COMMUNICATION INTERCULTURELLE ET

Transcription

COMMUNICATION INTERCULTURELLE ET
COMMUNICATION
INTERCULTURELLE
ET LITTÉRATURE
NR. 1 (20) / 2013
Littérature
et exil
Coordination:
Alina Crihană
Institutul European
2014
Prezentul volum cuprinde o selecţie a lucrărilor Colocviului Internaţional Scriitura
feminină şi exilul în spaţiul cultural francofon (Galaţi, 15-16 noiembrie 2013) şi a
lucrărilor Workshop-ului Literatură şi exil (Galaţi, 4 iulie 2014). Volumul a fost
publicat cu sprijinul financiar al Proiectului „Performanţa sustenabilă ȋn cercetarea
doctorală şi post doctorală” – PERFORM, POSDRU/159/1.5/S/138963
(http://www.perform.ugal.ro/), cofinanţat din Fondul Social European prin Programul
Operaţional Sectorial Dezvoltarea Resurselor Umane 2007-2013 - Axa Prioritară 1,
„Educaţia şi formarea ȋn sprijinul creşterii economice şi dezvoltării societăţii bazate pe
cunoaştere”, Domeniul Major de Intervenţie 1.5 „Programe doctorale şi post-doctorale
ȋn sprijinul cercetării”.
Contact:
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Universitatea „Dunărea de Jos”
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Cuprins
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine
a exilului
7
L’exil comme espace d’une émancipation de l’écriture
féminine : lecture de Femme nue, femme noire de Calixthe
Beyala
8
Léa Nyingone
Représentation des subsahariennes dans la francomigritude de Léonora Miano : un antidestin de femmes
marginalisées
17
Guy Aurélien NDA’AH
Taos Amrouche : Le recours à l’autofiction comme
stratégie d’émancipation
Alice Froger
31
Adina Kenereş, Îngereasa cu pălărie verde – trepte în
configurarea universului interior
47
Doiniţa Milea
Identité, totalitarisme et résistance. Sorana Gurian, Les
Mailles du filet
59
Elena Filote (Panait)
Agota Kristof: langue et écriture dans le contexte de l’exil
Iryna Sobchenko
78
Voix féminines de l’exil roumain en France : Monica
Lovinescu
98
Mihaela Rusu
Martha Bibescu and the Inside of Romania’s domestic
Policy
109
Valeriu Bălteanu
La création lyrique et gnomique de Julie Hasdeu, une
adoration des « neiges d’antan »
114
Mirela Drăgoi
Începuturile scrisului feminin românesc in exil:
Memoriile Elenei Văcărescu
124
Lucia-Luminiţa Ciucă
Réflexions (post)totalitaires, exil et double dans la
dramaturgie d’Anca Visdei
133
Elena Iancu
Exil şi interferenţe culturale
145
Étapes de la fictionnalisation de l’égo : H. Müller, La
bascule du souffle
146
Violeta-Teodora Iorga (Lungeanu)
The Exile of the Japanese Adolescence
158
Andreea Ionescu
Romania as Exile: Stereotyping the Other in Maude Rea
Parkinson’s Twenty Years in Roumania
171
Oana Celia Gheorghiu
Dimitrie Bolintineanu’s Exile within the Francophone
Cultural Space
Floriana Popescu
182
The foreigner on the margin and the game of multitudes
with two of S. Rushdie’s novels
197
Isabela Merilă
A Reflection of Experience and Autobiography in Fay
Weldon’s Fiction
205
Adela Cornelia Iancu (Matei)
Varia
211
Image de la femme dans les lettres d’amour de Leonid
Dimov
212
Alina Ioana Bako
Un jurnal pieziş al tranziţiei culturale – Dan C. Mihăilescu,
Ce mi se-ntâmplă
229
Simona Antofi
Mărturisiri ad-hoc şi ireverenţiozităţi literare – interviurile
lui Ştefan Agopian
235
Laurenţiu Ichim
A sta închis în sine sau despre generaţia pierdută a
literaturii basarabene
246
Liliana Doscalo Grosu
L’art épistolaire de Mme de Sévigné
254
Ana-Elena Costandache
Exil şi literatură în manualele alternative de liceu
262
Marian Antofi
Site-ing the Translator
Alexandru Praisler
267
Recenzii
275
Laura Eveline Bădescu, Mentalităţi, retorică şi imaginar
în secolul al XVIII-lea românesc. Cărţile de blestem,
ISBN 978-973-167-124-6, Editura Muzeului Naţional al
Literaturii Române, Colecţia Aula Magna, Bucureşti,
2013
276
Simona Antofi
Le récit intime en tant que témoignage dans « Le pays de
l’absence » de Christine Orban
278
Angelica Vâlcu
Date despre autori
281
Literaturi francofone şi repere ale
scriiturii feminine a exilului
8
Communication interculturelle et littérature
L’exil comme espace d’une émancipation de
l’écriture féminine : lecture de Femme nue,
femme noire de Calixthe Beyala
Léa Nyingone
Résumé : Cet article tente d’examiner la question de l’exil comme espace
d’émancipation de l’écriture féminine dans le roman Femme nue, femme
noire de Calixthe Beyala. L’exil n’est plus simplement perçu comme un
prétexte d’éloignement, mais devient l’espace dans lequel la plume féminine
se déploie, se libère en essayant d’aspirer à la reconstruction d’une posture
féminine déliée de la tutelle masculine. C’est le personnage d’Irène Fofo qui
permet ici cette réalisation.
Mots-clés : écriture féminine, exil, émancipation, reconstruction,
interculturel.
L
’écriture féminine n’est plus aujourd’hui
considérée comme un fait inédit au regard de l’importante production
littéraire des romancières francophones. Cependant, sa particularité
réside dans le sentiment qui anime chaque écrivaine à remodeler
l’image de la femme longtemps stéréotypée et figée par les premiers
auteurs. Au travers donc de cette écriture, c’est toute une littérature
qui se construit autour d’une véritable posture féminine laissant
désormais cet être souvent qualifié de sexe faible ou encore sexe
dominé éprouver le besoin d’incarner son propre rôle dans la société.
Dès lors que les femmes « commencent à affirmer concrètement leur
indépendance1 » et en tant que sujet, elles passent dorénavant du «
pilon à la machine à écrire2 », survolant ainsi différentes aires
géographiques et culturelles dans l’espoir, de se poser là où la parole
peuvent leur être donnée librement sans craindre la censure et
l’autocensure. L’écrivaine camerounaise Calixthe Beyala déclarait à
ce propos, lors d’une interview accordée en 1994 « avoir besoin de la
liberté totale de penser3 ». Son œuvre reflète, en effet, ce besoin
inconditionnel d’émancipation individuelle et collective.
Publié aux éditions Albin Michel en 2003, Femme nue, femme
noire se présente comme une œuvre érotique voire pornographique à
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
9
l’allure révolutionnaire. En effet, le roman met en avant le personnage
d’Irène Fofo, adolescente de seize ans, à la sexualité débridée qui ne
sait faire que deux choses : « voler et faire l’amour »4 , deux actes qui
lui procurent une sensation d’extrême liberté. Sa vie bascule
lorsqu’ayant volé un sac à main contenant le cadavre d’un bébé, elle
rencontre Ousmane qui décide de la recueillir dans son foyer. Quittant
son quartier pour un itinéraire plutôt errant, elle (re)découvre les affres
du plaisir du corps sous la tutelle de Fatou, l’épouse d’Ousmane.
Faisant ainsi de la sexualité une thérapie contre tous les maux qui
minent la société, Irène prend réellement conscience de la pauvreté
physique, matérielle et psychologique dont souffrent ceux qui
l’entourent et déplore spécifiquement les conditions de vie des
femmes. Le titre du roman a été retenu par l’auteure en hommage au
recueil Chants d’ombre5 de Léopold Sédar Senghor, qui dans le
poème « Femme noire » rendait hommage à l’Afrique et à la
négritude, en glorifiant la femme noire, nue et sans artifice, à la fois
protectrice, douce, soumise, réconfortante et pleine de spiritualité.
Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle.
Pourtant, la lecture attentive du roman laisse envisager que dans la
réexploitation de Femme nue, femme noire, l’intention de l’auteure est
de dévaloriser cette image de la femme dans l’espace culturel africain
et d’en faire une antithèse de la vision senghorienne, voire de dévoiler
les réalités existantes, les injustices persistantes et les échecs d’une
société qui reste encore fermée au monde.
En substance, le roman lève le voile sur la misère et les conditions
de vie des femmes dans une société vouée à l’échec. Dans cet univers
oppressant, c’est la narratrice qui en fait le constat désolant d’une
réalité camouflée : « J’ai attendu quinze ans pour lier connaissance
avec le sexe dans les ruelles nauséabondes aux senteurs de pot de
chambre. J’ai attendu quinze ans dans ce bidonville où l’homme
semble avoir plus de passé que de futur »6.
En fait, grâce au matériau littéraire qu’elle exploite dans une
perspective psychanalysante, Beyala peut décrire et décrier les
insuffisances qui accablent l’intégralité du continent africain. Partant
10
Communication interculturelle et littérature
de sa position d’exilée, Calixthe Beyala développe un style qui
s’imprègne de son contexte de création pour mettre en évidence de
nouvelles modalités tant dans la forme que dans le fond. Et, en effet,
cultivant à la fois le confort de l’éloignement et l’angoisse de la
rupture que lui procure son exil à travers un langage cru, subverti et
provocateur, elle expose les problématiques osées et presque
inconvenantes en toute liberté. Le tout, apparaissant comme une
approche innovante de son écriture, voire de l’écriture féminine.
Notre analyse se propose ici d’étudier la question de « l’exil
comme espace d’une émancipation de l’écriture féminine » autour de
trois axes principaux : D’abord l’éloignement en vue d’une libération,
ensuite la construction et reconstruction d’une posture identitaire
féminine et enfin l’exil dans une perspective d’ouverture
interculturelle.
1. S’éloigner pour se libérer
Dans ce récit au style érotico-sensuel, l’auteure suit la trajectoire
initiatique d’une rebelle libertine en désaccord total avec son espace
vital : « Pour l’instant, je dois encore vivre dans ce quartier aux
maisons éclopées où, chaque matin les femmes mettent à sécher au
soleil les matelas troués, décorés de taches de menstrues, de
fornication et de pisse ».7
Ici, Beyala procède à la description de la misère sociale aussi
inéluctable qu’intolérable, à l’origine de l’exaspération d’Irène. Cela
suscite au personnage un espoir implicite d’un éventuel départ vers un
environnement décent, où la misère ne s’afficherait pas comme un
postulat inévitable. A l’évidente représentation des réalités du
continent africain que fait minutieusement l’auteure, se mêle
clairement le sentiment d’une douleur partagée, la voix de la narratrice
étant subjectivée par l’emploi du pronom personnel « je ». C’est à ce
niveau que surgit dans l’écriture ce que Michael Kohlhauer appelle le
paradoxe de l’exilé, « attaché à mieux dire le pays perdu ou laissé
derrière soi, précisément parce qu’il s’en est éloigné »8. Ainsi, le
malaise inscrit dans le roman demeure de façon insidieuse celui de
l’Afrique. Loin de son continent d’origine, la romancière ne peut pas
rester indifférente : « je suis en quête de l’Afrique dans et à travers
mes livres. J’essaie de comprendre9 ».
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
11
Ce n’est pas anodin que l’éloignement de la narratrice dans le texte
apparaisse comme une arme libératoire : être loin permet une
ouverture d’esprit et un déliement de la langue. En ce sens, lorsqu’
Irène Fofo s’éloigne de son quartier natal, son départ est vécu comme
un affranchissement qui la guidera vers l’inattendu : « Je suis là, en
exploratrice, libérée des entraves et des obligations10 ». En d’autres
termes, l’exil ne se dévoile pas simplement comme un lieu d’errance
mais se révèle le moyen de briser le silence d’une adolescente, le
moment propice pour une prise de conscience car en traversant cette
ville inondée de réalités et contradictions, Irène acquiert, par le biais
de l’exil, une indépendance d’esprit qui la conduit à poser des actes
qui sans l’exil seraient jugés déraisonnables : « De la braise brûle dans
ma poitrine. Je ne respire plus. Bonheur et malheur ont l’art de vous
couper le souffle11 ». Aussi Annie Ernaux n’a-t-elle pas reconnu
durant son expérience littéraire que « la prise de conscience, si elle ne
résout rien en elle-même, est le premier pas de la libération, de
l’action »12. Le personnage dont Calixthe Beyala propose le parcours
n’est pas une simple figuration.
Elle est un véritable sujet, désireux de se faire entendre et
d’exposer sa désolation face une réalité présente du point de vue
discursif :
Soudain, il s’arrête en plein milieu d’un quartier miteux. Ici, la laideur,
sublimée par l’intelligence humaine, explose sous le ciel en un désordre
cataclysmique […] Je sais ce qu’ils pensent de moi, je comprends leur
attitude, mais ne l’approuve pas. Alors je gueule plus fort, bruyante
comme une foule. Ils continuent leur ovation parce que je suis
dangereuse13.
L’observation faite par la narratrice en plein milieu d’un quartier
miteux ne la freine dans sa démarche car de son point de vue, c’est
cette situation miséreuse et calamiteuse qui justifie la mentalité des
habitants de New Bell. Seule de tous à prendre conscience de la
précarité qui les accable et qu’elle juge « cataclysmique », Irène Fofo
lutte et dénonce, acceptant l’étiquette d’une aliénée que le monde
entier et Ousmane en particulier lui accolent : « Il me croit folle, je
suis sa folle et je ne m’en étonne pas. C’est l’ordre naturelle des
choses14 ». Pour atteindre son objectif, la jeune fille assume
pleinement son rôle de révoltée, se soulevant seule, hurlant pour
atteindre l’impact d’une mutinerie de la foule. Elle espère que sa
12
Communication interculturelle et littérature
démarche permettra à sa voix de trouver un écho et d’atteindre cette
liberté tant recherchée : « Je cherche par où m’enfuir, je ne trouve
pas : Où cours-tu ainsi ? […] Trouver la liberté15 ». L’exil se fait donc
ici plus particulièrement la voix de libération. Pourtant, la libération
n’est que le premier pas vers une réhabilitation identitaire : la liberté
recouvrée de l’être peut enfin se reconstruire.
2. Construction ou reconstruction d’une
posture féminine
Irène Fofo, figure littéraire à multiples facettes16 est sans doute
bien plus encore l’expression d’une volonté émancipatrice : elle
semble bien permettre aussi à l’écriture féminine d’aboutir à une
construction où à une construction de l’identité féminine perçue sous
la tutelle masculine. Profitant de son éloignement de la maison
maternelle et surtout de sa libération de toute tutelle, la jeune fille
tente non seulement une construction de son propre être, mais plus
largement une construction identitaire des femmes qu’elle rencontre :
cette femme qu’elle reconstruit, elle la qualifie de « femme éduquée »
et l’illustre par les cas de Fatou et de sa mère.
Pour prétendre à une reconstruction de la posture féminine, la
narratrice passe d’abord par une remémoration d’un passé écoulé, en
particulier celui des femmes, des actes posés et vécus, un véritable
retour en arrière avant d’aspirer à la réhabilitation de son être. Chez
Irène, la nouvelle identité sexuelle qu’elle affiche est visiblement un
premier pas vers l’émancipation féminine car elle conçoit la sexualité
comme un moyen pour la femme d’exercer sa suprématie sur l’homme
« Sa voix est une arme d’un érotisme féroce »17. Pour motiver la
femme à retrouver son intégrité au sein du foyer conjugal,
l’adolescente incite Fatou à s’élever contre l’oppression qui s’exerce
sur elle : « As-tu conscience de ton pouvoir ? Moi, par exemple, je
peux obtenir de la plupart des gens ce que je veux […] Soit on est
victime, soit on ordonne »18. A travers cet échange entre les deux
femmes, il est remarquable de voir que la narratrice adopte désormais
la posture de la femme émancipée et tente de l’inculquer à son
interlocutrice. Les femmes se doivent de ne plus se soumettre aux
tâches quotidiennes mais se devraient au contraire de renverser les
rôles jusque-là dévolus à leur sexe.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
13
A l’évidence, l’exil injecte dans l’écriture féminine un langage
assez osé qui peut parfois choquer où déranger, tout en participant à la
mise en œuvre de sa singularité. Derrière un langage provocateur, au
fond d’une présence obscène et débridée se cache une âme en pleine
reconstruction identitaire consciente et fière d’être en pleine
reconstruction identitaire : « je suis quelque chose de nouveau »19.
Cette réalisation se confirmera plus loin :
Je suis accablée par un terrible sentiment de culpabilité. Je n’ai rien fait
de ma vie. Pour me sauver, je m’abandonne à de faux fantasmes : je
reprends mes études là où elles n’ont jamais commencé… je rencontre un
jeune diplômé de l’université20.
Fortement ancrée dans le roman, la sexualité a pour rôle de
conforter l’idée selon laquelle le sexe dit faible, ne doit plus être
considéré comme tel. La femme devient au contraire un leader
révolutionnaire, consciente et debout, désormais déliée de l’autorité
masculine et maîtresse de son propre destin.
La démesure de mon dessein me galvanise. Je m’engloutis dans mon
imaginaire pour mettre au point la réalisation de mon projet érotique. J’y
déploie des trésors de sophistication sexuelle pour anéantir, à moi seule,
tous les maux dont souffre le continent noir – chômage, crises, guerres,
misère21.
3. L’exil pour une ouverture interculturelle
Il nous faut cependant admettre que cette émancipation féminine
passe aussi par la reconnaissance du pouvoir aliénateur de l’homme
que la narratrice de Femme nue, femme noire entend renverser par
ruse :
Dans son regard chaviré, je perçois sa faiblesse, cette malléabilité des
hommes. Mais aussi que j’ai un corps aux possibilités insoupçonnées, que
désormais, il faut compter avec ses gestes. J’ai un sentiment de puissance
sans fin. Je suis alpha et oméga, le début et la fin de toute chose22.
Comme nous pouvons bien le percevoir à travers ces mots, le corps
de la femme face à l’homme lui confère une liberté et une puissance
illimitées, infinies, conçues dans les termes habituellement consacrés à
14
Communication interculturelle et littérature
l’éternité divine. C’est davantage qu’avec le simple exil géographique,
avec la réappropriation entière de son corps que la narratrice réussit à
renverser l’ordre des choses sous le contrôle de son personnage. A la
fois physique et spirituel, l’exil, en tant qu’éloignement des traditions
aliénantes, devient à la fois sensation de détachement avec un passé
déconcertant et motivation vers un avenir rêvé où se reconstruisent
réciproquement la femme et le continent noir.
Par ailleurs, on a pu observer à bien des égards que l’exil
n’apparaît plus uniquement dans les textes féminins francophones
comme l’endroit idéal et favorable à la production des œuvres et à la
reconstruction de l’être, mais qu’il s’avère également un espace
d’ouverture culturelle, où la rencontre avec l’altérité est prévisible.
Chez Beyala, de façon générale cette ouverture au monde se détermine
dans la façon dont les personnages de ses œuvres en particulier les
femmes, prennent pour modèle prioritaire, « la » femme occidentale,
cultivée, libre et émancipée. Les femmes noires, désormais, se savent
susceptibles de rencontrer un conjoint, de reprendre leurs études et
surtout d’acquérir une grande liberté d’expression. Elles parviennent
ainsi, selon Jean Soumahoro Zoh, à « entrer en contact avec le
féminisme occidental et/ou adopter leur théorie »23. Dès lors, on se
rend bien compte que le dialogue culturel existe et permet sans doute
aux personnages de se développer autrement et d’avoir une vision du
monde plus élargie et élaborée. Toutefois, contrairement aux premiers
romans de l’auteure, dans lesquels se déploient clairement la
fascination de ses personnages féminins pour l’Occident et la
rencontre directe avec l’Autre et sa culture, dans Femme nue, femme
noire, il est plutôt question d’une ouverture externe sans
nécessairement une référence directe au contact physique. Les seuls
personnages qui y font mention estiment que leur monde serait
différent s’ils parvenaient à côtoyer d’autres univers : « Tu sais, je
souhaite inconsciemment un monde ouvert à tous les vents, où, l’on
fait ce que l’on aime quand on veut, où on veut »24.
Saisissant, ce propos l’est incontestablement, en ce sens qu’il
implique une véritable ouverture culturelle. Pour la narratrice, une
société fermée est une société au sein de laquelle les mentalités restent
trop traditionnalistes, fragiles si bien qu’il n’est pas possible d’y
envisager un avenir : « peut- être que notre société est si fragile que le
moindre vent menace de la détruire ? »25.
Pour conclure, l’exil se révèle une source particulièrement
enrichissante pour certaines écritures féminines qu’il incite à se libérer
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
15
d’un certain nombre de contraintes, parmi lesquelles le silence des
femmes et leur soumission dans un milieu miséreux. La hantise
d’Irène Fofo face à la précarité qui frappe la société et l’impitoyable
condition des femmes finissent par la transformer en rebelle libertine,
errante et insoumise, qui tente, au-delà de ses craintes de comprendre
et de conscientiser les principaux concernés « je crains que cette
situation ne s’arrête un jour »26. C’est toutefois grâce à son audace, à
la liberté, ainsi qu’à toutes les facilités que lui offre l’exil que Calixthe
Beyala remanie son écriture, qui au-delà de son aspect subversif,
dérangeant, déstabilisant ou purement choquant, se veut reconstructive
et libératrice, à travers de l’inspiration des différentes cultures dont
elle se nourrit et s’enrichit.
Bibliographie
Beyala, Calixthe, Femme nue, femme noire, Albin Michel, Paris, 2003.
Calixthe Beyala: entre le terroir et l’exil, interview réalisée par Emmanuel
Matateyou à l’Université de Yaoundé I (Cameroun), 1994.
De Beauvoir, Simone, Le deuxième sexe II, Gallimard, Paris, 1976.
Ernaux, Annie, L’écriture comme un couteau, entretien avec Frédéric-Yves
Jeannet, Gallimard, Paris, 2011.
Hoarau, Stéphane, Ecritures de l’exil, exil des écritures, Cornell University,
2009, thèse de doctorat disponible à l’adresse : http://as.cornell.edu/
departments/french-t/files/sanspapier/S%20Hoarau%20sans%20papier%
20April%2009part1.pdf
Kohlhauer, Mickael, « A la rencontre de l’Autre. Eléments d’une xénologie
Bernanosienne », dans Max Milner (dir.), Exil, errance et marginalité
dans l’œuvre de Georges Bernanos, Presses Sorbonne Nouvelle, Paris, 2004.
Senghor, Léopold Sédar, Chants d’ombre, Seuil, Paris, 1945.
Soumahoro Zoh, Jean, « La représentation de l’exil chez Calixthe Beyala »,
dans Loxias, Loxias 34, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?
id=6794.
Sow Fall, Aminata, cité par Herzberger-Fofana Pierrette, dans Littérature
féminine francophone d’Afrique Noire, suivi d’un dictionnaire des
romancières, L’Harmattan, Paris, 2000.
Notes
1
2
Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe II, Paris, Gallimard, 1976, p.9
Aminata Sow Fall, cité par Herzberger-Fofana Pierrette, dans Littérature
féminine francophone d’Afrique Noire, suivi d’un dictionnaire des
romancières, Paris, L’Harmattan, 2000, p.7.
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Communication interculturelle et littérature
Calixthe Beyala: entre le terroir et l’exil, interview réalisée par
Emmanuel Matateyou à l’Université de Yaoundé I (Cameroun), 1994,
p. 613 pour le texte écrit.
Calixthe Beyala, Femme nue, femme noire, Paris, Albin Michel 2003,
p.55.
Léopold Sédar Senghor, Chants d’ombre, Paris, Seuil, 1945.
Calixthe Beyala, op. cit., p.12.
Ibidem, p.13.
Micheal Kohlhauer, « A la rencontre de l’Autre. Eléments d’une
xénologie Bernanosienne », dans Max Milner, (dir.), Exil, errance et
marginalité dans l’œuvre de Georges Bernanos, Paris, Presses Sorbonne
Nouvelle, 2004.p.160.
Calixthe Beyala: entre le terroir et l’exil, op.cit.p.612.
Idem, p.14.
Ibidem, p. 26.
Annie Ernaux, L’écriture comme un couteau, entretien avec FrédéricYves Jeannet, Paris, Gallimard, 2011.p.94.
Calixthe Beyala, op. cit., pp.27-30.
Ibidem, p.27.
Ibidem, p.37
Stéphane Hoarau, Ecritures de l’exil, exil des écritures, Cornell
University, 2009, thèse de doctorat disponible à l’adresse :
http://as.cornell.edu/departments/frencht/files/sanspapier/S%20Hoarau%20sans%20papier%20April%2009part1.
pdf, p.6.
Ibidem, p.79.
Ibidem, p.43.
Calixthe Beyala, op. cit., p.63.
Ibidem, p.77.
Ibidem, p.78.
Ibidem, pp.41-42.
Jean Soumahoro Zoh, « La représentation de l’exil chez Calixthe
Beyala », dans Loxias, Loxias 34, URL : http://revel.unice.fr/loxias/ index
.html?id=6794
Calixthe Beyala, op. cit., p. 181.
Idem, p. 181.
Calixthe Beyala, Femme nue, femme noire, p.124
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
17
Représentation des subsahariennes dans la
franco-migritude de Léonora Miano : un
antidestin de femmes marginalisées
Guy Aurélien NDA’AH
Résumé : Un débat a cours en ce moment dans les milieux universitaires
africains au sujet du rôle et de la place de la littérature diasporique au
regard d’une représentation biaisée, défigurée, qu’elle ferait généralement
du continent. D’aucuns parlent d’afro-pessimisme, d’autres pensent déjà à
une redéfinition du concept même de littérature africaine, tant ces auteurs
exilés brillent par un descriptif peu élogieux du continent, quand il n’est tout
simplement pas caricatural. L’écriture féministe n’échappe pas à cette
critique, car par bien des pages, elle donne à voir une gente féminine exclue
des cercles décisionnaires, chosifiées à l’occasion. C’est du moins ce qui
paraît d’une première lecture de la situation de la femme dans l’œuvre de
Léonora Miano, écrivaine d’origine camerounaise vivant en France. Son
texte donne à vivre l’exclusion ainsi que la maltraitance de la femme à toutes
les strates de la société. Pourtant une analyse plus approfondie laisse
entrevoir une perspective moins orageuse. Notre communication se propose
d’examiner comment cette écriture migrante du chaos, loin de désespérer
fonde l’espoir de la renaissance de la femme subsaharienne, celle qui défie
toute la stéréotypie du déterminisme.
Mots-clés : déterminisme, subsahariennes, marginalisée, subversion,
antidestin.
Le mot marginal dans sa forme substantivale
désigne une personne vivant en marge de la société. La
marginalisation peut correspondre à un choix, un mode de vie, mais
aussi, elle peut-être le résultat d’une contrainte, d’un rejet social. Dans
ces conditions, on parlera alors d’exclusion qui s’étend quelquefois à
la racisation, avec ce que cela comporte de méprisant, de dédaigneux
et de xénophobe. Ce qui engage la présente communication à une
analyse de l’image des femmes subsahariennes opprimées, exclues
dont la réalité est souvent reléguée au second plan dans le champ des
études littéraires. Notre propos vise donc à répondre à deux
18
Communication interculturelle et littérature
préoccupations essentielles : quelle représentation de la femme
subsaharienne se fait les auteurs diasporiques, Miano en
l’occurrence ? Cet accent mis sur l’exclusion, doit-il faire croire à une
volonté de donner une image dépréciative du continent Noir ? Trois
articulations doivent nous permettre de cerner les contours de ce
questionnement. La première portera sur les fondements des
discriminations de la femme ; la seconde fera le point sur la typologie
et les différentes strates de marginalisation ; et la dernière mettra un
point d’honneur sur la significativité d’une telle représentation de la
marginalité de la gente féminine dans la prose romanesque de Léonora
Miano.
1. Du déterminisme exclusionnel
La marginalisation de la femme dans la prose de Léonora Miano
procède d’un ensemble de considérations antérieur à sa venue au
monde, du moins à sa prise de conscience en tant qu’être à part entière.
Au rang de ces conditions de marginalisation, on citera les stéréotypes
et le poids de la signification des noms qui lui sont attribués.
1.1. Les stéréotypes sexismes de la vulnérabilité féminine
Considéré comme une croyance ou une opinion, le stéréotype
relève toujours du préconstruit et s’apparente au préjugé. Même si le
stéréotype est un élément doxique obligé de la catégorisation, de la
construction de l’identité et de la relation à l’autre, il n’empêche qu’il
est, à en croire Ruth Amossy, affecté d’un fort coefficient de
péjoration : il manifeste la pensée grégaire qui dévalue la doxa aux
yeux des contemporains1. L’œuvre de Miano recèle de nombreuses
considérations fondées sur un modèle culturel préexistant, qui
participe de la construction d’une image réductrice de la femme,
faisant d’elle un réduit. Il s’agit d’un ensemble de pesanteurs
socioculturelles dont la plus importante semble être la phallocratie.
L’oppression sexiste s’inscrit dans un système patriarcal assez
fort : les patriarches jouissaient du pouvoir suprême [L’intérieure de
la nuit : 17]. C’est à la femme qu’incombe les tâches les plus pénibles
du foyer, d’autant plus que c’est à elle que revient la charge d’éduquer
les enfants, ainsi que toute la gestion du foyer, les hommes étant le
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19
plus souvent absents. C’est ce qui explique que le personnage Eké soit
pris pour un exemple d’homme féminisée pour avoir osé aider sa
compagne : -L’autre jour, Eké ne s’est pas contenté de l’accompagner
à la source. Il y est allé à sa place ! Comme une femme !
[L’intérieure de la nuit : 17]. Normale qu’une attitude aussi
inhabituelle choque, d’autant que les habitants d’Eku étaient
maintenus dans un système de croyance qui faisait de la femme un
éternel subalterne condamné à une soumission taciturne : lorsqu’ils
passaient par le village, ce n’était que pour déposer des miettes, faire
tonner leurs voix en distribuant des consignes dont ils ne pourraient
superviser l’application. Et les femmes restaient là avec le monde sur
les épaules. [L’intérieure de la nuit : 14]. Il y a dans cet exemple un
choix minutieux des termes qui disent bien l’inconsistance de la
contribution des hommes (miettes), pire encore leur inconscience de la
charge familiale. On en voudra pour preuve la facilité à donner des
consignes (distribuant). Le poids des coutumes et des traditions a
confiné les femmes dans cette posture autarciste que symbolise leur
prison physique et mentale : les filles, quant à elles, demeuraient sur
place…Nul n’avait jamais eu l’idée saugrenue de les faire étudier
[L’intérieure de la nuit : 14]. Tout le système de domination
masculine fonctionne normalement comme si un sort aveuglant avait
été jeté à la gente féminine.
Il ne serait pas exagéré de parler d’une malédiction de femme
d’autant que le système de croyances est un véritable carcan
emprisonnant celle-ci. Outre le poids que lui imposait sa place de
gestionnaire du ménage, elle devait encore accepter sans broncher, que
leur soit imposer une ou plusieurs coépouses. Ce silence n’avait
d’autre vue que la préservation supposée de l’intérêt supérieur de la
communauté. Plus qu’un sujet tabou, la tradition avait su en faire
motif de soulagement :
Que les hommes aient plusieurs femmes ne les dérangeait pas… Pour
elles, le fait de partager avec d’autres un homme pour lequel on n’avait
pas de sentiments était un soulagement. On pouvait, si on était futée et
qu’on s’entendait bien, se repartir les tâches… Rien de tout cela ne
remplaçait la liberté. La vraie. Mais lorsqu’on était membre d’un clan,
d’une communauté, seule comptait la cohésion du groupe [L’intérieure de
la nuit : 38-39].
L’obligation de préserver les lois du clan condamnait les femmes à
se plier au mutisme, même lorsqu’un forfait commis par leur homme
20
Communication interculturelle et littérature
devait les éclabousser : Il avait rendu l’âme en expulsant ses fluides
dans le ventre de sa maîtresse du moment. La honte avait alors foncé
sur la veuve, comme un épervier sur une souris [L’intérieure de la
nuit : 40-41]. Visiblement cet homme n’était pas à son premier acte
adultérin. On en voudra pour preuve le groupe substantival sa
maîtresse du moment. En plus de supporter ses aventures extraconjugales, son épouse doit devenir la risée de son entourage. Un bien
triste sort qu’on retrouve chez la jeune fille.
Naître une fille est déjà en soit un crime, car les règles établies par
la tradition vous condamnent à suivre un chemin tout tracé, tout aussi
ténébreux que celui de la femme. On est en fait condamnée à un
traitement moins laudateur que celui du garçon. Tenez par exemple,
les garçons dans le village d’Eku peut espérer faire des études en deçà
de l’âge de douze ans ; les filles pour leur part, demeuraient sur place
à tourner et à retourner la terre qui ne laissait pousser que ce qu’on
lui arrachait [L’intérieure de la nuit : 14]. Notons la rudesse du travail
auquel est soumise la jeune fille. Ce n’est pas tant dans fait de
retourner le sol qu’elle est le plus à plaindre, mais dans la stérilité de
ce dernier, ce qui implique un supplément de travail que d’ordinaire et
pour quel résultat. Cette situation de forcenée, la jeune fille devra
l’endurer du berceau au crépuscule de ses jours. Le déterminisme
statutaire de la jeune fille l’installe dans un cycle chaotique qu’elle
devra suivre scrupuleusement, leurs mères leur apprenant à vivre
comme elles- même l’avaient fait: Les dents serrées, le dos bien
rigide, l’espérance vaincue. Les filles se marieraient, enfanteraient, se
tairaient. Leur vie passée à ruminer des rêves irréalisables
s’écoulerait à grands flots d’amertume muette. Comme leurs mères,
elles ne verraient absolument aucune raison de souhaiter autre chose
aux filles qui leur naîtraient, de se battre pour leur offrir une autre vie
[L’intérieure de la nuit : 14-15]. Le narrateur installe la jeune fille
dans un cycle infernal de déterminisme absolu au même titre que les
noms de ses personnages.
1.2. Du déterminisme onomastique
Nommer c’est définir l’identité d’un être ou d’un objet, c’est ôter à
ce dernier toute la neutralité qu’il avait ou qu’il aurait pu avoir s’il
n’avait pas été ainsi défini. Il est donc important d’établir une
correspondance entre certains patronymes et leur fonctionnement
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21
sémantique dans le réseau actantiel de marginalisation féminine. En
claire, il existe une adéquation entre les choses et leur désignation qui
permet de valider le principe de transcendance et de déterminisme
nominal. Les noms revêtent une signification capitale dans le
déterminisme des marginalisées chez Miano.
Dans de nombreuses civilisations, y compris en l’Afrique, le nom
renferme un mystère pouvant, au-delà de la singularisation de l’être,
impliquer une équivalence réelle entre l’essence et la substance. C’est
pourquoi la signification littérale d’un nom peu influencer le devenir
de l’être qui le porte. Le nom apparaît donc comme un élément de
conditionnalité existentiel d’un personnage. Se comprendre mieux
alors que le personnage d’Ayané soit une marginalisée de part son
nom : Elle maudit sa bouche qui se refusait toujours à prononcer les
trois syllabes du prénom d’Ayané. Puisqu’elle ne pouvait l’appeler,
elle devait la rejoindre. Avec un nom pareil, quels ancêtres la
reconnaîtraient ? [L’intérieure de la nuit : 29]. L’interrogation qui
vient clore cette occurrence traduit bien l’importance accordée au nom
dans nos sociétés africaines. En donnant à leur enfant un nom qui
n’avait pas de signification dans l’onomastique douala, les parents
d’Ayané en ont fait une marginale, s’inscrivant dans une rupture
ancestrale. Il n’est donc plus étonnant qu’elle soit considérée comme
une étrangère dans son village. Ce qui ne sera pas sans conséquences
dans sa difficile sociabilisation. Le nom peut donc se révéler être un
élément affecté d’une significativité tragique.
Dans le roman de Miano, le patronyme est un élément déterminant
de la destinée du personnage. Prenons le cas de Musango, héroïne de
Contours du jour qui vient. En effet, Musango signifie en langue
douala paix. Mais ce personnage qui est en réalité une fillette vit les
pires formes de maltraitance que peut connaître une enfant. Elle est en
réalité victime de la signification de son nom, car en fait, le caractère
pacifique que suggère celui-ci se transforme en véritable passiveté.
Pareillement, Ayané donc le nom n’a de signification est condamnée
à une incapacité à définir son identité. A la question de savoir où elle
pense avoir le plus de légitimité pour s’exprimer, elle répond : Nulle
part, je crois. J’ai renoncé à toute appartenance [L’intérieure de la
nuit : 204]. Quelle tragédie de n’avoir aucune identité, méconnue des
siens, ignorée de l’occident. La significativité des noms des héroïnes
de Miano les installe dans un inconfort définitionnel de leurs
dimensions d’individu, prenant contrôle de leur destinée. Ce qui peut
se vérifier à plus d’un niveau d’appréciation.
22
Communication interculturelle et littérature
2. Strates et typologie d’exclusions
La marginalisation des subsahariennes dans la prose de Léonora
Miano emprunte des formes multiples et subsume toutes les strates des
sociétés fictionnelles qu’elle met en scène.
2.1. Trois niveaux de marginalité féminine
Vivre en marge de son groupe social et des conventions de ce
groupe peut s’avérer être un acte volontaire ou involontaire qui, dans
les romans de Miano, peut s’observer au niveau familial, du clan et de
la société.
Il est communément admis que la cellule familiale est le socle de
toute société et c’est à son image que pourrait se définir cette dernière
si les comportements venaient à être généralisés. Malheureusement,
ici encore, on retrouve un cas de marginalisation le plus criard, celle
d’êtres les plus vulnérables : la jeune fille et la mère. Le plus saisissant
c’est le lien de parenté qui unit le marginalisé et son bourreau.
Prenons le cas de Mousango l’héroïne de Contours du jour qui vient.
Cette fillette, drépanocytaire innocente, est perçue par sa mère comme
étant la cause du décès de son amant. Sésé, la prétendue voyante avait
soutenu qu’elle se sentait mieux uniquement quand son père n’était
plus. Cette enfant n’avait jamais connu d’affection maternelle, on en
voudra pour preuve ce qu’elle dit après une caresse sur sa joue : Je
pense que personne ne m’avait jamais touchée de cette façon
[Contours du jour qui vient : 30]. Comment une mère pouvait-elle
devenir le bourreau de sa propre fille au point de la chasser de la
maison en l’accusant de sorcellerie [Contours du jour qui vient : 30].
Ce traitement odieux d’un parent n’est pas l’apanage de cette mère.
Les fils peuvent être plus cyniques encore. C’est ce spectacle désolent
que donne à voir Ces âmes chagrines. Le jeune Antoine dit Snow,
accusant sa mère d’être responsable de son enfance malheureuse,
parce qu’ayant voulu préserver sa relation avec son amant, cherche à
se venger d’elle en lui accordant peu de considération, du mépris à la
limite.
Ayané est le prototype de la jeune fille marginalisée par son clan.
Puisqu’issue d’une union peu ordinaire dans son village et pour avoir
osé briser le tabou d’aller à l’école, plus grave faire des études en
occident, elle ne pouvait qu’être vue étrangement. Ce qui fait dire au
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23
narrateur que très tôt, Ayané avait compris que ses parents et elle ne
faisaient pas partie de ce groupe [L’intérieure de la nuit : 39].
Quand on parle marginalité, on y voit souvent aussi l’incapacité du
marginalisé à s’adapter à son milieu. Il a un regard étrange sur la
société et réciproquement. C’est le cas d’Epoupa, la folle de
l’Intérieure de la nuit qu’on retrouvera dans Les aubes écarlates.
C’est dire que la femme marginalisée se recrute à toutes les strates
sociétales impliquant une variété formelle dense.
2.2. Les formes de marginalité
Plusieurs formes de marginalisations sont présentes dans le roman
de Léonora Miano, mais les plus poignantes semblent être empruntées
à la violence physique, psychologique et sexuelle à l’endroit des
femmes.
La brutalité à l’endroit des personnages féminins fait d’elles des
marginales. Les figures de la mère et de la jeune fille sont les plus
pathétiques. La mère, lorsqu’elle a vieilli, attend de ses enfants une
attention à la dimension de l’amour qu’elle leur a porté. Ce qui ne
semble pas être le cas d’Antoine qui, pour se venger de sa mère
Thamar, se donne du plaisir à la voir croupir sous le poids de la
misère et de l’errance : Ce qu’il désirait, c’était la voir ainsi devant lui
sale, démunie [Ces âmes chagrines : 27]. Une ligne de description de
son logis suggère une puanteur putride : son matelas bouffé aux mites,
rempli de punaises [Ces âmes chagrines : 29]. Il est même triste
lorsque son frère décide de donner une vie plus commode à leur
maman. L’errance de Musango en est comparable. La haine de sa
mère à son endroit étonne plus d’un : Si ta mère te hait à se point, elle
seule sait pourquoi, déclare sa grand-mère [Contours du jour qui
vient : 23]. Comment une mère sensée peut-elle attacher à un
manguier et bastonner son enfant de sept ans en l’accusant de
sorcellerie, allant jusqu’à l’expulser de la maison ? Le dénuement
dans lequel elle déambule dans les rues de Sombè la fait passer pour
folle. C’est sans parler des injures qu’elle aura subi auparavant.
La violence verbale procède de paroles persuasives qui choquent la
sensibilité, des mots qui relèvent de la cacophonie, un univers
nébuleux de la maldisance dont le rapport à la violence est patent2.
L’outrance langagière se manifeste dans notre corpus par des
insinuations calomnieuses et diffamatoires. La plus courante étant la
24
Communication interculturelle et littérature
sorcellerie. La petite Mousango subit des sévices corporels sans
précédent de la part de sa mère pour, dit-elle, extirper le démon
qu’elle abrite en elle et qui cause notre malheur [Contours du jour qui
vient : 17]. Accuser sa propre fille de sorcellerie, les femmes d’Eku en
font de même avec la mère d’Ayané et c’est l’enfant qui le reçoit sur
le visage : leur jeu favori était de lui rapporter ce que disaient leurs
mères de la sienne :
- C’est une sorcière, lui lançait-on.
- Elle a fait manger de ses propres excréments à ton père,
ajoutait-on [L’intérieure de la nuit : 39].
Ce qui est très proche de ce que vit Thamar dans son couple : Elle
gémissait tandis que Pierre l’injuriait, le souffle court, avant de
pousser un hurlement. Cela ne s’arrêtait que pour recommencer un
peu plus tard [Ces âmes chagrines : 29].
L’impudeur et le grotesque font partie de ce vocabulaire choquant
à l’endroit de certaines femmes considérées comme des êtres
inférieurs.
Dans la prose de Miano, la masculinité fonde un mythe symbolique
de sa suprématie sur la femme, faisant de cette dernière son marche
pied. C’est le cas de cette interprétation de la bible que fait Colonne
du Temple : Ce n’est pas l’homme en effet qui a été tiré de la femme,
mais la femme de l’homme ; et ce n’est pas l’homme qui a été créé
pour la femme, mais la femme pour l’homme. […] Les dames de
l’assistance portent toutes un foulard, les filles aussi. [Contours du
jour qui vient : 101]. Le foulard qu’abhorre la gente féminine dans cet
exemple est sans contexte le symbole d’une subordination notoire. Il
est important de remarquer que cette soumission aveugle au principe
d’aliénation de la femme emprunte même au coutumier. On l’a vu
avec les femmes d’Eku qui, sous le poids des traditions, demeurent
par essence des êtres inférieurs aux hommes. Il y a là une forme
d’aliénation.
Parce que posant des actes incompréhensibles ou ayant leur
logique à eux, les fous sont considérés comme des marginaux.
L’effondrement psychique du personnage est incarné par une femme :
Epupa. L’internement psychiatrique au Mboasu est réservé aux plus
fortunés. Pourtant, si Epupa marche presque nue, en route depuis deux
ans, c’est simplement parce que sa famille l’a chassée [L’intérieure de
la nuit : 211]. Personne ne souhaite en prendre soin, ironie du sort elle
se trouve enceinte. Ce qui n’est pas extraordinaire, on en avait vu
d’autres : Cela n’aurait pas été la première fois, qu’une femme égarée
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
25
était engrossée par un homme qui ne la trouvait pas si folle au
moment de la posséder [L’intérieure de la nuit : 213]. Celle qu’on
considère comme étant la folle la plus célèbre de Sombè, conserve
encore une part de raison, du moins la sienne. On l’avait vue étrangler
son nourrisson, ne supportant pas d’avoir mis au monde un enfant
mâle [Contours du jour qui vient : 22]. L’abus sexuel sur les femmes
peut se transformer en véritable commerce, faisant de la femme un
objet marchand.
La femme apparaît à plus d’un titre comme un objet de curiosité : il
n’aurait pas deux semaines à consacrer à cette petite [Ces âmes
chagrines : 118]. La femme est pour Snow juste une proie, un être
qu’il pourrait malmener [Ces âmes chagrines : 121]. Cela semble être
héréditaire, son géniteur ayant fait de même avec sa maman : C’était
là, au cœur de l’Intra-muros, un soir de printemps, qu’il l’avait
larguée enceinte dans la petite chambre d’hôtel qu’ils avaient
occupée ensemble [Ces âmes chagrines : 27]. Normal, que ferait un
occidental issu de la bourgeoisie avec une femme de couleur sans
réputation, le passe temps s’arrêtait alors. Une curiosité à exhiber, un
élément de son costume d’aventurier : une Noire à son bras, c’est tout
ce qu’était Thamar pour Pierre. Ce que les jeunes filles de Sombè
n’avaient pas compris et continuaient à dégainer plus vite que leur
ombre sur le moindre visage pâle qui bougeait [L’intérieure de la
nuit : 213]. Elles étaient prêtes à se contenter d’un mari couleur local
s’il était fortuné. Les subsahariennes sont présentées comme des
objets marchands : Alors Siliki avait été vendue à un trafiquant de
Nasimapula [Contours du jour qui vient : 55]. Ce qui fait dire à
Musango que ses bourreaux pratiquent la traite des femmes. Les
mères ne sont pas toujours innocentes dans ce type de pratiques : Celle
qui a fait un enfant à son beau père ? […] C’est plutôt lui qui le lui a
fait et la mère de la gamine a pratiqué un avortement à mains nues.
La môme a eu une crise mystique [Contours du jour qui vient : 83].
Les féticheurs avançaient de telles âneries détruisant l’existence des
jeunes filles : Il fait venir un des jeunes gens […] Il doit coucher avec
elle le plus de fois possible dans la journée. [Contours du jour qui
vient : 87] pour dit-on, nettoyer l’âme souillée d’Endalé.
Ce tableau grave doit-il faire croire à un désengagement de la
femme, à un stoïcisme passif ? Les femmes vont-elles se résilier ou
plutôt opter pour une solution radicale, tenter d’inverser le cours des
choses ?
26
Communication interculturelle et littérature
3. Résilience des subsahariennes
marginalisées
Résister aux forces qui tentent de les écraser est l’option pour
laquelle les subsahariennes marginalisées de la prose de Léonora
Miano optent dans la plupart des cas. C’est le lieu d’interroger les
différentes formes qu’emprunte cette subversion et d’approcher une
interprétation plus générale du phénomène dans l’esthétique de
l’œuvre de cette auteure.
3.1. Subversions et valeurs d’un antidestin
Dans le corpus qui nous intéresse, plusieurs figures féminines
aspirent à vivre différemment des clichés qui ont toujours dictés
l’existence de femmes. Pour y arriver elles vont commencer par
déconstruire les mythes de leur emprisonnement et adopter des valeurs
leur permettant de se forger un antidestin.
Tout commence par une prise de conscience de son potentielle à
changer les choses qu’on leur a longtemps imposées. A ce sujet,
l’exemple de Musango est patent : J’ai douze ans. Je pense. Je
respire. Je me soulève. Je suis la fin des temps qu’ils ne voient pas
venir, le jour où on saura que le singulier surplombe le pluriel, que le
second n’a de chance que s’il a permis l’émergence du premier.
[Contours du jour qui vient : 90, 91]. Elle comprend qu’elle a la force
de changer les choses, de renverser tout un système qui exploite la
misère des pauvres et considère la femme comme une vulgaire
marchandise. Cette force elle la trouve enfin en elle : pour une fois j’ai
dormi et voyagé en moi-même [Contours du jour qui vient : 131].
Pareillement, Ayané décide de rester pour comprendre ce qui
l’échappait dans son village, au lieu de rentrer en France finir sa thèse.
Elle pense que son pays, et surtout son village où elle passe pour
étrangère, ont besoin d’elle. Elle jouera un rôle de première
importance dans le retour à l’équilibre de son village. On ne saurait en
dire moins d’Epupa qui sert de courroie de transmission entre les
ancêtres et les vivants qui œuvrent au retour des fils d’Eku. Tout cela
ne serait possible sans un esprit de pardon et de la compassion.
C’est par solidarité qu’Ayané est restée œuvre dans l’humanitaire
au Mboasu et penser le devenir d’Eku. Alors que tout le monde fuit
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Epupa, la traitant de folle, l’ignorant et lui marchant dessus, Ayané va
vers elle, lui parle. Mieux encore elle communie avec elle : Sans
savoir pourquoi, Ayané ressentit le besoin de se joindre à elle. Alors,
elle étreignit la jeune femme et, comme elle, cria de toutes ses forces
[L’intérieure de la nuit : 214]. Musango pour sa part avait compris
que la colère est vaine. Elle ne fait pas passer le chagrin [Contours du
jour qui vient : 127]. En dépit de toutes les souffrances que lui avait
fait subir sa mère, elle ne demeurait pas moins la seule qu’elle oserait
appeler maman : Je lui ai dit que cela m’était impossible. Sans vouloir
lui manquer de respect, j’avais déjà une mère [Contours du jour qui
vient : 61] avait-elle précisé à celle qui s’occupait pourtant d’elle
comme une maman et qui connaissait bien son histoire. L’attachement
à sa mère dont fait preuve la narratrice dans cet exemple est presque
ahurissant. Sa mère qui l’a traitée comme une ennemie, avec le plus
grand dédain compte toujours autant pour elle. Plus étonnant, sa
bataille pour la survie n’a de raison que le besoin de retrouver sa mère,
cette mère qu’elle aime malgré tout. C’est donc dire que pour avancer,
les subsahariennes marginalisées savent faire peau neuve pour se
réinventer un chemin.
Loin du pessimisme qui les condamne dans la voie du routinier, les
installant dans la passivité, elles prennent la décision courageuse de se
donner une existence qu’elles se seront choisie. C’est ainsi qu’Ayané
ayant quitté son village pour poursuivre ses études en ville ne se laisse
pas emportée par cette existence de prostitution que mène ses
camarades étudiantes. Elle est le prototype de l’anticonformisme et de
la croyance en soi-même. C’est cette sensation, cette capacité à penser
différemment qui pousse Musango à essayer la résilience : la
sensation des viscères et du sang qui s’échappaient de leurs corps
m’instruisait sur la réalité de ma puissance. Ils mouraient et je vivais.
Les choses me sont apparues sous un autre angle [Contours du jour
qui vient : 61]. Elle pouvait envisager son avenir autrement que fait
d’obscurité moite. Face à l’endurcissement constant de Antoine,
Thamar conclut qu’il valait mieux pour elle de saisir l’opportunité qui
s’offrait à elle de retourner vivre au Mboasu. Résultat : Thamar avait
compris combien la crainte du rejet avait été une sottise. Au Mboasu,
elle était à la maison […] Si elle n’était pas riche sur le plan matériel,
elle avait une expérience à partager [Ces âmes chagrines : 27]. Sa vie
avait de nouveau un sens loin des errements et de la misère sous
laquelle elle croupissait en occident.
28
Communication interculturelle et littérature
Toutes ces attitudes positives doivent laisser croire que le visage de
la marginalité subsaharienne n’est pas un afro-pessimisme sous la
plume de Miano.
3.2. De la significativité de l’exclusion des subsahariennes chez
Miano
La signification d’une œuvre se construit par la prise en compte de
certains éléments contextuels, du confort intellectuel du lecteur. Il faut
dont relire la fiction de la marginalisation des subsahariennes comme
un texte assez particulier dans la mesure où il nous livre un regard
d’africaine exilée sur la condition de la femme marginalisée.
Un certain nombre de préjugés – passivité des femmes, la femme
toujours considérée comme la partie négative, la faible de l’humanité
– a fortement contribué à emprisonner la subsaharienne dans le cocon
de la marginalité. La représentation de la marginalisation féminine
dans la prose de Léonora Miano nous amène à avoir un regard attentif
du processus de neutralisation des catégories sociales. Tout se passe
comme si la marche de l’humanité s’était figée autour de préconstruits
idéologiques. Or le prédéfini est une variable conditionnée par les
rapports de force qui permettent la cohésion d’un groupe. Si on
emprunte au déconstructivisme de Jacques Derrida3, on comprendra
différemment la démarche de Miano. En effet, selon Derrida, le
signifié d’un signifiant est quelque chose de très instable, de très
variable dans le temps et l’espace. Ainsi, sortant de la binarité
définitionnelle homme/femme, fille/mère, les personnages de la prose
de Miano se définissent comme des individus, et non simplement des
éléments constitutifs d’une communauté qui doivent s’en tenir aux
règles de celle-ci. On voit bien Ié, la doyenne d’Eku, tenir le rôle de
chef de la communauté en absence d’homme pour le faire. Le concept
de différance qui prédomine chez Jacques Derrida est saisissant. Il
incarne le devenir (lutte contre les significations figées); la différance
est le déplacement des signifiants qui signifient en marge puisqu’il n’y
a pas de signifié transcendantal, originel et organisateur. On ne saurait
en dire moins d’Ayané qui se considère comme une part d’Eku au
même titre que Ié et ose désigner nommément cette dernière, chose
interdite dans le clan. Même après avoir bravé les interdits de cette
communauté-scolarisation, traversée des frontières du village et du
pays – elle reste attachée à ses racines. Il faudrait donc que la
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subsaharienne marginalisée ne se croit pas condamnée par des
considérations stéréotypées, et se dise qu’avant d’être membre d’une
communauté, elle est d’abord un individu à part entière. Ce qui nous
installe dans la démarche globale de la littérature dite du chaos en
Afrique.
Par littérature africaine du chaos, on a souvent désigné ces écrits
présentant le visage assez sombre d’une Afrique qui se meurt,
s’autodétruit. Contrairement à la négritude qui faisait l’éloge d’une
Afrique de toutes les humanités, celle-ci construit une image quasi
caricaturale du continent. Ce n’est pas étonnant que Fabien Honoré
Kabeya Mukamba établit un parallèle entre dénonciation et afropessimisme dans cette dernière :
La monstration de l’horreur, de la putréfaction sociétale, ne serait-elle pas
un piège, une contamination mentale, une reproduction d’une littérature
faisandée ? Certes, il faut préserver le devoir de mémoire, mais la
mémoire doit-elle se nourrir seulement des négativités ? Pourquoi
l’écrivain négro-africain est-il obnubilé par le mal-être ? Le devoir de
mémoire ne devrait-il pas s’imposer aussi et surtout quand il s’agit de
montrer au grand jour les valeurs africaines de solidarité, de spiritualité et
de moralité qui résistent tant bien que mal aux chants des sirènes ?
L’écrivain africain, par son parti pris de la dénonciation tous azimuts du
mal-vivre, ne contribue-t-il pas efficacement et malgré lui à
l’accroissement du nombre d’afro-pessimistes ?4.
Cette colère sourde est celle de la quasi-totalité des critiques du
continent. Comment les écrivains diasporiques peuvent-ils se
cantonner dans la peinture sombre d’une Afrique qui recèle tant de
potentiel sans se douter qu’ils choqueraient plus d’un sur le
continent ? Honoré KABEYA pense qu’il faut trouver le juste milieu
pour faire vrai et juste: dénoncer le mal et annoncer le bien5. C’est
dans ce sillage que s’inscrit la marginalité subsaharienne de la prose
de Léonora Miano. Elle ne fait pas que dénoncer la marginalisation et
l’exclusion des femmes dans les sociétés du continent. Elle va plus
loin en créant des personnages marginalisés qui parviennent à inverser
la tendance. A ce titre, on peut considérer sa prose comme une
réorientation de la littérature, non pas comme une source de
transmission de l’horreur, mais comme un vecteur de mutation de
nouvelles sociétés idéalisées.
En guise de conclusion, nous dirons que la représentation de la
marginalisation de la femme subsaharienne n’a rien d’un afro-
30
Communication interculturelle et littérature
pessimisme sous la plume de Miano. Il s’agit de dire ce mal qui
envenime l’existence des femmes dans nos sociétés du sud, tout en
préservant un aspect essentiel, celui des possibles qui s’offrent à elles.
C’est à elles de comprendre qu’elles appartiennent à une communauté
certes, mais qu’avant toute chose, elles sont des individualités qui
peuvent et doivent prendre leur destin en main. Vue sous cet angle, la
franco-migritude de Léonora Miano serait alors une contribution à une
vision prospective de l’Afrique qu’on retrouverait chez de nombreux
autres écrivains immigrés.
Bibliographie
Amossy, Ruth, L’argumentation dans le discours, Nathan, Paris, 2000.
Derrida, Jacques, L’Ecriture et la différance, Le Seuil, coll. Points, Paris,
1967.
Kabeya Mukamba, Fabien Honore, « Dénonciation et afro-pessimisme dans
la littérature négro-africaine » in Les actes du colloque international de
Lumubashi 1960-2004, Bilan et tendances de la littérature négroafricaine, Presses universitaires de Lubumbashi, 2005, pp. 102-110.
Miano, Léonora, L’intérieur de la nuit, Plon, Paris, 2005.
Miano, Léonora, Contours du jour qui vient, Plon, Paris, 2006.
Miano, Léonora, Les Aubes écarlates, Plon, Paris, 2009.
Miano, Léonora, Ces Ames chagrines, Plon, Paris, 2010.
Mwatha, Musanji Ngalasso, « Langage et violence dans la littérature
africaine écrite en français » in Notre librairie, n° 148, Dumas, Paris,
2002, pp.72-80.
Notes
1
2
3
4
5
Ruth Amossy, L’argumentation dans le discours, Paris, Nathan, 2000,
p. 110.
Mwatha Musanji Ngalasso, « langage et violence dans la littérature
africaine écrite en français », Notre librairie, n°148, Paris, Dumas, 2002,
pp. 72-80.
Jacques Derrida, L’Ecriture et la différance, Paris, Le Seuil, coll. Points,
1967.
Kabeya Mukamba Fabien Honore, « Dénonciation et afro-pessimisme
dans la littérature négro-africaine », Les actes du colloque international
de Lumubashi , « 1960-2004, Bilan et tendances de la littérature négroafricaine », Presses universitaires de Lubumbashi, 2005, p.p. 102-110.
Ibidem.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
31
Taos Amrouche : Le recours à l’autofiction
comme stratégie d’émancipation
Alice Froger
Résumé : Cet article s’attache à mettre en perspective la relation entre la
situation de la romancière — dans son rapport à la langue, à la féminité, à
l’exil, à la religion — et la complexité de la forme littéraire choisie. Éternelle
exilée, Taos Amrouche était tiraillée par l’attachement qu’elle portait à des
pôles opposés. Une pensée binaire caractérisée par la nature antinomique de
ce qu’elle préférait appeler le roman autobiographique, un genre à l’image
de l’auteure : hybride.
Marquée par de nombreuses ambivalences : partagée entre deux rives
géographiques, entre le rejet et l’acceptation, la passion et le discernement,
le réel et l’imaginaire, à la fois victime et bourreau, la romancière dévoile
son authenticité à travers un dispositif autofictionnel lui-même ambigu.
À la lumière des trois principaux romans : Jacinthe noire, Rue des
tambourins et L’Amant imaginaire, nous tâcherons de comprendre dans
quelles mesures l’énonciation autobiographique représentait un recours
audacieux, et une démonstration irréfutable de la volonté de l’auteure de
s’annihiler ou s’affabuler dans la multiplication des voix.
Mots-clés : Taos Amrouche, Algérie, autofiction, écriture féminine,
émancipation, ambivalence.
T
aos Amrouche est née en Tunisie en 1913,
baptisée Marie-Louise Taos, elle naquit française, de parents émigrés
de Kabylie. Elle partit très tôt étudier en France et réalise que sa
double appartenance sera une grande source de joie, mais aussi de
souffrance.
La France est perçue par la petite Kouka, la narratrice de Rue des
tambourins, comme un pays ravisseur qui semble endormir les
hommes et les contraindre à négliger leurs racines, comme ce fut le
cas pour son frère. Mais ce pays représente aussi le pays du savoir, de
l’émancipation. Elle prend alors conscience du poids des mots. Reine,
un des personnages centraux de Jacinthe noire, est pourtant
rapidement mise à l’écart pour ses lectures. Taos Amrouche fut la
victime de semblables déceptions au sujet de sa culture d’origine. Le
32
Communication interculturelle et littérature
tronc berbère dont sa famille émane, celui qu’elle incarne même au
travers de ses chants – puisque Taos Amrouche était une grande
cantatrice de chants berbères – bien qu’étant une partie d’elle, la
rejette « comment échapper à ce qui est soi-même ?1 ». Une situation
oscillant entre rejet et attraction mutuels que la romancière décrit lors
d’une intervention télévisée :
La famille Amrouche, Kateb Yacine l’a définie : « une figue de barbarie
». Cela signifie que si la France s’empare de cette famille, elle se pique,
parce que les racines de cette famille sont des racines maghrébines,
algériennes, singulièrement berbères.
Vous voyez, si l’Algérie dit « cette famille Amrouche nous appartient
totalement » elle aussi se pique, et se pique cruellement parce que sur ce
tronc africain, africain du Nord, a été opérée une greffe française et une
greffe chrétienne.
Cependant, toutes les séductions de l’Occident et de la France, que nous
aimons, n’ont pas pu obtenir que cette famille soit véritablement et
totalement assimilable. […] et ce problème, je crois que mon frère l’a
analysé, il en est mort car il était écartelé entre les deux communautés2.
Des espaces géographiques et culturels empêchants qui nécessitent
la création d’un espace qui fait corps avec l’exilée : l’autofiction, un
genre lui-même ambigu puisque caractérisé d’emblée par son
antinomie. Une mixité générique considérée, ainsi que nous l’indique
Philippe Gasparini, « comme une monstruosité originale et
indescriptible3 ». Un genre donc à l’image de l’auteure, marqué d’une
hybridité porteuse du souffle créateur et témoin d’une complexité
difficile à assumer.
C’est au sein de trois romans : Jacinthe noire, Rue des tambourins
et l’Amant imaginaire que ces espaces virtuels prennent vie, exaltant
l’hybridité du genre, personnifiant la pluralité de l’auteure.
Philippe Lejeune, dans son analyse du rapport entre l’auteur et son
texte autobiographique, explique que l’écriture de soi résulte de deux
démarches distinctes pour l’auteur. En passant par l’autobiographie
d’une part, supposant l’intervention de procédés précis comme un
narrateur qui porte le nom de l’auteur, un pacte autobiographique liant
contractuellement le lecteur et l’écrivain. L’auteur peut également
choisir d’écrire un roman autobiographique, qui donne la parole à un
narrateur fictif, porte la mention de roman, mais inclut à l’histoire
supposée fictive, des éléments biographiques du romancier. Les trois
premiers romans de Taos Amrouche qui forment la Moisson de l’exil
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
33
sont introduits comme étant des romans et non des autobiographies.
La romancière fait ainsi appel à des personnages fictifs qui prennent le
relais de la parole. À priori, un lecteur non averti pourrait ainsi
entreprendre la lecture de ces œuvres comme de parfaites fictions.
Mais à condition de s’y attarder, le public découvre que sont
dissimulés à l’intérieur du texte et dans sa périphérie de nombreux
indices qui permettent une corrélation directe entre la parole des
narrateurs et celle de l’auteure. Taos Amrouche ne forme ainsi plus
qu’une avec ses personnages et offre alors le récit de sa propre
existence. La mise en place d’un retour sur soi biaisé par des systèmes
énonciatifs particuliers nous pousse à nous interroger sur les
motivations d’un recours à de tels procédés, ainsi que, de manière plus
générale, sur les enjeux réels de l’écriture.
Que le lecteur ait connaissance d’éléments biographiques propres à
la romancière ou non, cette dernière lie subtilement son discours à son
vécu. Dans le cas de Jacinthe noire, la dédicace de l’auteure fait écho
au titre de l’œuvre, et dédiant son livre à sa fille et son époux, elle dit
ceci :
À André Bourdil, compagnon de seize années de ma vie, dont la peinture
hautaine me sera toujours un enseignement, afin qu’il s’émerveille de voir
refleurir cette jacinthe.
Et à Laurence Bourdil, notre fille, Jacinthe elle-même – non point
sombre, mais ardente – pour qu’elle nous continue tous deux par son art,
dans le juste équilibre et l’épanouissement de ses ascendances berbère et
française4.
Taos Amrouche se fait jacinthe comme sa propre fille après elle.
Par ailleurs, Marie-Thérèse, ou Maïthé, narratrice du roman, revient
sur quelques mots prononcés par Reine :
Elle se regarda dans une haute glace et sourit. Comment vint-elle à parler
des jacinthes sombres et de son amour pour elles ? Je ne sais plus…
Il y en avait, d’un bleu presque noir, qui poussaient au pied d’un arbre,
dans mon jardin. Un jour, j’ai cueilli la plus belle, la plus sombre et je l’ai
offerte à André. Il nous a regardées longuement, ma fleur et moi, et il a
dit : “ Vous vous ressemblez. ”
Depuis, j’ai découvert que la jacinthe symbolisait la douleur et la
délicatesse5.
L’auteure permet donc une filiation directe entre Reine, sa fille,
elle-même et la jacinthe, assurant une liaison entre fiction et réalité.
34
Communication interculturelle et littérature
La dédicace de Rue des tambourins est à nouveau révélatrice de la
réelle identité des personnages. En effet, si Jacinthe noire éclairait le
lecteur sur l’unité identitaire que forment Reine avec Taos, cette
seconde double dédicace, qui s’adresse à ses ancêtres et à son frère
Jean Amrouche, ouvre quant à elle, la voie sur l’identification d’au
moins un personnage familial. « À mon frère Jean, en souvenir de ces
mots adressés à la fiévreuse adolescente que je fus : “Je suis ici
comme l’Enfant Prodigue qui tient la lampe pour que le puîné ne
trébuche pas”6 ». Or nous savons que Charles, plus âgé de la fratrie
est aussi appelé « le Prodigue7 ». On devine alors que le Prodigue
qu’évoque Kouka, n’est autre que le Prodigue – lui aussi introduit
d’une majuscule – représentant Jean, le frère de Taos. Kouka poursuit
à propos du Prodigue « on n’enchaîne pas le vent8 », or, Aména, la
narratrice de L’Amant imaginaire, dit à son frère Alexandre qu’il «
court comme le vent9 ». Le lecteur est ainsi encouragé à tisser un fil
conducteur entre les deux romans.
De premiers indices qui permettent un rapprochement entre la
fiction et la vie de l’auteur ; d’autres sont plus éloquents encore.
Tout d’abord, elle fait référence à des épisodes familiaux relatés
par sa propre mère dans son roman Histoire de ma vie. Il en est ainsi
par exemple avec « l’épisode des dés à coudre10 » comme le décrit
Caroline, la mère de Kouka :
Un matin, voici que les grandes décident de faire grève. Lasses de coudre
pour le compte des religieuses, elles imaginent de jeter au cabinet leurs
dés et leurs ciseaux. Survient Sœur Sébastien, responsable de l’ouvroir.
Les grandes accusent la petite Caroline (Yemma) d’avoir jeté les dés dans
le trou. L’enfant pleure, se débat. La religieuse la corrige sévèrement (le
petit corps devrait en garder des traces quelques jours après). La
religieuse contraint l’enfant à retrouver les dés, à les chercher là où on les
avait jetés ; patouiller avec ses petites mains dans l’ordure. Elle fait
mieux : elle remplit une gamelle d’excréments qu’elle force la fillette à
porter sur la tête, en signe de mortification […] Le lendemain ou
surlendemain, ma mère, cette femme magnifique que seul le Prodigue a
connu, surgissait dans la cour de la pension : la pauvre ne pouvait venir
que rarement ; elle s’était mise en route depuis la veille, avec des
friandises…Elle me prend dans ses bras, découvre les marques de coups
(je n’avais pas de chemise, je ne portais à même la peau qu’une robe
légère). Elle demande des explications. On lui en donne. Elle n’a qu’un
mot pour exprimer sa douleur et son indignation : “C’est pour cela que je
vous l’ai confiée ?...” En hâte, elle me déshabille, jetant au loin la robe
des sœurs que pour rien au monde elle ne désirait que je garde11.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
35
Cet événement fait écho à un passage développé par Fadhma
Amrouche dans Histoire de ma vie, lorsqu’elle était enfant chez les
Sœurs Blanches en Kabylie et qu’une sévère punition marqua la fin de
son séjour chez ces dernières :
Je vois surtout une image affreuse : celle d’une toute petite fille debout
contre le mur d’un couloir : l’enfant est couverte de fange, vêtue d’une
robe en toile de sac, une petite gamelle pleine d’excréments est pendue à
son cou, elle pleure. Un prêtre s’avance vers elle ; la sœur qui
l’accompagne lui explique que la petite fille est une méchante, qu’elle a
jeté les dés à coudre de ses compagnes dans la fosse d’aisances, qu’on l’a
obligée à y entrer pour les y chercher : c’est le contenu de la fosse qui
couvre son corps et remplit la gamelle.
En plus de cette punition, la petite fille fut fouettée jusqu’au sang : quand
ma mère vint le mercredi suivant, elle trouva encore les traces des coups
sur tout mon corps. Elle passa ses mains sur toutes les meurtrissures, puis
elle fit appeler la Sœur. Elle lui montra les traces des coups en lui disant :
- “C’est pour cela que je vous l’ai confiée ? Rendez-moi ma fille12 !”
Les deux extraits relatent un seul et même épisode de la vie de
Fadhma-Caroline. Le discours direct rapporté par les deux narratrices :
« C’est pour cela que je vous l’ai confiée ? » conforte le lecteur dans
l’idée d’une adéquation entre récit et vie de l’auteure.
De plus, quelques indications dissimulées dans le discours interpellent
un lecteur d’ores et déjà informé d’éléments biographiques de la
famille Amrouche, telles ces courtes occurrences que prononce Reine
dans Jacinthe noire : « vous savez que je n’ai pas de sœur13 », Reine
s’adressant là à Maïthé tendant à apostropher l’auditoire lui-même ; «
je vais lire un poème de mon frère14 », en référence au frère de Taos,
Jean, lui-même poète. Autant d’indices qui interviennent tels des
appels au lecteur. C’est donc bien d’un récit autobiographique dont il
est question, malgré le trouble que fait naître l’indication « roman »
en introduction de chacun des ouvrages.
Pourtant, sans correspondance des patronymes entre fiction et
réalité, l’autobiographique s’avère impossible, Taos Amrouche fait
donc jouer à l’onomastique dans ses romans un rôle double. En effet,
les différences patronymiques entre réalité et fiction annihilent
l’autobiographie tout en introduisant une symbolique, un imaginaire
construit autour de l’histoire réelle de la famille.
Fadhma Marguerite, Belkacem Antoine, Marie-Louise Taos, Jean
El-Mouhoub, chacun des membres de la famille Amrouche porte un
36
Communication interculturelle et littérature
prénom catholique et un prénom berbère. La binarité qui s’exprime au
sein de la famille Amrouche est ainsi représentée dès l’attribution du
nom. Fadhma et Belkacem Amrouche ayant tous deux été convertis au
christianisme très jeunes, ont adopté une religion, mais également un
prénom, juxtaposé au prénom qu’ils portaient à la naissance. Dans une
volonté de perpétuation de cette double appartenance, la dénomination
primordiale se fait duel. Cette duplicité est respectée dans les romans
de l’auteure. Son frère Jean devient alors Charles, le Prodigue dans
Rue des tambourins, et Alexandre dans L’Amant imaginaire. Elle
attribue également aux parents des prénoms français, comme Caroline
et Augustin dans Rue des tambourins. Il en est de même pour ses
frères, qui, toujours dans le même roman se prénomment Charles,
Laurent, Georges, Marcel, Nicolas et Luc. Mais le plus souvent la
narratrice les évoque par leur pseudonyme respectif, « qu’en notre
dialecte on appelait15 » le Prodigue, le Prestigieux, le Rieur, le
Ramier, et les deux derniers sont sans doute trop jeunes pour porter un
pseudonyme. Par ailleurs, la mère est aussi appelée Yemma, ce qui
signifie « maman » en kabyle et la grand-mère Gida, ce qui veut dire
« grand-mère ». Ainsi, la famille de Marie-Corail, ou Kouka, est
marquée à la fois du sceau catholique et de celui des montagnes
kabyles. Le prénom de Marie-Corail est emblématique lui aussi, en
effet, Marie est le prénom catholique par excellence, il s’agit donc ici
d’une référence biblique assumée. Le corail, la turquoise et l’argent
sont les trois matériaux essentiels de la fabrication des bijoux en
Kabylie, le Corail symbolise donc les ascendances berbères de la
petite Kouka, plus souvent nommée ainsi que par sa double
nomination dans le roman.
Le nom de famille est, lui aussi, évidemment porteur d’une
symbolique. Un seul nom est évoqué au fil des trois romans, celui des
Iakouren (qui est introduit dans Rue des tambourins). Yakouren est le
nom d’une immense forêt antique située dans le nord de la Kabylie qui
a toujours été un haut lieu de la résistance. Symbole d’un peuple qui
se bat pour garder son intégrité, la famille Iakouren, à l’image de cette
forêt, n’oublie pas ses racines berbères, malgré la conversion, malgré
l’exil.
Un dernier prénom est à citer : celui de Reine, d’autant plus
pertinent qu’il n’est pas un prénom mais un pseudonyme. En effet,
Maïthé, la narratrice de Jacinthe noire, indique qu’elle évoquera sa
chère amie en ne dévoilant jamais son prénom, mais en l’appelant
Reine, accordant à nouveau au pseudonyme une puissante
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
37
symbolique. « Je savais que son règne serait court, que des nuages
assombriraient mon ciel16 » avoue Marie-Thérèse au début du
chapitre IV. Le terme « règne », qui qualifie le séjour de Reine dans
la pension, coïncide avec certains des titres de chapitres de Rue des
tambourins. Ainsi, le premier chapitre du roman s’intitule « Tenzis ou
le règne de Gida17 », et le second : « Asfar ou le règne de Yemma18
». À nouveau, un lien est établi entre les différents romans, une
noblesse, dans sa dimension matriarcale émanerait donc de la famille
Amrouche, une grandeur transmise de mère en fille, perçue par
Maïthé, présente dans le prénom de l’auteure même. Taos en kabyle
signifie « paon19 ».
L’utilisation des noms propres dans les romans est mise au service
de la reproduction allégorique du monde dans lequel a évolué
l’écrivaine. Dans l’incapacité de se dire totalement, elle a recours à
des subterfuges, et promet tout de même à son lecteur une authenticité
dans ces autobiographies qui n’en sont pas.
Philippe Lejeune explique dans Le Pacte autobiographique que :
Symétriquement au pacte autobiographique, on pourrait poser le pacte
romanesque, qui aurait lui-même deux aspects : pratique patente de la
non-identité (l’auteur et le personnage ne portent pas le même nom),
attestation de fictivité (c’est en général le sous-titre roman qui remplit
aujourd’hui cette fonction sur la couverture)20.
Les romans de Taos Amrouche remplissent les conditions du pacte
romanesque selon Philippe Lejeune, seulement, nous l’avons dit, de
nombreux éléments incitent le lecteur à voir les différentes références
autobiographiques introduites dans le récit. De plus, au-delà de ces
indices de lecture, la romancière signe officieusement un pacte
d’authenticité avec son auditoire. La narratrice de Jacinthe noire
s’engage ainsi à la plus grande sincérité dans son récit de la vie avec Reine.
Nous nous sommes donné la main fraternellement pendant de longues
heures, je l’ai écoutée et j’ai supporté son regard. Je la connais autant
qu’un être puisse en connaitre un autre. Il est des événements de sa vie
que j’ignore, d’autres qu’elle m’a dits à demi-mot. Mais je connais son
âme, j’en sais les dimensions et la clarté. Je sais que je puis vous parler de
Reine, sans donner d’elle une image infidèle21.
Elle avoue ne connaître qu’une parcelle de la vie et de la
personnalité de son amie mais elle assure pourtant ne rien détourner
38
Communication interculturelle et littérature
ou cacher de ce qu’elle sait. Ce pacte autobiographique détourné
permet d’amorcer deux démarches vis-à-vis du lecteur : il établit une
relation de confiance et interpelle également le lecteur sur la nécessité
de confronter la réalité et la fiction dans le récit. Le premier chapitre
du roman est essentiellement voué à renforcer cette complicité sereine
entre la narratrice et celui à qui s’adresse ces quelques pages. Et
pourtant, Maïthé admet la subjectivité de son récit en reconnaissant
son souhait de voir le lecteur apprécier Reine de la même manière
qu’elle.
J’aimerais entrer dans le cœur de mon récit, j’en suis empêchée par une
angoisse incertaine et qui me tient au seuil de ma longue histoire. J’ai
peur que vous ne soyez pas prêts à me suivre. Je vous demanderais, dans
le cas où vous seriez déçus, de ne pas vous en prendre à elle, mais à moi.
Car si à la fin de mon récit vous ne l’aimez pas, je me dirai avec tristesse
que vous n’avez pas compris par ma faute22.
Cette narratrice autodiégétique interdit à nouveau, par ses
interventions, une classification de l’œuvre, accentuant toujours plus
son hybridité.
Le style adopté par Aména sous la forme du journal intime, récitconfession, résulte d’une volonté de mise en confiance du lecteur.
Ainsi, le récit séquencé en épisodes chronologiquement ordonnés
empêche une rétrospection dans la narration ; l’écrivain, supposé
rédiger son œuvre en synchronie est présumé aussi ébranlable que le
lecteur, dans l’ignorance de ce qui suivra. Ainsi, narrateur et lecteur
sont liés dans une sorte de vulnérabilité face à ce qui doit suivre.
L’auteur est supposé écrire pour soi et le passage du journal intime au
roman, transfère l’œuvre de la sphère privée à la sphère publique. Ce
glissement du réel vers le fictif est à nouveau un élément à prendre en
compte pour saisir de quelle manière l’autobiographie se mêle à la
fiction et créé un genre nouveau.
Par ailleurs, on constate que les lieux mentionnés, à quelques
exceptions près, font référence à des lieux réels, connus du grand
public, c’est le cas de la Kabylie, de la Tunisie, de la France, Paris,
Versailles… Ainsi, les allusions à des personnalités telles que Staline,
Gide, Milosz, Rousseau, Voltaire ou encore à des faits historiques
comme l’exécution des condamnés de Nuremberg, tendent à renforcer
la crédibilité sur le texte.
Il est vrai qu’en apparence les romans de Taos Amrouche
répondent aux critères du pacte romanesque comme le définit Philippe
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
39
Lejeune, mais nous ne pouvons nier que le rapport qu’entretiennent
les différentes narratrices avec l’auditoire, ainsi que l’introduction
dans le récit de faits historiques, ou de personnalités inscrites dans un
espace-temps concret et vraisemblable, participent à la mise en place
d’un certain pacte autobiographique détourné révélateur de la
réappropriation des genres. Taos Amrouche laisse la clé de la
compréhension du texte au lecteur tout en l’égarant toujours un peu
plus dans une complexité générique.
L’autofiction semble constituer un terrain de jeu idéal pour la
romancière qui s’approprie le genre pour le modeler à son image. La
fiction lui permettant toutes les libertés, elle tisse une réelle complicité
avec son lectorat qui prend autant de plaisir à déchiffrer les indices
qu’elle a pu en prendre à les parsemer. Une lecture active dont le
destinataire est reconnaissant, sans pour autant saisir directement les
motivations réelles de la romancière vis-à-vis de cette stratégie
singulière.
Nous l’avons dit, c’est Marie-Thérèse qui prend en charge la
narration dans Jacinthe noire. Elle semble peindre le portrait de Reine,
mais les éléments qu’elle dévoile – miroir de sa propre personne – ont
tout autant d’importance, elle l’affirme : « dans ce récit, il s’agira
d’elle et de moi23 ». Le double « je » de l’énonciation est le moyen
par lequel Taos parvient, toujours de façon biaisée, à attirer l’attention
sur un sujet pour, en réalité, peindre le portrait d’un tout autre
personnage. Procédé sophistiqué qui témoigne d’une grande agilité
dans l’écriture, elle détourne le regard du lecteur qui se doit de
décrypter.
Maïthé a son propre lectorat, auquel elle s’adresse bien volontiers :
« C’est avec beaucoup de peine que je ressuscite pour vous ces
premières impressions. Maintenant que je l’ai perdue, il me faut vous
entretenir d’elle24 », « Vous ririez-vous de moi si je vous disais qu’il
me semble avoir en moi de beaux champs de blé et un vergé chargé de
fruits25 ? ». Elle alimente le dialogue qu’elle a avec son propre lecteur
à l’aide des conversations qu’elle tient avec Reine. Le « je » de la
narratrice est donc double dans un rapport d’interdépendance. Maïthé
se fait prétexte à l’écriture, interprète involontaire de la nature de
l’autre. Ce besoin de la parole n’est pas dissimulé dans le discours de
Marie-Thérèse : « j’étais si désireuse de l’écouter me parler de Jacques
et de Claire26 », « mais ce dont j’avais besoin, c’était de vivre
intimement avec elle dans son passé. Aujourd’hui me frappe
l’immense portée de ses discours passionnés qui ne devaient avoir de
40
Communication interculturelle et littérature
retentissement en moi que plus tard, lorsque le drame éclata27 ». La
parole de Reine se fait alors condition du récit, ce qui l’élève au même
rang, attestant ainsi du statut tout aussi fondamental de Reine vis-à-vis
de Maïthé. Cependant, le rôle de cette dernière comme interprète de la
parole n’est pas à négliger trop rapidement. Reine confesse à plusieurs
reprises son incapacité à prendre la plume, sa difficulté à s’exprimer à
l’écrit : « Elle dit d’une voix rêveuse, comme si elle se parlait à ellemême : – J’ai traversé une période où il m’était impossible d’envoyer
une lettre sans la montrer au préalable. Il me semblait qu’à chaque
mot une faute était accrochée. J’avais besoin d’être rassurée28 ». Ou
encore : « Je ne sais quelle absurde et vague crainte m’empêche
d’écrire à mon grand-frère29 ». Reine écrit, elle entretient d’ailleurs
une correspondance avec André Gide, mais non sans angoisse du
jugement de l’autre. Les origines françaises de Maïthé permettent
indirectement à Reine de s’exprimer. Car le discours indirect, ou
indirect libre sur lequel repose une part importante du roman porte une
valeur symbolique. Reine, la Maghrébine, la « Tunisienne » comme
la présente Mlle Anatole détient la parole orale, elle est fidèle à la
tradition berbère en transmettant ce qu’elle sait et ce qui la définit, par
l’oralité. Marie-Thérèse, la Française, est chargée de mettre à l’écrit
cette parole, faisant honneur, quant à elle, à la tradition française qui
passe essentiellement par l’écrit. Taos Amrouche, que l’on aurait
tendance à associer uniquement à Reine dans le récit, serait
éventuellement représentée par les deux jeunes femmes, l’une assurant
les ascendances berbères de ses origines, et l’autre incarnant sa
nationalité, mais aussi sa culture française. Le lecteur est tenu en
haleine durant le discours de Maïthé par la décomposition qu’il doit
effectuer de l’ordre établi par la narratrice. S’impose en effet un jeu
entre la narratrice, le lecteur et Reine. Jeu que Maïthé entretient
savamment en rappelant régulièrement qu’elle détient la clé de la
compréhension de l’œuvre.
La narratrice propose d’emblée au lecteur une narration
rétrospective, elle annonce qu’elle s’apprête à revenir, et ce, tout au
long du roman, sur des événements qui se sont déroulés et dont elle
connaît l’issue : « maintenant que je l’ai perdue, il me faut vous
entretenir d’elle30 » ; « Le drame eût-il été retardé si Reine avait pu
sortir ? Je le crois31 » ; « le grand jour approche32 » ; « ces dernières
heures, est-ce le vide noir qui leur succéda qui me les fait paraître si
rayonnantes33 ? » ou encore : « nous vivions pourtant notre dernière
soirée avant le drame34 ». Ces courtes redites captent l’attention de
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
41
l’auditoire qui attend le dénouement avec impatience. Maïthé éveille
ainsi la curiosité du destinataire par ces rappels.
Jacinthe noire est le seul des trois romans à faire appel à ce type de
système énonciatif. Dans ce premier ouvrage, Taos Amrouche pose
les bases d’une écriture du moi contournée. Alors que les deux autres
romans étudiés effectuent un rapport direct entre les narratrices et la
romancière, le trio constitué de Reine, Maïthé et Taos initie le public à
une remise en question permanente de la parole. Le recours à des
narrations détournées génère une démultiplication des voix, un adroit
recours à qui voudrait se dire et se comprendre sans le pouvoir au
travers d’un récit autobiographique.
Afin de saisir les raisons d’une telle stratégie, il est essentiel de
rappeler dans un premier temps que Taos Amrouche commence à
écrire dans le milieu des années 1930 depuis la Tunisie, après être
rentrée de France. Elle est donc à nouveau plongée dans un univers
maghrébin lorsqu’elle écrit son premier roman. Ce facteur est
important pour deux raisons. D’abord, Taos Amrouche écrit en étant
en immersion dans un contexte culturel dans lequel la femme se doit
de faire preuve d’une extrême pudeur. Le genre autobiographique y
est interdit, d’autant plus pour les femmes qui se doivent de garder le
voile sur leur vie privée. L’utilisation de la première personne, bien
que finalement choisie par la romancière pour ses romans suivants, est
sans doute trop audacieuse pour un premier roman. Le passage par la
troisième personne détourne à priori le regard du lecteur de la
personne de Reine et donne l’illusion d’un roman moins ciblé sur le
personnage de la jeune Tunisienne.
Nous pourrions donc penser que la pudeur motive cette narration
détournée, l’auteure préférant un système biaisé, plus sécurisant et
plus discret, Taos Amrouche se protégeant ainsi d’éventuelles
accusations de narcissisme, d’impudeur, voire même de débauche.
Toutefois la pudeur ne semble pas être vraiment la préoccupation
première de Taos qui déclare au début de L’Amant imaginaire, alors
qu’elle évoque les livres que peut-être elle n’écrira jamais : « Le livre
commencerait par la constatation que je n’ai plus de pudeur, et ce
serait pourtant le contraire d’un ouvrage impudique35 ». Une nouvelle
ambigüité qui pourrait expliquer qu’elle ait tenu à faire de l’histoire de
sa vie une fiction.
Pourtant, le recours à l’autofiction ne se justifie pas uniquement
par cette pudeur. En effet, l’auteure rédige ses romans en langue
française. Elle s’attend donc à être lue par un public constitué
42
Communication interculturelle et littérature
exclusivement de francophones, majoritairement de Français, d’autant
qu’elle fut publiée en France. Ainsi le lecteur français qui entreprend
la lecture de Jacinthe noire par exemple a, dès lors, un certain horizon
d’attente. Ada Ribstein explique dans un article à propos de
l’autobiographie dans Jacinthe noire, que « le lecteur, ici, étiquette
d’emblée l’ouvrage comme produit d’une littérature de femme
maghrébine et francophone, et s’attend par conséquent à trouver un
certain nombre d’éléments36 ». Il se prépare normalement à un certain
exotisme, à découvrir, pourquoi pas, une culture, un pays, des
coutumes différentes et sera alors déçu dans ses attentes. La narratrice
se prénomme Marie-Thérèse et elle est française, le lecteur est déjà
déstabilisé par cette annonce. C’est à nouveau une grande surprise que
de réaliser que l’espace géographique et symbolique du déploiement
de l’histoire ne sera pas africain, mais qu’il sera celui que connaît bien
Maïthé : la France.
Mais admettons enfin que Marie-Louise Taos fasse appel à la
narratrice qu’est Marie-Thérèse pour permettre au lecteur français de
s’identifier à elle, et ainsi, voir sous un nouveau jour le personnage de
Reine. Le lecteur se trouve alors rassuré par le fait de se lier dans la
narration avec une jeune fille avec laquelle il partage la langue et la
culture. Taos Amrouche permettrait finalement de mettre en confiance
un lectorat français par le relais de la voix de Maïthé. Elle encourage
ainsi la rencontre entre les deux pays, le premier colonisateur, et le
second colonisé. Ada Ribstein résume parfaitement la situation : «
Taos met, semble-t-il, en scène, dans le roman, cette relation de
pouvoir historique entre colon et colonisé : Marie-Thérèse, française,
raconte, en français, l’histoire de Reine, qui ne la maîtrise pas
encore37 ». Taos Amrouche conforte donc le lecteur français dans sa
position de supériorité, afin qu’il entre dans le récit sans trop de
réserves. Une fois ce dernier désarmé, pour ainsi dire, il ne pourra
qu’être empathique de la sensibilité de Reine, et compatir quant à son
rapport au traitement réservé par ses camarades françaises.
L’autofiction étant alors un détour du récit déroutant le lecteur pour
une meilleure réception du message.
Philippe Lejeune s’intéresse lui aussi à cette question du roman
autobiographique comme une alternative à l’autobiographie, et se
place du point de vue du lecteur pour faire ce constat :
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
43
On voit d’ailleurs l’importance du contrat, à ce qu’il détermine en fait
l’attitude du lecteur : si l’identité n’est pas affirmée (cas de la fiction), le
lecteur cherchera à établir des ressemblances, malgré l’auteur ; si elle est
affirmée (cas de l’autobiographie), il aura tendance à vouloir chercher les
différences (erreurs, déformation, etc.). En face d’un récit d’aspect
autobiographique, le lecteur a souvent tendance à se prendre pour un
limier, c’est-à-dire à chercher les ruptures du contrat (quel que soit le
contrat). C’est de là qu’est né le mythe du roman “plus vrai” que
l’autobiographie : on trouve toujours plus vrai et plus profond ce qu’on a
cru découvrir à travers le texte, malgré l’auteur38.
Ainsi, le lecteur peut aussi choisir de lire l’œuvre comme une
fiction, sans faire de recherches qui aboutiraient au constat d’une
liaison directe entre le narrateur et l’auteur. Taos Amrouche
responsabilise le public en sous-entendant que s’il cherche à en savoir
plus, c’est pour alimenter sa propre curiosité, et non parce qu’il y a été
contraint par la narration. À nouveau, elle cherche à se protéger de
l’opinion publique, de la réception de ses romans, rappelant la jeune
Reine qui a tant de mal à écrire, Taos Amrouche pourtant audacieuse
dans sa prise de parole, semble par ce biais se dédouaner de toute
responsabilité, faisant du lecteur le garant de l’orientation et de la
bonne interprétation de l’œuvre.
Nous le disions, L’Amant imaginaire est rédigé sur le style du
journal intime, ou personnel, choix qui n’est pas anodin. Le journal
intime propose un type d’écriture où prédomine la présence du sujet. Il
est un atelier d’écriture autour duquel l’auteur cherche autant à se
définir et effectuer un travail introspectif qu’à plaire à son lecteur dans
un rapport particulier à l’écriture. Il serait un tord de croire que le
journal intime laisse de côté la littérarité du texte ou que l’auteur
n’écrit que pour lui-même. On peut supposer que l’écrivain qui
entame la rédaction d’un journal le fait autant par besoin d’écrire que
de se comprendre, deux phénomènes qui se rejoignent bien souvent.
Par ailleurs, L’Amant Imaginaire a été publié du vivant de l’auteure,
elle a tenu à le réécrire en modifiant certains noms, dont celui de la
narratrice, fragmentant le journal en chapitres, transformant ainsi le
récit spontané d’une vie en roman apparemment imaginé et ordonné
échappant à nouveau à certaines responsabilités.
En effet, l’auteur qui s’engage, par le biais de l’autobiographie, à
offrir le récit d’une vie et à introduire des personnes, et non plus des
personnages, à l’histoire, s’expose à de nombreux risques. Il pourrait
44
Communication interculturelle et littérature
donc être question de la famille de l’auteur, de son entourage, de
notoriété publique ou non, alors, à moins de passer par la fictivité des
noms, comme le fait Taos, l’écrivain s’expose à des poursuites
judiciaires. Taos Amrouche qui évoque, notamment dans L’Amant
imaginaire, sa relation amoureuse avec Marcel Arrens, Jean Giono
dans la réalité, ses relations avec des personnalités de la scène
littéraire du milieu du XXe siècle, se protège donc, grâce à ses
narratrices, d’éventuelles poursuites judiciaires car Jean Giono avait
déjà une grande renommée et un poids dans le monde de l’édition
dans le début des années 1950, lorsque Taos cherche à faire publier
son roman. Ce dernier s’opposa farouchement à la parution du livre,
malgré le recours à la fiction.
Ces contraintes se seraient imposées à la romancière si elle avait eu
recours à l’autobiographie, l’autofiction, s’imposait donc garante
d’impartialité. Taos Amrouche se joue des genres littéraires pour
proposer une œuvre personnelle qui feint de ne point l’être. Le recours
à un « je » qui n’en serait pas un, des événements présentés comme
fictifs, sortis de l’imagination de l’auteure, parfois même des noms de
lieux inventés, voisins d’autres au contraire bien réels,
l’indication roman en présentation des textes, ces artifices déjà
évoqués sont mis au service d’un récit faussement imaginaire. Il s’agit
bien de la biographie de Taos Amrouche, mais le genre romanesque,
et donc la fiction, sont assumés dès l’entrée en matière par l’indication
éditoriale. Taos Amrouche se réapproprie les genres établis pour
proposer au lectorat une œuvre sincère et honnête, fraude malicieuse
qui encourage à la complicité.
Au sein même du genre romanesque, les multiples indices que
laisse la romancière à son lecteur sont significatifs, eux aussi, de la
confiance qu’elle attribue à son auditoire ; une intimité nait qui
l’encourage à se laisser porter par la narration. « Je ne tardai pas à
comprendre que Reine ne m’appartiendrait jamais plus complètement
qu’elle ne m’appartenait déjà, que vouloir la poursuivre, c’était la
perdre sans retour, que vouloir confronter le rêve avec la réalité c’était
briser l’enchantement39 » confie Maïthé à l’issue de son récit ; le
mystère doit rester entier pour que survive l’authenticité. L’esprit
critique que pourrait supposer ce genre hybride est annihilé par la
complicité qu’engendre l’auteure avec son lectorat. Celle qui « sera
toute sa vie une inadaptée40 » semble s’épanouir au sein de cet espace
virtuel, d’un point de vue personnel – dans un espace qu’elle organise
– et altruiste – elle oriente l’autre dans sa lecture, tout en lui accordant
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
45
une grande liberté dans son approche des romans – maîtrisant ainsi
totalement son rapport à l’autre.
Bibliographie
Amrouche [Aït Mansour], Fadhma, Histoire de ma vie, Syros-La Découverte,
Paris, [1968], 2000.
Amrouche, Taos, Jacinthe noire, Joëlle Losfeld, Paris, [1947], 1996.
Amrouche, Taos, L’Amant imaginaire, Joëlle Losfeld, [1975], 1997.
Amrouche, Taos, Rue des tambourins, Joëlle Losfeld, Paris, [1960], 1996.
Gasparini, Philippe, Est-il je ? : roman autobiographique et autofiction,
Seuil, Paris, 2004
Lejeune, Philippe, Le Pacte autobiographique, Poche, Paris, [1975], 1996.
Pouillon, François, Dictionnaire des orientalistes de langue française,
Éditions Karthala, Paris, 2008
Ribstein, Ada, « Jacinthe noire, de Taos Amrouche, une autobiographie au
féminin », in Awal (Taos Amrouche, une féministe avant l’heure ?),
n° 39, Paris, 2009.
Notes
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Taos Amrouche, Jacinthe noire, Paris, Joëlle Losfeld, [1947], 1996,
p.152.
Taos Amrouche, Intervention télévisée.
Philippe Gasparini, Est-il je ? : roman autobiographique et autofiction,
Paris, Seuil, 2004, p.11.
Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., p. 7.
Ibid., p. 271.
Taos Amrouche, Rue des tambourins, Paris, Joëlle Losfeld, [1960], 1996,
p. 9.
Ibid., p. 13.
Ibid.
Taos Amrouche, L’Amant imaginaire, Paris, Joëlle Losfeld, [1975], 1997
p. 29.
Taos Amrouche, Rue des tambourins, op. cit., pp. 88-89.
Ibid., p. 89.
Fadhma Amrouche [Aït Mansour], Histoire de ma vie, Paris, Syros-La
Découverte, [1968], 2000, p. 28.
Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., p. 20.
Ibid., p. 26.
Taos Amrouche, Rue des tambourins, op. cit., p. 13.
Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., p. 31.
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Communication interculturelle et littérature
Taos Amrouche, Rue des tambourins, op. cit., p. 11.
Ibid., p. 126.
François Pouillon, Dictionnaire des orientalistes de langue française,
Paris, Éditions Karthala, 2008, p. 18.
Le paon étant, dans de nombreux pays et notamment en Inde, un oiseau
royal ou divin, parfois même doté de pouvoirs mystérieux, un oiseau aux
mille yeux, celui qui absorbe le venin des serpents sans que cela ne
l’affecte. Là encore, les romans se répondent et lient fiction et réel.
Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Poche, [1975], 1996,
p. 27.
Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., pp. 10-11.
Ibid., p. 12.
Ibid., p. 11.
Ibid., p. 9.
Ibid., p. 281.
Ibid., p. 87.
Ibid., pp. 91-92.
Ibid., p. 96.
Ibid., p. 73.
Ibid., p. 9.
Ibid., p. 61.
Ibid., p. 63.
Ibid., p. 222.
Ibid., p. 230.
Taos Amrouche, L’Amant imaginaire, op. cit., p. 28.
Ada Ribstein, « Jacinthe noire, de Taos Amrouche, une autobiographie au
féminin », in Taos Amrouche, une féministe avant l’heure ?, in Awal
( Taos Amrouche, une féministe avant l’heure ?, N°39), Paris, 2009, p. 62.
Ibid., p. 61.
Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, op. cit., p. 26.
Taos Amrouche, Jacinthe noire, op. cit., p. 283.
Ibid., p. 248.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
47
Adina Kenereş, Îngereasa cu pălărie verde –
trepte în configurarea universului interior
Doiniţa Milea
Résumé : Les études sur le postmodernisme roumain ont accrédité
l’instauration et l’épanouissement de ce nouveau paradigme dans notre
espace culturel pendant les années ’80, à une époque où les interventions
théoriques des écrivains donnent l’illusion d’être très unitaires du point de
vue stylistique, thématique ou des conventions textuelles. Adina Keneres
appartient à ces « nouveaux fictionnels » par l’alternance des registres et
des tons narratifs, par le goût pour le documentarisme, par l’insertion du
journal,de la correspondence, du reportage, y compris par l’option pour des
aspects non-canoniques de la paralittérature. On ajoute ici la vision du
quotidien grisâtre, dépourvu d’idéalité et d’horizon qui marque l’existence
de ses personnages. Le probléme qui se pose, après quelques décennies
depuis la parution de son roman Îngereasa cu pălărie verde, est de voir si le
texte fonctionne pour les nouvelles générations de critiques/lecteurs avec le
même message d’authenticité, une fois le paradigme socioculturel changé.
Mots-clés : conventions textuelles, fragmentarisme, horizons intérieurs /
contexte totalitaire.
Î
ntr-un interviu realizat în 1999 de Sanda
Anghelescu, apărea un portret de scriitoare care nu mai apăruse un
timp în spaţiul cultural şi literar românesc şi care reprezenta o
generaţie de prozatori, dar, în egală măsură, un martor al acestei
generatii implicate în istoria unei epoci:
- Doamnă Adina Kenereş, faceţi parte din categoria, puţin numeroasă, a
românilor „întorşi acasă” din exil - în cazul dumneavoastră, chiar în plină
glorie. Când aţi plecat în Franta şi în ce împrejurări?
- Am plecat din România în 1987, când, cu tot premiul Uniunii
Scriitorilor obţinut pentru debut, nu mai îndrăzneam să predau a treia
carte (a doua aparuse în 1985). Întreaga „tânără generaţie” de atunci era
pusă sub lupă - cu şi fără motiv - pentru că, în mintea „lor”, aceasta
prezenta un pericol. Şi cum eu făceam parte din această „tânără
48
Communication interculturelle et littérature
generaţie”, după mii de cereri obţinând, totuşi, un paşaport, am plecat în
Franţa, de unde m-am întors după 11 ani [Anghelescu, 1999].
Care este impactul literar al unui roman care a înregistrat opţiunile
unei generaţii, în plan existenţial, dar şi câtă actualitate/valoare mai
are formula narativă a unei astfel de proze? În 2006, Simona Sora,
într-un articol analitic intitulat „Ce merită citit?”, pune faţă în faţă o
listă propusă de Paul Cornea, asupra anului 1933, o listă din care
eliminase romanele de consum, erotice, senzaţionale, cît şi o serie de
opere mediocre, cu „(…) un scurt inventar al romanelor apărute în
1983, cînd Paul Cornea întocmea o altă listă, adică în plin comunism:
Gabriela Adameşteanu, Dimineaţă pierdută; Ştefan Agopian, Tobit;
Mircea Ciobanu, Istorii IV; Radu Ciobanu, Heralzii; Paul Georgescu,
Siestă; Adina Kenereş, Îngereasa cu pălărie verde; Mircea
Săndulescu, Placebo; Gheorghe Schwartz, Efectul P; Cella Serghi,
Această dulce povară, tinereţea; Tia Şerbănescu, Muntele de pietate;
Sorin Titel, Femeie, iată fiul tău” [Sora, 2006a].
Autoarea înregistra prezenţa Adinei Kenereş într-un context de
generaţie, problemă pe care o va relua în acelaşi an, într-un interviu
realizat cu Adriana Babeţi, care apare într-un număr consacrat
literaturii tinere, „Şanse şi pericole pentru literatura tânără”, cu
întrebări particularizante: „Ce relevanţă crezi ca are solidaritatea de
generaţie într-o literatură? Sunt culturi unde lucrurile acestea devin
decisive? Cum apreciezi regimul confesivităţii atât de exersat de
tânăra generaţie?” Opinia Adriana Babeţi era o definire generalizatoare, dar şi o opţiune: ,,Scriitorii din aceeaşi generaţie au (în
anumite perioade mai mult decât în altele) un aer comun, lecturi
comune, legaturi contextuale vizibile uneori şi în literatura pe care-o
scriu…. Optzeciştii sunt, poate, ultimii la care această solidaritate de
corp se păstrează. Autorii, majoritatea sub 30 de ani, îşi povestesc
viaţa, se autoficţionalizează (…), pândesc apariţia unui nou volum de
Adriana Bittel, de Adina Kenereş (ca minunata Îngereasa cu pălărie
verde)” [Sora, 2006b].
În literatura româna actuală există scriitori asupra cărora studiile
critice se opresc prea puţin, şi pe care istoriile literare ori „listele” îi
trec la capitolul „şi alţii” sau îi ignoră (à-propos de „autorii de
dicţionar” ai lui Nicolae Manolescu).
În Istoria tragică & grotescă a întunecatului deceniu literar nouă
(cap. „Semnele schimbării. Postmodernismul”), Radu G. Ţeposu
semnala prezenţa Adinei Kenereş, în acelaşi context generaţionist:
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
49
„Lumea e mediocră, învăluită de melancolii pasagere, de o seninătate
naivă, pestriţă, instabilă, atinsă de psihologia kitsch-ului; e apoi
fantezismul alegoric şi livresc (Ştefan Agopian, Ioan Groşan, Daniel
Vighi, Adina Kenereş….)” [1993: 22].
În capitolele analitice („Fantezismul alegoric şi livresc”), autoarea
este cuprinsă în aceeaşi vecinătate, cu trimitere la „excelentul volum
de debut, Îngereasa cu pălarie verde, 1983”, văzut ca „amestec subtil
de lirism şi introspecţie”, roman despre efluviile tinereţii şi despre
voluptăţile povestirii”. Criticul remarca elemente definitorii legate de
organizarea fabulei, sau de artificiile narative: „romanul n-are propriuzis o acţiune şi, dacă ar fi să urmărim un fir epic, cu greu l-am putea
reconstitui (…) mută interesul de la epicul aventurii, contaminat de
facilităţi flagrante, la comportamentism. În gesturile, limbajul şi
manifestările protagoniştilor noi ghicim o psihologie şi o mentalitate
care dau seamă şi despre un cod cultural: paştişa, aluzia,
intertextualitatea (…), în fapt, şi semnele unui spirit postmodern.”
[Ibidem: 141].
Eugen Simion dedica un capitol Momentului ’80 în Scriitori
români de azi, volumul IV, referindu-se la poezia momentului şi
extinzând la proză observaţiile, adăuga şi postmodernismul între
particularităţile acestei generaţii, găsind la Cercul de critică discuţii în
anii din urmă despre postmodernism şi implicit despre generaţia
optzeci. Criticul semnala în acest volum numerele speciale dedicate de
Caietele critice „prozei şi poeziei tinere”, dar şi „iniţierea unei
dezbateri despre postmodernism cu referinţe speciale la poezia şi
proza din ulltimul deceniu”, căutând caracteristicile „noului val” chiar în
„programul generaţiei ’80” din propriile studii teoretice. Criticul
caracterizează, în bloc, proza, trecând în revistă „ noul pact cu realul ,
tehnica reportajului în scenariile epice, tehnica cinematografului, a
filma un act mărunt de existenţă, vocile oralităţii, a face cronica unei
străzi cu un aparat de filmat, reflecţii despre actul de a scrie, despre
condiţia creatorului faţă de text şi relaţiile din interiorul textului, cei
care scriu romane strecoară în interiorul textului şi un metaroman”.
În această analiză, proza acestei generaţii aflate sub semnul înnoirii
are ca argumente conceptuale de sprijin, termenul textualism /
textualist şi ideea de „recuperare” livrescă, de joc fantezist cu tradiţia,
de alegorie şi „parodie”, construcţie şi deconstrucţie [1982: 466].
Trebuie spus că Adina Kenereş nu figurează nici enumerativ, nici
în capitol separat. De altfel, în Istoria critică a literaturii române. 5
secole de literatură, Nicolae Manolescu nici măcar nu o cuprinde în
50
Communication interculturelle et littérature
lista de scriitori ai generaţiei ’80, dar este prezentă, ca nume – în
capitolul dedicat Criticii şi eseului – în fraza care incheie observaţiile
asupra cărţii lui Radu G. Ţeposu, Istoria tragică & grotescă a
întunecatului deceniu literar nouă! [2008: 1383].
Autoarea este prezentă pe site-uri cu o apreciere compensatorie,
extrem laudativă la un an de la apariţia romanului ei de debut,
aparţinându-i lui Norman Manea (Pe contur, 1984), care lipseşte din
cronicile / istoriile literare ale epocii: „Un roman « realist » de
imediată actualitate despre România acestor ani [Îngereasa cu pălărie
verde], scris parcă dintr-o răsuflare, cu inteligentă agresivitate
sarcastică, a impus prompt atenţiei un nume de referinţă pentru proza
noastra tânără: Adina Kenereş. O carte despre realitatea socială şi
conjunctura spirituala a prezentului, somate să-şi developeze
premisele, în contact cu stimulatoarea interogaţie drastică a aspiraţiilor
juvenile; o revelaţie de asemeni, asupra viziunii, asupra motivaţiilor,
exigenţelor, impulsului şi perspectivelor tinerei intelectualităţi de
astăzi, aflată la momentul afirmării personalităţii şi a proiectelor
creatoare. (…) Tocmai în confruntarea, extrem de dificilă pentru un
scriitor (nu numai tânar) cu temele majore (fie şi numai cu «
dezbaterea » acestora, incitantă, mereu tăioasă, personală, interesantă),
Adina Kenereş dă, de la început, măsura înzestrării. Energică se arată
capacitatea de a evita constant apatia locului comun, de a resuscita şi a
substanţializa epic ideile.”
Sub semnătura lui Marian Papahagi, Dicţionarul Scriitorilor
Români propunea, în 1998, un portret literar scurt, temperat, care
subliniază mai curând proza scurtă ulerioară, decât romanul de debut.
[1998: 698]. Un an mai târziu, Mircea Cărtărescu, în Postmodernismul
românesc, nu-şi înregistra colega de generaţie decât într-un citat din
aprecierea criticului Ov.S. Crohmălniceanu („Postmodernism: ce se
spune şi ce nu”) asupra raporturilor desantiştilor cu proza generaţiei
anterioare [Cărtărescu, 1999: 179].
În abordarea unui roman ca Îngereasa cu pălărie verde se cere o
dublă perspectivă: cea a căutării interioare a personajelor ca reflectare
a unei posibile construcţii identitare şi cea a formei narative alese
pentru a ţese autoreflexiv textul. Strategiile postmoderniste ale
textului, care generează realitatea, propun o realitate privită ca un
imens text ficţional capătând substanţă prin faptul că perspectiva
personajelor asupra realităţii precedă textul şi îl condiţionează: nu
contează în mod esenţial cine (tran)scrie discursul asumat ficţional, un
soi de reciprocitate impunând cititorului să-şi asume o lectură de grad
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
51
secund, un soi de ascultare care reconstruieşte o parte din textul citit
prin participare, implicare, re-creaţie. Este o realitate ce trebuie
reconstruită şi retrăită cît mai fidel; ceea ce nu devine posibil fără
iluzia reconstituirii verosimile a feluritelor existenţe / istorii. Pasiunea
pentru realitatea netrucată, pentru evenimentele mărunte ale existenţei
de zi cu zi şi pentru limbajele diverse care transcriu complexitatea
realităţii cotidiene determină schimbarea majoră de paradigmă
înregistrată în literatura română o dată cu apariţia generaţiei ’80.
Scriitorul Adina Kenereş, prin personajele sale, nu este doar un
creator atent la toate nuanţele lumii în care trăieşte, ci şi un avid
consumator de literatură, spectacol teatral, cinematografie, televiziune,
pictură, filozofie, lingvistică, sociologie, tratate de istorie sau analize
politice, ceea ce transformă textul într-un imens document / intertext
vorbind implicit despre sine. În romanul de faţă, într-o construcţie
narativă de mare complexitate, nu se mizează pe tensiune epică, ci pe
multiplicarea perspectivelor şi alternarea vocilor, pe acumularea
detaliilor şi amânarea deznodămîntului şi, nu în ultimul rând, pe o
galerie de personaje care se suprapun palimpsestic, până la pierderea
vocii narative: în primele 40 de pagini apar în demonstraţii existenţiale
personajele (Vlad, madam Aneta Dejan, Andrei Moscalu,
Cherchinschi, tovarăşul Bucur, profesorul Velcescu), de aşa natură
intersectate încât separarea vocilor / identităţilor devine dificilă. Şi
curgerea / interesul pentru continuarea lecturii: „Eu sunt altă generaţie.
(Cerchinschi, regizor consacrat, detesta poza artistului tip bricoleur
perpetuu înfometat, dar şi pe aceea a creatorului paşnic, luminat de
eternitate)…Înţelegi – făcuse un gest rotund către Vlad – m-am
felicitat că durerea mea nu murise în somn… ia să-l fi lăsat pe Vlad să
spună acelaşi lucru! Ar fi fost un tinerel romantic, purtat în miezul
unui ev aprins. Pe scurt un naiv cu suflet mare (…). Moscalu, da,
promitea. Scria bine şi uşor, vorbea nebuneşte şi bea ţeapăn, adică îşi
pregătea cu îndârjire normele la literatură, în orice caz mai sârguincios
decât Vlad. Vlad citea femeile, Moscalu făcea amor sportiv până la
epuizare, Vlad îşi organiza expediţii în munti, Moscalu facea escapade
picante, Vlad cheltuia cu oamenii, Moscalu cu situaţii interesante ş. a.
m. d. În două cuvinte, Moscalu îşi clădea treapta, în timp ce Vlad, cel
puţin în viziunea îngrijorată a doamnei Dejan, îşi săpa groapa”
[Kenereş, 1983: 15].
Implicarea cititorului este asigurată prin trimiteri permanente la
texte literare de recunoscut „în miezul unui ev aprins (…), Craii care
ziua-s nobili şi noapte gitani – asta nu se mai poate (…) Profesorul se
52
Communication interculturelle et littérature
pierdu însă printr-o poveste cu guelfi şi ghibelini din care cu greu –
după cât estima Vlad – se mai putea întoarce la poezie. Pardon, la
poet!” [Ibidem: 10].
Iluzia realistă este încorporată discursului carnavalesc intertextual:
„Casa Sava semăna grozav cu fosta casă Moscalu, din care Andrei mai
ocupa doar mansarda. Era tot veche, tot galbenă, tot cu două etaje…
Marietta desenase încăperilor nişte măşti stranii, potrivite mai degrabă
mizanscenelor kafkiene, deloc greu de realizat, în care se antrenaseră
scenografii mai noi şi în care se simţea în largul ei. Andrei Moscalu şi
Lia Staicu fură aşezati pe o fostă saltea de gimnastică îmbrăcată în sac
vopsit şi peticit cu figuri de pluş şi catifea… Câteva vechi ceasuri de
buzunar, cu lanţ, panglici sau şnururi de mătase împletită… o pendulă
şuie fără limbi, dar care sub cadranul emailat, adăpostea ca într-o nişă
o balerină roză de porţelan…Iluzia evidentă a acestei mişcări era
întreţinută de o oglinjoară din fundul nişei… Moscalu avea o înţelegere binevoitoare pentru simptomul cosmo-călinescian” [Ibidem: 24].
Romanul începe in media res cu o scenă de familie (Vlad şi Aneta
Bejan), în care se înregistrează comportamentist fraze şi reacţii, nu
fără aluzii la epoca surprinsă de subiect: naratorul omniscient nu intră
încă în acţiune: „- Bună, făcu Vlad, ştergându-se la gură. Avem nevoie
de oameni devotaţi, senini,creier limpede,stomac lipit de şira spinării”
[Ibidem].
Pe scenă evoluează studenţi trăind existenţial greaţa de existenţă,
pe care textul o surprinde organic, dar nu fără trimitere intertextuală:
,,Greaţa i se-nnodă strâns în jurul gâtului şi stomacul saltă să se
elibereze, ca un sac cu şerpi furioşi. Se târî, cu mâna lipită de gură,
până la closet şi vomită tot, fără să simtă vreo uşurare, dimpotrivă,
cioburi de vorbe şi chipuri scăpate parcă dintr-o lungă robie pornită
să-l cutreiere răzbunătoare, bubuindu-l din creier până-n tălpi.”
[Ibidem: 61] Aici apare o trăsătură a literaturii moderne şi postmoderne prin care explorarea / explotarea corporalităţii ar trimite la
analiza facerii / reacţiei textului. În cartea Adinei Kenereş, plăcerea
scenelor erotice şi portretizarea femeii / bărbatului capătă rol de
vedere în oglindă a textului şi a ratării personajului: portretul Cristinei,
profesoara de română săracă, locuind intr-un pod de casă din
Cotroceni (,,părea doborâtă de zădărnicie), care apare în partea a doua
a romanului, când aflăm retroistoria lui Vlad Dejan; translatoarea cu
mâna în ghips dintr-un spital de provincie capătă un nume – Cornelia
şi o poveste a suferinţelor – aceeaşi Cornelie care dispăruse de acasă,
fiind socotită moartă, dar revenind după 3 ani, tunsă zero, slabă, plină
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
53
de păduchi, fugită dintr-un spital. Este „îngereasa cu pălărie verde”,
care funcţionează ca leit-motiv al perfecţiunii pierdute a unei lumi ,,o
nebună venită din morţi în manta de doliu. Ea, Cornelia, cu pălăria ei
verde de pai - Câteva zile cu poveştile Corneliei (…)” [Ibidem: 281].
Ratarea lui Andrei Moscalu este reflectată în chipul femeii pe care
o însoţeşte, „o femeie mai bătrână decât maica-sa”, Marietta Sava se
află „într-o faună de actriţe în formare”, zice Cerchinschi. Finalul
romanului merge în viteză accelerată, nici un personaj nefiind lăsat cu
povestea neîncheiată: Lia se măritase cu un profesor doctor şi sub
îndrumarea lui, obosită peste poate, profesa, liniştită însă în privinţa
stagiului şi a repartiţiei finale care nu puteau fi decât în Bucureşti. (…)
Cariera lui Moscalu rămânea un mister. Marietta fusese repartizată
unui teatru de provincie – se secătuise acolo un an… apoi începuse să
dea concursuri. Nu luase încă nici unul…” [Ibidem: 264].
Se realizează astfel o viziune caleidoscopică foarte vie, în care
imaginile cu Vlad Dejan privit din exterior de o instanţă omniscientă
şi imaginile cu Vlad aşa cum se vede el însuşi se succed, se amestecă
şi uneori se suprapun. La acest nivel, virtuozitatea tehnică nu e deloc
de neglijat, autoarea dovedeşte că ştie să opereze decupaje şi montaje
cinematografice de impact. În viaţa lui Vlad Dejan se derulează, în
secvenţe, filmul vieţii unui personaj feminin al cărui rol esenţial este
acela de martor la zbaterile unei lumi neaşezate, aflate în derută.
La „romanul comunismului” se ajunge treptat, într-o firească gradaţie a deplasării obiectivului camerei de filmat dinspre intimitatea
familiei şi a prietenilor către exteriorul social agresiv, absurd: istoria
activistului Bucur, care are nevoie de lecţii de cucerire a femeilor,
istoria lui Stelian Chenchinschi (,,părinţii lui fuseseră ilegalişti
amândoi…”), scrisoarea Anetei Dejan, rămase în străinătate, după ce
plecase căsătorită cu acesta – oglinda unor aşteptări ratate. La alt
moment, începutul romanului reconstituie atmosfera universitară, prin
discursul mixat omniscient / interior al lui Vlad „(…) la ziua de
aniversare a maică-si în demonstrarea caracterului fermecător de
inofensiv al şcolii superioare. Era, explicase el, ceva de clinică de
psihiatrie în şcoala asta, sentimentul neutralităţii şi al spaţiului apărat
dominând orice manifestare, orice eveniment…” [Ibidem: 13].
Retroistoriile personajelor compun o carte a unor aventuri existenţiale – povestea orientalistului Florin, ajuns chelner într-un restaurant,
istoria lui Mircea Mitroi povestită de două femei, în care aglomerarea
povestirilor amână identificarea vocilor narative – poate Cornelia şi
Aurelia, ele însele apărând în povestirile acestuia. Între aceste
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Communication interculturelle et littérature
povestiri-dosare existenţiale se intercalează micro-povestiri de epocă,
cu Bucureştiul de altădată, văzut prin istoria altor două femei Zina şi
Frosa, aflate la cumpărături pe Lipscani. Cine povesteşte şi cine vede
scenele de epocă nu este dezvăluit, dar peste câteva zeci de pagini
reapare Zina, într-o altă povestire de tip carnavalesc, în spaţiul
deplasării între operă şi grădina Icoanei. Julia Kristeva [1979] numeşte
acest joc „discurs carnavalesc”: „subversiune permanentă a lucrului
spus, distrugere permanentă a semnului [...] care vizează să distrugă
univocitatea sensului şi să-i substituie dublul”. Ea adaugă ca efecte
„fantezia verbală” şi „la fatraserie” ale căror formule înglobează
„jargonul ininteligibil”, „enumerarea – tendinţă de a reconstitui o serie
printr-o simplă juxtapunere”, „repetiţia”, „juxtapunerea de cuvinte
autonome fără legătură de cauzalitate”. Neliniştile existenţiale acoperă
spaţiul neacoperit de povestiri,, „Iluzia asta nenorocită – îi mărturiseşte Vlad lui Andrei – că pot schimba, face, propune ceva când
toate căile sunt deja bătute bine, mă omoară. Mă simt un formidabil
inventar, o listă de bălci, am de toate, pricepi că nu pot să pun în
mişcare nimic?”[Kenereş, 1983: 37].
Textul literar, în curgerea lui, se leagă la Kenereş de orice memorie
a realului sau a sinelui, şi pledează pentru un adevăr ficţional, pe care
procedee ale autenticităţii ca persoana I a naraţiei, jurnalul,
confesiunea testimonială retrospectivă, îl pun în text, fabricând o viaţă
în care fictivul, realul şi fantasticul se topesc în alegorie pentru a
redefini condiţia umană.
Autoficţiunea funcţionează ca asocierea unei personalităţi autentice
unui destin ficţional, în care fictivul, realul şi fantasmaticul se amestecă. Povestirii lineare şi cronologice, i se opune un discurs polifonic,
care transpune multiplele voci ale textului, acoperind vocea auctorială.
Metaficţiunea este permanent implicată în destinul personajelor, căci
Vlad citeşte „istorioara prietenei sale Cornelia”, notează 164 de „reţete”, se străduieşte să facă un ,,scenariu”, de-a-lungul a 200 de pagini,
dă perspective şi comentează scrisori sau jurnale („Jinduiesc, îi spuneam, la cel care nu se va teme să îşi abandoneze interesul, atât de
gesticulat în ultimul timp, pentru artefactura propriei cărţi şi va risca –
ceea ce un film nu-şi poate permite – să-şi deconspire etica şi
estetica.”)
Dacă discutăm despre un joc al măştilor, o reflecţie asupra
identităţilor feminine şi masculine asumate de discursul romanesc, se
poate vedea că autoarea împrumută o voce masculină, delegându-l ca
personaj-narator-martor pe Vlad, dar configurând un univers interior
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
55
unitar prin suprapunerea secvenţelor de destine: de la forma finită se
avansează spre conţinutul autentic care trăieşte deformat / mascat de
text, aspect des întâlnit printre optzeciştii ironici, microrealişti,
antilirici şi adesea debusolaţi. Preocupată de aventurile narative ale
identităţii, ca şi de funcţia imaginaţiei în constituirea ei, Kenereş
recurge la o serie de procedee şi strategii narative care pun în evidenţă
instinctul „fabulatoriu” al fiecarui personaj în parte şi colapsul aparent
al unităţii (eului şi naraţiunii deopotrivă). Implozia eului, sentimentul
lipsei de coeziune personală, ca şi cel de nesiguranţă, experimentate
de majoritatea personajelor, sunt câteva aspecte compoziţionale prin
care se adecvează discursul narativ la lumea pe care acesta o transcrie.
Analizând particularităţile de creaţie a generaţiei ’80, Carmen
Muşat remarca acest mod particular de legare a textului de personaj şi
de asumarea epocii: „După ce au exaltat contestarea şi revolta
împotriva unei literaturi osificate, reprezentanţii acestei generaţii,
pentru care biblioteca a funcţionat ani buni ca o lentilă prin care
priveau lumea, au coborât în istorie. S-ar putea spune că literatura lor
a devenit, în aceşti ultimi ani, o căutare a Istoriei, dar şi a istoriilor
personale, o investigare pasionată a memoriei individuale şi a corporalităţii marcate de un îndelungat prizonierat într-un regim dictatorial.
Este oare posibil să vorbim despre o dimensiune metafizică a acestei
literaturi scrise de autori care au început prin refuzul oricărei metafizici şi proclamarea primatului Textului? Cred că răspunsul este unul
afirmativ. O metafizică paradoxală, care-l reîntoarce pe om cu faţa
către istorie şi către destinul său muritor, ce transpare deopotrivă în
poemele şi în proza scriitorilor acestei « generaţii regăsite ». După ce
au asimilat experimentul şi au interiorizat revolta împotriva convenţiilor, prozatorii generaţiei ’80 restabilesc contactul cu lumea reală şi
promovează un realism îmbibat de o sensibilitate ardentă. Cu fiecare
volum nou apărut, optzeciştii confirmă că nu tema e aspectul cel mai
important, ci capacitatea de a construi şi de a impune o nouă sensibilitate. Cu fiecare volum nou apărut, fie că e vorba de poezie sau de
proză, scriitorii acestei generaţie par să formuleze, iar şi iar, o
întrebare obsedantă: « Ce valoare are literatura în afara Istoriei? »”
[Muşat, 2011].
Unitatea discursivă este căutată prin introducerea unei strategii de
suscitare a interesului, dar şi de amânare a descifrării « desenului din
covor », prin legarea elementelor din motto de finalul de capitole.
Sfârşitul capitolului I reconstituie jocurile focalizatoare, care implică
personajul Vlad în toate structurile textului : „Da’ vulpea a apărut şi
56
Communication interculturelle et littérature
mai trăieşte şi astăzi. Vlad pictase o vulpe, o lipise de dulap şi se
răcorise…” [Kenereş, 1983: 106]. Sfârşitul capitolui II înregistrează
notele lui Vlad, ierarhizate : „m) foc pe ţărm. În raza lanternei o vulpe
mică, jigărită,speriată. Stă. Alte vulpi. Din stuf vin multe, mici şi
jigărite, şase, unsprezece, douăzeci. Fug. Se ţin departe de mare. Unde
fug?” [Ibidem: 215].
Trepte descifratoare de sens fuseseră semănate pe tot parcursul
textului (a se vedea capitolul I, 58-60). Motto-ul pregătise aşteptarea,
sugerase iluzia existenţială, sau poate neliniştile dominante ale vieţii /
vârstei personajelor : „Da’ vulpea ia-o de unde nu-i.; Cât vezi cu ochii,
numa’ vulpi; şi un câine. - Da’ bine, frate dragă, ce-i cu vulpea? Cât
vezi cu ochii, nu e nici o vulpe pe nicăieri!? -Păi asta zic şi eu, râse
Vlad. « Da’ vulpea - ia-o de unde nu-i! ».”
Ciudăţenia personajelor pe care le înregistrează, ca în oglindă,
Vlad, îi reflectă stări interioare contradictorii, pe care finalul romanului le unifică, eliberator, în înregistrarea teatralizată a lui Vlad şi a
jocului câinelui pe trotuarul Căii Victoriei: „un pui alb cu pete negre
părea să caute ceva sau numai alintarea îl zbenguia aşa vioi… singur
în umbra sa şi sclipitor, de neatins ca vechii inorogi, profan şi esenţial
ca viaţa pentru bucurie, alerga (…), Vlad fermecat, aiurit de plăcere…
de salturile acelea naiv-fericite. Sărbători şi răsuflă neruşinat răsufletul
tot şi răcoarea acelui câine frumos, atât de frumos, de frumos…”
[Ibidem: 286].
Respingând, programatic, scenariul pedagogic de Bildungsroman,
autoarea nu face decât să-l înlocuiasca cu altul, preocupat tot de formarea unui erou de-a lungul unor secvenţe de viaţă, mergând dinspre
către formula asumării poveştii, într-o formă sau alta de către
personaj.
Este romanul Adinei Kenereş marcat de mărcile specifice ale
romanului feminin de care vorbise între cele două războaie criticul
Eugen Lovinescu, în comentarea textelor autoarelor femei din
Cenaclul „Sburătorul” („Literatura feminină urmează nu numai
condiţiile sufleteşti ale sexului, ci şi condiţia lui socială. Femeia
trăieşte în lumea sentimentului ca într-o lume proprie.”), sau se află în
situaţia definită în cartea Biancăi Burţa-Cernat („Literatura feminină,
un caz particular al marginalităţii literare”)? [Lovinescu, 1939, apud
Burţa-Cernat, 2011: 77].
Cert este că, în anul apariţiei romanului său, 1983, apăruse şi
Dimineaţa pierdută a Gabrielei Adameşteanu, care, ca şi romanul
Adinei Kenereş, fusese comentată în afara perspectivei date de un
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
57
studiu de gen. Problema este dacă, în afara unei perspective feminine
asupra existenţei, cartea / cărţile mai rezistă trecerii timpului sau ieşirii
din peisajul naţional (exilul autoarei). Am văzut în secvenţele
introductive receptarea romanului Adinei Kenereş, la debut sau în
studiile critice ulterioare. Avem, spre ilustrare, o relectură pentru
Gabrielei Adameşteanu : „Citite acum, după prăbusirea zgomotoasă a
regimului comunist, cărţile Gabrielei Adameşteanu sunt perfect
lizibile, nefiind marcate de esopism, de « ticurile » tematice şi
stilistice ale epocii – semnale textuale ale codificarii tot mai
accentuate a limbajului narativ, impuse de permanenta luptă cu
cenzura. Cărţile Gabrielei Adameşteanu vorbesc despre eşec, despre
irosire, despre incompatibilitate şi inadaptabilitate, despre degradarea
relatiilor interumane şi absenta comunicarii, efecte « perverse » ale
dezacordului major dintre individ si societate”1 [Muşat, 2002].
Această grabă a unei priviri retrospective ar porni, din argumentele
care prefaţează demersurile literare, din conştiinţa de grup care şi-a
„clarificat” reperele teoretice în finalul deceniului opt al secolului
trecut. Ceea ce se impune de la prima răsfoire a acestor volumeantologii este asocierea ideii de „generaţie” celei de „optzecism” –
cartea lui Gheorghe Crăciun pledând în favoarea unei delimitări de
generaţia precedentă „generaţia ’60”: „Cred că una din cauzele care
explică redutabila conştiinţă teoretică a optzeciştilor (indiferent de
faptul că ei sunt critici, poeţi sau prozatori) rezidă tocmai în acest
puternic sentiment al diferenţei şi încadrării într-o matrice estetică cu
noi linii de forţă, mult deosebită de generaţiile precedente” [Ghiu,
1994: 61]. Adina Kenereş este, istoric şi literar, o prozatoare a acestei
generaţii supuse schimbării de canon, aflate între ficţiunea realistă,
discursurile care o comentează şi răstălmăcirea parodică a reţetelor ei
consacrate.
Referinţe bibliografice
Corpus
Kenereş, Adina, Îngereasa cu pălărie verde, Bucureşti, Albatros, 1983.
Studii critice
Anghelescu, Sanda, „Interviu cu scriitoarea Adina Kenereş”, în Formula As,
nr. 553 / 1999, disponibil la adresa http//www.formula-as.ro.
Burţa-Cernat, Bianca, Fotografie de grup cu scriitoare uitate: proza feminină
interbelică, Editura Cartea Românească, Bucureşti, 2011.
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Communication interculturelle et littérature
Cărtărescu, Mircea, Postmodernismul românesc, Humanitas, Bucureşti, 1999.
Ghiu, Bogdan, „Proiectul istoric de generaţie şi proiectul generaţiei ’80”, în
Gheorghe Crăciun Competiţia Continuă. Generaţia ’80 în texte teoretice.
O antologie de Gheorghe Crăciun, Editura Vlasie, Piteşti, 1994.
Kristeva, Julia, „La topologie carnavalesque”, în Le Texte du roman.
Approche semiologique d’une structure discursive-transformationnelle,
Mouton Publishers, The Hague - Paris, 1979.
Lovinescu, Eugen, „Notă asupra literaturii noastre feminine”, în Revista
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Manea, Norman, Pe contur, Editura Cartea Românească, Bucureşti, 1984.
Manolescu, Nicolae, Istoria critică a literaturii române. 5 secole de
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Muşat, Carmen, „Proza cotidianului nu tocmai banal”, în Observator
cultural,
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/
2002
disponibil
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Simion, Eugen, Scriitori români de azi, vol. IV, Editura Cartea Românească,
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Sora, Simona, „Şanse şi pericole pentru literatura tânără”, în Orizont, nr. 7 /
2006 (b), disponibil la adresa http//www.romaniaculturala.ro.
Ţeposu, Radu G. , Istoria tragică & grotescă a întunecatului deceniu literar
nouă, Editura Eminescu, Bucureşti, 1993.
Zaciu, Mircea, Marian Papahagi, Aurel Sasu (coord.), Dicţionarul
Scriitorilor Români, D-L, Editura Fundaţiei Culturale Române, Bucureşti,
1998.
Note
1
Textul a apărut ca Prefaţa la ediţia a II-a a volumului de povestiri semnat
de G. Adameşteanu, Dăruieşte-ţi o zi de vacanţă.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
59
Identité, totalitarisme et résistance. Sorana
Gurian, Les Mailles du filet
Elena Filote (Panait)
Résumé: Le journal de Roumanie de Sorana Gurian, tenu entre les années
1947 et 1949, se présente premièrement comme un témoignage toujours
vivant de l’absurdité inhumaine du régime communiste. La contiguïté de son
existence avec une histoire tragique détermine l’écrivaine, autrement expartisane de l’idéologie communiste, à prendre conscience, avec une amère
lucidité, de la dégénérescence progressive de son profil identitaire. Réfugiée
à Paris, Sorana Gurian publiera ce journal en 1950, aux éditions CalmannLévy. Le livre apparaît en roumain en 2002, comme supplément de la revue
Jurnalul literar. La démarche diaristique de Sorana Gurian de Les mailles du
filet a, dans sa structure de surface, une véritable valeur documentaire, mais,
au-delà de celle-ci, le sondage de l’intimité auctoriale exhibe une pluralité
d’identités, assumées ou rejetées, parfois incompatibles, impossible à unifier
dans une image homogène.
Mots-clés: journal, communisme, identité, dissidence, égotopie, exil.
Personnage
controversé de la vie littéraire
roumaine après la Seconde Guerre Mondiale, Sorana Gurian réapparut
timidement parmi les préoccupations des critiques avec la publication
des deux volumes du livre Ochiurile reţelei. Jurnalul meu din
România, à la maison d’édition „Jurnalul literar” en 2002-2003, dans
la traduction de Cornelia Ştefănescu. „Jurnalul literar” avait d’ailleurs
déjà publié des extraits du livre en feuilleton, commençant par les
numéros 17-20 de septembre-octobre 2001 et les pages de ce
magazine accueillent aussi plusieurs articles et interviews contenant
des références à l’auteur. Une présentation succincte de la
biobibliographie de Sorana Gurian s’articulera forcément autour de
deux époques culturelles différentes qu’elle avait traversées: la
Première Guerre mondiale et l’après-guerre.
Dans les histoires de la littérature roumaine, le nom de Sorana
Gurian apparaît tout au plus comme titre d’inventaire, mais en
revanche, Florin Manolescu lui réserve un article dans l’Encyclopédie
60
Communication interculturelle et littérature
de l’exil littéraire roumain: 1945-1989, où nous lisons que la
romancière, la mémorialiste et la journaliste Sorana Gurian
(Gurfinckel) (1914-1956) est née en Bessarabie, et qu’elle est
diplômée de la faculté de philologie à l’Université de Iasi. De brefs
moments importants dans la biographie de l’auteur y sont saisis: son
séjour à Paris et la fréquentation d’André Gide, Jean Cocteau, Max
Jacob et Anaïs Nin, son activité dans le mouvement antifasciste en
clandestinité, sa nomination comme rédacteur en chef du journal
Universul après le 23 août 1944, la parution du roman Les jours ne
reviennent jamais et du volume de contes Histoires entre le
crépuscule et la nuit (1946), son renvoi du Syndicat de la Presse
Roumaine en 1947, suite à la publication dans le journal Liberalul de
certains articles fâcheux pour le nouveau pouvoir, sa mise sous
observation, l’engagement d’un mariage de convenance avec un
citoyen italien et l’immigration en Israël, puis à Paris, où, „avec
Mircea Eliade, Emil Cioran et Jeanne Nicolesco, elle a réalisé en
1952, un supplément pour la revue Preuves (numéro spécial) intitulé «
Terre roumaine »” [Manolescu, 2003-371].
Les témoignages les plus importants de l’entre deux guerres sur
Sorana Gurian sont, incontestablement, ceux gardés dans les volumes
de mémoires de Eugen Lovinescu. Le critique littéraire évoque en
Aqua Forte, la scène de l’appel téléphonique reçu par la jeune
aspirante au titre d’écrivaine et, surtout, à celui de participante au
Cénacle Sburătorul, qui, avec „des fragments de phrases désarticulées
dans la colle d’une insupportable familiarité moldave, avec
l’extension chantée des dernières syllabes, dessinées dans la poussière
de la route et avec des câlineries dépassant la gâterie habituelle des
filles”, se recommande: „A l’appareil, une fille qui écrit”. Le portrait
physique esquissé par la plume de Lovinescu reste mémorable: „(…)
Un appendice de jeune fille dans une robe longue, pour couvrir la
brièveté d’une jambe lui imprimant une démarche saccadée; la figure,
d’ailleurs fine, tenue dans l’ombre par un chapeau penchant du côté
droit pour masquer une paupière endormie. Tout est resté infantile:
membres graciles, gestes de poupée japonaise, voix d’enfant, presque
non articulée, avec câlineries et extension de syllabes insupportables”
[Lovinescu, 1998 : 613-614]. Ensuite, les mémoires de Cella Serghi,
la collègue de génération de Sorana Gurian, viennent compléter le
contour d’un profil de personnalité excentrique, comme vouée à des
expériences extrêmes: „(...) Elle était intelligente, cultivée, informée,
peut-être trop informée. Elle avait des relations avec les gens de
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
61
gauche et de droite et tombait toujours debout comme un chat dans les
situations les plus difficiles” [Serghi, 2013: 366]. Le seul roman,
publié dans le pays de Sorana Gurian, Zilele nu se întorc niciodată, a
été accueilli avec des appréciations positives par le public et la critique
littéraire, comparé, par exemple, avec le modèle du roman anglosaxon.1 Longtemps accessible uniquement dans la première version
(Edition Forum, 1945), le roman a été récemment réédité, après 67 ans
d’oubli, grâce au soutien du Département pour les Relations
interethniques (vu la descendance juive de l’écrivaine), à la maison
d’édition Hassefer (en 2012).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Sorana Gurian se dédie à
quelques „acrobaties politiques dangereuses” [Burţa-Cernat,
2011:320] et entre, d’après ses propres aveux, dans „l’opposition”,
partageant la cause communiste. Pendant deux ans, elle est obligée de
se cacher dans une cave du pension Notre Dame de Sion, après que la
Gestapo commence en 1942, à s’enquérir de sa personne. Après
l’installation du régime communiste, Sorana Gurian, profite au
maximum de ses opportunités,
jusqu’au jour où la conscience m’a contrainte à une retentissante rupture
de parti. Je m’attendais à être arrêtée immédiatement. À cause de ma
popularité, ils ont essayé de me « conquérir » par le bien. Ils ont laissé
croire que j’avais écrit un article dans lequel j’expliquais ma démission
par un moment de dépression: la démission arrangerait tout, trois mois
dans une maison de santé après quoi je me ferais « mea culpa ». J’avais
besoin de temps: parce que je n’avais pas les moyens de vivre, j’ai vendu
peu à peu, tout ce que nous avions. Par bonheur, l’ambassadeur de l’Italie
a trouvé un mari pour moi…2
Exilée dans l’espace culturel francophone, Sorana Gurian se
solidarise avec la diaspora roumaine anti-communiste à Paris,
dénonçant dans les divers articles publiés dans la presse française les
atrocités du totalitarisme en Roumanie, en version française. En 1950,
elle publie à l’Edition Calmann-Lévy son journal de Roumanie, en
version française, Les Mailles du filet, livre passant presque inaperçu
dans la presse française dominée à l’époque par les gauchistes et la
propagande du Comintern, alors que l’auteur transforme en un
véritable „roman”3 l’expérience de sa vie durant la pleine domination
du communisme en Roumanie, définissant l’absurdité inhumaine du
régime de Ana Pauker.4 Jusqu’au moment de son décès précoce causé
d’une maladie incurable, Sorana Gurian publie aussi la version
62
Communication interculturelle et littérature
française du roman Zilele nu se intorc niciodată – « Les jours ne
reviennent jamais » (en 1952, Éditions Julliard), après, une suite à ce
roman, toujours en français, Les Amours impitoyables (en 1953, à la
même Maison d’Edition) et le livre Récit d’un combat, écrit sur le lit
d’une clinique expérimentale de l’Institut Curie de Paris, là où
l’écrivaine trouvera sa fin.
Soupçonnée de compromis politiques et moraux répréhensibles,
Sorana Gurian se confronte à Paris avec la réticence de ses
compatriotes, comme il est indiqué dans le journal de Virgil Ierunca,
en 1949:
Sorana Gurian est revenue d’Italie, où on lui avait arrangé la publication
de son Journal. Elle se plaint que partout les compatriotes la présentent
aux Français comme une « dénonciatrice » ou comme un « agent de
Moscou ». La plainte est justifiée: où je vais, on me dit presque les
mêmes choses, même par quelques gens prudents avec les épithètes. Je ne
suis pas intéressé de cette offensive de potins. Je ne veux pas attraper
cette maladie des « soupçons d’espionnage » qui sévit très fort. Je vois
simplement en tout réfugié, un vrai homme, il faut l’accepter comme tel,
jusqu’à ce qu’il se dévoile seul. S’il se dévoile [Ierunca, 2000 : 84-85].
La figure de Sorana Gurian est sauvée par les références de
certaines voix objectives qui offrent des témoignages sur sa verticalité
exemplaire. Dans une interview publiée dans la rubrique Dialogues
essentiels de Jurnalul literar, Monica Lovinescu oppose à la versatilité
de certaines écrivaines telles Ioana Postelnicu et Sanda Movilă, le cas
isolé de Sorana Gurian: „Contrairement à elles, une « communiste »,
comme Sorana Gurian était considérée à l’époque, a été extraordinaire.
Elle m’a prévenue de ce qu’on lui préparait dans la « cellule » des
écrivains communistes. Les surprises étaient, par conséquent, dans les
deux sens. Parfois, elles venaient d’une direction inattendue.”5
La critique littéraire actuelle tente de réintégrer dans le circuit des
valeurs Sorana Gurian, entreprise difficile, puisque ses derniers livres
n’ont pas encore été traduits. Le critique littéraire de Iaşi, Victor
Dumea a publié plusieurs articles6 à ce sujet; Bianca Burţa-Cernat7
consacre aussi une étude de cas minutieuse à cette écrivaine, mais il
lui est impossible de supprimer tous les cônes d’ombre sous lesquels
se cachent beaucoup de moments de la biographie aventureuse de
Sorana Gurian.
Ochiurile reţelei - Jurnalul meu din România est dédié „A mes
amis restés là” et a pour motto l’affirmation suivante: „...Parce que de
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
63
nos jours ce n’est pas la désintégration de l’atome qui est
épouvantable, mais la désintégration des consciences...”. Le livre
contient, en fait, les efforts de l’écrivaine de protéger sa propre
conscience contre le processus de désintégration perfide et tragique
imposé par la terreur du communisme. L’idée sera reprise dans les
pages du journal en guise de conclusion à la marée des abandons
moraux des artistes:
Les écrivains, les artistes, les peintres, les critiques littéraires, ont été
placés dans l’obligation de signer, les uns après les autres, dans les pages
de l’organe officiel du Syndicat des écrivains ces affreuses «
autocritiques ». J’ai jeté le journal. J’ai la nausée, tant cela me dégoûte.
Je sais que la plupart de ceux qui ont signé ne croyaient pas un iota de ce
qu’ils avaient écrit. Mais ici, je n’ai aucun pouvoir. Je n’y peux changer
une seule ligne, pas même un mot. Et chaque mensonge, chaque lâcheté
augmente de plus en plus la quantité de saleté sous laquelle végètent, se
décomposent, pourrissent et se désintègrent les consciences des meilleurs
d’entre nous... [Gurian, 2002: 211] (ma note E.F.).
Deux autres éléments de paratexte accompagnent le texte
proprement dit du journal: un extrait d’un article censuré écrit pour
Revista Fundaţiilor Regale, en octobre 1947 („Les rossignols aveugles
chantent le mieux... parce qu’ils ne voient pas les grilles de leur cage.
Ma chanson ne va pas être ni aimée, ni trompeuse. Je veux crier la
vérité comme elle est, hideuse et perçante. Au lieu d’être l’écrivain
auquel on a arraché les yeux, dont l’âme est restée sourde et la voix
douce, je choisis le silence.” [Gurian, 2002:30] – un credo artistique
retrouvé également dans sa démarche de chroniqueur, le „silence”
représentant l’expression de la retraite du paysage littéraire de
l’époque, mais également l’expression d’une vision lucide du monde,
de la vie, consciemment et manifestement assumée) et un fragment
d’interview sans date ou lieu, qui s’inscrit sur le même paradigme
programmatique, où l’écrivaine refuse le statut d’„écrivain engagé”
tout en se déclarant incapable de se former une vision panoramique
sur l’histoire, tant que sa conscience reste confinée dans l’observation
lucide de la dimension tragique de celle-là, reflétée dans des détails
comme: „les larmes de la petite ménagère, la faim de l’enfant, le
désespoir de l’employé mis à la porte faute de carnet de membre du
Parti” [Gurian, 2002: 31].
La première date notée dans le journal est le 3 décembre 1947.
Sorana Gurian ne travaille plus depuis plus d’un an et est à la
64
Communication interculturelle et littérature
recherche d’un „mari” de nationalité étrangère qui, en échange d’une
somme considérable d’argent, accepte d’accomplir les formalités de
sortie du pays, moyennant des papiers faux. Durant cette période de
féroce surveillance politique de la population, le recours à cette „foire
aux mariages”8 représentait un risque vital : les autorités communistes
étaient assez vigilantes, et les peines appliquées aux coupables,
extrêmes: „Les prisons étaient bondées de fugitifs capturés ”[Gurian,
2002: 42] en plein exercice de fuir le pays. Sorana Gurian joue tout
sur une seule carte, parce que son passé politique, d’ancienne
sympathisante „réactionnaire” („...parfois j’avais l’impression que je
portais, comme les gens sandwich, sur la poitrine et au dos une grande
pancarte: la Réactionnaire numéro 1...” [Gurian, 2002: 51]), ce passé
l’exposait à des risques tolérables juste parce que leur enjeu était de
satisfaire une insupportable soif de liberté :
Mais moi, j’ai un passé... un pays. Je suis suspecte pour la police. Je suis
journaliste et écrivaine. Je me suis opposée aux décisions du Parti. J’ai
osé publier ce que j’ai pensé sur certaines vérités sacro-saintes. C’est un
crime que le parti ne pardonnera jamais. Je compte sur l’inattention de la
police. Entre mon nom de jeune fille, mon nom de femme divorcée, votre
nom et mon nom d’auteur... il y a une chance sur cent qu’on n’y établisse
aucune connexion. S’ils le découvrent, ils vont m’arrêter... [Gurian,
2002:45].
Le journal relate au cours de deux années l’aventure tragique de
l’obtention du passeport et de la sortie du pays, le véritable „test du
labyrinthe” pour l’écrivaine, pour Giovanni, son mari temporaire („Un
maigriot avec la joue couverte de boutons, la tête découverte, dans un
manteau loqueteux et un journal plié dans sa main. (…) Né à
Czernowitz...” [Gurian, 2002: 43]) et un test aussi pour Jo, son mari
réel, duquel elle avait divorcé formellement pour pouvoir se remarier,
toujours formellement. Sorana Gurian vit pendant cette période dans
les paramètres d’un provisorat existentiel, ayant la conscience
permanente que, quel que soit le résultat de la tentative d’évasion, son
existence n’était pas compatible avec le régime de terreur, humilité et
privation de liberté de la personne, mis en place dans le pays:
Je ne veux pas me résigner. Je ne peux pas vivre en prison. Je ne peux pas
respirer. Ce n’est pas l’air que je veuille respirer. C’est comme si on
demandait aux poissons de vivre ailleurs que dans l’eau. J’ai vécu dans
l’espoir qu’après quatre années de guerre… La véritable prison serait
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
65
préférable! Au moins elle me dispenserait des mensonges et slogans sur la
merveilleuse vie dans les pays « vraiment » démocratiques ... [Gurian,
2002: 49].
La chimère de la liberté hante toute son existence, d’autant plus
que, esprit humaniste et idéaliste, Sorana Gurian sait que cela
représente un droit élémentaire, pour l’acquisition duquel elle doit
cependant sacrifier sa propre identité : „(...) je sentais que tout m’était
devenu hostile, sauf l’immense soif qui me ravissait tout et mon
besoin de tendresse, et l’amour,et mon attachement au foyer, la soif
m’enlevait toute joie, cette soif corrosive, implacable,la soif de
liberté” [Gurian, 2002: 49].
Le titre choisi par l’écrivaine est connotatif pour la dimension
documentaire et de témoignage envisagée pour le journal de la
Roumanie totalitaire et se réfère au tissu insidieux résultant des
mouvements des communistes afin d’abolir la liberté et la dignité de
l’individu: „Autour de chacun a été tissu un hideux réseau
d’espionnage à l’intérieur duquel, les gens se guettent, se salissent,
s’enchevêtrent, s’ébattent. Aucun d’eux ne peut faire rien d’autre que
de se demander si, en parlant, en écrivant, en rêvant, il n’a commis
aucune erreur... On ne peut plus faire confiance à personne...” [Gurian,
2002: 52-53].
Le journal contient des références directes à la période précédant sa
publication, alors que Sorana Gurian était dans les grâces du nouvel
ordre politique instauré dans le pays:
Vous étiez bien payée, vous aviez une situation brillante! Sympathisante
du communisme, persona grata à l’ambassade de l’URSS ! Vous avez
tout perdu! Actuellement, vous êtes considérée comme un ennemi du
régime.
Oui, ma chère, je sais que cette réputation est exagérée et que dans la
profondeur de l’âme, vous êtes plus « de gauche », que beaucoup d’entre
nous...” [Gurian, 2002: 51-52],
lui reprocha, se doutant de sa „vocation de martyre”, le Secrétaire
général du Ministère de la Justice, un ancien proche ami, à qui Sorana
Gurian demanda l’aide dans l’un des moments de crise de son
odyssée d’évasion.
D’ailleurs, la rupture de son ancien entourage, les personnes
restées sur les barricades idéologiques du Parti, est tragiquement
ressentie:
66
Communication interculturelle et littérature
J’ai eu quelques amis dans le Parti, mais après ma prise de position, je ne
les ai plus vus. Ils ont peur de se compromettre. Personne n’interviendra
en ma faveur. Ni l’ancien fiancé de ma soeur, à présent, le Ministre du
Commerce, ni le procureur général de la République, mon ancien
camarade de faculté, ni le président de l’Assemblée Nationale, un écrivain
qui avait aimé mes livres… Non, je ne peux compter que sur moi-même”
[Gurian, 2002: 37].
Les moments d’aporie réécrits dans le journal se conjuguent avec
l’impossibilité de sémantiser au niveau existentiel l’expérience
désirée et assumée du dépaysement; écœurée de sa propre lâcheté et
versatilité, l’auteur ressent tragiquement la solitude à laquelle la
condamnent ses proches d’autrefois, la société, la divinité même:
Christ, saignant, ne me voyait pas, préoccupé de sa souffrance sur
l’immense croix noire. (...) Je me voyais lutter et tomber dans un combat
inutile. Pourquoi partir? Qu’est-ce qui m’attend là? Nulle part,
personne… D’ailleurs, si l’avenir m’offrait toutes les richesses du monde
et tous les plaisirs, toujours, toujours, je resterais une désespérée lucide,
mécontente de moi même; si jamais je recevais le contentement de soi, le
confort d’une conscience tranquille, je les refuserais, dégoûtée, à coup
sûr” [Gurian, 2002: 54].
Au long de son journal, Sorana Gurian fait transparaître entre les
lignes une souffrance congénitale, impossible à alléger, même si
l’auteur essaie de la déguiser à travers un rire cynique. C’est le clivage
identitaire stigmatisant qui s’approfondit à une confrontation
impitoyable avec l’histoire, atteignant des profondeurs d’abîme.
Quand elle doit compléter en détail une fiche pour le recensement
organisé en 1948 par le Bureau central des statistiques, Sorana Gurian
fait remarquer la forme de puzzle de sa propre identité: „Je me suis
follement amusée à compléter ma fiche de recensement. J’ai écrit aux
rubriques: citoyenneté, nationalité, langue maternelle, religion:
roumaine, juive, russe, catholique. Je pense que c’est le plus complet
puzzle et les travailleurs du recensement en seront éblouis”. [Gurian,
2002: 176-177] Même lue dans la clé spécifique de l’absurde, la
réaction dont l’auteur double ce moment ne peut pas cacher son
tragique: le „fol amusement”, étant en fait la limite du supportable de
la situation, une forme de résistance, de survie.
La gestion de sa propre identité s’est avérée problématique et
impressionnante dans une perspective diachronique. Évoquant la visite
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
67
de la femme peintre Fortuna B., Sorana Gurian décrit trois de ses
portraits réalisés par des artistes célèbres, témoignant, chacun, des
différentes facettes du profil évolutif de l’écrivaine. Le passé serait
représente par l’image de soi que Sorana Gurian trouve dans un
tableau de grandes dimensions peint par Magdalena Rădulescu. Le
portrait est poétique, concentrant les sentiments et les troubles de
l’écrivaine, dans une période de temps ressentie comme bucolique,
l’Arcadie, à l’époque où elle écrivait le roman Zilele nu se intorc
niciodată. Le visage du portrait dévoile sa mise identitaire:
Elle m’avait poétisée, me donnant l’image que j’avais en tant que Vivian
et An… et j’écrivais mon livre. Figure en couleurs pastel, légèrement
exotique, difficilement à dire si c’était celle d’une Egyptienne ou d’une
Japonaise. Ce regard long et triste à travers les paupières obliques, le
regard du loup en captivité dans une cage, nourri avec de gros morceaux
de viande et de charogne, ce long regard indéchiffrable du loup qui mène
sa vie dans une ménagerie. A ce temps-là, le front gardait encore sa
sérénité et la bouche « oeillet sauvage » (précision de l’auteur) (selon les
dires du général), la bouche était passionnelle et belle ... L’inclination de
la tête, au long du cou courbé, a quelque chose de chaud et
d’attendrissant. La grâce des petites épaules rondes et nues est mise en
valeur par un épais collier de corail rose et les cheveux bruns entourant
l’ovale comme une couronne, offrent à la jeune fille du tableau un air
doux et sensuel, une ligne conférant à l’ensemble sa fragilité de bibelot et
la force de sa passion...” [Gurian, 2002:139].
En opposition avec cette représentation idéalisée, par la
contemplation de laquelle Sorana Gurian retrouve sa passion artistique
et sa féminité débordante d’autrefois, c’est le dessin en crayon fait ad
hoc par Fortuna B., un signe de gratitude pour l’écrivaine qui lui avait
acheté deux albums avec des dessins de George Enescu, aux
répétitions duquel elle avait toujours assisté. Cette fois, le portrait
représente une femme sans âge, une femme consciente du sens tragique et
désespéré de la vie. Sa bouche reste fermée pour les mots qu’elle ne
prononcera jamais et ses yeux fatigués sont dépourvus de regard. Sur le
front, deux rides verticales profondes. La figure, plutôt un masque
mortuaire, est marquée de la sévérité et la tristesse froide de ceux qui
ignorent depuis longtemps ce qu’est l’illusion.
C’est la femme qui a vidé sa coupe d’amertume et de douceur de la vie, et
en détourne à présent sa figure assoiffée. La lucidité, une lucidité
impitoyable, quelque chose de fier et de distant, une intangibilité venue de
68
Communication interculturelle et littérature
l’intérieur, donnent à l’image dépourvue de grâce, la beauté de l’abandon.
Ni sérénité, ni résignation, ni humilité. Connaissance et mépris de soi et
amère dignité humaine. Dans le dessin fait par F.B., seulement les
cheveux, je crois, sont vrais, coupés court, ondulés et vivants” [Gurian,
2002 : 138-139].
La „lecture” de ce portrait, dont l’association avec le présent
historique est évidente, équivaut à un geste d’auto-contemplation,
avec le but d’auto-connaissance. Elle-même artiste, mais aussi pour se
dissocier du contexte „culturel” de l’époque, Sorana Gurian choisit
l’art comme possibilité d’auto (ré) présentation. Nous considérons que
ce fragment a la valeur de noyau pour le sens général du Journal de
Roumanie de l’écrivaine et surtout pour sa valeur identitaire, avec
complications et nuances infinies. Ce passage parvient à concentrer
tous les éléments définitoires pour l’auteur du journal, présentés
comme une clé pertinente d’appréciation de ses expériences de vie de
l’après-guerre: le refus orgueilleux des défis de l’histoire, l’éternel
fardeau du périssable, le respect de la dignité humaine, l’autodafé
assumé, la conscience fragile de sa propre féminité et, surtout,
l’immuable lucidité innée qui l’empêche de vivre vraiment et qui la
transforme en un témoin implacable du monde. L’inflexibilité de
conscience de l’auteur, greffée sur l’obligation d’assumer une identité
sociale clandestine en raison de son passé compromettant, la
détermine d’apprécier la réalité à laquelle elle assiste conformément
au lit de Procuste.
L’image personnelle de Sorana Gurian est complétée, dans l’esprit
de cette scission, avec le dessin en couleur fait par Lucia D.M. (c’est,
bien sûr, Lucia Demetriade Bălăcescu), face à la mer. Cette fois, la
représentation anamorphomatique est destinée à lui rappeler comment
l’auteur est reçue par le canon artistique du présent, surtout au cas où
elle réussirait à l’avenir, à se réfugier dans un autre espace culturel:
„…une tête oblongue, genre Clouet, une grâce laide et ironique, un
regard interrogateur typique aux myopes. Jo n’aime pas du tout ce
dessin, qu’il a appelé femme dépravée (note de l’auteur)”. [Gurian,
2002: 140] et pourtant, malgré cette étiquette, Sorana Gurian a
beaucoup aimé ce dessin, qu’elle avait placé juste à côté du miroir,
„pour l’accès immédiat à une contemplation comparative et pour
récupérer l’innocence d’antan” avec laquelle elle l’associait : ,,Mais
comment pourrais-je oublier la petite fille imprudente, audacieuse et
rêveuse d’autrefois, telle que j’ai été et je reste dans les profondeurs de
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
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mon âme... et que je retrouve dans ce dessin, grâce à je ne sais pas
quelle magie…” [Gurian, 2002:140]. La présence du miroir (un miroir
„aveugle”, pourtant) dans la ligne des trois portraits, exposés, „comme
sur les cimaises d’une galerie” [Cozea, 2005: 66] est symbolique, car
l’image y réfléchie est tout simplement ignorée, obscurcie, bien
qu’elle soit la plus fidèle par rapport à la réalité. L’auteur du journal
évite l’enregistrement et la description de l’image du miroir, le visage
réel, préférant la présentation ample du détail de certaines réflexions
abyssales de sa propre image dans la dimension artistique. Cette
attitude iconoclaste est une forme de refus catégorique de l’histoire
profane, par sa substitution avec la virtualité de l’art, mais aussi une
mise en garde indirecte contre le manque de coïncidence entre le soi
réel et celui reflété dans le journal, au niveau de la présence auctoriale.
Destiné à la publication avec n’importe quel risque, le journal de
Sorana Gurian viole la convention de confidentialité; le livre était
censé imposer une image particulière de l’auteur, éventuellement une
image pour sauver sa mémoire plus tard ainsi que l’option de l’exil.
Le soi projeté dans le sillage de l’époque communiste est donc dans
un tragique égotopie9, effet de la distopie totalitaire du premier plan
du journal de Sorana Gurian.
„La fille du tableau”, ,,la femme sans âge”, et „la femme
dépravée” – fragments de sa personnalité au fil du temps – sont les
résultats de la tentative de connaissance de soi par l’art à laquelle
arrive Sorana Gurian comme conséquence de l’examen narcissique
des trois portraits. Il ne s’agit pas uniquement de deux âges différents,
mais également de facettes différentes de la même identité, le journal
devenant ainsi „l’espace du dialogue impossible, celui entre le moi
présent et les mois passés ou futurs” [Dinu, 2012: 29].
La dimension artistique de la personnalité a aussi, au-delà de cette
valeur psychologique, une fonction pratique, puisqu’elle favorise et
facilite le jeu de la „comédie”, par lequel l’écrivaine Sorana Gurian a
réussi à induire en erreur les autorités communistes et à surmonter leur
vigilance concernant son identité dangereuse:
C’est moi qui ai appris la leçon à Giovanni, dans le moindre détail, ce
n’est pas en vain que je suis romancière (ma note, E.F.). Pour rendre
notre petite histoire comme la plus plausible, j’ai choisi les raisons les
plus banales, les plus simples,les pires raisons, typiquement petitesbourgeoises, dont personne n’ait rien a dire (…) Je faisais un jeu
psychologique avec la police. C’était ma liberté qui était en jeu” [Gurian,
2002:160].
70
Communication interculturelle et littérature
Même si c’est un journal intime, le livre Ochiurile reţelei conserve
non seulement la mémoire du présent, mais jette de fréquents regards
vers un passé arcadien, dont la nostalgie est parfois plus difficile à
supporter que la pression de l’instant actuel. Cependant, les souvenirs
sont invoqués comme une douloureuse forme de résistance, ils
détiennent la motivation de l’équilibre d’existence de l’écrivaine. Les
„bains” du passé ont l’effet d’un auto-encouragement, renforcent
l’estime de soi de l’auteur. Notons que ces évocations d’un passé
paradisiaque fonctionnent dans son dernier roman Zilele nu se întorc
niciodată comme technique artistique, les analepsies étant là pour
marquer les derniers jours du Chef, immobilisé sur son lit de mort,
souffrant d’une maladie implacable, dans un fin et tragique tressage
des plans temporels. Dans son journal, la mémoire du diariste situe les
expériences passées sur deux coordonnées: sentimentale et
personnelle (interne), de même que sociale et professionnelle
(extérieure).
L’image de Paris visité avant la guerre prend dans le souvenir de
l’écrivaine une valeur de topos édénique, arcadien; une chanson, un
film français éveille, comme chez Proust, la mémoire d’ un passé
inaccessible: ,,Un beau vieux film d’une époque disparue pour
toujours. J’ai pleuré, en le regardant, enveloppée par la nostalgie de
Paris, désirant passer, au moins une fois le long des quais de Passy
jusqu’au quai des Fleurs” [Gurian, 2002: 117]. Les épisodes du
journal invoqués en violation de la loi Blanchot du calendrier,
apportant au premier plan l’image d’un général russe, amoureux de
l’écrivaine malgré toutes les incompatibilités, reçoivent aussi des
dimensions démesurées : „Nous provenons de deux régions différentes
du monde... Il aurait peut-être été préférable de ne pas nous être
rencontrés. Mais, que faire? Ça arrive ! Vous êtes une individualiste,
moi, un officier soviétique, il est naturel que nous ne puissions pas
être heureux ensemble!” [Gurian, 2003:6]. Le retour dans le passé
d’une relation sentimentale menacée en permanence par la férocité de
l’histoire est d’autant plus douloureux qu’il accentue la conscience de
la fragilité et de la vulnérabilité des protagonistes:
Comme toujours, comme un leitmotiv de nos vies, de notre amour, nous
traînions comme une malédiction l’ombre porteuse de mal du Parti, la
vigilance du Parti, les soupçons du Parti. La peur empoisonnait tout
autour de nous, nous faisait perdre les plus beaux moments de la vie, nous
obligeait de vivre au jour le jour, ne pas nous soucier de l’avenir, tout
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
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comme l’homme qui avance sur une route et regarde seulement en
arrière...” [Gurian, 2003: 9-10].
L’anéantissement ne tarde pas à apparaître: dans les dernières
pages du journal, Sorana Gurian reproduit une discussion au cours de
laquelle le général l’avertit qu’il est prêt à placer les intérêts de son
Parti avant les sentiments qu’il porte à la femme soupçonnée
d’espionnage, prenant l’engagement de la liquider lui-même en cas de
confirmation.
Outre les conséquences existentielles, le Journal de Roumanie, de
Sorana Gurian a un fort enjeu historique, qui l’emporte clairement sur
la notation des mouvements intérieurs. L’espace sociopolitique dans
lequel se déroule le spectacle dramatique de l’existence est annoté
avec une cruelle objectivité, impitoyable. L’intention de publier ce
journal à l’étranger pour sensibiliser les habitants de l’ouest sur la
réalité tragique de la Roumanie totalitaire, oblige l’œil de l’auteur à
observer les aspects les plus représentatifs, le discours prenant
souvent, par l’exercice du style journalistique, l’aspect d’un compte
rendu:
Il est confirmé, en outre, que presque tous les citoyens soviétiques
nommés directeurs d’usines et d’entreprises, une fois une fonction, ont
adopté le train de vie des princes. Ils ont des voitures et des appartements
confortables. Les appartements réquisitionnés sont déjà meublés, les
anciens locataires étant obligés d’évacuer la place dans une période de dix
heures. Ils doivent tout abandonner sur place, tout ce qu’ils possèdent:
leur linge, leurs nappes, leur vaisselle, leurs tapis, leurs livres. Les Russes
s’y installent avec toute la famille et vivent dans un cadre qui n’est pas
fait pour eux, comme sous la tente. Les mégots de cigarettes brûlent la
boiserie de chêne et les velours, les mains sont essuyées sur les rideaux de
tulle, la vaisselle est cassée et les enfants chevauchent la balustrade de
l’escalier pour descendre” [Gurian, 2002:95].
Défiant tout risque („Je me débarrasse de ces notes car il n’est
point prudent de garder ce cahier chez moi. Les alarmes nocturnes
sont continuelles, les perquisitions deviennent de plus en plus «
vigilantes » (note de l’auteur). Tous mes amis qui sont au courant, me
conseillent de garder mon manuscrit chez l’un des copains, un
diplomate” [Gurian, 2002: 25].) Sorana Gurian prend une position
dissidente et écrit sur la rationalisation du pain, sur la
commercialisation abusive du journal de propagande Scânteia, sur le
72
Communication interculturelle et littérature
froid insupportable dans les logements, sur les humiliations auxquelles
étaient soumis les intellectuels et les gens ordinaires des villes et de la
campagne: „J’assiste à la décomposition lente d’une classe entière et à
la paupérisation lente d’une autre… Je suis un témoin lucide et sans
regret parce que je me demande, si on peut regretter quelque chose
destinée, sans doute, à la disparition ? Je vois cette misère qui, comme
une marée montante, envahit tout, pénètre partout, inonde tout.”
[Gurian, 2002: 178] Les figures symboliques du régime communiste
sont dessinés en traits épais, grotesques : Staline, proclamé „le génial
souverain du monde entier” [Gurian, 2003:154], Ana Pauker,
présentée comme une „Ninon de Lenclos fanatique”. [Gurian, 2002: 91]
Le journal permet également la reconstruction fidèle du paysage
littéraire de l’époque, avec ses lumières et ses ombres: la pression du
réalisme socialiste, la soumission des magazines spécialisés,
l’abdication esthétique forcée de nombreux écrivains face aux intérêts
politiques. La condamnation de l’attitude opportuniste de certains
artistes n’est pas purement extérieure, une simple déception culturelle,
puisqu’elle est mise en balance avec l’attitude iconoclaste de l’auteur.
L’alternative est pour tous les intellectuels la prison ou le
renoncement, mais Sorana Gurian refuse le pacte de Faust imposé par
l’histoire :
(…) je devrais publier deux ou trois articles dans lesquels je renie tout ce
à quoi je croyais jusqu’à présent... Je devrais admettre « mes erreurs du
passé » (note de l’auteur), faire mon autocritique, promettre qu’à l’avenir
je serai plus sage, que je vais me laisser dirigée par le Parti, dirigée par
Père Staline ! Et je vous promets que je ferai tout pour élever le niveau de
ma production littéraire, appliquant les principes du réalisme socialiste.
Après cela, je vais être mise à travailler, on me commandera à écrire sur
des sujets donnés, sur les fermes collectives, ou sur l’industrie minière de
charbon... Je devrais me soumettre, signer et rédiger dans un style
orthodoxe ce qu’on me commandera d’écrire...” [Gurian, 2002: 130-131].
Le chroniqueur expose une image d’inadaptée aux conditions
redoutables et aberrantes du contexte historique et culturel, justifiant
en fait, grâce à l’indignation affichée envers la flexibilité morale des
collègues de travail, l’option pour la solution de l’exil, comme le seul
moyen de sauver sa propre conscience de la „décomposition” : ,,(...)
ma lutte (...) tient surtout de ma foi d’écrivain revendiquant son droit
d’être lui-même” [Gurian, 2002: 131].
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
73
Le journal devient une forme de résistance face à la stigmatisation
de l’auteur par le monde littéraire détourné de ses ressorts esthétiques
naturels par l’immixtion du politique. Sorana Gurian se voit obligée
d’assister à une puissante campagne de presse contre ses écrits :
Trois hebdomadaires officiels: Contemporanul, le journal idéologique du
Parti, Tineretul, organe de presse des apprentis communistes et Flacăra,
le porte-parole du syndicat des écrivains, des artistes et des journalistes,
publient des articles de critique dure, mettent en garde les lecteurs pour
qu’ils ne se laissent pas séduire par le charme pervers de mes livres.
Certains m’accusent d’être un écrivain décadent dont l’œuvre exprime
son mépris pour les gens; d’autres, m’accusent de pornographie et
d’indécence. Et le troisième, sous la signature d’un ancien camarade,
garantit que mon roman Zilele nu se întorc niciodată est un livre
libidineux destine aux manucures. Là, je m’oppose. Les manucures, ne
sont-elles pas une partie de la classe ouvrière?” [Gurian, 2002:109].
L’attitude chaleureuse et les appréciations sincères des lecteurs
compensent quand même pleinement ces outrages directes : „A
chaque article de ce type, mes lecteurs anonymes réagissent. Le
téléphone sonne sans cesse. (...) Ne vous découragez pas, me dit-on.
Personne ne prend pour acquis la boue avec laquelle ils vous couvrent.
Nous sommes tous à côté de vous Dans leur esprit, je suis associée à
la résistance, de sorte que peu à peu je deviens un symbole. Le
symbole involontaire entraîné par une obstination dérisoire” [Gurian,
2002:119].
Le journal laisse comprendre que Sorana Gurian tirera profit de son
ascendance juive pour quitter le pays, à l’occasion d’un décret de
rapatriement des „émigrants de Alyah” en Palestine. L’octroi de visa
de sortie est un événement ressenti comme un miracle. Avec
Giovanni, l’écrivaine voyage en train à Budapest puis à Vienne, après
quoi elle atteint le territoire italien, à Udine, où les deux conjoints se
séparent. L’épilogue10 du journal fait référence à l’impact tragique de
la liberté nouvellement acquise sur la conscience de l’auteur. À Gênes,
où elle bénéficie de l’aide d’un copain, Sorana Gurian développe
quelques réflexions amères, hyperlucides, en ce qui concerne la
condition assumée d’un réfugié dans un rêve impossible :
Nous tous, tels que nous sommes, réfugiés politiques ou simples
personnes déplacées, sans patrie, à la recherche d’un pays où vivre,
certains évitant la prison, d’autres faisant l’apprentissage de la lâcheté,
74
Communication interculturelle et littérature
certains à la recherche de travail, d’autres à la recherche de l’espoir,
certains voulant vivre, d’autres ne voulant pas mourir, nous tous, nous
avons échappé au destin, tout en étant marqués à jamais. Car, le réfugié
n’est pas un émigré... Il est infiniment moins. Il n’est pas l’homme qui
reconstruit sa vie et refait son chemin, mais l’homme qui traîne la vie
après lui, un homme qui parfois la suit comme un chien battu par son
maître, tirant sur la chaîne, mais le suivant quand même... Il n’est pas
l’homme libre qui tente sa chance, mais le fugitif cherchant refuge,
marqué pour toujours par les traces des chaînes ...” [Gurian, 2003:170].
Le passé ne peut s’oublier facilement, le bilan des expériences
encore récentes provoque le désespoir et maintient une crise
existentielle qui ne peut pas être guérie :
Glacée d’ horreur, en sueurs, je continue dans le sommeil le voyage sans
fin, ce voyage qui m’a pris deux ans de la vie, deux années jalonnées de
visas, de faux documents, de faux mariages, de passeports, de timbres,
d’enquêtes policières, d’attentes interminables devant les guichets, de
files d’attente pour le contrôle, de formalités qui me remplissent
d’inquiétude, de dénonciations mensongères, un voyage tragique couvert
du masque du quotidien banal” [Gurian, 2003: 176].
La rigidité de la conscience se confronte maintenant avec le
sentiment de culpabilité issu de la relation avec ceux restés derrière „le
réseau maillé” ; le réquisitoire impitoyable que Sorana Gurian
présente à sa propre conscience détermine et nourrit le complexe du
déserteur proscrit : „Il est facile à écrire: Mon âme est toujours auprès
de vous. S’ils sont près, pourquoi suis-je partie ? Non, je n’ai pas
encore fini mes comptes avec moi même. Quoi que je fasse, je reste
un déserteur…”11 [Gurian, 2003: 176]. La liberté récente ne peut être
appréciée et valorisée que par la mystification de l’être, par le
dédoublement et la reconnaissance de l’altérité, il en résultant pourtant
un ,,moi haïssable”, conformément à la formule de Pascal : „ (…) un
nouvel être se fraie chemin en moi, différent de ce que j’étais. Il
entend la sirène d’un bateau flottant sur la mer, entend sonner une
cloche, les cris des enfants qui frappent le ballon. (…) A côté de cet
être nouveau s’élève, pâle et frémissant, l’être qui n’aime plus
personne, qui se débarrasse de mots et d’images, cet être qui regarde
fixement le cancer qui envahit son sein: mon passé…” [Gurian, 2003:
177]. A la fin du journal, l’auteur oppose à ces considérations
crépusculaires une affirmation simple, où se mêlent une série très
diverse d’états d’âme, allant du désespoir et de l’effroi jusqu’à
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
75
l’émotion timide de l’espoir : „Demain je partirai pour Paris” [Gurian,
2003: 177].
Même s’il se veut emblématique pour l’expérience traumatique de
l’évasion de l’espace concentrationnaire communiste („Je dis toujours
« moi » mais mon destin n’est point différent de celui des autres. Ce
que j’ai vécu, c’est l’expérience commune avec les milliers d’autres
êtres humains. Un réfugié politique, n’importe qui, de quel pays, de
tout point sur la carte de l’Europe centrale et du sud-est, serait en
mesure de raconter mon histoire.” [Gurian, 2003: 174]), le journal de
Roumanie de Sorana Gurian est unique par la force psychologique de
la notation, par la lucidité de l’exhibition des dilemmes identitaires,
par l’acuité et l’objectivité de la perspective sur les effets corrosifs du
totalitarisme du début sur la société roumaine de l’après-guerre.
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76
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Notes
1
2
3
4
5
6
7
8
Streinu, Vladimir, Pagini de critică literară, tome 2, la Maison d'Edition
pour la Littérature, Bucarest, 1968, p. 230.
Gurian, Sorana, in Instantaneu cu Sorana Gurian, de Jeanine Delpech,
traduit par Cornelia Ștefănescu, dans Jurnalul literar, nouvelle série, an
XI, no. 17-20, septembre-octobre 2001, pp. 6-7.
Bianca Burţa-Cernat aussi saisit la dimension littératurisée, fortement
marquée par la fictionnalisation, du Journal de Roumanie de Sorana
Gurian, qu'elle considère comme un „pseudo journal” [Burţa-Cernat,
2011: 308]. Une possible explication psychanalytique de cet aspect est
trouvée par Liana Cozea, par le besoin de Sorana Gurian de compenser la
déception de son échec comme écrivain, vu sa mise le dos contre le mur
par les communistes: ,,Au-delà des avatars d’une vie tumultueuse,
sinueuse et sonore, tellement différente de ses congénères du cénacle de
Lovinescu, elle fait preuve d’un authentique talent littéraire qui n’a pas eu
le temps d’être consommé ou épuisé dans ses créations de fiction.”
[Cozea, 2005:45].
Florescu, Nicolae, Regăsirea Soranei Gurian, in Jurnalul literar,
nouvelle série, année XIII, no. 5-10, mars-avril-mai 2002, p. 4.
Cu Monica Lovinescu si Virgil Ierunca recapitulând exilul, interview
réalisée par Nicole Florescu, in Jurnalul literar, nouvelle série, année XI,
no. 13-14, juillet 2000, p.6.
Par exemple, Misterioasa viaţă a Soranei Gurian, in Romania literară,
no. 20 et 21 du 21-27 mai et du 28 mai-3 juin 2003, disponible à
http://www.romlit.ro/misterioasa_via_a_soranei_gurian;
Începuturile
Soranei Gurian, in Convorbiri literare, no. 5(113), mai 2005, disponible
à: http://convorbiri-literare.dntis.ro/DURNEA mai5.html.
Burţa-Cernat, Bianca, op. cit., pp. 307-324.
„La Foire aux mariages était en plein progrès. Les prix variaient entre
30.000 et. 250.000 lei. Les Italiens et les Grecs sont payés le pire. Les
premiers, à cause du divorce, les autres, parce que depuis la guerre civile,
la police roumaine leur refusait tout. Seulement les militants communistes
reçoivent des passeports (et les militants communistes n'ont pas besoin de
se vendre à une femme, ils sont entretenus par notre Parti et notre
gouvernement)! Les Français et les Suisses ont la côte. Les mieux côtés
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
9
10
11
77
sont les Américains et les Anglais. Ils sont très peu nombreux et se
prêtent avec difficulté à un mariage blanc.” [Gurian, 2002: 40].
Nous entendrons par cette structure l’image de soi idéale consciemment
construite dans les pages du journal destiné à la publication, image qui
résulte de la confluence conflictuelle avec la pression de l’histoire.
„L' Epilogue du livre se situe, en effet, à un niveau particulier, expression
directe, dont la sincérité ne peut plus être mise en doute, de la
confrontation de la conscience avec les limites tant de la condition
personnelle d'un certain individu, c'est-à-dire, dans ce cas l'auteur de la
chronique, qu’avec les limites généralement humaines.” - Durnea, Victor,
Misterioasa viaţă a Soranei Gurian, in România literară, nr. 21, du 28
mai-3 juin 2003, disponible à http://www.romlit. ro/misterioasa_via_
a_soranei_gurian2.
Nous ajoutons ici, pour sa pertinence par rapport a l’idée en discussion,
une autre citation importante: „J'ai honte d’avoir déserté. Honte d’avoir
laissé mes amis à lutter seuls. Honte, comme si j'étais un soldat qui avait
pris sa fuite, laissant entre les fils de fer barbelé, les corps mutilés et
encore en vie de ses camarades. Que dois-je faire ? Je ne sais pas. La
raison me dicte de faire l'impossible, de risquer ma vie dans ce départ.
Mais la raison n'a rien à voir avec ce que je ressens. Ces liaisons qui se
défont et tombent comme les pansements séchés qui se décollent, laissant
voir une plaie cicatrisée...” [Gurian, 2003: 169].
78
Communication interculturelle et littérature
Agota Kristof : langue et écriture dans le
contexte de l’exil
Iryna Sobchenko
Résumé : Dans l’écriture d’Agota Kristof le dispositif minimaliste semble
surgir au même temps qu’un certain code normatif qu’on doit accepter à
cause du déplacement vers l’espace langagier et culturel étranger. « Le défi
de l’analphabète », comme Kristof appelle elle-même son écriture, est lancé
au pouvoir imminent de la langue d’accueil, le français, qui est marqué par
les siècles de souci de la langue et du style. Dans le contexte de l’exil,
l’écriture minimaliste devient la critique de la conception essentialiste de la
langue et de la littérature, déterminées par l’identité nationale. La présente
communication tend à développer une réflexion sur les modes à travers
lesquels dans les romans et les récits d’Agota Kristof l’écriture minimaliste
fait face à la discontinuité du sujet et au pouvoir de la langue, aussi bien
qu’élucider l’aspect éthique de l’écriture en tant que réalisation d’une
intention, d’un choix qui résulte de la situation d’ambivalence langagière.
Mots-clés : Agota Kristof, écriture minimaliste, écriture blanche, pouvoir de
la langue, éthique de l’écriture, dialectique négative.
D
ans l’univers romanesque d’Agota Kristof il
existe une expression qui, tout en étant inscrite dans le cadre
historique et biographique et en ce sens légitime, s’avère même plus
troublante que la cruauté des labyrinthes vertigineux de sa narration. Il
s’agit de la fameuse « langue ennemie », dénomination à laquelle
l’autrice a recours pour designer la langue étrangère, et surtout le
français. La première occurrence de ces mots est repérée dans le récit
autobiographique « L’Analphabète », exactement dans le chapitre
quasiment homonyme où surgit l’opposition langue maternelle-langue
ennemie1. De même, cet affrontement est reflété dans la mappemonde
langagière du Grand Cahier: la première langue étrangère apprise par
les jumeaux est littéralement la langue ennemie, celle de l’officier
allemand, aussi bien que la langue de Grand-Mère, qu’elle ne parle
qu’en buvant toute seule dans sa chambre. L’allemand, langue de
l’occupation, le russe, langue du régime totalitaire, pénètrent l’espace
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
79
unique et clos de la langue maternelle, mais le français
paradoxalement devient l’adversaire plus menaçant, car il « est en
train de tuer ma langue maternelle », avoue Kristof, qui doit
« affronter », lutter pour « conquérir cette langue »2. Cependant la
radicalité binaire de l’opposition langue maternelle-langue ennemie
est brouillée par l’existence du tiers – « langue inventée », une sorte de
langue secrète que les enfants, Agota et son frère Yano, ne parlaient
qu’entre eux, et qu’ils imaginaient également être la langue des
Tziganes. Ces derniers l’utilisaient, selon les enfants, « parce que dans
le bistrot du village ils avaient des verres marqués, des verres rien que
pour eux, car personne ne voulait boire dans un verre dans lequel le
Tzigane a bu »3. Évidemment cette « langue inventée », acte personnel
et même collectif de la résistance à la discrimination, à la contrainte
d’être « marqué », est par excellence la langue de l’exil. La rupture au
niveau de la langue se représente, semble-t-il, à travers l’ensemble des
codes qui marquent profondément l’écriture kristofienne, en creusant
l’idéologie de la langue et de l’identité.
L’œuvre d’Agota Kristof, écrivaine d’origine hongroise, émigrée
en Suisse en 1956, s’inscrit à part entière dans l’espace de la littérature
européenne et mondiale, étant comparable, sans exagérer, avec celui
des figures majeures du procès littéraire européen telles que, par
exemple, Kafka, Camus ou bien Beckett, auteur de référence pour
l’écriture dite minimaliste, ou les autres écrivains plutôt
contemporains qui abordent les questions de la langue, de l’exil, du
sujet discontinu, de l’altérité. L’œuvre d’Agota Kristof est engagée en
premier lieu dans le contexte de la littérature du déracinement – la
génération des écrivains transfuges de la deuxième moitié du XXe
siècle. Nombre d’auteurs – Valérie Petitpierre, Rennie Yotova, Noël
Cordonnier, Tijana Miletič, Silvia Audo Gianotti, Marie Noëlle
Riboni-Edme – interrogent l’identité versatile qui paraît sur la
frontière langagière et culturelle en associant l’écriture kristofienne
avec le discours de l’exil à formes multiples. La phénoménologie de
l’exil chez Kristof se révèle de toute évidence dans le travail avec la
langue dont le résultat est l’écriture extrêmement sobre et dépouillée,
qu’on peut non sans raison nommer minimaliste. Cherchant à éviter
l’approche trop généralisatrice, surtout par rapport aux écrivains
contemporains, nous appelons minimaliste l’écriture d’un tel ou tel
auteur dès lors que dans sa profondeur le minimalisme existe en
manière du principe plus au moins articulé. L’attention au
minimalisme considéré dans l’ensemble des pratiques textuelles et des
80
Communication interculturelle et littérature
tendances littéraires chez plusieurs auteurs nous paraît pertinente du
point de vue des études des formes narratives dans le roman
contemporain. Notamment il s’agit du phénomène de l’écriture
blanche, évoqué par R. Barthes dans son essai Le Degré zéro de
l’écriture (1953) et actualisé dans différents contextes critiques
pendant ces dernières décennies – dès auteurs de l’édition de Minuit à
ce que l’on appelle « le minimalisme positif » de Philippe Delerm et
Christian Bobin. Du fait que la notion du minimalisme dans la
littérature de la fin ХХe – début ХХІe siècles surgit au croisement de
l’art visuel, de la musique et de la littérature, l’étude de l’identité
textuelle dans l’écriture minimaliste est impossible sans prendre en
considération l’aspect intermédial ce qui prévoit la polyvalence des
formes et structures minimalistes. De l’autre côté, l’écriture
minimaliste comme toute autre écriture tend à problématiser les
catégories de forme et de la structure, en les traitant avant tout du
point de vue de leur caractère non linéaire, non hiérarchique, inachevé.
Ainsi dans notre recherche sur la construction de l’identité textuelle
dans l’écriture d’Agota Kristof nous avons recours à des aspects
différents de l’écriture minimaliste: les modalités de l’énonciation,
l’organisation de l’espace textuel, l’identification générique et la
structuration sémantique.
Il est donc justifié de parler de l’écriture minimaliste chez Agota
Kristof en tant que principe car avant tout cette conception est
déclarée à travers ses textes, notamment dans le passage bien connu
du Grand Cahier. Le commentaire du narrateur homodiégétique dans
ce roman « des jumeaux qui sont en train d’écrire leur journal intime
» montre que la vérité et la fidélité aux faits sont l’intention première
de l’énonciation minimaliste : « Nous devons décrire ce qui est, ce que
nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous faisons »4, « les mots
qui définissent les sentiments sont très vagues; il vaut mieux éviter
leur emploi et s’en tenir à la description des objets, des êtres humains
et de soi-même, c’est-à-dire à la description fidèle des faits »5.
Pratiquée déjà à partir des premières expériences littéraires, les pièces
pour radio et théâtre, l’écriture dénotative d’Agota Kristof est vouée à
la dialectique négative de l’auto-réfutation que certains
commentateurs de son œuvre considèrent comme nihiliste. En rapport
de ce malaise langagier l’un des fragments du métatexte les plus
éloquents est la nouvelle L’écrivain du recueil C’est égal. Le
personnage se retire du monde pour écrire « l’œuvre de sa vie »6. Il se
croit être un grand écrivain, pourtant il n’a encore rien écrit; de vains
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
81
efforts pour retrouver un sujet « assez grand », la solitude, le silence et
le vide irréparables le mènent à l’état d’un profond désespoir jusqu’à
ce qu’il s’exclame: « J’écrirai tout, tout ce qu’on peut écrire ». Mais
son alter ego ironique lui répond : « D’accord, fiston. Tout, mais pas
plus, hein? »7. Ici ce « tout, mais pas plus », où la puissance
existentielle de l’acte de l’écriture fait face à la précarité de la parole,
rappelle une paraphrase de « less is more », « moins, c’est plus », le
slogan universel du minimalisme. Le discours littéraire d’Agota
Kristof, étant loin de toute conceptualisation exagérée, est quand
même marqué par la réflexion profonde et sublime sur les rapports
entre la parole et le sens, et l’intention minimaliste semble y être un
mode de ce questionnement.
La langue, le mot idéologiquement marqué pour Kristof, est la
localisation apparente de la frontière que le mouvement de l’écriture
tente de franchir. Dans le monde où existent la langue maternelle et les
langues ennemies, l’écriture est la marche interminable destinée à
surmonter l’aphasie, « l’analphabétisme » temporaire dû à la tyrannie
symbolique de la langue du pays d’accueil. Ainsi les textes d’Agota
Kristof mettent-ils en valeur l’opposition entre la langue et l’écriture,
de la même manière que Roland Barthes le fait dans l’essai Le Degré
zéro de l’écriture: « L’écrivain n’y puise rien, à la lettre: la langue est
plutôt pour lui comme une ligne dont la transgression désignera peutêtre une surnature du langage: elle est l’aire d’une action, la
définition et l’attente d’un possible. Elle n’est pas le lieu d’un
engagement social, mais seulement un réflexe sans choix, la propriété
indivise des hommes et non pas des écrivains; elle reste en dehors du
rituel des Lettres; c’est un objet social par définition, non par
élection » [ Barthes, 1972: 12 ]. D’autres paroles de l’écrivaine
résonnent en écho: « Cette langue, je ne l’ai pas choisie. Elle m’a été
imposée par le sort, par le hasard, par les circonstances »8. L’écriture
pour Agota Kristof est un paradoxe, une sorte de double contrainte:
elle l’assume d’abord comme la nécessité, comme un engagement qui
est, selon l’observation d’Emanuela Cavicchi, « la question de vie ou
de mort » [ Cavicchi, 2009: 177 ], mais en même temps c’est un
mouvement suicidaire, « mortifère », comme le caractérise Rennie
Yotova [ Yotova, 2011: 62 ], « un douloureux processus
d’anéantissement » [ Yotova, 2011: 10 ]. Dans l’un des entretiens
l’écrivaine explique sa situation de l’écriture très sincèrement:
« L’écriture n’est pas une thérapie. Au contraire, j’ai souffert encore
plus d’écrire ce livre. L’écriture ne m’aide pas. C’est presque
82
Communication interculturelle et littérature
suicidaire. Écrire, c’est la chose la plus difficile au monde. Et
pourtant, c’est la seule chose qui m’intéresse. Et pourtant, elle me
rend malade »9. Encore ici on trace les liens avec la pensée barthienne,
qui est, semble-t-il, le commentaire universel pour l’expérience
littéraire d’Agota Kristof: « Aussi l’écriture est-elle une réalité
ambiguë: d’une part, elle naît incontestablement d’une confrontation
de l’écrivain et de sa société; d’autre part, de cette finalité sociale,
elle renvoie l’écrivain, par une sorte de transfert tragique, aux
sources instrumentales de sa création » [ Barthes, 1972: 16 ].
L’écriture blanche, qui, selon Barthes, est l’écriture neutre, libérée
d’« un ordre marqué du langage » [ Barthes, 1972: 55 ], est
étroitement liée au discours de l’exil. Il s’agit non seulement de
l’aliénation, du déracinement et de l’isolement, d’inévitables
compagnons de l’exilé, qui peuvent éventuellement s’inscrire dans des
formes de l’économie langagière, mais aussi des expériences
traumatiques extrêmes, de l’écriture dite des limites, car l’exil le plus
souvent est le résultat des catastrophes politiques et économiques, – et
l’œuvre d’Agota Kristof en est un remarquable témoignage, – face
auxquelles la littérature dans le XXe siècle a subi beaucoup de
transformations. Jean Cayrol, mentionné dans l’essai de Barthes parmi
les auteurs de l’écriture blanche, introduit au début des années 50 la
notion du « roman lazaréen », c’est-à-dire, le roman sur les camps de
concentration, où le narrateur est associé à l’image de Lazare,
personnage symbolique pour la littérature de l’après-guerre, l’être
humain qui a passé par la mort, y compris celle de l’humanisme
même, et qui en est revenu pour témoigner. Marie-Laure Basuyaux
cerne le fonctionnement des procédés stylistiques de l’écriture
concentrationnaire de Cayrol où force est de constater une affinité
frappante avec l’écriture minimaliste d’Agota Kristof: l’utilisation du
présent itératif [ Basuyaux, 2009: 86 ], comme dans certains passages
du Grand Cahier, par exemple, « Les travaux »; la syntaxe coupée et
l’utilisation des pronoms anaphoriques, l’alternance des voix
narratives, et surtout l’écart et l’étrangeté du sujet narrant. Cayrol
introduit la notion de l’écriture « alittéraire », qui, pour des raisons
éthiques, se met à l’écart de la préciosité stylistique des belles lettres,
et le fait qu’il opère cette transformation à l’intérieur de la langue
maternelle, qu’il parle d’un « style concentrationnaire » [ Basuyaux,
2009: 92 ] et non du contenu, lui-même ayant survécu à la déportation,
le rend encore plus proche de l’écriture d’Agota Kristof où l’exil est
expérience ontologique et non seulement cartographique.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
83
À quel objet de critique l’écriture minimaliste fait-elle donc appel:
à la conception essentialiste de la langue, au sujet cartésien, au
pouvoir de la langue ou bien à l’utopie de la littérature nationale ?
Noël Cordonnier propose deux modèles de réception de la Trilogie
selon les rapports avec la langue et la culture française. D’un part, la
lecture peut se déployer dans la perspective essentialiste, selon
laquelle l’écriture minimaliste d’Agota Kristof, dégagée du registre
affectif, est la découverte de la « nature » cartésienne du français,
langue de la clarté, de la raison et de la philosophie
[ Cordonnier, 2001: 95 ]. D’autre part, la langue de la Trilogie est
détachée du contexte littéraire français et fonctionne
exceptionnellement en tant que moyen de communication neutre. De
ce point de vue, la non-identification des langues chez Kristof
témoigne de la nature traumatisante de liaison langue-identité, pour
laquelle l’Europe continue à payer un prix trop cher à cause de ses
fantasmes impérialistes exagérés [ Cordonnier, 2001: 98 ]. JeanMarc Moura décrit la situation de l’énonciation dans les littératures
francophones à travers les phénomènes de la périphérie et de la
coexistence. Bien qu’il évoque dans son étude en premier lieu le
contexte postcolonial et les écrivains non européens au sein de la
littérature européenne, les pratiques y mentionnées retrouvent sa
pertinence dans le cadre plus vaste de toute situation de l’écriture entre
les langues. Si la périphérie signifie la rupture entre l’énonciation
même et l’espace où elle se déploie, la coexistence linguistique et
littéraire engendre des mondes symboliques fonctionnant en tant que
systèmes de « légitimation » de la réalité sociale qui exerce l’influence
cognitive et normative sur le sujet écrivant. L’univers symbolique se
présente comme « matrice de toutes les significations »
[ Moura, 1999: 51 ], qui accumule les connaissances nécessaires et
définit les critères des pratiques sociales et de ses participants. Par
conséquent, la situation de coexistence dans les littératures
francophones prévoit la légitimation de la norme de l’espace d’accueil
en même temps que l’autolégitimation de son identité par rapport à
cette norme. De différentes formes de l’interaction entre les mondes
symboliques dans l’espace idéologique commun – de la confrontation
acharnée au compromis et l’entente – créent à travers l’hybridation
littéraire une nouvelle réalité, du fait que « L’œuvre littéraire cherche
précisément à rendre une cohérence au monde, à travailler, du cœur
de cet éclatement et de cette insécurité, à une unité symbolique »
[ Moura, 1999: 55 ]. De toute évidence on peut affirmer que l’écriture
84
Communication interculturelle et littérature
minimaliste d’Agota Kristof est une forme de l’autolégitimation face
au conflit des mondes symboliques langagiers et de la tentation de
mettre en évidence l’identité incertaine de l’exilée, mais s’agit-il
vraiment de la restitution de l’ordre symbolique identitaire ?
L’écriture est un moyen dominant de l’énonciation du narrateur
chez Agota Kristof, notamment dans la Trilogie et Hier, et en tant
qu’acte énonciatif elle est marquée par le désir de sincérité. Les
jumeaux ressentent le besoin d’« écrire la vérité », tandis que ce qu’ils
disent est très souvent loin de la vérité. Les marques de la fiction dans
les textes de Kristof renvoient d’une façon ou d’une autre à l’écriture,
au seul fait de l’écrit. Sous cet aspect les éléments paratextuels de la
Trilogie sont exemplaires – Le Grand Cahier, La Preuve et Le
Troisième Mensonge, où le titre du premier roman parle de lui-même,
et le deux autres sont des paraphrases synonymiques du « cahier »,
d’un manuscrit, qui est « la preuve » dans le deuxième roman et « le
mensonge » dans le troisième. Ce qui est écrit, est inventé de par sa
nature, car la parole ne reflète pas la réalité mais la transforme. Tobias,
personnage du roman Hier, avoue: « <…> dès qu’on écrit, les pensées
se transforment, se déforment, et tout devient faux. À cause des
mots »10. Son écriture échappe au contrôle et vit sa propre vie en
construisant le monde parallèle : « L’ennui c’est que je n’écris pas ce
que je devrais écrire, j’écris n’importe quoi, des choses que personne
ne peut comprendre et que je ne comprends moi-même. Le soir, quand
je recopie ce que j’ai écrit dans ma tête au long de la journée, je me
demande pourquoi j’ai écrit tout cela. Pour qui et pour quelle raison?
»11. L’écriture consume, envahit, détruit: « Je suis fatigué. Hier soir,
j’ai encore écrit en buvant de la bière. Les phrases tournent dans ma
tête. Je pense que l’écriture me tuera »12. Ici on voit que l’écriture de
l’exil est un modèle de l’échange compliqué, ce que Jean Rousset
appelle « l’échange entravé » et « échange interdit » [ Rousset,
1990: 32 ] : non seulement le destinataire est inaccessible ou absent et
son existence réelle est constamment mise en question, comme c’est le
cas de Claus et Lucas (La Preuve, Le Troisième Mensonge) ou bien de
Line (Hier), mais aussi le mode de l’énonciation, l’écriture, se révèle
inapproprié et compromettant. Pour les personnages d’Agota Kristof,
aussi bien que pour la génération entière des exilés, l’exil est avant
tout la catastrophe communicative et la recherche désespérée des
moyens de restitution des liens avec le monde.
La question de la sincérité, importante pour le minimalisme
kristofien, met en place une suite de stratégies narratives, dont la
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
85
déstabilisation de l’instance narratrice qui apparaît non seulement à
cause de l’alternance du « nous », « je » et « il », comme c’est le cas
dans la Trilogie, mais aussi par la réfutation conséquente des faits
relatés, la proclamation des affirmations contradictoires et le jeu de
perturbation de la cohérence sémantique de la narration. Dans La
Preuve, la présence au début du roman des détails déjà connus du
lecteur crée l’illusion de la continuation de la même histoire: on
rencontre le curé et Victor, on se souvient de Grand-Mère décédée, de
la mort tragique de Mère et de la petite sœur de Lucas. Mais pourtant
Lucas est seul à connaître le fait de l’existence de Claus. Même le curé
qui dans Le Grand Cahier s’adressait à tous les deux, à ce fameux
« nous », n’évoque à aucun titre le deuxième frère. Dans Hier la
narration se déploie à deux niveaux: extradiégétique (l’histoire d’un
immigré dans un pays étranger) et intradiégétique (l’espace de
l’écriture fantasmatique). Dès le début du roman ces deux niveaux ne
sont pas nettement délimités, ils déroutent le lecteur par les références
contradictoires : « C’est comme cela que je suis mort. Bientôt mon
corps se confondit avec la terre »13; « Naturellement, je ne suis pas
mort. Un promeneur m’a trouvé couché dans la boue, en pleine
forêt » ; « – On ne peut pas écrire sa mort. C’est le psychiatre qui m’a
dit ça »14. Cette progression référentielle complique la découverte des
limites du monde inventé par Sandor-Tobias, qui se réalise grâce à la
démystification du mensonge fictionnel au niveau extradiégétique,
c’est-à-dire, au cours de la conversation avec le psychiatre : « Line
n’est qu’un personnage inventé. Elle n’existe pas »15. Or, cette
indétermination demeure même au niveau extradiégétique, ce qu’on
peut remarquer dans le fragment suivant : « Certainement. Je sais
qu’elle existe quelque part. J’ai toujours su que je n’étais venu au
monde que pour la rencontrer. Et elle de même. Elle n’est venue au
monde que pour me rencontrer. Elle s’appelle Line, elle est ma femme,
mon amour, ma vie. Je ne l’ai jamais vue. Yolande, je l’ai rencontrée
en achetant des chaussettes. Des noires, des grises, des chaussettes de
tennis blanches. Je ne joue pas au tennis »16.
À propos de ce type d’énonciation on peut évoquer la notion du
« narrateur incertain », introduite par Wayne C. Booth [Booth, 1983] :
les intentions du sujet sont ambivalentes, il n’est pas sûr de ce qu’il
relate, son identité est floue, car en déclarant le désir d’être sincère et
n’écrire que de la vérité, il joue avec le lecteur en le désorientant. La
déstabilisation de l’instance narratrice, qui renvoie dans les romans
d’Agota Kristof à des figures de l’enfant, du fou et du menteur, fait
86
Communication interculturelle et littérature
penser à l’idée que dans la réalité fictionnelle il n’existe pas de vérité
monophonique, et à la remarque de Philippe Gasparini concernant la
mise en place de l’identité incertaine par le miroitement du « je » et du
« il », qui témoigne d’un refus « d’une écriture soi-disant neutre,
innocente, naturellement sincère et objective » et en même temps de «
la quête d’une objectivité supérieure » [Gasparini, 2004: 157]. Étant
mise en question d’une manière permanente, l’identité instable du
« je » narrant (qui est le plus souvent le « je » écrivant), empêche le
lecteur de succomber à deux types d’illusion, référentielle et
fictionnelle. Dans l’entretien avec Philippe Savary, l’autrice souligne
l’importance de sa stratégie narrative: « J’ai voulu montrer que Le
Grand Cahier était un mensonge. Lucas n’a pas vécu chez grand-mère
avec son frère jumeau. L’embellissement, c’était refuser de décrire
cette solitude, en inventant une vie à deux, dans laquelle la réalisation
de soi était possible »17. Aussi le problème de la sincérité dans l’œuvre
d’Agota Kristof est-il résolu au moyen de la double négation : la visée
pragmatique première de l’acte fictionnel, celle de créer un monde
inventé, est démystifiée par la constatation de sa nature fictionnelle.
Le narrateur avouant d’une manière explicite ou implicite que
l’histoire relatée n’est qu’un mensonge, une fabulation, est en train de
vivre le moment de la sincérité par rapport à son lecteur. Dans cette
optique, l’écriture d’Agota Kristof envisage la question de sincérité
non seulement à l’intérieur du texte fictionnel, mais aussi dans le
cadre général de l’énonciation: le sujet de l’énonciation peut-il être
vraiment sincère jusqu’au fond prenant en considération le fait que
son identité n’est jamais unitaire, que sa parole est conditionnée par
l’inconscient, par l’appartenance linguistique, culturelle, idéologique,
aussi bien que par l’engagement dans multiples pratiques discursives ?
Sans doute, ici il s’agit d’un problème global de la littérature de la
deuxième moitié du XXe siècle, après la psychanalyse de Lacan et la
philosophie poststructuraliste – la découverte de l’absence du locuteur
idéal qui serait l’unique source de ses énonciations et exercerait le
contrôle total sur son discours.
À travers les caractéristiques énonciatives et les codes narratifs,
révélés dans les textes d’Agota Kristof, on peut cerner le sujet
« exilé » de sa langue, déplacé par rapport à son langage, mais est-il
donc « réfugié » dans l’écriture ? Non sans raison on peut conclure à
ce sujet, comme Rennie Yotova, que « les personnages d’Agota
Kristof n’arrivent pas à s’enraciner dans l’écriture, ni elle-même, qui
reste de fait une « exilée existentielle », profondément nihiliste »
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
87
[Yotova, 2011: 17]. Le vocabulaire de l’exil est visiblement articulé
par l’écrivaine dans ses textes, surtout dans Hier et des nouvelles
comme L’écrivain, aussi bien que le passage remarquable du
Troisième Mensonge : « Je lui dis que la vie est d’une inutilité totale,
elle est non-sens, aberration, souffrance infinie, l’invention d’un NonDieu dont la méchanceté dépasse l’entendement »18. Néanmoins
Agota Kristof est loin d’être pathétique, quand elle dit qu’il n’a pas
assez de mots dans le vocabulaire pour décrire la douleur19, car c’est
plutôt à cause de l’ironie envers la parole défaillante qu’elle fait
Klaus, son personnage, reprendre presque mot à mot une citation
d’Amras de Thomas Bernhard, dont elle apprécie l’humour noir, et
dont l’œuvre est une source d’inspiration pour elle. La manière dont
Agota Kristof effectue le travail sur la langue dans le contexte de
l’exil renvoie aux procédés de la réflexion et de la prise de distance
dans la situation d’entre-deux-langues, aux régimes de la coexistence
ou bien ceux de l’opposition. Muriel Zeender Berset applique au
champ de la littérature romande certains concepts de la critique
francophone qu’elle considère comme pertinents, surtout ceux de
surconscience linguistique, d’hétérolinguisme et de normalisation, les
notions élaborées respectivement par Lise Gauvin, Rainier Grutman et
François Ricard [Zeender Berset, 2010: 41]. Elle met en valeur
l’importance de l’expérience hétérolingue qui offre une approche du
monde plus complexe et plus variée, ouvre des voies multiples
« d’accès au sens » [Zeender Berset, 2010: 16] et permet de vivre la
mise en distance par rapport à la langue, composante nécessaire de
tout procès de la création littéraire, d’une manière plus directe, ce qui
n’est pas toujours accessible pour un écrivain « monolingue ».
Premièrement, en transformant le français normatif en une sorte de
la langue de base, avec la syntaxe répétitive, le rythme implacable de
la fabrique d’horlogerie et le vocabulaire extrêmement simplifié, mis
au degré zéro de l’expression connotative, Agota Kristof réussit à
créer une autre langue à l’intérieur de la langue française, l’acte dont
Rennie Yotova remarque l’importance, et qui fait de la littérature un
« contre-pouvoir » [Yotova, 2011: 41]. D’autre part, l’écriture
minimaliste d’Agota Kristof dans sa résistance au pouvoir de la langue
n’est pas la surface lisse et homogène: des contradictions, des blancs,
le silence, les citations indirectes (voir la citation susmentionnée de
Bernhard) insérées dans le cadre ironique et tragique à la fois, la
présence de l’onirique, les traces de la langue maternelle dans le
discours lyrique (fragments des poèmes) font preuve d’une optique
88
Communication interculturelle et littérature
profondément hétéroglosse. Rennie Yotova repère le grotesque de
l’écriture d’Agota Kristof qui résulte du mélange des genres et de
l’humour noir, « la présence simultanée de ce qui fait rire et de ce qui
est incompatible avec le rire » [Yotova, 2011: 45]. L’écriture
minimaliste, semble-t-il, est susceptible de travailler l’hétérogénéité
avec une sorte de logique binaire, qui, comme le remarque Jacques
Poirier, oppose la transparence de l’écriture blanche à l’excessivité
baroque de « l’écriture noire » [Poirier, 2009: 337].
En ce qui concerne la « normalisation » (terme étymologiquement
un peu ambigu, parce qu’il s’agit plutôt de la transgression), dans
l’exemple du monde littéraire suisse romand, on observe le
mouvement vers l’extérieur, l’abandon de la « logique des blocs »:
« Reflétant les changements opérés à l’échelle de la planète, le monde
littéraire romand revoit l’angle sous lequel il interrogeait sa
production littéraire. En se libérant de l’emprise essentialiste, il se
dégage d’une problématique strictement identitaire. Normalisée, sa
littérature s’ouvre plus sereinement aux questions de langue, en osant
« enfreindre » le bon français » [Zeender Berset, 2010: 42]. Cet
éloignement de l’essentialisme langagier et identitaire est
particulièrement important dans la littérature de la migration, qui est
devenue aujourd’hui une « cinquième littérature de Suisse ». Dans ce
cadre-là, il est à noter une image fantasmatique de la frontière en tant
que désir permanent de franchir l’infranchissable – non seulement en
termes d’espace, où l’exil devient un exercice cruel mais inévitable,
comme c’est le cas de Claus et Lucas, mais aussi dans les termes de
l’expérience hétérolingue: malgré la distance par rapport au français,
Agota Kristof, « une passionnée du dictionnaire », l’accepte en tant
que « défi d’une analphabète »20.
L’écriture minimaliste et l’écriture blanche sont-elles vraiment des
concepts synonymiques ? Certains textes critiques prouvent qu’il
existe un décalage entre ces deux termes, surtout du point de vue de la
présence du sujet et du degré de son engagement. Pierre Ballans tend à
redéfinir le concept barthien de l’écriture blanche en le traitant dans le
contexte de la destruction du sens. Il s’agit de « l’écriture qui
déshumanise, produisant un texte qui fixe sur le support matériel une
parole « performative », faisant acte, sur le modèle de l’écrit
administratif, juridique, comptable, où chaque mot « compte »,
dépourvu d’ambiguïté, et instaure une loi ou une pression s’exerçant
sur des individus abstraits et anonymes » [Ballans, 2007: 5]. Il met
l’accent sur l’interprétation du degré zéro de l’écriture, qui est, selon
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
89
Barthes, la dernière étape du développement de l’écriture, en tant que
« mort de l’écriture » dans le contexte de la mort du sujet, postulée par
l’idéologie postmoderniste : « Ainsi, celui qui écrit de cette écriture
blanche, impersonnelle, tend à une écriture de formulation
mathématique, donc sans auteur: le sujet disparaît pour n’être plus
que le scribe qui rend compte » [Ballans, 2007: 20]. Il s’agit de
l’écriture qui devient la source du pouvoir: c’est une trace
« minérale », gravée sur la pierre, qui « engage le scripteur de façon
irréversible » [Ballans, 2007: 11], en manifestant par cette présence de
l’Autre sa force matérialisée. La loi ou le code gravés sur les tables en
pierre transmettent la vérité du transcendant à l’empirique, la
localisent dans une chose. Bien sûr, la perspective dans laquelle Pierre
Ballans traite l’écriture blanche, – il s’agit de l’écriture de violence,
« détournée de sa fonction de l’adresse à l’autre », qui « présentifie »
le sujet en tant qu’objet, une chose, en fétichisant l’acte de l’écriture, –
renvoie à l’autre type de discours de l’extrême et du pervers, comme
l’œuvre de Sade.
De même, le modèle de cette « écriture perverse » peut être
applicable aux textes kristofiens. En effet, le style du « Grand
Cahier » est parfois très proche du « style code civil », prenant en
considération le soin de l’impassibilité pratiqué par les jumeaux. Dans
la conversation avec le libraire, ils utilisent les expressions trop
formelles, ce qui distingue leur langue de celle des enfants dits
normaux. Leur style officiel exagéré (« Nous sommes disposés à
effectuer quelques travaux pour vous en échange de ces objets »21) –
acquiert une valeur pragmatique, car c’est en détournant la langue
« normale » que les jumeaux obtiennent du papier et des crayons
qu’ils ne peuvent pas acheter. La présence du discours officiel se
manifeste également dans la composition de La Preuve, où le journal
peut obtenir le statut juridique de la preuve jointe au « dossier » avec
le procès-verbal des autorités au sujet du rapatriement de Claus.
L’aspect minéral de l’écriture blanche, gravée, cristallisée, ossifiée,
répétitive, ce que Roland Barthes appelle « un réseau de formes
durcies » [Barthes, 1972: 57], se réalise dans l’espace romanesque
d’Agota Kristof dans tout un réseau sémantique des ossements, des
restes, du tombeau exhumé. Dans Le Grand Cahier, le père des
jumeaux exhume les corps de sa femme tuée par un obus et de son
bébé, et les garçons les nettoient pour les garder soigneusement dans
le galetas. Dans La Preuve, Mathias les transporte dans sa chambre, et
après son suicide, Lucas conservera de la même manière le corps d’un
90
Communication interculturelle et littérature
malheureux garçon. À part le désir de conserver le « résidu sec » du
corps humain en tant que preuve de son existence, le squelette est lié à
la métaphore macabre de la vérité cachée sous la chair, à la
connaissance du principe transcendant, qui se découvre à travers la
mort du corps. C’est de cette manière-là que l’écriture minimaliste
cherche à découvrir la vérité, en disséquant la langue jusqu’aux « os ».
La sémantique de la pétrification par rapport au présent atemporel de
la Trilogie est également notée par Emanuela Cavicchi, qui fait
l’analogie de la sculpture: « Comme les Prisonniers de Michel-Ange,
encastrés dans le bloc inerte de marbre, la parole d’Agota Kristof,
apparemment stérilisée, se manifeste comme un cri tendu, profond et
primordial, qui sort de la bouche de ceux qui sont entendus après
avoir été réduit à une longue période de silence, comme la femme
mutilée de La clé de l’ascenseur, sa pièce » [Cavicchi, 2009: 179]. La
langue dépouillée structure le corps, en exigeant de lui la même
compacité : cécité, surdité, mutisme, silence, anorexie, insomnie
deviennent les qualités inévitables pour survivre que les personnages
kristofiens acquièrent par la transgression des normes corporelles,
l’ascèse de la langue correspondant à l’ascèse du corps.
Au sujet de la coexistence de deux concepts de l’écriture, il est
donc à noter que, premièrement, Roland Barthes souligne que
l’écriture blanche est loin de l’impassibilité : « La nouvelle écriture
neutre se place au milieu de ces cris et de ces jugements, sans
participer à aucun d’eux; elle est faite précisément de leur absence;
mais cette absence est totale, elle n’implique aucun refuge, aucun
secret; on ne peut donc dire que c’est une écriture impassible; c’est
plutôt une écriture innocente. Il s’agit de dépasser ici la Littérature en
se confiant à une sorte de langue basique, également éloignée des
langages vivants et du langage littéraire proprement dit »
[Barthes, 1972: 56]. Dans le contexte de l’exil, surtout en évoquant le
cas du « roman lazaréen », l’écriture blanche ne peut pas être réduite à
l’écriture totalitaire, au contraire, elle exemplifie la violence, la retrace
dans la mesure où elle ose en parler. L’écriture d’Agota Kristof fait
face non seulement au totalitaire dans sa dimension historique, mais
aussi à la microphysique du pouvoir, s’il est admissible de recourir ici
à un terme foucaldien, en la transcrivant par le corps, l’espace et la
langue. Comme le terme de « l’écriture minimaliste » implique un acte
de choix, d’engagement – plutôt éthique où politique qu’émotionnel,
nous préférons celui-ci à la notion de l’écriture blanche, désignant à
notre avis une rangée plus vaste des pratiques.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
91
L’interprétation plus complexe de la poétique minimaliste d’Agota
Kristof doit prendre en considération l’ensemble des codes narratifs,
génériques, sémantiques, dont l’étude dépasserait le sujet de notre
exposé. Dans le contexte de l’exil il faut prêter attention à certains
éléments de l’organisation du texte chez Kristof, tels que la répétition,
stratégie importante de l’esthétique minimaliste dans le domaine des
arts visuels. À part la clarté de la syntaxe répétitive, il s’agit des
figures de l’imaginaire : l’autrice construit du même tissu
mythologique tous ses textes, traversés par les situations
obsessionnelles, délirantes, qui se répètent dans de nombreuses
variations: franchissement de la frontière, dissociation de la famille,
fratrie, inceste, viol, suicide. Les relations subversives et
contradictoires entre la langue maternelle et la langue étrangère se
reflètent dans les relations familiales fantasmatiques, et c’est plutôt la
figure de la mère qui pose des questions. De toute évidence, la
problématique du maternel chez Agota Kristof est largement évoquée
presque dans toutes les études consacrées à son œuvre. Rennie Yotova
parle d’une liaison avec la langue maternelle, qui persiste lorsque le
français devient la langue de l’expression littéraire, car abandonner la
langue maternelle s’apparenterait, d’après l’expression de Julia
Kristeva, à un matricide [Yotova, 2011: 91]. La correspondance entre
l’essentialisme langagier et les relations de parenté dans le destin de
chacun des jumeaux est envisagée par Noël Cordonnier : celui qui
reste, devient le grand poète, mais tout au long de sa vie il est dominé
par sa mère autoritaire ; l’autre, quittant le pays, est condamné à la
douleur de la séparation, mais en même temps il retrouve une nouvelle
langue et un nouveau mode d’écriture, et c’est lui qui est capable de
raconter l’histoire dans sa complexité, d’inscrire son expérience
subjective dans la forme romanesque. Le résultat de l’exil de la langue
maternelle, gagné au prix de la solitude et de l’aliénation, est donc la
maturité de l’écriture, le processus interminable de devenir-écrivain.
C’est la victoire paradoxale qu’obtient Victor (pronom bien évocateur)
dans La Preuve : après avoir tué sa sœur dominatrice (qui remplaçait
pour lui la mère), il devient libre d’écrire, bien que ce soit l’écriture
dans les murs de la prison. La tension entre la langue et l’écriture qui
se révèle dans le conflit avec la figure de la mère et noue l’intrigue
dans beaucoup de textes kristofiens, fait penser également à la
répulsion de la langue maternelle à la base de la création littéraire dont
parle Deleuze dans Critique et clinique : « Pour écrire, peut-être faut-il
que la langue maternelle soit odieuse, mais de telle façon qu’une
92
Communication interculturelle et littérature
création syntaxique y trace une sorte de langue étrangère, et que le
langage tout entier révèle son dehors, au-delà de toute syntaxe »
[Deleuze, 1993: 16].
Le féminin, qui est l’objet du refoulement dans les textes de Kristof
encore au plus haut point que le maternel, lui aussi est construit dans
l’espace de l’exil. Dans les interviews Agota Kristof met constamment
à distance son écriture par rapport à l’identité féminine, tandis que
dans son œuvre la majorité de narrateurs sont masculins. L’écrivaine
n’a pas pu achever Aglaé dans les champs, le seul roman qui devrait
raconter l’histoire profondément autobiographique d’une petite fille,
amoureuse de l’ami de son père, le pasteur du village. Et ce n’est pas
le décès qui a arrêté son travail, mais « un blocage » qui lui a fait
réécrire la même scène plusieurs fois sans avancer22. Valérie
Petitpierre dans son travail critique considérable D’un exil l’autre
décèle parmi tous les modes de l’exil kristofien cet exil du féminin : «
Agota Kristof aurait par conséquent fait de la situation d’exilée un
principe d’écriture. Exilée de son pays, exilée de sa langue
maternelle, exilée de son sexe (elle s’est transformée en garçon pour
écrire), elle s’exilerait encore de ses textes » [Petitpierre, 2000: 11].
Ce qui frappe surtout dans la personnalité de Kristof, c’est la
puissance de l’écriture et de la réflexion d’une femme qui a connu
l’expérience de la marginalisation, qui n’a pas pu faire ses études
académiques de la même manière que son premier mari. Lui,
professeur d’histoire, il avait la bourse pour les études, et sa jeune
femme était obligée de travailler à une fabrique d’horlogerie, de
s’occuper des enfants et du ménage. Pour Agota Kristof l’entrée en
littérature s’est réalisée en dépit de toutes ces contraintes et de toutes
les possibilités non réalisées : « J’ai vraiment tout laissé tomber pour
me consacrer à l’écriture. Il n’y a que ça qui m’intéressait. Quand je
me suis mariée en Hongrie, j’aurais dû aller en faculté. Quand je suis
arrivée en Suisse, j’aurais dû exiger de mon mari que je fasse des
études, et non lui »23. Lorsqu’elle évite de parler de soi-même en tant
que femme dans ses romans, dans le récit autobiographique
L’Analphabète Agota Kristof décrit avec son propre exemple l’image
de la femme immigrée en marge de l’activité sociale, et le source de
cette marginalisation est l’idéologie quotidienne de l’exclusion de
l’autre: « Mon amie est ennuyée. Elle ne peut pas me raconter
l’histoire impressionnante des femmes étrangères vues à la télévision.
Elle a si bien oublié mon passé qu’elle ne peut imaginer que j’aie
appartenu à cette race de femmes qui ne savent pas la langue du pays,
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
93
qui travaillent en usine et qui s’occupent de leur famille le soir »24.
Tijana Miletič indique que l’exclusion de la figure maternelle se
trouve dans le même contexte que l’effacement du féminin: toutes les
relations profondes s’installent uniquement entre les hommes, tandis
que la présence d’une femme implique le conflit et la destruction des
liens, tous les narrateurs et les personnages principaux sont masculins
[Miletič, 2008: 259]. Une des interprétations de ce phénomène,
proposées par Tijana Miletič, est la prise de la distance nécessaire pour
écrire en langue étrangère. Il semble que le refoulement du féminin est
causé par le dédoublement de l’exil, par le désir d’échapper à une
double situation de marginalisation en tant qu’immigrée et en tant que
femme. Et son écriture, « le défi de l’analphabète », n’est-il pas
seulement le désir de conquérir « une langue ennemie », mais aussi le
désir de sortir de la situation de la double contrainte ? La situation
ambivalente d’une femme immigrée, coincé entre le travail et le
ménage, où l’écriture devient une revanche : « Une revanche sur ma
triste vie de ménagère et d’ouvrière. Professionnellement, je n’ai rien
réussi »25.
La création de sa propre langue étrangère au second degré à
l’intérieur du français, langue du pays d’accueil, et de sa propre
stratégie textuelle chez Agota Kristof implique l’existence de la
logique disjonctive avec laquelle se construit la catégorie de l’altérité.
L’hétéroglossie kristofienne consiste plutôt en disjonction OU/OU
qu’en conjonction ET/ET : la langue ennemie est en train de tuer la
langue maternelle, et les deux ne peuvent pas coexister paisiblement
dans le seul champ. De la même manière, Agota Kristof met en valeur
la rupture entre l’éthique et l’identité, elle les disjoint: les « porteurs »
de la langue ennemie, comme l’officier étranger ou Grand-Mère dans
le Grand Cahier, ne sont pas forcément des ennemis, au contraire, le
nazi homosexuel masochiste et la vieille « sorcière » cruelle et avide
s’avèrent incomparablement plus humains que la gentille servante,
leur impératif éthique et le respect envers l’autre se placent au-delà
des stéréotypes identitaires. C’est ici qu’on peut poser la question sur
l’engagement de l’écriture minimaliste d’Agota Kristof, en évoquant
le même essai de Barthes, Le Degré zéro de l’écriture, où il fait le
point sur l’éthique de l’écriture, y compris de l’écriture blanche :
« Dans n’importe quelle forme littéraire, il y a le choix général d’un
ton, d’un éthos, si l’on veut, et c’est ici précisément que l’écrivain
s’individualise clairement parce que c’est ici qu’il s’engage »
[Barthes, 1972: 14]. Agota Kristof explique clairement son choix ainsi
94
Communication interculturelle et littérature
que sa vision de l’éthos de la littérature : « Pour moi, la littérature
reste un témoin. Un point c’est tout. En Hongrie, on a vu le résultat
lorsque les écrivains s’engageaient pour une cause. Un livre, c’est
chaque fois une vie différente, c’est un voyage. En Suisse, on me lit
beaucoup dans les écoles. Les enfants n’ont pas connu la guerre, et
par mes livres, ils découvrent qu’il existe d’autres vies que celles
protégées qu’ils connaissent »26.
Slavoj Žižek dans son travail La monstruosité du Christ: paradoxe
ou dialectique ? (2009) traite Le Grand Cahier comme « la meilleure
représentation littéraire » de l’impératif éthique [Žižek, 2009: 301]. Il
définit l’éthique comme la naïveté réflexive, en l’opposant à la
moralité par analogie de l’opposition schillerienne du naïf et du
sentimental. Dans cette optique la moralité est sentimentale parce
qu’elle implique le désir de paraître « bien » aux yeux des autres, en
revanche, l’éthique est naïve, parce qu’elle est déterminée par la
nécessité et non par le désir subjectif de « faire du bien ». Les
jumeaux qui tuent, espionnent, mentent, font du chantage par
nécessité, sont au-delà du bien et du mal, et ces actions font preuve
d’une « pure naïveté éthique ». À la compassion pour autrui, à l’amour
empathique s’oppose l’action pratique comme la réponse aux besoins
de l’autre, l’amalgame de la nécessité radicale et de la violence.
Éventuellement, la naïveté éthique des personnages d’Agota Kristof
révèle la nature transgressive de l’écriture, comme dans l’exemple de
Victor, évoqué ci-dessous, qui ne retrouve la possibilité de l’écrire
qu’après le meurtre de sa sœur. Néanmoins le projet éthique élaboré
dans Le Grand Cahier est déconstruit par les deux autres romans de la
Trilogie. Il s’agit particulièrement de Mathias, qui se suicide dans La
Preuve. La solitude et la différence physique qui marque son corps
rendent sa vie absurde dans le monde de la distance réflexive. La
perfection du corps de Lucas, la personne la plus proche pour Mathias,
et son impassibilité surhumaine, dégoûtent le garçon et le poussent à
bout.
Ainsi se pose la question: la distance et la négation dans l’écriture
d’Agota Kristof, sont-ils vraiment du nihilisme ? En premier lieu, bien
que ce soit la force de témoignage qui importe pour l’écrivaine dans la
littérature, ses textes ne peuvent pas être réduits au genre de
témoignage à cause de leur polyphonie générique, et surtout à cause
de la distance par rapport à la situation de victime, donc l’ascèse de
l’écriture dénotative chez Kristof est plutôt le moyen d’éviter le
discours de la victimisation et toute sorte de mièvrerie émotionnelle
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
95
qui peut s’y joindre. De plus, le refus et le silence peuvent être des
instruments d’engagement, comme, par exemple, c’est le cas dans
L’Analphabète, où Agota Kristof parle d’un « sabotage intellectuel
national », d’« une résistance passive naturelle, non concertée, allant
de soi »27 du coté des élèves et des enseignants par rapport à
l’enseignement forcé du russe à l’école. Malgré toute l’impassibilité
que l’écriture peut assumer, il est quand même difficile d’imaginer
l’acte de l’écriture qui serait purement nihiliste, parce que, comme l’a
bien dit Jean-Marie Schaeffer, « La création d’un texte implique déjà
des choix : il n’existe pas de texte nu, ni de degré zéro de l’écriture »
[Schaeffer, 1989: 185]. Rennie Yotova, bien qu’elle semble opposer
d’une certaine manière l’écriture blanche et l’écriture engagée, met en
valeur, à notre avis, l’intention principale de l’écriture kristofienne :
« Le choix d’écrire dans la langue ennemie devient une forme de
résistance à la destruction d’une « essence » originaire »
[Yotova, 2011: 94]. À ce point-là il ne reste qu’à ajouter une
remarque : comme Agota Kristof a osé lancer son « défi de
l’analphabète » malgré tout, dans le contexte de cette résistance il ne
s’agît pas d’un élan purement nostalgique, mais plutôt de la
reconstruction du sens, de la conquête d’un nouveau territoire, celui de
la langue française, et à travers celle dernière – de la littérature.
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Notes
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2
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5
6
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9
10
11
12
Agota Kristof, L’Analphabète, Genève, Éditions Zoé, 2004, p. 21.
Ibid., p. 24.
Ibid., p.22.
Agota Kristof, Romans, Nouvelles, Théâtre complet, Paris, Éditions du
Seuil, 2011, p. 35.
Ibid.
Ibid, p. 533.
Ibid.
Agota Kristof, L’Analphabète, op. cit., p. 54.
Philippe Savary, « Le Troisième mensonge d’Agota Kristof », Lе
Matricule des Anges, n° 14, nov. 1995 – janv.1996.
Agota Kristof, Romans, Nouvelles, Théâtre complet, op. cit. p. 444.
Ibid.
Ibid., p. 478.
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26
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97
Ibid., p. 443.
Ibid., p. 444.
Ibid., p. 445.
Ibid., p. 446.
Philippe Savary, « Le Troisième mensonge d’Agota Kristof » , Lе
Matricule des Anges, n° 14, nov. 1995 – janv.1996.
Agota Kristof, Romans, Nouvelles, Théâtre complet, op. cit., p. 431.
Philippe Savary, op. cit.
Agota Kristof, L’Analphabète, op. cit., p. 55.
Agota Kristof, Romans, Nouvelles, Théâtre complet, op. cit., p. 32.
Guillaume Bellon, Erica Durante, « Du commencement à la fin de
l’écriture. Entretien avec Agota Kristof », Recto/Verso. Revue de jeunes
chercheurs en critique génétique, n°1, juin 2007.
Philippe Savary, « Le Troisième mensonge d’Agota Kristof », Lе
Matricule des Anges, n° 14, nov. 1995 – janv.1996.
Agota Kristof, L’Analphabète, op. cit., p. 52.
Philippe Savary, op. cit.
Ibidem.
Agota Kristof, L’Analphabète, op. cit., p. 23.
98
Communication interculturelle et littérature
Voix féminines de l’exil roumain en France :
Monica Lovinescu
Mihaela Rusu
Résumé : En obtenant asile politique dans la France de l’après-guerre,
Monica Lovinescu conduit au poste de radio L’Europe libre des émissions
culturelles, en promouvant de cette manière la littérature roumaine dans
l’entier espace francophone. Elle conçoit les chroniques littéraires
radiophoniques en abordant deux directions: une culturelle – la réception
critique de la littérature roumaine dans l’exil – et une politique –
l’orientation des représentants intellectuels roumains, en condamnant la
crise d’identité des écrivains engagés politiquement. Les thèmes autour
desquels elle organise son discours critique sont la littérature d’évasion et la
transgression des tabous communistes dans la littérature.
Mots-clés: la lucidité, intelligentsia, la crise d’identité.
Il y a des voix qui séparent l’exil roumain de
l’émigration roumaine, intégrant dans la deuxième catégorie des
Roumains qui ont délibérément adopté l’étranger. Monica Lovinescu
est l’une des femmes de la Roumanie des années ’47 qui a émigré à
Paris, choisissant à partir de 1948 l’exil de l’Occident comme une
forme de liberté suprême, essayant à travers un modus vivendi propre
d’assumer les dilemmes identitaires issus de ce nouvel espace-maison.
Le cas de Monica Lovinescu est exceptionnel parce que, bien qu’elle
parte de bon gré à Paris, son retour dans le pays est situé sous les
auspices de la terreur dans la mesure où sa mère est morte dans les
prisons communistes et, elle-même a été victime d’une tentative
d’assassinat en 1977. On croit que l’existence parisienne de Monica
Lovinescu illustre une forme hybride d’exil, commencé par libre
consentement, continué quand même par un militantisme
anticommuniste.
Rédigeant les textes dédiés à ses émissions parisiennes qui
suivaient les phénomènes culturels et, surtout, la littérature de l’espace
roumain, Monica Lovinescu a écrit, de manière indirecte, de la
littérature. Ainsi pour l’auteur des chroniques radiophoniques de
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
99
L’actualité roumaine (émission de la chaîne de radio L’Europe libre)
la littérature s’est transposée dans une forme de l’exil intérieur,
métaphysique qui a doublé en permanence l’exil réel, quotidien.
La thématisation de l’identité roumaine dans l’œuvre de Monica
Lovinescu doit être envisagée dans le contexte politique et spirituel où
elle a vécu, plus exactement la période de l’entre-deux-guerres
européen. En même temps, en Europe il y a eu, à part les deux guerres
mondiales, des changements spirituels et idéologiques à la fois,
comme le déclin du libéralisme et l’apogée du communisme. Dans ce
nouveau contexte sociopolitique on peut s’expliquer aussi la
récurrence de certains thèmes qui traversent l’œuvre de Monica
Lovinescu, tels : la lucidité, la déstalinisation de l’intellectualité, la
crise d’identité, le sens tragique de l’histoire, la littérature d’évasion,
la transgression des tabous communistes dans la littérature et dans la
vie comme expression de l’exil concret, mais aussi métaphysique de
l’homme.
Les chroniques littéraires de Monica Lovinescu ont visé presque
exclusivement le thème de l’identité roumaine, l’auteur se forgeant le
discours radiophonique autour de deux coordonnées : l’est-éthique et
l’esthétique. A travers l’est-éthique on a suivi la condamnation des
écrivains roumains, mais aussi de ceux de l’Europe de l’Est, dont
l’œuvre a fait un compromis avec le politique, et plus exactement avec
l’idéologie staliniste-communiste, pendant que l’esthétique a
représenté un principe sous l’auspice duquel on a valorisé les œuvres
de ces écrivains vraiment authentiques, indifféremment des
compromis politiques qu’ils ont faits dans leur vie personnelle. L’estéthique a également essayé de mobiliser l’élite intellectuelle de la
Roumanie de « l’obsédante décennie » dans une intelighentia qui
apporte une libéralisation de la culture. Si jusqu’aux « thèses de
1971 » [Lovinescu, 1990 :12] c’est la catégorie de l’esthétique qui a
prévalu devant l’est-éthique, après ce moment, Monica Lovienscu a
noté dans le subsidiaire l’esthétique des œuvres des écrivains de
l’après-guerre mettant en évidence et, en même temps, condamnant
premièrement les écritures qui ont fait l’apologie du communisme et
qui, le plus fréquemment, ont été dépourvues d’une valeur esthétique.
A peine arrivée à Paris, réfugiée dans un pays en proie au
stalinisme, Monica Lovinescu s’est proposé, d’une part, de
promouvoir la culture de l’est par la dimension éthique de la
littérature. Au début elle est allée frapper aux portes des éditions pour
publier l’un de ses deux romans – Mots à mot – une parabole du
100
Communication interculturelle et littérature
communisme totalitaire qui réclamait l’aliénation d’un monde petit
sous les yeux passifs et bienveillants de l’Occident. En lui refusant la
publication du roman dans la capitale de la culture, Paris a été pour
elle la ville qui lui a bloqué la chance de s’affirmer en tant qu’écrivain
de fiction, mais en même temps, Paris lui a offert la possibilité de faire
de la critique littéraire. Après trente ans d’existence parisienne, son
intense activité radiophonique se traduit dans une centaine de compterendu, de notes et de tables rondes publiés à partir de l’année 1978
dans le volume Des ondes courtes. Mais la collaboration de Monica
Lovinescu avec l’écriture roumaine a commencé dès l’enfance, à l’âge
de huit ans, quand elle publie dans la revue Le matin des enfants un
conte de fées. Avant son départ du pays, elle signait la chronique
dramatique de l’hebdomadaire La Démocratie et, en plus, elle avait
déjà publié dans le feuilleton son premier roman En contretemps
qu’elle va ensuite renier, considérant ses écrits de jeunesse
« sophistiqués et artificiels » [Lovinescu, 2008 :14]. Néanmoins il y a
des voix qui apprécient ce genre d’écriture de jeunesse bien que, à vrai
dire, Monica manque « la capacité de créer des gens, d’imposer
narrativement des typologies. » [Florescu, 1998 :180]. Elle possède en
échange le privilège de problématiser le discours épique, de mettre en
scène des spectacles d’idées et des drames de conscience. Nicolae
Florescu apprécie dans son livre Le retour des proscrits que le roman
En contretemps souffre d’une influence très visible de Camil Petrescu.
[Florescu, 1998 :179], vu qu’il est construit selon « la technique
huxleyenne » [Florescu, 1998 :179].
Dans les œuvres publiées après les années ’50, la thématisation de
l’identité roumaine a été obsessivement reprise dans l’œuvre de
Monica Lovinescu. Déroulée sous une forme explicite pendant la
période de la collaboration avec l’Europe Libre, la thématisation de
l’identité roumaine semble subir une ambigüité relative dans une
œuvre de fiction moins connue au public, le roman Mots à mot, roman
écrit en français dès 1955, mais publié en 2007 à une édition
roumaine. Cette ambigüité prétendue s’explique par le fait qu’en 1955
la mère de Monica Lovinescu était toujours en vie et la fille, désirant
la protéger des représailles communistes, préférait dénoncer la réalité
du communisme roumain d’une manière moins visible, par le biais
d’un roman-clé.
Ce livre met en évidence l’un des principaux thèmes de l’écriture
de Monica Lovinescu, c’est-à-dire, le besoin de lucidité, vue comme
un absolu de la vérité, poussée parfois jusqu’à l’absurde, dans un
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
101
monde des incertitudes et du relatif doctrinaire. La critique littéraire
apprécie que le roman réclame “un engagement existentiel” [Florescu,
1998 :179], militant pour la vie réelle, mais s’assumant toujours
l’échec « comme une forme de survie sociale et de sauvegarde devant
le compromis inacceptable. » [Florescu, 1998 :179] Le livre parle d’un
monde totalitaire, communiste, que de nos jours, certains lecteurs
jeunes ont du mal à comprendre. Le roman est une parabole de la
Roumanie totalitaire entre les années 1948-1989, une dystopie, qui
rappelle le roman « Nous » d’Evgheni Zamiatin. Ioana Parvulescu
remarque dans l’article « Contes pour les adultes » qu’il s’agit peut-être
« du premier roman politique ésopique écrit dans la littérature
roumaine moderne. » [Parvulescu, 2007 :12]. Le livre est structuré
dans 21 chapitres, chacun représentant une facette du mal. En
apparence, il n’y a aucun lien entre les chapitres, mais en essence leur
liaison s’avère être l’absurde. Le monde décrit dans le livre semble
être inconnaissable. Les montagnes n’y existent plus, parce que tout
doit être nivelé, uniformisé, même le relief. Les gens vivent « à l’ère
des géants » [Lovinescu, 2007 :183] – l’ère communiste – et, c’est
pour cela, qu’ils font la queue pour changer de têtes, parce qu’au
contraire on ne leur permet plus de vivre. Ainsi ils deviennent des
anonymes, dépourvus de personnalité, représentant justement le type
d’homme voulu par les communistes. Le mot est un délit, écrire c’est
un délit, les lettres sont coupables d’exister.
Dans le premier chapitre du livre une vieille femme est accusée
pour la lettre L, auprès d’autres inculpés réclamés pour le délit d’abatjour ou de somme coquine. L’image de la vieille combattante « qui les
a abrités tous derrière la lettre L » [Lovinescu, 2007 :17] trahit la
liaison entre l’auteur et sa mère, le professeur de français Ecaterina
Bălăcioiu Lovinescu. Le portrait de la vieille esquissé en quelques
lignes, représente peut-être les seules insertions de prose réaliste dans
les pages du roman : « il y a une fois dans notre contrée il y avait des
vieilles femmes pour lesquelles tout le monde nous enviait, perchées
dans la terre et prêtes à défier le ciel avec leurs protestes. Erigées
autour le refus comme autour d’une colonne. Droites comme des
bougies et préférant plutôt brûler que plier » [Lovinescu, 2007 :17].
Devant les accusations, la vieille « parlait sans lui importer le feu ou le
fer (utilisés les deux dans le procès) [Lovinescu, 2007 :17]. Dans cette
narration cette femme risque et perd même sa vie pour payer la dette
que les écrivains et les lecteurs ont envers la lettre L et envers d’autres
lettres aussi. Dans ce premier chapitre, le narrateur – un écrivain –
102
Communication interculturelle et littérature
(donc un double de l’auteure), rédige le portrait du chroniqueur
littéraire : « Moi, l’écrivain, je ferai toujours mon devoir. Dès ce matin
je note tout dans mon registre. La chronologie sera établie, les
commentaires seront écrits, les faits seront attachés aux lettres et
enfermés dans des mots. Moi, l’écrivain, né dans l’archive, j’y
retourne. Je deviens archive, je deviens mémoire. » [Lovinescu,
2007 :19]. A travers ces lignes le lecteur doit découvrir la réalité, y
chercher le sous-texte. Si à la fin du chapitre à l’écrivain manque les
mots, et c’est pour cela qu’il devrait effacer, approximer, trouver des
remplaçants, cela doit être compris comme une forme de censure
innommée – la fin de la liberté de la parole.
Dans le deuxième chapitre du livre, celui qui traite de la disparition
des montagnes histoire d’uniformiser le relief, le narrateur – un
homme – a besoin de certitudes, c’est pourquoi il décide de partir pour
voir « ’il est vrai qu’il n’y a nulle part aucune montagne » [Lovinescu,
2007 :25]. Dans la structure de profondeur du livre, ce départ à la
recherche d’un endroit montagnard doit être compris comme le départ
à la recherche d’un monde démocrate, d’un monde au paysage
pittoresque, d’un monde plus beau du point de vue spirituel. Le monde
des narrateurs des 21 chapitres est pesant, désolant, sans la rendre
explicitement dans des mots l’atmosphère en est lourde et suffocante.
Les gens parlent, sans rien communiquer, le vide flotte dans l’air, la
prison, la misère, la délation et une vigilance perpétuelle. Tout est
enveloppé dans l’ombre, dans des « lumières diffuses » [Lovinescu,
2007 :39], et dehors « il ne neige plus, il ne neige guère » [Lovinescu,
2007 :43]. L’espace est peuplé d’êtres bizarres, comme le « luptil »,
un animal qui « lorsqu’il dit jamais, il dit toujours » [Lovinescu,
2007 :44], une sorte de chat terrible qui est aussi un informateur, et un
délateur, et un provocateur, un être superposé qui conduit ses victimes
– parmi elles le narrateur aussi – dans un endroit « au-dessous le
niveau de la mer, où il n’y pousse que des administrateurs »
[Lovinescu, 2007 :44].
Le roman semble plutôt lyrique, qu’épique, mais il ne s’agit pas
d’un lyrisme sentimental, mais d’un lyrisme tragique. Dans le sixième
chapitre, les protagonistes sont un couple qui attend péniblement
qu’un autre jour passe, que le temps s’écoule, justement parce qu’ils
n’attendent rien de chaque jour et, en plus, ils constatent que « ça
prend beaucoup de temps à vieillir » [Lovinescu, 2007 :51]. Ils
regrettent « les beaux jours d’antan » [Lovinescu, 2007 :58] quand ils
avaient même des ennemis, parce qu’à présent ils n’ont plus personne.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
103
La seule chose qui leur apporte un peu de consolation est représentée
par les signes de vieillissement : « Ah, donc, j’ai une nouvelle ride ?
Ai-je vieilli ? Quelle nouvelle extraordinaire. J’ai une ride. »
[Lovinescu, 2007 :62].
Dans l’un des chapitres du livre, un narrateur – une femme –
entreprend une démarche administrative de changement de tête. Parce
qu’elle en a assez de sa tête, elle en veut une « sans souvenirs »
[Lovinescu, 2007 :75], mais son essai reste infructueux, la réponse
finale la désarmant : « On ne donne pas de tête à n’importe qui. Où
arrivera-t-on si chacun croit avoir le droit à une nouvelle tête ? »
[Lovinescu, 2007 :82]. Dans ce monde dystopique rien ne surprend
plus, les personnes sont effacées de leur propre existence avec une
éponge invisible et il n’en reste plus qu’une peau inerte. L’état décide
de renoncer à certains citoyens, parce qu’ils souffrent de deux vices :
ils sont capables de définir n’importe quoi et ils s’habituent à
n’importe quoi. En même temps, certains citoyens sont contaminés
par le virus de la maçonnerie. Au début les personnes ne connaissaient
pas la méthode par laquelle un mur ne se serait pas effondré dès qu’on
l’aurait construit. On ne sait plus le nom de celui qui a trouvé la
solution, mais la méthode a été transmise de génération en génération.
Bâtir la plus chère personne à la base de la construction garantissait le
succès du maçon. De cette manière les gens ont dû se séparer de ce
qu’ils aimaient le plus pour réussir à construire un mur. Mais à la fin,
ils se jetaient tout comme Icare du haut de la tour pour pouvoir
reprendre la liaison avec la personne bâtie à l’intérieur de la
construction. L’un des narrateurs vit avec la peur de ne pas être
contaminé avec ce virus : « Je ne sais pas si, à partir de demain, je ne
sentirai pas le désir de construire, d’élever des murs entre moi et les
autres, de construire des créneaux de silence, des contreforts de
l’oubli. » [Lovinescu, 2007 :156]. Les personnages, en totalité,
semblent traverser une crise d’identité ; soit ils sont aveugles, soit
obsédés par des craintes terribles, soit aliénés. Dans une narration, les
personnages découvrent dans un livre quel est leur rapport avec le
rire : « Il est écrit dans le manuel. Qu’on rie ? Oui, ça aussi y est écrit.
Pourquoi ? Ben, parce que c’est la loi. » [Lovinescu, 2007 :134]. Ces
éléments, vus dans la structure de profondeur du livre, transposent
l’acrimonie de l’auteure à l’adresse de ses compatriotes roumains,
restés dans le pays, disposés à accepter toutes les contraintes du
régime staliniste, mais en même temps ils représentent aussi une
forme d’auto-ironie.
104
Communication interculturelle et littérature
Le style de Monica Lovinescu dans ce roman est « blanc, propre,
sans adjectifs, décoloré, proche des répliques du théâtre absurde. »
[Parvulescu, 2007 :12]. Son écriture romanesque met en évidence une
certaine manière moderne de pensée et de conception expérimentale,
et à travers « la technique du découpage cinématographique »
[Florescu, 1998 :180] elle réussit à mettre en premier plan la réalité de
la situation politique, ressentie psychologiquement, à thématiser de
cette manière l’identité roumaine, à apporter en discussion la
problématique de l’est.
D’une autre part, en tant que chroniqueur littéraire de l’Europe
Libre, à partir de 1967, elle dirige ses recherches philologiques vers la
zone de l’esthétique. Héritière de l’esprit critique de son père –
l’initiateur du Cénacle Sburătorul – il est facile pour Monica
Lovinescu de recenser les livres des écrivains roumains de l’après-guerre,
la plupart d’entre eux lui étant familiers du siège du Cénacle
Sburătorul. Le premier volume des Ondes courtes, publié dès 1978, à
Madrid apportera un changement de style dans l’écriture de Monica
Lovinescu. Vu que ce volume rassemble beaucoup de ses reportages,
il va de soi que la fiction n’y trouve plus de place. Nicolae Florescu
pense que ce volume est « un combat par l’écrit de l’idée de
contretemps, marquant un ancrage dans la problématique épineuse du
temps, une superposition conjoncturelle dans les prérogatives du
temps » [Florescu, 1998: 180]. Par ce texte, l’auteure offre au lecteur
un spectacle exceptionnel d’une intelligence qui « se confronte et qui
nous confronte en permanence avec l’histoire. » [Florescu, 1998 :180].
La démarche entreprise par l’auteur dans ce livre suit le procès de
libéralisation de l’Est et la conduite des écrivains roumains dans ce
nouveau contexte historique. La conclusion de Monica Lovinescu et
d’autres spécialistes est que « la Roumanie est le seul pays de l’Est où
l’intellectualité ne s’est pas transformée dans « L’intelighenţia »
[Ungureanu, 1995 :170], au sens d’élite du courage civique. L’auteur
aurait aimé que les écrivains roumains engagent ouvertement leurs
efforts dans la lutte anti-communiste par la condamnation dans leurs
œuvres des horreurs du communisme, comme l’ont fait après 1960 les
écrivains tchèques et hongrois. Cependant, Monica Lovinescu apprécie
le fait que de l’effort des écrivains roumains de l’après-guerre de
camoufler le message du livre est née une littérature vraiment
esthétique : « Les résultats de l’évasion esthétique sont remarquables.
Nous avons peut-être la littérature la plus évoluée de l’Est. Pendant
que dans d’autres pays, la plume court trop vite sur le papier parce
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
105
qu’elle avait trop à dévoiler, chez nous, on travaillait avec de la
minutie sur la parole. » [Lovinescu, 1990 :10].
L’essence de l’activité critique de Monica Lovinescu dans le
volume « Des ondes courtes » est représentée par « la
désidéologisation de la littérature » [Stefănescu, 1998 :12-13]. Dans
ses interventions radiophoniques, elle ne critique pas l’idéologie
communiste en soi, mais le fait qu’elle truque la littérature. Par
exemple, elle montre que dans L’écrin noir de G. Călinescu « il y a
des communistes, mais ils n’existent pas » [Lovinescu, 1990 :203],
autrement dit, ce sont des personnages dépourvus de consistance, et
cela offre au livre un déficit de valeur esthétique. Dans les romans
contemporains à L’écrin noir, les personnages vivent par leurs pêchés
et leurs qualités, tandis que les communistes roumains sont
parfaitement positifs : « Ils n’éternuent pas, ils ne vivent pas, ils n’ont
pas de contour et ni couleur. » [Lovinescu, 1990 :204] ce qui les rend
inexistants. Dans le volume Des ondes courtes, l’écrivain développe
un certain manichéisme quand elle aborde les œuvres et les écrivains
analysés. Son attitude, nettement visible, est en conséquence d’être
pour ou contre. Elle écrit dans ce livre sur Sartre, seulement parce
qu’il a été « un cas politico-idéologique » [Lovinescu, 1990 :217],
c’est par la même raison qu’elle écrit de Picasso ou de Sergiu
Nicolaescu – pour condamner le communisme. [Lovinescu,
1990 :114]. On peut facilement observer que Monica Lovinescu a
choisi pour analyser des romans politiques qui obligent le critique de
se rapporter aussi à la perspective politique. Les personnages de M.
Preda, A. Buzura, G. Bălăiţă sont divisés dans les bons et les vilains,
les justes et les menteurs, les démagogues ou les misérables. Eugen
Simion a observé de ce point de vue que par ses écrits critiques
Monica Lovinescu a opposé à l’action de désidéologisation de la
littérature, une autre action d’idéologisation. Quand même, lorsqu’elle
se permet une pause dans la mission morale qu’elle s’est assumée,
celle d’aider les « bons » et de démasquer « les vilains », Monica
Lovinescu le fait dans des pages critiques d’un raffinement
incontestable, comme il arrive avec les nouvelles de Mircea Eliade et
même avec le roman La forêt interdite. Selon la fille de Lovinescu,
Eliade ne donne pas seulement à la littérature le roman-roman, mais
en même temps il fait de la littérature d’évasion : « Mircea Eliade qui
continuait à écrire en roumain retournait toujours chez soi, dans son
Bucarest mirifique qui ne ressemble à aucun autre, ni réel, ni
fictionnel » [Lovinescu, 2010 :170]. Mais dans la littérature l’évasion
106
Communication interculturelle et littérature
se réalise dans un espace devenu interdit, tout comme d’un espace qui
interdit, suffoque l’existence. Egalement, les auteurs qui imaginent
dans la fiction un espace dystopique voulant exorciser le mal qui les
entoure, écrivent eux-aussi de la littérature d’évasion, comme c’est le
cas du Procès de Kafka ou de Les Justes de Camus, des œuvres
recensées aussi par Monica Lovinescu dans ses chroniques
radiophoniques.
Le dernier livre de référence publié par Monica Lovinescu (19992001) est le roman de mémoires A l’eau de Vavilon, un texte de
maturité qui mise sur la formule d’un Bildungsroman étendu, qui
commence par la narration des années de l’enfance, avec la fixation
exacte du rôle des parents dans la formation ultérieure de la narratrice
et des endroits qui ont marqué sa mémoire affective. Ce ne sont pas
les études qu’elle a réalisées qui ont eu une importance extraordinaire
dans son devenir, mais la génération de laquelle elle se réclame, une
génération qui vue de manière rétrospective, « semble se diviser en
grosses lignes entre exilés et emprisonnés » [Lovinescu, 2008 :34]. Il
paraît que le trait dominant qui caractérise in summum le personnagenarrateur est la lucidité, identifiée par son mentor dès les premières
années de leur collaboration : « Quand Camil Petrescu me disait qu’il
ne serait pas impossible que je devienne folle de tant de lucidité (mai
1946), il ne pouvait se tromper complètement » [Lovinescu, 2008 :8].
Après que pendant les années qui on suivi la deuxième guerre
mondiale elle complète ses lectures avec les œuvres de nature
existentialiste de Sartre et de Simone de Beauvoir, qu’elle combat,
mais dans lesquelles elle se retrouve paradoxalement, Monica lit l’été
terrible de 1950 le roman d’Orwell – 1984 – lecture qui éclaircit le fait
que l’exil volontaire sollicité en 1948 ne sera pas seulement une
parenthèse pour elle, mais aussi un modus vivendi qui va s’emparer de
toute sa vie. Ayant comme point de départ cet univers pessimiste, il
n’est pas étonnant que les thèmes récurrents du journal de Monica
Lovinescu dans les années ’50 soient « le suicide, la mort, le
frémissement du temps et l’idée fixe de l’irréversible écoulement du
temps » [Lovinescu, 2008 :75]. Elle a eu la chance d’avoir connu Emil
Cioran, même d’être des amis intimes et les rencontres avec lui
avaient le don de la rendre optimiste, parce que le philosophe roumain
était renommé pour « sa négation jubilatoire » [Lovinescu, 2008 :75].
Malgré les inconvénients qui ont marqué le début parisien de
Monica, la fille de Lovinescu est entrée nonchalamment dans les
cercles culturels parisiens sans manifester aucun complexe identitaire.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
107
Cette conduite se justifie, comme elle-même l’affirmait, par un
évident sentiment de supériorité : « venant d’un Bucarest au-dessus
duquel la peste du réalisme socialiste ne s’était pas abattue, j’arrivais
en Europe, en venant de l’Europe » [Lovinescu, 2008 :82].
Réussissant à s’imposer dans ce milieu extrêmement culturalisé,
devenant « le plus écouté chroniqueur » [Manolescu, 2008 :1206] de
l’exil roumain francophone, Monica Lovinescu a dédié toute son
existence à la culture roumaine, comme l’avait fait auparavant son
père.
Pour conclure, je crois que l’est-éthique, comme l’esthétique ont
été deux des principales raisons de l’écriture de Monica Lovinescu. Le
fait que parfois l’éthique a prévalu de l’esthétique, au détriment de
certains compatriotes restés dans le pays pour vivre de l’intérieur le
communisme, c’est un inconvénient que seulement l’histoire peut
juger. Il est vraiment significatif pour nous le fait que Monica
Lovinescu ait réussi à vivre son identité roumaine, très visiblement,
dans un pays francophone, dont on a été liés par les origines de la
langue latine, mais séparés par une idéologie politique. L’identité, que
ce soit nationale ou individuelle, n’est pas un concept statique, elle se
forge à travers un procès compliqué qui peut être aisément détecté,
seulement après sa fin. Il est indubitable que Monica Lovinescu a été
un homme de presse passionné de littérature, domaine qu’elle
connaissait bien de ses vastes lectures, mais aussi de la maison de son
père, et c’est pour cela qu’on peut dire que pendant les 60 ans d’exil
volontaire, Monica Lovinescu est restée un citoyen de la Roumanie,
parce qu’elle a gardé en permanence le contact avec les origines et elle
n’a pas renoncé à soi-même. Dans la France de l’après-guerre, la fille
de Lovinescu a réussi à vivre son identité roumaine, de la langue
materne jusqu’à la culture spécifique : « A travers l’écriture elle
revenait chez soi. » [Ungureanu, 1995 :172].
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Ungureanu, Cornel, La vest de Eden, Amarcord, Timişoara, 1995.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
109
Martha Bibescu and the Inside of Romania’s
domestic Policy
Valeriu Bălteanu
Résumé : Cet article révèle une série de problèmes suggérés par le contenu
du journal politique de Martha Bibescu, la genèse de certains scénarios
politiques, la situation de la Roumanie dans un moment critique de son
existence, les relations entre la culture et la politique, etc. Le journal de
Martha Bibescu couvre la période entre 1939 et 1941, une époque de grands
troubles dans l’histoire et la politique roumaine. Le dernier, mais non le
moindre, le journal prend un voyage original dans les coulisses de la
politique au cours de la période entre les deux guerres.
Mots-clés : coulisses, politique interne, journal, scénario.
P
rincess Martha Bibescu, a renowned figure
of the Romanian exile, left a number of memoirs which allow a better
understanding of the insides of interwar European politics, but also of
the Romanian domestic policy. In what follows, we aim at taking a
look in the insides of Romania’s domestic policy during the interwar,
tracing the objectives the authoress herself had in view in writing her
memoirs:
1. Resorting to high-class sources
Often, Martha Bibescu obtains extremely important information
right from the actors involved in certain actions. There are certain
aspects in the Political Diary that indicate the fact that the princess
had been frequently acquainted to some facts before they were made
available publicly. Sometimes, such information actually remains
completely unknown by the public. Some years after the events, the
Diary presents some interesting details concerning the relationship
between the Romanian politicians between 1939 and 1941; thus, we
are informed about the discontents of the Minister of Foreign Affairs,
Grigore Gafencu, with regard to a political action pursued by King
110
Communication interculturelle et littérature
Charles II: “so, the King has two kinds of politics: mine and Tilea’s” (
Bibescu, 1979: 71). Essentially, King Charles II was trying to preserve
the balance in the foreign affairs and acted, at times, disregarding his
Minister of Foreign Affairs. In this particular case, he acted directly
upon Romania’s ambassador in London, Tilea, without asking for
Gafencu’s opinion. The latter’s reaction is known as a result of an
account of a meeting in which princess Bibescu took part.
General Antonescu’s coming into power with the support of
Fascist Germany is “predicted” in the Diary with the assuredness of a
person informed about the great political movements: “Antonescu will
get out of prison leading a military group only to dethrone Charles”
(Ibid. 194). The note is dated July 17, 1940, a few weeks before
Antonescu actually came into power!
2. Concise pointing out of events
Although Martha Bibescu’s notes may seem sketchy, they contain
the fundamental benchmarks of the events and, more often than not,
the barely noticeable reactions of the participants. It is truly
remarkable how the authoress informs her readers with regard to
Charles’s attempts to resist the increasing pressure of Germany:
“Tătărăscu Cabinet comprises Al. Vaida Voievod and I. Gigurtu
for the balance of Germany to weigh heavier. Gafencu is both former
and present minister” (Ibid, 133).
As it is well-known, under German pressure, Romania and
Germany had concluded, in March 1939, a commercial treaty which,
in fact, concealed the constantly increasing German influence in our
country. At the political level, the increase of this influence was
proven by the presence of some philo-German politicians in the
Romanian government (e.g., Gigurtu). King Charles II kept Gafencu
in the position of Minister of Foreign Affairs to suggest that the
country’s foreign policy had essentially remained unchanged in its
orientation towards the traditional allies, France and England.
The authoress touches briefly upon Gigurtu, philo-German
politician: “president of great a many managing boards, a rich man
thanks to the gold mine which once Cazimir, my father’s secretary,
offered to George (Martha Bibescu’s husband, our note.)” (Ibid.192).
It is more than enough to understand what is there to understand!
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
111
3. Observing the reactions of the actors
involved in an event
Martha Bibescu is particularly skilled in observing the reactions of
the politicians involved in various events. For the example, speaking
of a tragic event – the murder of Prime-Minister Armand Călinescu by
the Legionnaires – she insists on King Charles’ reaction: “very
affected by the events, he is really pale” (Ibid. 106). She also observes
the unusual verbal reaction of the King: “Bastards!” (Id.). Another
example: a note concerning the Romanian-German relationships
written on 21 November 1940 is accentuated with a remark of her
interlocutor, general Tătăreanu: “The Germans are wooing us. They
need us against the Russians” (Ibid. 226). It is worth mentioning that
this time the authoress provides her own opinion, as well: “as far as
I’m concerned, he is perfectly right” (Idem).
4. Pointing out her own opinion
The example provided above may be followed by dozens of others.
The writer pays attention to her own reactions, especially when they
may be suggestive. Nicolae Iorga’s assassination is mentioned in a
single intervention which hides her true attitude towards the event:
“the Legionnaires did justice” (Ibid. 228). The fact that she
emphasised the word justice is self-explanatory. Another political
assassinate – the murder of I.G. Duca, in 1933, triggered a much more
explicit reaction on the part of the authoress. Forced by the young
Liberals, I.G. Duca had removed George Bibescu, the writer’s
husband, from the candidates list and thus he had eased the way for
Corneliu Zelea-Codreanu, the leader of the Iron Guard. In her Diary,
the princess is merciless: “and Codreanu commanded Duca’s
assassination. But Nemesis (Goddess of Revenge) succeeded as well!”
(Ibid. 76). King Charles’ relinquishment of the throne brings about
some bitter remarks on her part: “It’s insane! 1930-1940, ten years of
reign and no one to stand by him!” (Ibid. 206). Indeed, Charles had
been abandoned by all his former supporters, some of them changing
rapidly sides to Antonescu.
“In Romania, the crown passes from father to son, then back again,
from son to father” (Ibid. 210) – a subtle allusion to an oddity of the
112
Communication interculturelle et littérature
Romanian history: in 1930, Charles had bereft his son, Michael, of the
royal crown and, in 1940, the same Michael was enthroned. The
authoress’ attitude towards Legionnaires was constantly negative.
Hitler chose between them and Antonescu so that the Legionnaire
Rebellion, presented in many details in Martha Bibescu’s Diary, was
quashed. Germany sacrificed the Legionnaires because they needed
the Romanian army commanded by General Ion Antonescu in their
war against the Russians. The authoress’ remark is suggestive: “the
tool is always cast aside” (Ibid. 236).
5. Pinpointing the hidden connections
between events
Martha Bibescu is a true craftswoman in this respect. The majority
of the details presented in the Diary, whether they deal with domestic
or foreign policy, are usually related to other facts or events. Many of
the decisions made by King Charles II can be understood, as princess
Bibescu suggests, if they are regarded in relation with the increasing
pressure exercised by Fascist Germany. Also, the criminal deeds of
the Legionnaires can be more easily understood when put in relation
with the connections they had with the ruling class in Nazi Germany,
an aspect unknown by many. And there can be much more examples.
In a previously published paper, we have dealt with the details in
the Diary that pinpoint to Romania’s foreign policy. Today, it is a
well-known fact that princess Bibescu was, for a while, an unofficial
ambassador of King Charles II. Martha Bibescu’s memoirs are also
important for gaining awareness of the fundamental evolution of the
Romanian domestic policy during the interwar period. Due to her
intellectual prestige and her connections in the highest political and
cultural circles, princess Bibescu had access to information often
remained unknown by ordinary people. Her memoirs, although
problematic in what reception is concerned (they address to
intellectual elites), represent a significant ’reference book’ in learning
the inside of the Romanian domestic policy during the interwar
period.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
113
References
Bibescu, Martha, Jurnal politic, Editura Politică, Bucureşti, 1979.
Gafencu, Grigore, Însemnări politice, Humanitas, Bucureşti, 1991.
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Zaciu, Mircea, Papahagi, Marian, Sasu Aurel, Dicţionarul scriitorilor
români, Editura Fundaţiei Culturale Române, Bucureşti, 1995.
114
Communication interculturelle et littérature
La création lyrique et gnomique de Julie
Hasdeu, une adoration des « neiges d’antan »
Mirela Drăgoi
Résumé : La publication en 2010 des Pensées de Julie Hasdeu révèle au
lecteur roumain la richesse d’un message poético-philosophique l’aidant à
mieux appréhender le devenir spirituel de cette écrivaine roumaine
d’expression française. Les critiques ont observé des différences évidentes,
enregistrées aux niveaux formel et thématique, entre les réflexions qu’elle a
notées en roumain à l’âge de 9 – 10 ans et les maximes composées en
français pendant son adolescence, vers 1880. La prose réflexive de Julie
Hasdeu, prise dans son ensemble, représente un cas unique dans l’histoire de
la littérature universelle – n’étant plus le résultat des témoignages d’une vie
tout entière – mais aussi dans la littérature roumaine, par l’oubli des
formules et des structures consacrées à l’intérieur du genre gnomique. 130 «
pensées intimes » suivies de 8 essais sur des maximes célèbres forment un
corpus textuel par l’examen duquel nous pouvons déceler, d’une part, un
inventaire des thèmes abordés par cette écrivaine, des réflexions sur son
époque et sur la place de la femme dans la société, mais aussi le lien profond
de ses Pensées avec l’ensemble de sa création littéraire.
Mots-clés : genre gnomique, prose réflexive, témoignage personnel,
francophonie, ensemble thématique.
1. Julie Hasdeu (1869-1888) – une
poétesse entre deux cultures
« La qualité n’est que la quantité condensée. »
Située entre deux cultures et deux pays, Julie Hasdeu est
communément associée à la génération de la « Belle Epoque », à côté
de la comtesse de Noailles, Anna-Elisabeth Bibesco-Bassaraba de
Brancovan (1876-1933) et Hélène Vacaresco (1866-1947). Ces trois
noms de femmes s’inscrivent pour toujours dans l’histoire de la
littérature francophone produite par des Roumains. Elles sont, toutes
les trois, issues de grandes familles reconnues historiquement en
Roumanie et ont été très appréciées pour la diversité et la richesse de
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
115
leur création littéraire. Par exemple, pour le recueil Le cœur
innombrable, paru en 1901, Anna de Noailles a reçu le Grand Prix
pour littérature de l’Académie Française. Considérée comme « la
grande mère de la Société des Nations » [Craia, 1995: 58], elle a joui
de l’appréciation unanime des Français.
Par rapport à elle et à Hélène Vacaresco, Julie Hasdeu – connue en
France sous le pseudonyme Camille Armand – a eu un destin tout à
fait particulier, dû à la maladie qui l’a tuée à l’âge de 19 ans. Sa
formation intellectuelle était remarquable, car à 8 ans elle parlait déjà
français, anglais et allemand ; après avoir étudié au Collège Sévigné
de Paris, elle a passé le baccalauréat en lettres à Sorbonne et a suivi les
cours de l’Ecole des Hautes Etudes. A cause de sa mort prématurée,
elle n’a pas réussi à réaliser ses projets et ses écrits sont parus
posthumément en deux volumes – en 1889 et 1890 – à Paris.
2. Les thèmes abordés dans sa création
lyrique
2.1. Le patriotisme
Julie Hasdeu a manifesté d’une manière constante sa nostalgie pour
le pays natal et pour les amies d’enfance (Florica, Matilda ou
Hermina). [Manolache, 2007 : 224]. Elle envisage de rédiger un vaste
poème historique sur l’origine de l’Etat roumain. Le fragment intitulé
« Six sœurs » évoque les six provinces roumaines traversées par le
Danube et l’Olt, dont « les torrents souvent rouges de sang / Et
souvent mes flots bleus coulant dans la prairie / S’empourprèrent de
flots versés pour la patrie. » (Chevalerie) [Ibidem]. Elle aime
également les habitants de son pays, car ceux-ci forment « ce point élu
de l’Orient ». D’autres poèmes évoquant la souffrance de la poétesse
de vivre loin de son pays natal sont: Patrie, Une Nuit, Les Perles,
Prisonnière roumaine etc.
2.2. L’amour malheureux, inaccompli
Julie Hasdeu a conçu son œuvre entre 1882-1888 et a cultivé avec
prédilection la poésie lyrique de souche romantique et les méditations
116
Communication interculturelle et littérature
philosophiques. Dans les recueils Bourgeons d’avril et Chevalerie,
son père a réuni et a fait paraitre 130 poèmes, des ébauches de pièces
de théâtre et de romans, mais aussi des contes et des essais.
Le leitmotiv de ses écrits est l’amour qui fait de son âme un « tissu
de douleurs ». Elle déplore la séparation amoureuse dans des chansons
et des ballades où se retrouve l’éthique de l’amour courtois des XIIe-XIIIe
siècles : « Oh ! délivrez la pauvre prisonnière, / Noble seigneur au
regard fier et doux. / (…) Dans ce château, par la force enfermée, /
Ah ! Je soupire après l’air et le jour. / Que je voudrais par une main
aimée / Etre rendue à la vie, à l’amour ! (Chevalerie)
Outre cette image de la femme souffrante et malheureuse à cause
d’un amour inaccompli, Julie Hasdeu crée la métaphore de
« l’hirondelle prompte et volage en ses amours », dont le cœur « reste
sec toujours ». Cette créature « perfide », à « la paupière humide » a
une existence éphémère et peut être comparée à « une feuille / que la
grive en passant recueille / et qui s’envole au gré du vent. »
L’image de la femme coquette et mensongère est plus riche en
significations mythiques et en moyens stylistiques dans les vers qui
suivent : « O cœur de femme ! énigme insondable et profonde ! / Pétri
de feu divin mêlé de fange immonde, / Protée inexplicable et qu’on ne
peut saisir, / Cœur vile, indifférent, ou gouffre du désir ! »
2.3. Le regret des temps passés, des « beaux vieux temps »
Julie Hasdeu évoque d’une manière récurrente dans ses poèmes le
statut privilégié de la femme noble, appartenant au milieu
aristocratique délicat et discret : « Derrière l’éventail elle pouvait
sourire, /Et son œil en coulisse essayait d’entrevoir / A travers le léger
tissu – mais sans rien dire – / Le galant qui tombait à genoux, plein
d’espoir. » (Bourgeons)1.
Le ton devient plus lyrique, plus personnel dans les séquences
moins conventionnelles du type : « Regarde-moi, brave archer, je suis
belle : / J’ai le teint brun, mais le regard altier. / Veux-tu m’aimer ? Ne
serai point cruelle, / Et t’aimerai plus qu’’aucun chevalier. »
(Chevalerie).
La poétesse préfère l’époque médiévale, le temps des
« troubadours langoureux » et des jongleurs qui chantaient l’histoire
« des valeureux exploits » des chevaliers : « Si j’étais la châtelaine /
De quelque noble manoir / Qui dominerait la plaine / De son donjon
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
117
haut et noir, / Je porterais des torsades / D’émeraudes aux
cheveux. » (Le souhait d’une vilaine).
3. La littérature gnomique de Julie
Hasdeu : étapes de développement
A côté de ces expressions lyriques, qui illustrent les rêves et les
sentiments de la poétesse, Bogdan Petriceicu Hasdeu a trouvé dans les
manuscrits de sa fille 34 drames, 18 comédies et 12 romans
[Manolache, 2007 : 249]. Il y a également repéré 25 maximes en
français, qu’il a fait paraitre le 15 janvier 1889 dans La Revue
Nouvelle. Deux séries plus amples des réflexions de Julie Hasdeu ont
été publiées en 1988 et 2003. Une réédition de sa prose réflexive est
due aux efforts du critique littéraire I. Oprisan, qui observe que leur
« signification et importance dans l’ensemble de l’œuvre de Julie
Hasdeu n’ont pas encore été révélées »2 jusqu’ en 2010.
L’éditeur observe l’existence de deux étapes distinctes dans
l’élaboration de ces textes : il y a, d’une part, les maximes écrites en
roumain entre 1878-1879 et les réflexions composées en français entre
1884-1885. C’est sur cette deuxième catégorie que nous allons porter
notre attention pour observer les modifications apportées au niveau
thématique par l’emploi des structures propres au témoignage réflexif.
3.1. L’inventaire thématique des Pensées intimes
La crique littéraire a décelé dans les 130 « pensées intimes » de
Julie Hasdeu l’existence de quelques thèmes récurrents.3 Pour rendre
plus évidents les sujets auxquels la poétesse roumaine s’est intéressée,
mais aussi les sources auxquelles elle a puisé, nous illustrons dans ce
qui suit un inventaire thématique qui fait inscrire les textes analysés
dans neuf catégories, correspondant aux sujets suivants :
- le rôle de la vie humaine sur la terre
« Il faut avoir souffert pour être charitable. » (69)
« Dans ses raisonnements philosophiques, quand l’homme veut
s’élever, il oublie toujours qu’il est sur un morceau d’argile perdu au
milieu des autres planètes et des autres mondes. Ce qu’il voit sur la
118
Communication interculturelle et littérature
terre, il l’étend à tout l’univers. Mais ne voit-il pas que sur la terre
même, la Nature ne se répète jamais ? » (88)
« Au berceau et à dix ans, on pleure son jouet cassé, son oiseau
envolé ; à seize ans, on pleure son rêve évanoui, son illusion perdue :
premières déceptions de cette vie. Ces larmes-là sont comme ces
giboulées d’Avril, qui en passant laissent après elles la nature plus
brillante et le ciel plus pur qu’auparavant. Puis, les larmes deviennent,
dans la jeunesse agitée, des orages d’été, avec des tonnerres et des
ouragans ; l’arc-en-ciel se montre encore quelquefois dans les nuages ;
enfin, dans l’Age mûr et la vieillesse, elles sont comme ces pluies
d’automne, fines et froides, qui glacent et transpercent, et laisse la
nature comme engourdie. » (91)
« Le devoir est le plus sûr, et même le seul moyen de se rendre
heureux, en participant au bonheur des autres. » (115)
- l’opposition passé – présent
« De nos jours l’amour est passé de mode, on n’a plus que des
passions. » (18)
- la toute-puissance de la mort et l’inutilité des tourments
humains
« Cherche, cherche, philosophe ! Quand tu as déroulé ton
écheveau, au bout du fil que trouves-tu ? Dieu et la Mort, tous deux
inexplicables et inévitables. » (64)
- l’éloignement de Dieu par la richesse et le progrès de la
civilisation
« Les hommes essayent d’expliquer Dieu et de le comprendre ;
plus ils le font, moins ils le comprennent, car ils ne peuvent l’étudier
qu’en le comparant à eux. Les habitants de Saturne ou de Jupiter se
créent peut-être aussi un Dieu à leur image, tout différent du nôtre ; et
ainsi chaque monde aurait son Dieu, et tous ces innombrables Dieux
réunis et combinés seraient le Dieu que nous cherchons en vain
ici-bas ! » (86)
- la supériorité de la femme
« En amour, l’homme est plus égoïste que la femme ; cela se
comprend. La femme donne, l’homme ne fait que recevoir. » (72)
« La femme a plus de tact que l’homme ; l’homme a plus de bon
sens que la femme. » (98)
« Une femme, pour se faire pardonner sa science, doit avoir un
grand génie et une grande modestie. » (105)
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
119
« Les grands hommes, dans leurs travaux, consultent souvent leurs
femmes ; les dramaturges, les poètes et les romanciers ne peuvent pas
mieux s’adresser. » (107)
- la signification de l’amour
« Le verbe aimer ne se dit plus. Une femme à qui un homme
dirait : je vous aime, se croirait insultée, ou se mettrait à rire. C’est je
vous adore qui est la locution permise. Ah ! Combien ce mot sonore
est au fond vieux et creux ! » (22)
« L’amour quelquefois nait de la jalousie. » (34)
- le paradis de l’enfance
« L’enfant est comme l’héliotrope ; il a besoin de soleil, de caresse
et d’amour. » (53)
- le mystère féminin
« De nos jours, l’honnêteté d’une femme ne consiste pas dans la
pureté de ses mœurs, mais dans l’art de ne pas se compromettre et de
sauver les apparences. » (1)
- l’éducation
« Le meilleur moyen de rendre les enfants désobéissants c’est de
leur commander d’une façon despotique, sans leur expliquer la raison
des ordres qu’on leur donne. L’enfant croit que c’est un caprice de ses
parents qui leur inspire ces commandements ; il veut donc avoir des
caprices à son tour. » (51)
3.2. Les Pensées de Julie Hasdeu, « un reflet » des réflexions
de Michel de Montaigne
Le repérage de ces neuf thèmes majeurs abordés par Julie Hasdeu
dans ses méditations nous fait facilement observer les lignes de force
de sa pensée, à savoir: le jeu des apparences, le changement
perpétuel (du monde en général et de l’homme en particulier) et
l’importance des principes pédagogiques. Toutes les idées exposées
au-dessus tournent autour de ces trois axes thématiques essentiels et
renvoient, par leur contenu, aux témoignages réflexifs qui parsèment
les Essais que Michel de Montaigne a composés trois siècles
auparavant.
120
Communication interculturelle et littérature
Une illustration des idées de
Julie Hasdeu, parallèlement
aux
méditations
de
Michel de Montaigne,
son devancier, rendrait
compte – sous la forme du
tableau ci-dessous – des
influences subies par la
création
de
notre
poétesse : Termes-clés
Citations de Julie Hasdeu
Citations de M. de Montaigne
Le monde
« Le monde est un théâtre,
dont la scène est la terre, les
acteurs les hommes et le
spectateur Dieu. » (Pensées
intimes)
« Le monde n’est qu’une
branloire
pérenne. » (Essais,
Livre III, chap. 2)
Dieu
« (…) Il n’y a qu’un homme
que je méprise: c’est celui qui
dit : Dieu n’existe pas. » (85)
« Nos raisons et nos discours
humains, c’est comme la
matière lourde et stérile : la
grâce de Dieu en est la
forme ; c’est elle qui y donne
la façon et le prix. (Essais,
Livre II, chap. 12)
Les tourments
« Nous ne pouvons un peu
parce que nous voulons
beaucoup, et nous n’arrivons
au bien que parce que nous
avons l’idée du mieux. » (Sur
l’idéal)
« Qui craint de souffrir, il
souffre déjà de ce qu’il
craint. » (Essais, Livre III,
chap. 13).
La femme
« En amour, l’homme est plus
égoïste que la femme ; cela se
comprend. La femme donne,
l’homme ne fait que recevoir.
» (72)
« La plus utile et honorable
science et occupation à une
femme, c’est la science du
ménage. » (Essais, Livre III,
chap. 9)
« Une femme, pour se faire
pardonner sa science, doit
avoir un grand génie et une
grande modestie. » (105)
L’éducation
« Le meilleur moyen de
rendre
les
enfants
désobéissants c’est de leur
commander
d’une
façon
despotique,
sans
leur
expliquer la raison des ordres
qu’on leur donne. L’enfant
croit que c’est un caprice de
ses parents qui leur inspire ces
commandements ; il veut
donc avoir des caprices à son
tour. » (51)
« J’accuse toute violence en
l’éducation d’une âme tendre,
qu’on dresse pour l’honneur
et pour la liberté. Il y a je ne
sais quoi de servile en la
rigueur, et en la contrainte; et
tiens que ce qui ne se peut
faire par la raison, et par
prudence, et adresse, ne se fait
jamais par la force. » (Essais,
Livre II, chap. 8)
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
121
Dans la conception de Julie Hasdeu, le mot « éducation » est
synonyme de « liberté » ; l’instruction fait l’homme sentir la
solidarité de son âme et de son corps, l’union de ses facultés morales
et physiques. Tout comme pour Montaigne, la formation du jugement
d’un enfant n’a rien affaire avec la violence, la contrainte ou le
caprice. « L’institution d’un garçon noble » se réalise par « une
sévère douceur » qui mêle la prudence à la raison.
Le modèle « d’institution des enfants » promu par Michel de
Montaigne s’éloigne des inutiles « bourrages de crânes » propres à
l’enseignement médiéval et préfigure « l’honnête homme » du XVIe
siècle par un art de vivre sciemment élaboré.
Il va plus loin et, s’intéressant au domaine plus large et plus
problématique des guerres civiles qui troublaient son époque,
considère que les rapports humains fondés sur la cruauté produisent
une horreur absolue. C’est pourquoi il dénonce la torture et les
atrocités de toutes sortes et insiste sur la monstruosité de ce « vice » :
(…) hacher et couper les membres d’un autre homme, aiguiser leur esprit
à inventer des tortures inhabituelles et des mises à mort nouvelles, sans
haine, sans intérêt, et dans le seul but de jouir du plaisant spectacle
qu’offrent les gestes et les soubresauts pitoyables, les gémissements et les
cris lamentables d’un homme à l’agonie. Voilà la dernière limite que
puisse atteindre la cruauté.4
De même, le miroir que Julie Hasdeu tend au monde, à Dieu et aux
tourments intérieurs de l’homme reflète fidèlement les images
produites par les méditations de Montaigne. C’est par ces réflexions
que Julie Hasdeu s’avère être une fine observatrice de la société et des
mœurs de son époque. L’adoration des « bons vieux temps » veut
attirer l’attention sur la désuétude qui a touché les valeurs propres au
passé, tout en insistant sur « le mépris des vertus civilisatrices »5.
Pour conclure, nous observons que l’œuvre gnomique de Julie
Hasdeu se rattache à celle de Michel de Montaigne par les aspects de
vie abordés, mais aussi par la concision du style et par l’insinuation
subtile, mais impitoyable, de la vérité qui règne dans le monde. Leur
principal intérêt est d’illustrer une philosophie de vie, un art de vivre
centré sur la liberté du corps et de l’âme, loin de toute aliénation. Le
libre arbitre et l’ouverture de l’esprit, la simplicité et la joie de vivre
représentent des traits indispensables à un homme « à jamais doué
pour le bonheur ».
122
Communication interculturelle et littérature
Une seule divergence s’installe entre les opinions des deux
écrivains : la femme qui, dans la conception de Montaigne, a comme
seule occupation le ménage, acquiert chez Julie Hasdeu un rôle
supérieur :
Les grands hommes, dans leurs travaux, consultent souvent leurs
femmes ; les dramaturges, les poètes et les romanciers ne peuvent pas
mieux s’adresser. (107)
Les femmes savent mieux être charitables que les hommes ; cela tient à ce
qu’elles sont non seulement plus impressionnables qu’eux, mais qu’elles
ont presque toujours plus souffert et plus aimé qu’eux. (71)
Ce souci pour l’émancipation de la femme – qui est d’ailleurs une
constante de la littérature du XIXe siècle – et la netteté de la vision
philosophique et de l’horizon humaniste donnent aux réflexions de
Julie Hasdeu un souffle tout à fait nouveau. Ce sont autant de raisons
pour approfondir l’étude de ces textes considérés par tous les critiques
qui s’y sont intéressés comme « de véritables exemples d’une
remarquable sensibilité »6.
Références bibliographiques
Craia, Sultana, Francofonie şi francofilie la români, Demiurg, Bucureşti,
1995.
Hasdeu, Iulia, Cugetări, Saeculum I. O., Bucureşti, 2010.
Manolache, C., Scânteietoarea viaţă a Iuliei Hasdeu, Saeculum I. O.,
Bucureşti, 2007.
*** Le Moyen-Age et le XVIe siècle en littérature, coord. Xavier Darcos, coll.
« Perspectives et confrontations », Hachette, Paris, 1987.
Notes
1
2
Tous les vers cités sont extraits de la monographie réalisée par C.
Manolache, 2007, pp. 95-237.
Notre traduction; Iulia, Hasdeu, Cugetări, Saeculum I. O., București,
2010, p. 5.
Les Essais de Michel de Montaigne sont eux aussi parus en trois éditions
successives – 1580, 1588, 1595 – et sont organisés en trois parties
essentielles :
- Le Livre I, formé de 57 chapitres à sujets philosophiques, politiques et
pédagogiques, insiste sur le volet autobiographique de cette œuvre ;
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
3
4
5
6
123
l’auteur y annonce son intention d’écrire un livre sur lui-même et
d’imposer une discipline à sa nature indolente ou oisive avant de se
concentrer sur la vieillesse et la mort.
- Le IIe Livre est organisé en trente-sept chapitres plus longs, qui
reprennent les thèmes déjà abordés ; Montaigne commence à s’y
dépeindre, tout en considérant que son livre et lui sont devenus «
consubstantiels ». Les essais les plus connus sont Des livres (10) et
Apologie de Raymond Sebond (12) (fréquemment publié séparément des
Essais).
- Le Livre III, structuré en treize chapitres, réunit des pages écrites après
1580 et fait le bilan de l’ouvrage, pour expliquer en quoi consistent le but
et l’originalité des Essais.
Le repérage de ces catégories a comme base l’ensemble des thèmes
identifiés par I. Oprisan dans la note introductive du recueil intitulé
Pensées de Julie Hasdeu (Ibidem, pp. 5-12).
Tous les exemples tirés de l’œuvre de Michel de Montaigne sont extraits
de l’anthologie intitulée Le Moyen-Age et le XVIe siècle en littérature,
coord. Xavier Darcos, coll. « Perspectives et confrontations », Hachette,
Paris, 1987, pp. 324-367.
Notre traduction; Ibidem, p. 5. Le volume paru en 1988 aux éditions
Minerva sous le titre « Iulia Hasdeu, Scrieri alese » contient une note
introductive de Crina Decusara-Bocsan.
Notre traduction; Ibidem, p. 10. Dans la conception du critique roumain I.
Oprisan, ces textes offrent des grilles de lecture et « des perspectives
insoupçonnables » pour pouvoir comprendre la signification d’autres «
zones » de l’œuvre de Julie Hasdeu.
124
Communication interculturelle et littérature
Începuturile scrisului feminin românesc în exil:
Memoriile Elenei Văcărescu
Lucia-Luminiţa Ciucă
Résumé: En reconnaissant le manque de communication avec l’élite
politique et culturelle de Roumanie, Elena Văcărescu, qui a été dorlotée
pendant son enfance par la reine Elizabeth Ière, est forcée de choisir l’exil,
après 1893. Elle a imposé son nom et sa réputation sur la scène exigeante de
la culture française. Les mémoires d’Elena Văcărescu présentent un intérêt
particulier parce que ses pages racontent des événements ou décrivent des
personnalités qu’elle a rencontrées: des écrivains, des artistes, des hommes
politiques et des diplomates. Bien que rédigés en français, la langue de sa
patrie adoptive, ses mémoires expriment, d’un souvenir à l’autre, d’un
portrait à l’autre, l’attachement presque pathétique pour son pays d’origine.
Même si son œuvre est l’une des réalisations les plus importantes du genre,
elle est restée inconnue aux lecteurs de la Roumanie.
Mots-clés: exil, mémoires, attachement, pays d’origine.
Motto: „Mă înfăţişez cu singura
ambiţie de a mă face cât de cât
plăcută şi de a fi sinceră tot
timpul...” (Elena Văcărescu)
1. Consideraţii teoretice
Literatura memorialistică se încadrează în ceea ce „vechea critică
numea literatura subiectivă sau literatura confesiunii”. Interesul sporit
faţă de universul interior, nedisimulat, tendinţa reflectării experienţei
unice, preocuparea pentru descoperirea propriei individualităţi şi, prin
aceasta, inţelegerea fiinţei umane a determinat refugierea sincerităţii
literare in mediul său de predilecţie, reprezentat, printre altele, de
textul memorialistic. Ca şi în cazul celorlalte specii ale memorialisticii
există o particularitate distinctă la nivelul instanţelor narative:
naratorul este cel care povesteşte şi se identifică, în egală măsură, cu
acela despre care (se) povesteşte, iar în ceea ce-l priveşte pe autor,
acesta, aşa cum afirma Philippe Lejeune, „se comportă ca un martor
dublu: al existenţei sale şi al epocii sale”. „Ceea ce este personal este
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
125
punctul de vedere individual, dar obiectul discursului este ceva ce
depăşeşte cu mult individul, este istoria grupurilor sociale şi istorice
cărora el le aparţine” [Lejeune, 2000: 12]. Ideea este confirmată şi de
Georges Gusdorf, citat de Eugen Simion: „Autorul de memorii
contribuie mai mult la istoria epocii sale decât la propria istorie;
istoria personală se înscrie în istoria generală şi obiectivă.” [apud
Simion, 2008: 17-18]. Astfel, naratorul auctorial, povestindu-se pe
sine, povesteşte mai ales lumea prin care trece. Referindu-se la sursele
de inspiraţie ale scriitorului, W. Faulkner afirmă: „Aş zice că scriitorul
are trei surse – imaginaţia, observaţia şi experienţa. El însuşi nu ştie
cât de mult foloseşte din una sau din cealaltă în fiecare moment dat
fiind că niciuna dintre surse nu poate exista separat. Căci el scrie
despre oameni şi foloseşte material din toate trei sursele ca şi un
dulgher care se duce in pod şi alege o bucată de lemn care i se
potriveşte perfect in colţul la care lucrează. Desigur, orice scriitor, ca
să ne referim la el mai întâi, îşi scrie propria biografie – el a descoperit
lumea şi a mai descoperit apoi că această lume e destul de importantă,
de dinamică ori de tragică pentru a merita s-o pună pe hârtie, pe note,
pe pânză; şi tot ce ştie el e ceea ce i s-a întâmplat lui fiindcă nu şi-a
dezvoltat capacitatea de a observa, de a trage concluzii, de a scruta
intimitatea celorlalţi. Singura introspecţie posibilă este în sine – totul
va fi biografie fiindcă acesta e singurul etalon cu care ştie măsura ceea
ce a experimentat direct” [apud Petraş, 2002: 137].
În Genurile biograficului Eugen Simion arată că „o carte de
memorii tinde să transforme o viaţă într-un destin prin intermediul
unei povestiri care nu respectă legile ficţiunii. O ficţiune totuşi există
în orice naraţiune memorialistică: aceea care respinge ficţiunea
literaturii. Ea nu inventează în sens strict personaje, dar transformă,
dacă este suficient de puternică, personajele reale ale unei epoci în
personaje care au relevanţă, personaje memorabile, proprii literaturii”
[Simion, 2008: 20]. Literatura mărturisirilor transferă accentul de pe
ficţiune pe confesiune, de pe imaginar pe experienţă, de pe literaritate
pe autenticitate.
De-a lungul timpului s-au încercat mai multe definiţii ale genului
autobiografic, din care face parte şi literatura de memorii, însă aproape
toate insistă pe dorinţa autorului de a cuprinde şi înţelege „propria sa
viaţă” în totalitatea ei; sunt puse în evidenţă ideea de construcţie, de
unitate, de „sinteză a eu-lui”, precum şi intenţia de a transmite o
„viziune asupra lumii” [Holban, I, 1989: IX]. Prin urmare, pot fi
identificate, în interiorul lor, mai multe segmente de conţinut: funcţia
126
Communication interculturelle et littérature
primordială a textului este una cognitivă, cu caracter iniţiatic;
reprezintă rezultatul unui adevărat „cult al adevărului”; este mai puţin
invocaţia unei imagini ideale şi mai degrabă evocarea unui eu care îşi
caută fără încetare propria identitate; este, în acelaşi timp, şi un
document, o scriere cu caracter depoziţional în care ecourile lumii se
întâlnesc cu subiectivitatea celui care „se scrie pe sine” la modul cel
mai propriu. Astfel, actul de a scrie memorii este un act subiectiv,
personal, confesiv şi în măsura în care ideile fac parte din existenţa
omului care scrie şi îl pot defini ca individ. Scriitorul caută in
literatura mărturisirilor o eliberare a eului prin funcţia catharhică a
confesiunii.
2. Memoriile Elenei Văcărescu
Personalitate cu destin înalt şi special, care a trăit in inima istoriei,
Elena Văcărescu îşi asumă responsabilitatea gestului confesiv, fără a
ezita în faţa amintirilor „de teama de a nu le putea controla.”
Trecutul este, au spus-o mulţi, un spaţiu de intimitate şi de libertate, care
nu trebuie tulburat, că amintirile sunt la locul lor doar în uitare. Trecutul
este însă şi un spatiu de literatură şi nu puţini oameni de cultură, de
ştiinţă, de artă, au simţit nevoia să spună ceva din viaţa lor şi să depună
mărturie despre lumea prin care au trecut...Cea mai mare parte a ei este
scrisă de cei care au avut ceva neobişnuit să spună, care au fost
observatori atenţi a „ceea ce trece”, care s-au simţit datori să înfăţişeze
oameni, evenimente, fapte şi să reflecteze la „semnificaţia lumii”. [Platon,
1998: V].
Şi Elena Văcărescu se încadrează în aceeaşi categorie, făcând din
viaţa personală şi din destinul său „o sursă pentru literatură”, aşa cum
afirmă şi Maria Platon, adăugând exerciţiului său memorialistic şi o
filă a istoriei ce se derula în afara existenţe sale. Pion important al
istoriei vremii la nivel european, având conştiinţa propriei valori şi
a propriei vieţi, se angajează să prezinte cu luciditate maximă cele
trăite şi văzute spre a le face cunoscute şi altora care nu le pot retrăi
decât prin scris. Însă dincolo de componenta reală, trăită, memoriile
sale sunt încărcate de sentimentalism fiind nu doar rezultatul incidenţelor exterioare ci un produs al unei existenţe interioare legate de
profunzimea personalităţii şi sensibilităţii sale. „«Ciudat destin», scria
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
127
Elena Văcărescu gândindu-se la ea. «N-am avut noroc. Adică n-am
avut noroc, şi totuşi, am avut noroc cu carul»” [apud Bulei, 2001: 7].
Momentul propice rememorării este constituit de vârsta senectuţii,
când cunoaşterea lumii este mai profundă, conştiinţa mai limpede şi
„faptul trăit mai uşor de consemnat” [Platon, 1998: VI]. Ea hotărăşte
să reorganizeze în spiritul libertăţii „ceea ce viaţa a organizat, altădată,
sub constrângerea împrejurărilor”, aşa cum menţiona Lucian Blaga,
citat de Maria Platon în Prefaţa lucrării Elena Văcărescu şi Franţa.
Cu toate acestea, textul său denotă o memorie „vivace, colorată,
riguros fidelă, rânduind, într-o adevărată frescă, oameni, destine,
moravuri, evenimente, înfăţişând o lume care nu mai trăieşte, dar
supraveţuieşte, prin ceea ce este numai al ei, prin arta memorialistei. O
reconstituire istorică, de o mare încărcătură umană, socială, etică,
spirituală, dominată prin puterea intleigenţei şi a inimii” [Platon,
1998: VII]. „Am scris cu «memoria inimii»” afirmă, în acest sens,
Elena Văcărescu. Spaţiul care o „găzduieşte” cea mai mare parte a
vieţii, Franţa, îi oferă şi cadrul propice rememorării: „Un sentiment de
nemărginită recunoştinţă îmi umple sufletul, ori de câte ori îi evoc
chipul acestei ţări. Pentru mine Franţa rămâne ţara care a primit solia
mea românească, ţara care, înţelegându-mi misiunea, mi-a înlesnit-o
cu o generozitate pe care renunţ s-o descriu în culori ditirambice...”
[Platon, 1998: 52] Obligată să rămână departe de „rostul existenţei
sufleteşti”, „îşi transportă penaţii” şi un „fragment din fiinţa
românească” pe „malul august al Senei” [Platon, 1998: VI].
Toate acestea au fost consemnate în sute şi sute de pagini presărate
în reviste, în conferinţe, interviuri, cărţi. În volume se află strânse abia
o mică parte: Memorial în mod minor (Mémorial sur le mode mineur –
1946) este culegerea cea mai substanţială; Le Roman de ma vie
(Romanul vieţii mele), început în 1942, proiectat a fi o vastă panoramă
a memoriilor sale, n-a fost terminat, scriitoarea care n-a mai avut
timpul, dar nici puterea sa-l ducă la îndeplinire, lăsând în manuscris o
multitudine de fragmente şi planuri de capitole.
Plecată într-un exil forţat, atât politic cât şi sentimental, tânăra
Văcărescu se stabileşte, în cele din urmă, în Franţa, cu care luase
contact în adolescenţă, 1879, când merge la studii. Noua patrie o
adoptă şi o ajută să se dezvolte, recompensând-o cu premiul
Academiei Franceze, decorând-o cu Legiunea de Onoare în 1927, ca
fiind cea mai cunoscută dintre „scriitorii străini de expresie franceză”,
deşi în ţară ecoul debutului sau artistic stârneşte ample controverse
chiar şi din partea celor mai luminate minţi ale vremii, precum
128
Communication interculturelle et littérature
Eminescu care afirmă că „nesocotea limba strămoşilor”. Situarea sa la
graniţa dintre două literaturi va face ca opera sa să fie târziu apreciată
la reala sa valoare.
Exilată fizic şi spiritual, va rămâme până la moarte devotată
spiritului naţional şi românismului, ducându-şi datoria de onoare până
la capăt: „Străbuni, Patria-n suflet mi-e singura comoară! / Străbuni
asemeni vouă eu şti-voi s-o iubesc” [Stăvăruş, 1974: 6]. De la poezia
Á ma patrie / Patria mea!, din primul volum de versuri, până la
ultimele pagini, lăsate neterminate, şi-a afirmat cu tărie şi orgoliul
nemăsurat „şi originea şi sufletul românesc”, ceea ce-l face pe
Maurice Barres să afirme „Nu sunteţi o femeie, sunteţi un neam
întreg...” (Hélène Vacaresco? – Elle n’est pas un femme, elle este
toute une race!”) [apud Stăvăruş, 1974: 6], pe N. Iorga să arate că
Toate popoarele cuprind în cadrul vieţii lor sufleteşti ceea ce s-a scris de
persoane aparţinându-le în alte limbi.” „...Odrasla boierilor Văcăreşti n-a
fost de fapt niciodată despărţită de ţara în limba căreia n-a scris. S-a
gândit continuu la dânsa, a sevit-o cu toată puterea unui mare şi cald
suflet, şi-n toată opera ei (...) ea şi-a pus scene şi emoţii totdeauna în
cadrul naturii româneşti. [apud Stăvăruş, 1974: 6],
şi pe Camil Petrescu să insiste asupra componentei etnice: „O
româncă din cel mai adevărat sânge românesc, care îşi afirmă cu
orgoliu şi originea şi sufletul românesc (...) O asemenea personalitate
onorează două literaturi” [apud Stăvăruş, 1974: 6].
Această devoţiune răzbeşte dincolo de paginile de memorii şi din
faptul că-şi afirmă misiunea prin toate mijloacele şi cu toate ocaziile.
Iată ce afirma în discursul de recepţie rostit la Academia Română, la 2
februarie 1934: „Eu cred că adevărata poziţiune a unui patriot luminat
şi cu răspundere nu poate rezulta decât din îmbinarea lucidă şi echilibrată a factorului naţional cu factorul internaţional.” „Cu rădăcini
adânc înfipte în glia românească şi în substanţa trecutului, sufletul
nostru va îmbrăţişa cu privire ageră şi nepărtinitoare toate orizonturile” [Platon, 1998: 43]. Aceeaşi idee reiese şi din testamentul său:
înţelegându-mi misiunea, mi-a înlesnit-o cu generozitate, ca româncă în
mijlocul ei. Am servit ideea românească. Dacă arunc o privire asupra
trecutului generaţiilor din care cobor, surprind în fiecare act manifestarea
acestei idei româneşti. Am conştiinţa de a fi respectat consemnul
strămoşesc, străduindu-mă din toate puterile să colaborez la creşterea
limbei româneşti şi la a patriei cinstire. Am încercat să răspândesc peste
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
129
hotare faima numelui românesc şi am servit în lume expansiunea
sufletului românesc” [Văcărescu, 1989: 171].
Din imaginile copilăriei, scriitoarea reţine cu duioşie pe acelea de
la vatra strămoşească a Văcăreştilor, „unde s-au petrecut momentele
cele mai semnificative şi cele mai dragi ale vieţii mele”: „Respir prima
zi la Văcăreşti ca şi cum m-ar înconjura încă cu miresmele şi magia
ei.” Sau: „Văd epoca aceea îndepărtată ca un curcubeu, un curcubeu
mereu schimbător...”; „Născută din cel mai curat pământ românesc,
crescută generaţii după generaţii în volbura veacurilor româneşti, eu
am respirat adierea parfumată a primăverilor noastre, am înfruntat
crivăţul zăpezilor noastre, poveşti străvechi mi-au alintat copilărie, iar
înţelepciunea şi poezia rustică mi-au nutrit cele dintâi gânduri şi
sentimente” [Văcărescu, 1989: 166]. Această descriere vie şi colorată
poartă în interiorul ei mândria şi nostalgia celei care se revendică din
„Văcăreşti, ţinut al poeziei, ţinut al miturilor şi al tainelor, dar şi al
amăgirilor, adăugau ţăranii mei, care, dornici să-i prefacă plaiurile
fermecate în câmpii roditoare au fost întotdeauna învinşi de
exuberanţa unei flore dezlănţuite”[Văcărescu, 2001: 11].
Amintirea ţinutului părintesc pare o rugăciune izvorâtă din
neliniştea şi durerea de a nu avea urmaşi:
Când mă gândesc la voi, îngân versuri ca şi cum m-aş ruga. Singură,
lângă vatra cinstitului neam, şoptesc: Rămas-a o femeie doară şi umbrele
îi dau târcoale,/ Iar asprul vânt al sorţii crunte o biciuieşte, o
prăvale... Trăind azi în Franţa, aproape de Mediterana ce-a hrănit geniul
nostru latin, mă tot gândesc la aceste lucruri. N-am avut urmaşi. Neamul
se stinge. Şi-atunci ţin sfat cu Văcăreştiul” [Văcărescu, 2001: 13].
De acest univers pierdut fizic, dar niciodată uitat, se leagă şi ceea
ce de fapt îi provoacă exilul, „durerea iubirii pierdute” pe care o va
purta cu ea fără încetare – „Cea mai mare tentaţie, în paginile de
memorii, e să cauţi urmele acestei iubiri” [Văcărescu, 2001: 8]. Şi
dacă priveşti în adâncime, le poţi identifica ca un „sottofondo al
existenţei”, după cum afirma Ion Bulei în Prefaţa volumului
Memorial în mod minor. Femeia, ca trăire, este înăbuşită. „Văcăreştiul
îi îngăduie tinerei să-l iubească”, scria autoarea, „căci un cântec vechi
al neamului nostru spune: « Iubeşte, am nevoie de iubire în cântecele
mele! »”, dar adaugă că acelaşi Văcăreşti n-a lăsat-o „să-şi piardă
numele prin căsătorie” [Văcărescu, 2001: 12].
130
Communication interculturelle et littérature
Elena Văcărescu evocă întâlnirea ei cu prinţul Ferdinand la
Munchen: „Când ridic ochii şi întâlnesc privirea tânărului şi
frumosului prinţ... idila (care pentru mine va dura toată viaţa) a şi
început” [Văcărescu, 2001: 36]. Altă dată evocă o seară la Viareggio,
din timpul exilului, când mama ei, palidă şi tremurândă, îi aduce o
veste ce o va tulbura profund, aceea că „Nando” s-a logodit, „iar ea
cântă Marşul funebru” al lui Chopin pe „cenuşa iubirii”. Revederea cu
prinţul, în 1902, o răscoleşte: „amintirea idilei răbufneşte în mine
precum parfumurile răscolite de căldura verii”. Simte cum o apasă
tradiţiile „de pe urma cărora am avut atât de suferit” şi aproape strigă:
„Împrăştiaţi-vă amintiri!”. Astfel, exilul o face să simtă profund
sentimentul singurătăţii: „Aşteptam mereu scrisori care nu mai
veneau; eram mereu cu ochii aţintiţi şi cu mâinile întinse spre
scrisorile care soseau, spre orice ziar pe care-l zăream” [Văcărescu,
2001: 44]. La moartea lui Ferdinand, în 1927, poartă „un doliu
amarnic” „după logodnicul de-a pururi plâns” [Bulei, 2001: 9], „unica
iubire a vieţii mele”.
Şi pentru că poeţii „adoră mai mult politica şi se pricep mai bine să
o cultive decât politicienii de profesie”, şi pentru că iubeşte România,
pe care şi-o imagina pe un steag care avea în mijloc Roma şi în jurul
ei raze, dar şi pentru că are nevoie de un spaţiu de manifestare a
personalităţii sale frustrate, se afirmă diplomatic. Implicarea sa
diplomatică îi permite, astfel, de-a lungul vieţii sale bogate în
evenimente, să cunoască o vastă galerie de personalităţi. „Fiecare
prilej i-a încrustat în memorie o trăsătură, un chip, o cugetare, o
replică” [Stăvăruş, 1974: 240]. Din panoplia portretelor conturate fac
parte Alecsandri, Hugo, C.A. Rosetti, Leconte de Lisle, Caragiale,
Nietzsche, Anna de Noailles, Proust, Paul Valéry ş.a.
Astfel, „a vorbi şi a scrie despre Franţa înseamnă, pentru Elena
Văcărescu, a vorbi şi a scrie despre oamenii ei” [Platon, 1998: XVIII].
„De-a lungul întregii mele vieţi – mărturiseşte memorialista – am legat
atâtea prietenii încât, fără îndoială, n-aş avea timpul să vorbesc despre
acei şi acelea pe care i-am cunoscut şi iubit...”: „... îi revăd cu nuanţele
şi preciziunile memoriei inimii... oricât de lungă ar fi lista, ea rămâne
incompletă”. Lista este, cu adevărat, lungă: „prinţi ai artei”, „ai
muzicii”, „ai scenei”, „ai politicii”, cum îi numeşte ea, evocându-i în
cea de-a doua parte a Romanului vieţii mele şi în paginile
volumului Memorial în mod minor. În substanţa şi formula lor
artistică, aceste evocări de „prieteni şi apropiaţi” alcătuiesc un elogiu
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
131
al prieteniei, născut din nevoia sufletească de a cunoaşte, de a iubi, de
a preţui şi de a fi preţuită.
Scriitoarea îşi adaptează mijloacele de observaţie şi tonul
emoţional după figurile înfăţişate, schimbând mereu unghiul de privire
şi modificând accentele în redactare. Este o adaptare la cel elogiat,
descris, rememorat care reflectă, dincolo de interesul intelectual, de
afectul pentru cel descris şi pentru înfăptuirea sa, „o schemă a
observaţiei, un mers al gândirii unui scriitor, care-şi face din
cunoaşterea celui de lângă el un mod de existenţă” [Platon, 1998:
XX]. Cel mai ades evocă poeţii pe care îi vede aievea: „văd chipuri,
gesturi, mişcări, priviri... aud voci. Îl aud pe Victor Hugo; vorbeşte
foarte încet. În contrast, timbrul lui José-Maria de Heredia, viguros,
sună ca un metal preţios...” [Platon, 1998: 32]. În spatele acestei
fervente prezentări se ascunde, de fapt, propria sa personalitate,
recunoscătoare acestor minunaţi oameni, pentru formarea sa morală şi
intelectuală. Un astfel de „exerciţiu de admiraţie” îi este adresat lui V.
Hugo, care este „gigantul”, „Poetul” cu majusculă.
Elena Văcărescu evocă des şi sfârşitul prietenilor săi, simţindu-şi
propriul sfârşit mai aproape, aşa cum în evocările sale M. Sadoveanu
spunea: „Moartea prietenilor este începutul morţii noastre”[apud
Stăvăruş, 1974: 242].
Toate aceste figuri se perindă în salonul său propriu, deschis
pentru „suflet şi spirit”, în locuinţa sa de pe strada Washington nr. 5,
pentru că, deşi departe de ţară, ea-şi recrează atmosfera familială: „În
încăperile care păstrează atmosfera arhaică a interioarelor boiereşti de
acasă se perindă oameni politici, artişti şi subţiri intelctuali ai celui
mai ermetic Paris, cuceriţi cauzei noastre”, „o lume pentru care
legenda se destramă şi lasă limpede ochilor realitatea românească”
[Platon, 1998: 51]. Şi încă: „Sălaşul meu parizian a fost întotdeauna
un colţ de patrie românească. În casa mea dăinuia nu numai un spirit
românesc, ci o atmosferă românească. Căci dacă nu eram în ţară, ţara
era cu mine, în depărtata Franţă, pe malul august al Senei”…
[Văcărescu, 1989: 168].
Experienţa exilului în sânul culturii europene, din care consideră
că este parte integrantă, o face pe Elena Văcărescu să afirme:
„Parfumul României e în fiecare cută a rochiei mele. Nu cunosc
suferinţele exilului; oriunde m-aş afla, n-am resentimente, n-am ură
decât pentru cei care o reneagă şi-şi caută un sprijin în afara ei...”
[Văcărescu, 2001: 102], solicitând înainte de moarte reîntoarcerea
binemeritată în pământul atât de drag ei: „Când toate renaşterile de
132
Communication interculturelle et littérature
mine dorite vor fi, scumpa mea ţară, împlinite sub cerul tău, primeşte-mă
cu drag în sânul tău ca pe una ce-ţi va fi meritat... adăpostul, azilul,
unde voi putea de aici înainte să trăiesc din viaţa seminţelor tale, din
seva ta... o, pământ românesc, o, Românie!... [Platon, 1998: 104].
Referinţe bibliografice
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Elena Văcărescu – militante ale feminismului românesc interbelic”, în
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1968.
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Ştiinţă şi Artă, Bucureşti, 2008.
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Văcărescu, Elena, Memorii, Editura Dacia, Cluj-Napoca, 1989.
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
133
Réflexions (post)totalitaires, exil et double dans
la dramaturgie d’Anca Visdei
Elena Iancu
Résumé : Réfugiée politique en Suisse du Décembre 1973, établie
ultérieurement à Paris, Anca Visdei a une activité littéraire prolifique. Cet
article vise ses pièces de théâtre Photo de classe et Toujours ensemble / Puck
en Roumanie, la dernière étant connue dans l’espace roumain sous le titre
Primăvara e încă departe, dans la traduction de l’auteur, supposant aussi une
version romanesque, L’exil d’Alexandra. Ces pièces traitent des avatars de
la féminité pendant le communisme et après, le thème de l’exil, l’identité
scindée dans le contexte du multiculturalisme, suggérant la nécessité d’un
bilan, sinon une restructuration identitaire. Le motif du double est construit
par de diverses stratégies, telles que les (en)jeux au niveau textuel
(Bianca/BiAnca) ou l’insertion de l’épistolaire (Alexandra et Ioana).
Mots-clés : féminisme, exil, double, avatar, identité.
La
« transfiguration de la Roumanie »
entraînée par l’instauration du communisme a déterminé, entre autres,
le phénomène de l’exil. Le changement du regard de la « terreur
idéologique totalitaire » vers l’Europe Centrale, par la rupture de
l’espace matriciel, provoque une littérature qui, émergée d’une tutelle
oppressante, acquiert, consciemment ou non, une dimension
(auto)biographique dissimulée, soulignant à la fois une identité
individuelle, comme une collective, dans la diversité. Cornel
Ungureanu affirmait que l’écriture de l’exil signifiait en fait
l’évocation « d’une catastrophe de l’Utopie » [1995: 8; notre
traduction]. Le mémorial, soumis à la « réhabilitation fictionnelle »,
arrive à envisager une sorte de réflexion nostalgique, de l’intérieur et
de l’extérieur du pays.
En ce qui concerne Anca Visdei − qui peut être incluse (comme
écrivain) du point de vue temporel dans ce qui a représenté la
deuxième vague d’écrivains qui ont quitté le pays pendant le régime
communiste, selon Laurenţiu Ulici [1994], Eva Behring [2001] ou Ion
Simuţ [2008], et en même temps qu’on peut intégrer aussi dans la
134
Communication interculturelle et littérature
vague qui vise les manifestations du féminisme, une vague marquée
conceptuellement par la liberté et par l’égalité − l’asile dans l’espace
suisse, en décembre 1973, a été motivé par l’impossibilité de la
publication d’un volume de théâtre à cause des pages des Archives de
la Sécurité concernant son père. Dans l’interview avec Radu
Negrescu-Suţu [2009: 15], l’auteur a déclaré:
La vie entière nous sommes des exilés sur Terre (...), parce que nous
sommes mortels. Bannis du Paradis ou de l’Enfer, le déracinement est
énorme, en conclusion s’exiler de Haimanale à Bucarest ou de Bucarest à
Paris n’est qu’une bagatelle. Je me sens tout de même exilée dans un
monde où le racisme, la guerre, le machisme existent (notre traduction).
Ces « nœuds » de l’historicité, qui arrivent à avaler dans la
captivité les destins, marquent la conscience de l’auteur, en général,
mais « pour une femme, écrire a toujours été subversif: elle sort ainsi
de la condition qui lui est faite et entre comme une effraction dans un
domaine qui lui est interdit » [Salma, 1981: 51].
Avec un début précoce (une première pièce écrite à l’âge quatorze
ans, la publication et la mise en scène, cinq ans plus tard), la création
littéraire d’Anca Visdei s’avère être prolifique, comprenant, jusqu’ à
présent, des œuvres en prose, des scénarios (tournés à la télévision et
pour le cinéma, un long métrage) et du théâtre. La section de création
dramatique comprend, actuellement, plus d’une quarantaine d’œuvres,
groupées selon l’horizon d’attente, le critère thématique ou selon un
critère qui lui est spécifique (Théâtre pour adultes, Inédits, Théâtre
pour la jeunesse, Pièces courtes, Théâtre en co-écriture, Adaptations
et une adaptation co-écrite). La préoccupation de l’auteur pour le
théâtre se reflète aussi dans la création et la direction de la compagnie
artistique La femme pressée, nom qui semble annoncer les avatars de
la féminité reflétés dans la littérature (rappelant le roman de Paul
Morand, de la période de l’entre-deux-guerres, L’Homme Pressé),
dans le salon tunisien de la pièce Le Train Bleu, où des lectures sont
mises en scène.
L’article traite des pièces Photo de classe [1990] et Toujours
ensemble / Puck en Roumanie [1994]. La dernière est connue dans
l’espace roumain sous le titre de Le Printemps est encore loin /
Primăvara e încă departe, en version radiophonique, dans la
traduction de l’ auteur (dialogisme, l’auto-traduction / auto-écriture,
le mot à deux voix [voir Bahtin: 1970]), mais, vu qu’elle n’a pas été
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
135
introduite par l’auteur dans un volume, elle ne constitue pas l’objet de
cette approche ; c’est le cas aussi de la version romanesque L’exil
d’Alexandra [2008], qui, après une lecture parallèle et selon la
spécification d’Anca Visdei dans la correspondance maintenue, ne
suppose pas de changements essentiels par rapport au texte
dramatique de base, mais en revanche, si l’on ignore l’encadrement
dans un autre genre, peut-être plus populaire pour le public français,
comprend des nuances.
L’œuvre de l’auteur, à travers la valorisation des mythes, selon les
propos de Mircea Eliade, semble tenter de guérir l’anxiété de l’homme
moderne lié indissolublement à la conscience de son propre historicité.
Ainsi peut-on distinguer: le mythe du séducteur, dans la version
féminine (Confession d’une Séductrice, Dona Juana), celui de la
jeunesse sans vieillesse (Belles, riches et célèbres, Photo de classe),
de la princesse qui attend son prince charmant (La Princesse mariée
au premier venu, La Patiente), celui de l’exil (L’Exil d’Alexandra), de
la nature faustienne (Mademoiselle Chanel, Quand même, Madame
Shakespeare), du mystère de la création et du créateur (Petits contes
cruels, Jean Anouilh-une biographie) etc.
A la suite du spectacle-lecture de la pièce Dona Juana, joué sur la
scène du Théâtre Odéon, Visdei précisait que: « Toutes les œuvres
d’un écrivain sont, en quelque sorte, autobiographiques. (...) Il ne reste
au publique qu’à deviner si les expériences décrites ont été vécues par
l’auteur (...). Ou − comme on le dit en français – „Les deux, mon
général” », fournissant ainsi une clé de lecture pour son théâtre avec,
au moins, une double entrée, en rappelant également ce que Philippe
Lejeune, dans Le pactes autobiographique, décidait de nommer
(roman) autobiographique, respectivement « (...) tous les textes de
fiction dans lesquels le lecteur peut avoir des raisons de soupçonner, à
partir des ressemblances qu’il croit deviner, qu’il y a identité de
l’auteur et du personnage, alors que l’auteur, lui, a choisi de nier cette
identité, ou du moins de ne pas l’affirmer » [1975: 25]. Pierre Rajotte
[1997: 53] distingue ainsi l’imaginaire de l’authentique : „Le voyage
imaginaire appartient d’entrée de jeu à la littérature dont il a
longtemps constitué l’un des principaux thèmes. En un sens, il
présuppose « l’une des intrigues les plus anciennes et les plus
universelles », généralisable par extension de la notion de
déplacement des personnages”.
Si le retour à l’espace d’origine représente le dénouement heureux
des pièces Photo de classe et Toujours ensemble, ce qui englobe des
136
Communication interculturelle et littérature
aspects du méta-théâtre, du théâtre historique, politique, social,
d’amour (avec un substrat anthropologique), le retour de l’auteur n’est
projeté qu’en fiction, car, comme le suggèrent aussi les indications
scéniques, « chaque objet est vrai, il a servi et vécu, il a sa mémoire et
son exil... mais, comme dans un grenier, on ne peut exhumer que
quelques pans du passé... » [Visdei, 1990: 2]. Cependant, ce retour ne
serait pas dépourvu du sentiment de l’aliénation, de l’éloignement,
s’agissant d’un « chez soi qui n’est plus chez soi » [voir Todorov,
1996], parce que, comme l’affirmait aussi l’auteur [2009: 16]: « (...), il
est trop tard maintenant, pour moi ». En ce qui concerne la condition
de l’écrivain et son rapport tantôt avec la réalité, tantôt avec
l’imaginaire, la réplique de Katia (« Bianca n’a jamais eu une vraie
conscience civique. Elle a toujours vécu dans son univers... Et être
écrivain ça n’arrange pas les rapports avec la vie réelle. » [Visdei,
1990 : 51]) comme celle de Marina,
Celle qu’elle écrit sur nous... tu sais bien: elle observe, elle observe et
puis elle écrit une pièce sur nous. Elle nous a toujours fait le coup... (à
Bianca): Pour ta pièce, la révolution et tout ça, chacun qui dit le contraire
de l’autre, je voulais te dire une seule chose : la nuit de la révolution,
j’étais seule chez moi devant la télé et j’ai eu envie de me suicider...
Allez, ciao et... écris bien! [idem : 97],
s’avèrent bien éloquentes. Réalisant une comparaison entre le
romanesque et le théâtre, on peut mentionner que « l’espace fictif
transgressif est organisé entre l’espace perdu, la langue perdue et
l’identité problématique de l’auteur exilé, ce qui transforme l’écriture
dans un refuge et en réalité de substitution » [Milea (coord.), 2006:
195]. Le conflit de l’intellectuel avec le pouvoir politique, dont il
réalise aussi la critique, est exprimé dans des lettres, la confession y
suggérant des crises et des changements identitaires. Le voyage, à
travers la réalité de l’exil qu’elle implique, comme espace fermé, est
accablant par la nostalgie du « Paradis perdu », devenant, à la fois, un
moyen de connaissance.
La littérature de l’exil, en tant qu’écriture de front, vise une
réaffirmation, une restructuration, pour marquer un nouveau point de
départ, mais pas sans les manifestations du déni, de la frustration du
dépaysé, de la révolte, pour compenser, pour « gagner » un combat
contre la machine totalitaire, contre « L’autrui » ou contre soi-même.
Tout comme dans le cas d’Emil Cioran ou celui d’Eugène Ionesco, on
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
137
peut distinguer, dans la situation de l’auteur, le radicalisme « connoté
par l’idée « du pire des mondes possibles » [Ungureanu, 1995: 8]. En
ce qui concerne la création dans la langue d’emprunt / hôte et
l’utilisation de la langue maternelle, Anca Visdei soulignait
[Negrescu-Suţu, 2009: 16]:
(...) nous pouvons rire de n’importe quoi, mais pas avec n’importe qui. Je
vais vous avouer que je me sens roumaine, mais pas avec tout le monde.
Un exemple? Il suffit que je m’abandonne dans la lecture d’un livre de
Caragiale ou d’Eminescu, pour que je sente le désir de parler en roumain,
un désir physique (...) j’observe que pour répondre à vos questions,
j’utilise de plus en plus le roumain, ce qui est un signe encourageant, mais
le mot „dor” (mal de) n’a pas d’équivalent, surtout pas, celui de pays
(notre traduction).
Renoncer au roumain (« Ioana: Toi qui écris tout le temps, tu vas te
retrouver inutile, muette, sourde. Tu devras tout réapprendre, chaque
mot, chaque tournure de phrase. Tu redeviendras démunie comme une
enfant qui ne sait pas encore parler. » [Visdei, 1994: 15]) devient,
finalement, une autre façon de créer, du moment que la machine à
écrire emprunté par Alexandra n’a que des caractères spécifiques du
français.
Les éléments de paratextualité anticipent les sujets des créations
dramatiques, parce que, si dans la pièce Photo de classe, Bianca
retourne dans la Roumanie de l’après-révolution et organise une
réunion à laquelle quelques collègues du lycée seront présents, dans
Toujours ensemble / Puck en Roumanie (le dialogue avec le modèle de
Shakespeare suggérant la dualité, la (de) duplication causée par la
pression, par la bouffonnerie, mais aussi la tentative de corriger les
erreurs et d’avoir de l’espoir) l’histoire du communisme est envisagée
du point de vue de la féminité représentée par les deux voix,
Alexandra et Ioana, séparées à leur tour, à cause du système oppressif,
mais qui se font entendre par le biais des lettres échangées « durant...
quelques années » (« L’action de la pièce se déroule entre décembre
1972 et décembre 1989. » [Visdei, 1994 : 1]). Dans les deux pièces, la
fin suppose une réunification, une réconciliation, le voyage fait
portant en permanence vers le centre, car, sous le signe de l’amour,
Bianca arrive à vivre une belle histoire avec Sile, et les deux sœurs
(re)disent de concert: toujours ensemble. Les indications de l’auteur se
caractérisent par flexibilité, le metteur en scène ayant la possibilité
d’agrandir scéniquement le texte (« Que le metteur en scène prenne
138
Communication interculturelle et littérature
cette pièce pour un patchwork... Pour paraphraser cette autre exilée
des lettres et du cœur : excusez-moi, j’ai eu trop à dire pour faire
court... » [Visdei, 1990: 2]).
Du point de vue thématique, les œuvres présentent la condition de
l’écrivain exilé, la même année, 1973, et à la fois elles illustrent le
manque de résonance de la réalité de Balkans dans l’Occident :
Les réfugiés politiques, on les connaît ... Chez vous, dans votre pays, vous
aviez peut-être le téléphone dans votre chambre...” J’ai dit que oui mais
qu’à part ça on allait à quatre pattes, couverts de peaux de bêtes. J’ai vite
arrêté les frais : ils étaient en train de me croire. [Visdei, 1994: 21];
Te rappelles-tu ce voyageur étranger qui, devant un grand hôtel, nous
faisait de l’œil nous invitant à monter chez lui et nous agitant un paquet
de Kent sous le nez ? Quand nous lui avons tourné le dos, il est allé
jusqu’à : "two Kent, two for you two" Tu vois à combien nous évalue
l’Etranger. [idem: 25];
MARINA : Mieux valait ne rien dire : ils t’auraient prise pour folle...
ROBESCOU : C’était trop incroyable...
BIANCA : Moi je ne le savais pas : j’essayais de dire et je voyais dans les
yeux des gens qu’ils ne me croyaient pas... [Visdei, 1990: 58-59]).
Un motif qui se distingue, avec un rôle essentiel pour le retour, est
celui de l’enfant. Bianca quitte Paris après avoir vu un enfant roumain
aux bras d’un soi-disant réfugié et Alexandra y revient avec un autre,
qui va apprendre le roumain.
Ayant l’aspect d’un anticlimax de l’individu par rapport au régime
communiste, par le refuge dans l’espace francophone, de l’incipit,
Photo de classe envisage le revers de la monnaie en révélant les
destins de ceux qui sont restés dans le pays, des collègues qui sont
morts ou ont subi un processus de dégradation à cause de la
soumission, de l’humiliation, de la frustration ou d’une maladie, qui se
superposent, raisonnant en contrepoint avec la thématique de l’œuvre
et complétant l’image de l’époque évoquée („ROBESCOU: On est
tous là... à veiller notre jeunesse agonisante et les futurs morts que
nous sommes (...) tous les chemins mènent au ratage... On n’est pas
les dieux qu’on se croyait à vingt ans... nous sommes retombés parmi
les hommes... Dans la ruche, non: dans la taupinière... brrr, qu’il fait
froid et noir dans notre vie...” [Visdei, 1990: 85-86]. Après avoir
quitté le futur mari qui refusait / ajournait de l’accompagner en
Roumanie, Bianca arrive à connaître les côtés dramatiques et tragiques
de l’existence d’entre les frontières d’origine, annoncés d’ailleurs par
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
139
l’intertextualité avec le modèle d’Eminescu: „Parmi des centaines de
mâts / Qui délaissent les rives, / Combien seront fracassés / Par les
vents, les vagues?” [idem: 24]. Le sommelier, représentant un autre
aspect de la trahison des intellectuels et de l’échec professionnel, se
présente (auto)ironiquement comme un „conducteur de bêtes de
somme” [idem: 19], en disant:
SOMMELIER : Mais où sont les neiges d’antan?...Vous devriez connaître
deux de mes collègues : un agrégé de français et un poète, le meilleur
traducteur de Villon en roumain...
BIANCA Ils sont sommeliers aussi ?
SOMMELIER Non, juste loufiats. Moi, je suis le seul qui a "réussi". (rit,
lève le poing, chanson de la Place de l’Université):
Mieux vaut être pauvre que activiste...
Mieux vaut être mort qu’opportuniste !
Bianca chante avec lui. [idem: 21].
Dans la deuxième pièce, concernant le même aspect, Andrei
Vornicou est constamment promu, on lui accorde même le titre
d’honoris causa et il devient « ambassadeur de notre pays à... ». De
plus, dans la pièce Photo de classe on distingue le statut de la femme
dans la société, le plus souvent, utilitaire et dépendante du point de
vue financier :
VINCENT: Katia a épousé Igor après l’avoir fait divorcer de Marina qui
est devenue folle: on l’a mise à l’asile, elle courait dans les couloirs en
chemise de nuit et racontait que les migrateurs sont à nos portes. Elle
cherchait Igor dans les boîtes de médicaments, dans les poches des
infirmières... ils lui ont fait des électrochocs et elle a pu revenir à la
maison soigner son enfant et ses vieux parents... génération sacrifiée...
[idem: 71]) ;
la femme sans études :
RADOU: (à Bianca) Bizarre comme le fait que toi, la grande lettrée, ait
eu
une
grand-mère
analphabète
t’humanise...
Evidemment
l’analphabétisme c’est une constante du tiers monde sans distinction de
classe... même les grands propriétaires terriens étaient analphabètes
(regardant Bianca avec un sourire ambigu) surtout les femmes... [idem:
63]) ;
Ainsi était ma grand-mère, qui avait pleinement vécu l’horreur, la mort de
son mari sous la torture, la confiscation de tous ses biens, l’interdiction
que sa fille fasse ses études... et je l’ai connue, pourtant, douce, énergique,
140
Communication interculturelle et littérature
éternellement optimiste. Les épreuves de la vie nous forment, Dieu nous
en protège! [Negrescu-Suţu, 2009: 15] ;
la femme-mère :
MARINA : Mon mariage a duré un mois... Une nuit de plaisir, neuf mois
d’attente et toute une vie de pension alimentaire ! (elle éclate de rire)
Après mon mari est parti avec une autre (Katia s’en va ostensiblement, se
dirigeant vers le téléphone), après j’ai élevé toute seule l’enfant tout en
m’occupant de mes vieux parents, et mère divorcée ici c’est pire que noir
en Afrique du Sud, après j’ai été de plus en plus fatiguée, après j’ai grossi,
après j’ai perdu mes dents, et maintenant,... dès que mon enfant sera élevé
on va me trouver un cancer et je vais me reposer enfin. [Visdei, 1990: 40-41]).
Une éventuelle ascension professionnelle supposait un compromis
(« ROBESCOU : (...) qui veut une promotion doit payer...
Malheureusement pour moi, elle n’avait pas d’argent ! » [idem: 88]),
le mariage était un garant de la possibilité de quitter le pays, les unions
étaient fondées sur l’intérêt, la femme était « vendue » :
RADOU : C’est vrai que c’est toi qui l’a vendue à ce roi africain ?
ROBESCOU : On n’a pu la fourguer qu’à un cannibale. Hélas, il ne l’a
pas mangée... On la lui a vendue comme « jeune vierge roumaine »...
Contre des devises : belle affaire ! L’Etat lui a payé l’opération pour
redevenir vierge... [idem: 90] ;
MARINA : Désormais, le peuple, qui a un solide bon sens, lui, se vend
par pièces détachées... Tu connais un acheteur pour une femme médecin à
demi folle avec deux vieux parents et un adolescent délinquant à
charge...? [idem : 72]) ;
IOANA : Ici, les hommes commencent à avoir une mentalité détestable:
ils sont devenus si opportunistes qu’une fille doit avoir un diplôme
universitaire, une maison et si possible une voiture pour pouvoir espérer
de se marier. Evidemment, elle doit être aussi jolie, douce et encore... elle
voudrait de n’importe quel homme. Même mariée ainsi, elle n’est pas
tranquille : divorce immédiat si elle ne peut pas avoir d’enfant. Il y a
même des fanfarons de café qui disent, très satisfaits d’eux-mêmes : il ne
faut pas regarder les femmes mais ce qu’elles ont dans leur cabas !...
[Visdei, 1994: 43]) ;
vu que l’avortement était interdit, il détermine des mutilations
physiques, psychiques et spirituelles (« Ce mec-là a tué la moitié de
Bucarest ! » [idem: 48]) ; « C’est la légalité qui l’a tuée. Elle est morte
des suites de l’interdiction légale de l’avortement... » [idem: 45] ;
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
141
« Ioana : Tu me demandais dans ta lettre si les contrôles
gynécologiques sur les lieux de travail n’étaient pas une farce. Si, c’en
est une... qui dure depuis 1984... » [Visdei, 1994: 68]) etc.
La libération d’au-dessous les ventouses de la pieuvre totalitaire
n’est en fait qu’apparente, parce que les structures politiques restent,
ainsi comme le syndrome du sergent, de la Sécurité (« BIANCA: Ben
quoi ... ? Les services secrets n’existent plus après la révolution,
non... ? Tout le monde pouffe de rire, d’abord timidement puis
franchement. Robescou rit plus fort que tous les autres. » [idem: 54],
la maladie s’étendant aussi sur la presse, supra personnage, tout
comme l’histoire et l’exil :
BIANCA : De mon temps, La Voix du Peuple était le seul journal libre...
SOMMELIER : Il l’est resté...
BIANCA : Pourquoi il a si peu de lecteurs alors ?
SOMMELIER : Parce que les autres veulent rester libres...” [idem: 23] ;
ROBESCOU : On a tout payé pour qu’elle la boucle, surtout devant les...
maintenant que la presse est censée être devenue libre... Bravo pour votre
révolution: vous voyez bien que les secrets restent tout aussi bien gardés...
Est-ce que ça valait la peine ? (secouant la manche vide du bras arraché
de Sile) Ça valait la peine, maintenant on est tous les deux pareils... [idem: 91].
Le personnage fantôme-vivant, Vlad, aisément perceptible tout au
long de l’œuvre (« Seule Bianca semble sensible à sa présence qu’elle
ressent mais qu’elle ne comprend pas tout à fait... » [idem: 74]), après
que l’équilibre d’entre les deux mondes fut établi, à travers la valse,
joue le rôle de Cupidon en plaçant une lettre dans la poche de Bianca
et en l’approchant, ainsi, de Sile. Finalement, elle (re)commence à
avoir la mémoire du bonheur, mais le processus de la création devrait
être toujours en français :
BIANCA : Est-ce que je pourrai à nouveau écrire en roumain ?
SILE : Tu écriras en français : tu as toujours été un peu d’ailleurs... [idem: 111].
Dans Toujours ensemble / Puck en Roumanie, dédiée à Ion Luca
(probablement Caragiale) et à Jaroslaw Caratchek (Jaroslaw Hasek),
on signale l’oppression contre la littérature, en général, et contre le
théâtre, en particulier, ce qui détermine Alexandra à se décider de
quitter le pays (« IOANA : Si tu restes ici, ce sont eux qui te la (la
langue) couperont. Ils ont déjà commencé... » [Visdei, 1994: 14]). La
condition du réfugié suppose aussi, exceptant la rupture de l’espace
142
Communication interculturelle et littérature
matriciel, une scission culturelle et intérieure. Le double se manifeste,
en même temps, par l’affection et le reniement des origines, car « Je
dois être enceinte de la Roumanie » [idem: 26]. Si Alexandra incarne
le discours dramatique, en tant qu’écrivain, Ioana, comédienne, vise le
spectacle, donc les deux constituent l’ensemble désigné par l’art
théâtral. Le conflit d’entre les deux sœurs n’a pas comme noyau le
mariage d’Ioana avec Andrei, mais la soumission de celle-ci, la
compromission du théâtre face au régime communiste. Ainsi, il n’y a
plus d’échange équitable de lettres entre elles, celles d’Ioana
soulignant les changements de l’espace roumain et mettant en
évidence les avatars de la féminité, sous la pression de facteurs
sociaux, avec de profondes implications, car :
Après un procédé mené à la perfection à la longue, la victime est forcée à
devenir complice à sa propre condamnation, elle est incriminée. (...) La
faute n’est pas, pour la société totalitaire, une réalité juridique, mais un
état d’esprit, un outil maléfique de la terreur diffuse qui ne doit pas se
justifier: elle existe purement et simplement. [Anghelescu, 2000: 135;
notre traduction].
A l’Ouest d’Eden, l’horloge d’Alexandra s’arrête. La situation du
théâtre est également inquiétante, parce que :
ALEXANDRA : Ici, la moitié de l’énergie et du temps de tous les gens de
théâtre passent à rechercher l’argent de la production. C’est une quête qui
requiert d’autres compétences que celles de l’auteur dramatique. C’est un
autre métier : mendiant institutionnalisé ou chasseur de fonds professionnel,
et je ne suis pas du tout douée pour. A peine maintenant je me rends
compte de la chance que nous avions là-bas. L’argent au moins n’était
jamais un problème : il n’y avait qu’à le demander à l’Etat. En contrepartie,
on écrivait des textes sages ou qui avaient l’air tels. Comme les artistesclients d’un prince un peu borné. C’était facile... [Visdei, 1994: 47].
Après la révolution, il y a la réconciliation entre les deux, mais on
assiste aussi à la réconciliation d’une troisième voix avec soi-même, la
grand-mère, personnage subtil et ébauché complexement, qui rêve
sans cesse à la libération. L’implication dans les événements de
décembre ’89 atteint son but existentiel, marquant, ainsi, pour elle un
départ accompli vers le néant. Les deux œuvres dramatiques ont au
centre la figure de la femme qui, bien que marginalisée, aboutit à se
rendre remarquée et à se retrouver par son courage de vivre et par
Literaturi francofone şi repere ale scriiturii feminine a exilului
143
celui d’espérer constamment, mais aussi par des attributs tels que la
force de caractère, la patience, la maîtrise de soi, la ténacité, et,
pourquoi pas, par sa propre féminité, tout en parvenant à faire revivre
la mémoire collective d’un espace culturel. Les pièces ont du succès,
étant jouées principalement à l’étranger, comme l’apprécie aussi la
critique d’accueil :
(…) complexité humaine parfaitement retranscrite qui nous transporte du
rire aux larmes avec talent. » (Le Dauphiné);
Cette pièce méditative et rêveuse à deux personnages réussit la
remarquable performance de faire exister sur la scène une multitude
d’individus vivants et des foules. Des solutions morales qui transcendent
les questions de nationalité et d’époque. (Lawrence van Gelder, New York
Times).
Traversée par un filon biographique, la création dramatique d’Anca
Visdei établit un pacte avec l’histoire, supposant, d’une manière
expressive, une décantation jusqu’aux essences, à travers la finesse et
la complexité de l’écriture.
Acknowledgement: The work of Elena Iancu was supported by Project SOP
HRD - PERFORM/159/1.5/S/138963.
Références bibliographiques
Corpus
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pièce est gratuit sur le site www.ancavisdei.com);
Visdei, Anca, Toujours ensemble/Puck en Roumanie, Editions La femme
pressée, Collection Prêt-à-Jouer, Paris, 1994.
Études littéraires
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Behring, Eva, Scriitori români din exil 1945 – 1989. O perspectivă istoricoliterară (traduction de l’allemand par Tatiana Petrache et Lucia Nicolau,
révisée par Eva Behring et Roxana Sorescu), Editura Fundaţiei Culturale
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http://infoinsider.ro/1001-scrisori/anca-visdei-fructele-vin-ca-o-recompensadesi-placerea-creatiei-a-fost-deja-un-cadou/
(http://ancavisdei.blogspot.ro/2013/07/lien.html)
http://www.aradomain.com/archives/biara2004no6.pdf
Exil şi interferenţe culturale
Exil şi interferenţe culturale
145
146
Communication interculturelle et littérature
Étapes de la fictionnalisation de l’égo :
H. Müller, La bascule du souffle
Violeta-Teodora Iorga (Lungeanu)
Résumé : Le roman La bascule du souffle se montre comme une écriture à
plusieurs niveaux relevante aussi bien pour l’identification d’un paradigme
de la subjectivité que pour la qualité du type de mixage qui compose l’espace
autobiographique. Étant inclus dans la catégorie des fausses autofictions, le
texte montre une intersubjectivité qui s’obtient d’un transfert permanent
entre un ego explicite, masculin qui se manifeste d’une manière active dans
le texte et un ego implicite, féminin, qui se manifeste lentement. Le palier
référentiel est à son tour atypique, assimilant à un champ de la mémoire de
celui qui a vécu l’expérience un autre, construit des témoignages gardés dans
la mémoire de celle qui assume la responsabilité du discours. De ce point de
vue, l’étude en question se propose d’analyser la manière dont le discours
autofictionnel construit le profile de l’écrivain qui rentre dans le temps et
dans l’espace perdus.
Mots-clés : autofiction, intersubjectivité, registre référentiel, registre
fictionnel.
1. Introduction
Paru seulement quelques mois avant la remise du Prix Nobel, le
roman La bascule du souffle est le résultat d’un dialogue fécond entre
l’auteur et le poète Oskar Pastior qui remémore avec une rigueur
exaspérante les cinq ans passés dans un camp de concentration de
l’Union Soviétique. Après la mort d’Oskar Pastior, Herta Müller
prend l’initiative d’écrire le roman en absorbant dans sa propre
matière épique les détails obsessifs des cahiers qui contenaient les
notes résultantes de leurs dialogues. Mais la profondeur du texte
présente un enjeu autobiographique implicite – en parlant de l’histoire
du poète, l’auteur découvre sa propre histoire en traçant de cette
manière une série de coordonnées identitares. Si l’on choisit
l’organisation en étapes du discours roumain, on découvre que
l’auteur autofictionne d’une manière atypique, en traçant les
hypostases identitaires de sa propre expérience. L’histoire du jeune
Exil şi interferenţe culturale
147
Leo, envoyé dans un camp de concentration devient le lieu de
manifestation d’une identité marginale, construite par des procédés
discursifs inédits. La cession du discours, la reconstitution de
l’identité par les jeux de la réconstruction et de la démolition,
l’obsession pour l’espace du camp (l’archipel des identités), mais
surtout la réalisation d’une identité énonciative représente les axes
principaux d’un possible mythe personnel que l’écriture impose.
2. Écrire l’histoire à deux mains
Quand les écrivains contemporains revisitent l’histoire, éviter la
grande Histoire et se rapporter aux histoires mineures, marginales
devient à peu près une obligation professionnelle. Ces voix de la
marginalité, hétérogènes et ignorées au long du temps, reflètent de
travers l’histoire fabriquée par les falsificateurs d’histoire du Parti
Communiste et deviennent l’expression de la différence. Si l’histoire
est rétrogradée à la fiction1, c’est à celle-ci que revient la mission de
reconstruire ce que les instruments des idéologies totalitaires ont
démoli. Les histoires de certaines existences mineurs et liminales sont
celles qui composent l’Histoire et Herta Müller croit totalement à la
force des histoires alternatives : « L’histoire est la vie-même. Chacun
vit dans l’histoire, chaque jour représente une partie infime de
l’histoire. L’histoire est notre vie. De quoi écrire ? Si l’histoire ne me
préoccupe pas, et les souffrances et les gens qui sont passés par une
dictature à quoi bon de continuer à écrire ? » [Şimonca, 2010].
Partant du sous-titre de roman du livre, les discussions sur les
rapports qui se dressent faits et mots ne peuvent pas être délimitées
par les quelques adnotations de l’auteur. Analysées dans une grille de
la continuité, celles-ci mènent à la confession d’une croyance de
l’homme et pas forcément à l’une de l’écrivain. Avant tout c’est la
désapprobation de certaines attitudes : passer sous silence ou discuter
dans une manière vindicative de ces deux dictatures. Cette réduction à
l’indifférence et acharnement envers ceux avec les visages et les âmes
déformés par l’histoire rend instable toute tentative de dénonciation
des crimes du régime et pour l’homme revenu d’Allemagne, ou le
passé est revisité pour être clarifié, il semble incompréhensible. Ne
pas parler aux jeunes du passé équivaut à la perpétuation d’un état
troublant de la nation :
148
Communication interculturelle et littérature
En Roumanie, il semble être un concours macabre, de découvrir qui a
trahi le plus. Mais au-delà de cet aspect, la discussion aurait être dirigée
vers les jeunes, vers l’école, vers les manuels. Qu’on discute sérieusement
d ’Antonescu, du communisme, de Ceausescu. Il est important de savoir
qui a trahi le plus. Ce n’est pas pour se venger, mais pour mieux
comprendre le régime qui a créé les traîtres. L’absence d’une discussion
sérieuse, le fait que jusqu’à présent en Roumanie personne n’assume la
responsabilité pour aucune de ces deux dictatures, mène aussi à des
réactions antisémites et à la minimisation des crimes fascistes et
communistes. [Şimonca, 2010].
En expliquant la manière dans laquelle le roman a pris naissance,
l’écrivain refait un trajet sinueux et justifie sa démarche comme étant
récupératrice d’abord pour soi-même et puis pour la communauté.
« En écrivant le roman La bascule du souffle, je n’ai ressenti aucun
devoir ni envers ma mère ni envers mon ami Oskar Pastior, d’autant
moins un devoir moral. On n’écrit jamais un livre par obligation, mais
par un besoin intérieur. » [Şimonca, 2010]. La rencontre avec le poète
Oskar Pastior représente le point central de ce trajet: celui-ci lui
raconte ayant une mémoire microscopique, dans des images vives, de
l’Ange de la faim, ou de la pelle de cœur. Mais au-dessus de cette
possession de cette expérience vécue par Oskar Pastior se superpose la
propre existence de celle qui a entendu de sa grand-mère comment les
russes les a déshérités et de celle qui a été témoin au trauma de sa
mère, déportée pour cinq ans dans un camp de concentration de
l’Union Soviétique. Tous ces éléments se raniment au moment où
Pastior lui fournit toute une série d’images, d’informations, et après sa
mort, en 2006, Herta Müller doit finir le livre. L’auteur lui – même
donne des explications sur l’imporatnce d’une deuxième main qui
écrit l’histoire et sur la richesse des informations que le livre apporte
sur l’écrivain :
Il n’y avait que trente ou quarante pages mises sur le papier et le reste
étant des notes. Des centaines de détails très précis, mais rien qui les lie,
aucune action et seulement quatre personnages : Trudi Pelikan, Bea
Zakel, Tur şi Kati-Planton, mais rien d’autre sur elle ; on ne savait qu’elle
restait pendant la nuit assise à table dans la baraque et qu’elle était débile.
Au prolongement des images de Pastior, j’ai dû inventer mes propres
images et histoires que le texte me demandait – je devais m’imaginer que
j’étais là dans le camp de concentration, pour que la vie quotidienne que
j’avais inventée, la vie du camp devienne une réalité croyable. [Şimonca,
2010].
Exil şi interferenţe culturale
149
La confession de l’auteur contient le double enjeu de son entière
démarche littéraire : la fiction est structurée sur la réalisation d’un
trajet identitaire sur une graphie de la reconstruction de l’être et la
configuration identitaire résultée découvre une individualitée
condamnée à l’aliénation, à une existence insulaire, comme Herta
Müller avouait dans d’autres occasions aussi : „J’ai vécu plus de trente
ans sous une dictature, en Roumanie. Chaque individu y formait une
île proprement dite et le pays entier, était un espace fermé à
l’extérieur, surveillé à l’intérieur”. [Müller, 2005: 180].
3. Le retour à l’espace-origine – une
réception
La publication en 2010 du roman en roumain, mais aussi sa visite
proche à Bucarest ont emporté une série de recensions2 du roman La
bascule du souffle. Le principe lovinescian de l’autonomie de
l’esthétique semble préoccuper de nouveau les exégètes de la nouvelle
génération, et les choses sont regardées ici sans oscillations
conceptuelles : l’esthétique est un principe mobile, différencié par le
temps, mais qui n’est pas limité par l’ethnique3. Il y a deux directions
vers lequelles se dirige l’ample groupe d’analyses réalisées dans les
pages de l’Observateur culturel : la dimension esthétique,
l’embellissement du langage, et la dimension éthique, la réécriture de
l’histoire.
Soit qu’il s’agisse de la force extraordinaire du mot4, soit de la
marque stylistique unique, tous ceux qui se penchent sur le texte,
mettent sur une échelle de valeur élevée l’ordre de surface que le
langage impose. C’est l’expression qui instaure l’ordre dans la
recomposition d’une existence référentielle ou fictionnelle :
Pourtant le grand atout du roman le constitue son style marque d’une plume
de poète camouflé sous le masque dur du prosateur qui note avec précision,
ayant la conscience de l’importance vitale de mettre en évidence des faits
atroces cachés sous le tapis de l’histoire. Un style qui s’éloigne du laconisme
du roman « Voyage à cloche-pied » (récemment paru à Humanitas Fiction),
mais qui garde la phrase courte, frappante, empreinte d’un prosateur qui a
compris que la littérature ne pouvait pas faire abstraction de l’expérience
personnelle, de drames intimes de l’être et de l’histoire qui lui a confisqué à
un moment donné la vie [Răsuceanu, 2010].
150
Communication interculturelle et littérature
Paul Cernat attire l’attention sur la manière dans laquelle on arrive
à ce tissu dense des mots : ils sont déterminés d’une perception
somatisée, massive de l’univers obtenue d’une acuité permanente de
celui qui enregistre les scènes. Avec une expérience et une expression
qui rencontrent celles de Max Blecher ou Norman Manea, Herta
Müller avoue sa propre expérience mais réalise, selon l’opinion du
critique une « destruction textuelle » qui montre de manière
subsidiaire une méfiance dans la potentialité du langage : „ La
révélation de sa propre expérience – déguisée de manière fictionnelle
ou assommée d’une manière non-fictionnelle, n’est que l’une des
modalités de ce « traitement », de ce « remède contre la peur ». Une
autre serait la destruction textuelle, la suspicion généralisée à l’adresse
du language, des mots, des conventions d’un Pouvoir menaçant,
disseminé diffus, qui rend le réel malade et altère l’humanité
environnante ” [Cernat, 2010].
4. Des enjeux identitaires dans le roman
« La bascule du souffle »
Analysé du point de vue discursif, le roman La bascule du souffle
se relève comme une écriture à plusieurs niveaux, qui se montre
édificatrice pour l’identification d’un paradigme de la subjectivité et
pour la typologie de l’espace autobiographique. Étant inclus dans la
catégorie des autofictions atypiques, où la responsabilité du discours
revient à une instance qui vit comme personnage du texte, La bascule
du souffle reste tributaire à la grille du discours autofictionnel par la
présence à six lois de ce type de discours postulées par Philippe
Gasparini: la désignation roumaine, la priorité du récit, la recherche
d’une forme originelle d’expression, la reconfiguration du temps
linéaire (il opère avec des sélections, des intensifications, des
fragmentations, des stratifications, des interférences), l’utilisation du
présent dans la narration, la présence d’une stratégie d’attirer le
lecteur.
Dans ce contexte de réalisation d’une intersubjectivité, par
l’éfficacité d’un discours il est nécessaire de réorganiser les signes du
texte pour identifier la situation paratopique de l’écrivain. Représentée
par Dominique Maingueneau comme repère d’une impossible
intégration, la paratopie exprime en même temps l’appartenance et la
Exil şi interferenţe culturale
151
non-appartenance, l’impossibilité de l’écrivain de se situer dans un
espace ; « La paratopie n’existe que comme une partie intégrante d’un
processus créateur. L’écrivain est une personne qui ne trouve pas sa
place (dans les deux sens de l’expression) et qui doit construire le
territoire de sa propre oeuvre même sur ce manque » [Maingueneau,
2007:105]. Pour un écrivain qui a une identité fragmentée, condamné
à une permanente aliénation, la recherche des mécanismes de
réalisation de la paratopie textuelle et des finalités de cette démarche
de type fictionnel se montre une voie convenable d’identification des
formes de manifestation de la crise identitaire dans et par le texte.
Rapportant l’histoire racontée, les personnages et la scène du
roman à la typologie des paratopies établies par Maingueneau, La
bascule du souffle se dévoile comme une pluriparatopie où les
distinctions deviennent superficielles et qui associent une série de
formes : la paratopie spatiale se construit sur celles temporelles,
identitaires et surtout linguistiques. L’histoire du jeune Leopold
Auberg, déporté la nuit de 15 janvier en Ukraine avec beaucoup
d’autres représentants de la communauté allemande de Roumanie et
des alentours, constitue le lieu de manifestation de certaines
obsessions qui appartiennent tant à Herta Müller qu’à Oskar Pastior.
Leo Auberg devient ainsi le porteur d’une double hypostase – celle
d’une personne qui a un état civil et celle de l’écrivain comme
représentant de l’institution littéraire – et il ne se constitue comme
image ni pour Herta Müller ni pour Oskar Pastior, il est constitué d’un
va-et-vient continu entre les deux individualités.
La situation paratopique de l’écrivain le fait s’identifier à une
catégorie qui se soustrait aux hautes qualifications sociales. Ainsi, une
subjectivité de la minorité féminine, s’érige en la voix d’une autre
minorité- l’homosexualité. La relation qui s’appuie sur la marginalité
des deux catégories, fonctionne sur le même principe de la chose
secrète5, de l’indicible, et établit dès le début l’enjeu du roman – la
fonctionnalisation de soi : « Je porte avec moi un bagage silencieux.
Je me suis empaquetée dans le silence si profondément et depuis si
longtemps que je ne peux guère me dépaqueter dans des mots. Tout ce
que je fais quand je parle est de m’empaqueter autrement. » [Müller,
2010: 7].
L’espace de l’écriture donne l’occasion dans le roman d’une
reconstruction et d’une destruction de l’identité6 qui se réalisent sur
plusieurs axes : une mémoire refusée qui fonctionne d’une manière
sélective et qui creuse périodiquement ce qui est assimilé à l’obsessif
152
Communication interculturelle et littérature
et au traumatique (« N’importe comment, la nuit fait sa valise noire
contre ma volonté, je tiens à le souligner. Je dois m’en souvenir contre
ma volonté. Même si je n’en suis pas obligée, c’est moi qui le veut, je
préférerais quand même de ne pas être obligée de le vouloir. [Ibidem:
30]), une agression des objets (« Parfois les objets du camp se
précipitent vers moi, pas successivement mais en meute. C’est comme
ça que je sais que les objets qui me hantent ne se soucient guère du
souvenir que j’en ai ou pas forcément de ce souvenir mais ils veulent
encore me torturer. » [Ibidem: 30]) ou par une défection du
mécanisme temporel – un présent narratif obsessionnel, la vie que Leo
a menée en même temps dans le camp et à la maison. Une
exceptionnelle mise en abyme de cet élément est l’horloge de la
baraque ayant comme possible propriétaire le tambour Kowatsch
Anton : « C’était une horloge à coucou absolument normale, mais le
coucou n’était pas normal. Il sortait de la boîte tous les trois quarts
d’heure, annonçant une demi-heure et à quinze minutes il annonçait
l’heure pile. À l’heure pile, parfois il oubliait totalement de chanter,
parfois il chantait faux, doublant ou réduisant de moitié le nombre
d’heures. » [Ibidem: 96]. Il y a aussi dans ce monde le facteur
oppressif, celui qui, dans sa statistique aveugle efface les identités de
tous : Corina Marcu, la Roumaine de Buzau, est amenée dans le camp
de concentration, parce qu’elle devait remplacer un nom de la liste, le
Juif David Lommer, surnommé Lommer – joueur de cithare qui ne
savait pas du tout par quel moyen il s’était trouvé comme allemand sur
la liste des Russes. Cela marque tout le monde, attribuant une faute à
l’origine : « Aucun d’entre nous n’avait participé à la guerre, mais
parce qu’on étaient des Allemands les Russes nous considéraient
coupables pour les crimes d’Hitler. C’est pareil pour Lommer – joueur
de cithare. Il a dû rester avec nous dans le camp trois ans et demi. »
[Ibidem: 41].
L’incapacité de l’étranger de se situer dans un certain endroit,
ouvre dans le roman la dimension spatiale de la paratopie. Si chez les
exilés il y a une permanente nostalgie d’un espace d’origine, le roman
de Herta Müller semble dire à chaque page « ma place, ce n’est pas
ma place », il n’y a pas d’espace d’origine qui constitue un espace
origine mais au contraire, un espace contraignant, étranger, où Leo
apporte toute une communauté – la valise que celui-ci porte, devient la
synthèse de son identité nationale : « La valise en cuir de cochon était
le petit coffre du gramophone. Le pardessus était de son père. Le
manteau, au col de velours au cou – de son grand-père. Les pantalons
Exil şi interferenţe culturale
153
bouffants de son oncle Edwin. Les chaussettes en cuir de son voisin,
monsieur Carp. Les gants verts en laine de sa tante Fini. » [Ibidem: 5].
Le camp de la steppe russe marque l’éloignement géographique,
représentant un espace soustrait au monde qui matérialise la distance
constitutive de l’écrivain envers la société qui refuse son identité. La
marginalisation de l’endroit est associée ici à une communauté qui
déjoue les frontières géographiques et historiques, qui tue l’humanité
tout comme Lancia sortie du camp dans la steppe écrase sous les roues
de sa voiture les hamsters étourdis, captivés par le bruit du camion
(« Les Russes ont eux-aussi leurs méthodes »).
Le rapport homme-espace rappelle dans une réflexion inverse la
dépossession de l’individu par l’histoire. D’abord Leo prend en
possession le camp comme s’il était un espace temporel et étranger :
« Des semaines plus tard, quand l’homme qui apportait le pain, sortait
avec le chariot vide du camp le mot HÔTEL m’est revenu à l’esprit
[…]. Je me suis jeté dans le lit, sale comme j’étais et je me suis dit :
Personne n’a besoin de clés ici à l’hôtel.Sans bureau de réception, la
maison est ouverte – un état de choses comme en Suède » [Ibidem:
44]. La demeure temporaire devient plus tard à la maison : « Dans le
camp je suis chez moi, la sentinelle du matin m’a reconnu, elle m’a
fait signe d’entrer par la porte. […] À quoi bon une permission dehors
le camp ? J’appartiens au camp et le camp m’appartient ». [Ibidem:
139], et à la fin le transfert, l’intériorisation se produisent : « Le camp
s’étend de plus en plus de l’aire de la tempe gauche jusqu’à l’aire de la
tempe droite. De cette manière, je suis obligé de parler de ma tête
comme d’un terrain, le terrain d’un camp. » [Ibidem: 283]. Le
processus lent de prise en possession reflète aussi l’obsédant écart
entre l’expérience et la verbalisation de l’expérience qui fini comme
pour Herta Müller par « un exil du soi » [Crihană, 2013: 198].
Reconnu unanimement7 est le fait que la prose d’ Herta Müller
adhère vers une liberté de l’écriture, vers une écriture associative,
bifurquée, qui ne peut pas constituer une histoire de la personne, mais
qui peut conduire à une émersion de l’inscripteur8, en se construisant
ainsi une identité énonciative. L’Aventure de la langue, comme la
nommait Serge Doubrovsky, apparaît surtout au niveau de la phrase et
du mot. La présence des figures de construction et des figures de mot
font que le type classique de phrase soit systématiquement démolie :
La faim est un objet.
L’ange est monté au cerveau.
154
Communication interculturelle et littérature
L’ange de la faim ne pense pas. Il pense juste.
Il ne pense jamais.
Il connait mes limites et il a sa direction.
Il sait d’où je proviens et connait son effet.
Il a tout su juste avant de m’avoir rencontré et il connait mon avenir.
Il pend comme le vif-argent dans tous les capillaires. Le sucré du palais.
La pression de l’air a serré l’estomac et le thorax. Trop de peur.
Tout est devenu facile. [Müller, 2010: 140].
Au niveau du code linguistique, on enregistre au moins deux
opérations qui ont comme finalité l’embellissement de la langue et qui
affectent premièrement les axes de la communication : sur l’axe
paradigmatique on réalise une sélection aléatoire qui provoque la
rupture de type contextuel à cause de leurs incompatibilités et sur
l’axe syntagmatique apparaît l’asyntaxisme comme une dysfonction
des opérations combinatoires : « Car avant la mort par manque de
vivre, un lapin blanc pousse sur le visage de l’homme. Et alors on se
dit qu’il est inutile de gaspiller le pain sur celui-ci, il ne vaut pas la
peine de se nourrir car bientôt le lapin aura fait son temps. C’est
pourquoi le pain échangé à ceux qui ont un lapin blanc s’appelle le
„pain des joues” » [Ibidem: 118].
La construction du roman se sert de la même technique du collage,
devenue une constante de la prose de l’écrivain et interprétée comme
« a textual metaphor for trauma » [Marven, 2007:123], et qui pourrait
représenter le refus de toute forme de mettre dans une forme unitaire
du discours, l’expression textuelle de la négation du totalitarisme. Les
histoires apparemment disparates qui composent le discours roumain
font la preuve d’une identité divisée à une lutte permanente entre
mémoire (représentée dans le texte par une séries de métaphores
récurrentes – « la pelle de cœur » , « le lapin blanc », « le mouchoir
blanc » et culminant par la manipulatrice prédiction de sa grand-mère
« Je sais que tu reviendras ! » et l’oubli et d’ici l’un des thèmes
centraux du roman qui prend la forme de l’obsession récurrente de
Leo de ne pas être oublié par sa famille. « La carte postale avec mon
frère suppléant je l’ai mise à côté du mouchoir blanc au fond de la
valise. Sur la carte postale il n’y avait qu’une seule ligne et je n’étais
pas du tout mentionné. Ni même dans l’espace blanc, sous la ligne
écrite » [Ibidem: 207] ou du monde entier :
Je m’imagine parfois être mort il y a une centaine d’années et que les
plantes de mes pieds sont transparentes. Quand je regarde dans ma tête
Exil şi interferenţe culturale
155
par l’ouverture éclairée de la porte, au fond tout ce qui compte pour moi il
n’est que cet espoir acharné et en même temps timide que quelque part,
quelqu’un pourrait penser à moi. Même s’il ne peut pas savoir où je me
trouve à ce moment-là. Il est possible que je sois le vieillard édenté qui se
trouve en haut, à gauche, sur l’inexistante photo des noces, et en même
temps l’enfant maigre dans la cour d’une école inexistante. [Ibidem: 210].
Il est intéressant de savoir comment, des jeux de la mémoire et de
l’oubli naît la fiction qui doit construire une identité en réinventant la
réalité (l’inexistante photo et l’inexistante cour de l’école marquent le
trajet existentiel).
5. En guise de conclusion
« Quand Oskar Pastior est mort à l’improviste en 2006, j’avais
quatre cahiers pleins de notes, et en plus, des esquisses de quelques
chapitres. Après sa mort j’ai été comme paralysée. [...] Ce n’est
qu’après une année que je me suis décidée de me séparer de „nous” et
d’écrire seule un roman. Mais je n’aurais pas pu le faire sans les
détails d’Oskar Pastior sur la vie quotidienne du camp. » [Ibidem:
288]. Ces mots, extraits de Fin du roman reflété entièrement la
manière dans laquelle on a écrit le roman, de l’état embryonnaire à
celui final mais aussi la valeur de discours récupérateur du romanécrire seule un roman est pour Herta Müller un essai de se réconcilier
avec l’histoire.
Bibliographie
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156
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Gasparini, Philippe, Autofiction. Une aventure du language, Seuil, Paris,
2008.
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Marven, Lyn, „«So fremd war das Gebilde»: The Interaction between Visual
and Verbal in Herta Müller’s Prose and Collages”, in J. Preece, F. Finlay
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Şimonca, Ovidiu, ,,«Literatura nu acuză, cînd scrii tendenţios nu faci
literatură», Interviu cu Herta Müller”, in Observator cultural, nr. 543,
septembre 2010.
Notes
1
2
3
4
5
6
Dans l’ouvrage Metahistory (1973), Hayden White argumente le fait que
l’histoire ne peut être vue que comme une métahistoire, c’est-à-dire un
métatexte. Perçu comme une narration, l’histoire est faite de fictions
verbales, dont le contenu est en égale mesure inventé et découvert.
Dans le numéro 543 de 24 septembre 2010, de l’hebdomadaire de culture
l’Observateur Culturel, sont publiés dans la rubrique Evénement, une
série de dix articles à l’occasion de la visite de Herta Müller à Bucarest
(http://www.observatorcultural.ro/543-24-Septembrie-2010*numberID
_911-summary.html).
Dans l’article ,,Herta Müller, une année après Nobel ”, Liviu Antonesei
parle des droits de revendication du prix Nobel obtenu par Herta Müller
en 2009, disant qu’au-delà des critères éthiques, politiques ou
géographiques, le prix n’appartient ni à la Roumanie, ni à l’Allemagne,
mais à Herta Müller, l’écrivain. (Liviu Antonesei « Une année après
Nobel », dans l’Observateur Culturel, nr.543/24 /09/2010).
Voir Corina Bernic, l’article « Dans l’autre pays », dans l’Observateur
Culturel, nr.543/24 /09/2010.
Dans Le deuxième sexe, Simone de Beauvoir parle d’une certaine
appétence des femmes pour la discrétion. Des existences destinées au
silence, obligées de rester à l’ombre de ces histoires privilégiées et
devenues des matrices narratives de la tradition littéraire. Marquées par
fragmentation, séparées de la vision masculine totalitaire, les discours
féminins deviennent l’expression de la marginalisation et de la différence.
Le syntagme est emprunté à l’étude d’Alina Crihana The Exile Memoirs –
between the Identity Discourse and the Critique of the Totalitarian
Ideologies: Herta Müller’s Case. L’auteur attribue à l’écriture d’Herta
Exil şi interferenţe culturale
7
8
157
Müller une fonction thérapeutique-exorciste réalisée par une double
démarche: un exercice de reconstruction de l’identité personnelle et l’un
de démolition de l’idéologie communiste.
Herta Müller reçoit en 2009 le prix Nobel pour littérature, distinction
accordée pour „la densité de la poésie et la sincérité de la prose à l’aide de
laquelle elle a décrit d’une manière expressive l’univers des déracinés”.
Dominique Maingueneau distingue trois instances des formes de
subjectiver dans le discours littéraire: personne, écrivain, inscripteur. Il
appelle inscripteur l’instance qui subordonne en même temps toutes les
formes de la subjectivité énonciative en qualité d’énonciateur d’un certain
texte et font la preuve des capacités stylistiques qui rendent unique et
irrépétable l’acte littéraire du créateur.
158
Communication interculturelle et littérature
The Exile of the Japanese Adolescence
Andreea Ionescu
Résumé : Un exil auto-imposé des enfants et des adolescents japonais. En
raison de la pression sociale à quoi ils sont soumis, dès leur plus jeune âge,
d’être employé par une entreprise remarquable quand ils deviendront
adultes, des nombreux jeunes du Japon ont des dépressions nerveuses ou
développent des tendances sociopathes. Tout cela a conduit à une épidémie
de la criminalité infantile au cours des dernières années. Il a également eu
un impact négatif sur les mères, bien sûr, qui sont touchés tant par le rôle
essentiel qu’ils ont dans le développement et l’éducation des enfants, qu’ils
deviennent souvent suicidaires ou se tournent vers la violence aussi. L’auteur
britannique célèbre Kazuo Ishiguro traduit tout cela en prose avec l’aide
d’un personnage d’origine japonaise qui se comporte d’une manière très
similaire aux jeunes mentionnés ci-dessus.
Mots-clés : exil auto-imposé, étude de cas, pression sociale, criminalité
infantile.
1. Social Pressure as Torture
Japan: the world’s best oiled mechanism, the perfect example for
common sense, exquisite, healthy cuisine, and astounding art all
deeply flavoured with a spiritual sense of self-discipline. Indeed
perhaps this is what most people would think of when Japan is
mentioned; this is the general view that the country has outside its
borders. But could all this be just an image? For the average
European, or even American the image described above does seem a
bit too perfect to be real. Could Japan be the ideal country, or does it
have just a great marketing?
According to John Nathan [2004], a university professor at the
University of California, the image that foreigners have of Japan is
nowhere near the reality. He claims in his book Japan Unbound, A
Volatile’s Nation Quest for Pride and Purpose that due to the strict
cultural environment, but also to the economic crisis which hit Japan
in the late eighties and early nineties, the Japanese […] “are afflicted
by a troubling if often vaguely perceived sense of being lost […] in a
Exil şi interferenţe culturale
159
context of existential uneasiness on one hand and longing to
rediscover and reclaim in a certain tangible way the meaning of
“Japaneseness” on the other” [Nathan, 2004: 25].
The first area in which this personality crisis has hit is in the core
of the Japanese society – the family. He states that firstly because of
an increase in the pressure put on children, even before kindergarten,
to enter a high-qualified educational facility, but also because of the
lack of communication with the parents who are most of the time
away, Japan has been experiencing “an epidemic of juvenile violence
and crime” [Nathan, 2004: 13].
According to Ruxandra Cesereanu in the twentieth century there
has been an astounding increase in violence and torture. She states that:
The modern explosion of torture in the world depended on the
political culture of the countries that practised it, being more spread in
the countries with no sense of democracy. It must also be added that
there is a cultural difference in mentality when practising torture in
different geographic parts of the world. […] It cannot be denied that
each state bears the imprint of its own history, and that a possible
culture of violence has its own underground logic in the torture of the
twentieth century. Torture depends therefore on the Weltanschaaung
of the people that practices it [Cesereanu, 2001: 47].
Japan Unbound does not concentrate on torture per se. It relates a
series of extremely violent and shocking events which were
committed by children, and exposes the stress that a young person is
subject to while growing up in Japan. It is argued that due to this
extreme pressure the young individual can develop tendencies of the
Antisocial Personality Disorder or even transform into a sociopath. As
such, having to be responsible for your entire future from an age as
early as 4 or 5, could also be quite easily qualified as torture.
2. Some Key Moments in Japanese History
From the above mentioned perspective of Cesereanu, that the
torture and violence expressed in today’s society is a remnant of the
political and social environment of previous ages, the deeply violent
context of modern Japanese society should come as little surprise for
those more familiar to its austere past. For this reason, perhaps the
most influential part in its development was the import of Zen
Buddhism [Eliot, 2005: 98].
160
Communication interculturelle et littérature
Zen Buddhism arrived in Japan as early as the 7th century, but did
not develop significantly until the 12th century. It has since been an
important force in Japan having had considerable influence on
Japanese culture, reaching far beyond the temple and entering into
cultural and social areas of all kinds, including gardening, ink
painting, calligraphy, the tea ceremony, and military strategies. Zen
priests played an important role in the political life of Japan, both
serving as diplomats and administrators and preserving Japanese
cultural life throughout the eras.
Zen flourished in the period of the bakufu medieval state of the
shoguns [Sansom, 1958-1961], as it was extremely fitted for such a
period of time, as this was, when the de facto power belonged to the
military caste. It is during these times that Japanese arts as the ones
mentioned above have developed or even peaked. It was also then that
the highly sophisticated Japanese etiquette was developed.
Unlike the Western countries, Japan adopted a vertical social system,
the tateshakai [Nakane, 1972: 56-72], which has a clear-cut class system
with the emperor, the father of the nation and direct descendant of the Sun
Goddess in its topmost position. Until the late eighteenth century Japan
was an officially segregated society with 5 classes of people. At the top
were the samurai, then the farmers, the artisans, the merchants, and
finally the outcasts (the grave diggers, leather tanners, etc.). The system
collapsed because, by the end of the Shogunate rule, the merchants had
all the money. Yet even today a shadow of this system is still around;
while a democracy on paper, the notion of Jeffersonian egalitarianism is
still alien to most of the people.
Everyone belongs to some group, and every group has people of
superior rank and status. The notion of boss and worker being
perfectly equal after work without a thought of the company
relationship is impossible for the Japanese. The language itself is
organized in three different layers of speech: familiar, neutral and
honorary. As such, depending on the person one has to address, he/she
will use one of the forms of speech mentioned above. More often than
not, the three contain entirely different words for each layer. Moreover
it is also quite common for women to use certain words which sound
more feminine and for men others that sound more masculine. A good
example here is the personal pronoun “I”, which is different for men
and women.
This system is passed on to children at quite an early age and they
are expected to abide by it in time just like their parents had to before
Exil şi interferenţe culturale
161
them. This pressure goes further when the child is introduced into the
educational system. They are expected to get high qualifications even
when they are in kindergarten because, without these, they will only
be accepted in a mediocre school, which will only lead to a mediocre
high school and eventually to an underpaid job. So basically they have
to prepare for life as they enter the kindergarten: “by the early 1980s,
as the post-college job market constricted, students began to show
signs of stress. Educators were shaken by a wave of violence in
middle schools, and there was a rash of suicides by elementary and
middle school children who failed entrance exams” [Nathan, 2004: 54].
3. The Social Response
Still, the system functioned for a while, but when the Japanese
economic crisis struck in the nineties, the situation got out of hand.
That is the children became aware of the futility of their efforts and
soon they became discouraged by the lack of motivation.
The way they tried to cope with this was split in two: part of them
became furious with society in general and expressed a psychotic
behaviour often accompanied by killing sprees, while the others chose
to ignore society in its entirety by locking themselves away in their
rooms and refusing to leave it under any circumstances.
3.1 . The Violent
One of the first and probably most shocking acts of violence
happened on the morning of May 27th 1997, when the janitor at
Tomogaoka Middle School in Kobe arriving at school discovered a
severed head of a sixth-grade schoolboy who had been missing for
three days. The head was propped in front of the main gate; between
his teeth in a plastic bag there was a challenge:
The game begins.
To all you moronic policemen: let’s see you stop me
Murder is my greatest pleasure
I love seeing people die
To the dirty vegetables: the punishment is death!
For the years of anger, the verdict is running blood! [Nathan, 2004: 78-82].
162
Communication interculturelle et littérature
The note was signed “SCHOOL KILLER”. The police had reason
to believe that this murder was connected to two prior ones. On
February 10th, two elementary school girls had been assaulted with a
carpenter’s mallet by a boy in a middle school uniform. On March
16th, a ten-year-old girl playing in the park near her apartment was
beaten to death with a hammer; a few minutes later a nine-year-old
girl was stabbed repeatedly in the stomach and survived. Investigation
led the police to a fourteen-year-old boy which had dropped out of
school after he had beaten his friend unconscious in a nearby park.
After his arrest, he confessed to having committed the crimes, his sole
explanation being that he wanted to experience the feeling of taking a
human life.
This led to an outburst of imitators. In October 1997, a fifteenyear-old bludgeoned a sixty-four-year-old woman to death with a
hammer, explaining that he wanted to know how much force it would
take to kill someone. In 1998, a seventeen-year-old hijacked a city bus
and took it on a fifteen hour trip during which he stabbed a woman to
death and injured many others. The following year, a string of attacks
on teachers in the middle schools appeared, including the fatal
stabbing of a teacher in front of her class by a thirteen-year-old
because she had disciplined him. On June 2000, a high school baseball
player attacked four teammates with a metal bat because they had
made fun of his hair cut. He then took the bat with which he beat his
mother to death in an attempt, he later explained, to save her the
unpleasant consequences of what had happened at school. Another
case of matricide is that of an eleven-year-old boy who stabbed his
mother to death in 2001 because she had reprimanded him for cutting
his own wrist in what she had thought to be an attempt to suicide.
As the national police pile up statistics which state that over half of
the total major felony crimes are done by children in the age category
of 11 to 15 years old all the teachers, parents and educational agencies
in Japan can but shrug their shoulders and keep looking for both a
plausible explanation and reasonable measures that would put a stop
to this. In truth, nobody can really provide either a reason for this
change in character of the youth of a nation which was once proud to
declare that the family was its most important asset, and on which the
whole of the country’s progress depended on, neither come up with a
solution. Of course the problem once appeared and admitted there
have been a multitude of opinions that offered solutions.
Exil şi interferenţe culturale
163
3.2 . The Exiled
While it lacks the sense of shock and sensationalist news story, the
proportion of teenagers that choose to reject society by locking
themselves in their rooms is even greater and probably for this reason,
even grimmer. Throughout the country, but especially in big city
areas, there have been reported cases of young adolescents refusing to
leave their bedrooms after having had some sort of disappointment in
their school-life. Parents have tried anything from brute force to
medical help, but nothing seems to encourage them to give up their
self-imposed exile [Nathan, 2004: 87-95].
The extent to which they are affected varies from the severe cases
in which they decline to leave their chamber to the less extreme when
they accept to be helped. The most serious are the situations in which
the young people enter a form of shock to the point of being nearly
catatonic when they decline any way of communication with other
people. They lock the doors to their room and never leave again not
even to satisfy their bodily functions. In cases like this, it is the family
who is advised to embrace the terms that have been set by their
children and not try to force them to do anything that they would not
be comfortable to. In many situations this involves for example
keeping the door locked at all times and only serving them food on a
tray through the space under the door of the room.
The teenagers that do accept to leave the room now-and-again, as
an evolution from a more severe stage or for other reasons, may
choose to interact with other people. Relevant examples come from
the support groups that have been set up especially for them. In the
group, there are people who come just to sit and never utter a word,
people who shout or express anger or suicidal tendencies.
Apart from the support groups, the decision-making layers of the
population have opinions which are divided into the two usual points
of view, namely the conservatives and the modernists. While the
conservatives opt for a more disciplined environment, the
evolutionists insist that it was too much discipline that brought the
problem up in the first place and that they should give the adolescents
more freedom.
164
Communication interculturelle et littérature
4. A Search for Causes
Sociologists insist that the events above mentioned descend from a
national personality crisis [Nathan, 2004: 97]. It is suggested that
because of the rapid development of the country the nucleus once
cherished, the family, has virtually disappeared. The classical
Japanese family is a complex organism very different from the
Western one. Traditionally an agrarian society, Japan’s family
extended from the small village head of the family to the emperor
himself who proclaimed himself as not the ruler of Japan, but as the
father of the nation. Whenever a marriage was set up not only did the
newly formed couple become a family, but the two families were
thought of as becoming one big family. More often than not,
marriages were performed between families that helped each other
become more powerful and more stable.
Beneath the structure of the family lies the concept of ie, which
literally means home but extends far beyond this term. It represents a
kinship that extends beyond the present members of the family to the
ancestral past into the future and ties together all of these into an
unbreakable unit. For centuries, the title of master of the ie, that is the
head of the family, as well as all the material goods that the family in
question owned, was transferred from father to son.
All this changed in the last century or so, due to the rapid
modernization process that Japan had to undergo. Instead of
continuing the unbroken before chain of passing the family fortune
from father to son, the youth started leaving home for primarily
educational purposes and ended up not coming back at all. They
would move into a city and form their own family there.
Of course, neither of the two parts of the family would be satisfied.
The parents living in the rural environment soon came to realise that
they have been left without an heir, and have to face the futility of
their entire lives, and the off-springs find themselves in a new
environment extremely different from what they had experienced until
that time, and become consumed with never being able to actually
settle down. They cannot go back because they will not feel like they
belong there anymore, but neither will they embrace the city as their
new home. This, of course, happened mainly in the beginning of the
movement towards modernity, which nowadays is more or less over,
but these lost families which could not find a purpose for their being
became the essence on which nowadays Japan was founded. By the
Exil şi interferenţe culturale
165
second generation the frustrations started getting deeper and deeper in
the parents until they finally reached their children.
Another major influence in the loss of identity of the Japanese was
the economic development in itself. The Japanese are famous for their
ability to work hard and long hours, and for their devotion to the
company for which they work. The men working in huge companies
have in time come to be called “sarariman” [Nathan, 2004: 103-107],
a term which comes from the English salary man and is used to name
the men who work in big companies, and are usually dressed in a suit.
But what is a great asset for the national growth became a time bomb
for families. In most Japanese families the father is the only one who
works due to the fact that he is expected to provide, as he is the head
of the family.
Most sarariman work overtime until late at night in order to be able
to support their families. However that also means that they are
usually away from home which first of all means that they miss the
development of their own children, but also that in time they become
estranged to their own wives and children, and perhaps even to
themselves. This leads to great frustration for all three of the parts in
the family: for the men who feel left out and estranged, for the wife
who feels left behind and in charge of all the daily activities, but also
for the child. It is these children, John Nathan pinpoints as being the
generation which terrorize an entire nation. They end up confused,
misunderstood, lonely and depressed.
Nevertheless, the cultural background of these children cannot be
left out of the equation that turned them into cold-blooded murderers.
In fact, the cultural legacy they inherited is perhaps the main reason
for their deviation. The restrictions, expectations and rigour having
increased with every generation until they have reached a limit; once
that limit has been touched an almost chaotic society was set loose.
5. Kazuo Ishiguro’s A Pale View of the
Hills. A Case Study
The problems of the troubled Japanese adolescence have been
transferred into writing as well. Kazuo Ishiguro, one of the most
celebrated English authors of late, who is of Japanese descent and who
has been raised in the Japanese tradition by his parents, has shaped
166
Communication interculturelle et littérature
such a character in his first novel, A Pale View of the Hills [1990]. As
in most of his novels, the plot is rather slow and light, the stress falling
on the personal dramas of the characters despite the fact that the times
of the narrative are usually during some of the most troubled in the
history of mankind.
The narrator-character, Etsuko, is shown in a period of mourning in
her life during a visit of her youngest daughter following the suicide
of her eldest. The narrative is a frame for a collection of memories
from another difficult time in the narrator’s life just after the end of
the Second World War, in her hometown of Nagasaki. The many
recollections that she has are of a friendship born during the summer,
while she was carrying her first daughter, with another female
character, also a mother. The two women presented as opposites in the
text, as Etsuko is not shy of portraying Sachiko as a careless and
misguided mother to her 10 year-old daughter. Regardless of this, the
feeling that the reader may receive from the account is that the two
women are somehow connected and even give the impression that
Sachiko is a doppelganger of the raconteur.
The main focus of the case study will be the eldest daughter of the
narrator, Keiko, who, as it has already been mentioned, has already
committed suicide at the time of the narration and who is described as
having an “aggressive regard for privacy” [Ishiguro, 1990: 53]. From
the very beginning, one cannot be confused about Keiko’s character in
any way. While the novel debuts with the compromise that had to be
made to name the second daughter, Niki, which personifies the very
essence of social acceptance of the concept of “other” in a
multicultural milieu, there is no middle ground in what Keiko is
concerned for she, “unlike Niki, was pure Japanese”[Ishiguro, 1990: 13].
Even from this simple explanation the reader is directed to assume
a biased position in regard to this character, first off by the use of the
negative adjective unlike which compares her to her English-born
sister, but also by the clarification which follows, as though being
Japanese is supposed to be understood as a mark and an excuse for
behaving in another way. The path set for the reader to understand
that Keiko will be a peculiar character, the focus shifts to a very
familiar villain of the present times – the media – just as if it was to
blame for all the prejudice surrounding racial hatred by controlling the
whole of public opinion, arguing that “more than one newspaper was
quick to pick up on this fact (i.e. that Keiko was Japanese). The
English are fond of their idea that our race has an instinct for suicide,
Exil şi interferenţe culturale
167
as if further explanations are unnecessary; for that was all they
reported, that she was Japanese and that she had hung herself in her
room [Ishiguro, 1990: 5].
Although it is yet unclear why she has committed suicide, the
simple fact that she has should be enough to make one wonder what
her reasons might have been, especially because one can get the idea
from the very beginning of the account that she could not have been
very old, or in a desperate situation, cases that would explain her deed.
As the plot unfolds, the details of the personality that Keiko had are
revealed. It is quite clear that she had been a challenging child and
even more so in her adolescence. The reader receives an image of a
lonely person who had done away with the world, given up on her
family and became a sort of a recluse, sealing herself in her room:
“Keiko had retreated into her bedroom, shutting us out of her life. She
rarely came out” [Ishiguro, 1990: 34].
It is so much emphasised that Keiko had isolated herself from the
rest of the family that one may get the sense that she is spoken of as if
she were a ghost: “I would sometimes hear her moving around the
house after we had all gone to bed [Ishiguro, 1990: 34]. This gloomy
description could also be some kind of an omen of things to come, as
Keiko’s doppelganger, Machiko, is also described on more than one
occasion as having a rope entangled around some part of her
body. Moreover, the room that Keiko was occupying is described to
have given off a stale odour, which enhances the morbid premonition
string when the details of the discovery of her body become known
when her mother “wonders how long she had been there like that
before they had found her” [Ishiguro, 1990: 62] and concludes “that
the coroner said she had been there “for several days” [Ishiguro, 1990: 62].
Despite her separation from her family, it is understood that she did
not retire from the whole of society as her mother surmises “that she
spent her time reading magazines and listening to her radio […] and
that on the occasions I had glimpsed inside, I had seen countless
glossy magazines lying on the floor [Ishiguro, 1990: 34]. There is also
a sense of abandonment from the part of the other members of the
family, which led to frustrations and lack of communication even
when Keiko tried to share a part in the family: “In the end, the rest of
us grew used to her ways, and when by some impulse Keiko ventured
down into our living room, we would all feel a great tension.
Invariably, these excursions would end with her fighting, with Niki or
with my husband, and then she would be back in her room”. This is
168
Communication interculturelle et littérature
also quite clear in the way the personal pronouns are used; Keiko is
most of the time referred to by her mother in the third person, as if she
were a completely separate part from the family which is always
mentioned in the first person plural, as it can easily be seen from the
fragment above – e.g. the rest of us, our living room. Regardless of
her attempts to reconnect with her family “she had no friends, and the
rest of us were forbidden entry into her room. At mealtimes I would
leave her plate in the kitchen and she would come down to get it, then
shut herself in again” [Ishiguro, 1990: 34].
The manner in which Keiko’s description is similar to what the
Japanese youths are going through could not be clearer. Her custom of
fanatically guarding her domain and the impossibility to relate to
other people, be them within or without the family circle, but also her
refusal to leave her room, which all end in her decision to take her
own life fit perfectly in the picture previously described of the trouble
the Japanese young people have due to the social pressure that they
are subjected to. This is the point where there is a discrepancy
between the character in the novel and the adolescents in Japan. The
latter suffer because of the great pressure placed on them to mature
from a very early age and the too high expectations that are presumed
of them. This could not be the case for Keiko due to the fact that
despite the reader does not have a clear view of the life she had in
Japan and at what age she had left there, it is quite easily understood
that she grew up and consequently also lived the longest part of her
life in Britain. Be it so, the reader is nonetheless offered a perspective
of the way in which the Japanese are regarded by the British even
from the first lines of the novel.
The narrative is satiated with stereotypical clichés of the Asian, but
foremost the Japanese. Starting with the more out-dated stereotypes
that surround Etsuko while she was still living in Japan like that of the
submissive wife or the China-doll, there is also a step into the present
times where other clichés are revealed, some typical of the Japanese
others of women in general. The pressure that Keiko is exposed to is
that of being a part of a society that never makes her feel welcome,
which follows after what can easily be viewed as an unhappy early
childhood. There are no details as to how Keiko loses her father,
maybe from the separation of the parents or by the decease of the
father, but any of the two situations could prove highly traumatic for
any child, let alone a child born in a post-atomic broken society which
Exil şi interferenţe culturale
169
promulgates advancement at any cost, the survival of the fittest and a
witch-hunt for the supporters of the former regime.
Following this there is a string of upsetting events which could
have put Keiko under a great deal of strain starting with the
relationship that her mother has with another man, which led to the
marriage and thus the gain of a new father, the move to a foreign
country, and even the baby that the newly-formed couple has. Even
though the reader does not get insight in the social life that Keiko has
outside the family one can only guess that she was an introvert who
did not communicate well with other people, a guess which is also
sustained by Etsuko who claims that she did not have any friends and
does not entertain even the thought that she might have had any even
in Manchester, in a completely new environment.
Above all there is the difference that is made in the family between
herself and Niki. Even in families where the siblings share the same
parents and race anxiety can appear, let alone in a family so diverse.
Although Sheringham, Etsuko’s second husband, is an expert in
Japanese culture, having published papers about this, having spent a
lot of time in Japan and in general being quite passionate about this
culture, he proves to be biased and unfair towards Keiko. He claims to
understand the ways of the Japanese and even advocates to name his
daughter with Etsuko with a Japanese name, but the fact remains that
his feelings toward Keiko express a great deal of racism and prejudice
based solely on her ethnic background: “it became his view that Keiko
was a difficult person by nature and there was little we could do for
her. In fact, although he never claimed it outright, he would imply that
Keiko had inherited her personality from her father [Ishiguro, 1990:
43]. Additionally, his wife implies or states as such the fact that he has
never been able to accept Keiko on account of his not being able to
comprehend people such as herself i.e. Japanese people.
Following all these details about the life of the character as it has
been described in the narrative, one can easily come to the conclusion
that Keiko had indeed suffered from a depression as profound as her
fellow nationals have in Japan. The stress which brought them to this
dire state is different but the ends are the same. In the end the reader,
whether or not familiar with the present-day Japanese social problems,
is confronted by a regretful conclusion – one cannot escape the
stereotyping and prejudice that follows from ethnic difference. A
reader unfamiliar to the community problems in Japan may end in the
conclusion that Keiko was an unhappy young woman with a painful
170
Communication interculturelle et littérature
childhood who chose to commit suicide, but the sensation that her
being Japanese may have played a part in this decision cannot be
escaped. The reader who is familiar with all of the above might
conclude that even away from the social environment which
determines young people to develop this kind of behaviour, the
Japanese adolescent has behaved in a very similar manner, as though
she was following a pattern – a conclusion which again feels very
prejudiced. The bitter deduction reached for either one of the two
sides described above comes from the insight that one gains into the
life of a cultural other from the text that one cannot escape the
prejudice which springs from the incapability to understand and the
refusal to accept any other way of behaving which differs from the
conventional standard.
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Exil şi interferenţe culturale
171
Romania as Exile: Stereotyping the Other in
Maude Rea Parkinson’s Twenty Years in
Roumania
Oana Celia Gheorghiu
Résumé: Partant de l’hypothèse que, même si elle n’est pas déterminée par
des contraintes externes, la migration peut, le plus souvent, entraîner un
sentiment d’aliénation du pays d’origine et dans le pays d’accueil en même
temps, cet article se concentre sur les mémoires écrits en 1921 par
l’irlandaise Maude Rea Parkinson après son séjour de vingt ans en
Roumanie pour analyser la manière dont l’altérité est interprétée au niveau
mental. Investiguant ce texte d’une perspective imagologique, on arrive à la
conclusion que, bien qu’elle prétend être animée par la xénophilie, cette
représentante d’une culture occidentale tend à représenter l’altérité des
roumains par des images négatives et stéréotypiques.
Mots-clés: l’autre, aliénation, Occident/Orient, imagologie, acculturation.
1. Introduction
In its primary sense, based on its etymology (Lat. exsilium –
banishment), exile is said to signify “the state of being barred from
one’s native country, typically for political or punitive reasons”
(OED). Focus is laid on punitive or coercive aspects; that brings exile
very close to the Greek form of banishment during the Athenian
Democracy (roughly the fifth and fourth centuries BCE), namely
ostracism. In modern times, the term ’exile’ has been associated with
the personal choice of leaving one’s country due to political
constraints and the inherent interdiction to return. Experiences like
totalitarianism in the Eastern European bloc seem to have fixed this
second meaning. However, in its broader sense, exile may apply to
any conscious or unconscious departure from one’s personal space, no
matter if it involves an actual relocation. In other words, people may
feel as exiles even in their country of origin, if their beliefs differ from
the official ideological frame or the mental patterns of the majority.
Along the same lines, one may choose the actual exile by relocating to
172
Communication interculturelle et littérature
another space without enforcements from any political, religious or
social impositions. Various reasons – economic, social, etc. – make
then the return impossible and the displacement begins to feel like
coercion.
This is the reason why the present investigation starts from the
premise that the Irish Maude Rea Parkinson’s stay in Romania from
1889 to the outburst of the First World War may be regarded as selfimposed exile, although her reasons for choosing Romania as an
’adoptive’ country had been determined rather by a sense of adventure
than by any political, social or economic justifications:
Some Viennese acquaintances of mine had visited Bucharest, and from
them I had gained an alluring impression of a wonderful race of people,
rich in the primitive virtues, dwelling in a charming country and amidst
scenes of Oriental luxury. I will frankly admit that the glamour of the
Arabian Nights was over all my thoughts and ideas about Romania
[Parkinson, 1921: 18].
Upon her return to the United Kingdom, Maude Parkinson writes a
memoir entitled Twenty Years in Roumania, published in 1921. Her
intention, announced in the Preface, is “to give English readers an
insight into the character of the people, and enable them to find there
[…] a great deal to love” [Ibid., 5]. As this paper will strive to prove,
her memoir, though generally positive in remarks and intentions, bears
the sign of otherness in its each and every line, an otherness which the
authoress acknowledges, unsurprisingly, not as her definitive trait in
her relations with the Romanians, but, on the contrary, as a mark of
the representatives of the Romanian people whom she encounters.
Therefore, the aim of this article is to demonstrate that the
representation of the other, with regard to ethnic or national groups,
depends, to a great extent, on the writer’s sense of belonging to a
Western culture.
2. Image Studies or the critical reading
of the conceptualization of alterity
Based on “the dynamics between those images which characterise
the other (hetero-images) and those which characterise one’s own,
domestic identity (self-images or auto-images)” [Leerssen, 2007: 27],
Exil şi interferenţe culturale
173
travel accounts have been the main form of representing the
experience of alterity since the early writings of Classical Antiquity
(e.g. Herodotus, Strabo, Diodorus of Sicily, etc.), which make the
clear-cut distinction between Greeks – a projection of a refined and
civilised self – and barbarians – seen as the less civilised other,
perceived, more often than not, negatively. However, they found their
most refined expression in the Western European literature of the
eighteenth and nineteenth centuries, which the text here in focus follows
closely, despite its publication in a period of full modernist bloom.
A simple and clear definition of imagology as a critical reading is
provided in Eugenia Gavriliu’s Theory and Practice of Imagology:
Experiencing the Other in Anglo-Romanian Cultural Encounters.
Thus, imagology is “the study of the representations of the foreign
other in a literary work, in a national literature, or in the mental
structures prevailing in a cultural community at a given historical
moment in its evolution” [2002: 5]. As apparent from this definition,
the Romanian scholar starts from the fictional mirror viewed in its
discrete components – “in a literary work” – and as a whole – “in a
national literature”. Yet, focus should be laid first and foremost on
mental structures because, as Joep Leerssen remarks, “texts that say
something on national character frequently rely, not on a first-hand
observation of reality, but almost always on an existing reputation”
[imagologica.eu, 1998]. Thus, the representation of national characters
follows patterns of thought accumulated in many generations. This
view is also shared by Dyserinck [2003], who claims that “images and
imagotypical1 structures managed to stay alive for generations by their
very consistency and resistance”.
The French authority in Comparative Literature Daniel Henri
Pageaux explains the concept of image as emerging from “I versus
Other, Here versus Elsewhere” [2007: 29]. According to him, the
image is the representation of a cultural reality in which cultural and
ideological spaces are revealed and translated. This social imaginary is
marked by an identity/ alterity bipolarity; however, alterity is not only
opposing, but also complementary to identity [2007: 29]. Further, he
identifies four types of attitudes that an individual may develop in the
relationship with an observed culture: mania (the tendency to consider
the foreign culture as superior to the base culture), phobia (the
perception of the examined other as inferior), philia (positive
judgement of the other seen as equal, although different) and one
174
Communication interculturelle et littérature
aiming at cultural unity within national groups (e.g., Pan-Slavism,
Pan-Europeanism, etc.) [Pageaux in Gavriliu, 2002: 6-8].
In ’Imagology: History and Method’ [2007: 27-29], Joep Leerssen
synthetizes a few principles of imagology which both confer
justification for the presence of image studies among the literary
studies (famously denied by René Wellek in the 1950s2) and, at the
same, create a methodological frame for an imagological analysis.
Thus, what needs stated from the beginning is that imagology is a
theory of national stereotypes and not one of national identity, being
concerned with representations. The attributes of a given nation are
not anthropological or sociological data, but textual tropes circulating
in a certain context, from the perspective of the spectant (examiner).
The imagologist should bear in mind that imagology addresses a set of
characteristics outside the factual statements. (For example, he says,
“France is a republic” is not a statement that may be analysed with an
imagological grid, whilst “Frenchmen are individualist” is.) An
imagological analysis should begin from the identification of the
intertextual connections of the national representation as a trope:
“What is the tradition of the trope? What traditions of appreciation or
depreciation are there, and how do these two relate historically?”
Furthermore, the trope must be integrated in its context of occurrence
with respect to the type of text that contains it (e.g. narrative,
descriptive, humorous, propagandistic, etc.), the audience targeted and
the historical background of the moment of text production and/or
reception. What has to be further taken into account is the so-called
imageme (a term also coined by Leerssen3) or national cliché, but also
the auto-image, i.e., the representation which the examining I has
acquired about his/her own nation.
3. Twenty Years in Roumania: zero
acculturation and self-imposed exile
among the Others
According to the Canadian sociologist John Berry [2003], the
acculturation process represents a shift in the behaviour of an
individual exposed to a different culture. The choice of a particular
acculturative strategy reflects the attitude that an individual assumes
towards both his/her native heritage and the host culture. He identifies
Exil şi interferenţe culturale
175
four possible directions: assimilation – the desire to identify with the
host culture, occurring especially in situations in which the individual
belongs to a ’minor culture’ or a minority group; separation – when
the individual avoids interaction with the representatives of the host
culture; marginalisation – the individual shows little involvement in
learning about other cultures, and integration – when the individual
holds an interest in both his/her heritage values and in participating in
other culture(s) [in Organista et al, 2010: 110]. The sociological
perspective has been considered relevant for the present case study, as
the text in focus represents an unmediated, subjective experience of its
authoress, revealing little interest in acquiring literariness, despite the
fact that it belongs to the memorialistic genre.
As she states it, Maude Parkinson arrives in Bucharest in 1889,
after having travelled across Western Europe, aiming to work here as
a teacher of foreign languages [1921: 6]. She will work in a few
private schools in Bucharest, but also as a governess for the children
of the future Prime Minister Take Ionescu. It may be said that she had
access to the highest circles of the Romanian high-class at the end of
the nineteenth century and the beginning of the twentieth century. One
might wonder, under such circumstances and considering her
statement that she had spent the happiest years of her life here, why
she did not at least try to learn the Romanian language, except for a
few disparate words, most of them misspelt: batiusi, dulchatza, tzuika,
hora, dot (dowry), Mărţişoara, randasch, Cocăniţa or Cocoiana (the
lady of the house), serat mana etc. One cannot reasonably assert that
she was completely uninterested in accessing the host culture, as the
thirty-three chapters of her memoir touch upon each and every topic
of interest in the analysis of a given culture: geography, history,
literature, mentality, religion, traditions, the royal family, politics
(both domestic and foreign affairs), minorities and social, economic
and cultural life. By isolating herself, constantly choosing the
company of other British expats, and by her refusal to learn the
Romanian language despite her twenty-year stay, Maude Parkinson
seems to have adopted the marginalisation attitude from the scheme
presented above. However, this would be only a hasty conclusion that
would disregard the historical context of the time, when the Romanian
language was treated as secondary by the Romanians themselves:
Life in Bucharest is very agreeable, especially for foreigners, and more
particularly for the English, who are looked up to and admired by the
176
Communication interculturelle et littérature
Romanians. Many of our customs have been adopted in recent years, and
English has gained so enormously since the war that it will probably soon
take the place of French as the polite language of the country. It is curious
that with the better-class Romanians it has become more fashionable than
their own language. If one enters a drawing-room, a shop, or even a very
intimate family circle, English or French will be heard, very seldom
Romanian which language is usually left to the servants [1921: 56].
One cannot refer to the British-Romanian relationships at the turn
of the century in the terms in which they are referred to nowadays,
when the Brits are geared through stereotypical imagery of the
Romanian other towards xenophobic stances by the media. Instead, as
the Irish authoress observes, at that time, the British showed rather
ignorance with regard to the Romanian culture: “When I announced
my intention of going to Roumania, I occasioned real consternation
amongst my friends. ’Why, you must be quite mad to think of going
so far away to a country of which nobody knows anything at all’ was
one of the mildest criticisms of my project” [Parkinson, 17]. To
Parkinson, Romania is a mirage and by far more Oriental than it
actually was, even at that time, shortly after the War of Independence
from the Ottoman yoke (1877). The memoir depicts surprise at the
ignorance of the authoress’ compatriots with regard to a country
which is, after all, European and an ally of the British Empire:
In the preceding chapter I have given some indication of how little was
known of Roumania a quarter of a century ago, but it is still more
astonishing to find in these days of enlightenment what hazy ideas people
in this country have about the land and its inhabitants. I received a letter
once addressed to “Bucharest, Turkey”. Staying for a few weeks one
summer at Sinaia, a letter was sent to me from England addressed simply
’Sinaia’. When it reached me some months later, the envelope was a
curiosity. I still keep it as a proof of the perseverance of post-office
officials. It bears the post-marks of Italy, Switzerland, Turkey, and, all
these failing, it had been dispatched to Simla [Parkinson, 24].
In this context, it may seem rather difficult to integrate
Romanianness in a predetermined trope, as Leerssen and Dyserinck
suggest, as the intercultural encounters had been rather scarce before
the period in focus. From this perspective, Maude Parkinson’s memoir
would become all the more relevant as it plays a significant role in the
construction of the stereotype. Indeed, she arrived to Bucharest with
Exil şi interferenţe culturale
177
the preconceived idea that she was coming to an uncivilised, Oriental
country, and her initial remarks seem to confirm this view: “when we
reached the Romanian frontier, I really became a little alarmed for the
first time” [1921: 21]; “What a dreadful town! I thought, as I was
driven at a speed reminiscent of the Dublin jarvey through narrow,
atrociously paved streets, filled both as to road and footway with halfmelted snow” [Parkinson, 22]. The contrast between West and East is
thus established through the observation about the gloomy Eastern
city. Parkinson refers quite often to her original culture; she makes
comparisons, always careful not to offend her Romanian friends and
sometimes even in favour of the host culture (“When, after my long
absence from England, I compare our own methods and ways of thought
with those which have become so familiar to me in Romania, the latter do
not always suffer in the comparison” [Parkinson 1921: 5]). She resorts,
nevertheless, to a series of stereotypes which she brought to Romania
with her. It is interesting to note that, to her mind, all these stereotypes are
eventually proven real by her personal experience.
The Balkans have become, starting with the beginning of the
twentieth century, the other of Europe, or, as the Bulgarian historian
Maria Todorova remarks, “a synonym for a reversion to the tribal, the
backward, the primitive, the barbarian” and a place whose “inhabitants
do not care to conform to the standards of behaviour devised as
normative by and for the civilised world” [2009: 3]. This perception is
still valid now, so it would not be surprising if the Irish woman writer
had accessed this cultural space from a prejudiced standpoint and
without any geopolitical knowledge of Romania’s position in or
outside the Peninsula. Notwithstanding, she proves awareness in this
respect and even cites from Romanian authoritative figures of the age:
I may here incidentally remark that D. Stourdza in one of his articles
strongly repudiates the assumption that Romania is one of the Balkan
States. This view does not however, by any means, meet the general
acceptance. In conversation recently with a highly-placed Romanian of
scholarly attainment, this gentleman argued convincingly that Romania is,
beyond doubt, one of the Balkan States. Every great movement in the
Balkans, he pointed out, has originated in Romania or has, at least, been
participated in by that country [Parkinson, 1921: 243].
Despite the generally positive attitude towards her host culture,
Maude Parkinson does not overcome the prejudice of her cultural
heritage when it comes to ethnic minorities, to which she attaches
178
Communication interculturelle et littérature
racist, anti-Semite and xenophobic stereotypes. She dedicates an entire
chapter to Jews [1921: 82-88], whom she describes as rapacious
moneylenders and merchants who would tear to pieces “the
unsophisticated peasant who ventures to go alone to that
neighbourhood [Lipscani Street] to buy some article of clothing”
[1921: 83]. Also, the peasant (who is always presented as naïve, not to
say stupid) should consider himself fortunate “if he gets out of the
Jew’s hands still having a roof over his head” [Ibid. 84]. She cannot
refrain from anti-Semite remarks even when she quotes official
statistics from the census: “The Jews, who, like the poor, are always
with us, will continue to be represented by a million of their race”
[Ibid 254, my emphasis]. The gypsies are looked down with a sort of
amusement: “I have never yet seen a gypsy with new clothes on. They
would seem quite out of place. Rags and gypsies seem somehow to
belong to each other” [Ibid. 143]; they have “comical figures”, while
their children are “picturesque and would delight the eye of an artist”
[Ibid. 149]. She notices, however, that “gypsies as a class have not a
good reputation for honesty; therefore, if any are seen near one’s
house, a sharp look-out must be kept” [Ibid. 150]. In both cases, her
observations seem influenced by local prejudice but also ’imported’
from the Albion.
She is ready at all times to mock various religious traditions and
superstitions, which she sees as ridiculous. Also, she depicts a
condescending attitude towards peasants, servants, beggars and other
socially-challenged categories, but all her remarks seem to originate in
class prejudice, and not in national prejudice, in which case they
would not be of interest for the present paper.
It would be misleading and even unfair if this paper did not provide
a few examples of the positive remarks the Irish writer makes about
the Romanian others. At this point, it may seem like her attitude is
rather xenophobic, despite her claims that some of the best friends she
had in the world were Romanian, who helped her and showed her
“kindness and sympathy” [Parkinson 1921: 5]. Worried that her
Romanian friends might “find cause for offence” in her memoir, she
states that she would rather tear it to pieces: “rather than be suspected
of repaying such kindness by holding up my friends to ridicule, I
would tear up these pages which I – a tyro in the art of letters – have
written with so much labour, but also, I must add, with so much
pleasure” [Ibid. 6]. These many precautions that Maude Parkinson
takes in the Preface are indicative of the fact that she is fully aware
Exil şi interferenţe culturale
179
that some of her assertions might be considered offensive. However,
she finds a convenient refuge in yet another national stereotype – this
time, a positive one: “then I remember that they have a sense of
humour and the doubt vanishes” [Ibid 5].
The positive stereotypes fit, in general, the auto-image that the
Romanians have about themselves. In Maude’s eyes, they are warmhearted, “hospitable to an extraordinary extent”, “extremely charitable
and invariably courteous and polite” [249], very proud of their ’race’: “it
was this pride which rendered the Germanisation of Romania an
impossible task even for King Charles to accomplish, and which the
enemy had to reckon with in the last war” [i.e., the First World War] [Ibid
248-249]. The Romanian women are beautiful and elegant, although their
taste is acquired, as “they are always ready to profit by the example of
others who may be more advanced in some directions than themselves”
[249]. Thus, she asserts that the Romanian ladies know how to dress and
“as every article of clothing comes from Paris, their taste is surely to be
guided aright” [Ibid 122]. (Mention should be made that the image of the
French as arbiters of elegance is equally stereotypical.) The question in
which the Romanians’ views about themselves part ways with the
foreigner lady’s opinions concerns the former’s diligence. To Parkinson,
the Romanians are characterised by national indolence, “laisser-aller
which hinders endeavour” and “disinclination to engage in industrial or
commercial occupations, so long responsible for failure to develop the
resources of the country” [Ibid 248].
Apart from great figures like King Charles I, Prince Ferdinand or
Take Ionescu, to whom she shows great respect and whose political
skills she is ready to applaud at all times, Maude Parkinson, is usually
dismissive about politics in Romania. Thus, she describes in great
details the process of elections, with its electoral frauds (“names of
people long dead are inserted in the register”) and intimidations:
“electioneering agents […] employ gangs of men (known as batiusi)
who, armed with big sticks, are posted at the entrance to the polling
booths, frankly for the purpose of intimidating those who refuse to
vote as their party wishes” [Parkinson 1921: 36]). She is ironic about
the changes that take place in Romania after elections, when the
winning party replaces all the people in an institution, starting with the
doorman or “the man who runs the nearest café for the cup of
afternoon coffee” [37]. She finds laughable – and even alludes to the
difference of opinions as to which end the egg should be broken in
Swift’s Gulliver Travels – the fact that the politicians revert the
180
Communication interculturelle et littérature
established order in the least significant aspects: “if the Liberals have
adopted a sloping style of writing, Conservatives, upon assuming
power, are sure to insist upon the re-formation of the characters and
the setting of them up in a perpendicular position” [40]. The striking
resemblance with the present-day politics seems to suggest that the
Romanian political inability may not be a stereotype grounded in
western prejudice, but a pattern of behaviour that is, unfortunately,
very close to being factual.
It is this factuality and long-lastingness of the stereotype what
makes one wonder if the image one constructs at the mental level is
grounded exclusively in the acquired or inherited representation of the
other and in prejudiced observations. The present undertaking has
strived to find balance in the amount of positive and negative
stereotypes that Maude Rea Parkinson engages in her description of
Romania and its people. Her constant reassurances that her sole
intention is to make her compatriots love and understand the
Romanians the way she does, but also her positive remarks, are
indicative of the fact that the Irish woman does not intend to alter the
image of the Romanians in the west, but quite the contrary, to try to
improve it with her modest writing skills and through an appeal to
objectivity which is not always successful.
Although Maude Rea Parkinson’s memoir is insightful with regard
to various aspects of the Romanian culture at the turn of the twentieth
century from the perspective of the foreign other, and although she
repeatedly claims that Romania was her second home for twenty
years, a westerner’s sense of superiority is obvious along her entire
account. Her ’exile’ is clearly a cultural, not a political one and may
be understood in two ways: she is exiled to a land which she perceives
as inferior to her own cultural space; consequently, she chooses a
different kind of exile: she seems to enjoy her position as the other
and makes no move in the direction of integration within the host
culture. The representative of a Western culture, the woman writer
does not completely accommodate with the ways of the Romanians
and, though not disdainful, her inclination to dwell on negative
stereotyping may become, at times, downright offensive for the
Romanian reader. Nonetheless, one should definitely take into
consideration her representation of Romanianness in the analysis of
the British-Romanian cross-cultural encounters.
Acknowledgement: The work of Oana Celia Gheorghiu was supported by
Project SOP HRD - PERFORM/159/1.5/S/138963.
Exil şi interferenţe culturale
181
References
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Intercultural Studies, issue 1/2003 retrieved from http://www.inter
cultural-studies.org/IC1.html [7 December 2013].
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Leerssen, J., „Imagology: History and Method», in M. Beller and J. Leerssen
(eds.), Imagology: The Cultural Construction and Literary
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in Poetics Today, 21: 2, 2000, pp. 267-292.
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Parkinson, M. R., Twenty Years in Roumania, George Allen & Unwin, Ltd,
London, 1921.
Todorova, M., Imagining the Balkans, Oxford University Press, 2009.
Notes
1
2
3
The term may be used interchangeably with stereotypical.
See also Dyserinck’s comment on René Wellek’s critique of imagology:
“Exactly the interdisciplinary possibilities and ambitions of imagology, he
did not like at all. For him this was “rather a study of public opinion
useful, for instance, to a program director in the Voice of America”. Or
more in earnest: It was ‘national psychology, sociology...’ and so on. As a
matter of fact, he did not want to recognize the legitimacy of such
research as part of a larger concept of the study of literature. The basis of
these negative statements was lying, of course, in Russian Formalism and
in the principles of New Criticism and the so-called ‘intrinsic study
of literature’.” (Dyserinck, H., ‘Imagology and the Problem of Ethnic
Identity’ in Intercultural Studies, issue 1/2003, par. 3)
In Leerssen’s view, an imageme is “a ‘blueprint’ underlying the various
concrete, specific actualizations that can be textually encountered. […]
An imageme is the bandwidth of discursively established character
attributes concerning a given nationality and will take the form of the
ultimate cliché”. (Leerssen, J., ‘The Rhetoric of National Character: A
Programmatic Survey’ in Poetics Today, 21: 2, 2000, p. 279)
182
Communication interculturelle et littérature
Dimitrie Bolintineanu’s Exile within the
Francophone Cultural Space
Floriana Popescu
Résumé : Cette approche est une sélection des références critiques
concernant les rapports de D. Bolintineanu avec la culture et la littérature
françaises. Dimitrie Bolintineanu est une des plus remarcables de l’histoire
et de la littérature roumaines qui a vécu dans la deuxième moitié du XIX-ème
siècle. Même s’il a passé une période assez longue en tant qu’exilé, il ne s’est
jamais éloigné de sa patrie, des communautés roumaines et leurs besoins
politiques et sociaux, ce qui est évident dans ses contributions littéraires et
spécialement dans son activité de journaliste. Homme politique honnête et
enthousiaste, il fut pleinement engagé dans plusieurs dignités politiques
(étant, d’abords le ministre d’affaires étrangères et puis le ministre de
l’instruction publique et des cultes). Responsable de l’éducation de sa nation,
il a contribué à la création de la Faculté des Lettres et de Philosophie de
L’Université de Bucharest. Comme écrivain, il a contribué à la
popularisation de la cause des principautés roumaines dans les chancelleries
occidentales. Bolintineanu a été un vrais pionnier de la littérature qui a
introduit dans la culture roumaine des nouveaux genres (tel que le roman
épistolaire) ou des nouvelles espèces de prose et des vers (comme le poème
épique).
Mots-clés : politicien et ministre, auteur, journaliste, traducteur.
1. Introduction
The Francophone cultural space has been a generous welcomer to
(self-) exiled Romanian authors for more than one and a half century
and in what follows special attention will be paid one of the first of
them, namely Dimitrie Bolintineanu, a complex personality of the
mid-19th century. The paper selects from the history of literary
criticism those references which discuss Bolintineanu’s relationships
with the Francophone cultural space. By “relationships” we mean not
only the influences of the French culture, ideology and literature upon
the Romanian author and his literary production but also his physical
and literary presence in Paris, the cradle of the Francophone world.
Exil şi interferenţe culturale
183
The highlights of the French literature echoes, in the most frequent
and accessible bibliographical references focus on specific works of
authors who have contributed to the literary landscape depicted by
Bolintineanu. Nevertheless, the specificity of the current approach
resides in the chronological systematization considered from the
perspective of the zones of influence exercised upon Bolintineanu’s
literature inspired by French models. Bolintineanu’s sketchy portrait
envisaging him as a man of letters and as a political figure makes the
object of the former part of this approach. Its latter part presents the
interrelationships between the Romanian and the Francophone cultural
space. These relationships refer to his stays in Paris, which are fruitful
time intervals, when he becomes imbued not only with all major
cultural, ideological and social aspects of contemporary France but
also with and some of its most prominent literary and historical
personalities.
We eventually acknowledge the homage he paid to the French
culture through the translation of Hugo’s Les Misérables into
Romanian. Gone to France, as the fashion of his time had it, to
continue his studies, Bolintineanu discovers a world in a process of
full transformation, he witnesses unique historical events and sensitive
to the fundamental idea of social progress, he accumulates first hand
experience which he is ready to apply to the profit of his native people
whose exponent he whole-heartedly feels to be.
2. Bolintineanu in the Romanian culture
Short-lived, eventful and complex as it was, lived with dedication
and self-sacrifice Bolintineanu’s life has been continually explored by
literary critics even since before his passing away1. Born in the 1820s,
his accurate birth date has still remained a matter of controversy2.
Nonetheless, numerous biographers [Pavelescu 1913, Petraşcu 1934,
Păcurariu 1962, Vârgolici 1971, Vârgolici 1972] have written welldocumented (but sometimes, ideologically biased) presentations of his
life and activity.
He lived in a time of metamorphoses, in a tumultuous, effervescent
and tremendously important epoch in the socio-historical evolution of
his native country. He not only witnessed but he willingly and very
energetically involved in it with all his being. It is this time interval,
i.e. a few years preceding the year 1848 as well as the years after,
184
Communication interculturelle et littérature
which influenced his life and literature for ever, making him equally
experience the ups of political commitment, literary fame and
celebrity and the downs of poverty, illness and supreme humiliation
among his contemporaries3. All along his 30-year active life,
Bolintineanu authored a vast and varied literary production, consisting
of over 50 volumes where he tried his hand with “almost all literary
genres and species” [Păcurariu, 1961: XXIII]4. Literary historians
acknowledge him to have introduced the historic legend and the epic
poem and to have marked the beginnings of novel writing in the
Romanian literature [Păcurariu, 1961: LII]. In addition to his literary
concerns, he also practised journalism.
As a man of letters he made his debut in 1842 with the elegy O fată
tînără pe patul morţii (A Young Lady of Her Death Bed) published in
Curierul de ambe sexe (The Courier for both Sexes) and warmly
recommended by Heliade Rădulescu, the editor-in-chief of this
publication. His literature is very rich and it records poems, elegies,
satires, ballads, epic poems, such as Conrad, which reminds of the
Byronic hero, and the national epic poem Traianiada. All in all, he
published 14 volumes of poems, which enjoyed more or less fame at
the time of their publication.
He authored two complete novels Manoil (1855) and Elena (1862)
and an unfinished one, Doritorii nebuni (The Lunatic Desirers) which
was published in instalments in Dâmboviţa.
He also tried his hand as a biographer, with more or less true-tolife accounts of his main heroes, who were former rules of either of
the Romanian principalities. Biographers, and more specifically
Vârgolici [1971 and 1972] or even literature historians [Păcurariu
1961, Păcurariu 1969] make pertinent commentaries regarding
Bolintineanu’s biographies (see, for example, Viaţa lui Ştefan cel
Mare – or The Life of Stephan the Great and Viaţa lui Mihai Viteazul
făcută pentru înţelegerea poporului – or The Life of Michael the
Brave Written for the Understanding of the People, Cleopatra, regina
Egiptului or Cleopatra, the Queen of Egypt).
Although as a dramatist his creations are described to be
insignificant both from the perspective of his talent and as compared
to his poems, it is worthwhile mentioning just few of them, such as the
three-act drama Mihai Viteazul condamnat la moarte (Michael the
Brave Sentenced to Death) published in 1867, Alexandru Lăpuşneanu
(1868) and După bătaia de la Călugăreni (After the Battle of
Călugăreni) (1868).
Exil şi interferenţe culturale
185
Even if, chronologically approached, Bolintineanu’s writings
outline periods in the author’s life when he focuses on a certain genre
or species, this is not true for his journalistic preoccupations. In his
relation with the press, he displayed a series of jobs which span from a
modest contributor to a decision making manager.
All along his lifetime he continually contributed to Curierul de ambe
sexe, Propăşirea (Headway), Curierul românesc (The Roumanian
Courier), Foaie pentru minte, inimă şi literatură (Page for mind, heart
and literature), România literară (Literary Romania), România viitoare
(Future Romania), Concordia (Concord), Naţionalul (The National),
Românul (The Romanian), Ilustraţiunea (The Illustration), Revista
română (The Romanian Magazine), Buciumul (The Alpenhorn), Zimbrul
(The Wisent), Reforma (The Reform), Albina Pindului (The Bee of the
Pindus Mountains), Familia (The Family), and Trompeta Carpaţilor (The
Trumpet of the Carpathians).
He was an editor-in-chief, of the newspaper Poporul suveran (The
Sovereign People), issued in Bucharest, and on whose frontispiece we
find the French slogan Libertate, Egalitate, Fraternitate (Liberty,
Equality, Fraternity), which was soon replaced by Vox populi, vox dei.
Next, he is the editor-in-chief of a short-lived journal, Albumul
pelerinilor români, issued in Paris in 1851, whose first number is all
written only by himself. On 11 October 1858 he releases, again as an
editor-in-chief, the political and literary publication entitled
Dâmboviţa which will appear, with some disruptions, until 1870.
3. Political figure and statesman
Born and raised in a modest family environment, first with his
parents separated, and later on his mother dead before his being a
teenager, Bolintineanu had to adapt himself to a new family life. He is
said to have had his years of introversion, meditation and seclusion.
This happened when, as an orphan, he was entrusted to some relatives
in Bucharest.
His natural call to politics as well as his way to a political
involvement and, later on, career may have been paved by his
membership to professional associations both when he was in his
country and when he was in Paris.
Politically, Bolintineanu became visible in 1860, when, on 21
April, he was first appointed “efor”5 or more precisely, administrator
186
Communication interculturelle et littérature
for Eforia Spitalelor (the Administration of Hospitals), and one month
later, a member of the European Commission of the Danube. On 12
May 1861 he became the minister of foreign affairs, a dignity he held
for only two months. On 12 October 1863 he becomes the minster of
Cults and Public Instruction in Kogălniceanu’s government, a
responsibility he holds for only nine months. In this position, he
contributed to the making of many laws and to the settlement of large
number of primary and secondary schools, and also, very importantly,
to the founding of the Faculty of Letters and Philosophy at the
University of Bucharest. For hardly mentioned reasons his
biographers allude to his withdrawal from Kogalniceanu’s cabinet.
Although not a government member, he continued his political career
as one of Cuza’s counselors and close collaborators.
His withdrawal from the government marks the beginning of his
gradual retiring into isolation and his exclusive and total dedication to
literature. Partly triggered by his lack of any financial support but his
own writings, and partly by his huge material needs in his continual
fights with creditors, the productions of this period display a rather
questionable literary quality. His profound political involvement when
holding the positions of a minister or even of a counselor must have
left him but little room for producing praiseworthy literature.
4. Bolintineanu and the francophone space
No sooner had he set foot in Paris than invisible ties between the
half Macedonian-born Roumanian student and the Francophone space
began to grow stronger and stronger. And strong did they remain for
the rest of his life, no matter whether he was living within its borders
or anywhere else. His acquaintance and friendship with the French
cultural space recorded two stays and an episodic literary presence in
Paris in 1866.
4.1. The first stay in Paris (1845-1848)
As a young student, Bolintineanu attends the courses of a
renowned high school in Bucharest, and he starts attending the circle
of secret societies, paving the way for a revolution and becomes
familiar “with the ideas tormenting the most enlightened minds of the
Exil şi interferenţe culturale
187
epoch, the moment of the revolution outburst” [Costa 1955: 9]6. In
1841 he becomes a copier at the Secretariat of State, which is the job
of a petty clerk, but which provides him his basic needs. A couple of
years later he is promoted as a secretary within one of the Secretariat
of State departments, which brings him a new promotion to the rank
of “pitar”7, in 1844. His new position and well-paid job seem not to
bring him the happiness and the feeling of personal accomplishment
he must have earned for, since his relationships with literature are
more and more obvious in contemporary media (journals, newspapers
and popular magazines such as Curierul de ambe sexe, Curierul,
Foaie pentru minte, inimă şi literatură, etc.).
As a member of Asociaţia literară (The Literary Association),
whose “main purpose was that of promoting the national literature all
over the Romanian-people inhabited territories” [Vârgolici, 1997: 5]8,
he not only gets closer and closer to the ideas of the movement for
social progress, but he also becomes more visible and popular among
his companionship.
Asociaţia literară grants him a scholarship to study abroad and so
Dimitrie Bolintineanu first meets Paris and Collège de France in the
spring of 1846 [Vârgolici, 1997: 14]. Between 1846 and 1847 he
attends the college courses listening to famous personalities such as:
Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, Jules Michelet, Edgar Quinet,
Saint Marc-Girardin, Adam Mickiewicz and Philarète Chasles. Some
of them were outspoken supporters of the Roumanian cause for
national freedom and emancipation.
In the December of the same year 1845, Societatea Studenţilor
Români (Society of the Romanian Students) is created in Paris, with
Alphonse de Lamartine as an honorary president, Ion Ghica, a
president in charge and Dimitrie Bolintineanu as a member, among
other young Romanians studying in France. But his stay in France
soon reaches an end for, after witnessing the outburst of the revolution
in Paris, Bolintineanu comes back to his native country. His return
throws him into a time interval which later on proves to have been
both extremely eventful and devastating for him: the time of the 1848
revolution in the Romanian principalities. But the Wallachian9
revolution he and his brethren participate at is a complete failure. As a
consequence, the victorious Turkish authorities have him together
with other revolutionaries exiled and embarked upon a boat forced to
sail upstream the Danube. While a prisoner on board that vessel, he
made plans and eventually escaped. And like any escapee he faced no
188
Communication interculturelle et littérature
determined destination. So, while some of his companions go to
Transylvania, he decides to go up to Paris.
4.2. The second stay in Paris (1849-1851)
Although embittered with the Wallachian revolution failure, the
fact that he is still young enables him to prove enthusiasm,
self-confidence, optimism and the ability to reinvent himself. But his
call to being part of his nation process of history making is much
stronger than anything else. Thus, on 30 October 1849, he is again in
Paris, with the firm determination to continue his studies. In the month
of December when Asociaţia română (The Romanian Association) is
constituted in Paris with the main objective of “organizing the
emigration, of impressing its activity a high patriotic and
revolutionary finality” [Vârgolici, 1997: 6]10, Bolintineanu will be
among its members.
He expresses his ideas in a few patriotic poems published in
România viitoare (Future Romania). Here, in Paris, he is also
involved in the editing of three numbers of the publication entitled
Albumul pelerinilor români (The Album of the Romanian Pilgrims)
and by participating at the editing of the journal Junimea română (The
Roamnian Youth).
By the end of 1851, Bolintineanu left Paris with the strong hope of
meeting some of his family in Wallachia, which he is forbidden by the
Bucharest authorities. So, after months of expectation for his hope to
come true, he goes straight to Constantinople. Here he travels to various
places in and out the Ottoman Empire and, at the same time, is very
focused on literature. Besides a wide range of poems (philosophical,
satirical, historical and epic) he also has a novel published in Jassy, the
capital of Moldova, the eastern Romanian Principality.
4.3. Bolintineanu’s writings published in France
Bolintineanu left the Francophone space in 1851 but he never felt
the distance separating him from this country. He had true friends
there, and they helped him to have the volume Les Principautés
Roumaines published in Paris in 1854. “Intended to inform the
foreigners about the social status, the history and culture of the
Exil şi interferenţe culturale
189
Romanian people, the book outspeaks patriotic and democratic ideas
in the spirit of the 1848 revolutionary fighting program” [Costa 1955:
272]11. Therefore, highly popularizing in its purpose and character, the
book “consists of a brief historic and geographical presentation
followed by an analysis of the socio-political and cultural situation in
the Romanian principalities, […] highlighting the necessity of a
regime which could grant freedom for people, autonomy and
independence for the internal administration and, finally for the
union” [Păcurariu, 1969: 20-21]12 of the Romanian principalities. The
volume continues with an outline of the Romanian literature and
language which considers not only the early beginnings of this
literature but also creations whose roots go deep down into the
national folklore and take a long trip to reach the author’s
contemporary men of letters.
In 1856, a second volume, L’Autriche, la Turquie et les MoldoValaques is published in Paris. It is intended against Austria, as an
opponent to the union of the Roumanian principalities. Among its
fundamental ideas, some become recurrent in Bolintineanu’s
contributions to the Dâmboviţa journal. They regard the granting of
political rights equality to all citizens, of freedom of the press as well
as of free access to the system of public education, of the
independence of justice and the institutionalization of a strong
Roumanian army.
While these preceding books are not considered literature but
popularizing writings, it is the 1866 volume published by E. Dentu in
Paris and entitled Brises d’Orient, Poesies roumaines traduites par
l’auteur meme, par D. Bolintineano that is acknowledged to be the
first volume of verse paving the way for “la literature d’expression
francaise” [Vuillemin 2005: 90] or “the literature of French
expression”. The volume consists of 372 pages and it is preceded by a
15-page preface signed, as the front page shows it, by “Philarète
Chasles, professeur au Collège de France et conservateur à la
Bibliothèque Mazarine”. The author of the preface admits the fact that
“On me prie de présenter au public français ce volume de poésies
roumaines. Je m’acquitte de ce devoir envers un étranger distingue,
M. Dimitrie Bolintineano”. And indeed he made the best of his task
when he wrote it. The preface gives a few biographical details about
the poet and makes some historical and cultural references to the
Romanian community and literature, before making references to the
poems in the volume [for more details, see Costinescu, 1967].
190
Communication interculturelle et littérature
Front page of the volume Brises d’Orient, Poésies roumaines par D.
Bolintineano. The collection of Biblioteca Municipală “V. A. Urechia”,
Galaţi. Photo by Floriana Popescu
Exil şi interferenţe culturale
191
4.4. French influences upon Bolintineanu’s writings
Actively engaged in political causes, energetic and creative as he
used to be in his youth years, Bolintineanu authored a wealth of
volumes; some of them undoubtedly revealed literary value, on the
one hand, but, on the other hand, some others were written under the
pressure of financial urges. That is why they reflect fewer concerns in
his literary standards. All in all, irrespective of their literary value, the
majority of his writings reflect signs of French influence.
Noticeable in discreet fragments of literature, the elements of
French influence are referred to in critical literature, in close relation
with or through parallelisms between the source author, work, episode
or character and Bolintineanu’s literature. Thus, as a romantic, he was
much inspired by the French romantics, in the general framework of
his poetry. Similar poetry images have been indicated by critics. Some
of the poems in the volume Florile Bosforului (Flowers of the
Bosphorus) (1866) find their matches in Hugo’s Orientales, and
Păcurariu [1969: 85] suggests Bolintineanu’s direct inspiration from
the cycle of the French author “indicating resemblances between
Blestemul dervişului, Hial, Se Scaldă and Dorinţa, on the one hand
and La malédiction, Le derviche, Fantôme and Sara la baigneuse, on
the other.
Although attached to romanticism and acknowledged as an original
poet with his poem Mihnea şi baba, Bolintineanu is said by
Apostolescu [apud Păcurariu 1969: 96]13 “to have been inspired by
Gautier’s Albertus ou l’âme et le péché with regard to the selection of
poetic themes and by Nerval’s poems La danse des mots and Le rêve
et la vie for the preference for the macabre fantastic. Bolintineanu’s
inspiration relies on French models to such an extent that his free
translation of Alphonse de Lamartine’s lines in Le Lac “O, temps!
Suspends ton vole…” into “O, noapte graţioasă opreşte zborul
dulce…” is indicated by the same critic [Păcurariu 1969: 88].
As a novelist, Bolintineanu published two volumes, Manoil (1855)
and Elena (1862) which also remind of French models either in their
writing technique or in other perspectives. Manoil, the first
(sentimental epistolary) novel in Romanian literature is constructed
according to Jean-Jacques Rousseau’s La Nouvelle Hélloïse or to
Madame de Staël’s novels. Episodes in the novel plot remind of a
distinct genre in French literature, the novel of mystery, with the best
192
Communication interculturelle et littérature
known of the series, Les Mystères de Paris (Eugène Sue) and Les
Mystères de Londres (Paul Féval) [Păcurariu 1961: XLIV].
The French influence upon Bolintineanu is noticeable in the
creation of literary heroes or heroines. Literary critics indicate the
author’s indebtedness to Balzac in creating both the character or the
nature and the fate or destiny of Elena, the main character in the
eponymous novel. Elena is similar to Balzac’s Henriette in Le lys dans
la valée. Actually, Bolintineanu himself voices this influence through
Elescu, Elena’s lover. When he finds Balzac’s book in Elena’s room,
he says “this is a novel which shows it better than all the works of
philosophers what a woman is like. Elena had to read it and to feel it
… there is a huge resemblance between these two souls of women”
[quoted apud Păcurariu 1969: 121]14. On the other hand, Elena’s tragic
end brought about by her suffering from tuberculosis suggests a
parallelism with Dumas’s La dame aux camellias (1848).
Some of Bolintineanu’s political topics were also borrowed from a
French model. This is the case with Cartea poporului roman. Cugetări
filosofice şi politice în raport cu starea actuală a României (The Book
of the Romanian People. Philosophical and Political Thoughts
Related to Romania’s State-of-the-Art) which was published in
Bucureşti in 1869. The book reveals the influence of Le livre du
people (1837), a book written by Félicité Robert de Lamennais, 19th
century French writer and philosopher. This influence is detectable in
the book main topics of discussion which were actually a heritage
shared by the whole Europe in the years foregoing the 1848
revolutions in several countries of the continent. The idea of the
revolution legitimization expressed by Lamennais is argued by
Bolintineanu in a manner which emphasizes the close relationship to
the French author.
Inquisitive traveller, while visiting the Romanians in Macedonia,
Bolintineanu observes and “diligently takes notice of all his
impressions” [Păcurariu, 1969: 20]15. Nevertheless, as Theodor
Capidan16 [1927] demonstrated it, Bolintineanu did not rely on his
impression notes when creating the poems joined under the title of
Macedonele. Instead, as it seems, Bolintineanu wrote the poems
dedicated to the Romanians in Macedonia by extracting his
information from Voyage dans la Grèce, a five-volume work
published in Paris between 1820 and 1821 and authored by T. C. H. L.
Pouqueville. His personal notes may have made the source of
Exil şi interferenţe culturale
193
inspiration for his travel writings Călătorii la românii din Macedonia
şi Muntele Athos sau Santa-Agrora (1863).
4.5. Bolintineanu as a translator from or into French
It was stated in the foregoing that Bolintineanu showed
preoccupations as a translator of Romanian poems into French. In
addition, he dealt with translations from or in other languages, which
will be presented in what follows.
Thus, his classical studies enabled him to make his own
translations from poets of the antiquity, and his familiarization with
Anacreon has been mentioned in Bolintineanu’s critical literature. His
virtues as a translator from the classical authors of Greece and Rome
have also been mentioned [Păcurariu, 1961: XXIV].
His friendship with E.C. Grenville Murray, the British vice-consul
at Metylene on the Prinkipo Island helped him to make a high quality
translation of some of Vasile Alecsandri’s poems which were
published in London in 1854 under the title Doine or the National
Songs and Legends of Romania [Vârgolici 1997: 7].
As a student at Colegiul Sf. Sava, around the year 1830,
Bolintineanu befriends with Alexandru Zanne, and later on this
friendship turns into a fruitful and creative collaboration. In 1859, the
two and Pantazi Ghica share the authorship of Calendarul istoric şi
literar, but the 1860 and 1861 editions are shared only by
Bolintineanu and his friend Al. Zanne. Intended for popularizing
practical knowledge, the calendar which resembled an almanac
targeted a large readership, with its information regarding, among
other things, “the names and the days of the fairs along the year, the
calendar proper and the horoscope” Păcurariu [1969: 34]17. The most
comprehensive part of the calendar, nevertheless, includes fragments
from Bolintineanu’s literary writings. It is this translational
collaboration which resulted in “the first ever version in a foreign
language” [Costa 1955: 274]18 of Victor Hugo’s Les Misérables. The
six tomes of the Romanian version performed by Bolintineanu, Al.
Zanne and I. Costiescu were published in Bucharest between 1862 and
1864. On his own, Bolintineanu translated many of his poems into
French and he had them all joined together in the volume Brises
d’Orient presented in the foregoing.
194
Communication interculturelle et littérature
5. Final remarks
Călinescu’s compendium [2001: 97] assigns Dimitrie Bolintineanu
to the chapter of romantic and macabre poets and makes him an
unexpected introductory portrait, referring to him as “the
Macedonian” who published “a very loose imitation after La jeune
captive by André Chénier, namely O fată tânără pe patul morţii”.
My strong conviction is that Bolintineanu would have deserved a
much better position within the history of the Romanian literature for
a wealth of reasons. First and foremost, for the role he played in the
Romanian literature as an initiator or a pioneer. He was the first author
to have written historical legends as well as ballads and to have done
his best with writing them [Păcurariu, 1969: 97]. He followed French
and other European patterns and created the first novels in our
literature, which provide, above all, a canvas of Bolintineanu’s
contemporary Romania. Although his satires are not as exquisite as
those of Alexandrescu, his predecessor, they enjoyed success among
his contemporary reading public. He also contributed consistently to
the beginnings of the drama, and to travel writing. He was a tireless
man of letters, dedicated to his ideas and ideals and who first thought
about the possible translation of Hugo’s Les Misérables into a foreign
language, which thanks to him and his friends happened to be
Roumanian.
Above all, he was an ambassador of the Romanian literature, if not
as an original and worthy writer, then as a translator of Alecsandri’s
Doine, published in London in 1854 and of his own poems included in
the volume Brises d’Orient, to say the least about the two books
describing the state-of-the-art of the mid-19th century Romanian
society which were characterized as books of propaganda. To my
mind they simply voiced the ideals of the generation who staged the
1848 revolutionary movements for national liberty, independence and
human progress, which gradually turned into reality, some of them
right under Bolintineanu’s eyes, as it happened with the 1859 union of
the two principalities, Wallachia and Moldova.
Bibliographical references
Apostolescu, Nicolae, L’inflence des romantiques français sur la poésie
roumaine, Paris, 1909.
Exil şi interferenţe culturale
195
Capidan, Theodor, „Scrierile lui Dim. Bolintineanu despre Macedonia”, in
Omagiu lui I. Bianu, Editura Cultura Naţională, Bucureşti, 1927, pp. 79-90.
Călinescu, George, Istoria literaturii române. Compendiu, Litera
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I.O., Bucureşti, 2002.
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vol., E.S.P.L.A., Bucureşti, 1955.
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Dimitrie Bolintineanu”, in Revista de istorie şi teorie literară, 1, 1967,
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*** Dicţionarul Explicativ al limbii române, Univers enciclopedic,
Bucureşti, 1998, (= DEX).
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Petraşcu, Nicolae, D. Bolintineanu, Bucureşti, 1934.
Vârgolici, Teodor, Dimitrie Bolintineanu şi epoca sa, Minerva, Bucureşti,
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Vârgolici, Teodor, Introducere în opera lui Dimitrie Bolintineanu, Minerva,
Bucureşti, 1972.
Vârgolici, Teodor, „Tabel cronologic”, in Dimitrie Bolintineanu, Legende
istorice, Litera, Chişinău, 1997, pp. 4-14.
Vuillemin, Alain, „La pénétration de la langue française dans lea pays de
l’Europe centrale et orientale et du Sud-est européen”, in Nouvelles
Etudes Francophones, vol. 20, no 1, Printemps, 2005, pp. 89-93.
Notes
1
2
3
See, for example, Gr. H. Grandea, O vizită la Bolintineanu, an article in
Familia, VII, 1871, 224, which was published one year before
Bolintineanu’s death.
Different literary historians or even biographers propose and argue in
favour of different birth dates, within 1819 and 1826. This is first and
foremost because of a lack of any written evidence and also as a
consequence of the author’s contradictory confessions. For details on the
controversies and different points of view, see Păcurariu 1969: 9.
Bolintineanu’s biographers hardly ever omit to refer to the hospital
records which read the English version which is, like all the rest that
follow, my own translation, i.e. “Dimitrie Bolintineanu, former minister
of Cults who was admitted in hospital without his own clothes” for
“Dimitrie Bolintineanu, fost ministru de Culte, internat fără haine”
[Păcurariu, 1961: XXIII].
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Communication interculturelle et littérature
The original text reads: “aproape toate genurile şi speciile literare”
[Păcurariu, 1961: XXIII].
Efor is an old-fashioned Roumanian term actually similar in meaning
with the present-day word describing the position of an administrator
[Ciorănescu, 2002: 311].
The original text reads: “cu ideile ce frământau pe atunci minţile cele mai
laminate ale epocii – momentul izbucnirii revoluţiei” [Costa, 1955: 9].
Pitar is a title assigned to a boyard who was in charge with the
procurement of te bread for the royal court, the army and with the
surveillance of the royal bakers [DEX, 1998: 799]
The Romanian author says: “…principal scop era acela de a promova
literature naţională în toate regiunile locuite de români.” [Vârgolici 1997: 5].
Wallachia was the name of the roumanian principality sitauted north of
the Danube, between the Danube, in the east and approximately the Cerna
river in the west. In Bolintineanu’s times the two Romanian principalities
were under the Ottoman authority.
The Romanian author says: “…organizarea emigraţiei, imprimarea unei
înalte finalităţi patriotice şi revoluţionare.” [Vârgolici 1997: 5].
The original text reads: “Menită să informeze străinătatea cu privire la
starea socială, istoria şi cultura poporului român, cartea promovează idei
patriotice şi democratice în spiritual programului de luptă al
revoluţionarilor paşoptişti” [Costa, 1955: 272].
The original text reads: “cuprinde o sumară prezentare istoricogeografică, urmată de o analiză a situaţiei social-politice şi culturale din
ţările române, […] subliniindu-se necesitatea unui regim de libertate
pentru popor a autonomiei şi independenţei interne şi, în fine, a unirii…”
[Păcurariu, 1969: 20-21]
The Romanian author says: “… pare a fi inspirată din
Gautier…”[Păcurariu, 1969: 96]
The Romanian author says: “Iată un roman ce arată mai bine decît toate
operile filozofilor ce este o femeie. Elena a trebuit să-l citească, să-l
simtă… este o mare asemănare între aceste două suflete de femei”.
[Păcurariu, 1969: 121]
The original text reads: “… notându-şi sârguincios impresiile.”
[Păcurariu, 1969: 20]
Philologist and linguist, member of the Romanian Academy, Theodor
Capidan was a remarkably well documented scholar specialized in
Aroumanian language and customs. Born in Macedonia, he had first hand
knowledge about what Bolintineanu meant when he wrote his literature
focused on this part of the world.
The original text reads: “ … numele şi zilele cînd au loc tîrgurile în timpul
anului, apoi calendarul propriu-zis şi zodiacul.” [Păcurariu, 1969: 20]
The original text reads: “ … este prima tălmăcire în vreo limbă străină a
acestei opera.” [Costa, 1955: 274].
Exil şi interferenţe culturale
197
The foreigner on the margin and the game of
multitudes with two of S. Rushdie’s novels
Isabela Merilă
Résumé: La célébration de la multitude semble être une règle générale pour
les romans de S. Rushdie. L’identité individuelle (et étatique) se révèle
comme une collection variée et infinie d’influences, récits, expériences,
relations etc. Toute tentative d’ancrage dans la dualité est minée et
démystifiée en tant que convention recherchée afin de retrouver un ordre
apparent et un sentiment de sécurité / contrôle. C’est ainsi que le « centre »
perd son sens et cède la place à la « marge » en tant que principe
définitoire. La question qui sert de point de départ à notre démarche est la
suivante : qu’est-ce qui se passe, dans ce contexte, avec le personnage
occidental, colonisateur – d’une manière ou d’autre – et avec son statut de
centre de référence ?
Mots-clés: centre et marge, multitude, identité et altérité.
Multitudes seem to stand at the basis of character drawing in
Rushdie’s novels and the most famous example probably comes from
Midnight’s Children, in the form of Saleem Sinai, who ties his destiny
to that of the nation (or vice-versa) and tries to “mean something” by
narrating himself. To quote Josna E. Rege:
Even though Saleem is cracking into as many pieces as there are Indians,
as there are stories to tell, he has successfully told his story – imperfect,
unreliable, distorted, needing endless revising, to be sure – but
nonetheless triumphantly his own.
When Saleem Sinai tells his readers that they will have to swallow him
and his story whole, “whole” does not imply unitary, seamless. Whole
means multiple, fault-ridden, contradictory, “full of cracks” [Bloom,
2003: 169-170].
His case is particularly suggestive as it seems to stem from
Rushdie’s view of India itself, as described in Imaginary Homelands:
“[…] the very essence of Indian culture is that we possess a mixed
tradition, a mélange of elements as disparate as ancient Mughal and
contemporary Coca-Cola American. To say nothing of Muslim,
Buddhist, Jain, Christian, Jewish, British, French, Portuguese,
198
Communication interculturelle et littérature
Marxist, Maoist, Trotskyist, Vietnamese, capitalist, and of course
Hindu elements” [Rushdie, 1991: 67].
Nevertheless, Saleem Sinai is not the only example of fragmentary
identity in Rushdie’s fiction. To select just one other case, we could
mention Fury’s Solanka, who also finds himself as a collection of
narratives in continuous dialogue and intertextuality with other
characters’ narratives. Accordingly, identity as unity is, once more,
exposed as an illusion and the dual dialogue of I with other is, at the
same time, a comforting device in the face of chaos and one of the
basic steps (not the final one) in discovering the self (and the multiple
othernesses within).
In this context, it may prove interesting to notice what happens to
the foreign, western characters in those novels that include postcolonial themes. For this purpose, we selected Midnight’s Children
and Shame.
The first realization is that the characters identified with different
Western locations in these two novels can almost be counted on the
fingers of one hand. Their country of origin is always mentioned (be it
England, Portugal, or Germany) and the fact that it is other than India
or Pakistan is one of the marks they cannot escape. Most of them are
clearly considered outsiders and tend to just disappear at one point
from the ’Eastern’ setting of the novels. They are like torrents that
move over the Indian land and leave traces on their way out; while the
traces remain, the waters are nowhere to be seen anymore. For a less
abstract illustration, one may start from the images of the cities in the
two novels.
The Palladian hotel described in Shame as flooded by light and
colour (yellow, green, white) is said to be visited by the white
colonists who want “to share the illusion of being colourful – whereas
in fact they were merely white” [Rushdie, 1984: 12]. Therefore the
glitzy personality of the occupants is shown as an attempt to make up
for a lack, and thus the typical roles of the colonizer and of the
colonized are reversed. It is an attitude specific to the novel in
question, which is set ’at the edge of the world’. There, the Impossible
Mountains are turned up-side-down in the perception of a child who
believes that Paradise is down and Hell is up. It is a world where the
colonizers are the ones observed and found strange or they are rapidly
becoming ghosts of the past, although the traces they leave are still
capable of shaping the reactions of those influenced.
Exil şi interferenţe culturale
199
In Midnight’s Children, the description of the city still inhabited by
foreigners shares the feeling that they are not really there:
You could not see the new city from the old. In the new city, a race of
pink conquerors had built palaces in pink stone; but the houses in the
narrow lanes of the old city leaned over, jostled, shuffled, blocked each
other’s view of the roseate edifices of power. Not that anyone ever looked
in that direction, anyway. In the Muslim muhallas or neighbourhoods
which clustered around Chandni Chowk, people were content to look
inwards into the screened-off courtyards of their lives… [Rushdie, 1982: 69].
This could be seen as a sign of silent and enduring resistance
against a presence that is felt as foreign. It may also show that changes
and games of power normally take second place to matters of
everyday life. A more extreme example of people enclosed in their
living spaces and not wanting to have anything to do with the life
outside is to be noticed in the case of Chhunni, Munnee and Bunny’s
father: “Old Shakil […] had for many years remained immured in his
high, fortress-like, gigantic residence which faced inwards to a welllike and lightless compound yard” [Rushdie, 1984: 12].
In such cases of looking inwards, the people’s refusal to
acknowledge the changes that take place and their determination to
behave as if nothing happened seems to have double implications. On
the one hand, it reduces the importance of the colonial experience,
sending it to the background and only allowing it to pervade like a
sound from the distance. On the other hand, it may be the cause for the
mistaken assumption that after the ’aliens’ are gone, things can return
to what they used to be. The influence is there, however, and not even
citadels like Old Shakil’s are spared of it, since it is inferred that his
future grandson is the illegitimate son of an Angrez. While this is
mostly a suspicion in Omar’s case, Saleem is openly stated to be the
illegitimate son of an Englishman and an Indian woman, other than
the people who raised him. Considering that his birth was hailed as the
symbol of a nation’s emergence, the revelation works not only on the
individual and family level.
However, instead of being the central piece which, once removed,
demolishes the entire construction, the discovery receives only
marginal status: “When we eventually discovered the crime of Mary
Pereira, we all found that it made no difference! I was still their son:
they remained my parents. In a kind of collective failure of
imagination, we learned that we simply could not think our way out of
200
Communication interculturelle et littérature
our pasts” [Rushdie, 1982: 116]. In other words, a shared past
experience is the basis for relations and identities, not shared blood or
measures of blood “purity”. Or, to quote Søren Frank: “love is not
dependent on ties of blood; rather, it seems to thrive in a common
experience of lived life. Accordingly, identity is not produced through
genealogical trees understood as vertical, parallel lines with fixed
points of origin; instead, it is produced in horizontal, transversal
communications that disturb the parallel evolution of tree structures”
[2008: 136]. As throughout the novel, this realisation is extended to
apply to the nation as well. Since India comes into being as a
declaration of independence from the colonial intrusion, its beginning
is marked by duality: us vs. them, which forces the idea of us as a
unitary group with one voice and similar aspirations for the future.
The illusion of unity, however, is dispelled rather quickly and the
reaction in the face of the multitude of ’voices’, concretely represented
in the language marches and symbolically by the Midnight Children’s
Conference, is to search for a new centre. Significant, in this respect,
is the following comment:
All over India, I stumbled across good Indian businessmen […] who had
become or were becoming very, very pale indeed! It seems that the
gargantuan (even heroic) efforts involved in taking over from the British
and becoming masters of their own destinies had drained the colour from
their cheeks… in which case, perhaps my father was a late victim of a
widespread, though generally unremarked phenomenon. The businessmen
of India were turning white [Rushdie, 1982: 179].
Therefore, the movement away from the colonial experience into
an independent organization is also an event that takes place in the
shadow of the centre-margin dichotomy. In the family circle, this is
represented by the actions of another foreigner, Methwold, an
Englishman. His contract for the sale of the villas he built seems to be
designed with the particular intention to leave a mark. He sets an
insignificant price on the buildings, but demands in exchange from the
Indian buyers not to change one thing about them or what they contain
before the day of the Independence. Although this seems annoying
and strange to the Indian families, they decide to accept: “Selected by
William Methwold, these people who would form the centre of my
world moved into the Estate and tolerated the curious whims of the
Englishman – because the price, after all, was right” [Rushdie, 1982:
98]. The plan behind Methwold’s terms is revealed when the new
Exil şi interferenţe culturale
201
inhabitants discover and gradually adapt to an English standard of life
also starting to enjoy it:
things are settling down, the sharp edges of things are getting blurred, so
they have failed to notice what is happening: the Estate, Methwold’s
Estate, is changing them. [When he] comes to call they slip effortlessly
into their imitation Oxford drawls; and they are learning, about ceiling
fans and gas cookers and the correct diet for budgerigars, and Methwold,
supervising their transformation, is mumbling under his breath […] All is
well [Rushdie, 1982: 99].
It is as if the Englishman were trying to secure a continuation of
the process of colonization even after his departure from this land. As
previously mentioned, he is also the father of Saleem, thus
contributing to the latter’s ’strangeness’. Methwold departs the day
before the Independence and before going he renounces the reason for
his power of attraction (his thatch of hair) and goes away disclosed.
One could say that his gesture looks like a counterpart (a rather
parodic one) for Prospero’s renunciation of his books at leaving the
island.
A more open disclosure occurs in another sequence: Amina’s
encounter with the white beggar, which has something of The Wizard
of Oz. Amina’s surprise may be said to parallel Dorothy’s at the
discovery of the frail man behind the supposedly impressive, allpowerful wizard and her embarrassment comes from feeling that she
saw something she was not supposed to. At the same time, we may
compare her reaction to what a traditional reader might feel at the end
of The Magus, by J. Fowles, on reading the words: “the maze has no
centre. An ending is no more than a point in sequence, a snip of the
cutting shears. Benedick kissed Beatrice at last; but ten years later?
And Elsinore, that following spring?” [Fowles, 2004: 645]. Amina
Sinai’s encounter with a white beggar on her way to Ramram Singh is
marked by shock, pity and incredulity. She feels “embarrassment,
because […] begging was not for white people. […] Wait, white
woman, just let me finish my business, I will take you home, feed you
clothe you, send you back into your own world” [Rushdie, 1982: 812]. The labyrinth has no centre, the white man inhabits the margin.
Marginality is the condition constructed by the posited relation to a
privileged centre, an ’Othering’ directed by the imperial authority. But the
abrogation of the centre does not involve the construction of an
202
Communication interculturelle et littérature
alternative focus of subjectivity, a new ’centre’. Rather the act of
appropriation in the post-colonial text issues in the embracing of that
marginality as the fabric of social experience. […] Discourses of
marginality such as race, gender, psychological ’normalcy’, geographical
and social distance, political exclusion, intersect in a view of reality
which supersedes the geometric distinction of centre and margin and
replaces it with a sense of the complex, interweaving, and syncretic
accretion of experience [Ashcroft, Griffiths, Tiffin, 2004: 102-103].
Whereas Methwold is perceived as an eccentric, Ilse is a more
tragic figure. She is one of the German friends who have an influence
on Aadam Aziz, and, by ’contagion’, on those around him. Through
Aadam’s memories she is shown to be one of the people who believed
that India had appeared with its discovery by the Europeans; she
mocks and downgrades him for his religious beliefs, and she finds his
appearance hilarious. However, when she comes to see him in
Kashmir after years she is changed. Germany was defeated in the
World War, a name which strikes one as odd on the background of a
Kashmir unaffected by its existence.
Ilse brings with her the news of Oscar’s death and her story is
particularly interesting since it seems to foreshadow Tai’s own fate.
“He went to talk to the army and tell them not to be pawns. The fool
really thought the troops would fling down their guns and walk away.
[…] As he reached the streetcorner across from the parade ground he
tripped over his own shoelace and fell into the street. A staff car hit
him and he died” [Rushdie, 1982: 29]. The fisherman also dies while
trying to put some sense into the army’s heads and he is the one to
lead Ilse on her final voyage in his shikara like a Kashmiri Charon.
Thus, her sense of equilibrium is challenged and the realisation of the
marginality characterising her own corner of the world devours her.
We cannot end this list without dedicating a few words to Evie
Burns, the American cow-girl who constitutes Saleem’s first love
interest. She comes as a whirlwind and gains supremacy of the
courtyard with her bicycle acrobatics and her air-gun, only to be
violently dethroned by the Brass Monkey after a ’great cat massacre’.
A shamed and furious Evie is sent back to the States by her father and
the only report about her is that she knifed an old lady and was put in
a correctional facility. The lady was protesting at Evie’s rough
handling of a cat. The girl’s destiny goes hand in hand with one of the
story’s messages: no attempt at total control over multitudes is
Exil şi interferenţe culturale
203
unending. The Widow wants to be the one God in a country of million
deities and she fails. Evie makes the same mistake on a smaller scale.
Therefore, besides being rather scarce in the two selected novels,
the western characters seem to have a tendency to disappear into the
diversity that inhabits the two narrative worlds. Their influence on the
narrators and characters upon which they intrude exists, but it does not
seem to be a main partner in an identity-defining dialogue, but rather
one mirror fragment among many. Their role may be connected to one
other comment from Imaginary Homelands, where Rushdie writes:
“What seems to me to be happening is that those peoples who were
once colonized by the language are now rapidly remaking it,
domesticating it, becoming more and more relaxed about the way they
use it – assisted by the English language’s enormous flexibility and
size, they are carving out large territories for themselves within its
frontiers” [1991: 64]. In other words, appropriating and then
transforming, using it in new ways, independent of the source.
It is the fragmentation of Saleem Sinai that dominates the narrative
of Midnight’s Children as he engulfs a world and a myriad of voices
which all want their chance to be heard, making him central and
marginal at the same time and, thus, questioning the dichotomy.
Whereas, in Shame, marginality is set at such a high rank, that the
novel’s main character prides himself as being marginal to his own
story.
To end on the same note as we began, we will return to the
description of the city in the opening of the novel Shame:
In his peroration the embittered old recluse rehearsed his lifelong hatred
for his home town, now calling down demons to destroy the clutter of
low, dun-coloured, ’higgling and piggling’ edifices around the bazaar,
now annihilating with his death-encrusted words the cool whitewashed
smugness of the Cantonment district. These were the two orbs of the
town’s dumb-bell shape; old town and Cantt, the former inhabited by the
indigenous, colonized population and the latter by the alien colonizers,
the Angrez, or British, sahibs. Old Shakil loathed both… [Rushdie, 1984:
11-12].
Firstly, it is interesting to see how the two communities are
separate in space but having equal standings, since the shape of the
city is that of a dumb-weight. Secondly, something else worth noticing
might be the fact that the old-man’s hatred is also equally distributed.
204
Communication interculturelle et littérature
This attitude seems to go hand in hand with the general tone of the
two novels in which the interest may sometimes seem to be the clash
between East and West, but it is actually more often than not in the
human being and its attempt to cope with the multitude of
perspectives and perceptions around them.
References
Ashcroft, Bill, Gareth Griffiths and Helen Tiffin, The Empire Writes Back,
2nd edition, Routledge, London and New York, 2004.
Fowles, John, The Magus, Vintage, London, 2004.
Frank, Søren, Migration and Literature: Günter Grass, Milan Kundera,
Salman Rushdie and Jan Kjærstad, Palgrave Macmillan, New York,
2008.
Rege, Josna E., “Victim into Protagonist? Midnight’s Children and the PostRushdie National Narratives of the Eighties”, in Harold Bloom (ed.),
Salman Rushdie, Chelsea House Publishers, Broomall, 2003, pp. 145-183.
Rushdie, Salman, Imaginary Homelands, Granta Books, London, 1991.
---, Midnight’s Children, Pan Books, London, 1982.
---, Shame, Pan Books, London, 1984.
Exil şi interferenţe culturale
205
A Reflection of Experience and Autobiography
in Fay Weldon’s Fiction
Adela Cornelia Iancu (Matei)
Abstract: In this paper, I will present some of the most important and
interesting facts from Fay Weldon’s autobiography, Auto da Fay, and the
way in which certain aspects of her life have influenced her fiction and her
attitude towards feminist issues. Weldon considers herself to be a feminist,
going as far as to state that she has arrived at “the next stage of feminism”,
and implying in various contexts that she is a pioneer in certain controversies
regarding feminism. Fay Weldon seems to have an opinion on everything, be
it romantic affairs, rape, pornography or prostitution, and has been criticized
in various cases for the way in which she expresses these opinions. In her
autobiography, readers may find the explanation for Weldon’s evolution both
as a person and as an author, creating characters with a strong background,
inspired by the people around her, proving that the social standards have
changed, and women have become empowered. Weldon has evolved with the
times, suggesting that it is important for feminists to do the same, and help
women in various parts of the world where female identity is not as strongly
rooted in the social construct as it is in the West. Through the use of concrete
examples from her life, Fay Weldon provides background for her female
protagonists, giving readers a better understanding of feminism and
femininity in the social construct. Her statements have been criticized,
however, she has not been discouraged, and has always considered herself to
be ahead of the crowd when it comes to feminism; nevertheless, Weldon has
emerged as a mature, experienced feminist writer, which is obvious both in
her memoirs and her fiction.
Keywords: British literature, background, female identity, social construct,
feminism.
F
ay Weldon’s fiction is a very controversial
type of fiction, on one hand she has received praise for being a
pioneer, because, in a way, she is deconstructing female stereotypes;
on the other hand, however, critics have pointed out that Weldon’s
fiction actually confines women to certain social roles, following the
notion of the submissive woman. Weldon herself has actually
206
Communication interculturelle et littérature
expressed her ideas regarding feminism, suggesting that she has
evolved, keeping up with the times. Petr Vyhnálek suggests that
Weldon considers herself to be ahead of the times (Vyhnálek 2011: 6),
as she has experienced feminism in various stages of her life. Also,
equally important is the fact that the feminist movement has had a
strong impact on literature and on literary theory in general, especially
in the last decades. In this way, Fay Weldon consider herself to be
ahead of the times when it comes to feminism and feminist issues,
explaining that, as she has aged, she has experienced feminism in
different ways, progressing and adjusting her ideas and expectations.
It is also suggested that the feminist struggle does not end, but rather it
is changing its focus towards other issues related to feminism,
evolving with the times. Fay Weldon was born and brought up in the
age of feminism, an age when women went from being stay-at-home
moms to running businesses. This is one of the reasons why she has
had to adapt to this new world order, and she uses her own experience
in creating characters which fight social oppression and the patriarchal
system in their own way.
Fay Weldon herself has presented her own views regarding
feminism in various contexts. For example, in an interview, when
questioned whether she felt as part of the feminist movement, Weldon
stated that “Inevitably, but I never wrote propaganda because it all
seemed so evident. It became obvious that you had to be a feminist
because it was such a ridiculous state of affairs." (Saner 2009) Weldon
refuses to think of herself as a feminist indoctrinator, considering that
feminism was a natural reaction against a patriarch society which
would marginalize women and restrict their rights. Weldon goes as far
as to state that she is "[…] probably the one, the only feminist there is
and the others are all out of step.” (Saner 2009) Her individuality and
her unique style of writing have helped Weldon become one of the
most appreciated contemporary female writers.
Regarding the new waves of feminism, Weldon declares herself
satisfied, as it seems that individuals who concern themselves with
feminist issues have moved on to more pressing issues, such as the
role of women in certain societies where women still lack certain
freedoms. As she mentions in an interview,
They’re getting a bit better, because at least they are more interested in
women in other lands," she says. "In the last five years, it has been so
inward-looking – they have been worried about pay gaps, worried about
Exil şi interferenţe culturale
207
the minutiae of things – that it got up its own arse. Now, [the feminist
movement is] looking outside – you see what’s happening to women in
Afghanistan and you see the necessity of fighting back. You need to work
in those areas. It is too easy for women [in the west] to see themselves as
victims and oppressed by men. I think one has to be more rational. [Saner
2009].
Weldon suggests here that she is happy with the way the situation
has evolved, focusing more on actually helping women who need
help, rather than victimizing women in placing blame on society. In
this way, feminism becomes the ideology which it was meant to be, a
way to regain a balance.
In her autobiography, Auto da Fay, Fay Weldon mentions some of
her personal experience regarding such feminist issue as the exploit of
women, pornography and prostitution. In the chapter “Sent Out”,
Weldon comments upon an interesting chapter in her life, her
marriage with Ronald Bateman, a headmaster significantly older than
she was. In the chapters regarding this marriage, Weldon uses the
third person, rather than the first, as is the case with the other chapters,
insinuating that she does not hold herself responsible for what has
happened during that period of time (Weldon 2002, 198). Even though
she seems to not be coping so well with certain aspects of her past,
Weldon is not reluctant to speak about some topics which might be
considered taboo, going as far as to blame women who appear in
pornographic movies or magazines, or women who take their clothes
off for money, insisting they are a part of the mechanism which
objectifies women, and that feminism has given them a choice. She
has expressed her views regarding this subject in an interview:
But what about the different pressures on young women now – young
men growing up on misogynistic magazines, internet porn and lapdancing clubs appearing on high streets? "Yes, but the women are doing
it," says Weldon. "They don’t have to. They can always get a job in the
frozen chicken factory. Selling your body is no awful," She has a habit of
not finishing sentences. "It’s not any big deal. Good for you while you
have it, you won’t be able to do it for long and then you can get a job as a
typist or whatever." [Saner 2009]
Weldon’s marriage with Mr. Bateman comes to mind when
discussing these lifestyle choices, as Weldon has been coerced in a
way, to entertain various men, during her marriage (Weldon 2002,
208
Communication interculturelle et littérature
198). In this case, recognizing her past, she does not place blame on
the women who choose to maintain connections with such industries
as pornography, she simply explains that women nowadays have a
choice, and that feminism is all about women making their own
choices, rather than being told what to do. She does not play victim,
acknowledging that she has made her choices, and is reconciled with
her past. As Richard Eder explains, “You hesitate to label ’’Auto da
Fay’’ – a virtuoso triple pun on inquisitorial self-punishment – as her
first venture at memoir because so much of its material shows up as
roots for her novels. So do the wit, the shrewdly disconcerting
marksmanship, the refusal to engage herself even with herself.” (Eder
2003). Richard Eder points out that many of the events found in
Weldon’s Autobiography can be found already in her fiction, even
though they are not blatantly explained. He praises Auto da Fay,
recognizing Weldon’s wit and detachment, and implies that the
autobiography is not a penance-style type of writing, but rather
Weldon’s life story, a reflection of her fiction.
Due to the fact that she prefers to speak and write about concrete
subjects such as pornography or adultery, suicide and rape, Weldon is
constantly being criticized for her statements. In an interview, Weldon
has stated that “rape actually isn’t the worst thing that can happen to a
woman if you’re safe, alive and unmarked after the event” (Weldon
1998). Her statement has been attacked by women working with rape
victims. What Fay Weldon actually meant was that one incident in the
life of a person should not influence the course of that person’s life.
Weldon goes on to explain that "Defining it as some peculiarly awful
crime may even be counter-productive. I’d like to see it defused for
women and deglamorised for men by returning it to the category of
aggravated assault" (Weldon 1998). Weldon mentions that labeling
the people who experienced such things is counter-productive, and
insists that instead of focusing on defining the experience, people
would better spend their time otherwise.
Fay Weldon has tried to stay away from labeling and defining as
much as she could, having spent her life by trying to not fit in. In her
autobiography, Weldon mentions the case of Assia Weevil and Sylvia
Plath, two women who have committed suicide, because they felt
dissatisfied with their love lives. As Rogers explains, “The result,
according to Fay Weldon, was two dead women and a dead unborn
child. Only she hasn’t done. Lacking a sense of the ridiculous, she
uses what she calls ’these seminal events’ to preach a hair – raising
Exil şi interferenţe culturale
209
little feminist sermon” (Rogers 2002). Weldon’s critique of gender
roles is a prevalent theme in her novels; however, she does not
chastise women for their lifestyle choices, she merely presents her
characters and lets the reader decide what to make of them. It is in this
way that Weldon expresses her views that women do not need to focus
on their love lives in a destructive manner, and they should not feel
discouraged by a failure in the romance department. She has kept true
to this idea, focusing on the positive aspects of her life, even when her
marriages fell apart. However, she feels grateful that such tragedies as
Sylvia Plath’s will not happen again, as times have changed and
women have become empowered.
Weldon’s autobiography, Auto da Fay, reproduces the patterns in
her life, bringing to light new interpretations of Weldon’s fiction.
Weldon is self-conscious, and helps the reader understand more about
her female protagonists, by evoking memories from her personal
experience. As Burroway explains,
Though she announces at the beginning of ’’Auto da Fay’’ that she’s
looking for the patterns of her own experience (and finds them), she’s a
woman so ’’rooted in the carnal and instinctive world’’ that she can
hardly bend her life-so-far to a single narrative arc. […] Herself-asheroine is multifaceted, nuanced and self-judging. Although, like many
memoirists, Weldon ends her book just at the point when her career is
about to take hold, her story of a lost girl on her way to finding herself
winds up having heft as well as lift [Burroway 2003].
Weldon’s autobiography manages to capture various instances in
Weldon’s life as a young woman, as a writer, as a mother and as a
feminist. Thus, it is difficult to capture only one side of Fay Weldon,
however, the background provided in the memoir helps readers better
understand Weldon as a whole. The irony and wit which have
characterized her fiction are also found in her memoir, allowing the
reader to discover her story, thus revealing the background for her
fiction.
Fay Weldon presents her journey as a young woman objectively,
even going so far as to narrate certain chapters in the third person,
making the reader feel as though he is reading a work of fiction, rather
than a memoir. Her witticism and sense of humor have allowed
Weldon to confess to various episodes which reveal her views
regarding feminism and the role of women in the social construct. Fay
Weldon helps women by providing both positive and negative
210
Communication interculturelle et littérature
examples of protagonists, encouraging women to construct their own
values of female identity.
References
Burroway, J., Auto Don’t Call Her Franklin, The New York Times, 29 June
2003,
at
http://www.nytimes.com/2003/06/29/books/don-t-call-herfranklin.html, retrieved April 10th, 2014
Eder, R., BOOKS OF THE TIMES; Writing Off a Past to Write Freely of a
Future, The New York Times, 4 June 2003, at
http://www.nytimes.com/2003/06/04/books/books-of-the-times-writingoff-a-past-to-write-freely-of-a-future.html, retrieved April 10th, 2014.
Rogers, B., Believe it or not, but it bowls along, The Spectator, 25 May 2002,
at http://archive.spectator.co.uk/article/25th-may-2002/51/believe-it-ornot-but-it-bowls-along, retrieved April 10th, 2014.
Saner, E., I’m the only feminist there is – the others are all out of step, The
Guardian, 22 August 2009, at http://www.theguardian.com/the
guardian/2009/aug/22/fay-weldon-interview-saturday, retrieved April
10th, 2014.
Vyhnálek, P., The evolution of Feminist Ideas in Selected Novels by Fay
Weldon, 2011.
Weldon, F., Auto da Fay, Harper Collins Publishers, London, 2002.
Weldon, F., Rape isn’t the worst thing that can happen”, BBC News, 30 June
1998, at http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/122813.stm, retrieved April
10th, 2014.
Varia
211
Varia
212
Communication interculturelle et littérature
Image de la femme dans les lettres d’amour de
Leonid Dimov
Alina Ioana Bako
Résumé : Leonid Dimov, l’un des représentants du groupe onirique, propose
dans ses textes épistolaires une image onirique de la femme. Notre essai se
propose de présenter comment l’imaginaire s’articulé autour de l’image de
la femme, découvrir les noyaux par lesquels à cette époque-là se constituent
les relations humaines, soumises à une censure extérieure assez brutale,
constitué par le régime politique. La femme aimée devient le prétexte pour
une confession et en même temps une guérison de son âme de souffrances
profondes.
Mots-clés : image, femme, onirique, épistolaire, discours.
Je me rends compte que mon rêve blanc ne peut pas
être à coté de tes rêves multicolores et illimités et
pourtant mon amour est multicolore et illimité. Peutêtre je pourrai réaliser tes rêves colorés. Peut-être
tu pourras le faire toi-même.1 (Leonid Dimov)
Les textes épistolaires de Leonid Dimov ont
apparu en volume en 2003, dans une édition critique et avec une
préface de Corin Braga sous le titre Lettres d’amour (1943-1954)2.
L’écriture du poète onirique s’articule autour de cette quête de soi, en
s’appuyant sur l’image reconstruite de la femme aimée. On découvre
un Dimov angoissé, qui cherche par la communication épistolaire avec
sa bien-aimée qui deviendra ensuite sa femme, une manière
d’échapper aux ombres de son passé. La sincérité, l’altruisme et le
besoin de se confesser sont évidentes dans les textes, parfois naïfs,
parfois pleins de la sagesse ou de la volupté d’un jeune homme
énamouré. L’image de la femme se constitue des observations
critiques, parfois enthousiastes, parfois tristes et désespérés, une
image construite des morceaux de mots, des fragments de la mémoire
individuelle.
Varia
213
Leonid Dimov est un des fondateurs du groupe onirique, près de
Dumitru Tspepeneg, et son écriture épistolaire devient tributaire à ce
mouvement de la deuxième moitié du XXème siècle. Les oniristes
roumains se détachent de la théorie freudienne du rêve, à la recherche
d’un ferment de l’imagination, assez fort qu’il puisse ressusciter la
littérature roumaine en proie d’une période sombre de réalisme
socialiste. Mais, de ce point de vue, l’image onirique proposée par
ceux qui se sont auto-intitulés „Le Groupe onirique”, est analysée
comme une réalité analogue à la réalité concrète.
Le rêve est analysé par sa référence à la réalité, car il ne s’agit pas
du rêve de la nuit, comme phénomène biologique, qui peut être
psychanalysé, mais, d’une réalité qui est rêvée. Leur littérature
appartient, donc, à la réalité et elle a comme critère de la structure le
rêve : « l’objet de la littérature onirique n’est pas le rêve, ou mieux dit,
n’est pas exclusivement le rêve, mais toute la réalité dont le rêve est
une assez importante et étrange partie. »3 [Dimov, Tsepeneag, 2003 :314].
Le texte épistolaire contient un genre de discours qui est variable
en fonction des représentations collectifs de l’époque, un devenant un
champ de bataille pour des idées sociales, politiques, pour observer les
mœurs du temps et même les relations interhumaines. La lettre devient
donc une sorte de texte subversive qui avoue les convictions les plus
intimes, les plus proches de la structure de la pensée et de l’âme de
l’écrivain. La présence explicite du destinataire, pas comme dans les
œuvres littéraires qui s’adressent au grand public, pourrait être
considérée une sorte d’obstacle pour la spontanéité nécessaire au
domaine de l’intimité.
Dans les textes de Dimov le destinataire est explicitement souligné,
la femme aimée, Lucia. Partout, la situation matérielle devient raison
de souffrance. « Et puis je n’ai aucune rôle dans la société. Je ne
pourrais pas t’offrir des fortunes avec l’amour que j’ai pour toi ».4
[Dimov, 2003:104]. Comme on pourrait constater, la condition sociale
humble de l’écrivain renvoie à une amertume de l’amour qu’il a pour
Lucia. Le discours est sincère, un essai de nettoyer les misères de la
société et de sa condition familiale. En suivant la biographie de Dimov
on constate une absence ressentie profondément de son père et une
honte envers son origine sous la famille de juifs de son père. Ce sont
les deux fils rouges qui sont décelable partout dans les textes étudiés.
Le motif de sa condition pauvre revient dans ses lettres vers Lucia :
« Je suis trop pauvre pour toi. Et je suis malheureux car tout le monde
l’a observé. Tu m’as dit que les tiens me considèrent une sorte de
214
Communication interculturelle et littérature
gueux, qui ne te mérite pas. Toi même, tu m’as dit qu’il n’y a rien à
apprécier sur moi, puisque je ne suis pas capable d’acheter pour toi un
mètre d’étoffe. » [Dimov, 2003:203]5. Le jeune Dimov ressent une
descente parmi les choses réelles de la vie, car qu delà de son amour
pour Lucia, le social devient l’élément qui contraint et qui établi les
échelles dans la société. L’adressage est simple dans quelques lettres,
mais ensuite les mots sont enveloppés dans une sorte de métaphore
onirique. Le geste est calculé et il compte sur l’effet que les mots
puissent produire dans l’âme de la femme. Il est très intéressant à voir
comme on peut réaliser le portrait d’une femme des lettres que son
amant lui adresse. Dans un texte non-daté Dimov avoue : « J’aimais
notre amour, toutefois je l’ai tué sans pitié. Tu l’as étranglée avec la
corde humide de l’argent et moi je lui ai donné un coup de couteau en
acier de la volupté » [Dimov, 2003:207]6. Les deux faiblesses de deux
âmes sont ouvertement présenté: l’argent et la volupté. Il s’agit donc
d’une tonalité dure, qui laisse une impression d’objectivité, mais qui
devient seulement une formule d’accuser et de souligné la différence
entre les deux êtres humaines. Le discours est très acide et ironique
parfois, surtout qu’il parle sur les sentiments qui s’entremêlent avec
les problèmes matériaux. « Au dernier point je dois t’avouer que j’ai
été attristé par ta croyance que les lignes que tu m’as écrit pourrait être
une occasion d’ironie pour moi » [Dimov, 2003:119]7. Le réel et
l’imaginaire deviennent les deux représentations du discours
épistolaire. Dans ces textes mêmes la préférence pour l’utilisation des
images oniriques est fréquente.
L’image que les oniriques proposent a certains traits: « une
consistance déterminée, voilà le trait essentiel de l’image onirique.
Issue d’un chaos ad-hoc, elle est surprise au moment même de la
coagulation et déclenchée dans le prochain monde onirique comme
une potence variable. La variation et la trajectoire de cette potence
sont déterminées par un créateur adéquat à une législation constitué
dans un clin d’œil qui précède l’acte de la création. Mais ce n’est pas
un clin d’œil d’inspiration, de transe, d’automatisme, mais de la plus
grande lucidité, une sorte d’auréole totale justifiée par son sens même
dans l’œuvre. « Et il est très douloureux pour moi de savoir que je ne
peux pas t’éloigner par rien de ton chemin boue et sans finalité. Parce
que tu es une bourgeoise, Lucia....» ou « Il reste dans ton être une
sorte de délicatesse, de naïveté, de noblesse illimitée. Parfois on sent
ce parfum aristocrate de toi. Mais, plusieurs fois il est couvert par la
forte odeur de la terre travaillée de ta bourgeoisie. »8 [Dimov,
Varia
215
2003:226]. Il découvre cette penché vers le matériel qui ne correspond
à son monde de rêve.
Les textes deviennent ainsi parties de la création onirique, comme
celle picturale aussi, c’est pas un calque, le tournage d’un rêve (on
sera alors face à un naturalisme à rebours), mais au contraire,
l’investigation de l’image réelle par cette force réactive spécifique au
rêve, pour être utilisée comme instrument d’investigation jusqu’au
moment de la situation (mise en place) – conforme, dirai-je, à une
législation au bon gré de l’auteur, dans un groupe syntagmatique
destiné à générer en réalité un état de rêve pour le lecteur. A la fin,
c’est une raison suffisante, mais qui ne la rendra pas différente des
autres manières de créer, qui désirent la délectation ou influencer le
lecteur”.9 [Dimov, Tsepeneag, 2003 : 316].
La femme – morceau de rêve
L’image de la femme aimée est constituée aussi des fragments des
rêves, des morceaux qui renvoient à l’imaginaire poétique de plus tard
qui offre une vision moderne sur le texte : « Et au milieu, l’image de
ton visage souriait drôle, comme un signe. J’ai tendu les bras et je suis
parti. Mais tu voulais échapper, mais en m’appelant par des signés
cachés. Je t’ai suivi sans cesse, tes jambes blanches, je montais des
escaliers roses que mes pas tardifs frappaient. »10 [Dimov, 2003:108].
Ce sont des fragments de rêve qui renvoient à la construction des
mondes des objets de la réalité. La liaison à la réalité est d’autant plus
active que l’écriture épistolaire inclue un degré très élevé de
concordance envers le réel et son rapport à l’écrivain. Les fragments
de rêve qui sont racontés dans les textes épistolaires décrivent un
monde qui mélange l’image fabriqué et l’image modèle. « Au milieu,
grisâtre, en brillant tantôt fauve, tantôt rougeâtre, une grande cloche
était sur le point de rire. ( …) Q peine j’entends des bruits sourdes, le
chiens aboient tristement et moi, je ne sais pas comment j’ai osé te
dire que je ne t’aime plus, puisque je t’aime plus fortement que
jamais. »11 [Dimov, 2003:109].
L’acte de la création de l’image onirique est une genèse lucide du
texte. Le créateur n’est pas inspiré, tombé en transes, dominé par
l’automatisme, mais parfaitement lucide, il transfère le mécanisme du
rêve dans le texte intime. Ce qui est important c’est l’investigation „de
l’image réelle” par „la force du rêve” parce que c’est ainsi que la
216
Communication interculturelle et littérature
réalité peut laisser échapper les objets sui generis qui y sont intégrés
comme dans ce fragment de texte : « Et pareil à toutes les images,
depuis longtemps au coin de votre bouche surgissait un sourire. Et ce
sourire, rien de plus beau. Et même quand il s’effaçait de votre visage,
il restait dans ma mémoire, tel un lys peint sur des vitraux bleus,
comme un coin de paradis, dans des amas de toundra »12 [Dimov,
2003:110]. Le mélange du sourire de la bien aimée et les éléments
architecturaux d’une sorte de cathédrale qui renvoie à l’origine
nobiliaire de la femme créent un peinture onirique qui est soumise aux
lois de l’âme.
Il faut souligner, en suivant les idées de Dimov dans le Préambule,
que l’onirique « N’est pas une manière d’échapper à la réalité, mais,
au contraire, une possibilité de l’envahir, de pénétrer dans son
squelette, là où le monde sensible est remplacé par son hypostase
antérieure, de force »13 [Dimov, Tsepeneag, 2003 :120]. Le
mouvement n’est pas extérieur, comme dans le cas des écrivains
romantiques. C’est un retournement vers l’essence des choses, vers la
chose en elle-même. L’univers réel est la source qui détermine sa
transformation dans des séries de plus en plus éloignées des
apparences, donc des images onirique : « Lucia, j’aime encore dire ton
nom. Mais ton nom n’est plus le tien. C’est le nom d’une phantome
qui ne vit que dans le reve. Et les reves sont tellement étranges, et leur
monde et si multicolore qu’il me semble que parfois je suis content
que je t’aime en reve. »14 [Dimov, 2003:207]
Les objets existent par eux-mêmes, car les plus importantes sont
« l’autocréation,
l’automorphisme,
l’intercommunication,
la
connexion et la trombe onirique »15 [Dimov, Tsepeneag, 2003:221].
Les phénomènes et les objets deviennent les éléments composants
d’un autre monde, qui n’est pas successif, mais simultané. Ils naissent
les uns les autres dans un processus continu, qui est répété en suivant
les phases du rêve lucide. Le poète, même s’il essaie des délices
démiurgiques16 [Dimov, Tsepeneag, 2003:128], par le pouvoir
apparent de créer et recréer des univers, il est détruit comme
Pygmalion par sa propre création. Il est „effiloché” par la
communication qu’il établit avec la réalité, par le transfert d’énergie
inconsciente.
Les descendances littéraires qui seront avoués plus tard
apparaissent aussi dans cet espace de l’écriture épistolaire : « Une fois,
tu m’as dit que je ne peux pas être russe, parce que je n’aime pas
comme les russes. (...) Il est difficile de te dire de tel choses, mais si je
Varia
217
ne te les dis pas à toi, je crèverai »17 [Dimov, 2003:112]. En suivant
une idée de Dostoïevski18, pour Dimov l’éternité est pareille à une
salle de bain des paysans. L’éternité en soi est une globalité qui ne
comprend pas l’être humain, qui lui donne seulement la nostalgie de
l’absolu, le désir de rêver. Pour lui, l’éternité manque des qualités
supérieures, c’est un taudis pour lequel il ne vaut pas la peine de
gâcher son existence. L’enjeu de l’art onirique est de renoncer à
jongler avec les grandes théories philosophiques, en se retournant dans
l’espace familier de l’existence.
La femme muse
Il est évident dans les textes analysés que l’image de la femme se
constitue par rapport à la création et à la sensibilité poétique de Leonid
Dimov. « Et je ne veux pas te faire découvrir dans des mots malins les
secrets que je garde dans mon âme, mais je me console si je pouvais
une fois appuyer auprès de ton sein ma tête tourmentée par des rêves
étranges et te dire toute la douleur de ces rêves que tu connais, peutêtre, mais tu ne les as jamais clarifiés, j’en suis certain. » 19 [Dimov,
2003:118]. Le besoin de confession ressort de la confiance dans la
femme aimé, de la certitude qu’elle pourra partager les idées et les
sentiments. Toutefois, on observe une incompatibilité entre la pensée
de la femme et les mots du poète. Elle ne connaitra jamais les secrets
du jeune homme, car elle est sa muse et son idéal : « Lucia, tu te
plaindras une fois que tu ne m’as inspiré aucune poésie. Une chose
fausse que je démentis maintenant. Je te dédierai, chaque jour, une sur
un cycle de 12 poésie intitulées suggestif ? – Des heures passées »20
[Dimov, 2003:113].
Ses traits son décelables seulement par l’attitude du moi
épistolaire. Il essaie de retracer les détails d’une femme que son amour
rend idéale. Il s’agit d’une lucidité qui frappe en même temps avec le
sentiment. « La conscience claire et le cœur purifié par la douleur, je
ne me gêne pas à te dire que tu es apparue, de la première vue
profonde, comme un symbole de l’existence et comme un sens de la
mort » 21 [Dimov, 2003:116]. Les images du romantisme précèdent
les images oniriques telles que définies par Tsepeneag car « les
images poétiques (il n’est pas important si elles apparaissent en vers
ou en prose), les images imaginées ou rêvées sont pour les
romantiques plus réelles que les images réelles »22 [Dimov,
218
Communication interculturelle et littérature
Tsepeneag, 2003:74]. Mais l’onirisme qu’il théorise est « esthétique,
catégorie dans laquelle le rêve n’est pas plus un moyen artistique de
moraliser, ou une source de révélations métaphysiques ou une
méthode scientifique de défoulement par art; mais un critère, un terme
limite de comparaison ou, comme dirait Dimov, une suggestion de
législation pour un art indépendant mais analogue à la réalité. »
[Dimov, Tsepeneag, 2003:117]. Donc l’onirique esthétique propose
comme manière de création un art indépendant mais qui soit une autre
réalité. Le plus important c’est que le rêve est une „construction
logique”23 et non pas un hasard, parce qu’elle se réalise en s’appuyant
sur des lois crées par l’artiste-même. Pour justifier cette manière de
création et le choix du rêve comme critère essentiel, le critique
roumain Laurentiu Ulici affirmait que « le moi artistique trouve la
matière dans un moi empirique du rêve ».24 [Dimov, Tsepeneag, 2003
:120].
L’image onirique détermine une autoanalyse consciente de
l’illimité de l’espace et du temps et des plusieurs libertés offertes par
le monde du rêve. Donc, la liaison qu’on peut établir entre l’onirisme
roumain et le romantisme et le surréalisme européen peut être
analysée de la perspective du rêve comme liant entre les trois, mais
aussi de celle de la manière dont le réel est structuré et aussi du critère
qu’elle représente, le modèle : « Nous ne rêvions pas, nous
produisions des rêves ». Mais comme pour Starobinski, « l’image
s’impose d’une sorte de spontanéité, d’autonomie, éclairé d’une
lumière qu’on ne peut pas refuser »25. [Starobinski 2004 : 34].
Dans une autre lettre il écrit : « J’ai peur que nous ne puissions pas
arriver dans les territoires que nous avons revé.26 » [Dimov,
2003:197] Pour les oniriques « au debout il y avait le rêve » comme
avouait Dimov. Pour eux, le rêve est le modèle législatif de
l’organisation des images. Le rêve, même s’il n’aide pas à la
découverte des sens fondamentaux, il ajoute aux faits réels de la magie
et de l’intercommunication. La création onirique suppose une mise-en
scène, une manière d’essentialiser les images. La structuration des
images obtenues de l’inconscient et de la réalité est faite d’après le
modèle du rêve. De même que Amphion, Leonid Dimov est hanté par
l’obsession de construire de « bois, des papiers, des teintures », dans
un espace comprimé « ma chambre c’est un œuf profond » (Au bord
du Styx).
Les composants du rêve des oniriques esthétiques représentent un
amalgame d’éléments : le mélange du rêve romantique, la fascination
Varia
219
pour créer une nouvelle réalité, la structure empruntée de Valéry et la
simultanéité d’André Breton, le texte s’écrivant au fur et à mesure
qu’on le lit. Par le rêve, le monde se transforme brusquement, sous
nos yeux s’intériorise, il devient un rêve. Et ce rêve exclut les
divisions imposés par l’extérieur, car l’individuel ne (sic) se trouve
pas dans la structure de masque du moi empirique, mais sans masque,
essentiel. Le désir des oniristes a été de faire une poésie qui résolve la
crise du langage. C’est pour cela qu’ils ont tenté de définir une image
onirique qui se forme à partir de la réalité, mais qui n’utilise que les
objets de la réalité parce qu’ils (sic) sont transposés au monde du rêve.
Le moi épistolaire onirique cherche « dans le rêve la structure et le
mécanisme pour les transférer analogiquement dans la poésie, en
utilisant le matériel des images offert par la réalité. »27 [Tsepeneag,
1970 :10].
De même que la poésie, l’écriture épistolaire est étroitement liée au
rêve et, à un moment donné, au délire grâce auxquels elle échappe à la
métaphysique car la vérité onirique et trop lié au secret de chaque
individu pour pouvoir le réduire à quelques catégories ou lois28.
L’image onirique telle qu’elle est conçue par le groupe oniriste ne
ressemble guère à la réalité quotidienne même si elle en emprunte ses
objets. « Le rêve nous fournit donc les images et les lois qui les
structurent. On ne peut pas utiliser seulement le matériel des images
en ignorant la structure; et cela pour un (sic) vague espoir
d’authenticité »29. Et dans le texte épistolaire, l’authenticité se
retrouve dans les sentiments : « Entre nos âmes se trouve la haie des
frustrations et de la doute, que je ne doute que le temps le rendra
pourrir, si quelque tempête ne l’abattra pas au sol »30 [Dimov,
2003:119].
La femme peinture
De même que sa poésie, l’écriture épistolaire de Leonid Dimov
parle sur la force visuelle des mots en suivant les lois oniriques. Dans
une interview Dimov affirmait : « Je me suis toujours considéré un
peintre raté. En tant que poète, j’ai parfois écrit en suivant des
peintures »31, en mettant son création sous le signe de la picturalité.
On analysera les points de convergence à la peinture surréaliste et les
poésies-peintures crées par Dimov. Les oniriques appréciaient la
peinture surréaliste parce que, au delà des images qu’elle crée, elle
220
Communication interculturelle et littérature
garde le plus important élément: la structure. La formule de Horace
« Ut pictura poesis ! » est adoptée par le groupe onirique, qui
reconnait en elle, l’individualité. Tsepeneag se demandait: « Où est le
dictée automate chez Magritte, chez Chirico ? Même Dali, qui misait
le plus sur l’in congruence, il est obligé de choisir, de décider
plastiquement. Qu’il organise l’espace de la peinture d’après les lois
combinés du rêve et de la peinture. » 32 [Dimov, Tsepeneag,
2003:322]. Les oniriques promouvaient la structure, le côté esthétique
de l’acte de création. Voici un fragment d’une lettre en vers qui se
forme sur le principe de la vision esthétique :
Et je me suis donné à un autre être.Aux cheveux châtains, pas gris.
Aux yeux marron, pas gris.
Au nez retrousse pas droit.
Au corps harmonique et maigre
Aux cuisses voluptueuses et sveltes d’un coup
Et cet être avait l’âme bâtis ainsi:
Tourmenté pas des nostalgies cachés.
Souhaitant de l’amour vierge et saint en même temps
Penché vers les plus sales liaisons d’amour
Bâtisseur de beaux rêves et chers en même temps
Vivant des réalités hideuses et salées de boue
Fier du pouvoir de tes charmes et, en même temps,
Humble devant les demandes cruelles du sang.
Tourmenté par le mal qu’il fait aux autres, et en même temps
Goutant avec un plaisir dégoutant de percer avec un
couteau dans des blessures ouvertes toujours.33 [Dimov, 2003:122].
Il s’agit d’une série d’antonymies qui renvoient à la structure duale
du moi épistolaire, mais qui trouve son correspondant dans la dualité
de l’être aimée. Lucia, elle aussi, n’est qu’un mélange de bien et mal,
de lumière et boue. En bâtissant un monde de rêves, il crée une réalité
propre, mais qui contient les signes de cette réalité primaire. Mais
qu’est-ce le monde ? Heidegger voyait le monde qui « n’est pas un
simple assemblage des choses données, dénombrables et non
dénombrables, connues et inconnues. Un monde, ce n’est plus un
cadre figuré qu’on ajoutera à la somme des étant donnés. Un monde
s’ordonne en monde (die Welt weltet), il est davantage que le palpable
et le préhensible où nous nous croyons chez nous. Un monde n’est
jamais un objet qui se tient là devant nous, mais le toujours inobjectif
auquel nous sommes assujettis, aussi longtemps que les voies de la
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221
naissance et de la mort, de la grâce et de la malédiction nous
maintiennent dans l’éclaircie de l’être »34 [Heidegger, 1962 :34].
On peut observer la déception du jeune homme devant la froideur
de l’amante : « Au lieu de trouver un esprit qui voie la profondeur de
mon amour, j’ai trouvé un sorte de mécanisme d’horloge qui qualifie
cet amour comme un jeu d’enfants folâtres. »35 [Dimov, 2003:123].
La profondeur des sentiments de l’homme se heurte à la matérialité de
la pensée de la femme. Elle ressemble au mécanisme inéluctable d’un
horloge qui éloigne toute composante ludique : « le respect pour la
grande et éternelle féminité qui se trouve dans votre esprit Lucia, et
que seulement moi j’ai su découvrir et aimer, et que seulement moi je
le verrai soi s’il était en rêve, que j’aimerai pour toujours, pour cette
grande et éternelle féminité, je t’ai fait découvrir tous les secrets et je
t’ai promis que je viendrais tel un Mésie – ne ris pas – pour t’en sortir
du bourbier ou tu tomberas soit tu deviendras le jouet du gout pervertit
de quelques aristocrates, soit tu deviendras la cuisinière, l’amante, la
mère des enfants d’un bourgeois ventru et malodorant »36 [Dimov,
2003:124]. L’âme d’un jeune homme énamouré devient une sorte
d’instrument de vengeance envers les possibles touches avec le monde
immonde. Les visions renvoient à un possible chute de la pureté
féminine dans la saleté d’une vie près de la matérialité. La réponse est
dure et très sincère : « tu me parles d’une sainte vierge, qui m’aimerait
secrètement, mais tu sais très bien que je suis trop compliqué pour être
aimé par une telle imbécile Margarèthe. »37 [Dimov, 2003:125]. Il
s’agit bien sûr de la référence à l’œuvre de Goethe, Faust; toujours
comme symbole de l’amour qui puisse sauver l’âme humain. Dans la
vision de Dimov, l’amour implique les etres qui ont la même structure
spirituelle « compliquée ».
La femme promesse
Dans cette dernière partie de notre essai il s’agit de découvrir une
représentation de la femme complète qui contient aussi le mal et le
bien, la délicatesse et le pouvoir. L’amour est complet au moment ou
l’amour le rend meilleur : « j’ai trop d’humain de ton âme dans mon
âme. J’ai trop de beauté de ton corps dans mon sang »38 [Dimov,
2003:125]. Cet amalgame du concret et de l’abstract, du sentiment et
de la chair, de l’amour du corps et de l’âme de la femme sont les
coordonnées de l’ensemble de l’écriture épistolaire. L’abondance des
222
Communication interculturelle et littérature
images oniriques est constituée autour des noyaux qui comprennent
des mondes qui s’entremêlent soigneusement et où les limites des
objets s’effacent. On identifie des fragments, les espaces deviennent
cohérentes, les surfaces évoluent de l’horizontalité vers la verticalité :
« A quel point je voudrai te faire du mal. Te défaire dans des pièces et
ensuite te récréer encore une fois »39 [Dimov, 2003:128]. Si le poète
onirique défait le monde pour le reconstruire ensuite d’après sa propre
volonté, le moi épistolaire défait la femme dans un processus ludique
pour la créer encore une foi pour soi même. Cette force de création,
représentation presque démiurgique devient parfois délicate :
« J’aimerais t’écrire quelque chose de chétif et délicat comme une
danse indien ou comme le sourire d’un idiot qui se trouve devant un
homme qui l’accable »40 [Dimov, 2003:148]. Cette supériorité de
l’amour envers la rationalité réalise un discours fin, chargé du
sentimentalise d’un jeune homme qui vit le premier amour d’une forte
intensité.
Mais la structure du horizon dimovien s’ordonne sur une
perception de l’espace, la conscience intime d’un temps, l’autre que
celui réel et l’intersubjectivité. La dynamique change : de l’extérieur,
brusquement on passe vers l’intérieur, le moi épistolaire se trouvant
dans un espace en miniature qui constitue l’essence des choses. Pour
lui, le symbolisme ascensionne est perdu et il reste seulement l’image
du vol, le sentiment du diaphane dans ce qu’on peut nommer, en
utilisant un terme de E. Fink, « dé-présentation »41 [Fink, 1976:38], le
temps réel étant éliminé et à sa place restant une forme qui comprenne
toutes les situations possibles : « Le monde? Un gribouillage de dada.
Moi? Peu que toi. Toi? Je ne peut pas te définir en mots. Il est très
difficile pour moi de te réduire aux confins de la pensée. Tu es en
entière image. Et moi; je ne suis pas habitué à parler par images. Si au
moins je pourrais peindre! Mais tout n’est qu’une faible espoir. La
peinture, à elles aussi lui manquent beaucoup de choses, comme par
exemple le mouvement »42 [Dimov, 2003:246].
Moins créateur des textes épistolaires, à cause de la charge intime
de l’écriture, mais Poète, Dimov ne peut que jouer aux choses, aux
mots et aux êtres qui sont à sa portée. Tel le bouffon du roi, il essaie
de transformer l’angoisse devant l’existence dans un jeu sans fin. Il ne
fait pas partie de la catégorie des poètes qui écrivent de la poésie
métaphysique, mais il aime jouer pour détourner l’attention, pour se
situer dans la réalité onirique et son attitude vers l’amour et l’être aimé
devient une sorte de prétexte pour exercer son style.
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223
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Notes
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Și visul meu alb, îmi dau seama, nu poate sta alături de visele tale
multicolore și nețărmurite. și totuși iubirea mea e multicoloră și
nețărmurită. Poate voi putea să îți îndeplinesc visurile tale colorate. Poate
le vei împlini tu singură.” Leonid Dimov, Scrisori de dragoste (19431954), Iași, Polirom, 2003, p. 222.
Leonid Dimov, Scrisori de dragoste (1943-1954), Iași, Polirom, 2003.
Leonid Dimov, Dumitru Țepeneag, Onirismul estetic, București, Editura
Curtea Veche, 2007, p. 314.
„Şi apoi eu nu fac niciun rol în viaţa socială. Nu ţi-aş putea făuri o situaţie
demnă de iubirea ce o am pentru tine.”
„Sunt prea sărac pentru tine. Si sunt foarte nefericit că acest lucru a fost
observat de toți. Mi-ai spus că ai tăi mă consideră ca pe un coate-goale,
nevrednic de a se ridica până la tine. Mi-ai spus că tu însăți n-ai ce prețui
la mine, de vreme ce nici măcar un metru de stofă nu sunt în stare să îți
cumpăr” Leonid Dimov, op. cit., p. 203
„Mi-era dragă iubirea noastră și am ucis-o fără milă. Tu ai sugrumat-o cu
frânghia umedă a aurului și eu i-am vârât până în prăsele pumnalul de
oțel al voluptății.” Leonid Dimov, op. cit., p. 207.
„La un ultim punct trebuie să îți mărturisesc că m-a mâhnit tare credința
ta că rândurile ce mi le-ai scris ar putea fi prilej de ironie pentru mine.”
Leonid Dimov, op. cit., p.119.
„Și e nespus de dureros pentru mine să știu că nu pot să te abat cu nimic
din drumul tău noroios și fără țintă. Pentru că ești burgheză
Lucia”....„Stăruie în natura ta un iz de delicatețe, de naivitate, de
nemărginită noblețe. Uneori acest parfum aristocratic emană din tine. De
cele mai multe ori însă este înăbușit de mirosul puternic de pământ
desțelenit al burgheziei din tine” Leonid Dimov, op. cit., p.226.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p. 316.
„Și în mijlocul lor, icoana chipului tău surâdea sprințar, ca o chemare.
Am întins brațele și am mers înainte. Dar fugeai de mine, chemându-mă
cu gesturi furișe. Te-am urmat fără răgaz, picioarele tale albe suiam trepte
trandafirii pe care le loveau sfios, pașii mei întârziați.” Leonid Dimov, op.
cit., p.108.
„În mijloc, mohorât, strălucind când arămiu, când roșu, un clopot mare
stătea gata să râdă.(...) Zgomote înăbușite de abia ajung până la mine,
câinii latră a jale și nu știu cum am îndrăznit să îți spun că nu te mai
iubesc când simt că te iubesc mai tare ca oricând.” Leonid Dimov, op.
cit., p.109.
„Și asemeni tuturor acestor imagini, de mult se zămislea în colțul gurii
voastre un surâs. Și ca surâsul acela nimic nu mi se părea mai tainic. Și ca
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surâsul acela, nimic nu mi se părea mai frumos. și chiar după ce murea pe
fața voastră, el tot mai stăruia în mintea mea, ca un crin pictat pe vitralii
albastre, ca un colț de rai, în noianuri de tundră Leonid Dimov, op. cit., p.
110.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.120.
„Lucia, încă mi-e drag să îți rostesc numele. Dar numele nu mai e al tău.
E numai numele unei fantome care nu trăiește decât în vis. și visurile sunt
atât de stranii, și lumea lor e atât de multicoloră că parcă îmi pare bine ca
am ajuns să te iubesc uneori în vis” Leonid Dimov, op. cit., p.207.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.221.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.128.
„Mi-ai spus odată că eu nu pot fi rus, deoarece nu iubesc ca un rus.(...)
Mi-e greu să-ți scriu asemenea lucruri, dar dacă ție nu ți le-oi spune, aș
plezni, fără îndoială.” Leonid Dimov, op. cit., p112.
„Et si l’éternité n’est qu’un taudis quelconque, un seul, une sorte de bain
des paysans, enfumé, avec des toiles d'araignée dans les coins de la
maison?”
„Și nu vreau să-ți dezvălui în cuvinte meșteșugite tainele ce le port în
suflet, ci mă mângâi că voi putea odată să-mi razim de sânul tău capul
chinuit de vise ciudate și să-ți spun toată durerea acestor vise pe care și tu
le cunoști poate, dar nu le-ai lămurit sunt sigur, niciodată.” Leonid
Dimov, op. cit., p.118.
„Lucia, te plângeai odată că nu mi-ai inspirat nicio poezie. Lucru
neadevărat și pe care îl dezmint acum. Îți voi încredința, în fiecare zi, câte
una dintr-un ciclu de 12 poezii intitulat sugestiv? – Ore trecute” Leonid
Dimov, op. cit., p.113.
„Cu conștiința limpede și cu inima purificată prin durere, nu mă sfiesc să
îți spun că tu mi-ai apărut, de la cea dintâi privire adâncită, ca un simbol
de existență și ca un sens al morții.” Leonid Dimov, op. cit., p.116.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.74.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.117.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p. 120.
Jean Starobinski, Portrait de l’artiste en saltimbanque, Paris, Gallimard,
2004, p.34.
„Ti-e teamă că nu vom putea ajunge în ținuturile pe care le-am visat.”
Leonid Dimov, op. cit., p.197.
Préface de Dumitru Tsepeneag pour la traduction de Albert Beguin,
L’âme romantique et le rêve, Bucureşti, Editura Univers, 1970, p.10.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p.15.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op.cit., pp.267-268.
„între sufletele noastre stă zăplazul neîmplinirilor și al îndoielii, pe care
nu mă îndoiesc că timpul îl va face să putrezească, dacă vreo furtună nu-l
va dărâma cumva la pământ.” Leonid Dimov, op. cit., p. 119.
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Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p. 307.
Leonid Dimov, Dumitru Tsepeneag, op. cit., p. 322.
„Și m-am dăruit altei ființe.
Cu părul castaniu nu gri.
Cu ochii căprui nu gri.
Cu nasul cârn nu drept.
Cu trup armonic și înalt totodată.
Cu șolduri voluptoase și zvelte totodată.
Iar această ființă avea sufletul făurit astfel:
Chinuit de doruri ascunse.
Doritor de iubire curată și sfântă, în același timp
Înclinat spre cele mai murdare legături de dragoste.
Fărurar de vise frumoase și dragi, și în același timp
Trăitor de realități hidoase și pătate de noroi.
Mândru de puterea farmecelor tale, și în același timp
Umil în fața vrerilor neînduplecate ale sângelui.
Chinuit de răul pe care îl face altora, și în același timp
Gustând cu o plăcere scârnavă în a scormoni cu cuțitul în răni încă
deschise.” Leonid Dimov, op. cit., p.122.
Martin Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, Paris, Gallimard,
1962, p.34.
„În loc să găsesc o minte care să vadă adâncimea iubirii mele, am găsit un
fel de mașină de ceasornic ce califică această iubire drept un joc de copii
nebunatici.” Leonid Dimov, op. cit., p.123.
„respect pentru marele și eternul feminin care zace în Domnia-ta Lucia,
și pe care numai eu am știut să îl văd și să-l iubesc, și pe care numai eu îl
voi vedea fie și numai în vis, și-l voi iubi întotdeauna, pentru acest mare
și etern femini eu ți-am dezvăluit toate secretele și ți-am promis că voi
veni asemeni unui Mesia – nu râde – pentru a te scoate din mocirla în care
fără doar și poate ai să cazi fie că vei ajunge jucăria gustului pervertit al
vreunor aristocrați, fie că vei ajunge bucătăreasa, concubina, mama
copiilor vreunui burghez pântecos și împuțit” Leonid Dimov, op. cit.,
p.124.
„Imi vorbești de o fecioară sfântă, care m-ar iubi în taină, dar știi prea
bine că sunt prea complicat pentru a fi iubit de o asemenea imbecilă
Margaretă” Leonid Dimov, op. cit., p.125.
„prea mi-a intrat în suflet omenescul din sufletul tău. Prea mi-a intrat în
sânge frumusețea trupului tău.” Leonid Dimov, op. cit., p.125.
„ce mult aș vrea să-ți pot face rău. Să te desfac în bucățele și apoi să te
creez din nou.” Leonid Dimov, op. cit., p.128.
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Communication interculturelle et littérature
„Aș vrea să îți scriu ceva firav și delicat ca un dans indian sau ca surâsul
unui idiot când se află în fața unui om care-l copleșește.” Leonid Dimov,
op. cit., p.148.
Eugen Fink, De la phénoménologie, Paris, Edition de Minuit, 1976, p.38.
„Lumea? Mâzgâleală de dadaist. Eu? Ceva mai puțin decât tine. Tu? Încă
nu te pot cuprinde în cuvinte. Mi-e nespus de greu să te reduc la hotarele
gândului. Tu ești în întregime imagine. Și eu nu sunt obișnuit să vorbesc
în imagini. Dacă aș putea picta! Dar totul nu e decât o sarbădă nădejde.
Pictura este și ea lipsită de multe, ca de pildă mișcarea.” Leonid Dimov,
op. cit., p.246.
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Un jurnal pieziş al tranziţiei culturale –
Dan C. Mihăilescu, Ce mi se-ntâmplă
Simona Antofi
Résumé : Le journal oblique de Dan C. Mihăilescu ne respecte pas les
pseudo-règles du diarisme – à l’exception, peut-être, de la loi de la
calendarité – et se situe, dès le début, à rebours par rapport aux motivations,
aux stratégies et à l’enjeu du journal en tant qu’option délibérément
confessionnelle. En réunissant dans son volume une partie – celle qui en met
en évidence la subjectivité – des textes publiés sous le titre Ce qui m’arrive,
le critique rédige son autoportrait avec la désinvolture de l’homme de
culture qui se sent à l’aise dans l’espace des arts, sans perdre de vue, quand
même, la dimension grave du parcours de la dictature à la démocratie.
Mots-clés : journal, je diariste, périple culturel, paséisme, conservatisme.
1. Introducere
Primit cu entuziasm de către publicul cititor, dar cu moderaţie, de
către critica de întâmpinare – foarte puţine semnalări ale volumului
intitulat Jurnal pieziş – exerciţiul pseudo-diaristic al lui Dan C.
Mihăilescu merită, în opinia noastră, atenţie. Aşa crede şi Simona
Sora care, într-un articol care surprinde atât particularităţile de
scriitură ale diaristului, cât şi plăcerea de a fi el însuşi, arată că „Dan
C. Mihăilescu este, într-adevăr, un atlet al conjuncţiei, indiferent în
cîte disjuncţii de tranziţie s-a trezit de-a lungul timpului. El e
dilematicul prin excelenţă (mai mult ca unii dintre noi), unul asumat,
organic şi vital. Cînd secţionează, el şi coagulează (cu bisturiul
electric), iar cînd ne arată fisura (prezentului), el nu se poate abţine să
n-o lipească (înalt-paseist) sub ochii noştri” [Sora, 2012].
2. Poetica jurnalului pieziş
Cunoscut iubitorilor de cultură drept omul care aduce cartea, Dan
C. Mihăilescu publică la Humanitas, în 2013, acest jurnal pieziş –
230
Communication interculturelle et littérature
atipic, botezat după rubrica începută în aprilie 2010 în revista Dilema
veche, şi abandonată în iunie 2012. Jurnalul – în răspăr cu mai toate
pseudoregulile scriiturii diaristice, aşa cum le identifică, defineşte şi
exemplifică Eugen Simion în Ficţiunea jurnalului intim [Simion,
2005], păstrează o oarecare cronologie susţinută atât de curgerea
timpului, cât mai ales de o anumită orientare şi dispunere tematică
menită să instituie câteva linii de forţă ale scriiturii şi, în egală măsură,
jaloane ale personalităţii literatului şi diaristului. Istoricul facerii
editoriale a Jurnalului pieziş – atipic şi din acest punct de vedere, este
prezentat la final, într-un Epilog în care, ca într-o căutată mise en
abyme, se reflectă intenţia pseudo-auctorială – căci ea aparţine, de
fapt, editorului: „mintea mea nu se dusese mai departe de o retipărire
cronologică a tuturor textelor. Un «Jurnal pieziş» i-aş fi zis eu, de
vreme ce, glosând în public tot ce ţi s-a întâmplat mai picant cultural
de-a lungul unei săptămâni, e ca şi când ţi-ai exhiba retortele
diaristice. Numai că, în sagacitatea sa, privirea editorului a secţionat
altfel: 44 de texte acum – şi anume cele axate pe subiectivitatea
autorului – şi alte 44 (articolele dedicate unor apariţii editoriale) altă
dată. Când va suna ceasul următorului volum din bietele mele
întâmplări, asta numai bunul Dumnezeu şi mila editorială ar putea-o
spune.” [Mihăilescu, 2012: 226].
Forţă centripetă a scriiturii, subiectivitatea autorului face din a fi
anapoda un modus vivendi şi o autodefinire insistentă, orgolioasă,
fundamental culturală – „eurocentric fascinat de umanitate, antropologie şi etnopsihologie, am luat întotdeauna călătoria prin trecut ca
un travesti al coborârii în prezent, astfel încât, pentru mine, fiecare
trecere dincolo devine o petrecere dincoace.” [Mihăilescu, 2012: 18].
De aici, la sentimentul turistic al existenţei este numai distanţa de la o
rubrică la alta. Căci, în tandem cu Măgura Vâlcii, Valea Cerbului şi
Munţii Făgăraş, frumuseţea istorică vie a Florenţei ridică sincretismul
cultural la rang de descoperire tardivă, însă cu atât mai densă în
emoţii, a „tulburătorului firesc al mariajului dintre vârstele lui Cezar,
Nero, Traian şi Giuseppe Armani. Dintre medievalitate şi Fellini,
Renaştere şi Gucci, ghelfi, ghibelini şi Franco Zeffirelli.” [Mihăilescu,
2012: 21].
Însă revenirea la matca sud-est europeană se face repede, tangajul
cultural remodelând benefic fiecare dintre cele două laturi – orientală
şi occidentală – ale periplului acestui împătimit al frumuseţii create de
mâna omului. Aşa încât pledoaria pentru un album cu Sinaia culturală
se transformă într-o excursie afectivă şi o lectură culturală ad usum
Varia
231
delphini din care spicuim: „Unde este casa lui Iorga, cu brazii seculari,
de unde l-au răpit legionarii? Unde au stat mareşalul Antonescu,
Argetoianu, Gafencu, Gigurtu, Zarifopol, C. Angelescu, Djuvara,
Delavrancea, Cămărăşescu, Eugen Cristescu, Miron Cristea,
Ghiculeştii, Cantacuzinii şi alte zeci, sute de nume (familii) de acelaşi
calibru?.” [Mihăilescu, 2012: 33].
Şi, ca o firească profesiune de credinţă, criticul reface modelul lui
Nicolae Manolescu din (pseudo)memoriile intitulate, simplu, Cititul şi
scrisul, pentru a-şi prezenta modul de viaţă, spaţiile culturale prin care
circulă, obiectele dragi, exerciţiul mental al fantazării şi toată
frumuseţea meseriei de consumator avizat de cultură – „Trăiesc de-o
viaţă din citit şi scris. Din biblioteci, arhive prăfoase, excerpte,
manuscrise, dactilograme, şpalturi, corecturi, dedicaţii. Din cronici,
recenzii, studii şi eseuri, ca şi din lene contemplativă, rumegare de
idei, boiereasca (inevitabila) ardere a gazului şi fantazare cât
cuprinde.” [Mihăilescu, 2012: 35].
Aşa se face că un periplu fascinant prin casele literare din
Bucureşti – „În blocul scriitorilor de pe Apolodor, bine reprezentat
aici, am călcat cândva, cu spaimă muzeală, în sufrageria lui Eugen
Simion, altă dată, fără să vreau, în holul Mariei Luiza Cristescu dar şi
cu niscai daraveri domestice la Laurenţiu Ulici.” [Mihăilescu, 2012:
49] – este completat de un portret al poetului Adrian Păunescu,
alcătuit din lumini şi umbre, pus sub semnul machiavelismului
cultural şi care, sub presiunea modelului est-etic, impus de Monica
Povinescu, lasă în urmă tocmai imponderabilul poetic.
Pe de altă parte, paseistul, conservatorul Dan C. Mihăilescu – aşa
cum singur se intitulează cu nemascată mândrie, încearcă reabilitarea
firească a unor concepte nedreptăţite ce converg, toate, spre o
chestiune de identitate culturală a românilor – „Folosit peiorativ,
dispreţuitor şi acuzator, termenul «paseist» s-a încărcat aproape
demonic de prejudecăţi (stângist) ideologizante tot aşa cum noţiunea
de dreapta a căpătat irepresibile valenţe extremiste, echivalată fiind
(mai întâi deliberat, sistematic, iar apoi instinctiv) cu nazismul şi
gardismul, de parcă între Marghiloman şi Himmler n-ar fi decât un
gard de nuiele.” [Mihăilescu, 2012: 72].
De altfel, jurnalul pieziş propune, oarecum în consonanţă cu
connceptul instituit de Cornel Ungureanu, o geografie culturală
vivantă, care există de multă vreme şi care aşteaptă să fie descoperită
şi în care se reunesc, drept urmare a unui periplu (aparent)
postmodern, dacă nu cumva programat întocmai prin arhitectura însăşi
232
Communication interculturelle et littérature
a jurnalului pieziş, zone culturale importante şi cu valoare de
exemplaritate identitară pentru spaţiul românesc.
În siajul acestei observaţii se înscrie şi pledoaria pentru
disponibilitatea dialogală triplu orientată – spre şcoală, cultură şi
media – evitându-se, în acest mod, scenariul distopic în care „scriitorii
se vor considera pe mai departe nedoriţi şi, deci, inutili, profesorii se
vor inhiba de tot mai multe complexe faţă de lumea artistică, elevii o
să creadă că (aşa cum, de altfel, am şi auzit) nu mai există scriitori
români în viaţă iar gazetăria culturală va ajungă să dispreţuiască de-a
binelea ambele «tabere».” [Mihăilescu, 2012: 103].
Percepţia alterităţii este întotdeauna, la Dan C. Mihăilescu, plină de
culoare: Florenţei îi stau alături Rembrandt şi Vermeer, dar mai ales
bicicletele din Amsterdam. Sau, altădată, plină de nevoită resemnare –
„Am văzut bine mersi că există şi Dincolo meschinărie şi xenofobie,
pungăşie, cinism, făţărnicie, clientelism, corupţie şi mafiotism, ne-am
simţit trataţi ca slugile, deşi plăteam aceleşi preţuri cu localnicii, pe
scurt, ne-am înţeles mai bine deopotrivă atuurile şi carenţele.”
[Mihăilescu, 2012: 121].
Ca un corolar al tuturor acestora, criticul propune nici mai mult
nici mai puţin decât, în vechea tradiţie a enciclopedismului cultural
românesc, elaborarea şi tipărirea unor sinteze care să instruiască
generaţiile tinere asupra contactului avizat cu obiectul cultural – „Cine
şi când îşi va aronda responsabilitatea unei colecţii editoriale care să le
facă tinerilor educaţia judecăţii estetice a unui tablou, a unei sculpturi,
a unei expoziţii, a unei cărţi, a unei piese de teatru, a unui concert?”
[Mihăilescu, 2012: 171] Sau – de ce nu – să se pună la cale antologii
precum: cele mai frumoase epistole ale scriitorilor români, Bucureştii
în literatură şi evocări, cele mai tari fragmente din literatura noastră
de călătorie etc.
Şi pentru că tot despre cultură este vorba atunci când, de la
Pseudokinegetikos încoace, se vorbeşte despre arta vânătorii sau
despre câinii de vânătoare, câteva Amintiri cu blană, vânătoare şi
somn alunecă, pe valurile memoriei, de la pointerul Pick la setteriţa
Dolly şi, de aici, la motanii Faifuţică, Mişu ori Marcu, membri cu
drepturi egale ai familiei. Nu lipsesc, pentru ca tabloul cultural să fie
complet, reveriile culinare reunite într-un text despre educaţia
gastronomică, „soră bună cu educaţia estetică, fizică, istorică,
religioasă, financiară, vestimentară, igienică, ş.a. (...)” [Mihăilescu,
2012: 210].
Varia
233
3. Concluzie
În cele din urmă, promiţând solemn că va reveni, eruditul
excursionist cultural îşi mai justifică o dată demersul – „sortită prin
definiţie efemerului, atunci când vizează principii şi fapte perene, ori
când depăşeşte interesul obiectiv de moment, ajungând spectacol de
personalitate, gazetăria merită scoasă din pivniţă şi urcată în
bibliotecă.” [Mihăilescu, 2012: 225].
Ceea ce redeschide calea dialogului fructuos dintre instantaneitatea
(aparentă) a scrisului gazetăresc şi longevitatea valorii culturale. Căci
„totul există pentru a deveni carte. Aboutir à un livre, cum spune
poetul.” [Mihăilescu, 2002: 210].
Bibliografie
Mihăilescu, Dan C., Interviu Mihai Măniuţiu - Regia este o meserie în care
trebuie să îmbătrîneşti ca să fii, disponibil la adresa http://agenda.liter
net.ro/articol/5196/Dan-C-Mihailescu/Interviu-Mihai-Maniutiu-Regia-est
e-o-meserie-in-care-trebuie-sa-imbatrinesti-ca-sa-fii.html - accesat la data
de 10.08.2013.
Mihăilescu, Dan C., Ce mi se-ntâmplă. Jurnal pieziş, Ed. Humanitas, 2012
Simion, Eugen, Ficţiunea jurnalului intim, vol. I-III, Ed. Univers
Enciclopedic, 2005.
Sora, Simona, „Un atlet al conjuncţiei”, în Dilema Veche, nr. 458 / 22-28,
noiembrie 2012, disponibil la adresa http://www.romaniaculturala.ro/
articol.php?cod=19458 - accesat la data de 10.08.2013.
234
Communication interculturelle et littérature
Mărturisiri ad-hoc şi ireverenţiozităţi literare –
interviurile lui Ştefan Agopian
Laurenţiu Ichim
Abstract: When read from the perspective of self-confessions, the interviews
given by Stefan Agopian, who is a writer difficult to fit within one literary
trend, generation or affiliation, reflect some poetics-related components and
creative techniques, the relationship to literary criticism, the issue of printing
and reprinting, the aesthetic pattern, that of the writer’s survival under
dictatorship, the relevance of ethics in relationship to aesthetics, the
functionality of the generational criterion in literature, as well as possible
interpretative grids met in his novels. This paper advances, therefore, an
analysis towards both writing in itself and the novelist’s equally human and
scriptural profile.
Keywords: poetics, creative process, aesthetic pattern, literary criticism.
Aşa după cum îi place să scrie, deşi recunoaşte că are gestaţia grea, lui Ştefan Agopian îi place să vorbească, în
interviuri, despre câteva teme predilecte care se pot oricând reconfigura ca istorie – şi istorisire în stil degajat, inimitabil – a devenirii
scriiturii ca marcă distinctivă şi concretizare a spaţiilor creatoare
fundamentale ale acestui autor mereu altfel şi totuşi neschimbat.
Cea dintâi chestiune pe care o abordează mai toate interviurile
analizate aici este relaţia scriiturii lui Agopian cu discursul critic,
comentată de romancierul însuşi. Sunt unele istorii literare, de pildă, şi
unii critici care fie că îl ignoră cu desăvârşire, fie nu cred în talentul şi
în vocaţia sa literară, fie îşi reeditează articole de tip critică de
întâmpinare, evitând relectura sistematică a cărţilor. I-am numit,
desigur, parafrazând observaţiile romancierului, pe Alex. Ştefănescu,
Eugen Simion şi Nicolae Manolescu.
Aparent demn şi neutru, scriitorul orgolios sancţionează deschis
absenţa lui din Istoria literaturii române contemporane.1 Răfuiala pare
a fi cuvântul de ordine: „Nu sufăr. Nu numai eu nu sunt inclus, lipsesc
câţiva mari scriitori. E opţiunea lui Alex. Ştefănescu, n-am de ce să
sufăr. Mă întreb dacă a făcut-o pentru că ani de zile îl mai luam peste
Varia
235
picior în «Academia Caţavencu» sau, pur şi simplu, nu i-au plăcut
cărţile mele? Alex. Ştefănescu a spus, însă, ceva care m-a enervat
cumplit. Îi promit că îl aştept să-l prind o dată la cotitură. El a declarat
la TVR 1, la ştiri, că nu l-a inclus pe Ştefan Agopian pentru că este un
incult care îşi acoperă incultura cu stil. Această afirmaţie este o
neconcordanţă în termeni: stilul este cultura pe care o ai.”2
Deloc indiferent la reacţiile criticii, recunoscător celor care au
identificat nota distinctivă a scriiturii sale, şi numărându-şi cronicile
favorabile sau nefavorabile, sub masca retorică a indiferenţei, Agopian
este, în realitate, foarte atent la suişurile şi coborâşurile discursului
critic, face inventarul cantitativ şi calitativ al observaţiilor care i se
aduc, înregistrează cu abia ascunsă satisfacţie elogiile, crede, cu alte
cuvinte, în vocaţia sa de scriitor. Şi pe bună dreptate „La prima carte,
Eugen Simion a zis că n-am talent, să mă las. În total, la Ziua mâniei,
am avut 3-4 cronici. Dar cu Tache de catifea mi-am scos pârleala.
Chiar râdeam cu Mircea Nedelciu, care avusese vreo 30 de cronici la
prima carte: « Lasă, mă, că te-ajung eu din urmă, stai să vezi! » Şi-am
avut norocul că m-au luat în braţe criticii tineri bănăţeni-ardeleni:
Buduca, Ţeposu, Papahagi, Mihăieş … Şi-a contat, că am mers odată
cu ei. M-au lăudat şi critici bătrâni, ca Paul Georgescu, apoi Nicolae
Manolescu.”3
Tocmai de aceea, monografia publicată de Ruxandra Ivăncescu, –
o carte bine gândită şi bine scrisă, de altfel, îi trezeşte rezerve
evidente, abia ţinute în frâu de faptul că miza este una măruntă,
aproape neglijabilă, crede scriitorul. Jocul retoric funcţionează şi aici,
Agopian eludând cu nonşalanţă stilistică sau, dimpotrivă – sincer? –
selecţia din textele sale, operată de autorii unor manuale: „N-am nici o
pretenţie. E pentru uz şcolar. M-am bucurat că Sandu Muşina m-a pus
pe listă. Oricum, nu-mi schimbă destinul monografia aceea. În
schimb, a apărut un manual la Paralela 45, e un text din care eu nu
înţeleg nimic, ce-or înţelege copiii, nu ştiu. Au ales texte critice atât de
obscure ca limbaj că m-am îngrozit.”4
Deloc neglijabilă sau neglijată, relaţia cu critica de întâmpinare îl
preocupă intens pe Agopian, atent la istoricul receptării cărţilor sale,
neuitând nicio vorbă spusă de vreun critic cu greutate, un autor
oricând dispus să relateze romanul propriei scriituri. După un debut
aproape fără ecou – dacă nu luăm în calcul punctul de vedere al lui
Eugen Simion, net defavorabil: „Eugen Simion, de exemplu, a spus că
nu am nici un pic de talent şi ar trebui să mă las de treaba asta.”5, şi
cronica elogioasă a lui Eugen Negrici, din revista Ramuri, romanul
236
Communication interculturelle et littérature
Tache de catifea – pentru mulţi o capodoperă – adună elogii. Ca şi
Tobit şi, mai apoi, Sara. Articolul laudativ al lui Paul Georgescu, la
apariţia romanului Tache de catifea şi, mai înainte, decizia lui Mircea
Ciobanu de a publica volumul au reprezentat, în fapt, actul de naştere
al romancierului.
Sunt oameni care au girat, cu autoritatea numelui lor, adevăratul
debut al lui Agopian şi cărora scriitorul le mulţumeşte discret, mereu,
aproape fără excepţie, în toate interviurile. Tot aşa cum nu-l uită,
asezonându-şi replicile cu ceva ranchiună, pe Eugen Simion. E drept
că şi criticul şaizecist fusese categoric, atunci când îi recomandase lui
Agopian să se lase de literatură, căci nu are talent. Aşa se face că,
rememorând etape ale destinului său de scriitor, Agopian joacă
talentat comedia modestiei şi pune pe seama răsunetului primelor trei
volume apărute (Ziua mâniei, Tache de catifea şi Tobit), în ecuaţia
agitată a receptării critice, succesul Manualului întâmplărilor şi îl
sancţionează, la rândul său, dur, pe Eugen Simion. „S-a spus că e o
capodoperă în primul rând pentru că mai mulţi critici îmi citiseră
celelalte trei cărţi. Manualul venea ca o încununare a tot ceea ce
publicasem până atunci şi nu le strica deloc imaginea unui autor care
citeşte «normal». Eram deja «copil cuminte», care pe măsură ce se
maturiza, le furniza criticilor argumente din ce în ce mai solide pentru
aprecierile lor anterioare referitoare la mine. Eugen Simion, care la
debut a crezut că nu voi ajunge niciodată scriitor, s-a supărat foarte
tare pe mine văzând că am făcut-o până la urmă.”6
Cu aplomb, scriitorul inventariază momentele receptării ultimului
volum, Fric, şi comentează opiniile critice evidenţiind caracterul lor
contradictoriu sau, ca într-un metacomentariu acid, deşi avizat, relativ
la punctul de vedere al lui Marian Popa, utilizează – conştient sau nu –
suficiente urme stilistice subversive şi, mai ales, efectele antifrazei
ironice, pentru a-şi discredita adversarul.
Fire de bătăuş, cum se autodefineşte, Agopian nu poate lăsa nicio
poliţă neachitată, recurge la erudiţie, la strategiile retoricii şi la
efectele piezişe de sens, ale contradicţiilor anume construite pentru a
polemiza inaparent cu un inamic pe care îşi propune să-l anihileze.
Despre reacţiile criticii la apariţia romanului Fric Agopian spune
următoarele: „A fost primit bine şi nu. Părerile au fost împărţite.
Multora nu le-au plăcut povestirile din carte. Daniel Cristea-Enache
le-a considerat «de-a dreptul pornografice». O doamnă, soţia
directorului revistei Luceafărul, a mers mai departe şi a citit toată
cartea ca pe o scriere scatologică. În aceeaşi revistă, cu o săptămână
Varia
237
înainte, un tânăr critic, Bogdan-Alexandru Stănescu, nu vedea nimic
pornografic în carte. Pentru Dan C. Mihăilescu povestirile sunt
«comerţ ieftin» şi nimic altceva. Simona Sora, în schimb, crede că
povestirile, cărora le acordă o cronică specială, sunt o încercare de
desprindere a autorului de lumea cărţilor anterioare, ceea ce este
adevărat. Unii au scris că n-am umor în povestiri, alţii că din contra,
am «un simţ al umorului foarte bine dezvoltat» (Catrinel Popa). Până
şi Marian Popa, un critic literar stabilit undeva prin Germania, a
catadicsit să-mi acorde o pagină într-o carte de interviuri recent
apărută. Marian Popa crede că Fric este o crestomaţie scrisă de un
paranoic, ceea ce este măgulitor, dacă mă gândesc cum crestomaţie
vine de la chrestos – util şi mathein – a învăţa. O «pedagogie» scrisă
de un nebun, trebuie să fie măcar o carte interesantă.”7
Demolarea criteriului eronat de receptare aplicat de Cristian Tudor
Popescu se face rapid, prin evidenţierea neputinţei de a înţelege a
acestuia: „Cristian Tudor Popescu a dat un interviu (v. Orizont, nr. 10,
din 15 octombrie a.c.) în care îşi dă cu părerea şi despre ultima mea
carte. Zice domnia sa: «Doamne, dacă aşa se face o carte, eu mă las de
proză. (...) În mod evident nu e niciun conţinut şi se afişează forma,
provocatoare. Tot felul de imagini sexuale, scabroase, obscene, greu
suportabile, care nu au nici cea mai mică justificare în economia
textului. Ele sunt puse acolo cu simpla dorinţă de a şoca. Dacă eu îi
spun că n-are niciun Dumnezeu ce el face acolo, o să-mi spună că sunt
pudibond, că sunt învechit, că sunt comunist şi reacţionez cu violenţă
la libertatea de expresie … Nu, domnule! Oi fi eu bătrân, dar ce-i
acolo e o prostie! Nu se face aşa proza!». Îmi cer scuze pentru citatul,
poate prea lung, dar e un punct de vedere al unui cititor pe care îl
bănuiesc măcar cinstit. Pe de altă parte, ce să zic?, e îmbucurător
faptul că domnul Popescu ştie cum se face proza. De altfel, nu cred că
l-a bănuit cineva că ar fi vreun Monsieur Jourdain. Ceea ce mă miră
este însă faptul că un tip inteligent nu şi-a pus nicio clipă problema că
poate eu nu fac proză. Poate că am scris un lung poem şi asta l-a
derutat pe cititorul Popescu. De altfel n-am precizat nicăieri cărui gen
aparţine Fric.”8
Problema reeditărilor reprezintă un alt punct de interes al
intervievatului şi al intervievatorilor, scriitorul definind, corect,
termenul şi aducându-i justificările necesare. Din care nu lipseşte un
abia simţit autoelogiu, căci scriitorii reeditaţi nu sunt neapărat cei care
se vând bine, ci aceia consacraţi, pe care cititorii îi gustă, şi editurile
care se respectă nu pot risca să-i piardă. Se adaugă, aici, grija
238
Communication interculturelle et littérature
scriitorului de a se menţine în actualitate şi de a se bucura de o nouă şi
proaspătă ecuaţie receptivă care include lectori avizaţi: „Şi am cititori
foarte tineri, care mă citesc. Eu cred că am puţini cititori, dar de bună
calitate. Cărţile mele plac studenţilor în primul rând. Mi-a spus
Nicolae Manolescu, acum câţiva ani, că a făcut un fel de sondaj
printre studenţi, ca să vadă ce cărţi le mai plac celor de la Litere, şi am
ieşit foarte bine.”9
Dincolo de povestea debutului întârziat – de Alexandru Paleologu,
redactor leneş al editurii Cartea românească, şi grăbit – de Mircea
Ciobanu – redactor activ, după spusa lui Agopian, al aceleiaşi edituri,
editura Polirom, prin directorul ei, Silviu Lupescu, i-a propus
prozatorului realizarea unei ediţii de Opere. De natură a consfinţi
consacrarea, astfel de ediţie echivalează cu o canonizare implicită, de
care Agopian pare să se fi temut la început. Apoi, trăieşte – în
tonalităţi stilistice minore – satisfacţia (nu prea) tardivei recunoaşteri
valorice. Şi, totodată, redeschide seria răfuielilor cu criticii –
Manolescu îl trece, în Istoria sa, la categoria scriitorilor minori – de pe
poziţii fals conciliante, recunoscute deschis şi asumate fără rezerve.
Căci, deşi aparent mulcomită, aciditatea stilului ţâşneşte realmente din
pagină. Agopian nu rămâne dator nimănui şi îşi exhibă orgoliul,
antipatiile şi idiosincraziile. „În primul rând, nu sunt prea clasic. Eu
sper să mai scriu ceva … Când mi-a propus Silviu Lupescu, directorul
de la Polirom, să apar în seria asta, m-am tot învârtit în jurul cozii şi
mi-am zis că asta-i un fel de cruce pe mormânt. Dar după aceea mi-am
adus aminte că în perioada interbelică, în seria scoasă la Fundaţiile
Regale, erau şi «Opere» ale unor scriitori în viaţă. În oglindă cu prima
întrebare, aş pune următoarea: cum te simţi ca «scriitor minor», în
«Istoria …» lui Manolescu? Mă simt foarte confortabil: «Istoria» –
mare, eu – mic, deci pot să mă mişc lejer. N-a fost nicio surpriză
pentru mine. Nicolae Manolescu a reluat pur şi simplu două articole
din anii ’80 şi nu şi-a mai revizuit poziţia de atunci. Nu-i nicio
supărare. Nu te-ai enervat? Sincer să fiu, nu. Fiindcă mă aşteptam,
ştiind ce volum de muncă are cu această «Istorie», câte slujbe are, ce
obligaţie are cu familia (fetiţă mică, nevastă tânără) – era clar că nu o
să recitească toate cărţile despre care voia să scrie. Eşti conciliant,
cum nu eşti tu de fapt … Ştii ce se întâmplă? Nu poţi să impui omului
o judecată de valoare cu sila. Asta-i părerea lui, să fie sănătos! O să
râdă fetiţa lui de el, probabil, peste 20 de ani. Nu ai orgolii de
scriitor? Atunci când cineva nu scrie despre tine cum ţi-ai dori, te
muşcă de inimă orgoliul? Nu, sunt bătătorit. Am o vârstă, am păţit de
Varia
239
toate, nu mă mai impresionează nimic. Cel mult constat că-i idiot
criticul respectiv, dar nu mă mai enervez. Evident, ca orice artist, sunt
foarte orgolios; dacă nu am fi orgolioşi, nu ne-am mânca viaţa scriind,
nu ne-am fi apucat de meseria asta ingrată. Dar repet: nu mă mai
impresionează prostia unora sau reaua voinţă. Uneori e prostie, alteori
rea voinţă, alteori superficialitate … N-au răbdare să citească cu
atenţie. Este şi cazul lui Nicolae Manolescu. Mi-a cerut toate cărţile,
iar eu, ca tâmpitul, am făcut teanc, le-am pus într-o pungă, i le-am dus,
ca apoi să constat că nu le-a deschis. Şi nu sunt singurul caz, stai
liniştit!”10.
Alte reeditări, precedând ediţia de Opere, sunt doar semnele
interesului editorial pentru cărţile sale – Sara reeditată la editura
Paideia, Manualul întâmplărilor, la Humanitas, iar Tache de catifea la
Ararat. Aceasta din urmă, cartea de suflet a romancierului, director al
ultimei edituri.
Preocupat de a-şi dirija, pe cât se poate, receptarea, şi de a face
cunoscute toate vârstele sale creatoare – pentru că este convins că
merită – Agopian trimite spre publicare lui Mircea Ciobanu, devenit
directorul editurii Eminescu, Însemnări din Sodoma. Povestiri de
tinereţe, textele reunite aici sunt anticipatorii, conţinând, in nuce, toate
temele scrierilor ulterioare. „E o treabă mai curând de … istorie
literară. Toate temele pe care le-am dezvoltat ulterior sunt acolo.
Criticii n-au avut răbdare să vadă asta şi s-au grăbit să spună că e o
carte proastă, ba chiar că am scris-o acum şi că mi-am ascuns
pierderea talentului antedatând-o”.11
Grijuliu, Agopian face şi treaba istoricilor literari şi explică de ce
nu a acceptat ca Manualul întâmplărilor să fie cartea sa de debut.
Manipulând receptarea şi discursul critic, scriitorul îşi etapizează cu
luciditate apariţiile publice, le regizează din umbră, mizând pe
anumite reacţii ale cititorilor specializaţi. „Mircea Ciobanu citise
cartea şi mi-a propus să debutez cu ea. L-am refuzat, explicându-i că-i
o carte prea bună pentru un debut şi că pe mine nu mă ştie nimeni ca
să mă susţină, de fapt să susţină cartea, şi că există riscul de a trece
neobservată”.12
Raporturile scriitorului cu adepţii criteriului generaţionist în
literatură, cu relevanţa acestuia în planul mişcării formelor literare şi
cu valoarea estetică sunt explicitate rapid şi ferm: „Oricum, mi se pare
o tâmpenie obsesia cu generaţiile”13, afirmă tranşant Agopian.
Cât priveşte recuperarea sa de către postmoderni, dacă există, ea a
fost, în opinia scriitorului, unilaterală. Iar conceptul în sine, aplicat ca
240
Communication interculturelle et littérature
o etichetă pe realităţile culturale şi literare româneşti e, cum ar zice
Caragiale, un moft. Sau, în termenii lui Agopian, o găselniţă nouă a
lui Lefter. Iată citatul complet: „Auzi? Mă laşi? Habar nu aveam, nu
eu, nici un optzecist habar nu avea de postmodernism. Eram ca
personajul lui Molière, făceam postmodernism şi nu ştiam. Asta e o
găselniţă nouă a lui Lefter, pe care a aşezat-o pe capul optzeciştilor. Ei
erau textualişti. Iar eu nu aveam nicio legătură cu ei. Scrisul meu nu
avea nici o legătură cu ei”.14
Impactul cenzurii asupra facerii textului literar este un aspect de
care Agopian a trebuit să ţină seama, dar care s-a grefat pe o
componentă diegetică fundamentală – regresiunea în trecut. Mai
degrabă instinctivă decât calculată, opţiunea pentru epocile nebuloase
ale istoriei, cu referent ambiguu şi ambiguizat strategic, fuga de
prezent nu e şi o formă de disidenţă, cum s-ar putea crede. Agopian
însuşi o recunoaşte şi o explică prin miza esenţială a procesului său de
creaţie, inventarea de lumi posibile: „Am început cu Primul Război
Mondial în Ziua mâniei. Un prieten bun al meu, regretatul Mircea
Nedelciu, îmi zicea: « dacă trăieşti destul de mult, vei ajunge în
preistorie ». Eu am mers tot timpul înapoi. Era o formă reflexă de
apărare vizavi de cenzură şi de comunism. N-am făcut-o dintr-un
calcul precis, ci mai mult din instinct. Cenzura era foarte atentă la
literatura care se ocupa de prezent, la Buzura, de exemplu.”15
Situarea cu bună ştiinţă într-o filiaţie numai aparent marginală a
spaţiului literar românesc, în realitate estetizantă, de mare rafinament
stilistic şi de coloratură decadent ori ermetic balcanică, care-i include
pe Ion Ghica, Nicolae Filimon, Mateiu Caragiale şi Ion Barbu, este
semnalată de Agopian însuşi.
Ca o formă de strategie bine gândită, de evaluare lucidă a şanselor
de afirmare pe piaţa literară şi de dialog echilibrat cu maeştrii,
Agopian optează pentru linia colorată a literaturii române, invocând,
totodată, şi criteriul afinităţilor elective: „Când am început să scriu
roman, eu muream după Camil Petrescu. Dar mi-am dat seama că nu
am inteligenţa lui. Eram talentat, dar nu suficient de inteligent. Şi mai
era ceva: am stat şi m-am gândit care e linia nedezvoltată suficient la
noi. Şi aceasta era linia Filimon-Ghica, deci linia colorată a literaturii
noastre. Eu mor după Ciocoii vechi şi noi. Am zis să încerc asta, că e
un loc liber. Nu eram foarte tâmpit, am căutat o nişă. Că mi-a ieşit, că
nu mi-a ieşit, asta-i altă poveste. Unii zic că mi-a ieşit.”16
Chiar dacă autoritar, romancierul semnalase o diferenţă de nivel
procedural între romanele situate orgolios în descendenţa liniei
Varia
241
pitoreşti a prozei româneşti – Tache de catifea şi Manualul
întâmplărilor şi Tobit, respectiv Sara, ca fiind altfel de experimente,17
perspectiva ulterioară, oarecum mai detaşată, situează într-o poziţie
corectă scrierile sale. De altfel, criticii înşişi validează opţiunile
proprii de istorie literară ale romancierului.
După ce dinamitează decis falsa eficienţă a promoţiilor ca pârghie
de structurare a câmpului literar actual („… promoţiile nu merg
nicăieri. Adică merg, dar asta, mersul vreau să zic, duce promoţia spre
o «groapă literară») şi regretă disoluţia grupării onirice, Agopian îşi
rememorează ezitările şi tatonările literare, periplul printre nume
sonore ale romanului românesc şi delimitarea (implicit) polemică faţă
de nucleul dur al canonului românesc după care, însă, credem că orice
scriitor, Agopian nefăcând excepţie, tânjeşte – „«Oniricii» au dispărut
ca grupare imediat după ’70. În ’70 m-am întors de la armată şi eram
complet dezorientat: nu mai ştiam ce fel de scriitor o să fiu. A durat
vreun an până să îmi dau seama. Până atunci scrisesem poezie, teatru
şi proză scurtă. Anul acela m-am gândit şi am ştiut că nu pot să fiu
Rebreanu, voiam Camil Petrescu, dar nu eram un mare intelectual, şi
atunci mi-am adus aminte de Filimon, Mateiu Caragiale, l-am recitit
pe Ghica şi m-am întors la Ion Barbu, cel care a căzut din geometrie în
Orient: asta ar fi pe scurt filiaţia mea.”18
Pe de altă parte, încă o dată orgolios, şi vexat de omisiunea lui
Virgil Nemoianu, Agopian se pretinde nici mai mult nici mai puţin
decât deschizătorul unei noi direcţii în literatura română, continuată de
Mircea Cărtărescu şi Corin Braga, printre alţii. Este vorba despre
fantasticul negru, dar care nu a prins în spaţiul literar şi critic
românesc, nici conceptual, nici operaţional: „Recent, dl. Virgil
Nemoianu declară într-un interviu acordat Ioanei Pârvulescu şi apărut
la voi: «Observ că se constituie acum, în proza românească un fel de
fantastic negru …» şi îi citează pe Cărtărescu, Corin Braga şi
Cochinescu. Fără nicio modestie, mă pun şi pe mine în «fantasticul
negru» descoperit de dl. Nemoianu, mai ales că Tobit a apărut cu mulţi
ani înaintea cărţilor celor trei citaţi. Probabil că dl. Nemoianu nici n-a
auzit de numele meu, dar îmi place ideea că am deschis un drum.”19
În privinţa procesului propriu de creaţie. Agopian este, ca şi până
acum, ferm. Dacă forţa imaginativ-creatoare este maximă la tinereţe,
la maturitatea creatoare apare riscul autopastişării. Aşa se face că
romancierul care are gestaţia grea se află mereu sub tensiune, în
concurenţă permanentă cu el însuşi, cu diferitele sale vârste creatoare:
„Când eşti tânăr ai o mulţime de idei extraordinare, dar nu ai deloc
242
Communication interculturelle et littérature
experienţă. Când eşti adult, nu mai ai nici o idee, în afara celor din
tinereţe, dar ai multă experienţă. Şi atunci ce faci? «Hai, băi, reciclez
ideile vechi, că ştiu să scriu.» Eu de-aia mă feresc. Scriu greu, sunt
foarte atent la ceea ce scriu, pentru că nu am chef să mă repet. Eu pot
oricând să mai scriu un Tache de catifea sau un Manualul
întâmplărilor, dar cui i-ar folosi?”20.
Experimentarea scrisului pe suprafeţe largi este, crede Agopian, o
problemă de dozaj a forţei de creaţie şi de tehnică. Fundamental
magie, miracol şi efort, creaţia seamănă creatorului său şi îi preia
uimirile, aspiraţiile sale, plăcerea de a inventa.
Şi, nu în ultimul rând, scrisul este autocunoaştere. Bucuria de a
scrie devenită modus vivendi exclusiv, dominator, necontrafăcut, care-l ia
în posesie pe romancier şi-l înstrăinează de el însuşi, în baza
amprentei stilistice distinctive care va ocupa mereu prim-planul
textual, împingându-l pe autorul devenit scriptor în plan secund. „Cât
am scris, am scris cu poftă, exact cum am avut chef, am scris din
bucuria de mă descoperi, cu fiecare pagină, altul. Cu timpul,
inevitabil, am ajuns la o voce, la un stil al meu. Ce puteam să fac? Cu
lucruri noi nu mai puteam să vin, aş fi repetat aceleaşi obsesii. Am
mai avut câte-o tresărire, dar mică. De pildă, m-am documentat pentru
un roman despre utopia inventată de Fourier. Am scris vreo 40 de
pagini, mi-au ieşit excelent. Dar când le-am recitit, erau tot Agopian
(râde)”21.
Şi nu numai atât, căci autorul preia profilul scriptural al personajelor sale, regăsindu-se, de fapt, în acestea, cu toată profunzimea
eului său creator: „Semăn şi eu cu personajele mele. Voluptatea asta a
nimicului, a trăncănelii, a zădărniciei, care e şi-n Tache de catifea şi-n
Manual, era probabil în mine dintotdeauna. E lenevia ridicată la rang
de artă.”22
În legătură cu romanul Tache de catifea, Agopian se hazardează în
a propune o posibilă grilă de lectură, justificând principiul non-narativ
al amânării, al stagnării temporale ce spaţializează timpul narant şi
suspendă temporalitatea diegetică – „amânarea acţiunii din Tobit este
un mod de existenţă, pentru a nu înnebuni când vezi că tot ceea ce
există nu e adevărat.”23 Iar fragmente din romanul Sara sunt invocate
drept răspunsuri la întrebările fundamentale despre moarte şi viaţă,
despre timp, despre dragoste şi naştere, despre adevărul din cărţi şi
adevărul din viaţă.
Ultima apariţie editorială, şocantă pentru mulţi lectori, chiar dintre
cei avizaţi, romanul Fric s-a dovedit a fi o carte înşelătoare. Un text
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243
poematic experimental. Detaliu important, care a scăpat atenţiei
criticilor rutinaţi, precum Nicolae Manolescu: „Eram eu plictisit şi am
zis că mai bine să fac un poem decât un roman. Era un experiment, de
fapt. Manolescu nu a înţeles chestia asta, că eu am experimentat şi că
mi-a ieşit un poem. Sigur, nu e pe gustul vostru, al generaţiei tinere.”24
Exploatarea filonului erotic, nu foarte bogat în literatura română, face
din Fric, aşa cum doar foarte puţini critici au înţeles, (Simona Sora, de
pildă), un început de drum pentru Ştefan Agopian, asumat de scriitor
ca atare.
Ceea ce rezultă din interviurile comentate aici, nu în ordine
cronologică, ci în funcţie de temele principale ale dialogurilor purtate
cu intervievatorii, critici literari ori scriitori, este profilul unui
romancier bun cunoscător al funcţionării discursului aluziv, cu dublă
orientare semantică sau, după caz, un spirit declarativ ce nu-şi reprimă
simpatiile ori antipatiile şi care nu ezită în a emite judecăţi de valoare,
considerându-se pe deplin îndreptăţit să o facă. Cât despre eventualele
acroşaje textualiste ale prozei sale, Agopian aproape că nici nu
aminteşte. Dar, după cum se va vedea, romanele însele îl vor
(tot)contrazice. Este, cu alte cuvinte, un scriitor pe deplin format,
capabil de autoevaluări echilibrate şi oneste, cu un acut simţ al valorii
proprii, care vede în atipic şi în neînregimentare nu un program
concretizat narativ, ci un mod de a fi în teritoriul generos al literaturii
române.
Bibliografie
Bittel, Adriana, „După zâmbituri şi zisuri am plecat la « cai »”, interviu
cu Ştefan Agopian, în România literară, nr. 18, 24 septembrie, 1996
(Anul XXIX).
Chivu, Marius, „Obsesiile scriitorului nu se epuizează niciodată”, interviu
cu Ştefan Agopian, în Revista 22, nr. 716, (25 noiembrie - 1 decembrie
2003), Anul XIV.
Paul-Bădescu, Cezar, „Ştefan Agopian: «Dacă nu am fi orgolioşi, nu ne-am
mânca viaţa scriind»”, interviu cu Ştefan Agopian, în Adevărul, 4
martie 2009, disponibil la adresa: adevarul.ro/news/societate/Stefanagopiandaca-nu-orgoliosi--nu-ne-am-minca-viata-scriind-1_50aca19c
7c42d5a663873318/index.html, accesat la data de 19.07.2012
Popa, Dorin, „Lauda de la Europa liberă mi-a întârziat cartea cu patru
ani”, interviu cu Ştefan Agopian, în Convorbiri literare, serie nouă nr.
22 (1310), iunie, 1991
244
Communication interculturelle et littérature
Radu, Dia, „Am scris întotdeauna din plăcerea de a inventa”, interviu cu
Ştefan Agopian, în Formula AS, nr. 1085, 13.09.2013 – 19.09.2013,
disponibil la adresa: http://www.formula-as.ro/2013/1085/lumearomaneasca-24/stefan-agopian-am-scris-intotdeauna-din-placerea-dea-inventa-16850, accesat la data de 2.10.2013
Şimonca, Ovidiu, „A fost o mare bucurie a mea să descopăr şi să inventez
lumi”, interviu cu Ştefan Agopian, în Observator cultural, nr. 310,
martie, 2006, disponibil la adresa: http://www.observatorcultural.ro/Afost-o-mare-bucurie-a-mea-sa-descopar-si-sa-inventez-lumi.-Interviucu-Stefan-AGOPIAN*articleID_14957-articles_details.html, accesat
la data de 17.03.2012
Ştefănescu, Alex., Istoria literaturii române contemporane, (1941-2000),
Ed. Maşina de scris, Bucureşti, 2005
un cristian, „Ştefan Agopian: «Când citeam o carte bună, uitam să-mi fac
lecţiile!»“, interviu cu Ştefan Agopian, în Observator cultural, nr. 443,
octombrie, 2008, disponibil la adresa: http://www.observator
cultural.ro/%C4%B9%C2%9Etefan-Agopian-Cind-citeam-o-cartebuna-uitam-sa-mi-fac-lectiile*articleID_20516-articles_details.html,
accesat la data de 23.09.2012
Vlădăreanu, Elena, „Când eşti adult, nu mai ai nicio idee în afara celor
din tinereţe, dar ai multă experienţă”, interviu cu Ştefan Agopian, în
Suplimentul de Cultură, nr. 214, din 31.01.2009, disponibil la adresa:
http://www.suplimentuldecultura.ro/index/continutArticolAllCat/7/450
1, accesat la data de 21.06.2012
Note
1
2
3
4
5
Ştefănescu, Alex., Istoria literaturii române contemporane, (19412000), Ed. Maşina de scris, Bucureşti, 2005.
Şimonca, Ovidiu, A fost o mare bucurie a mea să descopăr şi să
inventez lumi, interviu cu Ştefan Agopian, în „Observator cultural”, nr.
310, martie, 2006, disponibil la adresa: http://www.observatorcultural.
ro/A-fost-o-mare-bucurie-a-mea-sa-descopar-si-sa-inventez-lumi.Interviu-cu-Stefan-AGOPIAN*articleID_14957-articles_details.html,
accesat la data de 17.03.2012.
un cristian, Ştefan Agopian: „Când citeam o carte bună, uitam să-mi
fac lecţiile!“, interviu cu Ştefan Agopian, în „Observator cultural”, nr.
443, octombrie, 2008, disponibil la adresa: http://www.observatorcul
tural.ro/%C4%B9%C2%9Etefan-Agopian-Cind-citeam-o-carte-bunauitam-sa-mi-fac-lectiile*articleID_20516-articles_details.html, accesat
la data de 23.09.2012.
Ibidem.
Popa, Dorin, Lauda de la „Europa liberă” mi-a întârziat cartea cu
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patru ani, interviu cu Ştefan Agopian, în „Convorbiri literare”, serie
nouă nr. 22 (1310), iunie, 1991.
Bittel, Adriana, După zâmbituri şi zisuri am plecat la „cai”, interviu
cu Ştefan Agopian, în „România literară”, nr. 18, 24 septembrie, 1996
(Anul XXIX).
Chivu, Marius, Obsesiile scriitorului nu se epuizează niciodată,
interviu cu Ştefan Agopian, în „Revista 22”, nr. 716, (25 noiembrie - 1
decembrie 2003), Anul XIV.
Ibidem.
Şimonca, Ovidiu, A fost o mare bucurie a mea..., op.cit.
Paul-Bădescu, Cezar, Ştefan Agopian:„Dacă nu am fi orgolioşi, nu neam mânca viaţa scriind”, interviu cu Ştefan Agopian, în „Adevărul”, 4
martie 2009, disponibil la adresa: adevarul.ro/news/societate/Stefanagopiandaca-nu-orgoliosi--nu-ne-am-minca-viata-scriind1_50aca19c7c42d5a663873318/index.html, accesat la data de
19.07.2012
Bittel, Adriana, După zâmbituri …, op.cit.
Ibidem.
un cristian, Ştefan Agopian: „Când citeam …, op. cit.
Vlădăreanu, Elena, Când eşti adult, nu mai ai nicio idee în afara celor
din tinereţe, dar ai multă experienţă, interviu cu Ştefan Agopian, în
„Suplimentul de Cultură”, nr. 214, din 31.01.2009, disponibil la
adresa:
http://www.suplimentuldecultura.ro/index/continutArticolAllCat/7/450
1, accesat la data de 21.06.2012
Şimonca, Ovidiu, A fost o mare bucurie…, op. cit.
Ibidem.
Popa, Dorin, Lauda de la „Europa liberă” …, op. cit.
Bittel, Adriana, După zâmbituri …, op. cit.
Ibidem.
Vlădăreanu, Elena, Când eşti adult …, op. cit.
Radu, Dia, „Am scris întotdeauna din plăcerea de a inventa”, interviu
cu Ştefan Agopian, în „Formula AS”, nr. 1085, 13.09.2013 –
19.09.2013,
disponibil
la
adresa:
http://www.formulaas.ro/2013/1085/lumea-romaneasca-24/stefan-agopian-am-scrisintotdeauna-din-placerea-de-a-inventa-16850, accesat la data de
2.10.2013.
Ibidem.
Ibidem.
Vlădăreanu, Elena, Când eşti adult …, op. cit.
246
Communication interculturelle et littérature
A sta închis în sine sau despre generaţia
pierdută a literaturii basarabene
Liliana Doscalo Grosu
Résumé: Le thème de l’exil représente un des thèmes privilégiés de la
littérature en Bessarabie, ce qui est très évident dans les conditions
politiques et sociales de la période dans laquelle existaient des restrictions
imposées par le parti. Dans ces conditions, si paradoxal que cela puisse
paraître, l’exil a pris de diverses formes : à l’exil proprement dit s’y ajoute
l’exil intérieur, comme dans le cas de Grigore Vieru, qui a constitué une
preuve d’authenticité, de sacrifice et de dévouement vis-à-vis du pays, des
valeurs nationales et de la préservation intacte de la culture roumaine.
Mots-clés : exil intérieur, valeurs nationales, idéologie.
V
orbind despre creaţia lui Grigore Vieru,
critica literară a adus în atenţie problema situării acesteia între exilul
lingvistic şi cultural, pe de o parte, datorat contextului politic din
Basarabia, şi libertatea interioară. Demersul nostru porneşte de la
descrierea perioadei de formare a generaţiei de scriitori şaizecişti,
căreia îi aparţine Grigore Vieru, scriitori ce au trăit în epoca
conflictului acerb între ideologie şi literatură, iar acest factor le-a
sporit gradul de subiectivitate – lui Vieru în particular i-a impus să se
retragă în interioritatea-i pentru a-şi păstra propria identitate. În acest
sens, Ana Bantoş menţionează: „Aici [în Basarabia] scriitorii
descoperă fondul sufletului popular prin intermediul căruia vor releva
conştiinţa de sine precum şi un anumit sentiment al solidarităţii
umane, axat pe valorile simple ale vieţii” [Bantoş, 2005: 26].
Exilului i s-au propus diverse definiţii şi note explicative, termeni
înrudiţi precum: destin, fugă, salvare, terapie, revoltă, regăsire, curaj
etc., dar nu vom face referire decât la unul dintre aceste aspecte pentru
a contura şi mai mult impactul exilării în propria ţară asupra creaţiei
lui Gr. Vieru, bunăoară definiţia propusă de George Astaloş, care vede
în exil „un exerciţiu de perpetuă umilinţă, marcat de adevărata regăsire
de sine” [Astaloş, 2003]. Totodată, aşa cum explică critica literară,
„exilul interior al scriitorului din spaţiul ex-sovietic trebuie privit ca o
Varia
247
şansă de a se autodefini din perspectiva înfruntării opresiunii
ideologicului, din perspectiva definirii literaturii ca artă literară”
[Bantoş, 2005: 26].
O cauză primordială a exilul interior prin care a trecut poetul Gr.
Vieru, dar nu numai el, ci şi alţi poeţi şi prozatori din Basarabia a fost
cadrul social-politic în care s-a format această generaţie, a debutat şi sa dezvoltat. Urmărind linia de dezvoltare a poeziei basarabene,
începând cu primul deceniu de după război, nu putem face abstracţie
de resorturile politice şi sociale care au avut un rol determinant în
evoluţia acesteia, astfel încât suntem martorii unui proces continuu de
eliberare de sub constrângerile rigorilor impuse de regimul de
ocupare, o încercare perpetuă de rezistenţă la presiunile ideologicototalitare şi, totodată, o revenire la valorile-simbol ale neamului, la
tradiţiile folclorice.
În pofida anturajului specific în care s-a născut şi a evoluat poezia
româneacă din Basarabia, mijlocul anilor ’50 constituie un punct de
pornire în încercarea de a depăşi cadrul strâmt al dogmelor realistsocialiste, un punct de cotitură în conştiinţa poeţilor basarabeni,
marcat de schimbări substanţiale în afirmarea talentului scriitoricesc,
în conturarea unor noi direcţii de evoluţie, în regăsirea propriilor
resurse stilistice, în revigorarea tradiţiilor naţionale, fie datorită
influenţei nemijlocite a poeziei româneşti, în particular, fie a literaturii
universale, în general.
Astfel, la acest moment ne aflăm în faţa unor încercări de realizare
a diferenţierii între ideile literare şi ideologia politică, între formele de
„compromis”, manifestat prin incertitudine valorică şi încurajarea
condeierilor fără vocaţie, şi „rezistenţă prin cultură”, între „reuşită” şi
„eşec”. Specifică pentru poezia primului deceniu postbelic este
„răspunderea” imediată la comandamentele ideologice care dirijau
întreaga viaţă socială, unanimitatea în atitudini şi tematică, fără a lăsa
să se întrevadă atitudinea personală a autorului, viziunea creatoare
individuală, fapt care a determinat „revolta” creatoare şi retractilitatea
eului creator.
Mai toată poezia acestor ani, şi mai ales poetul, se află în postura
unui „cronicar”, a unui scriptor al întâmplărilor, al evenimentelor
„revoluţionare” centrate în jurul satului şi al oamenilor implicaţi în
munca de constituire a unei noi societăţi. Ceea ce se exprimă în mod
voit este doar viaţa socială şi actualitatea politică, pe când sondarea
universului intim este redusă la minim. În cadrul acestei ideologii,
omul nu are statut de individualitate, ci este parte a unui tot compact şi
248
Communication interculturelle et littérature
indivizibil, iar poetul are drept la existenţă literară doar dacă are
„sentimentul” care răspunde marilor imperative ale contemporaneităţii, astfel, el „simulează un sentiment de plenitudine, mimează o
mentalitate colectivă prin asumarea rolului de « voce » a unei
colectivităţi rurale” [Ţurcanu, 1998: 66].
În dependenţă de acest statut asumat, societatea dictează şi eroii
lirici ai poeziei, care par a fi grupaţi în trei categorii, o parte
reprezentată de marea colectivitate care e cuprinsă de patosul
ideologic al unui mod de viaţă „superior”, o alta în care apare figura
tradiţională grotescă a leneşului, ce nu se încadrează etosului comun al
muncii şi alta, aceea a individualistului care nu vrea să adere, din pură
conştiinţă, la regimul social unificator. Tocmai de aceea, scriitorii au
încercat să se detaşeze de viziunea uniformizantă, să scape din
strânsoarea pseudovalorilor şi să pună în circulaţie o nouă normă
estetică, atât în ceea ce priveşte fondul de idei, cât şi în ceea ce
priveşte formula lirică.
Apare fireasca întrebare: Cum a fost posibilă detaşarea de
convenţiile literare ale dogmastismului? Iar răspunsul nu este altul
decât: factorul creativ. Explorarea unor noi sfere ale realităţii a dus la
înnoirea formulelor artistice şi a mijloacelor de expresie, la conturarea
unor orientări artistice diverse. Sfârşitul anilor ’50 şi anii ’60
marchează începutul unor eforturi de desprindere de sub opresiunea
ideologiei totalitariste, stare care va determina explozii de libertate şi
de afirmare, stări de creativitate şi patos, refuzul unei omogenităţi
„tipice”, manifestarea atitudinii individuale şi un examen sever al
conştiinţei de sine şi al implicaţiilor estetice ale literaturii ca factor
cultural.
Analizând unele aspecte ale procesului literar al anilor ’50-’60 se
evidenţiază o orientare naţională în care fiecare poet evoluează, se
profilează pe fundalul manierei lui personale, vocii sale specifice, ce
corespunde, înainte de toate, structurii sale psihologico-artistice,
temperamentului liric, astfel încât fenomenul literar-artistic se
redimensionează. Aceasta a fost posibilă prin punerea în valoare a
specificului autohton, prin apelul la spiritualitatea populară şi
folclorică, prin extinderea într-o gamă complexă de atitudini civice,
trăiri, căutări, aspiraţii şi orientări stilistice.
În această ordine de idei, subliniem un alt aspect important pentru
această perioadă, şi anume întâlnirea liricii basarabene cu poezia lui
George Bacovia, Ion Barbu, Lucian Blaga, şi mai târziu cu N. Labiş,
N. Stănescu, fapt ce i-a deschis noi posibilităţi de afirmare,
Varia
249
asigurându-i, în cadrul României întregite, o dezvoltare intensă şi
dinamică, turnură, mai mult sau mai puţin, susţinută de critica literară
de pe ambele maluri ale Prutului.
Accesul la literatura de peste Prut a deschis noi orizonturi pentru
literatura română din Basarabia. Astfel, generaţia şaizecistă sau „copiii
anilor de război” a făcut posibilă revenirea la tradiţiile marilor clasici
ai literaturii române; „datorită generaţiei şaizeciste (generaţia lui
Grigore Vieru şi a lui Liviu Damian), literatura din Moldova recapătă
conştiinţa de sine. E o sincronizare perfectă cu generaţia lui Nicolae
Labiş, pleiada basarabeană a copiilor anilor 30 având de depăşit mai
multe goluri şi descoperind cu mult mai târziu atât poezia lui
Eminescu, cât şi cea a marilor poeţi interbelici (Blaga, Barbu,
Arghezi, Bacovia)” [Cimpoi, 1998: 37].
În anii ’60 are loc afirmarea plenară a unei noi generaţii de poeţi:
Grigore Vieru, Liviu Damian, Dumitru Matcovschi, Gheorghe Vodă,
Victor Teleucă, Pavel Boţu, Anatol Codru, Ion Vatamanu, Arhip
Cibotaru, Anatol Codru, Emil Loteanu ş.a. Datorită acestei generaţii
se schimbă diametral viziunea privind conceptul de creaţie, privind
menirea literaturii şi se încearcă, prin forme diferite sub aspect
tipologic, să se promoveze a literatură bazată pe valorile autentice
naţionale.
Se poate, prin urmare, afirma faptul că această perioadă, pentru
unii prea scurtă, pentru alţii prea lungă, a determinat starea de exil, fie
declarat, aşa cum s-a întâmplat în cazul poetei Elena DobroşinschiMalai, care în primele zile de ocupaţia sovietică, iunie 1940, a dispărut
fără urmă, al poetului Gheorghe Rusu, mort la GULAC în 1941,
poetului Alexandru Terziman, ucis în lagărul de la Taişet, poetului
Nicolai Costenco, exilat între 1941-1956 (timp de 15 ani) în nordul
extrem, lui Pan Halippa, Boris Baidan, Dimitrie Iov, Nicolae Ţurcanu
ş.a., care au fost deportaţi în Siberia sau închişi în puşcăriile
comuniste după 1944; fie exil interior, ca în cazul unui alt şir de poeţi
– Andrei Lupan, Emilian Bucov, Bogdan Istru, Liviu Deleanu,
Samson Şleahu, George Meniuc ş.a., pe atunci abia debutanţi, care, pe
de o parte, au plătit tribut ideologiei şi regimului de ocupare comunist
la care au fost racolaţi (de Komintern), creând o preudo-literatură în
spiritul schemelor ideologice comuniste dar care, pe de altă parte, au
dat frâu firavelor tentative literare de apărare a principiilor estetice şi a
valorilor autentice româneşti, sub diverse forme de rezistenţă, pornind
de la lirica evazionistă spre lirica subversivă şi cea disidentă – acesta
este, de altfel, şi cazul poeţilor „generaţiei pierdute” (anii ’40-’50 ai
250
Communication interculturelle et littérature
secolului al XX-lea) – Nicolai Costenco, Petru Zadnipru, Paul Mihnea
ş.a., întorşi mai târziu la propriile lor unelte.
Tributul plătit ideologiei în dauna esteticului lasă o urmă de vină şi
regret, aşa cum se exprimă în cunoscuta poezie Mea culpa Andrei
Lupan, în care pune în evidenţă intermitenţe regretabile în a-şi asuma
lucid conştiinţa creatoare liberă: Îs vinovat pentru tributul/ ce l-am
plătit la nătărăi/ c-o stihuire mai limbută/ şi c-un glosar ştampat de ei
…// când am stâlcit literatura/ şi l-am jignit pe cititor; în final dă
dovadă de o cutezanţă care întrece aşteptările: Ruşinea asta arzătoare/
la ce-aş ascunde-o în deşert?/ Chiar dacă toţi mi-or da iertare,/ eu
unul nu pot să mi-o iert. Exact aici descoperim afirmarea personalităţii
creatoare, trezirea acesteia şi detaşarea de convenţiile literare ale
dogmelor sociologizante, pentru că atâta timp cât poezia românească
basarabeană s-a menţinut în parametrii stricţi ai schemelor ideologice,
imagistica literară a avut de suferit enorm.
În ceea ce-l priveşte pe Grigore Vieru, opţiunea fermă pentru
închiderea în sine i-a dat posibilitatea de a regândi felul de a spune
lucrurilor pe nume, aşa cum încearcă prin volumul Trei iezi (1970),
dar nicidecum de a tăcea şi a aştepta alte vremi. Volumul sus-numit
comportă o istorie aparte, care merită o analiză distinctă, dar pe care
ne propunem să o efectuăm într-un alt studiu. Să spunem doar că
poetul a încercat să deghizeze în poezia Curcubeul, destinată copiilor,
ca de altfel întreg volumul, prin metafore, tricolorul românesc, din
care cauză cartea a fost pusă la index şi retrasă din vânzare.
Drept punct de plecare în abordarea de faţă, pentru a evidenţia
câteva dintre particularităţile scriiturii poetice în discuţie, în raport cu
chestiunea identitară camuflată de verbul poetic, vom lua mult
discutata poezie – Formular (iniţial cu titlul Completând un formular,
scrisă în 1968, şi inclusă în volumul Numele tău), care prezintă interes
sporit atât prin formula expresivă, aspectul artistic, cât şi prin
dramatismul şi farmecul intrinsec. Poezia apare într-o perioadă când
„înfloreau” etichetările de tipul „antisovietic”, „duşman al poporului”,
„disident” şi când o mică „pată” descoperită în biografie devenea
imediat un prilej de neîncredere, un motiv de desconsiderare şi de
marginalizare pentru restul vieţii.
Ceea ce impresionează în această poezie este faptul că „poetul nu
se limitează doar la mijloacele stilului oficial-documentar, la o redare
protocolară a faptelor” [Corlăteanu, 1985: 5] ci, îmbinând câteva
stiluri: unul administrativ-cancelăresc (prezentat în forma întrebărilor
cu subtext ale agentului puterii), unul oral (dacă ne raportăm la
Varia
251
formula schematică a poeziei: întrebări-răspunsuri) şi unul propriu-zis
poetic (oferit de răspunsurile marcant provocatoare ale eului liric),
creează o întreagă poetică:
- Numele şi prenumele?
- Eu.
- Anul de naştere?
- Cel mai tânăr an
când se iubeau
părinţii mei.
- Originea?
- Ar şi semăn
Dealul acela din prelungirea codrilor.
Ştiu toate doinele.
- Profesiunea?
- Ostenesc în ocna cuvintelor.
- Părinţii?
- Am numai mamă.
- Numele mamei?
- Mama.
- Ocupaţia ei?
- Aşteaptă.
- Ai fost supus
Judecăţii vreodată?
- Am stat nişte ani închis
În sine.
- Rubedenii peste hotare ai?
- Da. Pe tata. Îngropat.
În pământ străin. Anul 1945.
Poezia începe, cum de altfel se consemnează în orice act oficial, cu
întrebarea: „Numele şi prenumele?”, la care apare un neaşteptat
răspuns: „Eu”, nu numai o dată rostit în creaţia poetului: „eu sunt cel
care sunt”, „eu sunt copilul acestui neam”, „sunt fir de iarbă, mai
simplu nu pot fi” etc. E „eul” care nu-şi ascunde identitatea sub un
252
Communication interculturelle et littérature
nume pe care-l poartă, nu se ascunde sub un „noi”, oameni comuni,
nu-şi neagă originea, ci o declară sus şi tare. Oricât ar încerca prin
aceasta să-l condamne omul legii, pentru un răspuns neconformat – nu
o poate face, căci „eu” este ireductibil. Ancheta se derulează cu o nouă
întrebare – „Anul naşterii?”, la care iarăşi apare un răspuns mai puţin
aşteptat: „Cel mai tânăr an: când se iubeau părinţii mei”. Urmează
întrebarea „Originea?”, la care poetul, răspunzând prin vocea dublului
său scriptural, încearcă să sugereze adevăruri răspicate: că e român ce
trăieşte în preajma codrilor, că deţine bogata zestre spirituală a limbii
materne, ştie toate doinele şi iată, aici, ca o provocare voită,
următoarea întrebare: „Profesiunea?” – „Ostenesc în ocna cuvintelor”.
În acest context, impresionează abordarea acestei secvenţe a poeziei,
făcută de criticul M. Dolgan: „Omul mărunt al puterii, care, în
incultura neagră a lui, habar nu are de metaforă, de existenţa însăşi a
profesiei de poet, «profesie de chinuitoare lucrare în cuvânt», a
început să-şi frece mâinile de «mulţumire» înainte de vreme la auzul
cuvântului echivoc «ocnă» (cu sensul lui propriu, pe cel figurat n-a
reuşit încă să-l înveţe)...” [Dolgan, 2007: 498].
Răspunsurile la următoarele întrebări: „Părinţii?”, „Numele
mamei?” şi „Ocupaţia ei?” nu prea par a fi „funii” de care să te păţi
„agăţa”, astfel că, în final, sunt puse cele mai grave întrebări prin care
agentul regimului ţine să-l îngenuncheze pe nesupusul poet şi să-l facă
să capituleze definitiv: „Ai fost suspus judecăţii vreodată?” şi
„Rubedenii peste hotare ai?”. Răspunsurile sunt provocatoare, dând
senzaţia, pe de parte, de convingere că iată-iată va ieşi „învingător”
agentul, şi, totodată, îl face să se vadă momentan dezarmat, contrariat,
descumpănit şi dezamăgit.
Imaginaţi-vă tăcerea de căutate a unui răspuns al poetului la
întrebarea „Ai fost supus judecăţii vreodată?” şi apoi, rar şi răspicat:
„Am stat nişte ani închis ....” şi, după un oftat lung, nescris în poezie,
dar văzut printre rânduri, apare poanta ce loveşte nimicitor: „În sine”.
De la acest moment pornesc căutările noastre, aici apare fireasca
întrebare: „Ce sau cine l-a făcut pe poet să se închidă în sine?”, „De
ce?” – „Pentru că îl măcina singurătatea şi cenuşiul vieţii, pentru că nu
putea să se împace cu nelegiuirile regimului totalitar, pentru că nu
putea rosti în poezie adevărul până la capăt, pentru că erau interzise
temele cele mai dureroase ale poporului: deportările, foametea,
daunele colectivizării, identitatea neamului şi a limbii etc.” [Dolgan,
2007: 500], dar putem întrevedea în aceasta şi faptul că „Ceea ce îl
preocupă pe Grigore Vieru este sentimentul libertăţii interioare şi
Varia
253
revenirea la nişte modele existenţiale verificate de multe generaţii”,
aşa cum menţionează Ana Bantoş [Bantoş, 2005: 26].
Poetul, retras în sine, cumpăneşte mai bine ce are de făcut? Nu-l
pune în impas nici ultima întrebare, de care se temea cineva numai
auzind-o şi, cu atât mai mult, având un răspuns pozitiv la ea:
„Rubedenii peste hotare ai?” – „Da”, „pe tata” – rudă de gradul I, un
posibil trădător de ţară, în realitate „Îngropat în pământ străin. Anul
1945”.
Iată cum poezia ca stare existenţială şi ca revoltă, poezia ca act
lucid de conştiinţă, poezia eliberării creatoare şi a supravieţuirii
curajoase conţine/camuflează o poetică implicită în care esteticul
dobândeşte virtuţi superioare şi forţă etică. A vorbi despre sine cu
demnitatea celui umilit în propria ţară devine act de voinţă poetică şi
de autolegitimare identitară.
Bibliografie
Astaloş, George, Exilul. Memoria unei memorii, Editura Casa Radio,
Bucureşti, 2003.
Bantoş, Ana, „Grigore Vieru: între exilul şi libertatea interioară”, în Limba
Română, nr. 1-3, anul XV, 2005.
Cimpoi, Mihai, „Panorama literaturii române postbelice din Republica
Moldova”, în Mihail Dolgan (coord.), Literatura română postbelică.
Integrări, valorificări, reconsiderări, Tipografia centrală, Chişinău, 1998.
Corlăteanu, Nicolae, „Lumea poetului şi resursele de exprimare a ei” (I), în
Literatura şi Arta, 1 ianuarie 1985.
Dolgan, Mihail, Poezia contemporană, mod de existenţă în metaforă şi idee,
Elan Poligraf, Chişinău, 2007.
Revnic, Ioana, Cât de cunoscută este literatura română din Basarabia, în
România şi în Europa?, disponibil la adresa http://erizanu.cartier.md/
literatura-romana-din-basarabia-in-romania-%C8%99i-europa-3211.html,
accesat la data de 22.07.2014
Ţurcanu, Andrei, „Poezia postbelică: de la dogmă la creativitate”, în Mihail
Dolgan (coord.), Literatura română postbelică. Integrări, valorificări,
reconsiderări, Tipografia centrală, Chişinău, 1998.
254
Communication interculturelle et littérature
L’art épistolaire de Mme de Sévigné
Ana-Elena Costandache
Résumé : Considérée comme la maîtresse de l’art épistolaire au XVIIe siècle,
Marie de Rabutin-Chantal, dite la marquise de Sévigné, a laissé dans la
littérature française une œuvre extrêmement riche (1120 lettres) et variée,
mais peu connue et appréciée par le public lecteur. D’ailleurs, l’auteure ellemême n’a jamais souhaité que ses lettres soient divulguées en dehors du
cadre privé ou des salons du temps (où elle était lue); c’est pour cela qu’elle
est devenue, en quelque sorte, « une écrivaine malgré elle ». Notre démarche
propose une analyse fine et détaillée de quelques lettres que l’auteure avait
adressées à sa jeune fille, madame de Grignan. L’importance que nous
accordons à ce type d’écriture vise surtout la thématique atteinte : les
relations humaines, la noblesse et la mondanité, le quotidien, la religion, la
mort.
Mots-clés : lettre(s), solitude, écriture du moi, douleur, regret.
Au XVII
e
siècle, le statut de la lettre n’était
pas bien précis. Soumise à beaucoup de codes que les écrivains du
temps ont suivis et respectés, la lettre s’est constituée en genre
d’écriture bien représentée par Mme de Sévigné (au XVIIe siècle),
Montesquieu, Diderot, Choderlos de Laclos (au XVIIIe siècle).
Epistolière française, Marie de Rabutin-Chantal (1626-1696) ou
Mme de Sévigné appartenait à une classe sociale noble. « La plus jolie
fille de France » est restée orpheline en 1633, car son père, CelseBénigne de Rabutin, baron de Chantal, est mort lors du siège de La
Rochelle.
Peu connue et appréciée dans le monde littéraire, l’œuvre de Mme
de Sévigné est une correspondance abondante. Après la mort de son
mari, elle s’est consacrée de plus en plus à ses enfants et
particulièrement à sa fille, mariée en 1669. Les jeunes époux et la
mère ont vécu dans un hôtel particulier loué en plein Paris, mais, un
an plus tard, Grignan, le beau fils de Mme de Sévigné, est nommé
lieutenant général du roi en Provence. C’était une douloureuse
séparation pour l’écrivaine qui a vu partir sa fille à jamais. C’est pour
cela qu’elle a commencé à lui écrire, régulièrement, plusieurs fois par
Varia
255
semaines, tout en poursuivant parallèlement sa correspondance avec
son cousin, le conte de Bussy.
La correspondance riche de Madame de Sévigné s’est effectuée
pendant trente ans environ. La mère écrivait à sa fille chaque semaine
trois ou quatre lettres (il y a, en tout, 1120 lettres connues, dont 764 à
sa fille Mme de Grignan, 126 à son cousin Bussy et 220 lettres
adressées à 29 autres destinataires). Les premières lettres, parues
clandestinement en 1725 (recueil très lacunaire de 28 lettres ou
extraits de lettres réunies dans les Lettres choisies de Mme la
marquise de Sévigné à Mme la comtesse de Grignan, sa fille), ont
déterminé Pauline de Simiane, petite-fille de l’écrivaine, de faire
publier officiellement la correspondance de sa grand-mère : 614 lettres
entre 1734 et 1737, puis 772 en 1754. Les lettres ont été remaniées et
sélectionnées suivant les instructions de Madame de Simiane: toutes
celles touchant de trop près à la famille, ou celles dont le niveau
littéraire paraissait médiocre, ont été supprimées, tandis que les lettres
restantes ont souvent fait l’objet de réécritures pour suivre le goût du
jour. D’ailleurs, Pauline de Simiane n’a pas hésité à supprimer les
histoires galantes et les remarques un peu trop libres de sa grand-mère,
afin d’offrir à la postérité une image parfaite de la marquise.
Les lettres restent un témoignage plus fidèle et plus complet de
toute la vie de la marquise. La carrière littéraire d’écrivaine « malgré
elle » a été un vrai succès. Les thèmes abordés par Mme de Sévigné
touchent essentiellement le quotidien et la cour. Ils sont très variés (la
religion, la mort, les relations humaines), mais il faut savoir que
certaines lettres étaient également destinées à être lues pour des
personnes averties, dans les « salons » du temps et abordent alors des
thèmes plus en rapport avec les pensées, les idées (la noblesse et la
mondanité).
En tant que « maîtresse » de l’art épistolaire au XVIIe siècle, Mme
de Sévigné n’a jamais souhaité que ses lettres soient divulguées en
dehors du cadre privé ou des salons, où elle était lue et très appréciée.
C’est pour cela que la question de l’authenticité se pose de manière
cruciale pour ses lettres. Il est à noter un manque fondamental dans
cette riche correspondance: seules les lettres de la marquise ont été
conservées, les réponses de sa famille ont été détruites par sa petitefille, ce qui crée l’impression d’un monologue ou, plutôt, d’une
privation de la dimension du dialogue.
Les 764 lettres adressées à sa fille, Mme de Grignan, représentent
un témoignage exquis et varié, en même temps qu’une observation
256
Communication interculturelle et littérature
fine de son époque. Véritable mémorialiste, Mme de Sévigné relate
pour sa fille tous les événements marquants qui se sont produits à
Paris : le mariage de la Grande Mademoiselle, l’arrestation de
Fouquet, l’exécution de la Brinvilliers lors de l’affaire des Poisons, la
mort d’Henriette d’Angleterre. Elle lui adresse aussi des conseils
pratiques et mondains, ainsi que des réflexions plus générales sur le
temps, les événements produits pendant son l’absence du foyer
familial, la destinée humaine. Mais ce n’est pas la finalité première de
son œuvre. Les lettres se proposent, avant tout, de réduire la distance
avec l’être aimé par l’évocation des souvenirs communs et par
l’expression spontanée du sentiment d’amour maternel.
Le style de ces lettres, enfin, adopte la tonalité de la conversation
mondaine : naturelle autant qu’on pouvait l’être dans la fréquentation
des salons, aux ressources de la rhétorique. Par leur inventivité, leur
liberté de ton et leur originalité, les Lettres de la marquise de Sévigné
constituent l’une des œuvres les plus marquantes du XVIIe siècle
français.
La première lettre adressée à sa fille date du 6 février 1671. Celle
qui s’est mariée, l’a quittée deux jours plus tôt pour habiter avec son
mari. La séparation a été, pour la marquise, un véritable déchirement,
qui lui a donné l’occasion de rédiger une célèbre correspondance,
ininterrompue, de 1671 à 1696, fait qui a décidé la carrière littéraire de
Mme de Sévigné.
Le texte de la première lettre (celle de la séparation) adressée à sa
fille a le contenu suivant :
De Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN. À Paris, vendredi 6
février 1671.
« Ma douleur serait bien médiocre (1) si je pouvais vous la dépeindre; je
ne l’entreprendrai pas aussi. J’ai beau chercher ma chère fille, je ne la
trouve plus; et tous les pas qu’elle fait l’éloignent de moi. Je m’en allai
donc à Sainte-Marie (2) toujours pleurant et toujours mourant: il me
semblait qu’on m’arrachait le cœur et l’âme; et en effet, quelle rude
séparation! Je demandai la liberté d’être seule; on me mena dans la
chambre de madame du Housset, on me fit du feu; Agnès (3) me regardait
sans me parler; c’était notre marché; j’y passai jusqu’à cinq heures sans
cesser de sangloter; toutes mes pensées me faisaient mourir. J’écrivis à M.
de Grignan, vous pouvez penser sur quel ton; j’allai ensuite chez madame
de la Fayette, qui redoubla mes douleurs par l’intérêt qu’elle y prit: elle
était seule, et malade et triste de la mort d’une sœur religieuse, elle était
comme je la pouvais désirer. M. de la Rochefoucauld y vint; on ne parla
Varia
257
que de vous, de la raison que j’avais d’être touchée, et du dessein de
parler comme il faut à Merlusine (4). Je vous réponds qu’elle sera bien
relancée. D’Hacqueville vous rendra un bon compte de cette affaire. Je
revins enfin à huit heures de chez madame de la Fayette; mais en entrant
ici, bon Dieu! comprenez-vous bien ce que je sentis en montant ce degré?
Cette chambre où j’entrais toujours, hélas! j’en trouvai les portes
ouvertes; mais je vis tout démeublé, tout dérangé, et votre pauvre petite
fille (5) qui me représentait la mienne. Comprenez-vous bien tout ce que
je souffris? Les réveils de la nuit ont été noirs, et le matin je n’étais point
avancée d’un pas pour le repos de mon esprit. L’après-dînée se passa avec
madame de la Troche à l’Arsenal. Le soir, je reçus votre lettre, qui me
remit dans les premiers transports; et ce soir j’achèverai celle-ci chez M.
de Coulanges, où j’apprendrai des nouvelles: car, pour moi, voilà ce que
je sais, avec les douleurs de tous ceux que vous avez laissés ici ; toute ma
lettre serait pleine de compliments (6), si je voulais. »
(1) moyenne, ordinaire;
(2) Couvent de la Visitation (où avait été élevée un temps FrançoiseMarguerite);
(3) une religieuse qui connaissait la comtesse;
(4) Merlusine Sobriquet le nom d’une méchante fée célèbre, donnée à
une « amie » qui avait médit de Mme de Grignan;
(5) restée à Paris avec sa grand-mère;
(6) les regrets exprimés par les amis à l’occasion du départ de la
comtesse. [Mitterrand, 1987 : 351]
Le texte de la lettre est sensible, touchant et comprend des mots
appartenant aux champs lexicaux de la douleur, de la tristesse, de la
solitude, avec une visée pathétique : « Ma douleur serait bien
médiocre si je pouvais vous la dépeindre : je ne l’entreprendrai pas
aussi. » [idem] La séparation est ressentie de manière aigue et la
compagnie d’autrui ne sert à rien :
J’ai beau chercher ma chère fille, je ne la trouve plus […] Je m’en allai
donc à Sainte-Marie toujours pleurant et toujours mourant: il me semblait
qu’on m’arrachait le cœur et l’âme; et en effet, quelle rude séparation! Je
demandai la liberté d’être seule; on me mena dans la chambre de madame
du Housset, on me fit du feu; Agnès me regardait sans me parler; c’était
notre marché; j’y passai jusqu’à cinq heures sans cesser de sangloter;
toutes mes pensées me faisaient mourir. [idem]
L’autodépréciation et la peine exprimées représentent une stratégie
suivie de l’épistolière et visent à susciter la pitié du destinataire :
« Comprenez-vous bien tout ce que je souffris ? Les réveils de la nuit
258
Communication interculturelle et littérature
ont été noirs, et le matin je n’étais point avancée d’un pas pour le
repos de mon esprit. » [idem]
Atteinte au vif d’elle-même, la mère passionnée se jette dans la
retraite de la solitude, use de tous les subterfuges (visites aux amis
communs, aux lieux fréquentés ensemble) pour maintenir la présence
de l’être aimé et découvre surtout en l’écriture une nécessité vitale, le
moyen de « se consoler » et de rester reliée à l’autre, par la lettre.
La Sévigné « de tout le monde » (selon l’affirmation de Proust)
s’abandonne au plaisir de faire des récits détaillés consacrés aux
confidences. Les symboles divers et les procédés de mise en œuvre
s’attachent à la jouissance esthétique et au gout mondain. Les Lettres
sont, en fait, le miroir de l’âme de l’épistolière ; elles dévoilent les
facettes de sa personnalité. La joie de vivre, chez Mme de Sévigné,
engendre une permanente disponibilité à toutes les choses de la vie,
même à la séparation d’un être cher.
Une autre lettre, extrêmement touchante, a le texte suivant :
À MADAME DE GRIGNAN
À Montélimar, jeudi 5 octobre 1673
« Voici un terrible jour, ma chère fille; je vous avoue que je n’en puis
plus. Je vous ai quittée dans un état qui augmente ma douleur. Je songe à
tous les pas que vous faites et à tous ceux que je fais, et combien il s’en
faut qu’en marchant toujours de cette sorte, nous puissions jamais nous
rencontrer. Mon cœur est en repos quand il est auprès de vous : c’est son
état naturel, et le seul qui peut lui plaire. Ce qui s’est passé ce matin me
donne une douleur sensible, et me fait un déchirement dont votre
philosophie sait les raisons : je les ai senties et les sentirai longtemps. J’ai
le cœur et l’imagination tout remplis de vous; je n’y puis penser sans
pleurer, et j’y pense toujours: de sorte que l’état où je suis n’est pas une
chose soutenable ; comme il est extrême, j’espère qu’il ne durera pas dans
cette violence. Je vous cherche toujours, et je trouve que tout me manque,
parce que vous me manquez. Mes yeux qui vous ont tant rencontrée
depuis quatorze mois ne vous trouvent plus. Le temps agréable qui est
passé rend celui-ci douloureux, jusqu’à ce que j’y sois un peu
accoutumée ; mais ce ne sera jamais assez pour ne pas souhaiter
ardemment de vous revoir et de vous embrasser. Je ne dois pas espérer
mieux de l’avenir que du passé. Je sais ce que votre absence m’a fait
souffrir ; je serai encore plus à plaindre, parce que je me suis fait
imprudemment une habitude nécessaire de vous voir. Il me semble que je
ne vous ai point assez embrassée en partant: qu’avais-je à ménager ? Je ne
vous ai point assez dit combien je suis contente de votre tendresse ; je ne
vous ai point assez recommandée à M. de Grignan ; je ne l’ai point assez
Varia
259
remercié de toutes ses politesses et de toute l’amitié qu’il a pour moi ;
j’en attendrai les effets sur tous les chapitres : il y en a ou il a plus
d’intérêt que moi, quoique j’en sois plus touchée que lui. Je suis déjà
dévorée de curiosité ; je n’espère plus de consolation que de vos lettres,
qui me feront encore bien soupirer. En un mot, ma fille, je ne vis que pour
vous. Dieu me fasse la grâce de l’aimer quelque jour comme je vous aime.
Je songe aux pichons (1), je suis toute pétrie de Grignan ; je tiens partout
(2). Jamais un voyage n’a été si triste que le nôtre ; nous ne disons pas un
mot. Adieu, ma chère enfant, aimez-moi toujours : hélas ! nous revoilà
dans les lettres. Assurez Monsieur l’Archevêque de mon respect très
tendre, et embrassez le Coadjuteur (3) ; je vous recommande à lui. Nous
avons encore dîné à vos dépens. Voilà M. de Saint-Geniez qui vient me
consoler. Ma fille, plaignez-moi de vous avoir quittée. »
(1) le frère du Comte de Grignan ;
(2) Madame de Sévigné voyage en compagnie de deux abbés ;
(3) en provençal, les petits enfants. [Sévigné, 1846 : 242-243].
Toute la lettre est parsemée de mots appartenant au champ lexical
de la douleur, de la souffrance (en italique). Le texte est, en fait, le cri
déchirant d’une mère qui se voit séparée de sa fille et qui ne peut pas
continuer de vivre sa vie sans son petit être cher tout près d’elle.
Le génie de Mme de Sévigné a rayonné sur tous ceux qui l’ont
approché ou lui ont écrit. Elle n’a eu d’autre histoire que celle de son
cœur et de son esprit. Elle s’est avérée être une vraie spectatrice
d’événements importants de sa vie. Toute sa vocation, toute sa
destinée a été celle d’être femme, mère, grande dame. En tant
qu’écrivaine, elle a fourni entièrement et uniquement sa tâche
féminine et toute son existence a été intime, mondaine aussi, mais
jamais officielle.
En tant que femme, Mme de Sévigné a exprimé, dans ses lettres,
les craintes du cœur et les alternatives de joie et de tristesse. Prise
entre ses amis, elle savait être piquante, mais sans être méchante. Dans
ses lettres, comme dans sa conversation, elle lançait le mot spirituel,
amer et rancunier. Dans le monde, elle a été remarquée pour sa beauté
et pour son charme.
En tant que mère, Mme de Sévigné s’est dédiée à la vie de famille
et, surtout, à sa fille, Mme de Grignan. Dans ses lettres, elle reconnaît
d’avoir vécu pour sa fille. Ses dernières lettres sont remplies
d’inquiétudes provoquées par la mauvaise santé de Mme de Grignan.
La mère persiste à s’oublier pour ne songer qu’à la guérison de cette
personne-là qui lui était si chère. Et cet amour a été sa vraie vie.
260
Communication interculturelle et littérature
Certes, Mme de Sévigné a connu d’autres sentiments. Elle aimait le
monde et les livres, elle aimait ses amis, son mari, son fils. Mais pour
sa fille, elle a été une mère unique. Sans priver son fils, elle a avantagé
sa fille de tous les côtés, en tendresse, en dévouement et en argent.
Une vraie passion maternelle, trop idolâtre et souffrante, qui a fait
d’elle-même une victime. L’excès de son amour a donné, en fait, son
génie, qui lui a dicté les pages les plus simples et les plus sublimes de
ses lettres à travers lesquelles Mme de Sévigné a donné l’histoire du
cœur maternel.
Mme de Sévigné a été un témoin, un vrai peintre de son siècle et
non pas un juge. Un des échos les plus vivants de son temps, les plus
directs et les plus authentiques. Elle n’a rien transformé, mais elle a
transmis, car elle a offert l’information sincèrement et de manière
fidèle.
Mme de Sévigné a été une femme titrée, du grand monde, du grand
siècle. Elle n’a pas devancé son temps, mais elle l’a raconté.
L’écrivaine appartenait à une époque, à une société, à une famille. Elle
a su peindre les gens et aussi les choses. Sa correspondance est
comme un miroir exacte et limpide, tantôt amusé par les
divertissements, les ballets, les sourires de la cour, tantôt assombri par
la souffrance, les morts, les deuils, les cérémonies funèbres. Elle a
inauguré, dans la littérature, « la critique impressionniste » et a été une
intuitive de génie. Dans ses lettres, elle a exprimé directement ses
réflexions morales, ses convictions religieuses. En même temps, elle a
fait de la critique sans le savoir et elle a fait aussi de la philosophie et
même de la théologie sans le vouloir.
Mme de Sévigné a eu une imagination sensible et verbale. Son
génie se reconnaît dès la lecture de ses lettres. « Elle fait une lettre à
peu près comme La Fontaine fait une fable. » [Petit de Julleville,
1898 : 639]
Dès ses premières lettres jusqu’à ses dernières, elle était en veine,
en beauté, en état de séduction. Le naturel est la plus saillante qualité
de son style. Elle évitait le rare, le singulier, elle tenait à la politesse, à
la civilité. Dans ses œuvres épistolaires, l’éclat de la vie et le
mouvement captivent et fascinent. L’écrivaine imaginait des formes
sensibles et inventait aussi des formes verbales. Le style était, chez
elle, une création perpétuelle de mots.
En somme, Mme de Sévigné a été une personne distinguée, qui
savait écrire, narrer, peindre, juger, penser, pleurer, crier sa souffrance
d’avoir perdu un être cher : sa jeune fille.
Varia
261
Références bibliographiques
*** Lettres de Mme de Sévigné précédées d’une notice sur sa vie et du traité
sur le style épistolaire de Madame de Sévigné par M. Suard, Librairie de
Firmin Didot Frères, Paris, 1846.
Madame de Sévigné, Lettres choisies, 1648-1696, Edition de Sainte-Beuve,
publiée par Garnier Frères, 1923.
*** Histoire de la langue et de la littérature française, des origines à 1900,
sous la direction de Louis Petit de Julleville, tome V, Armand Colin,
Paris, 1898.
Puzin, Claude, Littérature textes et documents, XVIIe siècle, coll. Henri
Mitterand, Ed. Nathan, Paris, 1987.
262
Communication interculturelle et littérature
Exil şi literatură în manualele alternative de liceu
Marian Antofi
Abstract: Publishing alternative textbooks represents a very important stage
in reshaping the Romanian didactic canon from the point of view of
rethinking the recent past, the new literature and of reevaluating the creative
generations which try to define their own poetics, especially on exile
literature. The re-reading process of exile literature now points to an
aesthetically-rooted, lucid, objective critical analysis, asking for its authors’
value rehabilitation and re-organization. Our study analyses the
contemporary critical perspectives on the didactic canon and on the high
school alternative textbooks’ efficiency in honestly promoting the Romanian
literature of exile.
Keywords: didactic canon, literature of exile, canonical re-shape, aesthetic
value.
P
roblema canonului şi impactul discuţiilor,
dezbaterilor şi polemicilor care s-au purtat şi încă se poartă în jurul
acesteia asupra manualelor alternative de liceu şi asupra procesului
instructiv-educativ de la nivel liceal poartă o miză deosebit de
importantă. Necesitatea introducerii literaturii exilului românesc în
sistemul estetic de valori incumbă o serie de probleme de reorganizare
canonică şi de evaluare onestă a operelor în discuţie. Acestui proces
delicat i se adaugă chestiunea revizuirilor, pe care au adus-o în
discuţie, mai agresiv sau mai echilibrat, unii dintre criticii importanţi
ai actualităţii noastre literare. Normativele est-etice par să oblige la a
rescrie pagini întregi ale canonului litera românesc, inclusiv în
varianta sa didactică. Faptul este de natură să aducă grave prejudicii
receptării corecte a operei unor scriitori de reprezentativitate maximă,
pentru cultura română.
În acest context, propunem o schiţă de analiză a câtorva opinii
importante, prin autoritatea numelor critice care le promovează,
asupra acestor aspecte încă nenclarificate ale literaturii române
actuale.
Admiţând, împreună cu Elisabeta Lăsconi, ca posibilă definiţie a
canonului faptul că acesta este „o construcţie culturală, de îndată ce
Varia
263
şi-a găsit o alcătuire, începe, în cel mai fericit caz, fisurarea ei, dacă nu
chiar dinamitarea, distrugerea, şi apoi refacerea. Trecerea timpului şi
rezistenţa cărţilor sunt, probabil, actanţii cei mai duri în procesul
canonizării şi al decanonizării.” [Lăsconi, 2009] De asemenea, crede
autoarea, „Baza canonului, centrul său de greutate îl reprezintă
canonul şcolar. Şi el se construieşte continuu, dar cu alte reguli de joc.
Cele trei paliere ale sistemului şcolar preuniversitar, de la ciclul
primar la cel gimnazial sau liceal familiarizează treptat pe copil şi
adolescent cu opere ale autorilor canonici. Sunt mai curând tatonări,
prin puţinele fragmente accesibile la o asemenea vârstă. Operele
autorilor canonici au aici o concurenţă serioasă din partea unor autori
minor.” [Ibidem]
Scriitorii români exilaţi, acum parte a diasporei, alcătuiau un fel de
canon in absentia ori canon interzis care se cuvenea cuprins, după
1990, în ierarhia integrală a literaturii. Şi care, totodată, trebuia
acomodat necesităţilor de ordin metodologico-didactic specifice
manualelor de liceu.
În aceeaşi ordine de idei, într-unul dintre editorialele din România
literară, Nicolae Manolescu anticipa evoluţia lucrurilor şi aprecia
diversitatea selecţiei operate de autorii manualelor alternative de liceu
– „Cu excepţia unei liste de nume de scriitori canonici (nume care,
oricum, nu puteau lipsi!), manualele aleg textele din toate epocile şi
din foarte numeroşi autori. E o noutate importantă. De acum, şcoala
este cea care va consacra autorii, în funcţie de cerere şi de ofertă. Era
cu totul artificială listarea premergătoare, care, în comunism, mai era
şi grevată ideologic, devenită, după 1989, un simplu reflex al vechilor
deprinderi. Foarte probabil, în anii următori, canonul literar va suporta
el însuşi o mare schimbare.” [Manolescu, 1999].
Pe de altă parte, Ovidiu Şimonca atacă o problemă reală a
sistemului de învăţământ românesc, şi anume lipsa interesului pentru
operele scriitorilor români şi, în general, inapetenţa pentru lectură a
elevilor de liceu – „De ce nu se citeşte îndeajuns literatură română?
Sînt cîteva motive; în primul rînd – şcoala. Manualele de literatură
română de liceu se opresc la optzecişti, nimic despre boom-ul literar
de după 2000, nici măcar o pagină informativă; tot în manuale, în
prezentarea literaturii de după 1944 sînt mari goluri, lipsesc autori
importanţi. Se fac la clasă autorii consideraţi canonici (Marin Preda,
Marin Sorescu, Nichita Stănescu) şi cam atît.” [Şimonca, 2010] Vina
ar fi, aşa cum rezultă din spusele criticului, aproape exclusiv a
manualelor. Lucrurile sunt, însă, mult mai complicate.
264
Communication interculturelle et littérature
Defazarea dintre canonul didactic şi mişcarea formelor literare
actuale justifică doar într-o anumită măsură starea deplorabilă de
lucruri din multe licee româneşti. Mişcările în interiorul canonului
didactic sunt, în mod firesc, mai lente, căci ele depind de o serie de
factori – alţii decât criticii literari, între care ministerul de resort,
competiţia de piaţă şi altele. Aşa încât criticul are dreptate din punct
de vedere teoretic, însă pierde din vedere aspectele practice ale
elaborării, editării şi difuzării manualelor alternative – „O defazare, în
şcoală, este şi în recuperarea scriitorilor ce aparţin de aşa-numitul exil
românesc – termen deja impropriu –, autori care trăiesc şi scriu în
româneşte la Paris, Stockholm sau München. Generaţiile tinere ştiu
prea puţine lucruri despre Paul Goma, Dumitru Ţepeneag, Bujor
Nedelcovici, Matei Vişniec, despre Gabriela Melinescu, despre Gelu
Ionescu, despre Dorin Tudoran, despre Herta Müller, despre Norman
Manea; se ştie destul de puţin despre literatura scriitorilor basarabeni –
publicaţi cu osîrdie în ultimii ani –, rămasă încă un tărîm de explorat
la nivelul cititorului obişnuit (salutăm iniţiativa lui Vasile Ernu,
sprijinită de ICR, care a organizat la Chişinău Zilele literaturii
române).” [Şimonca, 2010].
Şi din nou are dreptate Ovidiu Şimonca atunci când corelează
situaţia ingrată a literaturii române, din această perspectivă, cu lipsa de
interes a instituţiilor culturale abilitate faţă de promovarea scriitorilor
actuali reprezentativi – „Nu e iarăşi aiuritor ca să avem, în doi ani
consecutivi, la Tîrgul de Carte de la Budapesta, volume foarte bine
primite: în 2009 – Venea din timpul diez de Bogdan Suceavă, în 2010
– Dimineaţă pierdută de Gabriela Adameşteanu, considerată cartea
lunii aprilie la Budapesta, iar la noi, cu excepţia presei culturale, şi
nici aceea în întregime, această ştire să nu apară la jurnalele
televizate? Aţi văzut la vreun jurnal TV generalist ştirea că Filip
Florian a fost publicat în Statele Unite? În talk-show-urile televizate,
de ce nu sînt invitaţi scriitori, aşa cum se face în ţările occidentale?”
[Şimonca, 2010].
În fine, se adaugă problema terminologiei utilizate de către critica
de specialitate atunci când se simte obligată să discute delicata şi
controversata chestiune a revizuirilor. Lansată de timpuriu, dezbaterea
pe această temă a cunoscut diferite momente şi am ales să aducem, pe
scurt, în discuţie unul dintre acestea. În 2003, la Clubul Prometheus,
în cadrul întâlnirilor „României literare”, se comentează ori se propun
termeni care să acopere demersul revizuirilor canonice. Întâlnirea este
descrisă de Ion Simuţ. [Simuţ, 2003].
Varia
265
Sub denumirea maliţios-ironică de sorginte caragialiană – „Un nou
episod din serialul Întâlnirile „României literare”. Titlul episodului:
Revizuirile în literatură. Subtitlul: Să se revizuiască, primesc!... Dar să
nu se schimbe nimica. (Farfuridi)”, Ion Simuţ propune, cel dintâi, un
plan al discuţiei. „După opinia sa, important este cine face revizuirile.
Revizuirile contează – precizează criticul de la Familia – numai dacă
au un caracter sistematic şi consecvent.” [Simuţ, 2003].
La rândul său, Mircea Martin „consideră o problemă depăşită
conflictul dintre generaţiile ’60 şi ’80. Vrea să se renunţe la termenul
de revizuire, rămas de pe vremea lui E. Lovinescu. Termenul este
patetic şi lasă să se subînţeleagă că operaţia respectivă ar constitui o
dramă sau că autorii supuşi ei ar fi culpabili. Propune un nou termen,
în spiritul vremii noastre, revizitare.” [Simuţ, 2003].
Iar Al. Cistelecan „propune un alt treilea termen: reexaminare.
După opinia sa, revizuirea, revizitarea ţin de o normalitate a vieţii
literare. Dar când este vorba de perioada postbelică, pînă în 1989, i se
pare mai potrivit să se opteze pentru reexaminarea ei, în sens
universitar.” [Simuţ, 2003].
După o scurtă expunere a opiniilor şi a luărilor de poziţie, Ion
Simuţ îşi exprimă încrederea în bunul mers al lucrurilor şi în dirijarea
corectă a receptării avizate ori mai puţinn avizate prin intermediul
unor instrumente de evaluare, validare şi promovare de tip sintetic. În
termenii criticului, în ultima vreme „au început să apară sintezele
critice de istorie literară, singurele răspunsuri care contează cu
adevărat dincolo de conjuncturi. A apărut chiar în 2000 a doua ediţie a
unei istorii complete a literaturii române semnată de Dumitru Micu,
este în curs de finalizare sinteza similară a lui Ion Rotaru, a apărut
primul volum al lui Eugen Negrici dintr-o istorie a literaturii române
contemporane, partea care ne interesează cel mai mult din punctul de
vedere al revizuirilor, este aşteptată sinteza lui Alex. Ştefănescu,
cunoscută fragmentar prin secvenţele de lecturi noi, s-a încheiat, cu al
patrulea volum, Dicţionarul scriitorilor români şi vor mai urma cu
siguranţă alte realizări de acest fel, fără de care discuţiile plutesc în
necunoscut.” [Simuţ, 2003]. Sunt, acestea, cărţi esenţiale pentru
canonul didactic şi pârghii de manevrare onestă a receptării literaturii
exilului românesc.
Departe de a se fi limpezit, şi cu atât mai puţin de a se fi încheiat,
dezbaterile se vor desfăşura în continuare, cu mai multă sau mai
puţină dăruire polemică şi, sperăm, într-un mod care să se dovedească
266
Communication interculturelle et littérature
pe de-a-ntregul util literaturii române, cu precădere aceleia din
exil/diasporă, pecum şi procesului instructiv-educativ de nivel liceal.
Bibliografie
Lăsconi, Elisabeta, „Reflecţii despre canon”, în Viaţa românească, nr. 34/2009, disponibil la adresa http://www.viataromaneasca.eu/arhiva/
58_viata-romaneasca-3-4-2009/34_ancheta/284_reflectii-desprecanon.html - accesat la data de 10.07.2014
Manolescu, Nicolae, „Noile programe şi manuale de liceu”, în România
literară, nr. 38/1999, disponibil la adresa http://www.romlit.ro/noile_
programe_si_manuale_de_liceu - accesat la data de 10.07.2014
Simuţ, Ion, Întâlnirile "României literare": Să se revizuiască, primesc!... de --, în „România literară”, nr. 6/2003, disponibil la adresa http://www.rom
lit.ro/s_se_revizuiasc_primesc.. - accesată la data de 10.07.2014
Şimonca, Ovidiu, „Literatura română şi criza”, în Observator cultural, nr.
526/2010, disponibil la adresa http://www.observatorcultural.ro/
Literatura-romana-si-criza*articleID_23734-articles_details.html
–
accesat la data de 10.07.2014
Varia
267
Site-ing the Translator
Alexandru Praisler
Résumé : En tant que partie du mécanisme de la société contemporaine, le
traducteur est rarement ’visible’ dans le sens de la théorie formulée par
Lawrence Venuti. Les traductions spécialisées, à fonction utilitaire, telles que
les traductions destinées à soutenir l’activité des institutions publiques,
doivent faire preuve de ’fluence’, ’transparence’, ’invisibilité’,
’appropriation de l’altérité culturelle’. Formes de réécriture minimale
adaptées à la nouvelle ère digitale, les traductions spécialisées cherchent
éminemment à susciter des réactions et à établir des relations, elles obligent
donc leurs auteurs à respecter les règles de grammaire, de registre et de
style, les normes d’édition et de formatage du texte, mais surtout à connaître
la pratique sociale spécifique de la culture de l’autrui et du contexte mondial
contemporain. L’article se propose de rendre visible la traduction comme
processus et produit, ainsi que le traducteur qui se trouve au-delà du texte
électronique; l’étude de cas est celui d’un texte informatif publié sur le site
de l’Inspectorat de Police du Département de Galaţi.
Mots-clés : communication, traduction, communauté internationale, web
site, institutions publiques.
1. Introductory lines
Within the frame of contemporary global communication,
translation plays an increasingly important role. Whether culturally
propelled, socially oriented or economically determined, translation is
an omnipresent element of everyday encounters between/ among
nations, societies, institutions and individuals. In the age of the new
media and of the urgency of action and reaction, translation has
undergone modifications in theory, practice, method, agency, form
and content, adapting itself to the requirements of the present day.
This adaptation is on the way especially in minority language
speaking communities, yet the speed with which it is implemented
implies that, for the time being, linguistic support is far from being
readily available. Illustrative in this respect is the particular case of
local public bodies participating in international relations, which
268
Communication interculturelle et littérature
address people mainly via the internet, their websites sometimes
advertising translation services intended to facilitate situational
communicative events and usually featuring informative translated
texts.
In theory, the latter – with a primarily utilitarian function – are
symptomatic for translations which ’suffer’, as Lawrence Venuti
might put it, from “fluency”, “transparency”, “domestication” and of
rendering the translator “invisible”1. In practice, however, they fall
under the influence of the series of factors which operate to the benefit
of immediacy, practicality and economy – central to all
communicative endeavours today – and which are detrimental to the
prerequisites and conventions expected by a wider, more diverse and
more demanding discourse community. Recurrent in this sense seem
to be the following: collaboration with unqualified personnel, use of
machine translation software, lack of cross-cultural awareness, inertia
in preserving older formats/ forms regardless of the changes having
emerged in society, language, culture. Under the circumstances, the
end products serve their basic purpose, that of advancing the gist of
the message to be carried across, but suffer from partial
inappropriateness in both editing and language use.
2. Case study
For commentary on and analysis of the viability of a translation
and the negotiation of meaning, the focus here is on the website of the
Galati Inspectorate of Police2, which displays most of the relevant
information, including that of particular interest to foreign citizens, in
Romanian.
A text in English accessible on and downloadable from the
respective website may be found under Informaţii publice [Public
Information], if one wishes to learn more about Protecţia datelor cu
caracter personal [Protection of Personal Data]. From the nine links
made available, if one selects Drepturi ale cetăţenilor străini [Rights
of Foreign Citizens]3, one will find it inserted as a word document,
Protection of Personal Data – Right of Access, preceded by an
introductory text in Romanian, Drepturi ale cetăţenilor străini în ceea
ce priveşte protecţia datelor [Rights of foreign citizens regarding data
protection], which makes reference to and quotes from Articles 18
and 26 of the Romanian Constitution and Law no. 677/ 2001, on the
Varia
269
protection of citizens with regard to the processing of personal data
and to the free circulation of this data.
In what follows, we are proposing another version to this
translation, adding comments and suggesting possible solutions to
improve the practice in the field.
2.1. Textual intervention
Available Version
Proposed Version
PERSONAL DATA
PROTECTION
REQUEST FOR EXERCISING
THE ACCESS RIGHTS
LETTER OF REQUEST
REGARDING THE PROTECTION
OF PERSONAL DATA
To,
THE
GENERAL
INSPECTORATE
OF
ROMANIAN POLICE
Mihai-Voda Street, no. 4-6, district
5,
Bucharest
To: The General Inspectorate of the
Romanian Police
I, the undersigned (name and
surename) ……........................with
domicile
/residence
in..................................
str.
......................... no. ..... bl. .....
.....ap.....,county/district...................
identification
number...................................
telephone no. .........................email
address
(optional),
................................., pursuant to
art. 13 from Law no. 677/2001 for
individuals’
protection
from
processing personal data and the
free circulation of these data and
art. 62 from Law no. 141/2010 for
establishment, organisation and
function
of
the
National
Information System of Alerts and
Str. Mihai-Vodă nr. 4-6, Sector 5,
Bucureşti
I, the undersigned (name and
surname)
……...................................................
................,
resident in .................. (country),
…………… (city/ town/ village),
………… (state/ county/ district),
................ Street no. ....., national
identification
number:
..............................,
telephone
number: ........................., e-mail
address
(optional):
................................, request that I
should be informed if my personal
data, including those in the
Schengen Information System, have
been processed by your institution,
pursuant to Art. 13 of Law no. 677/
2001 on the protection of citizens
with regard to the processing of
270
Communication interculturelle et littérature
Available Version
Proposed Version
Romania`s participation in the
Schengen Information System,
request to inform me if mypersonal
data have been processed by your
institution, including personal data
from
Schengen
Information
System.
personal data and to the free
circulation of this data and to Art.
62 of Law no. 141/ 2010 on the
establishment, organisation and
functioning
of
the
National
Information System of Alerts and on
Romania’s participation in the
Schengen Information System.
Considering the above, I request to
take the legal measures in order to
receive the requested information,
pursuant to Law no. 677/2001 and
Law no. 141/2010.
(optional) I request that the
measures taken for solving this
petition shall not be made public.
(optional) The petition is submitted
by
a
reprezentative
(its
identification
data
are
mentioned)......................................
.................
(optional) I request that the
information shall be communicated
at
the
following
address:...........................................
.................
Please take the legal measures in
order for me to receive the requested
information, in keeping with Law
no. 677/ 2001 and Law no. 141/
2010.
DATE
(optional) I request that the
measures taken for solving this
petition shall not be made public.
(optional) The petition is submitted
by a representative (identification
data:
...........................................................
................)
(optional) I request that the
information shall be communicated
to me at the following address:
...........................................................
..
DATE
SIGNATURE
SIGNATURE
2.2. Comments on the intervention
- The title of the document is ambiguous, in the sense that it seems
to be asking that access rights to personal data should be granted,
instead of asking for information on whether someone else is
accessing those data. To disambiguate, for exercising the access rights
has been replaced with the protection of personal data. Moreover, the
Varia
271
preposition for, which implies purpose, was considered inadequate;
regarding was the preferred alternative.
- To, was replaced by To:, with a colon, the comma not being
necessary.
- In the denomination of the addressee, the definite article, the, was
inserted so as to particularise and singularise the national public
institution.
- The address, traditionally for the use of the postal services/ the
postman, was translated back into Romanian, as is customary.
- The first section of paragraph one, to be filled in by the applicant,
was changed to include explicitations between brackets, at the end of
the dotted lines, in keeping with word order in English.
- surename was corrected as surname.
- Commas were added following each entry.
- Spaces were inserted only after punctuation marks: city/ town/
village.
- The address (outside the Romanian territory) was given in keeping
with the English norms.
- with domicile /residence (an instance of calque) was replaced by
resident in, thus also avoiding the formatting error.
- Explicitation was used for the various types of places of residence:
state/ county/ district.
- Word order dictated the choice of ................ Street no. ....., instead
of the initial str. ......................... no. .....
- national was added to identification number, to disambiguate it
from personal identification number.
- The abbreviation in telephone no. was replaced by number, which
also occurs in the previous syntagm.
- Colons were used after national identification number, telephone
number and e-mail address (optional), in keeping with logic and
supporting word order.
- The second section of paragraph one presupposed a number of
interventions also.
- Changes in sentence structure were operated, with the actual
request brought forth, followed by the reference to the respective
legislation.
- The request was reformulated as that I should be informed if my
personal data, including those in the Schengen Information System,
have been processed by your institution. The modifications envisaged
272
Communication interculturelle et littérature
disambiguation of agent (the passive voice replaced the active voice),
correct spacing and syntactic subordination.
- Art. 13 of Law no. 677/ 2001 replaced art. 13 from Law no.
677/2001; a capital letter was used for the article in question; the
preposition from (dynamic) was deleted and the preposition of
(expressing belonging) was inserted; a space was used to separate the
number from the year.
- The denomination of the law mentioned above was changed from
for individuals’ protection from processing personal data and the free
circulation of these data to on the protection of citizens with regard to
the processing of personal data and to the free circulation of this data
for obvious reasons: the preposition for does not point to content, but
to purpose, so on was used instead; the synthetic genitive is not
customary in official, highly formal documents; the preposition from
plus the -ing form was not enough to emphasise the agent; the
preposition to was inserted after the conjunction and to clarify the
coordination and the overall meaning.
- Similarly, the preposition to was inserted after the conjunction and
preceding Art. 62 of Law no. 141/ 2010, where the same modifications
were made as in the case of the reference to the previous law.
- function was replaced by functioning, since the reference is to a
process, not to a quality.
- The preposition on was inserted after the conjunction and in the
denomination of Law no. 141/ 2010, for reasons mentioned
previously.
- The beginning of paragraph two was changed from Considering
the above, I request to take the legal measures in order to receive to
Please take the legal measures in order for me to receive, as an
element of politeness is necessary, as ’the above’ does not function as
an adverbial of manner, and as the agent needs clarification (Who
takes measures? The applicant or the addressee?).
- pursuant to was replaced by in keeping with, to avoid repetition.
- The interventions to the optional entries were: reprezentative was
corrected as representative; its and are mentioned were deleted from
its identification data are mentioned, the former because it is
incorrect, the latter because it is superfluous; to me was added in the
last sentence to clarify the recipient.
Varia
273
3. Final remarks
Resulting from the attempt at conferring visibility to the translation
as process and product, as well as to the translator beneath the
electronic translated text, was the fact that the human element is
increasingly back-grounded. Machine-assisted productions of
translations, as seems to be the case of the sampled text, may serve
communicational and societal goals, but only if used to facilitate the
initial stages of the whole process and the transmission of the end
product. Indeed, “today’s translation competence includes the
proficient use of technology” [O’Hagan and Ashworth, 2002: 155].
Nevertheless, computer literacy is not enough. As the study shows,
there are still numerous issues to be addressed and problems to be
solved in as far as specialised translations circulated via the internet
are concerned. Forms of minimal rewriting, they need to be
appropriately adapted to the demands of the new digital era. Primarily
intended to generate reactions and establish relations, they should
abide by the rules of grammar, register and style, observe editing and
formatting norms, and, above everything else, be supported by
knowledge of the social practice specific both to the culture of the
other and to the contemporary global information society.
Possible solutions might be to resort to the services of professional
translators with solid training in intercultural mediation and computer
literacy, or to partnership schemes with higher education institutions
which offer study programmes and carry out research in translation
and interpretation.
Acknowledgement: The present paper is part of on-going postdoctoral
research within the 159/1.5/S/138963 SOPHRD Project “Sustainable
Performance in Doctoral and Postdoctoral Research” (PERFORM).
References and Bibliography
O’Hagan, Michael; David Ashworth, Translation-mediated Communication
in a Digital World. Facing the Challenges of Globalization and
Localization, Cromwell Press Ltd, Clevedon, 2002.
Venuti, Lawrence, The Translator’s Invisibility: A History of Translation,
Routledge, London, 1995.
http://gl.politiaromana.ro/ [12 August 2014]
274
Communication interculturelle et littérature
http://gl.politiaromana.ro/index.php?act=info_pub&id=1280
2014]
[12
August
Notes
1
2
3
Developed on by Lawrence Venuti, in The Translator’s Invisibility: A
History of Translation, London, Routledge, 1995.
See http://gl.politiaromana.ro/.
See http://gl.politiaromana.ro/index.php?act=info_pub&id=1280.
Recenzii
275
Recenzii
276
Communication interculturelle et littérature
Laura Eveline Bădescu, Mentalităţi, retorică şi imaginar
în secolul al XVIII-lea românesc. Cărţile de blestem,
Editura Muzeului Naţional al Literaturii Române,
Colecţia Aula Magna, Bucureşti, 2013,
ISBN 978-973-167-124-6.
Simona Antofi
Parte
a unei ample cercetări finanţate prin
POS DRU, în cadrul proiectului Valorificarea identităţilor culturale
în procesele globale – un proiect prioritar al cercetării academice
româneşti, volumul Laurei Evelin Bădescu, Mentalităţi, retorică şi
imaginar în secolul al XVIII-lea românesc. Cărţile de blestem
abordează o tematică aparte, complexă şi relativ greu accesibilă.
Interesând atât pe cercetătorul de specialitate, cât şi pe cititorul
preocupat de constituirea modelului cultural medieval în spaţiul
princiar-ecleziastic-folcloric al scrisului românesc, cartea Laurei
Bădescu se naşte dintr-o pasiune şi o determinare deosebite, rare în
raport cu o problematică ce necesită nu doar lecturi extrem de
specializate, ci şi stagii de documentare în arhive şi biblioteci.
Descoperind o zonă a scrisului şi a culturii încă necartografiate
cum se cuvine şi neinterpretate, dar care jalonează în mod firesc
parcursul istoriei ideilor şi a mentalităţilor pe teritoriul românesc,
perspectiva interdisciplinară pe care autoarea şi-o asumă identifică
limpede miza demersului şi eşafodajul demonstrativ: „elemente ale
Recenzii
277
unui angrenaj social normativ, instituţionalizat, cărţile de blestem
reflectă la nivel conceptual legitimitatea acţiunilor autoritare. Statutul
juridic pe care l-au deţinut atât în cadrul instanţelor bisericeşti, cât şi
în cadrul celor domneşti (civile), le indică drept etalon al unui tipar de
gândire, de exprimare, de interpretare şi de presiune aflat într-o
permanentă relaţie de tip instrumental cu socialul.” (p. 7) Urmărind
deopotrivă actul de producere şi implicaţiile directe ale cărţilor de
blestem, în corelaţie cu ceea ce autoarea numeşte literatură a
principilor, respectiv literatură a cărturarilor sau a arhiereilor, cât şi
actul de receptare, autoarea identifică fizionomia cititorului din veacul
de mijloc şi, corelativ, gustul pentru un anume tip de lectură. (p. 7)
Volumul se organizează pe patru componente mari, care urmăresc
să ofere o perspectivă de ansamblu asupra secolului al XVIII-lea
românesc, să elaboreze un istoric al maledicţiunii în sistemul juridic,
de la primele atestări la maledicţia oficială şi la raportul dintre dreptul
cutumiar şi cel scris şi să identifice principalele forme ale maledicţiei
arhiereşti, pentru ca, într-un incitant ultim capitol, să analizeze concretizările imaginarului damnării. Aici, urmărind circulaţia maledicţiei
arhiereşti în spaţiul textului folcloric şi al modelelor picturale, cercetarea arată cum „acest imaginar, proiectat într-un spaţiu al damnării
şi într-un timp al memoriei contorsionat eshatologic şi liturgic, apare
populat de figurile detestabile ale ucigaşilor biblici, nesocotitorilor lui
Dumnezeu, trădătorilor şi ereticilor. Pedepsele derulate în termenii
expierii culpabilului poartă amprenta insuportabilului manifestat în
viaţă prin boli degradante, iar în moarte prin neputrezire, adică prin
anularea odihnei şi a somnului veşnic.” (p. 143)
Sprijinită de un aparat critic deosebit de bogat – referinţe, note
explicative, o bibliografie ce reuneşte totalitatea surselor inedite (cărţi
de blestem) din fondul Arhivelor Naţionale, şi o Crestomaţie cu
exemple ilustrând cărţile de întăritură, cărţile de blestem şi cărţile de
mărturie, cartea Laurei Eveline Bădescu completează o zonă albă a
culturii române medievale şi oferă o perspectivă nouă, proaspătă,
dintr-un unghi mai curând ignorat decât explorat corespunzător,
asupra unei etape importante a vieţii culturale româneşti medievale.
278
Communication interculturelle et littérature
Le récit intime en tant que témoignage dans « Le pays
de l’absence » de Christine Orban
Angelica Vâlcu
C
hristine Orban, née en 1954 à Casablanca au
Maroc, a fait des études de droit, mais elle se tourne très vite vers sa
véritable vocation, la littérature. Son premier roman, Les petites filles
ne meurent jamais, paraît en 1986 et après, suivront L’Ame sœur,
Fringues, Mélancolie du dimanche et dernièrement, Le Collectionneur
(2010) et Le pays de l’absence, paru en 2011 aux Editions Albin
Michel, Paris.
Le roman Le pays de l’absence est dédié à la mère de la narratrice
et dès les premières pages le lecteur se rend compte qu’il s’agit d’un
roman, en grande partie, autobiographique. C’est un livre émouvant
sur la relation d’une fille et de sa mère de 73 ans atteinte de ce que
l’on suppose être la maladie d’Alzheimer, même si la maladie n’ est
pas clairement citée qu’une seule fois durant tout ce roman. La mère
est une très belle femme, élégante, autrefois championne de bridge,
aimée et appréciée par les siens mais qui n’est plus elle-même depuis
qu’elle vit au « pays de l’absence ».
Le livre est aussi l’occasion pour l’écrivaine de dresser le parallèle entre
les rapports inversés qui s’instaurent, petit à petit la fille devient la mère
de sa mère, l’aidant à s’habiller, lui parlant comme à une petite enfant
etc.[ …]. Des pages pleines de tendresse, d’amour et de patience – car il
Recenzii
279
en faut énormément – mais aussi d’agacement à devoir répéter sans cesse
les mêmes choses simples, de honte un peu devant les autres, de tristesse
bien sûr à voir un parent partir en lambeaux et perdre pied.1
Ce récit intime des relations mère-fille où les rôles s’inversent avec
le temps, où chaque émotion plonge dans les souvenirs d’enfance, est
un véritable roman témoignage qui explore avec des mots simples et
appropriés « l’impuissance devant un être aimé qui sombre dans
l’absence. »2
Christine Orban écrit comme un peintre miniaturiste cette histoire
tragique d’une mère et de sa fille, d’un personnage et de son auteur :
Je voulais lui raconter mon arrivée dans la capitale, cette sensation
d’être étrangère qui ne m’a jamais quittée depuis… Les malentendus, le
jugement, les joies, les refuges, les pièges, ceux dans lesquels je tombe,
les facilités. Est-ce trop tard ? Trop tard déjà ? La vie passe, la vie est
passée. Maman est restée une enfant et moi je suis devenue cette adulte
vacillante, sans socle, sans racines [Orban, 2011: 22].
Le pays de l’absence est une belle narration sensible et pleine de
tendresse, celle d’une femme qui doit lutter avec la maladie
d’Alzheimer de sa mère. Les accents de tendresse, d’humour et de
désespoir alternent dans les pages de ce roman dont la beauté
stylistique ne peut nous laisser indifférents. Nous allons citer
ci-dessous les commentaires de certains lecteurs – journalistes de ce
roman qui représente vraiment un morceau de vie vécue :
Avec sa compétence habituelle, Christine Orban aborde l’un des sujets
les plus angoissants de la vie moderne: la vieillesse des proches. Plus
précisément la maladie incurable d’une mère, sa lente décrépitude, ses
angoisses diffuses devant ce qui lui arrive, ses effrois, ses bévues.
Jean Soublin - Le Monde
Ce petit livre est bien écrit, avec la plume professionnelle, pointue d’une
Christine Orban plus romancière que jamais, jonglant entre les formules
nées du narratif fictionnel et l’émotion personnelle. (...) Le sujet de ce
"Pays de l’absence" nous bouleverse au plus haut point.
Gracianne Hastoy - www.critica.fr
De la grâce et de la lucidité dans l’écriture pour ce roman enlevé et tour
à tour cruel et tendre.
Pascal Pioppi - La Marne
280
Communication interculturelle et littérature
L’écriture de Christine Orban est réservée et sensible. Ce sont quelques
pages pour raconter ce jour où les rôles s’inversent, et où l’on devient les
parents de nos parents...
- www.conseil-psy.fr
Christine Orban écrit avec douceur et légèreté, elle met à nu les joies et
les blessures de sa relation maternelle. C’est écrit avec une grande
profondeur, beauté de la stylistique et récit émaillé de belles citations qui
pimentent ce texte fort. Un récit pudique et empreint d’une grande
sensibilité.
David Assolen - www.ecolesjuives.fr
Un roman poignant. (...)Les phrases sont souvent courtes, elles vont à
l’essentiel, elles nous en jettent plein la tête. (...) Il y a de la tendresse
dans les mots de l’auteure, pour un roman qui est aussi un témoignage.
Sophie Hérisson - http://delivrer-des-livres.over-blog.com
Pour conclure, le roman Le pays de l’absence reste le reflet sincère
d’une douleur qui réussit à ne pas tomber dans le pathos et à ne pas
devenir bouleversante. Elégance et sensibilité sont les mots qui
caractérisent l’écriture fluide de Christine Orban.
Notes
1
2
http://www.babelio.com/livres/Orban-Le-pays-de-labsence/225490
,
adresse Internet consultée le 2 décembre 2013.
http://www.decitre.fr/livres/le-pays-de-l-absence-9782226218667.html,
adresse Internet consultée le 2 décembre 2013.
Date despre autori
281
Date despre autori
Simona ANTOFI est professeur à la Faculté des Lettres de l’Université
„Dunărea de Jos” de Galaţi, au Département de Littérature, Linguistique et
Journalisme. Elle a enseigné, de 1996 jusqu’à présent, des cours et des
séminaires de littérature roumaine ancienne, pré-moderne et moderne (y
compris l’époque des « Grands Classiques »), de culture et de civilisation
roumaine et d’anthropologie culturelle. En 2003, elle a soutenu une thèse de
doctorat sur le thème « Luceafărul » – une relecture, coordonnée par
Monsieur le Professeur Dan Manuca, dans le cadre de l’École doctorale de
l’Université « Al. I. Cuza » de Iassy, dans le domaine Philologie. Elle a
publié environ 100 articles et travaux scientifiques dans des revues de
spécialité de Roumanie et de l’étranger, et aussi dans les Actes des colloques
nationaux et internationaux. Elle est l’auteur des études : « Luceafărul » une relecture, Du discours poétique à la genèse de la littérature. Structures
poétiques roumaines en diachronie, Critique et discours : récupérations et
reconstitutions littéraires. Elle a coordonné quelques volumes collectifs
publiés sous l’égide du Centre de recherche Communication interculturelle et
littérature (Formes et territoires de la littérature et du discours critique
contemporain. Glossaire et anthologie de textes, Stratégies et conventions
littéraires. Récupérations critiques, Métamorphoses du roman roumain du
XXème siècle, Frontières culturelles et littérature, Le Discours critique
roumain actuel. Anthologie de textes. Études critiques). De 2008, elle est
rédacteur en chef de la revue Communication interculturelle et littérature
(B+), indexée dans les bases de données internationales MLA (Modern
Language Association, New York) – MLA International Bibliography &
Directory of Periodicals, Index Copernicus et Fabula. La recherche en
littérature.
Marian ANTOFI est professeur de langue et littérature roumaine à l’École
Gymnasiale no. 22 de Galaţi. Licencié en philologie et titulaire d’une maîtrise
ès lettres à l’Université « Dunărea de Jos », il a participé, au cours des
dernières années, à plusieurs conférences et colloques internationaux
organisés sous l’égide du Centre de recherche Communication interculturelle
et littérature de la Faculté des Lettres de Galaţi. Il est aussi l’auteur de
plusieurs articles publiés dans la revue du Centre, Communication
interculturelle et littérature. Ses articles et communications scientifiques
portent notamment sur la littérature roumaine des XIXe et XXe siècles.
Alina Ioana BAKO est maître assistante à la Faculté des Lettres et Arts,
Département d’Etudes Romanes de l’Université « Lucian Blaga » (Sibiu) et
282
Communication interculturelle et littérature
chercheur postdoctoral à l’Académie Roumaine. Membre du Centre pour des
Recherches Philologiques et Interculturelles de Université « Lucian Blaga »
de Sibiu, elle est docteur ès lettres avec une thèse intitulée Voies et voix de
l’imaginaire onirique. Le groupe des poètes roumain, en cotutelle entre
Université « Michel de Montaigne »Bordeaux et Université « 1 Decembrie
1918 » Alba Iulia. Des études de licence à la Faculté des Lettres et Arts,
Roumain-Français, diplôme obtenu en 2003, Maitrise « Evolutions des
formes poétiques », à la Faculté des Lettres et Arts, diplôme obtenu en 2004.
Assistant Associé à l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu de 2008 à 2012,
professeur de langue roumaine de 2003 à 2006 dans plusieurs lycées. Dès
2006 membre du Centre de recherche sur l’imaginaire « Speculum », Alba
Iulia, membre du CRI (Centre de recherche sur l’imaginaire) de Grenoble,
rédacteur de la revue ASTRA – Sibiu, Assistant lingustique, Legta de
Bergerac, France, 2004. Elle a publié deux volumes: La dynamique de
l’imaginaire poétique : le groupe des poètes oniriques en 2012, qui a reçu le
prix pour les Jeunes Ecrivains – USR Cluj et le prix pour le début dans la
critique littéraire, USR – Sibiu. Elle a publié des articles et des essais dans
des revues comme « Transylvania », « Cahiers critiques », « Saeculum ».
Elle a participé à des séminaires et des conférences nationales et
internationales: le séminaire „Ecritures de l’exil” (2007) à l’Université
« Michel de Montaigne » Bordeaux III, la Conférence « Francophonies
TransOceaniques », Montréal, (mai 2011), étant l’auteur de plusieurs
communications présentées lors des réunions annuelles (2007, 2008, 2009,
2010, 2011, 2012, 2013) du Centre de recherche sur l’Imaginaire «
Speculum » (Alba Iulia), publiées en volume ; traductions de et vers Français
(« Constantin Noica et Sibiu », « Cahiers Equinoxe »). Elle a obtenu
plusieurs bourses de recherche et de formation : la bourse du gouvernement
français pour le doctorat en cotutelle des bourses d’ANPCDEF en Islande
2010, bourse 2011, Athènes, Agence Universitaire de la Francophonie,
Montréal 2011.
Docteur en philologie, Valeriu BĂLTEANU est chargé de cours au
Département de Littérature, Linguistique et Journalisme de la Faculté des
Lettres de Galaţi. Ses travaux scientifiques portent sur le folklore littéraire et
rituel roumain et, en particulier, sur la dynamique des structures mythosymboliques repérables dans la littérature et les traditions populaires
roumaines, mais aussi sur la terminologie magique populaire et sur les
structures dialectales du même espace culturel. Il est l’auteur de onze livres
dont trois dictionnaires (concernant la magie, la divination et la mythologie
populaires roumaines) et de nombreux articles et communications
scientifiques publiées dans les revues de la Faculté des Lettres de Galaţi.
Lucia-Luminiţa CIUCĂ is a PhD student in the first year of study at
Doctoral School of Socio-Humanities, Faculty of Letters, “Dunărea de Jos”
Date despre autori
283
University of Galaţi, where she is currently conducting research for a thesis
on The Memoir/Travel Writing in the Nineteenth and Twentieth Centuries
Romanian Literature. An Imagological and Narrative-Specular Approach.
The research areas tackled in the scientific endeavour are: History of
Romanian literature (19th and 20th centuries), Romanian discourse of criticism
(19th and 20th centuries), Romanian culture and identity, Poetics and rhetoric
of the biographic genre.
Ana-Elena COSTANDACHE est chargée de cours docteur au Département
de Langue et Littérature françaises, Faculté des Lettres, Université „Dunărea
de Jos” de Galati. Ses centres d’intérêt visent l’étude de la littérature
française des XVIIe-XVIIIe siècles et du XXe siècle et les travaux dirigés en
littérature française. Elle a soutenu sa thèse de doctorat en 2011, Interferenţe
culturale în spaţiul românesc al secolului al XIX-lea până la apariţia
spiritului critic junimist / Interférences culturelles dans l’espace roumain du
XIXe siècle jusqu’à l’apparition de l’esprit critique de Junimea. Ses
recherches comprennent de nombreux articles parus dans les actes des
colloques nationaux et internationaux parmi lesquels Représentations de la
féminité dans l’espace culturel francophone, colloque organisé en 2010 par le
Centre de recherche Communication interculturelle et littérature. Parmi ses
publications scientifiques, il faut rappeller: Forms and Techniques of Writing
and Translating in the 19th century: Cultural and Linguistic Patterns,
Promoteurs des traductionsen langue roumaine dans la première moitié du
XIXe siècle, La femme et ses représentations dans les poèmes
préromantiques roumains, La logique du langage dans les pièces d’Eugène
Ionesco: “Jacques ou la soumission”, “L’Avenir est dans les œufs”,
Romantisme européen et romantisme roumain au XIXe siècle.
Liliana DOSCALO GROSU est doctorante en IIème année à l’Ecole
Doctorale des Sciences humaines et sociales de l’Université „Dunărea de
Jos” de Galaţi. Elle effectue son activité de recherche sous la direction du
Professeur dr. Simona Antofi. Le sujet de thèse est „La poésie de Grigore
Vieru. Les structures discursives-textuelles et la construction du sens
poétique”. Cette recherche vise à identifier, par l’étude des textes de Gr.
Vieru, les sémiotiques actuelles sur la poésie / le discours poétique de
l’auteur. Son activité de recherche s’est concrétisée dans l’élaboration d’un
pré-test sur un échantillon restreint dans le but de production des données
théoriques et empiriques sur le sujet de la thèse et aussi dans la participation
aux conférences scientifiques et la publication des articles.
Mirela DRĂGOI est chargée de cours dans le cadre du Département de
Langue et Littérature Françaises de la Faculté des Lettres de Galati. Elle fait
partie du comité de rédaction de la revue Mélanges francophones et du centre
de recherches Communication interculturelle et Littérature de l’Université «
284
Communication interculturelle et littérature
Dunărea de Jos ». Sa thèse de doctorat présente le parcours biobibliographique d’un écrivain roumain d’expression française, Constantin
Virgil Gheorghiu (2008). Actuellement, ses recherches tournent autour des
axes suivants: le texte lyrique – poétique et rhétorique; la littérature française
(Moyen-Age, Renaissance, le XIXe siècle); narratologie; la littérature
roumaine d’expression française ; la didactique du français langue étrangère.
Ses publications les plus récentes : Le rôle des séries phraséologiques dans
l’énonciation des principes pédagogiques rabelaisiens, in Lexic comun –
Lexic specializat. Frazeologie. Stilistică. Traductologie, no 2 (6), 2011,
Europlus, Galaţi, 2011, ISSN 1844-9476, pp. 102-107 ; La signification de
l’appareil titulaire chez Virgil Gheorghiu, in Lexic comun – Lexic
specializat. Limba română în timp şi spaţiu no 1-2 (9-10), Europlus, Galaţi,
2013, ISSN 1844-9476, pp. 228-238 ; Approches stratégiques dans la
représentation de l’espace narratif chez Emile Zola, in Melanges
francophones. Dialogues en francophonie, no 8, Galaţi University Press,
2013, ISSN 1843-8539, pp. 93-104.
Elena FILOTE (PANAIT) est doctorante en IIème année à l’École
doctorale de Philologie de l’Université „Dunărea de Jos” de Galaţi. La
recherche scientifique qu’elle entreprend pour élaborer sa thèse de doctorat
vise l’analyse des stratégies discursives dans la prose féminine de l’entredeux-guerres. Son activité s’est concrétisé jusqu’à ce moment par des
participations aux cours doctoraux et à des conférences nationales et
internationales organisées par l’Université de Galaţi.
Alice FROGER est doctorante en littératures françaises et comparées à
l’université de Paris-IV La Sorbonne, au Centre International d’Études
Francophones. Elle consacre actuellement ses travaux sur l’émancipation de
la parole féminine dans l’œuvre de la romancière Taos Amrouche, sous la
direction de Beïda Chikhi.
Oana Celia GHEORGHIU is M.A. in Translation and Interpretation Studies
and PhD student in Philology – British and American Literature (“Dunărea
de Jos” University of Galaţi). Her research area includes the interference of
political and media discourse within twenty-first century fiction, as well as
representations of the extreme alterity – terrorism in fiction, grounding her
findings in New Historicism, Cultural Studies and Critical Discourse
Analysis. Selected articles: “East of the Western Canon. Romanian Literature
under British Eyes”, in Boldea, I. (ed.), Globalization and Intercultural
Dialogue: Multidisciplinary Perspectives, Tîrgu-Mureş: Arhipelag XXI,
2014 (co-author with prof. Michaela Praisler); “Translating Political
Discourse in Performance: David Hare’s Stuff Happens” in H. Hulban (ed.),
Ethos, Iaşi: Institutul European, 2014; “Translating Feminist Discourse in
Fay Weldon’s Big Women” in S. Stan and G. Colipcă (eds.), Translation
Date despre autori
285
Studies. Retrospective and Prospective Views, issue 13/2012, Galaţi: GUP;
“From Breaking News to Fiction: Iain Banks’s Dead Air”, in S. Stan and G.
Colipcă (eds.), Translation Studies. Retrospective and Prospective Views,
issue 16/2013, Galaţi: GUP (forthcoming).
Adela Cornelia IANCU (MATEI) is PhD student in Philology – British and
American Literature (“Dunărea de Jos” University of Galaţi). Her research
area includes deconstructing feminism in Fay Weldon’s fiction, as well as
analyzing several aspects of Weldon’s female protagonists, such as their love
lives, their acceptation or rejection of traditional gender roles or the social
oppression of patriarchal society. Selected articles: "Deconstructing Female
Friends" – Cultural Intertexts; "A Reflection of Experience and
Autobiography in Fay Weldon’s Fiction" – Comunication Interculturalle et
Literature; Galaţi: GUP (forthcoming). Papers presented at conferinces:
"Deconstructing Female Friends" (CSSD-UDJ II 2014, Galaţi, May, 15-16
2014); "Feminine Figures in the Early and Late Feminist Stages of Fay
Weldon’s Fiction" – Cultural Intertexts (sept 2014 - forthcoming).
Elena IANCU is a second year PhD student at „Dunărea de Jos” University
of Galaţi, Faculty of Letters, Philology, Language and Literature, who’s
interested in the study of Romanian Drama after the World War Two. Her
research works, which were presented at The Annual PhD Student
Symposium, at the conferences and workshops organized by the departement,
are treating the theatre in its diversity (the theatre of the absurd, its present
directions, the authors’ reflexions in the play etc.). Her recent documentations
concerns the beginings of the dramatic formulas, but also the way in which
those have evolved in the inter- and post-war period.
Laurenţiu ICHIM est docteur en philologie, avec une thèse sur l’œuvre de
Ştefan Agopian. Après des études et des expériences de travail très diverses
couvrant le domaine des lettres, mais aussi celui du droit et de
l’administration, son intérêt s’est concentré notamment sur la recherche de
l’univers de la littérature roumaine, au sujet de laquelle il a publié de
nombreux articles.
Andreea IONESCU is an M.A. in British Cultural Studies and PhD student
at the Doctoral School of Socio-Humanities, Faculty of Letters within
“Dunărea de Jos” University of Galaţi. Her research interests involve the
field of imagology, cultural studies and structuralism. Recently published
work consists of Kazuo Ishiguro’s Early Prose. Preordained Names and
Echoes of Japanese Identityin Globalization and intercultural dialogue:
multidisciplinary perspectives (Editor: Iulian Boldea), Editura Arhipelag
XXI, 2014. Articles pending publication include The Descent of the Japanese
Patriarch in Cultural Intertexts, An 1 Nr. 1, 2014, Galaţi: GUP;Revealing
286
Communication interculturelle et littérature
Obscure Meanings in Kazuo Ishiguro’s Words and Images in Lexic comun/
Lexic specializat, Anul VII, Nr. 1 (11), 2014;Stereotypes of the Japanese
Woman inTranslation Studies. Retrospective and Prospective Views, issue
16/2013, (Editors: S. Stan and G. Colipcă), Galaţi: GUP.
Violeta-Teodora IORGA (LUNGEANU) est doctorante en IIème année à
l’École Doctorale de Sciences socio-humanistes, dans le cadre de l’Université
„Dunărea de Jos” de Galaţi, développant son activité de recherche sous la
direction du Professeur dr. Simona Antofi. Le titre de la thèse de doctorat est
« Les métamorphoses de l’autofiction féminine dans la littérature roumaine
actuelle », sa démarche se proposant d’identifier, par la recherche d’un
corpus de textes appartenant à la littérature roumaine féminine actuelle, les
modalités de rapporter ce type de littérature au moule discursif autofictionnel.
L’activité de recherche déroulée jusqu’à présent s’est concrétisée tant dans la
participation aux conférences et la publication des articles, que dans
l’élaboration des bases de données à caractère théorique indispensables au
thème de la recherche.
Isabela MERILĂ Senior Lecturer at the Department of English, Faculty of
Letters, “Dunărea de Jos” University of Galaţi, Romania. She was awarded
the doctor’s degree in British and American Literature in June 2008 at the
“Alexandru Ioan Cuza” University of Iaşi. She currently teaches British
Literature (contemporary and medieval), academic writing and critical
approaches to literature. She is conducting research on constructing otherness
in literature, and she has published a number of articles in the field, among
which: “Constructing Identity and Otherness with(in) Salman Rushdie’s
Solly Solanka – A Session of Psychoanalysis” (Bacău 2005); “Shifting
Perspectives: Colonial Otherings in Rushdie’s Midnight’s Children” (Alba
Iulia 2006); “To Mean a Multitude of Somethings” (Galaţi 2010); “Textually
Constructing Identity and Otherness: Mediating the Romanian Hip-Hop
Message” with Michaela Praisler (Oxford 2009). She was one of the main
researchers in the FP6 International Project Societies and Lifestyles (20062008) and she has been the organizer of the British Romanian Educational
Exchange for the past 8 years.
Doiniţa MILEA est professeur à l’Université „Dunărea de Jos” de Galaţi.
Elle est licenciée de la Faculté de Langue et littérature roumaines de
l’Université de Bucarest, avec un doctorat à la même université. Spécialiste
en littérature comparée, elle a publié plusieurs livres fondés sur une approche
interdisciplinaire tels que : Le roman historique roumain, 2001, Formes de la
fiction narrative, 2002, Éléments de poétique du récit, 2000, Confluences
culturelles et configurations littéraires. Sur les métamorphoses de
l’imaginaire dans l’espace littéraire, 2005, Espace culturel et formes
littéraires au XXe siècle. Reconfigurations, 2006. Elle a coordonné et publié
Date despre autori
287
aussi, en co-auteur, quelques volumes du Centre de recherche
Communication interculturelle et littérature tels que : (Formes et territoires
de la littérature et du discours critique contemporain. Glossaire et
anthologie de textes, 2005, Stratégies et conventions littéraires.
Récupérations critiques, 2005, Frontières culturelles et littérature, 2006, Le
Discours critique roumain actuel. Anthologie de textes. Études critiques,
2008. Elle dirige des thèses de doctorat dans les domaines de la littérature
roumaine, de la théorie littéraire, de la littérature comparée et des études
culturelles.
Guy Aurélien NDA’AH est doctorant en stylistique française (Université de
Yaoundé I - Cameroun). Ses recherches actuelles portent sur tranquillité dans
une perspective postcoloniale dans la prose romanesque de Léonora Miano.
Ses publications les plus récentes: « Résurgence de la Tragédie africaine de la
Traite négrière dans la trilogie de Leonora Miano : une écriture prospective »
in Actes du colloques La mémoire face à l’histoire : traces, effacements,
réinscriptions, sous la dir.de Anne Le Guellec-Minel, Presses Universitaires
de Rennes (à paraître octobre 2014); « Altérité ét résilience dans la prose
romanesque de Léonora Miano » in L’esthétique de la résistance et de la
relation dans les littératures africaine et antillaise sous la dir.de Owono
Zambo et Édouard Christian DJOB-LI-KANA (à paraître fin décembre
2014).
Léa NYINGONE est doctorante en littérature générale et comparée à
l’Université de Lorraine, (Nancy) et est rattachée au Laboratoire de recherche
Littérature, imaginaire et sociétés (LIS EA 75). Ses recherches actuelles
s’articulent autour de la problématique de l’interlangue et la radicalisation du
discours féminin francophone. Ses publications en préparation portent sur Le
corps nu et corps sacré dans les œuvres de Calixthe Beyala et de Nedjma, et
Sens, création, recomposition et ré-invention du réel dans l’œuvre d’Aminata
Sow Fall.
Alexandru PRAISLER works as a translator and international relations
officer at “Dunărea de Jos” University of Galaţi, Romania. He has a doctorate
in English – Translations Studies (title of doctoral thesis: Language, Power
and Intercultural Communication. Translation Policies and the Politics of
Translation), has published various scientific articles and specialised
translations, and has participated in numerous conferences, seminars,
workshops and professional training programmes. Currently, he is carrying
out postdoctoral research within the 159/1.5/S/138963 SOPHRD Project
“Sustainable Performance in Doctoral and Postdoctoral Research” –
PERFORM (proposed title: A Study on the Linguistic Policies and Practices
Regarding Translation and Interpretation Services Adopted by Public
Institutions in Galaţi).
288
Communication interculturelle et littérature
Mihaela RUSU est doctorante en philologie (Université "Dunărea de Jos",
Galaţi). Ses activités de recherche visent la création littéraire de Mircea
Eliade, portant sur une lecture de type palimpseste de l’œuvre eliadesque,
ciblé sur le roman “La forêt interdite". Ses études les plus récentes : « "La
forêt interdite " – ou la transgression des frontières de la prose existentielle à
la prose fantastique » in Globalization and Intercultural Dialogue.
Multidisciplinarity Perspectives, Section: Literature (sous la dir. de Iulian
Boldea), Târgu-Mureş, România, 2014; « Des mots signes dans la narration
mythique de Mircea Eliade » (à paraître); « Les représentants de la génération
des années ’30 – promoteurs de l’esthétique autenticiste » (à paraître); « Voix
de l’exil roumain: Monica Lovinescu et Mircea Eliade » (à paraître) ; « La
conscience du philosophe de la vie comme espace de l’imaginaire autenticiste »
(à paraître).
Iryna SOBCHENKO est diplômée de l’Université nationale linguistique de
Kyiv, Ukraine, où elle a travaillé en tant qu’assistante à la chaire de la
littérature générale et comparée depuis 6 ans. Boursière de la Confédération
Suisse, elle vient de passer un an à l’Université de Genève en travaillant sur
le projet de recherche consacré à l’œuvre d’Agota Kristof, et elle va continuer
ses études doctorales dans le cadre du programme d’EMJD Interzones. Ses
recherches actuelles portent sur le potentiel transgressif de l’écriture
minimaliste, l’écriture entre les langues, les politiques de l’écriture et des
identités mineures. Iryna Sobchenko est aussi co-rédactrice et traductrice du
magazine littéraire indépendant Prostory.
Angelica VALCU est maitre de conférences en linguistique française à
l’Université « Dunărea de Jos » de Galaţi, Département de langue et
littérature françaises. Ses travaux de recherches portent sur l’analyse du
discours, l’analyse des interactions verbales, la didactique du FLE. Ces
travaux ont donné lieu à quelques publications significatives : Types
discursifs et textuels en français contemporain. Une approche pragmatique,
Ed. GUP, 2011, Les interactions verbales. Théorie et fonctionnement, Ed.
GUP, 2008, Éléments de pragmatique discursive et textuelle, Ed. „Ştefan
Lupaşcu”, Iaşi, 2004, Funcţionarea discursului specializat, Ed. „Ştefan
Lupaşcu”, Iaşi, 2003. Elle est l’auteure de plus de 40 articles publiés dans des
revues de spécialité de Roumanie et de l’étranger.
Date despre autori
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Communication interculturelle et littérature
Bun de tipar: 2014 • Apărut: 2014 • Format 17 × 24,5 cm
Iaşi, str. Grigore Ghica Vodă nr. 13 • cod 707027
Tel. Difuzare: 0788.319462 • Fax: 0232/230197
[email protected] • http://www.euroinst.ro

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