
DPSD, DRM) peuvent avoir communication de ces données
pour leurs missions. En cas de menace grave et d'urgence
avérée, la DGSE bénéficie, pendant une durée maximale
de sept jours, de la faculté de visualiser l'ensemble des
données collectées au sein du traitement.
Ce décret apporte les précisions nécessaires au
fonctionnement du FELE en insérant dans le code de la
défense un chapitre nouveau.
Ce décret précise notamment le siège de cet établissement
public (art. R. 3418-1), la composition de son conseil
d’administration (art. R. 3418-2) et ses règles de
fonctionnement (art. R. 3418-4 et R. 3418-5), les
modalités de désignation et les attributions du directeur
général et du directeur général adjoint (art. R. 3418-6 et
R. 3418-7), le régime des contrats (art. R. 3418-11) et les
contrôles
auxquels
l’établissement
est
soumis
(art. R. 3418-8).
L’adoption de ce décret permet au ministère de la défense
de mettre en œuvre les dispositions par lesquelles le
législateur a doté le Foyer d’entraide de la Légion
étrangère d’un statut adapté à sa spécificité et de
pérenniser cet établissement qui marque la reconnaissance
de la France aux ressortissants étrangers qui se sont
engagés pour sa défense.
LE TRAITEMENT DE DONNÉES À CARACTÈRE
PERSONNEL DÉNOMMÉ « SYSTÈME API-PNR
FRANCE » A ÉTÉ AUTORISÉ
Publié au JORF du 28 septembre 2014, le décret
n°2014-1095 du 26 septembre 2014 portant création
d'un traitement de données à caractère personnel
dénommé « Système API-PNR France » autorise la
mise en œuvre d’un traitement des données
personnelles collectées auprès des transporteurs
aériens. La création de ce fichier était prévue par la
loi de programmation militaire pour les années 2014
à 2019 du 18 décembre 2013.
Géré par un service à compétence nationale dénommé
« Unité Information Passagers », ce traitement a
notamment pour finalité de prévenir les actes de
terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la
Nation. Il permet de recueillir les données d'identification
des passagers ou des membres d’équipages provenant du
passeport ou d'un autre document de voyage (données
dites « API »), ainsi que des informations générales
concernant le vol et les données des dossiers passagers
créés par les compagnies aériennes (données dites « PNR »).
L’AUTORISATION DE METTRE EN LIGNE LES
DOSSIERS DES FUSILLÉS DE LA PREMIÈRE
GUERRE MONDIALE SUR LE SITE «MÉMOIRE
DES HOMMES» A ÉTÉ ACCORDÉE
Lors de
l’annonce des
commémorations
du
centenaire de la Première Guerre mondiale, le
7 novembre 2013, le Président de la République a
souhaité que les dossiers des conseils de guerre
soient numérisés et rendus accessibles au public. Le
site internet de la Direction de la mémoire du
patrimoine et des archives (DMPA) « Mémoire des
Hommes » était le vecteur approprié pour diffuser
ces dossiers.
Les démarches nécessaires ont été effectuées auprès de la
Commission nationale de l’informatique et des libertés
(CNIL) et le cadre juridique relatif à ce site, destiné à
mettre à la disposition du public des documents numérisés
et des informations issues des fonds d'archives et des
collections gérés par le ministère de la défense, a donc été
revu.
Ce nouvel arrêté du 24 juillet 2014 publié au JORF du 15
août 2014 précise ainsi que le site « Mémoire des
Hommes » permet de mettre en ligne des traitements
automatisés de données à caractère personnel ayant pour
finalités de collecter, de numériser, d'indexer, de conserver
et de diffuser sur internet des données à caractère
personnel destinées à la préservation de la mémoire des
conflits contemporains et à la mise à la disposition du
public d'informations à des fins historiques.
12
LE DÉCRET DU 15 SEPTEMBRE 2014
PARACHÈVE LE NOUVEAU RÉGIME DE
RECONNAISSANCE ET D’INDEMNISATION DES
VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS
Le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 (publié au
JORF du 17.09.2014) abroge et remplace le décret du 11
juin 2010 pris en application de la loi du 5 janvier 2010
relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des
victimes des essais nucléaires français, afin de tenir
compte des modifications apportées à cette loi par la loi du
18 décembre 2013 relative à la programmation militaire
pour les années 2014 à 2019.
Il prend notamment en compte le changement de statut du
Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires
(CIVEN), qui était auparavant un organisme consultatif
faisant des recommandations au ministre de la défense et
qui
est
désormais
une
autorité
administrative
indépendante ayant compétence pour décider d’attribuer
ou non des indemnisations au titre de la loi du 5 janvier
2010. Ce décret fixe ainsi les règles de fonctionnement du
comité et définit les modalités d’instruction des demandes
d’indemnisation. En complément de ce décret, un arrêté
interministériel du 22 septembre 2014 fixe le montant des
indemnités pouvant être allouées aux membres du CIVEN.
AJUSTEMENTS ET PRÉCISIONS CONCERNANT
LA PROTECTION FONCTIONNELLE
L’article 35 de la loi de programmation militaire
harmonise et étend les conditions d’accès à la
protection fonctionnelle accordée par le ministre de
la défense.
Cet article, qui modifie l’article L.4123-10 du code de la
défense, aligne les droits des concubins et des partenaires
de pacte civil de solidarité des militaires sur ceux des
conjoints d’une part, et étend l’octroi de la protection
fonctionnelle aux ayants droit des militaires (lorsque le
militaire décède, en raison de ses fonctions, du fait d’une
atteinte volontaire à sa vie) et de certains agents civils du
ministère de la défense (lorsque l’agent civil est victime à
l’étranger d’une atteinte volontaire à sa vie du fait de sa
participation à une mission de soutien à l’exportation de
matériel de défense), d’autre part.
la défense ou leurs ayants droit lors des instances civiles
ou pénales qu’ils engagent en distinguant deux situations.
La première situation est celle dans laquelle le militaire ou
ses ayants droit sont victimes de menaces ou d’attaques
« en propre » (en raison, respectivement, de ses fonctions
ou de la qualité de militaire de la personne avec qui ils
sont liés). A ce titre, le décret reprend le principe arrêté
par la jurisprudence du Conseil d’État, permettant le
remboursement d’une partie des frais engagés lorsque le
montant des honoraires facturés ou déjà réglés est
manifestement excessif au regard des pratiques tarifaires
habituelles dans la profession, de la nature des prestations
effectivement accomplies ou du niveau des difficultés
présentées par le dossier.
La seconde situation est celle dans laquelle les ayants droit
d’un militaire ou d’un personnel civil de la défense
engagent des poursuites en raison de l’atteinte portée à la
vie de l’agent avec lequel ils sont liés dans les
circonstances définies à l’article 35 de la LPM précité. Le
décret organise les modalités de prise en charge des frais
d’avocat dans le respect du libre choix du conseil par le
bénéficiaire de la protection fonctionnelle et des exigences
des règles de la profession d’avocat. Il fixe ainsi plusieurs
principes (principe de limitation de la prise en charge par
l’État des honoraires d’avocat à un plafond global de
108 000 euros qui s’apprécie pour l’ensemble des ayants
droit d’un même défunt et pour l’ensemble des instances à
l’encontre du ou des auteurs des faits à l’origine du décès ;
principe d’un paiement des honoraires à la fin de
l’instance, tout en autorisant une avance d’un montant
maximum du tiers du montant total du plafond...).
Ce décret s’inscrit résolument dans l’objectif poursuivi par
la protection fonctionnelle qui traduit la volonté de l’État de
défendre son collaborateur attaqué du fait de ses fonctions
et de protéger à travers lui la réputation, l’honneur des
institutions, voire la continuité du service public, tout en
veillant à la bonne utilisation des deniers publics.
Il renvoie par ailleurs à un décret en Conseil d’Etat le soin
de préciser « les conditions et les limites de la prise en
charge financière par l’Etat au titre de la protection des
frais exposés dans le cadre d’instances civiles ou pénales
par le militaire ou les ayants droit mentionnés au présent
article ».
Pris en application de cet article, le décret n° 2014-920 du
19 août 2014 précise donc les conditions de prise en
charge des frais et honoraires d’avocat engagés par les
militaires et certains agents civils relevant du ministère de
23
LA REPRISE D’ANCIENNETÉ DANS LE CADRE
D’UN RECRUTEMENT AU TITRE DES EMPLOIS
RÉSERVÉS NE CONCERNE QUE LES MILITAIRES
EN ACTIVITÉ.
L’ACQUISITION D’UN BIEN D’HABITATION
SITUÉ DANS LA GARNISON D’AFFECTATION,
EST SANS INCIDENCE SUR LE DROIT À
PERCEVOIR LA MAJORATION DE L’INDEMNITÉ
POUR CHARGES MILITAIRES (MICM).
(CE, 31 mars 2014, n° 367303)
Par une décision n° 367303 en date du 31 mars 2014, le
Conseil d’Etat a jugé, en application des dispositions des
articles L.4139-3 du code de la défense et L.397 du code
des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la
guerre relatifs à l’accès aux emplois réservés que la
possibilité de bénéficier d’une reprise d’ancienneté est
ouverte aux seuls militaires qui, après avoir réussi les
épreuves organisées pour l’accès aux emplois réservés,
ont été placés en position de détachement et ont conservé
la qualité de militaire jusqu’à la date de leur intégration ou
de leur titularisation.
Par suite, les reprises d’ancienneté ne concernent que les
militaires en activité au moment de leur recrutement.
Ainsi, un ancien militaire de la marine nationale, libéré
depuis moins de trois ans, peut bénéficier d’un emploi
réservé mais ne peut solliciter, lors de sa titularisation au
grade de gardien de paix, une reprise de ses services
effectifs.
LE SERVICE DU COMMISSARIAT DES ARMÉES
(SCA) VOIT SON RÔLE DE PILOTE DE LA
CHAÎNE « ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET
SOUTIEN COMMUN » RENFORCÉ
L’arrêté du 29 juillet 2014 portant organisation du SCA
(publié au JORF du 30 août 2014) a modifié l’organisation
du service du commissariat des armées pour traduire
réglementairement un plan de transformation qui s’inscrit
dans le cadre de la rénovation de l’organisation, de la
gouvernance et du fonctionnement du ministère de la
défense.
(CE, 12 mars 2014, n° 368229)
Un titre de perception avait été émis à la demande du
ministère de la défense à l’encontre d’un officier
propriétaire, à des fins d’investissement locatif, d’une
maison située dans le périmètre de sa garnison, au titre de
la MICM qu’il avait perçue à compter de la date
d’acquisition de ce bien. L’administration estimait en effet
que dès cette date, l’intéressé était libre d’habiter son bien
avec sa famille et ne remplissait donc plus la troisième des
conditions posées par la règlementation à savoir être dans
« l'obligation de louer un logement dont le loyer principal,
charges exclues, est supérieur à un loyer plancher (article
5 bis du décret du n°59-1193 du 13 octobre 1959 modifié
fixant le régime de l’indemnité pour charges militaires).
Le tribunal administratif de Rouen avait, en première
instance, validé cette analyse et rejeté la requête dirigée
contre ce titre de perception, estimant que le requérant,
locataire d’un logement situé dans sa garnison
d’affectation, et qui avait par ailleurs acquis un bien
immobilier dans la même zone géographique, avait fait le
choix d’exploiter ce bien à des fins d’investissement locatif
plutôt que de l’occuper lui-même et n’était donc pas
« obligé » , au sens de la réglementation, de continuer de
louer son logement.
Par une décision n° 368229 rendue le 12 mars 2014, le
Conseil d’Etat a censuré, pour erreur de droit, une telle
analyse, en jugeant que la troisième condition posée par
l’article 5 bis du décret du 13 octobre 1959 précité devait
être regardée comme imposant uniquement au militaire de
justifier du montant du loyer versé, mais comme ne lui
imposant nullement, en revanche, de prouver qu’il n’avait
d’autre possibilité que de louer un logement.
Cette transformation vise à professionnaliser et à
rationaliser la chaîne « administration générale et soutien
commun » et à transférer les groupements de soutien des
bases de défense au service du commissariat des armées.
Ce dernier est réorganisé autour de trois processus :
- un processus de délivrance, dans une logique de « bout
en bout », à un client, un organisme ou un personnel, de
prestations de service organisées en filières (restaurationhébergement-loisirs, soutien de l’homme, administration
du personnel, notamment),
- un appui des filières par des expertises métiers (achats,
finances, juridique, notamment)
- un soutien organique du service, dans son ensemble.
34
JURISPRUDENCE
PRISE EN COMPTE DE LA PENSION MILITAIRE
D’INVALIDITÉ AINSI QUE DES AUTRES REVENUS DE SUBSTITUTION DANS LE CALCUL DE LA
PRESTATION COMPENSATOIRE
(Conseil Constitutionnel, décision n° 2014-398
QPC du 2 juin 2014.)
Dans le cadre d’une procédure en divorce et afin de fixer le
montant d’une prestation compensatoire, le juge aux affaires familiales prend en compte les différentes ressources
de chacun des époux, et notamment la pension militaire
d’invalidité (PMI), conformément aux dispositions des articles 270 et suivants du code civil. En revanche, l’article
272 alinéa 2 exclut de ce calcul les sommes versées au
titre de la réparation des accidents du travail et celles versées au titre du droit à compensation d’un handicap.
Dans le cadre d’une procédure en divorce d’un personnel
militaire bénéficiant d’une PMI, celui-ci a entendu faire reconnaître, en soulevant une question prioritaire de constitutionnalité, la PMI comme une réparation d’un préjudice
professionnel assimilable à une rente d’accident du travail
ou aux sommes perçues en compensation d’un handicap. A
ce titre, la PMI aurait donc dû être exclue, elle aussi, du
calcul de la prestation compensatoire en application de
l’article 272 alinéa 2 du code civil.
Le Conseil constitutionnel saisi de la question, a considéré que l’exclusion expresse des sommes versées au titre
de la réparation des accidents du travail et celles versées
au titre du droit à compensation d’un handicap, institue
entre les époux « des différences de traitement qui ne sont
pas en rapport avec l’objet de la prestation compensatoire
qui est de compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, et que,
par suite, cette interdiction méconnaît l’égalité devant la
loi ; que le second alinéa de l’article 272 du code civil doit
être déclaré contraire à la Constitution ».
Cette décision aboutit, non pas à exclure la PMI du calcul
de la prestation compensatoire, mais au contraire à prendre en compte dans ce calcul toutes les sommes qui sont
liées à l’état de santé de chacun des époux (charges, allocations et pensions). Il s’agit de permettre au juge aux
affaires familiales de déterminer au plus juste les besoins
de chacun, par la prise en compte des sommes versées en
compensation d’un handicap, indifféremment de leur nature alimentaire ou réparatrice. En effet, l’objet de la prestation compensatoire étant de rattraper une perte de revenus, son calcul doit inclure toutes les sommes pouvant
être considérées comme un revenu professionnel ou un
revenu de substitution de l’époux débiteur, y compris les
sommes versées en réparation d’un accident du travail qui
seraient destinées à compenser, au moins partiellement,
une perte de revenu.
Par cette décision, le Conseil constitutionnel ne s’est pas
prononcé sur la nature de la PMI, objet de qualifications
divergentes. En effet, contrairement à la Cour de cassation
qui considère la PMI comme l’indemnisation de pertes de
gains professionnels et des incidences professionnelles de
l’incapacité (Cass civ, 9 novembre 2011, n° 10-15381), la
jurisprudence du Conseil d’Etat tend à conférer à la PMI
une nature mixte en prenant en considération la réparation
du déficit fonctionnel et donc la compensation d’un handicap (CE, 7 octobre 2013, n° 337851, M. Hamblin).
La décision n°2014-398 QPC du 2 juin 2014 prend effet à
compter de sa publication et ne remet pas en cause les
prestations compensatoires fixées par des décisions devenues définitives en application des dispositions déclarées
inconstitutionnelles.
PREUVE DE L’IMPUTABILITÉ AU SERVICE DE
TROUBLES PSYCHIQUES: LE CONSEIL D’ETAT
MET FIN À L’EXIGENCE D’UN FAIT PRÉCIS DE
SERVICE
(CE, 22/09/2014
n°366628)
Par une décision, en date du 22 septembre 2014 (CE 6ème
et 1ère sous-sections réunies, M. Dutrès c/ Ministère de la
défense, n° 366628), le Conseil d’Etat précise que, pour
rejeter une demande de pension militaire d’invalidité à raison de troubles anxieux et dépressifs, l’administration ne
peut exclusivement se fonder sur l’absence de preuve d’un
évènement particulier et personnel que seul le militaire
demandeur aurait subi.
En l’absence de fait traumatique précis constitutif d’une
blessure, au sens du 1° de l’article L.2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre
(CPMIVG), il appartient à l’administration de rechercher si
l’affection dont est victime le demandeur peut néanmoins
être regardée comme imputable au service au vu des éléments relatifs aux circonstances particulières dont il fait
état et ouvrir droit à une pension sur le fondement du 2°
de l’article L.2 du CPMIVG.
En l’espèce, le syndrome clinique de stress posttraumatique devait être regardé comme résultant d’une
maladie et non d’une blessure.
Le Conseil d’Etat juge ainsi que les troubles psychiques
peuvent constituer des maladies au sens du 2° de l’article
L.2 du CPMIVG. La Haute Assemblée met ainsi fin en la
matière à l’exigence d’un fait précis de service, permettant
aux requérants qui ne peuvent invoquer la présomption
légale, de prouver par tout moyen l’imputabilité au service
de leur pathologie.
Dès lors, un plus grand nombre de militaires souffrant d’un
syndrome post-traumatique pourront bénéficier d’une pension militaire d’invalidité.
Article L.2 du CPMIVG : « Ouvrent droit à pension :
1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de
guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ;
2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion
du service […] ».
45
ARRÊT RENDU PAR LA COUR EUROPEENNE DES
DROITS DE L’HOMME DANS L’AFFAIRE HASSAN
C. ROYAUME-UNI LE 16 SEPTEMBRE 2014
Dans cette affaire particulièrement attendue, la Cour
européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé
qu’il était possible pour un Etat partie à la
Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) de
détenir des individus pour des raisons de sécurité en
période de conflit armé international (CAI).
L’affaire est née de la capture en avril 2003 par les forces
britanniques du frère de M. Hassan, Tarek, et sa détention
à Camp Bucca en Irak. D’après M. Hassan, son frère se
retrouva sous le contrôle des forces britanniques et on
découvrit par la suite son corps, qui portait des marques
de torture et d’exécution.
Après avoir été débouté par les juridictions britanniques,
M. Hassan introduisit une requête devant la CEDH le 5 juin
2009, soutenant que son frère avait été arrêté et détenu
par les forces britanniques en Irak et que le corps de celuici avait par la suite été découvert sans que les
circonstances de son décès aient été élucidées.
La Cour a tout d’abord retenu la compétence
extraterritoriale du Royaume-Uni. Elle a ensuite rappelé la
règle générale édictée par l’article 5 de la Convention
suivant laquelle toute personne a droit à la liberté et à la
sûreté et nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans
certains cas limitativement énumérés par la Convention,
parmi lesquels ne figure pas la détention administrative
lorsque des poursuites pénales ne sont pas envisagées
dans un délai raisonnable.
Elle a néanmoins précisé qu’il était également possible
pour un Etat d’interpréter les dispositions de l’article 5 à
l’aune des dispositions pertinentes du droit international
humanitaire (DIH) et ce, même lorsque l’Etat en question
n’a pas activé l’article 15 de la Convention qui permet de
déroger aux dispositions relatives au droit à la liberté et à
la sûreté extérieures menées à l’étranger)
La Cour note d’ailleurs que les Etats parties n’ont jamais
notifié de dérogation au titre de l’article 15 lors
d’opérations militaires.
La Cour procède ici à un infléchissement substantiel de sa
jurisprudence. En effet, dans l’arrêt Al-Jedda du 7 juillet
2011,
la
Cour avait
rejeté
l’argumentation du
gouvernement britannique invoquant l’obligation découlant
de la base légale constituée par une Résolution du Conseil
de sécurité des Nations Unies pour écarter ses obligations
découlant de l’article 5 de la Convention. Dans l’arrêt
Hassan en revanche, la Cour considère qu’il en va
différemment lorsque l’Etat invoque les dispositions du DIH
en matière de détention. Ainsi, la Cour admet que l’Etat ne
déroge pas à ses obligations découlant de l’article 5 de la
Convention lorsqu’il se fonde sur les 3ème et 4ème
Conventions de Genève pour détenir des prisonniers de
guerre ou des civils en période de CAI.
Cependant, la Cour précise que la régularité de la décision
de détenir doit faire l’objet d’une révision périodique par
un organisme compétent offrant des garanties en matière
d’impartialité et d’équité de la procédure, sans pour autant
être un organe juridictionnel. Cela a été le cas en l’espèce,
M. Hassan ayant été remis en liberté au bout d’un mois de
détention, une fois confirmé son statut de non-combattant.
Par ailleurs, en ce qui concerne son décès et l’obligation
qui aurait pesé sur le Royaume-Uni d’enquêter sur les
circonstances de ce décès, la Cour a rejeté la
responsabilité des autorités britanniques, la mort étant
intervenue environ quatre mois après sa sortie de Camp
Bucca, dans une partie lointaine du pays non contrôlée par
les forces britanniques.
Un arrêt transposable en situation de conflit armé
non international (CANI) ?
La question reste toujours posée de savoir si la Cour
adopterait le même raisonnement s’agissant d’interpréter
souplement les dispositions de l’article 5 de la CESDH dans
une situation de conflits armés non internationaux (CANI),
puisque les dispositions du droit international humanitaire
sont nettement moins développées en la matière pour
encadrer les conditions de rétention d’individus capturés.
ARRÊT RENDU PAR LA CEDH, ADEFDROMIL
C. FRANCE, LE 2 OCTOBRE 2014
A la suite du rejet par le Conseil d’Etat de sa
demande d’annulation de trois décrets, l’association
de
défense
des
droits
des
militaires
(« ADEFDROMIL ») a introduit, le 12 juin 2009, une
requête devant la Cour européenne des droits de
l’homme à l’encontre du gouvernement français, en
invoquant, notamment, son droit à la liberté
d’association au sens de l’article 11§2 de la
Convention européenne des droits de l’homme.
La demande de l’association, créée en avril 2001 par deux
militaires et dont l’objet statutaire est « l’étude et la
défense des droits, des intérêts matériels, professionnels
et moraux, collectifs ou individuels, des militaires », avait
été jugée irrecevable par le Conseil d’Etat en raison de la
nature illicite de son objet au regard de l’article L 4121-1
du code de la défense.
La Cour de Strasbourg a rendu sa décision par un arrêt de
chambre, le 2 octobre dernier, condamnant la France pour
violation de l’article 11 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales. Cet arrêt fera l’objet d’une analyse
ultérieure.
56
PRÉCISIONS JURISPRUDENTIELLES SUR LE
MONTANT DE LA PRIME DEVANT ÊTRE ACCORDÉE AUX CANDIDATS NON-RETENUS DANS LE
CADRE D’UN CONTRAT DE PARTENARIAT
TA Paris, 20 mai 2014, n° 1211736
A l’issue du dialogue compétitif attribuant à la société Opale Défense le contrat de partenariat public/
privé relatif au Grand Balard, l’un des candidats
évincés a saisi le juge administratif en arguant du
fait que la prime qui lui avait été versée était insuffisante eu égard aux dépenses qu’il avait consenties
pour candidater.
Le TA de Paris a rejeté sa requête dans un jugement du 20
mai 2014 qui apporte à l’administration des informations
utiles sur le montant des primes qui doivent être versées
aux candidats évincés dans le cadre de contrats de partenariat.
Pour mémoire en effet, il résulte des dispositions de l’article 7-I de l’ordonnance du 17 juin 2004 modifiée relative
aux contrats de partenariat public / privé que « lorsque
les demandes de la personne publique impliquent un investissement significatif pour les candidats ayant participé
au dialogue compétitif, une prime doit leur être versée ».
Cependant, aucun élément de cette ordonnance ne précise
de quelle façon le montant de cette prime doit être déterminé.
En l’espèce, l’administration estimait pouvoir déterminer
librement le montant de la prime devant être versée tandis
que la société requérante soutenait que la prime versée
devait être égale à 80 % des dépenses réellement consenties par les candidats, quitte à ce que le montant de cette
prime soit réévalué en cours de procédure.
Il résulte de la décision du tribunal administratif de Paris
que le montant de la prime versée aux candidats évincés
d’un PPP n’a pas pour vocation de couvrir une part
« substantielle des dépenses engagées par les candidats »
et que le contrôle du juge en la matière se limite à celui de
l’erreur manifeste d’appréciation : en d’autres termes un
tribunal ne pourrait censurer le montant d’une telle prime
que dans le cas où la prime serait manifestement dérisoire
au regard des sommes engagées.
pourrait d’ailleurs être jugée contraire au principe de
transparence auquel sont soumis les acheteurs publics.
Enfin, la société requérante prétendait que le montant de
la prime avait pu avoir pour effet de porter atteinte aux
principes de libre accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats en favorisant les grandes
entreprises disposant d’importants moyens financiers au
détriment des entreprises de plus petite taille, dotées
d’une assise financière moins importante et moins à même
de prendre le risque de participer à une procédure onéreuse.
En l’espèce, le juge administratif n’a pas retenu cet argument, dont la société requérante pouvait d’ailleurs difficilement se prévaloir de bonne foi. Toutefois le rapporteur public a néanmoins relevé que « cette circonstance aurait
peut-être pu affecter les règles de la concurrence, mais
[qu’] elle n’est pas de nature à ouvrir droit à réparation
envers celui qui a effectivement soumissionné ». Dès lors,
dans l’hypothèse où le requérant aurait été une société
n’ayant pas soumissionné du fait du montant de la prime
proposée par l’administration, il n’apparait pas exclu qu’un
tel moyen eut pu prospérer.
Ainsi, en cas d’investissement significatif des candidats à
un contrat de partenariat, l’Administration doit :
- obligatoirement prévoir une prime,
- tenir compte de l’enjeu du marché et de l’investissement
nécessaire afin de fixer un montant non manifestement
disproportionné avec les dépenses susceptibles d’être consenties par les candidats,
- prendre soin de fixer une prime qui ne soit pas de nature
à dissuader les PME de soumissionner (si la nature du contrat le permet),
- mentionner le montant de cette prime dans l’avis d’appel
à la concurrence ou dans les documents de consultation et
ce, afin permettre aux candidats de connaitre, à l’avance
et de façon transparente, leur niveau d’indemnisation.
A titre informatif, il ressort du cas d’espèce qu’une prime
équivalente à 18.5% du montant des sommes engagées
n’est pas de nature à caractériser une disproportion manifeste.
Il en découle que l’administration dispose d’une grande liberté dans l’évaluation du montant de la prime dès lors
que celle-ci n’apparait pas manifestement disproportionnée. Par ailleurs, le rapporteur public en charge de ce dossier a relevé qu’il ne ressortait d’aucun texte, d’aucune jurisprudence, pas plus des travaux parlementaires ou de la
doctrine, que le pouvoir adjudicateur soit tenu de réévaluer la prime en cas de sous-estimation manifeste lors de
l’élaboration de la consultation. Ainsi, la personne publique
n’est jamais tenue de réévaluer le montant initial de la
prime dès lors que celui-ci a bien été mentionné dans
l’AAPC ou le règlement de consultation. Une telle pratique
67
INTERNATIONAL
SIGNATURE D’UN ACCORD RELATIF AU STATUT
DES FORCES ENTRE LA FRANCE ET LA
NOUVELLE-ZELANDE
ENTRÉE EN VIGUEUR DU TRAITÉ INSTITUANT
UN PARTENARIAT DE DÉFENSE AVEC LA
RÉPUBLIQUE DU GABON
Le 31 mai 2014, en marge de la 13e session du
Shangri La Dialogue à Singapour, M. Jean-Yves Le
Drian a signé avec son homologue néo-zélandais, le
docteur Jonathan Coleman un accord concernant le
statut des forces en visite et la coopération en
matière de défense.
Le traité instituant un partenariat de défense entre
la République française et la République gabonaise,
signé le 24 février 2010, est entré en vigueur le 1er
juin 2014 dans les conditions prévues à son article
22 (il a été publié au JORF du 14 juin 2014).
L'accord reprend les dispositions traditionnelles contenues
dans un accord relatif au statut des forces. Son objet est
de définir le statut des forces d’une Partie lorsque celles-ci
se trouvent sur le territoire de l’autre Partie dans le cadre
d’activités de coopération de défense.
Les domaines et les formes de cette coopération sont
variés et peuvent notamment concerner l'organisation de
visites et d’échanges militaires, d’exercices ou d’autres
activités, conjoints ou unilatéraux, la fourniture de soutien
logistique, l’échange d'informations dans le domaine de la
défense et dans le domaine spatial, l’échange de
renseignement, des activités conjointes dans les domaines
de l'armement, de la technologie et de la recherche dans
le domaine de la défense, la fourniture d’aide humanitaire
internationale et la fourniture d’aide d’urgence.
L’accord est conclu pour une durée de 20 ans et demeure
en vigueur au-delà de cette période, à moins qu’il ne soit
dénoncé par l’une des Parties. Il nécessitera une
autorisation parlementaire préalable à son approbation en
vertu de l’article 53 de la Constitution, procédure
actuellement en cours.
Ce traité constitue le nouveau cadre juridique de notre
relation de défense avec le Gabon, en regroupant dans un
seul instrument les différents volets de celle-ci,
notamment la coopération militaire technique et la
présence des forces françaises au Gabon. Il contient un
volet conséquent sur le statut des personnels déployés sur
le territoire des deux Etats (conditions d’entrée, de séjour
et de sortie du territoire, conditions de port et d’usage des
armes, répartition des compétences juridictionnelles,
règlement des dommages, etc.).
Le traité ne comporte pas de clause d’assistance en cas de
troubles internes et il est complété par une annexe relative
aux facilités opérationnelles accordées aux forces
françaises stationnées au Gabon (franchise douanière,
liberté de circulation, emprises mises à disposition, etc.).
Ce traité abroge l’ensemble des accords conclus
antérieurement par les parties dans le domaine de la
défense et de la sécurité, et notamment l’accord de
défense du 17 août 1960.
78
ANALYSE
OPERATION BARKHANE : ENJEUX ET
CONTRAINTES JURIDIQUES DE LA
RÉGIONALISATION DE LA LUTTE CONTRE LES
GROUPES ARMÉS TERRORISTES
Lancée le 1er août 2014, l’opération BARKHANE est
menée simultanément sur le territoire du Mali, du
Niger, du Tchad, de la Mauritanie et du BurkinaFaso, soit un espace aussi vaste que l’Europe. Elle a
pour objet de soutenir les forces armées des cinq
Etats hôtes (dits « G5 Sahel ») et les forces
multinationales engagées dans la lutte contre les
groupes armés organisés affiliés à Al Qaida au
Maghreb Islamique (AQMI). Elle succède en cela à
l’opération SERVAL, dont l’action était, elle,
circonscrite au territoire malien. Elle absorbe
également les missions et les moyens de l’opération
EPERVIER, conduite depuis 1986 au Tchad.
La décision politique de régionaliser l’intervention militaire
française dans la bande sahélo-saharienne tire les
conséquences du caractère transnational et transfrontalier
des agissements de la mouvance AQMI. Elle ouvre de
nouvelles perspectives de coordination politique et de
coopération opérationnelle entre la France et les Etats du
G5 Sahel dans une logique d’optimisation et d’efficacité
des moyens engagés. Au plan juridique, la régionalisation
est encore largement embryonnaire. Les Etats sont en
effet les sujets primaires du droit international public. De
ce fait, la qualification juridique du contexte et la légalité
des actions entreprises par la force BARKHANE sont
appréciées à l’échelle du territoire de chacun des Etats
hôtes, même si la résolution 2164 (2014) du conseil de
sécurité des Nations Unies reconnaît le caractère
transnational de la menace terroriste (PP 15). Ce sont
donc non pas un, mais cinq cadres juridiques distincts qui
s’imposent encore à l’opération BARKHANE.
Bien que le centre de gravité opérationnel se déplace vers
le Niger, le centre de gravité juridique de l’opération
BARKHANE, au plan du jus ad bellum, reste situé au Mali,
où les groupes armés terroristes (GAT) opèrent à titre
principal. L’intervention française est fondée dans cet Etat
sur la demande d’assistance adressée à la France par le
gouvernement malien en janvier 2013. Elle est confortée
notamment par la résolution 2164 (2014) sous chapitre
VII du conseil de sécurité des Nations Unies, qui autorise
l’armée française à user de tous les moyens nécessaires
pour intervenir en appui de la mission multidimensionnelle
intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali
(MINUSMA).
Les actions conduites dans les pays limitrophes consistent
à appuyer les forces locales pour s’opposer à l’infiltration
de GAT liés au conflit malien. Ces actions sont encadrées
par des accords intergouvernementaux opérationnels
bilatéraux conclus par la France avec chacun des Etats
hôtes. Tout a été mis en œuvre, lors des négociations,
pour que les dispositions de ces accords soient aussi
proches que possible, afin de donner une cohérence
d’ensemble au dispositif et ainsi garantir la continuité de
l’action, notamment lorsque la force BARKHANE conduit
des opérations transfrontalières. Les Etats du G5
Sahel ne sont pour l’heure liés entre eux par aucun accord
opérationnel, susceptible d’autoriser les forces armées de
l’un d’entre eux à exercer un « droit de poursuite » sur le
territoire d’un Etat voisin. La signature d’instruments
bilatéraux ou multilatéraux dans ce domaine est d’autant
plus souhaitable que les forces françaises n’ont, en
principe, pas vocation à opérer de façon autonome mais en
soutien des forces locales. Les Nations Unies ont d’ailleurs
souligné la nécessité d’une approche régionale cohérente
pour lutter contre cette menace (résolution 2164, OP 30).
Au plan du jus in bello, la fragmentation juridique du
théâtre confronte la force BARKHANE à la question, de
l’applicabilité du DIH aux opérations conduites sur le
territoire d’Etats qui ne constituent certes pas l’épicentre
du conflit armé, mais en subissent aussi les effets. La
situation de conflit armé non international et l’applicabilité
de l’article 3 commun et du protocole additionnel II aux
conventions de Genève du 12 août 1949 ne sont
contestées par personne s’agissant du Mali, de même que
ce CANI malien puisse être de facto exporté aux Etats
voisins, comme l’a reconnu le conseil de sécurité des
Nations Unies. D’ailleurs, il est notamment admis que des
parties à un CANI sur le territoire d’un Etat puissent être
ciblées et frappées sur le territoire des Etats voisins, sous
réserve de l’accord de ces derniers.
A cet égard, certainement plus que toute autre opération
conduite à ce jour par les armées françaises, la
« manœuvre » juridique de BARKHANE incarne la
complexité de l’interaction entre le DIH et le droit
international des droits de l’homme (DIDH) (interaction qui
a par ailleurs fait tout récemment l’objet d’un colloque
organisé par la direction des affaires juridiques le 22
octobre 2014 à l’Ecole militaire), qui ne cesse pas de
s’appliquer en période de conflit armé. La régionalisation
de l’opération éclaire notamment sous un jour nouveau la
problématique de la rétention et de la remise aux autorités
locales des personnes qui seraient capturées par les forces
françaises.
Dans ce contexte légal encore évolutif, le conseiller
juridique opérationnel (legal advisor, LEGAD) placé auprès
du commandant de la force BARKHANE à N’Djamena
(Tchad), a plus particulièrement pour mission :
 d’anticiper
et de contribuer à l’évolution du cadre
juridique de l’opération (jus ad bellum) ;
 de veiller à la licéité du recours à la force armée et des
mesures de coercition mises en œuvre par les militaires
français (jus in bello) ;
 de faire en sorte que ces paramètres soient pris en
compte dans la planification puis dans la conduite des
missions terrestres et aériennes réalisées quotidiennement
par la force. Il contribue à cet égard à la diffusion du DIH
prévue à l’article 83 du protocole additionnel I aux
conventions de Genève du 12 août 1949 ;
 de traiter au plan juridique les conséquences de ces
missions
opérationnelles,
notamment
lorsque
des
membres des GAT tombent au pouvoir de la force.
89
Le LEGAD de BARKHANE agit en lien avec les conseillers
juridiques du centre de planification et de conduite des
opérations (CPCO) de l’état-major des armées, appuyés
par la direction des affaires juridiques (DAJ). Il est secondé
par un LEGAD positionné dans la ville de Gao, au nord
Mali.
affaires étrangères peut, de sa propre initiative,
proposer au Premier ministre de redéfinir ces zones au
regard de l’évolution des menaces identifiées.
- Cette activité ne peut s’exercer qu’à bord du navire à
protéger, le recours à des navires d’escorte privés et
armés est exclu ; le nombre des agents de protection ne
peut être inférieur à trois sur un navire protégé ;
- L’encadrement rigoureux de l’exercice de l’activité par la
mise en place d’un agrément administratif et d’une
certification obligatoire pour les entreprises sous le
contrôle du Conseil National des Activités Privées de
Sécurité (CNAPS) s’inspirant de ce que prévoit déjà le code
de la sécurité intérieure pour les entreprises de
gardiennage ou de transport de fonds.
LA FRANCE AUTORISE LE RECOURS AUX
ÉQUIPES PRIVÉES DE PROTECTION DES
NAVIRES
La loi n° 2014-742 du 1er juillet 2014 relative aux
activités privées de protection des navires, publiée
au Journal officiel du 2 juillet 2014, marque
l’aboutissement d’un processus enclenché lors du
Comité interministériel de la mer du 2 décembre
2013 au cours duquel le Premier ministre a décidé
d’autoriser le recours à des entreprises privées de
protection des navires dans les zones présentant un
risque de piraterie.
La multiplication, ces dernières années, des actes de
piraterie, notamment en océan Indien et dans le golfe de
Guinée a conduit le gouvernement à engager des forces
navales dans les opérations conduites à l’initiative de
l’Union européenne (Atalanta) ou sous l’égide de l’OTAN
ainsi qu’à mettre à disposition des équipes de protection
embarquées de la Marine nationale pour assurer la
protection des navires français dans ces zones. Cependant,
le déploiement de ces équipes présente des contraintes
d’ordre logistique ou diplomatique qui ne sont pas toujours
compatibles avec les délais commerciaux très contraints
des
professionnels.
L’Etat
ne
répondant
ainsi
favorablement qu’à environ 70 % de la trentaine de
demandes reçues chaque année, le gouvernement a
estimé que des entreprises privées de protection des
navires, compte tenu d’un pré-positionnement plus
important, pourraient se montrer plus réactives. C’est
pourquoi le Premier ministre a décidé la mise en place d’un
cadre légal autorisant et encadrant le recours à des
services de protection privée des navires.
Le dispositif de la loi du 1er juillet 2014 vient modifier le
code des transports ainsi que le code de la sécurité
intérieure et repose sur les principes suivants :
- L’activité n’est autorisée qu’à bord des navires battant
pavillon français définis par décret (certains types de
navires peuvent être exclus), au-delà de la mer territoriale
des Etats dans les zones à haut risque déterminées par un
arrêté du Premier ministre. Un comité réunissant des
représentants des armateurs, du ministre de la défense,
du ministre chargé des transports et du ministre des
- La professionnalisation des acteurs, qui devront être
titulaires d’une autorisation d’exercer pour les dirigeants et
gérants, et d’une carte professionnelle pour les agents,
délivrées par le CNAPS, afin d’attester l’honorabilité et les
aptitudes professionnelles, les compétences portant tout
autant sur les aspects liés à la protection elle-même que
sur les compétences maritimes.
- Un encadrement strict de l’armement, comprenant une
définition des catégories d’armes et de munitions
autorisées, des modalités d’acquisition, de détention, de
transfert ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont
embarquées et stockées à bord.
- Un régime d’utilisation des armes fondé sur la légitime
défense.
- La transparence de l’activité, au travers de l’instauration
d’un régime de contrôles administratifs sur le territoire
national et à bord des navires protégés et du suivi régulier
des activités des entreprises et de leur agents (obligation
de signalement de l’embarquement d’une équipe,
déclaration obligatoire des incidents survenus à bord,
tenue d’un registre de l’activité…).
Enfin, on notera que le nouvel article L.616-5 du code de
la sécurité intérieure confie à certains militaires le pouvoir
de constater à bord des navires français les infractions aux
dispositions du code de la sécurité intérieure relatives à la
protection privée des navires. Sont concernés les
commandants et commandants en second des navires de
l’Etat, les commandants des aéronefs de l’Etat affectés à la
surveillance
maritime
ainsi
que,
lorsqu’ils
sont
spécialement habilités dans des conditions fixées par
décret en Conseil d’Etat, les administrateurs et officiers du
corps technique et administratif des affaires maritimes, les
officiers de la marine nationale ainsi que les commissaires
des armées embarqués à bord des bâtiments de la marine
nationale. Le cadre normatif sera très prochainement
complété par des décrets et des arrêtés préparés par le
ministère de l’écologie, du développement durable et de
l’énergie (secrétaire d’Etat chargé des transports, de la
mer et de la pêche).
910
LA PREMIÈRE ORDONNANCE PRISE SUR
HABILITATION DE LA LOI DE
PROGRAMMATION MILITAIRE 2014-2019 A ÉTÉ
PUBLIÉE LE 11 JUILLET 2014
En vue de centrer le débat parlementaire sur les
dispositions les plus stratégiques de la partie
normative de la loi de programmation militaire pour
les années 2014 à 2019, diverses mesures à
caractère technique ont été renvoyées à des
ordonnances. L’article 55 de la loi n° 2013‑1168 du
18 décembre 2013 a ainsi habilité le Gouvernement
à légiférer en ces matières.
La première ordonnance portant application de cet article
(ordonnance n° 2014‑792 du 10 juillet 2014) a été publiée
au Journal officiel du 11 juillet 2014.
L’ordonnance tire, tout d’abord, les conséquences de la
fusion des trois corps statutaires de commissaires de
l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine
nationale dans le corps statutaire des commissaires des
armées en modifiant ou en abrogeant plusieurs
dispositions de nature législative qui font référence à l’un
des trois anciens corps. La fusion des corps statutaires de
commissaires s’inscrivant dans une réforme des corps
militaires de soutien, elle a impliqué, pour que l’économie
de la réforme ne soit pas déséquilibrée, de modifier les
limites d’âge de certains corps. En outre, l’ordonnance
prend en compte la nouvelle terminologie « zone de
défense et de sécurité » pour la substituer à celle de
« zone de défense » dans la partie législative du code de la
défense.
Par ailleurs, des dispositions relatives au droit de
l’armement visent à étendre le régime des importations et
des exportations de matériels de guerre aux flux en
provenance et à destination des collectivités d’outre-mer.
Les dispositions de la loi n° 2011‑702 du 22 juin 2011
relative au contrôle des importations et des exportations
de matériels de guerre et de matériels assimilés ne
permettaient pas de régir les flux d’armes en provenance
ou à destination de certaines collectivités françaises
d’outre-mer. Or, au regard du droit de l’Union européenne,
celles-ci ont le statut de pays et territoires d’outre-mer
(PTOM) et sont assimilées à des pays tiers. Les
modifications figurant dans l’ordonnance comblent ce vide
en faisant subsister un dispositif de contrôle des flux à
destination et en provenance de ces collectivités,
consistant à les considérer expressément comme des pays
tiers dans le traitement des demandes d’autorisation
d’importation ou d’exportation.
Deux types de dispositions relatives aux activités
nucléaires figurent dans cette ordonnance. D’une part,
l’ordonnance insère dans la partie législative du code de la
défense des dispositions relatives aux installations et
activités nucléaires intéressant la défense (IANID). Ces
dispositions visent en particulier à codifier le III de l’article
2 de la loi n° 2006‑686 du 13 juin 2006 relative à la
transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite «loi
TSN», et à préciser les conditions et limites dans lesquelles
doit s’exercer le droit de toute personne d’accéder aux
informations relatives aux IANID, en conformité
avec l’article 7 de la Charte de l’environnement. D’autre
part, elle renforce le cadre juridique concernant la
protection des installations nucléaires. La mesure retenue
consiste à donner compétence au préfet de département
pour réglementer la circulation et le stationnement à
proximité de toutes les installations nucléaires, qu’elles
soient civiles ou militaires.
Les dispositions relatives aux ressources humaines sont de
quatre ordres:
1. La modification de l’article L. 4138‑14 du code de la
défense permet de transposer aux militaires le dispositif de
« congé parental » dont bénéficient les fonctionnaires. Ce
congé est ouvert aux militaires qui assurent la charge de
l’enfant en vertu d’une filiation ou d’une décision
administrative ou judiciaire et les deux parents militaires
peuvent désormais prendre ce congé concomitamment
pour élever le même enfant. Durant ce congé, les droits
des militaires sont préservés (droits à l’avancement
d’échelon, prise en considération de service effectif - en
totalité la première année et réduction de moitié pour les
années suivantes, conservation du droit à congé de
maternité, de paternité ou d’adoption en cas de naissance
ou d’adoption pendant le congé parental en cours).
2. Le 2° du I de l’article L. 4139‑16 du code de la défense
définit, par corps, les limites d’âge associées à chaque
grade. Or, dans le cadre de la rationalisation du paysage
statutaire, il a été décidé, qu’au 1er janvier 2016, les
officiers du corps technique et administratif (CTA) de la
marine qui n’auraient pas intégré le corps des
commissaires des armées intégreront d’office le corps des
officiers spécialisés de la marine (OSM), corps dont les
limites d’âge sont plus basses que celui des CTA de la
marine. En conséquence, cet article prévoit, au profit des
officiers du CTA de la marine affectés d’office dans le corps
des OSM, la conservation de la limite d’âge de leur grade
dans leur corps d’origine (CTA de la marine).
3. Il est créé au profit des militaires blessés en opérations
extérieures, dont un retour à l’emploi est probable, un
congé spécifique relevant de la position d’activité : le
congé du blessé. Ce congé s’applique à tout militaire
blessé en opérations extérieures, qu’il soit de carrière,
sous contrat ou réserviste. Cette création est la
contrepartie de l’esprit de sacrifice et de l’acceptation des
risques consubstantiels à l’état de militaire et caractérise le
moyen pour la Nation de manifester sa reconnaissance aux
militaires qui reviennent d’OPEX blessés physiquement et
psychologiquement ou qui y contractent une maladie.
4. La possibilité en droit de prévoir une rémunération
inférieure au SMIC pour certains militaires ne repose que
sur une disposition de niveau réglementaire : l’article
R. 4123‑1 du code de la défense. Or, cet article déroge à
un principe général du droit énoncé par le Conseil d’Etat
dans son arrêt de section du 23 avril 1982 Ville de
Toulouse c/Mme Aragnou. L’ordonnance modifie donc
l’article L. 4123-1 du code de la défense afin d’y insérer le
principe selon lequel les volontaires et élèves militaires
perçoivent une rémunération qui peut être inférieure à la
rémunération prévue à l’article L. 3231‑2 du code du
travail.
1011
Enfin, l’ordonnance prévoit une extension du champ de
compétence des bureaux enquêtes accidents du ministère
de la défense. Ces derniers, jusqu’à présent compétents
pour les accidents impliquant des véhicules ou des
aéronefs, le seront désormais pour les accidents de
plongée et les accidents de tir et de munitions, ce qui
permettra, en parallèle d’une éventuelle enquête judiciaire,
de disposer d’une expertise technique pour déterminer
rapidement les causes des accidents et pour faire en sorte
que les armées puissent continuer leurs missions dans les
meilleures conditions de sécurité possibles.
D’autres ordonnances seront prises pour améliorer des
dispositions financières et domaniales du code de la
défense, pour modifier certains points relatifs aux
dispositions statutaires, ainsi que pour refondre la partie
législative du code des pensions militaires d’invalidité et
des victimes de guerre.
GÉNOCIDE RWANDAIS : DERNIÈRES
DÉCISIONS EN MATIÈRE DE DIFFAMATION
Crim. 30 mars 2005, bull. n° 113, pourvoi n° 04-85.048
Crim. 30 mai 1953 bull n °184
Quand la Cour de Cassation rappelle quelques
principes en matière de diffamation et étend la
responsabilité de l’auteur et de l’éditeur aux
mentions figurant sur la couverture d’un ouvrage.
Dans deux arrêts du 20 mai
s’est à nouveau prononcée
engagée par deux officiers
publication du livre intitulé «
La France au Rwanda ».
2014, la Cour de cassation
au sujet de la procédure
généraux à propos de la
Complices de l’inavouable -
Dans cette affaire, la couverture du livre publié en 2009
faisait apparaître - parmi d’autres mentions en filigrane le nom de deux officiers généraux ayant exercé des
missions
de
commandement
dans
l’opération
« Turquoise » menée par la France au Rwanda en 1994.
Estimant que l’association de leur nom avec le titre de
l’ouvrage leur attribuait une responsabilité explicite dans le
génocide, les deux officiers citaient l’auteur du livre et
l’éditeur devant le juge pénal pour diffamation publique
envers officiers sur le fondement de la loi sur la presse du
29 juillet 1881.
Le tribunal correctionnel et la cour d’appel de Paris avaient
d’abord relaxé les prévenus, estimant que le bénéfice de la
bonne foi pouvait leur être accordée.
Dans un premier arrêt du 13 mars 2012, la Cour de
Cassation avait rappelé aux juridictions du fond qu’elles
devaient se livrer à un contrôle réel et rigoureux de la
bonne foi de l’auteur, sans se contenter de ses simples
allégations, en recherchant notamment s’il disposait
d’éléments suffisants pour croire à la vérité des faits
relatés, si les écrits visaient à informer et non à nuire et
obéissaient à une certaine proportionnalité et prudence.
Statuant sur renvoi, la cour d’appel de Paris déboutait à
nouveau les parties civiles. Elle considérait d’abord que
l’auteur du livre devait être mis hors de cause puisqu’il
n’avait pas participé à l’élaboration de la couverture de
l’ouvrage et ensuite que les expressions poursuivies ne
présentaient pas de caractère diffamatoire, faute
d’imputation d’un fait précis.
Les pourvois formés contre ces deux solutions offraient à
la Cour de cassation la possibilité de contredire à nouveau
l’analyse de la Cour d’Appel. Dans ses arrêts du 20 mai
2014, la juridiction suprême rappelle dans un premier
temps qu’il existe une « complicité automatique » entre
l’éditeur et l’auteur, tiré de l’article 43 de la loi de 1881.
Cette disposition précise en effet que
« lorsque les
directeurs ou codirecteurs de la publication ou les éditeurs
seront en cause, les auteurs seront poursuivis comme
complices ». Il en résulte que l’auteur, en publiant en son
nom un écrit, est présumé avoir consenti à la publication
et qu’il lui appartient donc de démontrer que la publication
incriminée n’a été « ni voulu ni permise » par lui. Dans le
cas présent, la Cour de cassation estime que la
responsabilité de l’auteur s’étend donc – par l’effet de la
complicité avec l’auteur – aux mentions figurant sur la
couverture, nonobstant le fait qu’il n’ait matériellement
pas participé à sa rédaction ou à sa présentation.
S’agissant de savoir si le rapprochement entre le titre de
l’ouvrage et l’identité des officiers généraux présentait un
caractère infamant, la Cour de Cassation précise que la
diffamation est également caractérisée lorsque l’imputation
ou l’allégation d’un fait portant atteinte à l’honneur sont
présentées sous une forme déguisée et par voie
d’insinuation. En l’espèce, elle a jugé que le titre, son
association avec les noms des parties civiles et les
mentions de la 4ème de couverture avaient un caractère
effectivement diffamatoire.
Si le marathon judiciaire n’est pas terminé dans le dossier
rwandais, il ne fait nul doute que les décisions d’ores et
déjà rendues par la Cour de Cassation inviteront les
éditeurs et les auteurs à plus de modération ou de
vigilance dans la présentation de leurs ouvrages ; en
veillant notamment à ce que la recherche d’une couverture
commercialement accrocheuse ne ternisse pas à tort
l’honneur et la réputation des militaires.
L'article 29 alinéa, 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse définit la diffamation comme « toute
allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à
l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps
auquel le fait est imputé ». Le délit de diffamation suppose
donc la réunion de quatre conditions cumulatives, à savoir,
des propos portant sur l’allégation de fait précis ; la mise
en cause d’une personne déterminée ou identifiable ; une
atteinte à l’honneur ou à la considération de cette
personne ; le caractère public des propos litigieux. La
diffamation est constituée même si elle est présentée sous
une forme déguisée, dubitative, ou sous forme
d’insinuation.
Le défendeur à l'action en diffamation peut s'exonérer de
sa responsabilité pénale en rapportant soit la preuve de la
véracité des faits allégués, soit à défaut la preuve de sa
bonne foi. Selon la jurisprudence, la bonne foi résulte
d'une pluralité de circonstances : la légitimité du but
poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence
et la mesure de l'expression, et la fiabilité de l'enquête.
L'absence d'un seul de ces critères d'entre eux suffit à
l'exclure le bénéfice de la bonne foi.
La Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la cour
d’appel Lyon pour être à nouveau jugée sur le fonds.
1112
EVENEMENTS DAJ
INTERVENTION DE LA DIRECTRICE DES
AFFAIRES JURIDIQUES À LA CONFÉRENCE
JURIDIQUE INTERNATIONALE DE EUCOM
Mme Claire Landais s’est rendue à Stuttgart, les 3 et 4
septembre 2014, afin de participer avec M. Olivier
Landour, sous-directeur du droit international et du droit
européen, à la Conférence juridique internationale
organisée tous les ans par le commandement des forces
américaines en Europe (US EUCOM).
La Directrice des affaires juridiques est intervenue sur les
problématiques juridiques rencontrées par les armées
françaises au Mali et en RCA et plus particulièrement leur
base juridique. Elle s’est par ailleurs entretenue avec les
représentants du commandement des forces américaines
en Afrique (US AFRICOM), en marge de la conférence, sur
plusieurs sujets d’intérêts communs.
CONFÉRENCE LEGAD
Le 22 septembre 2014, la direction des affaires juridiques
et le service du commissariat des armées ont organisé à
l'Ecole militaire la 3ème conférence annuelle des conseillers
juridiques opérationnels (Legal Advisor, LEGAD).
Cette rencontre professionnelle, au-delà du rassemblement
des LEGAD et du partage de leurs expériences respectives,
avait pour objectif principal de faire un point sur les sujets
d’actualité en matière de droit opérationnel.
Au cours de cette journée, ont été abordés les thèmes
suivants : retour d’expérience des opérations "Serval" et
"Sangaris", la judiciarisation du champ de bataille, les
systèmes d’armes létaux autonomes (SALA), les enjeux
juridiques de la cyberdéfense, pour conclure par le rôle des
LEGAD dans les structures de l’OTAN.
STAGE LEGAD DE NIVEAU III
Les 23 et 24 septembre, s’est déroulé, dans les locaux de
la DAJ, la 2ème édition du stage LEGAD de niveau III, qui
parachève la professionnalisation du cursus de formation
des conseillers juridiques opérationnels.
Ce stage était co-organisé avec l'EMA au profit de 10
officiers supérieurs possédant une expérience du domaine
juridique opérationnel et/ou devant tenir des postes de
responsabilité dans le domaine du droit opérationnel et du
droit international en France ou à l’étranger.
Ce stage, adossé à la conférence annuelle des LEGAD, a
permis d’aborder de manière très interactive les
problématiques juridiques actuelles du ministère de la
défense : nucléaire, armes chimiques, défense antimissiles balistiques, relations avec la justice pénale
internationale, accord de statut des forces (SOFA) et
arrangements techniques, mécanisme de renforcement du
Droit international humanitaire.
22 OCTOBRE 2014: COLLOQUE SUR LES
RELATIONS ENTRE LE DROIT INTERNATIONAL
HUMANITAIRE ET LE DROIT EUROPEEN DES
DROITS DE L’HOMME, QUELLES PERSPECTIVES?
Le 22 octobre 2014, la direction des affaires juridiques a
organisé un colloque sur le thème : « Les relations entre le
droit international humanitaire et le droit européen des
droits de l’homme, quelles perspectives ? ». Cet
événement a rassemblé des praticiens et des opérationnels
des différents ministères (Affaires étrangères, Justice,
Défense…), des membres de juridictions pénales
internationales et des juridictions européennes et des
universitaires reconnus dans les domaines de la
Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et
du droit international humanitaire (DIH).
Trois tables rondes articulées autour du thème central
retenu ont permis aux participants de débattre des
moyens de concilier ou de faire cohabiter les principes du
DIH et ceux du droit européen des droits de l’homme,
notamment en analysant les enseignements tirés des
opérations militaires auxquelles les forces françaises
participent et à la lumière des jurisprudences les plus
récentes (arrêt Hassan, CEDH, 16 septembre 2014).
Cette conférence s’est déroulée à l'Ecole militaire (75007),
dans l'amphithéâtre De Bourcet.
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EVENEMENTS
OTAN ET CYBERDÉFENSE.
COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Le 24ème Sommet de l’OTAN a érigé en priorité le
renforcement des capacités de cyberdéfense de l’Alliance.
Outre le fait que la responsabilité et la solidarité des
membres en matière de défense des réseaux ont été
rappelées, ce sommet a introduit une nouveauté :
l’Alliance a en effet reconnu que le droit international
s’appliquerait en cas de cyberattaque pouvant constituer
une agression armée, et pourrait de ce fait mener à
l’invocation « au cas par cas » de l’article 5 du Traité de
Washington et, partant, à la légitime défense collective des
Etats de l’Alliance, y compris l’emploi de la force, reconnu
par l’article 51 de la Charte des Nations Unies.
Cette déclaration, du fait de sa prudence, s’apparente plus
à un exercice de dissuasion qu’à une réelle définition des
cyberattaques (et de leur seuil) pouvant mener à des
mesures de rétorsion militaire. Néanmoins, elle tend à
confirmer une conception des opérations « cyber »
offensives et à consacrer un droit à la légitime défense
dans le cyberespace, notions inspirées par le Manuel de
Tallinn sur le droit international applicable à la
cyberdéfense.
République centrafricaine (RCA)
ARMES CHIMIQUES SYRIENNES
Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a
décidé le 24 septembre dernier d'ouvrir une seconde
enquête en République Centrafricaine (RCA), portant sur
différents chefs de crimes de guerre et de crimes contre
l’humanité commis par des membres de l’ex-Séléka et des
anti-balakas depuis le 1er août 2012. La situation avait été
renvoyée à la Cour par le Gouvernement centrafricain de
transition, le 30 mai 2014. Dans son rapport analytique
sur l’ouverture de cette enquête, le Procureur de la CPI
précise que la situation en RCA doit être qualifiée de conflit
armé non international depuis décembre 2012.
République de Côte d'Ivoire (RCI)
Après avoir d’abord ajourné sa première décision de
confirmation des charges à l'encontre de Laurent Gbagbo
et demandé au Procureur de la CPI de poursuivre et
d’approfondir son enquête en février 2013, la Chambre
préliminaire de la CPI en charge de l’affaire Le Procureur c.
Laurent Gbagbo a finalement décidé le 12 juin 2014 de
confirmer les charges portées par le Procureur à l’encontre
de l’ex-président de la République de Côte d’Ivoire.
La destruction de l’arsenal chimique syrien a franchi une
étape importante le 30 septembre 2014 avec la fin de la
Mission conjointe menée par l’ONU et l’Organisation pour
l’interdiction des armes chimiques (OIAC).
C’est dans le cadre de cette mission que la totalité des
produits déclarés prioritaires (produits de catégorie 1) et
retirés de Syrie a été détruite sur le navire américain Cape
Ray dans les eaux internationales.
Le reliquat des produits chimiques de catégorie 2 est en
cours de destruction sur le territoire d’autres Etats.
Encadrée par la Résolution 2118 du Conseil de sécurité
des Nations Unies et par les décisions de l’OIAC
(notamment celle du 27 septembre 2013), l’élimination du
programme d’armes chimiques syrien n’est toutefois pas
achevée et continue d’impliquer les deux organisations.
Des questions demeurent en effet non-résolues, qui
portent sur l’exhaustivité et la sincérité de la déclaration
initiale syrienne et de ses amendements additionnels, la
destruction des installations de production et les
allégations d’emploi de gaz de chlore, qui font l’objet d’une
enquête de l’OIAC.
Le Courrier juridique de la Défense est une lettre d'information
éditée par la direction des affaires juridiques du ministère de la Défense (SGA/DAJ)
Directeur de publication : Claire Landais, directrice des affaires juridiques
Nathalie Leclerc, adjointe à la directrice des affaires juridiques
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Rédaction: Christian Bossoutrot, Brice Bourguignon, François Chatelet, Laurent Doncarli, commissaire en chef de 1ère classe Pierre Ferran, Matthieu Sauvetre, commissaire en chef de
2ème classe Luc Pozzo di Borgo, Alain Attanasio, Lucie Raclet, Guillaume Hervé, Laurent Bonvallet, Laure Jezequel, Fréderic Zunda, Olivier Agnus, magistrat-général Jean-Luc Gadaud,
Olivier Landour, commissaire-principal Joris Cuzin, commissaire en chef de 2ème classe Eric Turquet de Beauregard, Camille Peron, Léa Bass, Julie Sillet, François Chevillard, Nicolas Roy,
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