La collecte - Association Française des Fundraisers
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La collecte - Association Française des Fundraisers
JANVIER 2013 NUMÉRO 33 Dossier Collecte à l'international : Entre rêve américain et casse-tête chinois Coté recherche Ce que donnent les femmes Zoom pays Collecte de fonds privés au Brésil : le chemin reste long ! Editorial Actualités 4 6 Le monde change. Et nous ? 8 10 B onne nouvelle, le 21 décembre 2012, la fin du monde n’a pas eu lieu. Mauvaise nouvelle : elle approche ! Sans surprise, la conférence internationale sur le climat de Doha, n’a produit que du réchauffé, condamnant la planète à un inéluctable réchauffement estimé entre 3 à 5°C. La catastrophe annoncée est désormais assurée. Le monde change... Nous, manifestement, pas. Campagne du moment « Charité 2.0 » : une nouvelle génération est née En débat Santé, recherche : comment travailler avec les industriels ? Grande actu Coups de projecteur sur la philanthropie française Dossier 11 Collecte à l'international : Entre rêve américain et casse-tête chinois Côté pratique 16 Bien sûr, la complexité de nos sociétés n’aide pas. Les échanges dématérialisés accélèrent le temps. Raison de plus pour ralentir. Et réfléchir. Par exemple, pour comprendre comment travailler avec l’industrie pharmaceutique tout en gardant sa liberté d’agir (rubrique « En débat »)… Place aux débutants Les dîners de charité ont-ils un avenir ? Horizons 18 Parce que gouverner, c’est prévoir, notre « Dossier » sur la collecte à l’international montre que si la mondialisation de la générosité est en marche, seules les organisations les plus outillées parviendront à se faire une place dans le grand « marché » planétaire du « non-profit » - qui, à l’instar du secteur marchand, n’a aucune raison d’échapper au darwinisme ambiant... 20 22 Alors, pour rester dans la course (de fonds, comme Véronique Sentilhes, notre « portraiturée » amatrice de challenges !), préparons-nous à ce nouveau monde qui surgit. La crise économique, sociale et écologique nous oblige à entrevoir des crépuscules aussi inconnus que prometteurs. Et la nouvelle génération des « charities 2.0 » (rubrique « Campagne du moment »), pourrait bien venir secouer nos (trop) vieilles habitudes… Mais pas de panique ! Vous trouverez onze façons de rester zen et motivés dans notre « Out of the box ». De modestes conseils à consommer sans modération. A l’inverse du champagne que nous sablons pour vous souhaiter, quand même, une excellente année 2013 ! Impression : Mailedit Actualités du fundraising Out of the box Petit précis de motivation à usage des fundraisers en surmenage Côté recherches Ce que donnent les femmes Zoom pays Collecte de fonds privés au Brésil : le chemin reste long ! Opinions 23 24 Tribune libre « Lever un tabou pour mieux anticiper les risques » La Donatrice Mystère et les dons aux hôpitaux… People 26 Véronique Sentilhes L'anti-solitude de la coureuse de fonds Le Comité de Rédaction Répertoire 27 Prestataires Publication trimestrielle éditée par l’Association Française des Fundraisers, association à but non lucratif enregistrée au JO du 15 mai 1996, dont le siège social se trouve 6 rue de Londres, 75009 Paris. Tél. : 01 43 73 34 65 Fax : 01 43 49 68 77 Site internet : www.fundraisers.fr - E-mail : [email protected] ISSN : 1952-7284 Directeur de la publication : Xavier Delattre - Rédactrice en chef : Yaële Aferiat - Rédactrice en chef adjointe : Pauline Graulle - Secrétariat de rédaction : Pauline Graulle, Alexandra Maillet - Conseiller spécial de la rédaction : Jean-Marie Destrée - Comité de Rédaction : Yaële Aferiat, Alexandre Ayad, Perrine Daubas, Philippe Doazan, Eric Dutertre, Pauline Graulle, Aude Hayot, Claire Heuzé, Sophie Le Maire, Marie-Eve Lhuillier, Christine Quentin, Sophie Rieunier, Noémie Wiroth - Dossier : Pauline Graulle - Illustration de Une : \Excel, Myrna Rougier - Direction Artistique : Maxyma, Antoine Tavares > Merci à nos partenaires \Excel & Maxyma pour leur soutien à Fundraizine Vous n’êtes pas membre de l’AFF ? vous souhaitez recevoir Fundraizine ? Pour adhérer à l’AFF, rendez-vous sur www.fundraisers.fr Agenda Actualités Formation « Communication et fundraising » 19 février - Paris Petit-déjeuner « Partenariats entreprises » 22 février - Lyon Revue digitale Le contenu des emails de collecte en débat Petit-déjeuner « Les bons tuyaux pour optimiser votre stratégie de e-fundraising tout au long de l’année » 26 février - Paris Petit-déjeuner « Mécénat d’entreprise » 15 mars - Marseille Formation Formation « Les fondamentaux pour collecter sur Internet » 26 mars - Paris © www.morguefile.com « Le cadre juridique et fiscal du fundraising en France » 19 mars - Paris Petit-déjeuner « Développer une marque « grande école » via le fundraising : c’est possible » 26 mars - Lille Formation « Développer une stratégie de mécénat auprès des entreprises et des fondations » 28 mars - Paris Certificat Français du Fundraising Matinée d’informations 28 mars - Paris Formation Stratégie Grands donateurs 3, 4 et 5 avril - Paris 12e séminaire de la collecte pour la solidarité 25, 26 et 27 juin - Paris Pour plus d’informations et adhérer en ligne : www.fundraisers.fr 4 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 Longs ou courts ? Narratifs ou informatifs ? Réflexion sur la forme que doivent prendre les emails de collecte… L es marketeurs du secteur marchand sont unanimes pour recommander des messages email courts et directs. La zone haute du message est la plus importante car le mode de lecture de l’email de haut en bas ne permet pas de visualiser le texte dans sa globalité et l’augmentation rapide de la lecture sur mobile n’arrange rien. De leurs côtés, les fundraisers connaissent en revanche l’efficacité des histoires personnelles (« storytelling ») pour illustrer les actions de leurs organisations et solliciter le don de manière tangible. Alors, pour quel contenu opter au moment de rédiger un email de collecte ? Une approche directe qui décrit les réalisations et les besoins de l’organisation, ou bien l’histoire d’un bénéficiaire dont la vie a changé grâce au travail de l’organisation avant d’en venir aux nombreuses autres personnes qui ont besoin de votre aide ? Au fur et à mesure de l’expérience acquise et des tests réalisés par les organisations américaines et européennes, une réponse plus nuancée se précise : • Premier enseignement, le « storytelling » dans les emails de collecte fonctionne moins bien que les messages plus généralistes et institutionnels. • Dans le même temps, les messages plus longs ont tendance à surperformer les messages d’appel à don courts, exception faite des urgences. L’email de collecte ne doit donc ni être basé sur une histoire personnelle, ni se résumer à un visuel avec une rapide accroche pour attirer le visiteur sur son site. Le bon contenu consiste plutôt à décrire un besoin urgent et l’impact qu’aura le don de votre lecteur, avant de prendre le temps de rassurer, en expliquant votre mission et les actions menées par l’organisation. n A. A. Actualités La collecte pour tous ! reuve que la collecte n’a pas encore conquis le grand public, alors que Fundraising for Dummies en est à sa troisième édition aux Etats-Unis, l’équivalent français n’existe toujours pas… C’est cette carence que les auteurs se sont donné pour mission de combler ! En effet, avec Se lancer dans la collecte de fonds privés, Perrine Daubas et Vincent Edin publient le premier ouvrage destiné aux petits porteurs de projet qui cherchent à diversifier ou à développer leurs financements, en partenariat avec l’AFF, le Crédit coopératif, le Comité de la charte et l’Avise. Véritable vade-mecum du collecteur débutant, l’ouvrage présente l’ensemble des étapes à respecter pour mettre toutes les chances de son côté. Il se lit comme un guide pratique, dans lequel les plus néophytes viendront chercher l’histoire et la théorie du secteur, les comparaisons internationales et les règles élémentaires de stratégies. Parmi les inédits, on retrouvera par exemple des informations sur le coût d’une démarche de collecte de fonds, sur les différents canaux à envisager lorsque l’on démarre, ou encore des pistes pour décider d’embaucher ou non un fundraiseur. Le livre est émaillé d’entretiens avec des experts du secteur (donateurs, mécènes, fundraiseurs ou observateurs avisés) et contient des exercices pratiques et autres mises en situations idéales pour vous guider dans une saine introspection avant l’action ! Les aspects règlementaires et juridiques ne sont pas éludés loin de là. Enfin, la multiplicité des exemples abordés, tant en termes de taille de structure que de variété des soutiens obtenus (argent, mais aussi don en nature ou en compétence), fait de cette publication un salutaire manifeste pour la démocratisation de la collecte ! n Y. A. ©Juris P Se lancer dans la collecte de fonds privés, par Perrine Daubas et Vincent Edin. Editions Juris Associations, 22 € Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 5 La campagne du moment © www.morguefile.com Actualités « Charité 2.0 » : une nouvelle génération est née Nous vous proposons de découvrir aujourd’hui ce qui pourrait bien être une nouvelle génération d’humanitaires, pour lesquels le fundraising n’est pas seulement un moyen, mais bien une mission, présidant souvent à la création de leur organisation. Cette nouvelle génération (« génération Y » oblige ?), élevée aux nouvelles technologies et à leur usage, bouscule quelque peu les codes et, force est de le constater, souvent avec succès ! Décryptage avec Charity: water, l’ONG dont tout le monde parle. P rès de soixante-dix ans après la seconde guerre mondiale et la première vague de création de mouvements de solidarité nationaux et internationaux, quarante ans après la naissance du mouvement sans frontièriste, trente ans après les premiers show charity people, l’univers des ONG, bien que fortement concurrentiel, permet encore l’émergence de nouvelles organisations. Nous ne parlons pas ici d’initiatives locales, ni d’étudiants qui partent faire leur stage de fin d’études pour aider « les pauvres »... Non nous parlons bien d’organisations qui ont, et affichent, l’ambition de sauver le monde, et qui d’après leur succès, y contribuent réellement. Découvrons quelques traits caractéristiques de ces ONG 2.0 au travers de l’exemple de Charity: water. n Le mythe fondateur Charity: water a été créée par Scott Harisson, un New Yorkais que sa 6 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 naissance et ses années de jeune et riche fêtard ne prédestinaient pas vraiment à l’humanitaire. Mais un jour, lassé de ses frasques vaines, il part au Libéria comme photographe pour une ONG américaine. Il découvre alors les ravages causés par les difficultés d’accès à l’eau potable et décide d’agir. De retour au pays, il demande à ses amis de faire un don plutôt que de lui faire un cadeau à l’occasion de son anniversaire : 15 000 dollars sont ainsi collectés ! Scott finance ainsi la construction de six premiers puits en Ouganda. Mais ce n’est que le début. Son histoire commence à faire « le buzz » et suscite un réel engouement. Scott crée alors sa structure « Charity: water », qui recueille les dons de ceux qui, comme lui, « donnent » leur anniversaire au profit de l’accès à l’eau. Aidée par le relai de célébrités, tel Will Smith qui, grâce à ses fans, collecte près de 790 000 dollars. Charity: water prend son essor et les « nobodys » s’y mettent aussi. Aujourd’hui, ce sont 7 000 projets qui ont été financés. n Les clés du succès Avec les « charities 2.0 », tout se passe sur le net (ou presque). Le site de Charity: water1 est un exemple de ce qui se fait de mieux : un site en apparence très simple, peu de rubriques, pas de navigation secondaire (tout est dit sur une seule et même page) et surtout, une omniprésence de la photo et de la vidéo – nous y reviendrons. Le style rédactionnel est simple, direct, familier, très « américain », mais surtout efficace et inducteur de confiance : le visiteur se trouve immédiatement dans une proximité avec l’organisation, avec les membres, et, in fine, avec les bénéficiaires. Car c’est une des promesses d’efficacité de Charity: water : une plus grande proximité et donc efficacité du don. Actualités La campagne du moment La présentation de la problématique de l’accès à l’eau est simple et accessible à tous, et la présentation de la mission en une phrase laissera sans doute un certain nombre d’entre nous songeur... Mais ce qui frappe le fundraiser, c’est que la stratégie de collecte est principalement orientée vers la collecte « peer to peer » (P2P), de pair à pair, puisque que l’action principale demandée au visiteur est de... collecter. Bien entendu, il est possible de faire un don, mais le modèle est clairement développé sur l’événement fondateur de l’organisation : la collecte par un tiers. Différents « produits » de collecte P2P sont proposés, autour de ce que nous appelons le « liferaising » : la collecte à l’occasion de grands moments de la vie (anniversaire, mariage, diplôme, in memoria, etc...). Bien entendu, le site a sa propre plateforme de collecte P2P en ligne et, une fois inscrit, le fundraiser a une page personnelle de collecte qui, fait notable, comprend un onglet où sont présentés les projets qui ont été financés grâce à la collecte. Bien entendu, lorsqu’on démarre sa collecte, les projets sont « vides » mais une judicieuse incitation à démarrer la collecte permet de motiver les troupes. L’ONG a également développé un ensemble d’outils pour aider les donateurs à collecter : une page dédiée sur le site, où les meilleurs collecteurs donnent leurs trucs et astuces2, mais également un programme relationnel très sophistiqué qui permet d’animer, relancer, motiver la communauté de fundraisers. Bien entendu, ceux d’entre vous qui maîtrisent la collecte P2P connaissent déjà, mais la qualité des outils mis à disposition laisse à penser que nous avons encore une certaine marge de progression. Quant à envisager que 90 % de votre collecte repose sur vos fundraisers donateurs... n Vidéo : la force des images La botte secrète des « charities 2.0 », c’est l’utilisation massive de vidéos. La vidéo pour présenter la cause, la vidéo pour expliquer les missions, la vidéo pour inciter à s’inscrire à la newsletter, la vidéo pour remercier les donateurs... Bref, il y a toujours et systématiquement une vidéo, sur chaque page. La raison en est simple, la vidéo augmente significativement le temps de navigation sur un site et surtout, augmente drastiquement les taux de transformation en don... En moyenne, 65 % des visiteurs d’une page qui contient une vidéo vont regarder la vidéo, et 70 % d’entre eux la regarderont jusqu’au bout. Accolée à un module de don, une vidéo peut augmenter de 50 % le taux de passage à l’acte. Aujourd’hui, la démocratisation des outils numériques, de la prise vidéo aux solutions de montage, permet de rendre accessible à tous la production de contenus vidéos qui peuvent faire la différence ! Car, comme vous le savez, c’est l’émotion qui fait agir, et donc donner ! Et quel meilleur vecteur que la vidéo pour véhiculer cette émotion ? Et contrairement au bon vieux print, la vidéo permet de ne pas communiquer exclusivement sur le problème à résoudre, mais également d’illustrer le pouvoir du don... Quoi de plus émouvant qu’une vidéo qui se termine par un « merci » des enfants que vous allez aider ? n Une promesse qui dérange Il y a tout de même quelques petits détails qui peuvent nous interpeler, nous fundraisers français. Notamment ce qui concerne l’éternelle question des ratios de collecte. Chez Charity: water, la promesse faite au donateur est claire : 100 % du don est envoyé sur le terrain. C’est devenu un label, certifié par le cabinet d’audit de l’ONG dont le rapport est bien mis en avant et accessible en téléchargement. Bien entendu, Charity: water a des frais de fonctionnement. Elle ne les fait pourtant pas financer par les donateurs, mais par des « business angels », en fait des grands donateurs éclairés qui se sont engagés à financer les frais de « développement » sur plusieurs années. Charity: water va même jusqu’à se comparer à une startup, mais pour laquelle les investisseurs ne sont pas récompensés par des stocks-options, mais par la satisfaction générée par l’efficacité de l’ONG, mesurée par le nombre de bénéficiaires... Alors que le marché américain subit une énième polémique sur les ratios, que Dan Pallotta se démène pour montrer que les ONG ont le droit et même le devoir d’investir, et parfois de se tromper, y compris en collecte de fonds, le message de Charity: water nous semble bien ambigu. D’un côté, elle encourage le fantasme des donateurs sur l’efficacité ultime de leur don qui est reversé à 100 % sur le terrain, générant un engouement tout à fait compréhensible, mais qui met les autres organisations en porte à faux... De l’autre, elle se compare à un business et joue la transparence... Un peu facile quand on peut se le permettre et qu’on dispose de grands donateurs qui jouent le jeu, mais cela serait-t-il facilement transposable pour toutes les ONG ? Et en France ? C’est peut-être cette audace (la « bold idea » de Charity: water) qui caractérise ces « charities 2.0 » : une certaine volonté de ne pas faire comme les autres, et surtout de faire mieux, plus efficace. Une autre vision du fundraising, où le fundraising « ne serait pas basé sur l’exploitation de stéréotypes », comme le disent les étudiants à l’origine de la campagne « Africa for Norway »3. Une campagne qui dénonce gentiment, mais réellement, les traditionnelles campagnes d’appel à don des ONG pour l’Afrique. Comme nous devons apprendre à intégrer la « génération Y » dans nos équipes, ces nouvelles générations de « charities 2.0 » ont beaucoup de choses à nous apprendre, et c’est certain, elles représentent l’avenir ! n M. E. L. 1 Accédez au site Charity: water 2 3 Découvrez la vidéo des meilleurs collecteurs de Charity: water Riez, ou riez jaune avec la campagne Africa for Norway Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 7 En débat © www.morguefile.com Actualités Santé, recherche : comment travailler avec les industriels ? Alors que les conflits d'intérêts liés à l'industrie pharmaceutique sont de plus en plus souvent dénoncés, les fundraisers du secteur doivent eux aussi se montrer prudents pour défendre l'intérêt général. I ntérêts très lucratifs du secteur marchand, intérêt général, intérêt des populations : l’éternelle question de la place à donner (ou pas) aux industriels dans le financement de nos missions prend un relief particulier dans le secteur de la santé. Qu’il s’agisse de lutter contre les maladies négligées, de favoriser la recherche sur les maladies génétiques, le cancer, ou encore la maladie mentale, difficile de faire sans les laboratoires pharmaceutiques. Et pour cause : avec 27 milliards d’euros investis en Europe en Recherche et Développement, l’industrie phar- maceutique laisse loin derrière elle l’AFM Téléthon (120 millions) et la Fondation pour la Recherche Médicale (50 millions). Bref, on a beau refuser d'accepter le financement des industriels, le fait même de travailler dans un domaine thérapeutique avec recherche de traitements conduit les équipes scientifiques à travailler de toutes façons avec des labos... Paradoxe résumé par Jean Louis Da Costa, de l’AFM Téléthon : « Nous n’avons pas à ce jour de démarche structurée en terme de mécénat auprès des industriels, mais en terme de recherche, nos labora- toires sont en relation avec différentes sociétés bien évidemment. » Et si la question n’était donc pas tant « faut-il ? » mais plutôt « comment ? » travailler avec les industriels ? Votre organisation a-t-elle une politique claire et transparente sur le sujet ? Regards croisés sur une question complexe avec Johanna Couvreur, responsable de la collecte privée de la toute jeune fondation FondaMental, et Mélanie Cagniart pour Médecins sans Frontières (MSF), à l’initiative du DNDi (Drugs for Neglected Diseases initiative) (voir encadré). DNDi (Drugs for Neglected Diseases initiative, dndi.org) : créée en 2003 à l’initiative de Médecins sans Frontières et 6 autres membres fondateurs, la fondation financée à parts égales par des fonds publics et privés développe des partenariats pour la recherche et la mise à disposition de traitements accessibles pour les « maladies négligées » ou maladies de la pauvreté. A date 6 nouveaux traitements (ou combinaisons de traitements existants) ont été mis à disposition des patients. Fondations de Coopération Scientifique : créé par la loi du 18 avril 2006, ce nouveau statut permet entre autres de bénéficier de la capacité juridique et fiscale d’une fondation Reconnue d’Utilité Publique. Investissements d’avenir : lancé le 1er juin 2010, le programme d’investissement public de 35 milliards d’euros sur 10 ans prévoit 22 milliards pour l’enseignement supérieur et la recherche. 8 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 Actualités En débat déjà le cas avec des fondations privées comme la fondation Bettencourt-Schueller ou le groupe Dassault (au passage ces bailleurs sont autrement plus exigeants que les industriel). Cette diversification est indispensable si nous voulons à terme couvrir nos frais de fonctionnement et poursuivre un développement équilibré de nos trois axes de mission : la recherche, le soin et l’information du public ». Johanna Couvreur, Fondation Fondamental La fondation FondaMental est une fondation de coopération scientifique dédiée aux maladies mentales créée en juin 2007. Elle intervient dans trois domaines : la recherche fondamentale, les soins et l’information du public. « La fondation est très récente, et travaille sur des sujets peu attractifs pour le grand public. Notre modèle économique repose donc essentiellement sur les dispositifs publics comme les investissements d’avenir, et les partenariats avec les entreprises et les fondations. Les laboratoires pharmaceutiques ont donc été des partenaires évidents dans le développement de nos ressources privées. Les partenariats de recherche sont négociés directement avec les équipes universitaires. Au niveau de la fondation, nous gérons ce que les industriels partenaires appellent eux-mêmes des « subventions », sans ingérence de leur part dans la conduite des projets. Qu’il s’agisse de financer des bourses de recherche (laboratoires Servier), ou un réseau de centres experts sur la dépression résistante (Astra Zenecca), nos partenaires n’interviennent pas dans les projets qu’ils financent. Pour l’image, ceux qui nous reprochent de travailler avec le secteur du médicament contestent en fait le fondement même de l’approche scientifique de la fondation (l’approche psychiatrique de la maladie mentale et du patient, vs approche psychanalytique). Si nous voulons réussir à pérenniser la fondation, l’ouverture à d’autres partenaires est indispensable. C’est « Pour garantir notre liberté, nous refusons le mécénat avec les « Big Pharma » » © Mélanie Cagniart © Fondation Fondamental « Nos partenaires n'interviennent pas dans les projets » Mélanie Cagniart, directrice de la collecte de fonds privés MSF France Médecine d’urgence et lutte contre les pandémies, on ne présente plus l’action de terrain des « French Doctors ». Entre plaidoyer et promotion de partenariats innovants, l’organisation cherche également à faire bouger les lignes dans le monde impitoyable du médicament. « MSF est tout à fait convaincu de la nécessité de développer les partenariats avec le secteur marchand et c’est une priorité dans la stratégie de diversification de nos ressources. Néanmoins, nous excluons certains secteurs et certaines entreprises des partenaires potentiels, de manière concertée au niveau international. Pour garantir notre liberté de parole et notre indépendance vis-à-vis des grands laboratoires pharmaceutiques dont les intérêts diffèrent parfois des nôtres et de ceux de nos patients, nous refusons d’établir des accords de mécénat avec les « Big Pharma ». Les maladies liées à la pauvreté ne représentent pas un enjeu com- mercial intéressant pour l’industrie pharmaceutique. Le DNDi a été initié en 2003 sous l'impulsion de MSF. C’est une organisation indépendante de recherche et développement à but non lucratif. Le DNDi s’intéresse aux besoins des populations frappées par la maladie et cherche le meilleur moyen de les soigner, en mettant au point des médicaments adaptés et disponibles à des prix abordables. DNDi s’appuie pour cela sur des partenariats multiples privés et publics : entreprises pharmaceutiques et de biotechnologie, universités, institutions publiques de recherche, ONG, ministères de la santé des pays concernés, etc. Il s’agit de conduire une approche de R&D, de pré-développement et développement clinique et avec en ligne de mire le déploiement sur le terrain humanitaire. C’est ainsi que le DNDi a mis au point de nouveaux traitements dont bénéficient aujourd’hui des millions de patients pour la maladie du sommeil, les leishmanioses, la maladie de Chagas, les maladies parasitaires, le SIDA pédiatrique et le paludisme… MSF soutient financièrement le DNDi depuis sa création. Le DNDi pour accomplir sa mission doit créer des synergies avec les acteurs du développement clinique, et les laboratoires pharmaceutiques en particulier. Il s’agit de partenariats de travail, pour faire avancer l’accès aux traitements pour les patients. C’est très différent de la notion de mécénat financier et de la question de l’indépendance de ton et d’action à laquelle MSF reste très attaché ». Aux fundraisers de s'assurer que leur organisation a une politique claire et transparente sur le sujet. n C. H. Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 9 Actualités Grande Actu Coups de projecteur sur la philanthropie française Déductions fiscales menacées, recul des intentions de dons, exil fiscal des plus fortunés, encore une fin d’année morose pour la générosité. Ne passons pas pour autant à côté de deux coups de projecteur donnés récemment sur l’essor de la philanthropie française. © www.morguefile.com L e premier est paru à l’occasion des Rencontres Internationales des Philanthropes, le 25 septembre dernier. L’Observatoire de la Fondation de France y a publié les résultats de l’enquête : « Philanthropie à la française, engagement au service du progrès social ». L’étude est riche d’enseignements sur le potentiel de générosité que représente cette population, si discrète que l’on pourrait la croire inexistante. Au sein des fondations françaises, les fondations personnelles ou familiales capitalisent 2,7 milliards d’euros et reversent chaque année 165 millions d’euros. Leur nombre est en forte progression depuis les années 2000. A ce jour, sur les 467 fonds et fondations de financement créés par des personnes de leur vivant, 40 % ont vu le jour depuis l’an 2000. Cela témoigne d’une véritable accélération du mouvement philanthrope. En outre, 67 % des créateurs ont initié leur fondation alors qu’ils étaient encore actifs professionnellement, dont 28 % avant l’âge de 50 ans. La population des philanthropes rajeunit donc considérablement. Cette génération dessine les contours d’une nouvelle philanthropie tournée vers le plaisir de s’ouvrir à d’autres mondes, de s’engager, désireuse de soutenir des causes « originales » et des modalités d’actions parfois avant-gardistes. L'enquête qualitative menée par 10 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 l’Observatoire auprès de 18 philanthropes a identifié 4 profils se distinguant par leurs motivations et leurs pratiques : • Les héritiers de la philanthropie : ils se caractérisent par un patrimoine reçu en héritage et une ancienne tradition familiale de philanthropie ; • Les enfants de la République : ils ont un parcours marqué par des difficultés personnelles, et sont dès lors reconnaissants de ce que le service public a pu leur apporter. Conscients de ses limites, ils sont désireux de contribuer en retour ; • Les entrepreneurs solidaires : ils ont constitué eux-mêmes leur patrimoine, par leur réussite professionnelle, et leur action philanthrope se caractérise par l'application des méthodes et réflexes qui leur ont apporté le succès ; • Les militants du terrain : ils se caractérisent par une expérience, une connaissance du secteur caritatif déjà « éprouvée ». Ce sont des philanthropes particulièrement jeunes. Quelques semaines après la publication de cette étude paraissait L’espoir philanthropique, de Sandrine L’herminier, aux éditions Lignes de Repères. Selon l’auteur, l’essor de la philanthropie témoigne aujourd’hui d’une formidable quête de sens et renforce notre besoin de mettre l’humanité au cœur de chacune de nos actions. Des propos qui mettent à mal les idées reçues sur la quête effrénée d’optimisation fiscale que l’on prête souvent aux plus fortunés. Cet ouvrage de réflexion est également un recueil de témoignages avec des interviews inédites de grands donateurs. Un décryptage renouvelé des pratiques des grands philanthropes, dont le dernier date de 2009 – La nouvelle philanthropie, de Virginie Seghers. Jean-Baptiste Descroix Vernier, fondateur de Rentabiliweb, y raconte ainsi pourquoi il a légué l’intégralité de sa fortune de son vivant à sa fondation privée : « Aujourd’hui, je ne suis que l’usufruitier de mon patrimoine », explique-t-il. Jacqueline Délia Bremond, épouse du fondateur de Pierre & Vacances, et vice-présidente de la Fondation familiale Ensemble, s’applique de son côté à faire rimer générosité avec rigueur « car le bénéficiaire le mérite ». L’ouvrage se conclut par une série de propositions pour développer davantage l’élan philanthropique en France, aux côtés d’un Etat qui doit rester principal contributeur : limiter la fragmentation du secteur, assurer un développement à l’international, améliorer gouvernance et évaluation, faire évoluer certaines dispositions telles que la réserve héréditaire, etc. n S. L. M. Collecte à l'international : © www.morguefile.com Dossier Collecte à l'international : Entre rêve américain et casse-tête chinois La collecte à l’international, d’une redoutable complexité, peut, dans certains cas, rapporter gros aux organisations qui visent un public de donateurs expatriés ou étrangers. La mondialisation de la générosité est-elle l’avenir ? C’ est, paraît-il, le grand départ. En Suisse, Belgique ou en Angleterre... Chaque année, 65 000 Français, parmi les plus riches, iraient s'installer hors de nos frontières, occasionnant pour le pays une perte de recette fiscale évaluée à près de 40 milliards d'euros annuels. Réelle ou exagérée, cette « fuite des capitaux » a le mérite de soulever un débat de fond pour le fundraising : alors que les échanges et les flux d'hommes et de marchandises s'internationalisent, l'avenir du don estil, lui aussi, dans la mondialisation ? n Vers des « multinationales » de l'humanitaire ? La réussite des mobilisations planétaires, de type Tsunami ou Haïti, plaide en ce sens. Mais si la collecte à l’étranger (soit pour toucher des expatriés, soit pour internationaliser sa cause) apparaît comme un appétissant relais de croissance, la question n'est pas tranchée. L’Europe peine encore à définir un cadre fiscal commun du fait de la « territorialité du don », retardant la naissance d’un « don européen ». Ailleurs, les complexités juridiques ou culturelles font parfois ressembler le fundraising international à un chemin de croix. « Cela fait des années que j’alerte Bercy sur la nécessité de mettre en place des conventions fiscales entre pays qui prennent en compte la fiscalité des dons, mais je ne suis pas très entendu », déplore Daniel Bruneau, directeur de la recherche de fonds aux petits frères des Pauvres. Collecter à l'international nécessite d'importants moyens : du temps, de l’argent, mais aussi des professionnels aptes à faire vivre des structures dans des pays où le fundraiser « lambda » ne connaît en général ni le droit, ni la langue, ni les us et coutumes locaux. Il faut ainsi savoir qu’à Dubaï, où Planet Finance a implanté l’un de ses bureaux, une loi oblige les structures faisant appel à la générosité à reverser une partie des dons au Croissant Rouge. Et qu’en Chine, bien partie pour devenir la première puissance mondiale en 2016, « il n'est pas vraiment dans la culture de donner », remarque Nathalie Bousseau, directrice du mécénat et des relations anciens élèves à l’Ecole Centrale Paris (ECP). Si 15 à 20 % de la collecte est réalisée entre les Etats-Unis, la Suisse et la Grande-Bretagne, l’école d’ingénieurs, également implantée à Pékin, peine ainsi, pour l’instant, à développer le « marché » chinois. Last but not least, le levier fiscal, la plupart du temps absent de la collecte transfrontalière (sauf aux Etats-Unis et dans certains pays européens, voir encadré), n’aide pas à mobiliser les donateurs vivant à l'étranger. Même au sein du mouvement Médecins sans frontières (MSF), qui est pourtant parvenu à lever près de Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 11 Dossier Collecte à l'international : Une diversité de structures... Par quelle structure passer pour sa collecte à l'international ? Plusieurs formes coexistent, parfois au sein d’une même institution. Passage en revue non exhaustif. Les structures déjà existantes : Le Transnational Giving Europe (TGE) est un réseau de fondations et associations qui, par des accords de réciprocité entre pays, permet aux donateurs de 14 nationalités de bénéficier des réductions fiscales de leur pays de résidence. On peut passer par la Fondation de France, membre du dispositif TGE, ou la Fondation du Roi Baudoin en Belgique. « La mise en place de structures propres de collecte n’est intéressante que lorsque l’on atteint un certain montant », estime Nathalie Bousseau. La déconcentration : Cette configuration, où les décisions se prennent au sein de la maison-mère basée en France, est incarnée par le modèle des « friends of », comme il en existe aux Arts Décos, à l’ECP ou à Polytechnique (qui passe par une « charity » pour ses activités en GrandeBretagne). A l’Ihes, la structure des « friends of » est « un outil qui nous donne de la visibilité et de stabilité », explique Johanna Jammes, et offre surtout des réductions fiscales aux donateurs (particuliers, entreprises, fondations) grâce à son statut de « 501C3 » de l’Internal Revenue Code, applicable aux organisations « not-for-profit » américaines. La décentralisation : Une formation en étoile, chaque branche conservant une relative autonomie. C’est le choix de Planet Finance, financée à 30 % sur fonds privés et majoritairement par des grandes entreprises, qui a créé des structures autonomes (avec conseil d'administration) dans plusieurs pays d'Europe (Italie, Allemagne, Luxembourg...), mais aussi au Japon, aux Etats-Unis, et à Dubaï. Chaque structure est dirigée par un responsable qui organise la collecte dans le pays, voire la région (l'antenne de Dubaï gère ainsi tout le Moyen-Orient), les fonds étant ensuite utilisés pour les populations locales. Dans le cas de Planet Finance, ces bureaux ont pour autre objectif de nouer des relations avec les agences de coopération locales et des entreprises. Toutefois, si théoriquement, chaque structure indépendante doit couvrir ses propres coûts au bout de trois ans d'existence, « on essaie de coordonner l'action de fundraising au niveau du siège », indique Sarah Corne. Chez les petits frères des Pauvres aussi, les huit associations implantées à travers le monde (Etats-Unis, Canada, Pologne, Espagne...) mènent une collecte endogène, afin de mener à bien leurs propres actions de terrain. Néanmoins, on réfléchit à la création d’un dispositif transversal pour les aider dans cette tâche et apporter un appui technique. En attendant, un plan pour renforcer la capacité d’action de ces organisations est en œuvre depuis 2007. « Chaque année, un séminaire de formation est organisé pour aider ces structures à sortir de la “petite épicerie” », indique en outre Daniel Bruneau. Le réseau : Atypique, l'organisation matricielle de Médecins sans frontières, regroupe, autour des cinq centres opérationnels (Paris, Bruxelles, Amsterdam, Genève et Barcelone), une vingtaine de « sections partenaires ». Ces « satellites » répartis dans plusieurs pays font du fundraising sur leur propre territoire afin de soutenir financièrement un ou plusieurs centres opérationnels. Le centre de Paris est ainsi soutenu par les sections américaine, japonaise, australienne et des Emirats Arabes Unis, chaque section étant autonome sur sa stratégie de collecte – la section américaine a ainsi été précurseur quant à la mobilisation des grands donateurs. 12 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 800 millions de fonds privés en 2011 dans l’ensemble des sections à l’international et a récemment ouvert des sections au Brésil, en Afrique du Sud, en Inde et en Corée du Sud, « il y a un vrai débat autour de la multiplication des sections internationales, explique Mélanie Cagniart, directrice de la collecte. Il peut être tentant de les multiplier, mais les coûts de structures sont importants, et nous n'avons pas pour vocation de devenir une multinationale de l'humanitaire ». n Patience, patience... Alors, se lancer ou pas ? Quelle stratégie adopter ? D’abord, s'armer de patience. Selon Corinne Servily, de Faircom, et Sandrine Blanchard, de Handicap International, qui intervenaient sur le sujet au 11e séminaire de juin de l'AFF, à l'étranger, un business plan s'entend sur cinq ans minimum. Il faut en compter six pour espérer faire du bénéfice via une acquisition par courrier, et trois à quatre pour une campagne majeure... La question du choix du pays où implanter une structure est déterminante. Malgré les complexités administratives ou le manque de structures, les Etats en forte croissance – Brésil, Afrique du Sud, Corée, Chine – ne sont pas à négliger quand on peut y investir dans une perspective à moyen ou long terme. Si lancer une campagne de collecte peut pour de multiples raisons, ne pas s'avérer immédiatement « rentable », il est toutefois « très intéressant d'avoir un pied ici ou là pour créer un réseau avec les entreprises locales. En réalité, la collecte est aussi une manière d’animer le réseau à l’international », souligne Nathalie Bousseau. En Europe, la Belgique, la Suisse ou le Luxembourg sont également souvent la cible des organisations qui, si elles ne l'avouent pas franchement, savent bien que les avantages fiscaux attirent là-bas de grandes fortunes françaises, et donc, de grands donateurs ou futurs testateurs. n L'Amérique, terre promise Sans surprise, ce sont les pays anglosaxons, Etats-Unis en tête, qui ont le Dossier Entre rêve américain et casse-tête chinois plus la cote. Normal : ils sont le berceau de la culture du don, et le nombre d’expatriés français y est très important. En Grande-Bretagne, Polytechnique a totalisé 13,5 % des 35 millions d'euros collectés lors de sa dernière campagne (contre 10,5 % aux Etats-Unis). Quant au pays de Barack Obama, qui arrive en tête du World Giving Index et concentre un tiers des personnes les plus riches de la planète, c’est un peu la terre promise des organisations françaises. La Fondation américaine de l'Institut Pasteur, rappellent Corinne Servily et Sandrine Blanchard, y a ainsi collecté plusieurs millions de dollars avec un bureau composé d’une seule personne, et près de 10 millions en legs en vingt ans... De quoi faire rêver ! Même si, là-bas aussi, « du fait de la crise, la fiscalité se durcit », tempère Sarah Corne, responsable du « non profit » au sein de Planet Finance. N’empêche, la familiarité de l'Amérique avec le fundraising est un atout réel : « Comme ils vivent aux Etats-Unis, les anciens de l’X sont très au fait des méthodes du fundraising. On n'a pas besoin de les convaincre que ce qu'on fait est utile », explique Laurent Mellier, le directeur de campagne de Polytechnique, qui détaille les méthodes assez classiques de relations avec les « major donors » (rencontres en one-to-one, soirées de galas, événements). Revers de la médaille : « La concurrence, en particulier avec Stanford ou Harvard, est rude, poursuit Laurent Mellier, et les exigences importantes. Les Américains ne supportent pas l'amateurisme, mais si on fait bien notre travail, ils adhèrent ». n La « french touch » Bien que parfois un peu snobées pour leur verdeur en matière de fundraising, les organisations françaises peuvent globalement se féliciter de leur image à l’étranger. Les « french doctors » de Médecins sans frontières ont ainsi excellente presse aux Etats-Unis. « Si notre notoriété y est beaucoup moins importante qu’en France, on y est reconnus pour avoir fait bouger les lignes de la médecine humanitaire, pour la qualité de nos prestations, et notre fiabilité dans la réponse aux urgences. Mais aussi pour notre « style » : quand nous avons appelé à l’arrêt des dons pour le Tsunami car nous avions dépassé nos besoins opérationnels, cela a été très apprécié », assure Mélanie Cagniart. Réputée pour sa médecine, son bon goût, la France l’est aussi pour ses mathématiques. Preuve avec l’Ihes (Institut des hautes études scientifiques), ce centre de recherche en maths, physique et théorique, dont la moitié du budget est assurée par des fonds étrangers. « La France est le leader mondial incontesté en maths. On n’a pas à travailler notre image d’excellence », reconnaît Johanna Jammes, directrice du développement et de la communication. Il faut dire que, depuis sa création en 1958, le centre a pour Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 13 Dossier Collecte à l'international : vocation de faire échanger les plus grosses têtes de par le monde en accueillant 200 professeurs étrangers chaque année, dont 30 à 40 % d’Américains. Résultat, l’institut vient d’achever une campagne de levée de fonds de 27 millions d’euros dont la moitié provient des Etats-Unis. Prestige, universalisme, sentiment d’appartenance à une communauté, les contreparties symboliques ne manquent pas. Cédric Villani, le gagnant de la Medal Fields, s’est rendu aux Etats-Unis pour faire connaître l’Ihes. Mais nos « matheux » rayonnent également au Japon ou en Chine, où l’Ihes, qui n’y a pas encore de structure, a déjà reçu un don de 250 000 euros de l’entreprise Huawei. n Les clefs du succès L'essentiel est d'apparaître comme le plus compétent sur la scène internationale. Ou d'« avoir une légitimité locale », insiste Sarah Corne, de Planet Finance, qui collecte auprès des 14 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 grands comptes, agences de coopération locales et entreprises, pour mener des actions locales sur le micro-crédit. Reste à savoir qui on cible. Mis à part MSF, qui se distingue par ses opérations de marketing direct (street-fundraising, prospection...) particulièrement populaires au Japon (une croissance à deux chiffres sur ce segment depuis cinq ans), ou lors des opérations d'urgence, les grands donateurs, sont privilégiés. La tâche est relativement aisée pour les structures de renom qui, on l’a vu, peuvent afficher une « marque » bien française. Les grandes écoles, grâce à leurs réseaux d’anciens partis travailler à l’étranger, sont a priori les plus avantagées. Polytechnique peut ainsi compter sur ses 300 anciens travaillant dans la finance à Londres, et ses 800 anciens aux Etats-Unis (dont 300 à New York et 300 dans la Silicon Valley). © illustration.fr A défaut d’un réseau déjà constitué, dénicher un bon ambassadeur est primordial afin de bien connaître son public, et constituer, de fil en aiguille (et pour pas cher), des bases de données. Aux Arts décoratifs, la collecte à l’international n’aurait ainsi sans doute pu voir le jour sans une ambassadrice de choc. Hélène David-Weill, la présidente embléma- Dossier Entre rêve américain et casse-tête chinois tique du musée vivant entre Paris, Londres et New York, a fait bénéficier ses équipes de son impressionnant carnet d’adresses quand il a fallu trouver 10 millions d’euros pour rouvrir l'établissement après dix ans de fermeture. Aujourd'hui, l’établissement reçoit, chaque année, entre 500 000 et un million de dollars de la part d’amis américains passionnés par le Moyen-Age, la mode ou les bijoux, qui aiment à retrouver leur nom sur les plaques de remerciement dans le musée. n Savoir bien s’entourer En dix ans, le prestigieux comité international des Arts déco aura levé 11 millions d’euros auprès d’une soixantaine de membres de nationalité américaine, canadienne, asiatique ou australienne… Eux-mêmes ont pu mobiliser un réseau de personnalités, comme cette avocate américaine qui réalise gracieusement les comptes pour les « Friends of » du musée. « On fonctionne vraiment par réseau et réseau de réseau », explique Jennifer Hallot, responsable des Amis des Arts Décoratifs et du Comité international. Problème : le départ imminent de la présidente. « C’est la grande inconnue, tout dépendra de notre nouveau président, reconnaît Jennifer Hallot. Mais nous avons confiance dans les liens créés avec nos mécènes ». Même si beaucoup d’entre eux voient d’un oeil méfiant le retour… d’un socialiste à l’Elysée ! Dans tous les cas, savoir bien s'entourer est une force. Se faire accompagner par un cabinet d'avocats, par un comptable sur place... Surtout, « ne pas créer et gérer seul ce genre de structure, car c'est autant de temps en moins passé à la prospection », conseille Laurent Mellier. Pour son premier « charity gala » (du doux nom de « Beauty and Mathematics ») organisé aux Etats-Unis, l’Ihes a ainsi recruté un cabinet pour se faire guider sur les codes locaux. « La collecte à l’international est dépendante du relationnel, estime Johanna Jammes, il faut trouver des gens qui nous éclairent ». Le fundraiser a aussi, parfois, des airs d'anthropologue ! « Etre en cohérence avec l'image que la France renvoie » Ancien directeur de l’AFF, Jon Duschinsky, d’origine britannique, vit aujourd'hui au Canada. Il a fondé Bethechange, réseau international de spécialistes du fundraising, et co-fondé Conversation Farm, une agence de pub sociale qui travaille sur la première campagne mondiale sur la maladie d’Alzheimer ou pour le Superbowl… L’auteur de Philanthropy in a flat world (Wiley Press, 2009) vient de publier, avec Tony Meyers, (Me)volution (First edition, 2012*), qui analyse le processus d’empowerment en chacun de nous. Quel est le potentiel des organisations françaises sur le « marché » international de la collecte ? La France n’est pas connue et reconnue dans sa culture du « faire ». A l’étranger, on considère que les Français sont très forts dans les activités intellectuelles, cérébrales, qui ont trait à la conceptualisation. Les étrangers considèrent que la France est un pays complexe (droit du travail, compétitivité, etc.), où il n'est pas toujours facile de mettre en œuvre des projets, même ceux qui y ont été conçus. Par conséquent, les organisations françaises ne peuvent pas (et ne devraient pas) jouer dans la même « cour » que les Etats-Unis ou la Chine pour ce qui est de la mise en œuvre de projets qui, concrètement, vont changer le monde. La France conceptualise le monde, mais c’est le reste du monde qui le fait tourner ! Comment, alors, les organisations peuvent-elles attirer des fonds étrangers ? Il faut savoir se positionner en fonction de l’image que l’étranger se fait de la France. Si on veut démarrer une conversation (qui mènera, à terme, à une collecte) avec le reste du monde, il faut savoir comment le monde nous perçoit pour être dans une certaine cohérence. Première règle du fundraising : connaître son public. L’excellence en mathématiques portée par l’Ihes est en cohérence avec l'image que les étrangers ont de la France. Le financement de bourses pour une université qui n'apparaît pas sur le radar international, beaucoup moins... De même, si MSF réussit sa collecte à l’international, c’est parce que l’image du « french doctor » est parlante… En France, il y a une dizaine de structures dans cette configuration qui peuvent réellement peser à l’international. Les autres doivent-elles rendre les armes ? Non, elles doivent se positionner selon leurs forces et les attentes du marché international. La question n’est pas de poursuivre telle ou telle tactique mais de rechercher ce qui est intéressant à dire au reste du monde. Il faut se demander : « Au fond, qu’estce que mon organisation incarne ? » Aujourd’hui, dans la mondialisation, les entreprises sous-traitent leurs activités dans différents pays, en fonction des compétences locales. Pour la collecte, c’est la même chose. La France doit accepter modestement que la vision qu'elle a d'elle-même ne correspond pas nécessairement au regard que le monde porte sur elle : contrairement à des pays comme l'Allemagne, le Brésil ou même la Turquie, elle n'est plus dans la « ligue 1 » des pays les plus attractifs du monde. Néanmoins, si elle se positionne comme la conceptualisatrice du monde de demain, elle a une chance de rivaliser. Pour être concurrentielle dans le monde international de la collecte, elle devra mettre cet atout en valeur. n Propos recueillis par P. G. n P. G. Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 15 Place aux débutants © Gersende de Pontbriand Côté pratique Les dîners de charité ont-ils un avenir ? Les carnets de bal en ont été largement émaillés : la saison des dîners de charité à peine terminée, force est de constater qu’ils sont de plus en plus nombreux. Ils prennent des formes nouvelles, et s’invitent dans le quotidien des chefs d’entreprises, prenant un tour plus corporate. Q u’il s’agisse de grands galas dont le compte-rendu sera relaté dans la presse people, ou de rencontres discrètes permettant de se retrouver entre soi, tous les dîners de charités un même objectif : créer le rendez-vous annuel d’une association ou d’une fondation, une occasion pour ses grands donateurs de la soutenir tout en apprenant à mieux la connaître. Sarah Huisman-Coridian, fondatrice d’Equanity, a organisé de nombreux dîners de levée de fonds, notamment pour Sciences-Po Paris ou l’Université Ben Gourion du Negev. Gersende de Pontbriand, fondatrice de Mécène Invest a été l’organisatrice du dîner annuel de l’Opéra de Lyon, puis de celui de la 16 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 Fondation Culturespace. Elles font part de leur expérience, de leurs conseils et de quelques mises en garde. Contours. Multiforme, le dîner de charité peut permettre de collecter des fonds… Ou pas ! Comme l’explique Sarah Huisman-Coridian, on retrouve deux types de manifestations : celle qui vise à une rentabilité immédiate – on pense au fameux dîner où l’on « vend » des tables, qui réunit plusieurs centaines de personnes –, et celle qui permet d’entretenir et d’élargir son cercle de donateurs, en plus petit comité, sans appel à don direct (les tables n’y sont généralement pas payantes). Les objectifs finaux sont les mêmes, mais la temporalité n’est pas la même. Les ingrédients du succès. Pour Gersende de Pontbriand, un dîner réussi repose sur 4 points incontournables : l’implication d’un conseil d’administration décidé à se retrousser les manches (ou à défaut, d’un comité de pilotage ad hoc), l’originalité de l’événement, la présence d’un invité d’honneur « attractif », et la possibilité de s’appuyer sur des prestataires « amis », auprès desquels l’association obtiendra des tarifs très intéressants. Gersende de Pontbriand insiste : la rentabilité de l’opération dépend presque autant de la vente des tables que d’une bonne négociation avec les presta- Place aux débutants taires, et idéalement, de l’obtention d’un espace à titre gracieux. La vente des tables, quant à elle, dépend beaucoup de ce que l’association propose aux invités : avez-vous pu décrocher les clefs d’un lieu exceptionnel ? Votre invité d’honneur est-il rare, drôle, influent, connecté ? Soyez en adéquation avec votre cible, essayez de proposer une offre qui vous démarque et qui fasse sortir vos invités de leur quotidien. La compétition est rude, il est essentiel d’être créatif. En résumé, on ne crée pas du jour au lendemain un réseau capable de payer le prix fort pour une table dans un dîner de charité. Il vous faudra compter sur des alliés. n Pe. D. Collecter pendant le dîner : quelques idées • La base : ne pas hésiter à mettre en avant les missions de l’association, et laisser la possibilité aux participants de faire un don ; • Organiser une tombola, où chaque ticket est gagnant ; • Lancer une vente aux enchères ; • Vendre vos produits dérivés signés par des personnalités. Qui peut se lancer ? Pour Sarah Huisman-Coridian, il est risqué de se lancer sans quelques bases solides : une démarche de collecte de fonds auprès de grands donateurs, un réseau, une marque installée, ou encore des partenariats qui sortent de l’ordinaire. Pour une association déjà ancrée, mais plutôt auprès du grand public, la démarche ne sera pas forcément aisée ajoutet-elle. Mieux vaux avoir déjà cultivé un réseau qui corresponde bien à la cible des galas de charité. Dans le secteur de l’enseignement supérieur, Sarah Huisman-Coridian a observé que cette logique de réseau était très forte : les participants viennent pour se retrouver, souvent plus que pour soutenir l’organisation. En cela, la mise en place d’un petit groupe de personnes qui vont porter la démarche et sensibiliser leur réseau est cruciale pour la réussite d’un tel événement. © illustration.fr Côté pratique Une méthode made in USA. 14 mai : dîner de 4 000 personnes pour la Fondation Robin Hood (57 millions de dollars). 20 novembre: dîner du Committee to Protect Journalistes : 8 000 personnes (1,57 millions de dollars)… Comme le relate une correspondante du Point1, le modèle du gala de charité américain repose sur une chaîne toute simple: vous vous investissez pour une association, et à l’occasion de son gala, vous recrutez une dizaine de vos amis qui vont acheter une place au prix fort. Lorsque ces amis vous solliciteront à leur tour pour le gala de soutien de l’association qu’ils défendent, le moins que vous puissiez faire est d’accepter... Faites les comptes… La fin du bling bling ? Le dîner de charité n’est-il finalement pas déjà un peu has been ? Si certains se posent la question, une chose est sûre, il a encore de beaux jours devant lui (les résultats annoncés n’étant pas à la baisse, au contraire !). Cependant, Sarah Huisman-Coridian observe, à travers ses discussions avec les grands donateurs, que certains d’entre eux sont extrêmement blasés, lassés de cette forme qu’il jugent éculée. Autre bémol de taille : en temps de crise, il n’est pas forcément de bon ton de donner des dîners somptuaires. Il faut veiller à rester dans une tonalité acceptable. Comme l’exprime le directeur de cabinet d’un grand chef d’entreprise à propos d’un dîner récent : « J’étais scié par ce dîner, mais finalement, il m’a plutôt éloigné de l’association : trop léché, trop orchestré ». Prudence, donc… Sarah Huisman-Coridian suggère de se rabattre sur des événements de taille plus modeste, et organisés par une personne extérieure à l’association : de 30 à 80 personnes avec entrée non payante, qui permettront de remercier, de mobiliser, de célébrer un anniversaire. Ils concentrent bien l’attention sur la cause il sera plus facile de communiquer sur un dîner pour lequel ce n’est pas l’association qui engage les frais. Ce qu’il faut retenir. Le dîner de gala n’est pas nécessairement un outil de collecte en soi. Il matérialise une démarche « grands donateurs » au long cours. Attention au budget qui peut atteindre des sommets… La rentabilité de l’opération repose essentiellement sur les partenariats que l’on aura réussi à nouer avec des prestataires, des salles, etc… En période de crise, il faut être dans une tonalité plus sobre, ou se rabattre sur d’autres modèles. 1 Cécile David-Weill, « Letters from New York ». Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 17 Out of the box ! © Fotolia Horizons Petit précis de motivation à usage des fundraisers en surmenage « Motivés, motivés, faut rester motivés ! » La motivation est un apanage essentiel pour l’hygiène mentale du fundraiser qui se retrouve bien souvent tiraillé entre l’inertie de son environnement interne et la dureté de son environnement externe. E n cette période dite « de crise », difficile de rester motivé quand la pression interne monte et que l’urgence de renflouer les caisses se fait impérieuse. Le fundraiser se retrouve ainsi fortement sur la sellette et devient, dans bien des cas, le bouc émissaire idéal pour masquer les incapacités de leadership de sa gouvernance1. Voici quelques conseil clefs, tirés d’un article du JDN management2 paru il y a quelques années, pour retrouver la motivation quand on commence à perdre la flamme. 1 - Dès le lever, pensez positif Votre état d'esprit au réveil conditionne votre journée. Au petit- 18 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 déjeuner ou même encore au fond de votre lit, passez en revue votre emploi du temps au travail et repérez ce qui va vous motiver le plus : un rendez-vous, certes difficile, mais au final valorisant ? Un nouveau dossier sur lequel vous avez beaucoup à apprendre ? Une tâche fastidieuse que vous allez enfin finir ? Prenez chacun de ces éléments par leur côté positif : concentrez-vous sur les opportunités et mettez provisoirement de côté les risques associés. Pour les jours où vous redoutez une baisse de votre motivation, n'hésitez pas à avancer le réveil d'une heure ou 30 minutes. Profitez-en pour pratiquer une activité stimulante intellectuellement (lecture d'un essai sur votre métier, de revues professionnelles...), physiquement (footing, réveil musculaire) ou socialement (écriture d'un post pour votre blog, email à quelques contacts de votre réseau). 2 - Revalorisez votre travail à vos yeux Après plusieurs années à faire du fundraising, il est naturel de ressentir un certain ennui. Vous voudriez bien voir de nouveaux horizons mais, en ces temps de crise, ce serait trop risqué. Et puis au fond, vous l’aimez quand même bien votre organisation. C'est le moment de regarder votre situation profession- Horizons Out of the box ! nelle d'un autre œil, celui des débuts, quand votre motivation était à son maximum. Posez-vous la question de ce qui a objectivement changé, en bien ou en mal, et de ce dont vous vous êtes tout simplement lassé. Le bilan n'est certainement pas si noir. Regardez aussi autour de vous ceux qui aiment, voire admirent ce que vous faites. Tous ces collègues ou proches qui trouvent formidables et tellement valorisant votre engagement pour une cause. Mieux vaut écouter ces voix positives que ressasser... 3 - Injectez de la nouveauté dans votre quotidien Du neuf ! Pour maintenir la motivation, la nouveauté est un remède efficace. Tout peut être source de nouveauté au travail comme dans votre vie personnelle. Changer vos habitudes, vos trajets quotidiens, vos musiques, vos types de films préférés. 4 - Ne vous laissez plus enterrer sous les to-do-lists Vous n'en pouvez plus de ces listes de tâches à faire qui s'amoncellent sur votre bureau et dans votre tête ? Et si vous commenciez par concevoir des to-do-lists qui ne démotivent pas ? N'y inscrivez pas seulement ce que vous auriez dû faire il y a cinq jours et que vous passez votre temps à repousser car c'est compliqué ou ennuyeux. Ce que vous faites sans rechigner y a tout autant sa place. Prévoyez donc deux colonnes et répartissez sur la semaine (ou la journée) ce qui vous plaît et ce qui vous rebute. Faites-en sorte que vous ne puissiez plus vous dire le soir : « Je n'ai avancé sur rien ». Au contraire, récompensez-vous lorsque vous avez bien progressé dans une tâche pénible et passez le reste de la journée sur ce qui vous motive le plus. 5 - Projetez-vous dans un futur qui vous sourit La motivation n'aime pas le vocabulaire de l'échec et du doute. Bannissez des mots comme « souci », « risque », « peut-être », « je vais essayer ». Au-delà du langage, appliquez la méthode Coué et visualisez vos succès. Voyez-vous en situation de réussite ou anticipez la date de la semaine où vous serez enfin venu à bout d’une tâche qui vous bloque. 6 - Fêtez les petits succès Offrez vous un bon repas, un jour de repos, un cinéma ou toute autre chose qui vous plait après avoir bouclé un dossier délicat dans les temps, ou mené à bien cette présentation qui vous a demandé tant de préparation. 7 - Maniez aussi le bâton de temps en temps Si vous vous fixez des objectifs personnels que vous n’arrivez pas à remplir, vous vous envoyez un signal désagréable qui nuira à votre motivation pour les prochaines tâches. Fixez-vous des délais et mettez-vous au défi de les tenir. N'hésitez pas à prévenir un collègue ou un proche des objectifs que vous vous êtes fixés. Si vous êtes tenté de remettre votre travail à plus tard, demandezlui de jouer le rôle de rappel. 8 - Bougez-vous ! Se sentir bien est un facteur essentiel de la motivation. Pratiquer une activité physique permet au corps de fabriquer des endorphines, qui procurent une sensation de bienêtre. Rien de tel qu'une marche rapide le matin pour fixer ses objectifs pour la journée et un tour de vélo le soir pour prendre du recul face aux problèmes rencontrés. 9 - Faites un sort à ce qui vous irrite au bureau Et si finalement, ce qui vous démotivait le plus, c'était vos conditions de travail ? Vous n'en pouvez plus de l'open space, vous ne supportez plus tel collègue - ou votre chef –, vous en avez assez de travailler autant pour ce salaire de misère ? L'un des grands théoriciens de la motivation en entreprise, Frederick Herzberg, a démontré que les facteurs d'insatisfaction jouaient un rôle au même titre que les facteurs de satisfaction. Autrement dit, pour lutter contre la démotivation, il faut commencer par résoudre les sources de mécontentement. Or, celui-ci est essentiellement lié à l'environnement de travail et non au travail lui-même. Cernez ce qui vous irrite le plus et voyez ce que vous pouvez faire pour l'améliorer : demander à ne plus traiter avec ce collègue, à déplacer votre bureau dans un coin tranquille... Sans demander l'impossible, faites preuve de créativité pour embellir votre quotidien. 10 - Chaque jour, notez ce qui est positif Toutes vos bonnes intentions ne tiendront dans la durée que si l'on en voit rapidement les résultats. Pour cela, ne comptez pas sur votre mémoire : quand vous ferez le point, pour peu que ce soit un moment de fatigue, vous ne verrez que ce qui n'avance pas, que ce qui vous ennuie et pas le chemin que vous avez parcouru. Prenez donc l'habitude de noter toutes vos petites réussites quotidiennes, tous les moments où vous avez été content de ce qui vous arrive. Un compliment de votre manager, un moment de gloire en réunion, un contrat obtenu grâce à vous, un échange intéressant avec un collègue... Même anecdotiques, ces événements positifs du quotidien ont leur place dans la liste. Puis relisez-la à chaque fois que vous sentez votre motivation flancher. 11 - N'oubliez pas de faire des pauses Pour rester motivé sur ce que vous faites, n'oubliez pas de vous ménager des breaks. Le midi, le soir, le week-end, les vacances... Le cerveau – comme le corps – a besoin de ces coupures pour rester efficace et concentré. N'attendez pas de percevoir les signes de la démotivation, souvent annonciateurs de problèmes plus graves, pour agir et gardez un rythme de vie équilibré. Qui veut aller loin ménage sa monture. n Ph. D. 1 2 « Out of the box », Fundraizine n°32. « Se motiver au quotidien », Séverine Leboucher, JDN Management du 24/08/2009. Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 19 Côté recherches © www.morguefile.com Horizons Ce que donnent les femmes « Côté recherches » s’attaque à un sujet curieusement assez peu abordé dans la littérature : le don des femmes. L es femmes donnent-elle différemment des hommes ? Vaste sujet qui vient de donner lieu à la publication d’un numéro de la revue du Mauss entièrement consacré à ce thème « Que donnent les femmes ? ». En 567 pages, un grand nombre de chercheurs, sociologues pour la plupart mais aussi, psychanalystes, psychologues, anthropologues, gestionnaires ou économistes, explorent la question de ce que donnent les femmes. Les travaux publiés dans ce numéro spécial sont très divers et explorent le don au sens large : les femmes et le « care », les femmes et la maternité, les différences entre hommes et femmes ainsi que les travaux sur le genre, le don des femmes et le don des hommes dans une vision anthropologique ou ethnologique, le don des femmes sur le web, dans 20 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 les loisirs ou encore, « ce que donnent les hommes qui font leurs courses ». n Le « care » : typiquement féminin ? La question du « care » est au centre de toutes les réflexions. Bon nombre d’auteurs affirment que les femmes sont plus généreuses que les hommes puisque « donner la vie » inclut un don de soi obligatoire qui se poursuit ensuite par la nécessité d’élever l’enfant et de l’entourer de bienveillance. Certains auteurs défendent donc l’idée que les femmes sont naturellement plus généreuses que les hommes de par leur différence biologique. Le rôle traditionnel des hommes étant davantage dans la défense contre les agresseurs, la force physique et la protection de sa famille du point de vue sécuritaire. Ces textes montrent notamment que les femmes sont peut-être prisonnières du « care » et de leur rôle bienveillant dans le foyer : en faisant passer pour naturel leur enracinement dans la dimension du « care », ne risque-t-on pas de les enfermer ? Cependant, certains auteurs, comme Elena Pulcini, soulignent : « Au nom de leur familiarité séculaire avec cette dimension, les femmes ont peut être un accès privilégié à l’attention à la sollicitude envers l’autre pourvu qu’elles soient capables de désaliéner le “care” et de l’assumer librement à partir de la reconnaissance de sa valeur universelle… Elles peuvent transformer leur condition traditionnelle d’assujetties au “care” (et au don) en agissant activement et volontairement en tant que sujets de “care” (et de don) ». Une vision psychanalytique du don Horizons Côté recherches des femmes propose ici une vision assez originale : la femme, contrairement à la pensée de Freud, ne vit pas dans la frustration de ne pas détenir de phallus. Ce seraient plutôt les hommes qui seraient frustrés de ne pas pouvoir enfanter et ressentir toutes les émotions liées à la maternité. Ils seraient ainsi envieux du fait de réaliser le « don par excellence », celui de la vie. Certains auteurs de ce numéro spécial défendent alors la thèse que l’aliénation des femmes provient sans nul doute de cette frustration masculine à ne pas pouvoir avoir accès à ce niveau de don, proprement féminin. De fait, « le don de la vie » fait par les femmes inclus trois temps de don pour ces dernières : l’avant grossesse au travers du don de leur beauté, du don de leur corps à l’homme, le « pendant » où elles doivent accepter toutes les contraintes liées à la transformation de ce corps et à l’accueil d’un autre être en la personne du fétus, puis, « l’après » où elles se doivent de donner leur lait, leur tendresse et les soins au tout nouvel enfant. Ces trois temps sont donc ponctués de trois formes de don qui s’imposent aux femmes : « Il y a là l’expérience d’une altérité, d’un autre en soi, dont les hommes ne feront jamais l’expérience ». Elles doivent par ailleurs se résoudre ultérieurement à donner l’enfant au reste du monde lorsqu’il aura grandit. Des facteurs culturels expliquent également le don des femmes qui sont souvent élevées et valorisées dans le rôle de celles qui doivent s’occuper de la famille, des ainés et veiller au bien-être affectif de la famille. n Et le don aux associations ? Curieusement, la question du don des femmes aux associations de solidarité n’est pas abordée dans ce numéro. Pourtant, plusieurs auteurs ont déjà travaillé sur cette question en marketing ou en communication. Camille Chédotal, qui a soutenu sa thèse de doctorat en novembre 2011 sur la culpabilité et le don, a publié une synthèse des recherches sur le sujet dans le domaine du mar- keting dont nous allons à présent nous faire l’écho. « Les recherches s’accordent sur le fait que l’on compte plus de femmes parmi les donateurs, écrit-elle, mais les résultats concernant les montants donnés diffèrent. Dans la majorité des recherches, les femmes seraient plus nombreuses que les hommes à donner, elles soutiendraient plus d’associations différentes et donneraient plus souvent que les hommes. Ces résultats sont cohérents avec la vision du rôle de la femme : dans les pays occidentaux, les femmes représentent les “qualités de soin, d’amour de l’autre, de dévouement et de don”. Leur “fonction maternelle” fait des femmes des personnes généreuses et désintéressées. Et comme le don augmente avec l’âge et que les femmes vivent plus longtemps que les hommes, on comptera plus de femmes seniors donc plus de donatrices. Lorsque l’on s’intéresse aux montants donnés, les résultats diffèrent. Dans certains cas, les hommes sont plus généreux. Mais lorsque l’on regarde la part du montant donné par rapport au revenu, les dons des hommes et des femmes sont équivalents ; les hommes donnent des montants plus importants car ils gagnent plus d’argent. Lorsque l’on s’intéresse au sexe et au statut marital, les femmes seraient plus généreuses que les hommes : les femmes célibataires sont plus nombreuses que les hommes célibataires à donner et donnent des montants supérieurs ». Enfin, les différences entre les hommes et les femmes face au don sont certainement à contextualiser en fonction de la cause. Ainsi, Bennett a montré en 2003 au travers d’une expérimentation que les profils de donateurs varient selon le type de causes. Il a ainsi interrogé 250 personnes dans la rue en leur donnant de l’argent et en leur proposant de choisir l’association à laquelle ils voulaient donner cet argent : Mac Millan Cancer Relief Organization (Cancer), Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (défense des animaux) ou Amnesty international (droits de l’homme). Les résultats de cette recherche montrent que les hommes ont plus tendance à choisir les droits de l’homme alors que les femmes se tournent plus volontiers vers la cause du cancer. Pour la cause animale, le sexe n’est pas un facteur explicatif. « Les femmes célibataires sont plus nombreuses que les hommes célibataires à donner et donnent des montants supérieurs. » La question du don spécifique des femmes et de leur comportement face au don aux associations et fondations reste donc encore certainement à explorer. Il serait d’ailleurs très intéressant de travailler par exemple sur les différences émotionnelles selon les sexes. Il serait également passionnant que tous les adhérents de l’AFF se mettent ensemble autour d’un observatoire pour contribuer, au travers de l’analyse de leurs bases de données, à une meilleure compréhension de ce comportement puisqu’elles contiennent toutes les indicateurs de don et le sexe des donateurs. n S. R. Source Bennett R. (2003), Factors Underlying The Inclination to Donate to Particular Types of Charity, International Journal of Nonprofit and Voluntary Sector Marketing, vol. 8, n°1, pp. 12-29. Chédotal C. (2011), « Le rôle de la culpabilité dans le comportement de don des particuliers aux associations », Thèse de doctorat soutenue le 29 novembre 2011, Université Paris Dauphine. Collectif (2012), « Que donnent les femmes ? », éditeur La découverte, Revue du MAUSS, numéro 39, volume 1, 572 pages. Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 21 Horizons Zoom pays © www.morguefile.com Collecte de fonds privés au Brésil : le chemin reste long ! Dans ce pays en pleine croissance, la générosité des particuliers peine à se développer, faute d’un cadre sécurisant. «C ollecter des fonds auprès du grand public demeure difficile au Brésil car les gens n’ont pas confiance », C’est Maria Fernanda, jeune étudiante brésilienne à la Sorbonne, qui parle. « Il y a eu trop de corruption, déplore cette bénévole de l’Association GRAAC qui finance des soins pour des enfants atteints du cancer. Il faut vraiment être original dans notre fundraising et être très clair sur l’allocation des fonds et leur utilité sur le terrain. C’est ce que nous avons réussit à faire à GRAAC, et j’en suis très fière ! » Maria peut l’être. En 2011, GRAAC a su mobiliser l’opinion publique en utilisant les réseaux sociaux et la renommée de plusieurs célébrités comme les joueurs de foot Kaka et Neymar, ou encore de Mike Tyson, grâce à une campagne de collecte originale : avant de collecter des fonds, GRAAC a d’abord collecter… des « fans » ! Orchestrée par Ogilvy Brasil, la campagne « Donate your Fame » permettait à dix enfants atteints d’un cancer de devenir les administrateurs, durant une journée, des profils Facebook ou Twitter des célébrités partenaires. Tout au long du 23 novembre 2011, ces enfants ont twitté et informé, auprès des fans, sur leur maladie, leurs rêves et leurs besoins de fonds pour bâtir un hôpital. Résultat, 24 millions de fans collectés en une journée ! 40 % des Brésiliens utilisateurs d’Internet ont été touchés par cette campagne, cent mille dollars collectés en un mois, le nombre de donateurs mensuels a 22 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 été multiplié par cinquante ! Un succès qui ne fait que confirmer le potentiel de générosité des Brésiliens mais qui ne doit pas cacher la réalité du marché du don au Brésil, toujours très limité en ce qui concerne les dons privés. n Un cadre juridique peu incitatif Malgré une croissance de plus de 7 % et l’émergence d’une classe moyenne, le dernier rapport de l’Institut pour le Développement Social (Idis), le partenaires brésilien de l’AFP (Association of Fundraising Professionals), montre que si le nombre de fondations et de dons privés augmente sensiblement, celui-ci demeure marginal au regard du mécénat d’entreprise qui structure aujourd’hui le paysage de la générosité au Brésil. Depuis vingt ans, les dons individuels semblent stagner autour de 465 millions d’euros alors que la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et le mécénat ne cessent, eux, de s’envoler. « Malheureusement, les dons des entreprises sont concentrés dans les métropoles, comme à Sao Paulo. Ils servent aussi les intérêts marketing des entreprises et restent centrés sur l’éducation, la culture et l’environnement alors que le pays a d’autres besoins, comme la santé ou les droits humains », explique Paula Fabiani, directrice de l’Idis. « Les grandes banques comme UBS Pactual ou Itausa observent une nouvelle demande de la part des grandes familles pour être conseillées en phi- lanthropie, poursuit Paula Fabiani, mais notre cadre juridique n’est pas du tout incitatif ». Une remarque corroborée par Fernando Rossetti, Directeur exécutif du GIFE, le groupement des instituts, fondations et entreprises brésiliennes, qui compare le système actuel de son pays à celui des EtatsUnis d’il y a un siècle ! Il faut dire que les déductions fiscale liées aux dons privés oscillent actuellement entre 5 % et 7 % quand elles atteignent près de 50 % aux USA ! Pour autant, si les problèmes de corruption et d’évasion fiscale sont deux freins évidents à la mise en place d’un cadre législatif favorable à la générosité privée, ces phénomènes n’expliquent pas à eux seuls les réticences des Brésiliens. Selon l’Idis, le Brésil manque encore de structures intermédiaires pour faciliter la philanthropie dans le pays, notamment des formations à la philanthropie et au fundraising, qui aideraient les ONG à se professionnaliser pour mieux collecter des fonds auprès du grand public et des grands donateurs. Pour aller dans ce sens, l’Idis a récemment nouer un partenariat avec le Global Philanthropy Forum. Une initiative soutenue et regardée de près par les ONG américaines. Le Brésil et les pays d’Amérique Latine forment un potentiel important de leur diversification de ressources, même si toutes savent le temps et les preuves nécessaires pour que la confiance puisse un jour s’installer... n C. Q. Tribune libre © Fotolia Opinions « Lever un tabou pour mieux anticiper les risques » Professeur titulaire à la chaire Philanthropie de l’ESSEC, Anne-Claire Pache s’interroge sur la manière dont les financements philanthropiques changent les organisations qui en bénéficient. «A lors que les associations mobilisent une part croissante de ressources philanthropiques (venant de fonds et fondations privées, de mécénat d’entreprise ou de grands donateurs…), elles ont rarement une vision claire de la manière dont ces financements les influencent. Pourtant, la philanthropie est loin d’être neutre pour les associations. Au-delà de l’impact social généré par les actions ainsi financées, ces ressources impactent les associations en modifiant leur organisation, leurs pratiques, leurs priorités et leurs façons façon de travailler. Dans de nombreux cas, ces effets sont extrêmement positifs. Au contact des philanthropes ou de gestionnaires de fonds philanthropiques, les associations peuvent développer leurs capacités à innover et à mettre en place des partenariats. Elles peuvent également s’ouvrir à d’autres mondes ou d’autres territoires, rejoindre des réseaux plus larges et accroître leur transversalité. Globalement, les financements philanthropiques peuvent permettre aux associations de se renforcer, d’améliorer leur capacité de gestion ainsi que leur capacité d’action. Cependant, dans certains cas, les financements philanthropiques peuvent également avoir des conséquences fâcheuses pour les associations. Celles-ci peuvent gaspiller des ressources importantes en vue d’attirer ces financements d’un type nouveau. Elles risquent parfois de perdre leur identité à essayer de coller aux attentes de philanthropes, parfois bien éloignées de la réalité de leurs besoins, et dévier progressivement de leur mission initiale. Cet effet potentiellement néfaste de la philanthropie est pour l’instant peu reconnu, voire un sujet tabou. Pourtant, afin de maximiser les effets positifs des financements philanthropiques, associations et fondations ont intérêt à collaborer afin de minimiser leurs potentiels effets négatifs. Pour y parvenir, les deux types d’acteurs doivent faire l’effort de mieux comprendre leurs enjeux et fonctionnements respectifs ainsi que ce qui anime leurs actions. Pour ce faire, ils doivent prendre le temps d’échanger en toute transparence dans le cadre de leur collaboration. Cependant, s’il est facile de discuter ensemble des effets bénéfiques d’un partenariat, faire état de ses effets déstabilisateurs est d’autant plus délicat que l’un des acteurs dépend de l’autre pour sa survie. C’est pour cette raison que la chaire Philanthropie de l’ESSEC, en tant qu’institution académique neutre, souhaite développer la connaissance de ces effets, tant dans leur dimension positive que négative. Comment les financements philanthropiques changent-ils les associations ? Pour répondre à cette question, la chaire lancera, en janvier prochain et en partenariat avec l’AFF, une étude auprès de 30 associations visant à comprendre les effets des financements philanthropiques qu’elles reçoivent sur leurs objectifs, leurs fonctionnements, leur gouvernance et leurs actions. Ces premiers éléments d’analyse permettront d’éclairer d’un jour nouveau notre compréhension de la relation philanthropique, afin d’en améliorer l’impact. » n A. C. P. Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 23 Opinions La donatrice mystère La Donatrice Mystère et les dons aux hôpitaux... « Notre système de santé est le meilleur du monde » ! L’analyse tient surtout de la méthode Coué. En juillet dernier, la presse lançait un cri d’alarme signalant que deux tiers des hôpitaux publics français se trouveraient bientôt en cessation de paiement et que la qualité des soins ne cessait de se dégrader. Le sujet n’est pas neuf. En 2009, l’Etat créait la Fondation Hospitalière, une nouvelle coquille juridique pour inciter au mécénat et à la philanthropie. Ce dispositif complétait les fondations reconnues d'utilité publique (FRUP), mais aussi les fonds de dotation, les fondations de coopération scientifique, les fondations partenariales, sans oublier les associations loi 1901 créées dans le giron de nombreux hôpitaux pour attirer la générosité. Le « business-model » de la santé, longtemps porté par l’Etat providence, est bouleversé : public, privé, et maintenant philanthropique, les « 3 P » tentent de créer un nouvel équilibre économique. Mais qu’en pensent les citoyens-usagers-patients ? Comment répondentils aux sollicitations des hôpitaux ? La DONATRICE MYSTÈRE nous en révèle un petit aperçu... En direct avec la DONATRICE MYSTÈRE : Jean, 38 ans, cadre, marié, 2 enfants, neveu de la Donatrice Mystère : « Tu as vu dans le journal, Mamie ? L’agence Moody’s vient de baisser la note des Centres Hospitaliers Régionaux Universitaires de Aaa à Baa1 » ! La donatrice mystère : « Encore une histoire d’andouillettes ! Ce doit être pour ça qu’ils mettent autant de temps pour me rembourser de mes derniers examens. Il n’y a plus d’argent à l’hôpital. » Rose, une amie de la Donatrice Mystère : « Il suffit de voir l’état du CHU de Caen pour comprendre. Mon amie Simone y est restée un mois cet été pour une opération des carotides. Elle me disait que la peinture des murs n’avait pas dû être refaite depuis trente ans, que les infirmières, en sous effectifs, couraient dans tous les sens et n’avaient pas plus de deux minutes à accorder à chaque malade, qu’elle a passé une échographie dans les caves de l’hôpital pendant qu’ils désamiantaient certaines salles... C’est effrayant ! » Jean : « Oui, il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir des soins à l’hôpital… Pourtant, les cotisations santé ne cessent d’augmenter sur mes fiches de paie. » 24 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 La donatrice mystère : « Et oui, la santé coûte de plus en plus cher, et dans le même temps, on continue à fermer des services dans les hôpitaux de proximité et à dé-rembourser des médicaments. Il faut faire des économies ! Regarde cette histoire terrible, le mois dernier, de cette jeune femme qui a accouché sur le bord de la route en perdant son bébé, parce qu’il n’y avait pas de maternité près de chez elle ! Et pour avoir un RDV avec un professeur, si on n’est pas à l’article de la mort, il faut attendre des semaines… Bientôt, lorsqu’on voudra bien se faire soigner, il faudra aller à l’Hôpital Américain de Neuilly, comme les riches ! » Jean : « On s’achemine tout doucement vers un schéma à l’américaine... à trois vitesses... Si tu es riche, il y a une médecine privée très chère, même dans l’hôpital public ; si tu es pauvre, tu vas aux centres de soins de Médecins du Monde ; entre les deux, tu prends ton mal en patience avec un hôpital public qui marche de moins en moins bien ». La donatrice mystère : « C’est pour ça que j’ai commencé à faire des dons à l’Hôpital Foch de Suresnes. Cela fait quelques années que sa fondation m’envoyait des mailings. Je me suis décidée à les aider récemment. J’ai un peu l’impression d’éloigner la maladie, en faisant cela. Je sais c’est idiot... Et puis, sait-on jamais, si un jour j’ai besoin d’eux, je serais peut-être mieux traitée... » Jean : « Ah bon ? L’Hôpital Foch te réclame des dons ? C’est quand même pas les Restos du Cœur ou le Secours Catholique quand même... C’est nouveau ? » La donatrice mystère : « Tu sais, quand j'y pense, ça fait des années que je donne déjà à l’Institut Curie ou à Pasteur, c’est un peu pareil... » Jean : « Oui, mais ce sont des fondations caritatives, et c’est pour la recherche, comme l’ARC ou la Fondation pour la recherche Médicale… Ce n’est pas la même chose qu’un hôpital qui est censé assurer un service public. » Rose : « On revient un peu au XIXème siècle… Quand les hospices et hôpitaux étaient financés pas des legs, des mécènes, des dons… Quant à ton Hôpital Américain à Neuilly, je crois qu’ils font appel à la générosité depuis toujours. Il suffit de voir le hall d’accueil avec toutes les plaques de marbre à la mémoire des grands donateurs... Il soignent des célébrités, des gens qui ont de l’argent, et puis c’est dans leur culture, là-bas. » Opinions La donatrice mystère Jean : « Tout ça ne paraît pas très normal... on va payer trois fois maintenant : en tant que contribuable, en tant qu’usager et maintenant en tant que donateur !? » La donatrice mystère : « Mais regarde Jean, quand Anne, ton épouse, a accouché de Lisa, votre petite dernière, à la maternité des Diaconesses, tu m’as bien dit qu’au final, tu avais fait un don de 500 euros à la communauté religieuse qui administre la maternité… » Jean : « C’est vrai… Mais le personnel des Diaconesses, l’accueil, et l’accompagnement étaient si sympathiques... Et quand on vient d’avoir un enfant, on est un peu ga-gazouilleux. » Rose : « Ce qui n’est pas clair, c’est à quoi sert l’argent lorsqu’on donne à un hôpital. C’est pour repeindre les murs ? Payer le personnel ? Combler le déficit ? C’est pour cela que je préfère faire des dons à la Fondation des Hôpitaux de Madame Chirac, ou aux Blouses Roses. Ces organisations aident directement les malades. » La donatrice mystère : « Je me souviens, il y a une dizaine d’année, lorsque j’habitais en Seine et Marne, j’avais répondu à une souscription de l’Hôpital de Meaux. C'était pour acheter un scanner ou un IRM ou autre, je ne me souviens plus bien… Mais au moins, c’était précis et c’était pour sauver des gens du département. » Rose : « Ca me fait penser à une de mes amies. Elle m’a dit avoir versé une partie de son ISF à l’hôpital où elle a été soignée pour son cancer du sein. Elle affirme que son argent y sera plus utile que pour combler les déficits de la sécu ou de l’Etat. » Jean : « Enfin, pour l’instant, on n’est pas encore envahis par les courriers de sollicitations ou les appels télépho- niques, comme les pratiquent les ONG. Ça reste tellement discret que peu de gens sont au courant. D’ailleurs, peut-être font-ils davantage appel au mécénat d’entreprise qu’à celui des particuliers ? Parce que malgré la crise, ils peuvent aller taper à la porte des labos pharmaceutiques… Ils sont pleins aux as, ceux-là ! » La donatrice mystère : « Rose, sert toi une part de ma tarte aux pommes... ça te gardera en bonne santé ! Parce que le mieux avec l’hôpital, c’est encore de ne pas en avoir besoin. » Les « tests » et propos de la DONATRICE MYSTÈRE ne représentent aucune vérité scientifique, mais le simple constat d’un donateur « lambda » en contact avec nos associations et fondations. Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 25 People Portrait L'anti-solitude de la coureuse de fonds © Fondation Telecom Véronique Sentilhes, Directrice du développement de la Fondation Telecom (Institut Mines Telecom), dévoile son tempérament de coureuse de fond derrière son métier de coureuse de fonds... ou plutôt de relayeuse, de passeuse de témoin. De tisseuse de lien. Q u'est ce qui fait courir Véronique Sentilhes ? La réponse, indirecte, vient plusieurs fois au détour de la conversation : "l'envie de m'engager pour un monde un peu plus équilibré". Peu importe la cause tant que la main se tend pour en saisir une autre. Fil d'Ariane, bâton de marche, balancier... Elle qui trouve son équilibre dans la course, manifeste pour la première fois au Lycée ce besoin de s'engager pour aider autrui à marcher sans tomber. Premier pied dans l'humanitaire, un peu par hasard. Le frère d'une amie monte avec un groupe d'étudiants en médecine un projet pour Action Contre la Faim. Elle les rejoint. Sa verve les convainc, ils lui proposent de lever des fonds... Après le bac, elle choisit pharmacie. La greffe ne prend pas. "Ca m'a un peu écœurée des études !". En guise de réorientation, elle se lance dans la vie active, option marketing et communication. Une fois convaincue de la voie, elle révise son jugement sur les études et enchaine un BTS puis Sup de Pub. Nouvelle incursion dans l'associatif. Pour son projet de fin d'études, elle organise – avec un comparse coureur, pédiatre-cancérologue de son état – une course de collecte de fonds au profit de l'Institut Curie. Ce projet lui donne envie de poursuivre dans l'événementiel. Elle postule en ce sens. Philip Morris la rappelle, séduit par son profil de globe-trotteuse. Car quand elle ne se défoule pas 26 Fundraizine | 33 | JANVIER 2013 autour d'un stade ou d'un pâté de maison, c'est autour du monde qu'elle court. "Toutes mes économies d'étudiante passaient dans des billets d'avion..." Mais point d'événementiel au bout du premier rendez-vous. La multinationale lui propose un poste de chargée d'études marketing en création. Elle est un peu dubitative, sur la fonction, l'entreprise, le secteur d'activité... Elle finit par accepter pour voir de l'intérieur à quoi ressemble l'éthique d'un fabricant de tabac... et de chocolat (elle est accro au cacao). Elle y restera dix ans, justement pour "l'éthique remarquable" et surtout parce qu'on lui fait confiance. Elle adhère bien à cette "logique américaine", Véronique Sentilhes. Etre formée, encouragée. Créer son équipe et voir son "potentiel", reconnu, monter en responsabilité, quand "la France est un pays où 'casser' les gens est devenu un sport national". Pas étonnant alors qu'elle suive avec enthousiasme son mari transféré à New-York en 1998. Ambition immersion. Découverte du "roi dollar", de la pauvreté du système scolaire public... Revers de la logique américaine, qui la fait finalement se sentir "profondément française". Découverte aussi de l'indépendance professionnelle : elle crée sa structure de conseil en marketing. Au passage, elle s'offre un marathon. "Pas pour viser une perf', juste pour aller jusqu'au bout..." 11 septembre 2001. Début d'un déclic. Elle s'investit dans l'association FrenchAmerican Aid for Children. Ses filles veulent accrocher un drapeau US à la fenêtre et ne jurent plus que par le God Bless America. "Là, je mets en place un plan anti-pensée unique à la maison et je me dis qu'il est temps de rentrer...". Back to Paris donc, avec - coté carrière – la certitude de vouloir mettre ses compétences au service du non profit. Assez logiquement, elle se tourne vers les partenariats entreprise et rencontre l'association Solidarités. Elle y passera cinq ans, d'abord aux partenariats puis comme Directrice Communication / Collecte. "J'ai adoré. C'est probablement là où j'ai été la plus épanouie professionnellement, notamment à cause de la très forte proximité avec les bénéficiaires. C'est chez Solidarités que j'ai pris conscience que le lien humain comptait autant, peut-être plus, que l'aide matérielle. C'est une chose essentielle à apporter à une population en détresse. Lui dire qu'elle n'est pas oubliée...". Elle adore mais se fatigue. "L'aide humanitaire d'urgence c'est aussi commencer et finir ses journées avec des morts. C'est compenser en énergie, en temps, ce qui manque en moyens financiers". La coureuse de fond a de la ressource mais sa famille traverse une période difficile. Impossible d'être sur tous les fronts, de gérer toutes les crises. Elle entend alors parler du Groupement des Ecoles Telecom, en quête d'un directeur de campagne. Une de ses amies – chercheuse, avec laquelle elle court, évidemment – lui vante la qualité de l'établissement. Elle les rencontre et signe, pour une ambition de collecte de 25 millions d'euros. Mais comme pour le marathon, cela ne semble pas tant être la performance qui mobilise Véronique Sentilhes, que l’efficacité et la série d'attaches tissées au fil de la route. "La base de notre métier c'est d'instaurer un climat de confiance pour faire naître des liens entre personnes. C'est cela "créer de la valeur". Que la rencontre génère quelque chose de plus..." . Plus que la vitesse, ce qui fait gagner la course ce sont des passages de témoin réussis. Entre chercheurs et entreprises. Entre étudiants et grand public. Entre anciens et nouveaux diplômés. Et plus encore. Une anti-course en solitaire. n N. W. Répertoire Prestataires du fundraising n Agences conseils en fundraising n Bases de Données Choisissez l’efficacité maxyma Contact : Vincent Bodin 01 44 51 57 85 [email protected] www.maxyma.com n Télémarketing n Internet Fun-