La médecine complémentaire en oncologie

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La médecine complémentaire en oncologie
CURRICULUM
La médecine complémentaire en oncologie
Ce que doit savoir le médecin de premier recours
Marc R. Schlaeppia, b, Arnoud J. Templetonb
Kantonsspital, St. Gallen
a
Zentrum für Integrative Medizin, b Klinik für Onkologie und Hämatologie
Quintessence
La médecine complémentaire s’entend comme étant complémentaire
à la médecine conventionnelle et se distingue de la médecine alternative,
qui est mise en œuvre en remplacement de la médecine conventionnelle.
La médecine intégrative associe la médecine conventionnelle et la médecine complémentaire.
L’objectif principal de la médecine complémentaire est de fournir un
traitement d’appoint, en s’intéressant plus particulièrement à la qualité
de vie du patient.
Les données probantes relatives à la médecine complémentaire sont
nettement plus nombreuses depuis ces 10 à 15 dernières années. Dans le
champ d’application de l’oncologie, des études ont notamment démontré
un meilleur contrôle des symptômes par l’acupuncture, le miel, le gingembre, le traitement par le gui, l’encens, la réduction du stress par un
entraînement standardisé à la pleine conscience et le yoga.
En raison d’interactions potentielles, le médecin traitant doit demander quelles substances complémentaires utilise le patient.
Introduction
Marc R.
Schlaeppi
Les auteurs n’ont
déclaré aucun
soutien financier ni
d’autre conflit
d’intérêts en
relation avec cet
article.
En Europe, environ 15 à 70% des patients atteints d’un
cancer se tournent vers l’offre de la médecine complémentaire ou de la médecine alternative (CAM) [1]. Dans
ce contexte, la notion de médecine complémentaire
s’entend comme étant proche de la médecine intégrative pour souligner que la médecine conventionnelle et
la médecine complémentaire doivent être employées
conjointement dans un concept global [2] en se distinguant de la médecine alternative, qui est utilisée en
remplacement de la médecine conventionnelle [3]. Dans
un sondage suisse, 39% des personnes interrogées ont
déclaré avoir recours à ces méthodes [4], ce chiffre
s’élevait à 46% chez les femmes en Suisse orientale présentant un cancer du sein non métastatique, et plus de la
moitié des femmes n’utilisant pas les CAM ont souhaité
obtenir plus de renseignements à ce sujet [5]. Les motifs fréquemment évoqués pour justifier le recours aux
CAM sont «le renforcement des défenses immunitaires»
ou l’amélioration de l’état physique et émotionnel [1].
L’utilisation des CAM est en outre considérée comme une
contribution individuelle active au traitement du cancer,
qui apporte un peu plus d’espoir au patient dans une
situation existentielle difficile [4]. Ce sont plus particulièrement les jeunes femmes avec un niveau de formation avancé qui se tournent vers les CAM, mais l’activité
physique régulière, c’est-à-dire une activité de leur
propre initiative, est également un facteur prédictif de
l’utilisation de CAM chez les femmes atteintes d’un cancer
du sein [5].
La médecine complémentaire est apparue avant la
«Evidence-Based Medicine» (EBM) et s’est tout d’abord
développée indépendamment de ses standards méthodologiques. Dans la majorité des systèmes médicaux
globaux (médecine traditionnelle chinoise [MTC], médecine ayurvédique, médecine anthroposophique, etc.),
un traitement individualisé et multimodal est mis en
place. Souvent, les stratégies conventionnelles du «from
bench to bedside» ou de la «translational research»,
qui aboutissent à des études de phase I, II et III, ne sont
pas appliquées dans ces systèmes, qui adoptent plutôt
le procédé inverse: l’expérience pratique est systématiquement contrôlée et, idéalement, démontrable jusque
dans les mécanismes biologiques [6]. Contrairement à
l’idée très répandue selon laquelle très peu d’études sérieuses viendraient étayer la médecine complémentaire,
c’est justement cette vérification systématique qui a fait
l’objet de recherches toujours plus nombreuses au cours
de ces dernières années, conduisant à la publication de
travaux portant sur les CAM dans des journaux renommés [7] ou à l’ajout de la médecine complémentaire
et la médecine intégrative dans les recommandations
basées sur les preuves (dans le traitement du cancer du
poumon par exemple [8]).
Dans un sondage récent réalisé en Allemagne, 73% des
personnes interrogées (médecins et personnel soignant)
ont indiqué se sentir insuffisamment informées sur le
recours à la médecine complémentaire dans le domaine
de l’oncologie pour leur activité professionnelle en milieu
hospitalier [9]. L’objectif de cet article est de montrer,
à l’aide de différents exemples d’application, les possibilités et les limites de la médecine complémentaire en
oncologie (tab. 1 ), sans toutefois prétendre fournir
une liste exhaustive de ces méthodes.
Acupuncture et thérapies corporelles
Dans une analyse combinée de 9 études portant sur
l’acupuncture dans la prévention de vomissements aigus
induits par la chimiothérapie, il a été constaté une réduction absolue de 9% (22% avec l’acupuncture contre
31% dans le groupe témoin), l’effet le plus significatif
ayant été obtenu avec l’électro-acupuncture [10]. L’acupuncture peut également conduire à une diminution des
arthralgies associées aux inhibiteurs de l’aromatase [11],
une telle amélioration n’ayant pas été constatée avec
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Tableau 1
Exemples de mise en œuvre de thérapies d’appoint issues de la médecine complémentaire.
Thérapies
Indications possibles
Remarques
Acupuncture et thérapies corporelles
Acupuncture
(médecine traditionnelle chinoise)
Thrombocytes >50 G/l. En cas de traitement
Nausées, vomissements [10], fatigue [16],
œdème lymphatique [17], bouffées de chaleur anticoagulant, le point de ponction doit être
comprimé suffisamment longtemps.
[13], arthralgies [11], xérostomie [14],
douleurs [15].
Massages
(massage suédois par ex.)
Angoisses/stress, douleurs [18, 19].
Massage professionnel adapté à la maladie.
Mind–Body Medicine
Art-thérapie
(par ex. musicothérapie,
thérapie par le dessin, sculpture)
Dysthymie, angoisses [56, 57].
Mindfulness-based stress reduction (MBSR)
(concept de pleine conscience issu
notamment du bouddhisme zen)
Qualité de vie, angoisses, douleurs, effets
secondaires d’un traitement endocrinien
(notamment bouffées de chaleur, arthralgies)
[20].
Standardisé, 8 semaines d‘entraînement
(2½ heures/semaine + 1 jour entier). Il
est essentiel de s’entraîner à la maison.
Uniquement pour les patients motivés.
Yoga
(médecine ayurvédique)
Angoisses, troubles du sommeil [21].
Programmes de yoga spécifiques (YOCAS),
en cas de troubles du sommeil par ex.
Traitements à base de plantes et substances
Boswellia serrata (encens)
(médecine ayurvédique)
Œdème cérébral
(métastases, tumeurs cérébrales) [27].
Miel
(naturopathie)
Mucosite sous radiothérapie [28, 29].
Tumeurs de la région ORL.
Gingembre
(phytothérapie)
Nausées induites par la chimiothérapie [30].
ATTENTION: renforce potentiellement la
tendance hémorragique si associé à des AINS
ou des anticoagulants.
Gui
(médecine anthroposophique)
Qualité de vie, plus particulièrement pendant
la chimiothérapie [32, 33]. Bénéfice de survie
potentiel en cas de cancer avancé du pancréas [34].
Administration sous-cutanée. Une réaction
locale jusqu’à 5 cm est admise. Au début du
traitement, augmentation de la température
possible. Réactions allergiques rares. Attention
en cas de mélanome, de cancer à cellules
rénales, de néoplasie des lymphocytes B ou T,
de tumeurs cérébrales. Ces maladies nécessitent une expérience avec le traitement.
Sélénium (sélénite de sodium)
(oligoélément)
Moins de diarrhée sous radiothérapie [36].
Ne complémenter qu’en cas de faible taux
de sélénium.
l’acupuncture fictive (intervention placebo) [12]. Une
étude comparative portant sur l’acupuncture et la venlafaxine pour traiter les bouffées de chaleur dans le
cadre d’un traitement endocrinien en cas de cancer du
sein a démontré des taux d’amélioration similaires avec
l’acupuncture et l’intervention pharmacologique, la persistance de l’amélioration des troubles après
Pour les produits seulement
l’arrêt du traitement
disponibles sur Internet ou
ayant été plus importante
à l’étranger, on ne peut bien
avec l’acupuncture [13].
souvent que mettre en
Une étude randomisée
garde les patients
menée chez 145 patients
présentant une xérostomie chronique postradique a révélé une réduction significative de la sécheresse buccale ainsi qu’une diminution
de la salive épaisse avec l’acupuncture [14]. Un traitement par l’acupuncture peut aussi être envisagé en cas
de douleurs mal contrôlées [15]. Une étude randomisée
publiée en 2012 dans le renommé Journal of Clinical
Oncology portant sur la Cancer-related fatigue a également démontré une baisse significative de la fatigue
et une amélioration de la qualité de vie grâce à l’acupuncture (comparativement aux mesures standard) [16].
Enfin, dans une petite étude non randomisée, l’acupuncture a entraîné une diminution significative de la
circonférence du bras gonflé par un œdème lymphatique [17]. Pour les traitements corporels tels que les massages, un effet positif a pu être démontré sur l’angoisse et
le stress ainsi que sur les douleurs [18, 19].
Mind–Body Medicine
Pour les techniques de la Mind–Body Medicine telles que
l’entraînement standardisé à la pleine conscience (mindfulness-ba- Le gingembre peut réduire
sed stress reduction les nausées induites par la
[MBSR]), une étude ran- chimiothérapie
domisée et contrôlée a pu
démontrer une amélioration significative de la qualité
de vie et une diminution des symptômes spécifiques du
cancer du sein [20].
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Chez les patients oncologiques présentant des troubles
du sommeil, un programme de yoga spécifique a permis d’améliorer significativement le sommeil et de réduire le recours aux somnifères de 21% par semaine
(contre une augmentation de 5% par semaine dans le
groupe témoin) [21]. La pratique du yoga pendant une
radiothérapie a entraîné, dans une étude menée chez
163 femmes, une amélioration marquée et durable de
la qualité de vie et de la fatigue comparativement aux
groupes témoin (gymnastique ou aucune intervention) [22]. Par ailleurs, le yoga peut conduire à une baisse
de la Cancer-related fatigue [23]; cet effet est probablement lié à un blocage des processus inflammatoires
[24, 25].
Une étude conduite auprès de patients atteints de carcinome rénal a mis en évidence, après quatre séances
d’expressive writing (portant par ex. sur les pensées et
émotions profondes), une amélioration significative des
symptômes relatifs à la tumeur et de la capacité physique comparativement à un groupe témoin, dont les rédactions portaient sur un sujet neutre [26].
Figure 1
Le gingembre, un remède contre la nausée.
Source: Wikimedia Commons.
Traitements à base de substances
Souvent, les préparations à base de plantes (phytothérapie), les vitamines et les oligoéléments sont utilisés
dans des situations où des études cliniques n’ont été
réalisées que dans certains cas: une petite étude randomisée a par exemple démontré une réduction des œdèmes cérébraux chez des
patients présentant des L’administration de miel
tumeurs ou métastases avant et après la radiothéracérébrales sous Boswel- pie peut réduire le degré de
lia serrata (encens in- sévérité de la mucosite chez
dien) [27]. L’objectif les patients atteints d’une
principal de l’utilisation tumeur maligne de la
d’encens est de per- région ORL
mettre la diminution du
dosage du traitement stéroïdien et des effets indésirables qu’il entraîne. L’administration de miel avant et
après la radiothérapie ainsi que 6 heures plus tard peut
réduire le degré de sévérité de la mucosite chez les
patients atteints d’une tumeur maligne de la région ORL
[28, 29]. Dans une étude randomisée et contrôlée de
plus grande ampleur, il a pu être démontré que les
nausées induites par la chimiothérapie pouvaient être
significativement réduites par l’administration de gingembre (0,5 à 1 g par jour) (fig. 1 ) [30].
Plusieurs études de qualité diverse ont analysé le traitement par le gui (fig. 2 ), suggérant globalement un effet
positif sur la qualité de vie et la tolérance de la chimiothérapie [31, 32]. Une revue Cochrane de 2008 est parvenue à la conclusion que les preuves d’une amélioration
de la survie ou d’un effet anti-tumoral direct sont peu
nombreuses. Les auteurs jugent en outre que les traitements par extraits de gui sont généralement bien
tolérés, s’accompagnent de peu d’effets indésirables et
que des études complémentaires sont nécessaires [32].
Dans une étude randomisée récemment publiée portant
sur des patients atteints de cancer avancé du pancréas,
un bénéfice de survie a été constaté sous traitement par
Figure 2
Le gui, un remède phytothérapeutique apprécié.
Source: Köhler’s Medizinal-Pflanzen in naturgetreuen Abbildungen
und kurz erläuterndem Texte / Köhler, H. A. – Gera-Untermhaus:
Verlag von Franz Eugen Köhler, 1887.
le gui (survie globale médiane de 4,8 mois contre
2,7 mois dans le bras témoin, hazard ratio = 0,49,
p <0,001) [34]. Une étude israélienne randomisée de
phase 2 menée chez des patients présentant un carcinome bronchique non à
petites cellules a révélé Les promesses de guérison
un taux d’hospitalisa- basées sur la médecine
tions moindre dans le alternative ne sont pas
groupe traité, qui a reçu scientifiquement fondées et
un traitement par le gui sont associées à des taux
avec la chimiothéra- de récidive accrus et une
pie [35]. Les diarrhées durée de survie réduite
induites par la radiothérapie ont pu être significativement réduites par la
supplémentation en sélénium chez les femmes atteintes
d’un cancer du col de l’utérus ou de l’utérus et présentant un faible taux de sélénium [36]. Des taux plus éleForum Med Suisse 2014;14(37):689–693
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Tableau 2
Informations utiles relatives à la médecine complémentaire ou alternative en cas de cancer.
Sources
Auteurs/organisations
www.mskcc.org/cancer-care/integrativemedicine/about-herbs-botanicals-otherproducts
Informations détaillées sur de nombreuses
méthodes à base de plantes avec indication
de données (pré)cliniques, données de
sécurité, interactions et effets indésirables.
Memorial Sloan Kettering Cancer Center
New York (en langue anglaise).
www.cam-cancer.org
Description de différentes méthodes avec
liste détaillée de références. CAM – Cancer
(en langue anglaise).
www.naturalstandard.com
Renseignements très complets et
évaluation des bénéfices.
(payant, en langue anglaise).
Ratgeber Komplementäre und Alternative
Krebstherapien. 3e édition. 2012.
Karsten Münstedt (auteur); Ecomed Verlag.
Integrative Oncology. 2009.
Donald Abrams et Andrew Weil (auteurs);
Oxford University Press.
Les Médecines Complémentaires –
Dépasser les clivages. 2012.
Bertrand Graz (auteur); Presses polytechniques et universitaires romandes.
Mind-body Medicine. 2011.
Gustav Dobos et Anna Paul (auteurs);
Urban & Fischer Verlag.
vés de 25-OH-vitamine-D3 ont plusieurs fois été associés
à un meilleur taux de survie chez les patientes atteintes
d’un cancer du sein [37, 38]. Toutefois, il n’a pas été
établi si des taux de vitamine D inférieurs sont responsables de résultats plus défavorables et si une complémentation active jusqu’à la valeur normale conduit à
une amélioration de la survie globale.
Médecine intégrative en milieu hospitalier
L’introduction d’un concept de médecine intégrative
dans un service axé sur l’oncologie conventionnelle du
Beth Israel Medical Center à New York, incluant la formation du personnel soignant, le recrutement de yoga-thérapeutes ainsi que la réalisation de travaux de
transformation avec concepts de couleurs pour les espaces de repos afin de créer un «optimal healing environment» (pour les patients et le personnel), s’est
avérée avoir plusieurs effets positifs: les patients dans
le groupe d’intervention ont connu une détresse émotionnelle moindre et ont pu mieux contrôler leurs douleurs [39]. Par ailleurs, l’utilisation de médicaments,
notamment d’antiémétiques, d’anxiolytiques et d’hypnotiques, était significativement moins importante dans
le groupe d’intervention, ce qui a permis une économie
de 156 USD par patient et par jour. Un calcul conservateur a démontré des économies nettes pour l’hôpital dès
la seconde année après la mise en place du concept [40].
Sécurité, médecine alternative
Etant donné que la majorité des patients ne signalent
pas le recours aux CAM à leur médecin [41], le médecin
traitant doit, pour des raisons de sécurité et pour éviter
les interactions potentiellement significatives (par le cytochrome P450 par ex.), activement demander quelles
substances son patient prend de sa propre initiative.
Les liens figurant dans le tableau 2 , par exemple,
peuvent contribuer à l’évaluation des effets et interactions potentiels.
La prise d’antioxydants et autres micronutriments pendant une chimio- ou radiothérapie est controversée, car
en cas d’association, une diminution de l’efficacité des
traitements tumoraux conventionnels n’est pas exclue.
Une étude finlandaise de grande ampleur a par ailleurs
révélé une incidence accrue de carcinomes bronchiques
chez les fumeurs prenant des compléments de bêtacarotène [42]. De ce fait, pendant un traitement antinéoplasique, l’administration de micronutriments (particulièrement à haute dose) est déconseillée. De manière
générale, les micronutriments ne doivent être pris
qu’en cas de carence avérée [43]. Les promesses de
guérison basées sur la médecine alternative ne sont pas
scientifiquement fondées et sont associées à des taux de
récidive accrus et une durée de survie réduite [44]. Pour
de nombreuses substances peu étudiées, il convient
plutôt de recommander la prudence, car en cas d’absence d’utilité elles exposent à des effets indésirables
potentiels. Le laétrile (amygdaline, appelée vitamine B17) ne possède, outre une toxicité induite par le
cyanure, aucun effet chez les patients atteints d’une tumeur [45]. Une «étrange» amélioration des symptômes
avec certaines préparations, par exemple la régression
considérable des effets indésirables d’un traitement endocrinien en cas de cancer du sein, doit amener à
soupçonner l’utilisation de substances complémentaires indésirables (parfois même non signalée) telles que
des œstrogènes ou des stéroïdes. A notre connaissance,
il n’existe à ce jour aucun régime alimentaire spécifique
qui apporterait un bénéfice de survie aux patients atteints d’un cancer. La compréhension de la maladie et
le traitement qui en résulte selon la «nouvelle médecine
germanique» par exemple sont à l’origine d’une mauvaise prise en charge médicamenteuse du patient [46, 47]. La liste des procédés alternatifs utilisés
s’allonge continuellement et ne vise pas nécessairement
le bien-être du patient. Des liens et livres utiles sont
présentés dans le tableau 2. Souvent, les patients peuvent seulement être mis en garde contre les produits
disponibles uniquement via Internet ou à l’étranger.
Que paye la caisse maladie?
La médecine complémentaire exercée par les médecins
(acupuncture/MTC, médecine
anthroposophique,
homéopathie, thérapie neurale et phytothérapie) est remboursée par l’assurance de base (LAMal), dans la mesure
où elle est réalisée par un médecin possédant le certificat de capacité FMH correspondant [48]. Toutes les
autres thérapies de la médecine complémentaire (telles
que l’eurythmie thérapeutique, la thérapie par la peinture,
l’ostéopathie, le qi gong et le yoga) ne sont pas à la charge
des caisses et sont parfois remboursées ou partiellement remboursées par les assurances complémentaires
correspondantes (LCA). Selon la caisse maladie, les thérapeutes doivent posséder un label qualité en la matière
ou figurer dans un registre (par ex. ASCA [49], RME [50]).
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Communication
Bien souvent, les patients souffrant d’une maladie engageant potentiellement le pronostic vital souhaitent, et
c’est tout à fait compréhensible, essayent toutes les options thérapeutiques disponibles. Ces personnes veulent
savoir ce qu’elles peuvent encore faire pour et par elles-mêmes [51]. Le souhait des patients de s’engager
dans une activité bénéfique pour leur santé doit être
prise au sérieux. Aborder le thème de la médecine
complémentaire peut être une occasion d’approfondir
la relation médecin-patient et constituer un motif de
meilleure observance des traitements conventionnels.
Au cours de l’entretien, le médecin doit tenter de séparer le bon grain de l’ivraie dans la méthode mise en
avant, de répondre aux questions de sécurité avant une
éventuelle mise en place ou incitation à prendre des
mesures d’appoint issues du domaine de la médecine
complémentaire. Un bon réseau de collègues et/ou thérapeutes exerçant dans ce domaine est nécessaire.
Programmes de médecine complémentaire
en Suisse
La médecine complémentaire est de plus en plus intégrée à l’offre des établissements universitaires, où elle
est enseignée et fait l’objet de recherches. En Suisse, il
existe des offres de formation à l’institut de médecine
complémentaire (IKOM) de l’Université de Berne [52]
ou bien encore à la chaire de médecine complémentaire
et intégrative de l’Université de Zurich [53]. La Commission des Médecines Complémentaires de l’Université
de Lausanne [54] met l’accent sur l’enseignement et la
recherche dans le domaine de la médecine complémentaire. Différents établissements hospitaliers suisses
proposent des méthodes et thérapies spécifiques du
domaine de la médecine complémentaire. Depuis 2009,
les Universités de Berne et de Witten/Herdecke (Allemagne) organisent, conjointement avec l’Hôpital can-
tonal de Saint-Gall, le Symposium interdisciplinaire
d’oncologie intégrative et de recherche [55].
Conclusions
Au cours de ces dernières années, les évidences relatives à la médecine complémentaire se sont multipliées,
de sorte que de plus en plus de traitements complémentaires d’appoint peuvent être mises en œuvre en oncologie. L’association des médecines complémentaire et conventionnelle conduit à une médecine intégrative pour
le bénéfice du patient, car elle lui donne, comme il le
souhaite souvent, la possibilité d’agir de manière utile
et ciblée sur sa maladie. Un médecin de premier recours
qui souhaite envisager d’associer des méthodes de
médecine complémentaires à sa pratique a besoin de
connaissances de base et d’un bon réseau de collègues
et thérapeutes exerçant dans ce domaine. Les questions
de sécurité telles que les interactions potentielles entre
les préparations à base de plantes et le traitement oncologique doivent être étudiées attentivement et enfin, la
promotion académique de la médecine complémentaire
et intégrative dans le monde scientifique et l’enseignement est toujours indispensable.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr Patrick Lehmann, spécialiste FMH en médecine interne générale, Arbon, et le Dr Walter F. Jungi, spécialiste FMH
en oncologie médicale et médecine interne générale, Wittenbach, pour
leur relecture critique de ce manuscrit et leurs précieux conseils.
Correspondance:
Dr Marc Schlaeppi, MSc
Onkologie/Hämatologie und Zentrum für Integrative Medizin
Greithstrasse 20 / Haus 33
Kantonsspital St. Gallen
CH-9007 St. Gallen
marc.schlaeppi[at]kssg.ch
Références
Vous pouvez consulter la liste complète des références numérotées sur
www.medicalforum.ch.
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