Comment rééduquer un syndrome cervical post-traumatique
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Comment rééduquer un syndrome cervical post-traumatique
~ Ann. Kinésithér., 1984, t. © Masson, Paris, 11, nO 3, pp. 79-81 1984 Comment rééduquer un syndrome cervical post-traumatique Intérêt fondamental de la rééducation proprioceptive F. JACQUOT Chef de service de Rhumatologie, et les Masso-kinésithérapeutes du Service de Rhumathologie de l'Hôpital-Sud, CH. U. Grenoble, F38000 La Tronche Le syndrome cervical "post-traumatique (S.C.P.T.) ou Whiplash Injury des auteurs anglo-saxons, encore appelé « coup du lapin » est une entité nosologique bien connue sur le plan clinique mais dont la thérapeutique donne lieu trop souvent à des incohérences. Parmi les moyens dont on dispose pour traiter efficacement ce syndrome, la rééducation a une part très importante mais comme pour le reste du traitement, elle est délicate à réaliser et nous voudrions vous présenter les résultats des recherches, faites dans ce sens dans notre service, que nous avons pu réaliser avec notre équipe de kinésithérapeutes de l'Hôpital-Sud. Mais auparavant, nous voudrions vous rappeler très rapidement quelques notions essentielles à connaître concernant ce S.C.P.T. Définition Il s'agit d'un ensemble de symptômes cervicaux et céphaliques, consécutifs à un traumatisme, indirect le plus souvent, de la colonne cervicale, caractérisé par un mouvement d'hyperextension ou d'hyperflexion extrêmement brutal de la colonne cervicale; parfois le mouvement d'hyperextension est suivi immédiatement d'un mouvement d'hyperflexion en retour, c'est alors le tableau classique du whiplash lllJury. Tirés à part: F. JACQUOT, à l'adresse ci-dessus. Circonstances d'apparition C'est le cas typique d'un accident de voiture par tamponnement par l'arrière, mais ce peut être aussi la conséquence d'une chute sur la tête entraînant une hyperflexion du cou ou une hyperextension tel est le cas d'un plongeur en eau peu profonde ou d'un skieur tombant tête première sur la glace. On pourrait multiplier les exemples. Dans certains cas, ce syndrome peut venir compliquer un traumatisme crânien dans l'ombre duquel il évolue, il peut alors passer souvent inaperçu. Rappel pathogénique Le rachis cervical comprend un ensemble polyarticulaire représenté par 20 articulations. Les lésions constatées, bien étudiées par MacNab en 1964, sont des lésions d'entorses multiples avec étirement ou déchirure ligamentaire compliquées parfois de phénomènes de âétérioration discale surtout si les disques étaient antérieurement porteurs d'une dégénérescence arthrosique. Rappel sémiologique Nous ne nous étendrons pas sur l'étude 80 Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, n° 3 sémiologique de ce syndrome, ce n'est pas dans notre propos, étude que l'on pourra trouver dans les articles cités en référence bibliographique à la fin de cet article. La symptomatologie se divise en deux syndromes : 1) Le syndrome cervical représenté par: les cervicalgies, la raideur cervicale, l'atteinte radiculaire. 2) Le syndrome céphalique représentépar: les céphalées, les vertiges ou état vertigineux d'instabilité, les troubles auriculaires et visuels, les troubles psychopathiques. Le traitement médical Il est d'une importance primordiale. Jusqu'à ces dernières années, c'était le règne de la plus grande anarchie. Il doit être pourtant parfaitement codifié et doit être entrepris immédiatement dans lesjours qui suivent l'accident, et bien entendu modulé en fonction de l'importance du traumatisme et des dégâts apparents qui en résultent. anti-œdémateuses, traitement symptomatique des vertiges, céphalées et troubles neuropsychiques, physiothérapie et éventuellement cure thermale. LES MANIPULATIONS OU TRACTIONS VERTÈBRALES Elles doivent être proscrites absolument dans les trois premiers mois. Immédiatement après l'accident, certains chirurgiens mettent leurs malades en traction continue avant l'installation de la minerve et nous sommes favorables à ce genre de traitement, mais toute tentative manipulative risque d'augmenter les détériorations ligamentaires. Cela paraît d'ailleurs l'évidence même et les manipulations sont à proscrire. C'est seulement après trois mois, en cas de malposition ou de· blocage d'une vertèbre entraînant la persistance de certains troubles, que l'on peut envisager des tractions discontinues ou des maœuvres manipulatives à condition qu'elles soient faites avec une extrême prudence par un médedn rompu à ces techniques qui sont particulièrement délicates au niveau du cou et après un tel traumatisme. L'IMMOBILISATION La rééducation Puisqu'il s'agit d'entorses multiples du rachis cervical avec altérations ligamentaires, il faut d'abord;' d'une façon urgente, immobiliser la colonne cervicale, au même titre qu'on doit immobiliser une entorse du genou ou de la cheville lorsqu'il existe des dégâts ligamentaires. Rappelons que sur 100 malades étudiés dans notre service, nous avons observé 75 % de très bons résultats, si l'immobilisation était effectuée dans les 8 jours; pourcentage qui tombait à 64 % si celle-ci était réalisée le premier mois; ce chiffre tombait à 38 % après le premier mois. et le taux était abaissé à 18 % si aucune immobilisation n'avait pu être réalisée. La durée d'immobilisation doit se situer autour de 45 jours. LE TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX Il doit être systématiquement associé : antiinflammatoires non stéroïdiens, médications La rééducation du S.C.P.T. doit être faite en fonction de quelques notions que je voudrais d'abord brièvement évoquer. 1) Il existe 2 sortes de muscles au niveau de la colonne cervicale : - les muscles superficiels ou extrinsèques, ce sont des muscles phasiques qui mobilisent la tête et le cou; - les muscles profonds ont une prédominance tonique posturale et leur fonction est de garantir la stabilité de l'ensemble des vertèbres cervicales. 2) Toute manœuvre qui aura tendance à déséquilibrer le reste du corps (membres inférieurs par exemple) aura pour conséquence d'entraîner une sollicitation de ces muscles posturaux profonds pour rétablir l'équilibre cervical, donc entraînera une contraction de ces muscles profonds. 1 Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, n° 3 3) Il faut savoir que la contraction phasique intéressant les muscles superficiels apparaît et disparaît brusquement, alors que la contraction des muscles toniques se fait par un phénomène réflexe d'origine distale se propageant vers la musculature du tronc et du cou. D'après Liddell et Scherrington, cette contraction réflexe apparaît lentement et se relâche lentement. La contraction réflexe de ce fait, ne crée pas de douleur, tandis que la contraction directe des muscles superficiels déclenche deux fois un choc articulaire et donc une douleur lors de la mise en traction brutale du muscle et de sa décontraction rapide (Viel et Ogishima). C'est en fonction de ce principe qu'est basé notre système de rééducation. Toute tentative de rééducation dynamique et également statique, contre résistance directe, est douloureuse. Nous serons donc amenés à utiliser une technique de facilitation par contraction musculaire contre résistance manuelle à distance, qui entraîne une diffusion vers les muscles du cou par automatisme médullaire. 4) Dernière notion importante à rappeler. C'est au niveau des articulations de la colonne cervicale que part l'influx de la sensibilité proprioceptive. Le tonus des muscles cervicaux influence le tonus général des muscles de l'ensemble du rachis. L'immobilisation prolongée du cou par une minerve empêche cet influx de s'établir normalement. C'est un argument pour établir la rééducation proprioceptive dès l'ablation de la minerve. Il faut alors que la contention soit parfaitement réalisée. TECHNIQUE 81 supeneurs suivant un principe analogue et au niveau des épaules elles-mêmes. Ensuite les mêmes types de mouvements peuvent être réalisés en position assise, jambes pendantes en commençant encore par les membres inférieurs puis les membres supérieurs et en utilisant progressivement des bras de leviers de plus en plus longs. Les pressions exercées doivent s'appliquer de 4 à 7 secondes parfois plus suivant les auteurs; en fait, la durée des pressions doit être progressive et ne pas dépasser 20 secondes au total. Les premières séances seront de courte durée de l'ordre de 5 mn, quitte à en faire tous les jours et là encore, c'est en fonction des réactions du patient qu'on établira la durée progressive croissante de chaque séance. L'expérience que nous avons maintenant de cette technique menée à bien depuis déjà environ 4 à 5 ans nous permet de dire que c'est la seule technique utilisable pour la rééducation du S.C.P.T. et que jointe au traitement médical indiqué plus haut, elle en a transformé le pronostic. Le seul inconvénient que nous avons pu constater, est l'apparition de phénomènes de périarthrite de l'épaule et c'est pour cela qu'il faut être très prudent lorsque l'on utilisera la ceinture scapulaire comme départ du réflexe proprioceptif. Disons en terminant, l'effet bénéfique de cette rééducation sur le plan psychologique pour ces malades qui font parfois des réactions dépressives lors des suites de ces traumatismes indirects de la colonne cervicale. PROPREMENT DITE Références Le sujet est d'abord placé en décubitus dorsal membres inférieurs repliés et il résiste à une pression exercée sur la partie supérieure des jambes, sur la partie inférieure des cuisses, ensuite latéralement sur la face externe des genoux de chaque côté. Ensuite la rééducation sera faite en provoquant contre résistance une rotation de la ceinture pelvienne par élévation alternative de chaque hémi-bassin. Ce n'est que dans un deuxième temps que la rééducation est faite au niveau des membres 1. BARNEL (B.). - Le syndrome cervical post-traumatique. A propos de 88 observations. Thèse med., Grenoble 1977, 145 pages avec très importante bibliographie. 2. JACQUOT (F.)., BARNEL (B.), CHICH (D.). - Notions essentielles à connaître pour le traitement du syndrome cervical post-traumatique. Rev. Med. Afp. Fr., 1980, 9, 103-104. 3. SENEGAS (J.), GUERIN (J.), LAVIGNILLE (B.), ARNE (P.), GIOUX (M.), VIGNES (C.). - Rééducation des traumatismes du rachis cervical sans complément neurologique. Complément Encyclopédie Med. Chir., 26999, 37-40 et 35-38. 4. VIEL (E.), OGISHIMA (H.). - Rééducation neuromusculaire à partir de la proprioception : bases kinésiologiques, Masson, Paris, 1977, 1 vol.