Judith Magre, activiste anti-solitude,Marguerite à Belleville

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Judith Magre, activiste anti-solitude,Marguerite à Belleville
Judith Magre, activiste antisolitude
Copyright : Augustin Rebetez
« Les Combats d’une reine » sont, en fait, une pièce
biographique mettant en scène la figure de Gisélidis Réal –
écrivaine, peintre et prostituée activiste – à trois âges de
sa vie : 30, 50 et 70 ans. Trois périodes où le corps, mais
aussi les idées et les discours subissent l’assaut du temps.
Pour raconter cette histoire, les actrices ont chacune leur
espace sur le plateau – cellule de prison, secrétaire,
trottoir – on passe d’une période à l’autre grâce à
l’éclairage. La mise en scène de Françoise Courvoisier est
assez simple, statique, laissant toute sa place aux voix.
Parfois, les époques se croisent, le temps d’une danse ou
d’une phrase. Ainsi réunies, les comédiennes créent un
portrait vivant de l’icône, explorant et montrant son âme à
divers stades de son existence. Une image du temps qui passe…
Idéaliste, rebelle à 30 ans, elle est enfermée dans une
cellule et crie au monde son désir de liberté. A 70 ans, elle
est profondément cynique et pourtant plus que jamais amoureuse
de la vie. Ce dernier aspect est interprété par une Judith
Magre captivante, au sommet de son art, portant les 70 ans de
Gisélidis comme un charme (bien que, dans la vie, elle en ait
15 de plus !).
« Nous, les putes, on ira directement au paradis, parce que
l’enfer, on a déjà donné ! »
Les textes de Réal sont une analyse de l’humain sans
concession. Il existe dans sa plume un plaisir à choquer au
moyen d’un franc-parler cru et grossier. Une expression aussi
appelée par la nécessité, semble-t-il, de nommer les choses
comme elles sont, sans éponger les angoisses de l’auditeur
tranquille. Ce phrasé très imagé parvient également à rendre
drôle les pires horreurs de cette vie de prostituée, qui
finira par mourir du cancer. Un discours, parfois sordide, est
aussi porté par des valeurs
capitales pour vivre.
humanistes
et
libertaires
Activiste, combattante, c’est elle qui mène à Paris la
« Révolution des Prostituées » en 1975, se battant pour que ce
métier soit désormais reconnu. Sur scène, on la voit se
désoler de l’effroyable retour en arrière voulu par Nicolas
Sarkozy, alors ministre de l’intérieur au début des années
2000, et du délit inventé de « racolage passif ». Elle fustige
ainsi l’hypocrisie des politiques : difficile de ne pas faire
de lien avec les discours du pouvoir en place aujourd’hui. Ce
spectacle « manifeste » questionne aussi par le biais de son
héroïne : « que faut-il mieux prostituer, son corps ou son
âme ? », en référence aux gens qui pratiquent des métiers qui
ne sont pas en accord avec leur être.
Terminant sur une touche d’espoir, cette déclaration
universaliste nous rappelle enfin, qu’il n’est jamais trop
tard pour vivre.
« Les Combats d’une reine », jusqu’au 18 octobre à la
Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron (18e arrondissement),
du jeudi au samedi à 21h. Dimanche à 17h. Durée : 1h10. Plus
d’informations sur www.manufacturedesabbesses.com/.
Marguerite à Belleville
Copyright : Fabienne Boueroux
Au début du mois de février, la presse a parlé du Théâtre de
Belleville en la personne de son directeur[1. « Cinq
directeurs qui donnent tout pour leur théâtre » à lire sur
LeFigaro.fr], Laurent Sroussi. Ancien trader, il a décidé de
reprendre cette salle emblématique du quartier en 2011 et d’y
établir une programmation dramatique[2. Depuis 1988, on y
jouait surtout des opérettes]. Outre l’intérêt que peut
susciter cette aventure humaine (le directeur déchire lui-même
les billets), c’est le théâtre qu’on y propose qui doit être
mis en avant pour que le public y prenne ses habitudes. Une
programmation populaire, risquée et exigeante dont
« Marguerite et moi » est une belle illustration.
Avant même le début de la représentation, de multiples objets
jonchent la scène. Le bruit de la mer se fait entendre en
fond, ce fond sonore que Duras aimait plus que tout. Sur ce
tapis reposant, serein, Fatima Soualhia-Manet commence à
dresser le portrait d’une femme de fer aux idées tranchées. On
est dès les premiers instants, et jusqu’à la fin de la pièce,
pris dans ce qu’on pourrait appeler un manichéisme durassien.
La comédienne n’est pas Duras, elle ne l’incarne pas
complètement, elle est simplement un vecteur de ses mots, elle
laisse de la distance et l’on n’en entend que mieux la pensée.
De cette voix posée, stricte, précise et garnie de silences,
elle évoque des sujets aussi variés que son amour de la
cuisine, l’alcoolisme ou l’absence de père. Elle esquisse un
portrait dur, sévère et souvent contradictoire de l’écrivaine,
faisant ressortir le désir anarchisant de cette femme qui,
bien qu’aimant la vie, avait aussi le désir de tout détruire.
« On boit parce que dieu n’existe pas » –
Marguerite Duras
La matière qui compose les paroles du personnage n’est pas
littéraire, mais orale. Constituée à partir d’interviews qui
prennent parfois la forme d’interrogatoires. Marguerite-Fatima
répond, avec sa foi personnelle, avec ses mots graves, tristes
ou drôles, ironiques. L’avantage pour le spectateur c’est
qu’il entend tout. Il n’y a pas de recherche littéraire dans
les réponses de Duras, elle dit ce qu’elle est et fait en
sorte d’être comprise. Cela rend le spectacle didactique, car,
bien qu’orienté vers des sujets précis, il donne une image
différente de celle véhiculée par l’écriture souvent montrée
sur scène. En fait, c’est un bon complément à toute
l’actualité durassienne qui occupe les théâtres en cette
saison-centenaire[3. On pense à « La Maladie de la Mort »
jouée au Vieux-Colombier en janvier, ainsi qu’à la trilogie
Duras (Savannah Bay, Le Square et Marguerite et le président)
sur la scène de l’Atelier].
On remarquera peut-être une mise en scène un peu disparate,
presque superflue. Quelques accessoires viennent compléter le
jeu, telle la cigarette non allumée dans la main ou un
fauteuil en formica et cela auraient peut-être suffi. Mais
finalement, la quantité de matériel symbolique disposée sur le
plateau n’empêche pas le personnage d’être libre et c’est là
l’essentiel. Il y a quelques saisons, Coralie Seyrig a tenu
l’affiche dans « Madame de… Vilmorin »[4. Il avait terminé sa
course au Lurcernaire pendant la saison 2011-2012.], qui était
aussi un spectacle constitué d’entretiens. Elle était
simplement installée sur une méridienne et cela fonctionnait.
Fatima Soualhia-Manet a une telle voix et une telle présence
scénique, que ces deux attributs suffisent à remplir l’espace.
C’est un personnage froid, sec, à la nostalgie communicative
que l’on voit s’exprimer pendant un peu plus d’une heure sur
le plateau. Et sans être un recueil de citation, des phrases
continuent à résonner dans notre esprit bien après la
représentation. C’est la meilleure preuve d’un spectacle
réussi.
Pratique :
Actuellement au Théâtre de Belleville
exceptionnelles les 13, 14, 26 et 27 mars)
Reprise du 24 septembre au 11 octobre 2014.
94 Rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris
Du mardi au samedi à 19h15, le dimanche à 20h30
Durée : 1h05
Tarifs : 10, 15 ou 25 €
Réservations
au
01
48
06
72
34
http://www.theatredebelleville.com/
(relâches
ou
sur
José Rodrigues dos Santos :
du Big Bang au Big Crunch
Souhaitant découvrir les secrets de l’univers mais n’ayant
qu’un été pour le faire, pas que la fin du monde soit proche
mais je ne consacre que peu de temps aux choses accessoires,
je m’orientais vers l’auteur en vogue du moment et spécialiste
du sujet : José Rodrigues dos Santos et son best-seller à 2
millions d’exemplaires : La formule de Dieu. Puis, pris par
l’enthousiasme vers La clé de Salomon du même auteur.
Du Big Bang au Big Crunch. En effet, autant La formule de Dieu
vous transporte littéralement mêlant espionnage, romantisme et
physique quantique, autant La clé de Salomon vous laisse un
goût amer comme lorsque vous vous êtes fait pigeonner au
bonneteau sur le pont d’Iéna (toute ressemblance avec des
faits réels est purement volontaire).
La formule de Dieu
– HC Editions
Grand 1 petit tas : La formule de Dieu donc, un professeur
d’histoire spécialiste en cryptologie…, euh ? Hein ? Comment ?
Que lis-je ? Oui, un professeur d’histoire spécialiste en
cryptologie au Portugal. Ah !!! On a eu peur ! On a frôlé le
plagiat avec l’autre là, mais si, le professeur d’histoire
avec sa montre Mickey, spécialiste en symbologie mais à
Harvard, lui (voir mon article sur Inferno) ! Bon, je
reprends, Robert Langdon, oups pardon ! Tomàs Noronha est
invité par le gouvernement iranien à décrypter un manuscrit
dont l’auteur ne serait autre qu’Albert Einstein, il est très
vite contacté par la CIA pour devenir un agent double
(portugais !). D’aventure en aventure, de ville en ville,
Tomàs fera une découverte fondamentale qui changera comme
d’habitude la face du monde.
Le bonus de ce livre par rapport au genre roman historique est
l’interprétation des découvertes scientifiques, toutes
fondées, et notamment sur la physique quantique. On en en sort
plus instruit qu’on en est entré (merci de fermer la porte en
sortant, ça fait courant d’air). Le récit est parfaitement
équilibré et on se laisse docilement porté même si, parfois,
quelques raccourcis trop audacieux nous replongent dans la
réalité.
La clé de Salomon –
HC Editions
Grand Dieu, petit dé : La clé de Salomon est le cinquième
livre de la série Tomàs Noronha et le troisième publié en
France*. Fort de son succès, José (Rodrigues dos Santos)
rebondit sur les mêmes ressorts (chtoing-chtoing) : meurtres,
enquêtes, mystères, sciences. Sauf que, comme me l’avait
enseigné un grand maître tibétain sur les contreforts de
l’Hymala… des Vosges, vêtu de sa tunique orange (ou corail
pour les fashionistas) : « Tu peux remplacer les lardons par
du saumon fumé, une quiche reste une quiche ». Sûrement trop
jeune à l’époque, je n’avais pas perçu la profondeur ou la
portée d’une telle réflexion et voyant ma bouche grande
ouverte et l’écume baveuse qui en sortait, mon maître en avait
arrêté là de ses enseignements philosophico-culinaires. C’est
donc pendant la lecture de ce livre, que, la révélation me
caressa de sa douce chaleur et m’envahit de son halo bleuté,
sauf que là, José, t’as oublié la crème fraîche !
Ça manque de liant, c’est fade, l’addition est salée. A trop
vouloir nous resservir le même plat l’auteur a oublié la
qualité du service. Quelques exemples : il ne m’arrive pas (ou
rarement) d’être poursuivi par une bande de tueurs à la solde
de la CIA mais il ne me viendrait pas à l’idée, dans de tels
cas, de m’enfermer dans une université et de prendre 2 heures
pour expliquer à ma copine le concept des ondes et des
particules de lumière, tout ça pour impressionner la dame (et
le lecteur qui n’en demandait pas tant) mais peut-être suis-je
trop terre à terre ? Idem, alors que cette même copine n’a
plus que 20 minutes avant de mourir dans d’atroces
souffrances, d’expliquer aux directeurs de la CIA (ceux qui
voulaient ma perte 24 heures plus tôt), la théorie du Tout,
mais peut-être suis-je trop romantique ? Bref, il ne suffit
pas de trouver un filon encore faut-il savoir l’exploiter (foi
de chercheur d’or).
Au-delà d’une intrigue bâclée l’auteur s’inspire largement du
Symbole perdu (titre original : « The Solomon Key », si si je
n’invente rien !) qui est loin d’être mon préféré ayant déjà,
à l’époque, reproché à Dan (Brown) d’avoir céder à la facilité
littéraire et aux sirènes du mercantilisme après le succès du
Da Vinci Code.
A bon détendeur, salut.
* La Clé Salomon est le troisième de la série paru en France
après La formule de Dieu et L’ultime secret du Christ.
La formule de Dieu (José Rodrigues dos Santos)
HC Editions
ISBN : 2357201134
La clé de Salomon (José Rodrigues dos Santos)
HC Editions
ISBN : 2357201762
Au
Mélo
d'Amélie,
boulevard martien
un
Copyright : Bruno Perroud
Malgré son nom, « Qui est Qui », ne voyez pas dans ce
boulevard la moindre trace d’inspiration du jeu télévisé des
années 1990. Ici, la confusion est semée par les petits hommes
verts, qui prennent le contrôle des humains pour tenter de les
kidnapper.
La petite salle du Mélo d’Amélie est, en ce moment, la
résidence secondaire de François et sa compagne. Le couple est
en crise depuis que François a eu une aventure extra-conjugale
six mois auparavant. Problème : Cerise, celle qui l’a dénoncé
a été invitée par Madame à passer le week-end avec eux. Pour
parfaire cette situation déjà explosive, des extra-terrestres
débarquent dans le champ du voisin, et ils sont bien décidés à
repartir avec un spécimen humain à étudier.
Chaque personnage a son caractère bien trempé : le jeune mari
désolé se fond dans un pathétique drôle pour tenter de
reconquérir le cœur de celle qu’il aime, dotée de tendances
nettement hystériques. On comprend vite que Cerise,
institutrice psychorigide vierge de 45 ans, ne fait rien pour
arranger la situation du couple car elle est complètement
éprise de François. Le paysan voisin, rebouteux notoire, est
une brute tendre qui s’oblige à squatter le salon de ses hôtes
citadins, car il attend un coup de fil de la gendarmerie, mais
aussi parce que ces gens sont probablement sa seule compagnie…
Tous sont tour à tour possédés par un Martien, ce qui a pour
effet de les rendre muet et de leur faire faire des choses
étranges aux yeux des autres. Les situations sont drôles,
cocasses, bien que la ficelle de l’extra-terrestre prenant
possession de chaque corps soit un peu grosse et répétitive
néanmoins, la pièce est brève, on ne tombe donc pas dans
l’ennui. Les dialogues sont efficaces sans révolutionner l’art
du boulevard : quiproquos, ironie et grivoiserie sont de
mises. Les situations sont simples, le dénouement est attendu,
mais on rit facilement de bon cœur, et c’est là l’essentiel.
« Qui est Qui », actuellement au Mélo d’Amélie, 4 rue MarieStuart (2e arrondissement), du mardi au samedi à 20h. Plus
d’informations sur www.lemelodamelie.com.

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