introduction pollution microbiologique de l`eau

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introduction pollution microbiologique de l`eau
Volume 1, Numéro 7
Juin 1996
POLLUTION MICROBIOLOGIQUE DE L’EAU
INTRODUCTION
Les maladies infectieuses sont le thème du rapport annuel de l'OMS1 qui
a été publié dernièrement. Ce rapport apporte de l'espoir en annonçant que
nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle dans laquelle des centaines de
millions de personnes seront enfin protégées de quelques-unes des
maladies les plus terribles. Le rapport fait toutefois une mise en garde
contre cette insouciance fatale à l'égard des maladies infectieuses qui nous
entraîne au bord d'une crise mondiale de la santé.
L'OMS estime que, dans le monde entier, les maladies infectieuses
transmises par les aliments et l'eau ont été responsables de trois millions
de décès en 1995; 80 % étaient des enfants de moins de cinq ans. Morris et
al.2 cite une estimation chiffrant à 99 millions le nombre d'infections
gastro-intestinales déclarées chaque année
aux États-Unis, dont non moins du tiers
Examen et résumé mensuels de la
pourrait avoir pour origine un contact avec
documentation scientifique concernant
des pathogènes présents dans l'eau. Aux
les effets sur la santé humaine et les
États-Unis, les coûts annuels inhérents
polluants environnementaux, plus
aux infections intestinales communes
particulièrement les polluants présents
attribuables aux aliments et à l'eau (coûts
dans l’écosystème des Grands Lacs.
médicaux et perte de productivité) ont été
Préparés sous la direction du groupe de
travail des professionnels de la santé de
estimés à 23 milliards de dollars1.
la Commission mixte internationale. Ce
rapport ne représente la position
officielle de la Commission mixte
internationale.
Les maladies transmises par l'eau peuvent
être dues non seulement à des bactéries
(comme Shigella, Campylobacter ou
Salmonella) ou à des virus (comme
Secrétaire du groupe de travail des
Norwalk ou le virus responsable de
professionnels de la santé : Jim
l’hépatite A), mais aussi à des
Houston
protozoaires,
lesquels
attirent
Commission mixte internationale
actuellement l'attention en matière de
Section Canada
santé publique. Le cycle de vie de l'un de
100 Metcalfe Street
ces protozoaires, Cryptosporidium,
Ottawa (Ontario) K1P 5M1
comporte une phase de reproduction
Téléphone : (613) 995-0230
asexuée se déroulant dans les cellules qui
Télécopieur : (613) 993-5583
tapissent l'intestin et une phase de
email [email protected]
reproduction sexuée qui a pour résultat la
production d'oocystes qui sont ensuite
libérés dans les excréments. Cyclospora,
Isospora et les microsporidies sont d'autres protozoaires qui peuvent
également provoquer des maladies diarrhéiques, mais qui sont moins
communs. Leurs cycles de vie sont similaires, bien que les oocystes ne
soient pas obligatoirement infectieux une fois rendus dans les selles3. Les
personnes qui ont un système immunitaire affaibli sont particulièrement
vulnérables aux infections microbiennes. On estime, à ce jour, que le taux
officiel d'infection par Cryptosporidium chez les personnes atteintes du
SIDA avoisine les 5 à 10 %4.
La pollution microbiologique a souvent pour source des eaux usées
improprement traitées ou des eaux de ruissellement provenant
d’installations d'élevage et se déversant dans les cours d'eaux ou les lacs.
De plus, certaines populations microbiennes peuvent parfois croître dans
les réseaux de distribution d'eau potable. Il existe d'autres facteurs pouvant
avoir une incidence sur les concentrations de microorganismes, à savoir :
1) les animaux sauvages, qui constituent un réservoir de bactéries ou de
protozoaires pouvant infecter les humains; 2) les variations de la turbidité
ou de la composition chimique de l'eau, qui peuvent avoir une
incidence sur les densités bactériennes; 3) la prolifération des algues, qui peut
rendre les bactéries plus abondantes5; etc.
MALADIES INFECTIEUSES DANS LA RÉGION DES GRANDS
LACS
Épidémies reliées à l'eau potable
Parmi les épidémies transmises par l'eau, la plus importante jamais enregistrée
en Amérique du Nord s'est produite de mars à avril 1993, à Milwaukee. Plus
de 400 000 personnes avaient alors souffert de symptômes gastro-intestinaux
après avoir été en contact avec de l'eau potable contaminée par
Cryptosporidium; 4 000 d'entre eux durent être hospitalisés. Dans le cas de
cette épidémie, on estime que la cryptosporidiose a entraîné la mort,
directement ou indirectement, de 104 personnes2. En 1994, une épidémie de
cryptosporidiose faisait 37 morts à Las Vegas (Nevada). Fait inquiétant, le
service public d'approvisionnement en eau avait effectué des tests de
dépistage de Cryptosporodium et ne l'avait pas détecté.6
Les chercheurs du CDC7 ont compilé les données américaines sur les
épidémies transmises par l'eau pour les années 1993 et 1994, années pendant
lesquelles 22 épidémies de maladies infectieuses ont été enregistrées dans
17 états et un territoire. On a trouvé que dix de ces épidémies avaient été
causées par Cryptosporidium ou Giardia, tandis que sept autres étaient dues à
une contamination bactérienne et que cinq étaient d'origine inconnue. Les
deux tiers des épidémies mettaient en cause de l'eau provenant de puits, alors
que 23 % présentaient un lien avec de l'eau de surface. Ces données sousestimaient probablement l'incidence des maladies transmises par l'eau. Frost
et al.8 estiment que de 10 à 33 % seulement des épidémies propagées par l'eau
sont rapportées. Des chercheurs ontariens9 ont trouvé que les taux
d'hospitalisation d'enfants (moins de 18 ans) pour des gastro-entérites, à
l'échelle des comtés, variaient de 78,2 pour 100 000 par an (comté de
Middlesex) à 1 137,6 pour 100 000 par an (comté de Renfrew), la moyenne
globale étant de 411,1 pour 100 000 par an.
Épidémies reliées aux étendues d'eau destinées aux loisirs
Le CDC7 fait également état de 14 épidémies de maladies infectieuses
associées au contact avec des plans d'eau destinés aux loisirs, dix d'entre elles
ayant été causées par Cryptosporidium et Giardia et quatre par contamination
bactérienne. Les quatre épidémies dues à des bactéries faisaient toutes suite à
des activités de baignade dans des lacs et trois des quatre épidémies causées
par Giardia étaient reliées à des activités de baignade dans des lacs ou des
rivières. Toutefois, cinq des six cas causés par Cryptosporodium ont été
associés à la piscine d’un motel ou d’une communauté. En plus de ces
épidémies, on recense un cas fatal de méningo-encéphalite d'origine
amibienne chez un enfant qui s'était baigné dans le Rio Grande et dans un
réservoir d'eaux usées7.
L'USEPA a recueilli des données concernant les fermetures de plages, dans
les comtés des États-Unis bordant les Grands Lacs, lesquelles ont eu lieu dans
la plupart des cas à cause d'une contamination microbienne. Sur 582 plages,
approximativement la moitié faisaient l'objet d'un contrôle de la qualité de
l'eau. Parmi ces dernières, 51 (18 %) ont été fermées au moins une fois en
1993 et 80 (29 %) ont été fermées en 1994. Le nombre total de plages fermées
pendant une saison a varié de 16 à 80 entre 1980 et 1994. Toutefois, ces
données ne révèlent aucune tendance particulière10.
Unessaialéatoireayantpoursujetleseffetsdesbainsdemersurl'incidence
desgastro-entérites11etdesmaladiesnon entériques12chezlesadultesaété
mené à quatre stations balnéaires situées le long de la côte de GrandeBretagne.Surunepériodedequatreans,1216adultesontreçupourconsigne
soitdesebaignerdansleseauxcôtières,soitderesterhorsdel'eau.Lestaux
bruts de gastro-entérite étaientsignificativementplus élevés (p=0,01)au
sein du groupeprenantdesbainsdemer(14,8%)qu'au sein du groupes'en
étantabstenu(9,7%).Ainsi,onaputrouveruneconcentrationlimiteprécise,
qui s'établissait à 33streptocoques fécaux par 100ml. Les baigneurs
risquaientdavantage de contracterdes affections respiratoires,parrapport
aux non baigneurs,uniquement quand la concentration de streptocoques
fécauxdépassait60microorganismespar100ml(RC =3,92,IC à95% entre
1,59et9,49,p=0,0014).Lerisqued'infectionsotiques,parmilesbaigneurs,
n'a pasaugmenté de façon significative tantque lesniveaux de coliformes
fécaux ne dépassaientpas approximativement100organismes par 100ml
(p<0,05).Quandonaregroupélesdonnéesprovenantdetouslessitesvisés
par l'étude,on a trouvé que le risque d'infection ophtalmique était plus
importantchez les baigneurs (RC =2,06,IC à 95% entre 1,01 et4,25).
Aucune tendance statistiquement significative n'a été décelée pour les
maladies de la peau.Les auteurs concluentque les normes etles lignes
directricesseraientplusappropriéessiellesétaientconçuesen fonction des
streptocoquesfécauxplutôtqu'enfonctiondesbactériescoliformes.
potable pour lesquels le décompte des coliformes totaux excède les seuils
établis ne dépasse pas 5%)7.Les chercheurs du CenterforDisease Control
(CDC)onttrouvéquelefaitderespecterlesnormessurletraitementdel'eau
del'EnvironmentalProtection Agency (EPA)(parexemplepourlaturbiditéet
le dénombrement des coliformes) ne protégeait pas adéquatement de la
cryptosporidiosevéhiculéeparl'eau.Enconséquence,enmai1996,l'USEPA a
exigéqu'àpartirde1997lesréseauxdedistributionpubliquedesservantplusde
100000personnesassurentuncontrôledesoocoystesdeCryptosporidium dans
l'eau.6
AUTRES POINTS
Résistanceauxantibiotiques
D'après l'OM S,deux importants germes d'origine animale pathogènes pour
l'homme,E.coli et Salmonellae,sont aujourd'hui fortement résistants aux
antibiotiquesetce,tantdanslespaysindustrialisésquedanslespaysenvoiede
développement.Lesprincipalesraisonsexpliquantcephénomène sontl'usage
inappropriédesantibiotiquesetleurutilisation excessivedanslesinstallations
d'élevage.Leur emploi incontrôlé ou inapproprié,à la fois dans les pays
industrialisés et dans les pays en voie de développement,a contribué au
développementrapide de facultésde résistance chez lespathogènes.De plus,
d'énormes quantités d'antibiotiques entrentdans la composition des aliments
pouranimaux:l'OM S estime que plus de la moitié de la production totale
d'agents antimicrobiens est destinée à la production animale,soit pour la
ÉTUDES SUR LA CONTAM INATION PAR L'ENVIRONNEM ENT
prévention des maladies,soit pour favoriser la croissance des sujets. Les
Lesdonnéesd'uneétude13surl'eau bruteetl’eau traitéede72municipalités bactéries résistantes présentes dans les aliments humains peuvent affecter
duCanadaindiquentqu'ontrouvecourammentdeskystesdeGiardiadansles directementleshumainsoutransmettreleursfacultésderésistanceàdesagents
échantillonsd'eaubrute(21%),dansleséchantillonsd'eautraitée(18,2%)et pathogèneshumains.
dans les échantillons d'eaux usées (73%).Cependant,on n'a trouvé des
oocysesdeCryptosporidium quedans3,5% deséchantillonsd'eau traitéeet Changementclimatiquemondial
dans6,1% deséchantillonsd'eaux uséesbrutes.Lesauteursrecommandent Certains chercheurs ontavancé que la résurgence des maladies infectieuses,
qu'une concentration de 3 à spécialementdanslespaysdéveloppés,estcauséeenpartieparlechangement
5kystesdeGiardiaparlitred'eau climatique mondial16. Ils soutiennent que les changements touchant
potableconstitueleseuilànepas l'environnementou les concentrations accrues de polluants peuventfaire en
dépasser pour assurer la sorte que desanimaux sauvagesporteursde maladiesentrenten contactavec
des humains ou que des algues,pouvantabriter des agents microbiens ou
protectiondelasantépublique.
favoriser leur multiplication,prolifèrent.Comme exemple,Epstein16cite la
Une étude portant sur deux corrélation quiexiste entre l'augmentation de la croissance desalguesou du
bassins hydrographiques14 de plancton (pouvantservird’hôte à des microorganismes ou à des spores)et
Colombie-Britannique révèle que l'élargissementdelavariétédessouchesdebactériescholériques.
les ranches d'élevage de bovins
PRÉPARÉ PAR :
peuvent être une source de CONCLUSION
GreatLakesCenterforOccupational
contamination
par
les
SafetyandEnvironmentalHealth
protozoaires. Les concentrations Danslespaysen voiededéveloppement,lessystèmesd'élimination deseaux
SchoolofPublicHealth
de kystes de Giardia et uséesetdetraitementdel'eau potableinadéquatssontlespremièrescausesde
UniversityofIllinoisatChicago
d'oocoystes de Cryptosporidium maladies infectieuses.Par ailleurs,dans les pays industrialisés,où de l'eau
2121WestTaylorStreet
étaient plus élevées dans les potabletraitéeestengénéralàladispositiondel'ensembledelapopulation,les
Chicago,Illinois60612-7260
(312)996-7887
échantillonsprélevésen avaldes techniques de traitement existantes doivent maintenant se mesurer à des
email:[email protected]
ranchesque surle bassin versant organismesproblématiquescommeCryptosporidium.Pourpréserverlaqualité
où les bovins étaient del'eau desGrandsLacs,ilfautprêterattention àleurfaunemicrobienneetà
Coordonnateurduprojet:
communémenttenusàl'écartdes leur flore. Des épidémies de maladies comme la cryptosporidiose nous
MaryA.Ross,interne
cours d'eaux ou des lacs. Dans rappellentqu'onnepeutignorerlesquestionsdesantépubliquetraditionnelles.
Conseillerscientifiquesupérieur:
une
étude réalisée au Yukon Ilestde toute évidence nécessaire de réduire le ruissellementdeseaux usées
DanielO.Hryhorczuk,MD,
(Canada)15,oùaucunepousséede contaminées par des microorganismes dans les plans d’eau utilisés pour
aîtriseenhygiènepublique
maladietransmiseparl'eaun'aété l’approvisionnementtouten renforçantles programmes de traitementeten
rapportée,on a trouvé que 32% améliorantlavigilanceàl'égarddesmaladiesinfectieuses.
des échantillons d'eau vierge
étaientcontaminéspardeskystes
de Giardia, mais que les RÉFÉRENCES
oocoystes de Cryptosporidium 1.OMS 1996.Organisationmondialedelasanté,Genève
.MorrisRD,etal.1996.AmJPublicHealth86(2):237-239.
n'étaient jamais présents. On a 2
3.FlynnPM.1996.PediatricAnn25(9):480-487
cependanttrouvécourammentdes 4.JuranekDD.1995.ClinInfectDis21(Suppl1):S57-61.
5.GeldreichEE.1991.EnvironToxicolWaterQuality 6:209-223
kystesetdesoocoystesdansleseauxuséestraitéesetnontraitées.
6.KratchK.1996.WaterEnvironTechnol(July1996):20-21.
7.KramerMH,etal.1996.MMWR45(SS-1):1-31.
Juranek4rapportequ'onatrouvédesoocoystesdeCryptosporidium dansplus 8.FrostFJ,etal.1995.EnvironHealth(Dec1995):6-11.
de 65% desrivièresetdeslacstestésdansl'ensemble desÉtats-Unis.Les 9.ToT,etal.1996.Revuecanadiennedesantépublique87(1):62-65.
0.USEPA.1995.SurveyofGreatLakesbathingbeaches,1994.GLNPO,USEPA,77W.Jackson,
résultats d'analyses d'échantillons d'eau des réseaux de distribution 1
ChicagoIL60604
municipaux révélaient la présence d'oocoystes dans l'eau de 27% des 11.KayD,etal.1994.Lancet344:905-900.
communautésévaluées.Paradoxalement,danslaplupartdescasd'épidémie 12.FleischerJM,etal.1996.AmJPublicHealth86(9):1228-1234.
3.WallisPM,etal.1996.ApplEnvironMicrobiol.62(8):2789-2797.
mettantencauselesréseauxd'eaupotabledescommunautés,ons'estaperçu 1
14.OngC,etal.1996.ApplEnvironMicrobiol62(8):2798-2805.
quelesinstallationsdetraitementétaienten conformitéaveclesnormessur 15.RoachPD,etal.1993.ApplEnvironMicrobiol.59(1):67-73.
l'eau potabletantdu gouvernementfédéralquedesgouvernementsdesétats 16.EpsteinPR.1995.AmJPublicHealth85(2):168-172.
(la U.S.Safe Drinking WaterActexige que la quantité d'échantillonsd'eau