Memento exécution provisoire
Transcription
Memento exécution provisoire
chambre des avoués de Lyon MEMENTO DE BONNES PRATIQUES LA JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT EN MATIERE D'ARRET ET D'AMENAGEMENT DE L'EXECUTION PROVISOIRE -------Ce document s'inscrit dans la continuité des travaux entrepris par la cour d'appel de Lyon avec la chambre des avoués et les sept barreaux du ressort tendant à améliorer la qualité de la production judiciaire. Cette concertation a déjà contribué à réduire très notablement les délais de jugement en matière sociale et familiale. Elle a abouti à la conclusion de protocoles relatifs à l'amélioration de l'instruction des affaires prud'homales, puis des affaires civiles et commerciales jugées par les 1ère et 3ème chambres ainsi qu'à l'élaboration et à la diffusion de préconisations relatives à la préparation et au déroulement des audiences. Cette recherche commune de l'amélioration de la qualité de notre activité a conduit à la réalisation de ce memento qui vise à rappeler certains principes et à formuler des recommandations de bonnes pratiques. Il ne constitue pas un exposé exhaustif de la matière et ne se substitue pas aux recueils juridiques mais a vocation à faciliter l'appréhension de la procédure d'arrêt ou d'aménagement de l'exécution provisoire des jugements par des praticiens (juges, avocats, greffiers) qui ne la mettent qu'occasionnellement en œuvre. Ce contentieux représente un peu plus de 250 affaires par an. La fiche méthodologique intitulée "la juridiction du premier président au regard de l'arrêt de l'exécution provisoire et du sursis à l'exécution" émanant de la cour de cassation rappelle la jurisprudence applicable. Elle est consultable sur le site internet de cette juridiction. ------------- Bien que certains principes soient communs, les règles applicables à l'arrêt ou à l'aménagement de l'exécution provisoire différent selon que le jugement en cause est exécutoire par décision du juge ou de plein droit. Recommandation : distinguer l'exécution provisoire prononcée de l'exécution provisoire de droit en visant expressément les textes applicables. I – Les règles communes 1 / l'assignation Conformément aux articles 56 et 648 du nouveau code de procédure civile, les parties doivent être précisément identifiées s'agissant particulièrement des personnes morales pour lesquelles enseigne et nom commercial sont fréquemment confondus. Aux termes de l'article 56, l'assignation doit contenir l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit, ainsi que l'indication des pièces sur bordereau annexé. L'assignation vaut conclusions en sorte que des conclusions nouvelles reprenant les termes de l'assignation sont inutiles. Des conclusions complémentaires ne sont nécessaires que si elles développent des moyens nouveaux ou répondent à l'argumentation adverse. La constitution d'avoué n'est pas obligatoire. Recommandations : - identifier précisément les parties et pour les personnes morales indiquer la forme, la dénomination, le siège social et l'organe qui la représente légalement. - délivrer une assignation suffisamment développée pour rendre inutiles des conclusions subséquentes identiques. 2 / l'enrôlement L'assignation doit être accompagnée d'un exemplaire lisible et complet de la décision de première instance et de la justification qu'un appel a été interjeté. Le greffe joint au dossier une fiche retraçant l'état de la procédure d'appel. La diffusion d'un rôle d'audience n'est pas nécessaire. Il est souhaitable que le délai entre la délivrance de l'assignation et l'audience soit de l'ordre de 15 jours afin de permettre des échanges d'écritures et des communications de pièces et d'éviter des renvois ultérieurs. Même si la citation ne suspend pas l'exécution qui peut avoir lieu aux risques et périls de son bénéficiaire, il est prudent et d'usage de ne pas procéder à celle-ci après la délivrance de l'assignation. 2 Recommandations : - joindre à l'assignation un exemplaire lisible et complet du jugement accompagné d'une copie de l'acte d'appel - citer à quinzaine - suspendre l'exécution dès la délivrance de l'assignation.. 3 / l'audience La contradiction doit pouvoir s'exprimer de préférence avant l'audience par échanges d'écritures et communications de pièces. Une première demande de renvoi est généralement satisfaite sauf urgence. L'audience est alors fixée à une date convenue d'un commun accord avec les parties en fonction de leurs disponibilités. Un second renvoi est très exceptionnel car la matière exige la célérité. Les écritures doivent être suffisamment développées en sorte que de brèves observations à l'audience apparaissent suffisantes. Le premier président n'est pas le juge d'appel. Il n'est pas compétent pour apprécier la régularité ou le bien fondé de la décision entreprise. Il est inutile de produire le dossier de première instance et de développer la critique du jugement et l'argumentation qui sera soutenue devant la cour. L'argumentation doit être concentrée sur les critères légaux énoncés à l'article 524 du nouveau code de procédure civile. Les écritures doivent être versées au dossier du premier président en un seul exemplaire. Il est souhaitable que la jurisprudence citée soit jointe ou exactement référencée mais il est inutile de mettre au dossier des extraits des codes usuels. Recommandations : - concentrer l'argumentation sur les conditions d'application de l'article 524 du nouveau code de procédure civile. - éviter de développer les moyens d'appel (sauf en matière de procédures collectives et de JEX) - joindre un seul exemplaire des écritures - numéroter les pièces dans l'ordre du bordereau - joindre la copie complète ou les références exactes de la jurisprudence citée. 4 / L'application de l'article 917 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, les dépens, l'article 700 La demande d'application de l'article 917 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile (technique de la passerelle) apparaît souvent comme un subsidiaire peu motivé alors qu'elle doit l'être spécialement sur le péril qui menacerait les droits d'une partie. Sa mise en œuvre ultérieure exige la délivrance d'une assignation. Dans la mesure où l'instance en référé est une instance autonome, il paraît préférable de statuer sur les dépens plutôt que de dire qu'ils suivront le sort de ceux de l'instance d'appel. 3 Il n'y a pas lieu de demander puis d'ordonner leur distraction au profit des avoués dans la mesure où leur concours n'est pas obligatoire. Le montant de la somme accordée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile diffère selon le contentieux. Il varie généralement entre 500 et 1 000 euros. La durée du délibéré est habituellement de 15 jours sauf urgence. Recommandations : - motiver spécialement la demande d'application de l'article 917 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile (passerelle) et par la suite, assigner la partie adverse pour le jour fixé. - statuer sur les dépens sans ordonner leurs distraction - mettre en délibéré à quinzaine, sauf urgence. II – L'exécution provisoire ordonnée par le juge 1 / l'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée par le juge (article 524 du nouveau code de procédure civile) L'exécution provisoire ordonnée ne peut être arrêtée, en cas d'appel, par le premier président statuant en référé que si elle risque d'entraîner pour le débiteur des conséquences manifestement excessives compte tenu de ses facultés de paiement ou des facultés de remboursement du créancier (Ass. plén. 2 novembre 1990, Bull. 1990 n°11). Comme il a été rappelé précédemment, l'appréciation du bien fondé ou de la régularité de la décision entreprise n'appartient pas au premier président. Les pièces justificatives des facultés de paiement du débiteur ou de remboursement du créancier doivent être récentes et numérotées dans l'ordre du bordereau. En ce qui concerne le débiteur, divers documents peuvent être produits : bulletins de salaire, déclarations d'impôt sur le revenu, avis d'imposition, relevés de prestations sociales ou d'allocations chômage, contrat de bail, quittances de loyer, relevés bancaires, justificatifs d'incident de paiement ou de remboursement d'emprunt. S'agissant d'une entreprise, il s'agira essentiellement de différents documents comptables, notamment les comptes de résultat et les bilans, ainsi que d'attestations des commissaires aux comptes, des experts comptables ou encore des banquiers. En ce qui concerne la situation du créancier, le débiteur n'est généralement pas en mesure d'apporter la preuve négative de l'absence de facultés de remboursement de son créancier. Il appartient donc au bénéficiaire de l'exécution provisoire de réfuter les allégations adverses en établissant ses facultés de restitution qui ne peuvent être présumées. A ce titre, toutes pièces de nature à établir la solvabilité (revenus salariaux ou autres, revenus fonciers, existence de biens immeubles disponibles…) peuvent être produites. Recommandations : - produire des pièces récentes relatives aux facultés de paiement du débiteur ou aux facultés de remboursement du créancier - les numéroter dans l'ordre du bordereau. 4 2 / l'aménagement Selon l'article 524 alinéa 1 et 2 du nouveau code de procédure civile, le premier président peut prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522 du même code. Cette faculté n'est pas subordonnée à la condition que l'exécution entraîne des conséquences manifestement excessives. Cet aménagement peut être partiel et relève du pouvoir discrétionnaire du juge (civ. 2ème, 29 mars 1955 Bull II n°112) qui n'a pas à motiver sa décision. Toutefois, le premier président ne peut pas se substituer au juge de l'exécution pour accorder des délais. Cet aménagement peut prendre différentes formes : caution bancaire dont le coût varie entre 0,65 % et 1,5 % par an du montant de l'engagement outre des frais d'établissement généralement peu importants. - dépôt à la caisse des dépôts et consignation qui sert un intérêt de l'ordre de 1 % par an ou sur un compte ouvert à la caisse de règlement autonome des avocats. - dépôt entre les mains d'un tiers La consignation ne vaut pas paiement de sorte que les intérêts à la charge du débiteur continuent à courir. Celui-ci supporte généralement les frais de la garantie. Recommandations : - inutile de démontrer l'existence de conséquences manifestement excessives pour motiver une demande d'aménagement. - le débiteur des frais liés à la constitution d'une garantie doit être identifié dans l'ordonnance. III – L'exécution provisoire de plein droit 1 / les différents cas Il ne s'agit pas de dresser une liste exhaustive mais de rappeler les cas les plus fréquents à savoir : Les ordonnances de référé Les ordonnances du juge de la mise en état qui accorde une provision au créancier En droit du travail, certaines dispositions des jugements rendus par les conseils de prud'hommes en vertu de l'article R. 516-37 du code du travail. 5 En application des dispositions combinées des articles R. 516-18 et R. 516-17 du code du travail, les condamnations prononcées au titre des créances suivantes sont assorties de l'exécution provisoire de plein droit : les salaires, accessoires de salaires et de commissions ; indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ; pour les contrats à durée déterminée, l'indemnité de fin de contrat ; l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement prévues en cas de rupture du contrat à la suite d'un accident du travail, l'indemnité de précarité d'emploi pour les travailleurs temporaires. En vertu de l'article L. 122-3-13 du code du travail, la décision par laquelle le conseil de prud'hommes statue sur une demande de requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est exécutoire de plein droit. Sont donc exclus de l'exécution provisoire de plein droit les dommages et intérêts, notamment en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il apparaît donc indispensable de bien distinguer dans la demande d'arrêt de l'exécution provisoire d'un jugement d'un conseil de prud'hommes entre les dispositions exécutoires de plein droit et celles exécutoires par décisions du juge et d'argumenter en conséquence. Recommandations : - dans le cas d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire d'une jugement du conseil de prud'hommes, bien distinguer entre les dispositions exécutoires de plein droit et celles exécutoires par décision du juge et argumenter en conséquence. 2 / l'arrêt de l'exécution provisoire de plein droit a - l'article 524 alinéa 6 du nouveau code de procédure civile dispose que le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste de contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Ces conditions sont cumulatives. La violation alléguée doit être manifeste, c'est-à-dire notoire, évidente. Recommandation : - veiller à caractériser l'existence des deux conditions cumulatives exigées. b – en matière de procédure collective, il résulte de l'article 155 du décret du 27 décembre 1958 que l'exécution provisoire des jugements mentionnés à l'alinéa 2 de ce texte peut être arrêtée si les moyens invoqués à l'appui de l'appel apparaissent sérieux. La démonstration du caractère sérieux des moyens invoqués peut être apportée soit par la production des conclusions d'appel, soit dans les écritures relatives au référé. La production des pièces essentielles et les dernières écritures de première instance est souhaitable. La communication au ministère public est faite par le greffe. c – en matière de sursis à exécution des mesures ordonnées par le juge de l'exécution, le premier président peut ordonner, sur le fondement des articles L 311-12-1 alinéa 5 du code de l'organisation judiciaire et 31 alinéa 3 du décret du 31 juillet 1992, qu'il soit sursis à l'exécution de la mesure ordonnées par le JEX s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déféré à la cour. 6 Recommandations : - démontrer le caractère sérieux des moyens invoqués - produire les pièces essentielles et les dernières écritures de première instance - en matière de procédure collective communiquer l'affaire au ministère public (pour le greffe). 3 / l'aménagement de l'exécution provisoire de plein droit Selon l'article 524 du nouveau code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522. Il peut, pour toute condamnation au versement d'un capital, ordonner qu'il sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement une part au créancier, sans avoir à rechercher si l'exécution aurait des conséquences manifestement excessives. Le premier président ne peut se borner à ordonner la consignation pure et simple ; il ne peut ordonner la remise d'une somme à un séquestre qu'à charge pour ce dernier de verser périodiquement au créancier la part qu'il détermine. Il est donc utile de rappeler que la demande de consignation doit être accompagnée d'une offre de versement périodique au créancier. Recommandations : - inutile de démontrer l'existence de conséquences manifestement excessives pour motiver une demande d'aménagement. - accompagner la demande de consignation d'une offre de versement périodique au créancier IV – L'application de l'article 515-1 du code de procédure pénale Aux termes de cet article, lorsque le tribunal, statuant sur l'action civile, a ordonné le versement provisoire, en tout ou en partie, des dommages et intérêts alloués, cette exécution provisoire peut être arrêtée, en cause d'appel, par le premier président statuant en référé si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Le premier président peut subordonner la suspension de l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. Cet article est rarement mis en œuvre. Il n'appelle pas de remarque particulière dans la mesure où ses conditions d'application sont les mêmes que celles prévues par l'article 524 du nouveau Code de procédure civile. Il y a donc lieu d'appliquer les règles habituelles en la matière. Il faut toutefois préciser que, restant dans le cadre du Code de procédure pénale, il convient pour le règlement des frais d'appliquer, non plus l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mais l'article 475-1 du Code de procédure pénale aux termes duquel le tribunal condamne l'auteur de l'infraction à payer à la partie civile la somme qu'il détermine, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci. Le tribunal tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. 7 Recommandation : - Seul l'auteur de l'infraction peut être condamné sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale V – L'application de l'article 526 du nouveau code de procédure civile Aux termes de cet article, Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. Le premier président ou le conseiller chargé de la mise en état autorise, sauf s'il constate la péremption, la réinscription de l'affaire au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée. - Cette compétence est exercée par le premier président et le conseiller de la mise en état successivement et non cumulativement. - Dans la mesure où à la cour d'appel de Lyon la mise au rôle, la distribution de l'affaire aux chambres et l'envoi du bulletin aux avoués sont concomitants la demande d'application de l'article 526 est généralement portée devant le conseiller de la mise en état. Le premier président peut être saisi dans le cadre d'une instance sans représentation obligatoire, d'une procédure à jour fixe ou d'une fixation à bref délai (article 910 alinéa 2). Le risque de péremption consécutive à la radiation ne peut être écarté que par l'exécution totale ou partielle du jugement attaqué, sous réserve de l'appréciation du conseiller de la mise en état qui, saisi par requête, doit délivrer une autorisation de réinscription de l'affaire. - La radiation prive l'intimé de la complémentaires en cause d'appel. possibilité de développer des demandes Il convient de rappeler que l'exécution d'une décision de justice exécutoire à titre provisoire n'a lieu qu'aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d'en réparer les conséquences dommageables. Recommandations : - La compétence du premier président et du conseiller de la mise en état est successive et non cumulative. - La radiation du rôle pour non exécution de la décision frappée d'appel comporte des risques qu'il appartient aux conseils d'apprécier avant de la solliciter. -------- 8 Une synthèse actualisée de la jurisprudence de la Cour de Cassation intitulée "la juridiction du premier président au regard de l'arrêt de l'exécution provisoire et du sursis à l'exécution" est consultable sur le site internet de la Cour de Cassation www.courdecassation.fr rubrique jurisprudence, publications, documentation, bulletin d'information n°655 du 15 février 2007. 9