Marzens - Le bouddhisme comme art de vivre

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Marzens - Le bouddhisme comme art de vivre
Marzens - Le bouddhisme comme art de vivre
Publié le 05/04/2015 à 08:32
«C'est vous qui avez tapé à l'entrée? Ce n'est pas une habitude. Ici, on pousse la porte, tout
simplement.» Alexis est tout sourire. Sa haute posture est là, posée dans la grande entrée
de l'institut Vajra Yogini. Sur une haute colline, à quelques minutes du village de Marzens et
de Lavaur, dans les immenses volumes du château d'En Clausade, ancienne demeure de la
famille Toulouse-Lautrec, la philosophie bouddhiste règne en maître. «Je suis, avec ma
femme, l'un des permanents de l'institut. Je m'occupe de tout ce qui concerne internet et les
enseignements en ligne.»
Les mots sont posés. A quelques mètres de là, sa petite fille, blonde comme les blés,
s'acharne à mettre son manteau, sans cris ni pleurs.
«Comment suis-je arrivé ici? J'avoue que pendant des années, j'étais égaré, réfractaire aux
religions. Je cherchais une route pour me construire. Pourquoi le bouddhisme? J'ai d'abord
été intéressé par la méditation. Peu à peu, j'ai pris conscience du sens des rituels. C'est un
long cheminement, que je continue quotidiennement.» La petite fille blonde, continue son dur
labeur de la matinée. «Maintenant, il faut que je trouve mes chaussures. Mon papa ne veut
pas que je marche ici en chaussettes.»Pendant cet interlude, François Lecointre, directeur
de l'institut, pénètre dans le réfectoire.
«C'est un bel endroit ici, vous ne trouvez pas? Nous sommes au calme, avec de
nombreuses chambres, pour accueillir tous ceux qui ont besoin de spiritualité et de
méditation.»
crédits photos : DDM 2015
La visite de la bâtisse rend compte de cette harmonie. Chambres, dortoirs, salle de
méditation, temple et immense stupa (monument tibétain, le plus grand de France) à l'entrée
du château. Tout est fait pour la quiétude d'hommes et de femmes en quête d'autres voies,
d'autres discours.
«Il faut savoir que nos enseignements sont entièrement gratuits. Seuls le repas et le coucher
ont logiquement un coût» rajoute François Lecointre. En parlant de repas, dans une pièce
attenante, le cuistot commence la préparation des plats du midi, végétariens comme il se
doit.
Au fil des ans, Vajra Yogini est devenu le centre référence de l'enseignement bouddhiste
dans la région toulousaine et le Tarn.
«Évidemment, il y a d'autres temples à Toulouse. Mais ils sont communautaristes. On s'y
retrouve entre membres d'un même pays. Nous, on accueille tout le monde. Nos visiteurs
sont des hommes et des femmes de 30 à 70 ans, qui désirent découvrir notre philosophie. Ils
ne sont pas nés avec le bouddhisme.»
Un homme passe. Le pas est posé, le bonjour souriant. Il n'en dira pas plus. Il est en retraite.
Il n'est ni l'heure ni l'instant des mots. Le temps est réservé à la recherche de son soi
intérieur.
«L'essence même de notre philosophie, est résumée dans ces quelques mots. Le bonheur
est à l'intérieur, pas à l'extérieur. Mois aussi, jusqu'à l'âge de 30 ans, je me croyais athée.
Comme beaucoup, durant l'adolescence, j'ai rejeté le catholicisme. Un jour, j'ai poussé la
porte d'une conférence sur le bouddhisme. Là, j'ai su que j'avais trouvé ma voie, même si le
chemin est long, quotidien et parfois difficile.»
Aujourd'hui, François est directeur de l'Institut. «À titre bénévole. J'ai évidemment un travail à
côté, pour manger au quotidien» sourit-il. La fierté est là, de présider cette structure,
d'harmoniser chaque pièce du château.
«Ici, au deuxième étage, nous avons une salle dédiée à la méditation et la prière.» En
poussant la porte, une dame seule. Elle lit, lovée dans un confortable fauteuil.«On va la
laisser tranquille. Elle a besoin de solitude.»
Plus amusant, dans une aile du château apparaît une jolie petite chapelle catholique. «Elle
avait été construite du temps des Toulouse-Lautrec. Nous l'avons laissé en l'état avec sa
vierge , son autel et sa croix. Il était hors de question de la détruire. Elle fait partie du
patrimoine du château. Et nous respectons toutes les religions». Le directeur avoue même,
«qu'il y a quelques années, une messe a été célébrée ici. Je le répète. Tout le monde est le
bienvenu.» Reste que le gros du travail de l'institut est l'enseignement de la découverte du
bouddhisme.
«On propose des «séminaires» pour découvrir cette philosophie, tant pour les débutants que
pour ceux qui veulent un enseignement plus intensif, composé de méditation et de
questions-réponses. On propose aussi des retraites à l'Institut» rajoute François Lecointre.
Et ça marche fort. «Selon les saisons, on accueille entre 70 et 120 personnes par weekend.» Le souffle du bouddhisme ne se dément pas. «C'est vrai que notre spiritualité attire
toujours. Mais je le répète. Nous ne sommes pas prosélytes. On ne fait pas du porte-à-porte.
C'est une démarche personnelle de pousser notre porte.»
Ces week-ends permettent grâce aux chambres louées, de remplir les caisses de l'Institut
qui ne vit que de quelques legs et de la location de salles, pour des cours de yoga.
Dehors, un paon rappelle son existence. «Au départ, le château possédait plus de 20 paons.
Mais ils étaient vraiment trop bruyants pour les retraites. Aujourd'hui, il n'en reste que deux»
admet Violette.
Les rafales de vent se font de plus en plus violentes. Il est temps pour nos bouddhistes de
rentrer, de se poser, de manger autour d'une grande tablée. Ils parleront peu, écouteront ce
silence réparateur et riront de voir cette petite fille blonde, toujours à la recherche de ses
chaussures.
36 ans d'histoire commune avec la région
Tout a commencé dans les années soixante. La génération «hippie» fait ses valises,
direction Katmandou à la recherche d'une nouvelle spiritualité, d'une autre société. Très vite,
ils rencontrent des Tibétains exilés au Népal depuis 1959, fuyant l'oppression chinoise. Ces
jeunes Français tombent sur le charme de cette philosophie, de cette religion basée sur le
respect et la méditation. De retour en France, certains décident de faire connaître cet
enseignement spirituel. «Il faut savoir que le bouddhisme n'a pas vocation au prosélytisme.
Mais les lamas ont accepté de voir se créer des centres, un peu partout en Europe» admet
François Lecointre.
«À l'époque, les bâtisses ne valaient pas cher surtout quand il y avait, comme ici, de gros
travaux à réaliser .»Nous sommes en 1979 et pour 700 000 francs (105 000 euros), l'institut
Vajra Yogini achète le château d'En Clausade et devient un centre d'études et de méditation
de l'école guélouk du bouddhisme tibétain, sous la direction spirituelle des lamas Yéshé et
Rinpoché.
«Dès 1980, Guéshé Lobsang Tèngyé est devenu notre enseignant résident. Il vit toujours à
l'institut» sourit le directeur. Pendant ce temps, les bénévoles retapent le lieu. Depuis lors,
dans la région vauréenne, il n'est pas rare de croiser des moines bouddhistes. «Certaines
communes du secteur se sont même symboliquement jumelées avec des villes tibétaines
pour montrer leur soutien à leur cause» conclut François Lecointre. «Et nous faisons tout
pour acheter notre nourriture à Lavaur. On n'est pas là pour vivre en dehors du monde mais
avec le monde» réplique sa compagne Violette. Ici,dans Le Vaurais, le vivre ensemble, ça
existe.
Le monastère de Labastide Saint-Georges
A quelques kilomètres de l'institut Vajra Yogini, sur la commune de Labastide-SaintGeorges, se trouve le monastère bouddhiste, Nalanda. «Il a été créé en 1981 grâce à des
fonds récoltés par l'Institut. Nous sommes évidemment très liés. Mais le monastère n'a pas
vocation à générer des activités autour du bouddhisme» rappelle François Lecointre.
Nalanda accueille 25 moines. Seuls trois d'entre eux sont français. «Ce site a un
rayonnement international» rappelle le directeur de l'institut. A noter que les moines
accueillent des personnes en recherche de méditation et de retraite. Ces périodes peuvent
durer de deux jours à huit mois (de novembre à juin) selon les envies et les besoins de
chacun.
Dépêche du Midi, Edition du 04/04/15 - V.V

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