notre système de santé peut-il s`en sortir

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notre système de santé peut-il s`en sortir
Le
SpécialistE
Le magazine de la Fédération des médecins spécialistes du Québec
Vol. 14 no HS-1 ­| Janvier 2012
Notre système de santé
peut-il s’en sortir ?
Édition hors série
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du Québec, est un cabinet de services financiers spécialisé dans la
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Comité aviseur
Conseil d’administration de la FMSQ
production
Direction des Affaires publiques
et des Communications
Notre système de santé
peut-il s’en sortir ?
Édition hors série
LE
SPÉCIALISTE
Le magazine de La Fédération des médecins spéciaListes du Québec
Éditrice déléguée
Nicole Pelletier, ARP, directrice
Vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Responsable de l’édition
Patricia Kéroack, conseillère en communication
Ont contribué à ce numéro :
Recherche documentaire et RÉVISION
Angèle L’Heureux
Notre système de santé
peut-il s’en sortir ?
ASSISTANTE DE production
Geneviève Roberge
Graphisme
Dominic Armand
PUBLICITÉ
France Cadieux
impression : Impart Litho
TIRAGE : 15 000 exemplaires
Pour nous joindre
RÉDACTION Téléphone : 514 350-5021
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spécialistes du Québec
2, Complexe Desjardins, porte 3000
C.P. 216, succ. Desjardins
Montréal (Québec) H5B 1G8
Téléphone : 514 350-5000
ÉDITION HORS SÉRIE
Sommaire
5
Mot de la rédaction
6
Méchant mal de blocs
9
Le passé est garant
de l’avenir... VRAIMENT ?
11 Voyage dans le temps
19
Des constats et
des questions
20 Quand on veut, on peut...
21 Si l’on se comparait…
POSTE-PUBLICATION
Contrat de vente 40063082
24 Si on les imitait...
DÉPÔT LÉGAL
Vol. 14, No HS-1, 1er trimestre 2012
Bibliothèque nationale du Québec
ISSN 1206-2081
26
Si l’on parlait
de gestion partagée...
Tous droits réservés. Le contenu ne peut être reproduit sans
l’autorisation écrite de l’éditeur.
28 Si l’on en finissait...
La Fédération des médecins spécialistes du Québec a pour
mission de défendre et de promouvoir les intérêts des
médecins spécialistes membres des associations affiliées,
sur le plan économique, professionnel, scientifique et social.
30 Pour la pérennité du système
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 3
La Fédération des médecins
spécialistes du Québec regroupe
plus de 9 000 médecins répartis
dans 53 spécialités médicales
anatomopathologie — anesthésiologie
biochimie médicale — cardiologie adulte
cardiologie pédiatrique — chirurgie cardiaque
chirurgie colorectale — chirurgie générale
chirurgie générale oncologique — chirurgie
générale pédiatrique — chirurgie orthopédique
chirurgie plastique — chirurgie thoracique
chirurgie vasculaire — dermatologie
endocrinologie et métabolisme — gastroentérologie
génétique médicale — gériatrie — hématologie
hématologie/oncologie pédiatrique — immunologie
clinique et allergie — maladies infectieuses
médecine communautaire — médecine d’urgence
médecine d’urgence pédiatrique — médecine de
l’adolescence — médecine de soins intensifs
adulte — médecine de soins intensifs pédiatrique
médecine du travail — médecine interne — médecine
maternelle et fœtale — médecine néonatale et
périnatale — médecine nucléaire — médecine
physique et réadaptation — microbiologie médicale
néphrologie — neurochirurgie — neurologie
neuropathologie — obstétrique et gynécologie
oncologie gynécologique — oncologie médicale
ophtalmologie — oto-rhino-laryngologie et
chirurgie cervico-faciale — pathologie générale
pathologie hématologique — pathologie judiciaire
pédiatrie — pneumologie adulte — pneumologie
pédiatrique — psychiatrie — radio-oncologie
radiologie diagnostique — rhumatologie — urologie
Suivez la FMSQ dans le Web 2.0 :
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4 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Mot de la rédaction
Notre système de santé
peut-il s’en sortir ?
Que vous soyez médecin, résident, étudiant, politicien, journaliste ou citoyen
intéressé, il nous fait plaisir de vous présenter ce numéro hors série de notre
magazine Le Spécialiste traitant de certains enjeux du système de santé
québécois qui, malgré ses difficultés et ses déboires, doit demeurer public.
La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ), qui compte en ses rangs quelque 9 000 membres, est
à même de constater combien la confusion et la désillusion règnent quand il est question de santé au Québec. On a
trop souvent l’impression d’être face à un mur en pensant aux nombreux défis et, disons-le, aux obstacles auxquels
sont confrontés les centres hospitaliers, les médecins et les autres professionnels de la santé du Québec.
En outre, nous croyons que le nerf de la guerre est « l’information ». S’il y a rarement trop d’informations, il y a
malheureusement souvent trop d’informations partielles. Or, nous croyons en la sagesse populaire, mais celle-ci ne
saurait exister et viser juste que dans la mesure où l’on est correctement informé.
Il y a de la lumière au bout du fameux tunnel ! Des solutions existent pour améliorer la gestion et la productivité dans ce
système et faire jouer positivement la relation de cause à effet sur l’accès aux soins pour la population. La Fédération
persiste à croire qu’il est possible d’avoir une vision cohérente de ce que devrait être notre réseau de santé.
Remémorons-nous certains passages du discours sur le budget 2010‑2011 du ministre Bachand : « Je voudrais
maintenant aborder la question des services de santé. Le temps est cependant venu de passer à une nouvelle étape.
Ainsi, nous entreprendrons une révision de la gouvernance du réseau, en particulier des liens entre le ministère de la
Santé et des Services sociaux, les agences de la santé et les établissements afin d’améliorer l’efficacité et l’action. »
Ce discours aura deux ans en mars prochain…
Depuis 20 ans, le poste budgétaire de la Santé et des Services sociaux est passé de 7 milliards à 30 milliards de
dollars. Aujourd’hui, où en sommes-nous ? À peu près au même point. En fait, les progrès enregistrés sont maigres,
pour ne pas dire « LEAN ». Une question se pose : pourquoi ?
Les Québécois devraient obtenir les services pour lesquels ils paient des impôts. L’État a le devoir de s’organiser
pour que ces services soient rendus. La Fédération croit qu’il est encore temps d’agir si l’on veut obtenir de vrais
résultats... C’est l’esprit de ce numéro hors série.
Bonne lecture !
L’équipe de rédaction
Dr Gaétan Barrette, Richard-Pierre Caron, Patricia Kéroack, Nicole Pelletier
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 5
Attente en chirurgie
Méchant mal de blocs
L’accessibilité aux blocs opératoires fait à nouveau (et toujours) la manchette au Québec. Les
chirurgiens de différentes spécialités médicales dénoncent le manque de temps opératoire
mis à leur disposition et déplorent être dans l’impossibilité de travailler suffisamment.
« Si un maillon dans la
chaîne ne fonctionne pas,
c’est tout l’hôpital qui ne
fonctionne pas. »
... les agences de la
santé et des services
sociaux doivent ajouter
des ressources pour
permettre aux patients
de sortir de l’hôpital
aussitôt que possible
grâce, notamment, à
des soins à domicile
adéquats. Cette mesure
non seulement aurait
un effet sur le volume
de chirurgies, mais elle
permettrait aussi de
désengorger les urgences. Quant aux garanties de
soins que veut instaurer
M. Couillard pour trois
interventions – la
chirurgie de la cataracte
et le remplacement de la
hanche et du genou – il
s’agit essentiellement d’un
geste politique, estime
M. Barrette. « C’est du
spectacle », a-t-il dit. Ces garanties de soins ont
un effet pervers : elles
entraînent une diminution
du nombre des autres
types de chirurgies qui
peuvent être faites.
Le Devoir, 2 mai 2007, A3
6 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Si la situation est particulièrement criante à
Montréal, elle s’étend désormais à d’autres
régions, dont Québec. En octobre dernier,
La Presse rapportait que 9 000 patients
étaient en attente d’une chirurgie au
CHUM. On apprenait également que le
CHA (Centre hospitalier affilié universitaire
de Québec) connaissait une situation
similaire. De nombreux autres centres
hospitaliers subissent le même sort : Centre
hospitalier universitaire de Sherbrooke
(CHUS), Sacré-Cœur, Enfant-Jésus, Cité
de la Santé, Maisonneuve-Rosemont et
Sainte-Justine, pour ne nommer que ceuxlà. Après une brève accalmie, on note une
résurgence du phénomène.
Selon les plus récentes données
compilées par le ministère de la Santé
et des Services sociaux (MSSS) pour
l’ensemble du Québec, au 31 mars
2011 – en excluant les chirurgies de la
cataracte, de la hanche et du genou –
près de 75 000 personnes étaient en
attente d’une chirurgie, soit 56 781
pour une chirurgie d’un jour et 18 144
pour une chirurgie avec hospitalisation.
Près de 20 000 personnes attendaient
depuis plus de 6 mois.
Les raisons invoquées pour expliquer
cette rupture de services sont connues :
pénurie de personnel, manque de lits
disponibles, ressources budgétaires
déficientes et bris dans la séquence
logistique de planification/occupation
des blocs. Ajoutons que le débordement
endémique des urgences engendre son
effet domino : les lits sont occupés par
des patients qui devraient normalement
se trouver ailleurs qu’à l’hôpital.
Résultat : nombre de chirurgies sont
reportées; certains reports surviennent
le jour même, alors que les patients
sont déjà sur les lieux, prêts à subir leur
intervention. On peut imaginer l’ampleur
du gaspillage découlant de cet état de
dysfonctionnement.
Un peu d’histoire… récente
Fin 2007, la Fédération des médecins
spécialistes du Québec (FMSQ)
concluait un partenariat inédit avec
le MSSS en proposant d’effectuer
la visite des blocs opératoires de
24 établissements hospitaliers répartis
dans 8 régions du Québec. Outre les
représentants de la Fédération et du
ministère, la délégation comptait une
représentante de l’Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec ainsi que deux
représentants des agences de la santé
et des services sociaux (ASSS).
Le mandat du comité consistait à identifier
les freins à la productivité, à proposer des
solutions concrètes pour y remédier et à
évaluer la marge de manœuvre pouvant
être dégagée.
Objectif : augmenter l’accessibilité
des patients à la chirurgie en
haussant la production de 5 %
par année.
Tous convenaient d’associer cette
démarche à une obligation de résultats.
Si, de son côté, la FMSQ s’était engagée
notamment à régler les problématiques
liées à la pratique des médecins impliqués
au bloc opératoire, en contrepartie le
ministère s’engageait, entre autres,
à résoudre les problématiques ayant
trait aux volets ressources humaines
et instrumentation.
Quant aux agences, leur rôle devait
consister à soutenir les établissements
dans l’atteinte des objectifs fixés, à
préparer un plan d’action visant à mettre
en œuvre les mesures identifiées et à
effectuer le suivi de l’état d’avancement
des mesures du plan d’action auprès
du ministère. Les agences devaient
nommer un responsable régional et
s’assurer que chaque établissement
désigne un responsable local.
Un article traitant de la tournée des blocs opératoires a été publié dans l’édition de décembre 2008 du magazine
Le Spécialiste. Le lecteur pourra consulter cet article dans les archives du magazine sur www.fmsq.org.
Lors des visites, qui se sont échelonnées de
février à décembre 2008 avec une seconde
phase de suivis réalisée en janvier, février
et mai 2009, toutes les composantes de la
« chaîne de production » du bloc opératoire
étaient passées en revue : organisation
physique des lieux, organisation du travail,
rôle des intervenants, dotation et utilisation
des ressources humaines, dotation en
équipements, logistique, planification et
gestion du temps, interrelations entre les
services, gestion médico-administrative, etc.
L’approche permettrait d’analyser chacune
des séquences. Au terme de chaque visite, les
failles et les lacunes étaient détectées et les
avenues de solutions, identifiées. Un rapport,
faisant état des différentes améliorations à
devoir effectuer, était acheminé au directeur
général de chaque établissement, à l’agence
ainsi qu’au MSSS.
Au cours des mois subséquents, un
rehaussement moyen de 8 % de la
productivité a été observé chez les
établissements visités, se traduisant
par la réalisation de 17 300 chirurgies
supplémentaires en comparaison à la
période de référence utilisée (2006-07
et 2007-08).
Que s’est-il passé pour que l’on revienne
à la case départ ? Chose certaine, le
« problème » ne souffre pas d’une absence
de documentation puisqu’en 1995 un groupe
de travail mis sur pied par le MSSS et formé
de médecins et de gestionnaires avait pour
mandat de proposer des principes et des
critères d’organisation des services de
chirurgies dans l’optique d’une utilisation
rationnelle des ressources. A découlé de cet
exercice la publication du Guide de gestion
du bloc opératoire.
Trouver la zone de fracture
Les quotas imposés pour la réalisation
des chirurgies seraient-ils toujours en
vigueur dans les centres hospitaliers ? La
réponse est non. Ces quotas ont été levés en
mai 2007. Étrangement, lors de la tournée,
les membres du comité ont constaté que
plusieurs administrateurs étaient persuadés
que ceux-ci étaient toujours en vigueur. Ils
ont dû les convaincre qu’il n’y avait plus de
limites imposées par le MSSS et que les
budgets suivraient en conséquence.
Peut-on attribuer ces ratés à un problème
de financement ? Il semblerait que non, si l’on
se fie aux propos tenus par le sous‑ministre
adjoint d’alors, Michel Bureau, dans l’édition
du Soleil du 26 août 2008 : « Il n’y aura plus
de patients qui attendront pendant plus de
six mois, et on n’aura pas construit plus
d’hôpitaux, on n’aura pas construit plus de
blocs opératoires. » Il ajoutait : « Quand les
hôpitaux recevaient des budgets historiques,
c’est-à-dire basés sur ce qu’ils recevaient
l’année précédente, c’était vrai. Maintenant
on leur dit : Faites votre travail, on va payer. »
Y aurait-il eu changement de cap avec
l’arrivée du nouveau titulaire au MSSS,
Yves Bolduc, en juin 2008 ? Il semblerait
que non. Lors d’une entrevue publiée en
novembre de la même année, le ministre
fait état de ses priorités dont l’augmentation
du nombre de chirurgies : « Si on améliorait
la productivité de 10 % seulement, il n’y
aurait plus de liste d’attente en chirurgie.
[…] Le message que j’envoie aux PDG des
agences et aux directeurs d’hôpitaux, c’est
que chacun a la responsabilité de revoir de
façon optimale l’organisation du travail dans
son milieu. »
La FMSQ a-t-elle omis de remplir ses
Dans son rapport final, le comité FMSQ- engagements ? Dès le 1er octobre 2008,
MSSS note que les constats effectués la Fédération mettait en place diverses
en 1995 s’avèrent toujours d’actualité, en mesures – majoration des tarifs à l’acte
2009. Il formule plusieurs recommandations, et incitatifs divers – pour prolonger les
dont celle de rendre obligatoire pour tous plages horaires de présence des médecins
les établissements la mise sur pied d’un et introduire de nouvelles procédures
comité du bloc opératoire – une unité de extra‑muros visant à maximiser l’utilisation
coordination formelle dont le mandat, des blocs et à en améliorer la productivité.
la composition, l’imputabilité
« Les médecins détestent renvoyer un
et l’étendue de l’autorité sont
clairement définis. Le comité
patient à la maison, lance Dr Barrette.
recommande également que
La relation avec le patient est
le MSSS procède à la mise à
importante.
Si le chirurgien doit
jour du guide de 1995 et en
fasse la promotion auprès
annuler un cas, ça attaque toute
des établissements. Or, ce
la crédibilité, la confiance, la
n’est que le 22 septembre
compétence face au patient »
2011 que la nouvelle version
du guide a été mise en ligne.
La Presse, 16 mars 2009, A10
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 7
Les agences auraient-elles failli à leurs
obligations de résultats pour la mise
en place des changements proposés ?
On pourrait conclure par l’affirmative en
constatant le « suivi » des recommandations
du comité FMSQ-MSSS effectué par
l’Agence de Montréal. Elle a plutôt mandaté
un consortium composé de firmes de
consultants au coût de 1,2 million de dollars
pour refaire l’exercice alors que le comité
avait déjà visité six établissements sur son
territoire. L’Agence souhaitait implanter le
processus LEAN « pour une gestion plus
efficace », aux dires de son PDG, David
Levine, dans une entrevue accordée à La
Presse le 14 avril 2009.
Selon le cahier des charges déposé le
10 octobre 2008, le processus en quatre
phases devait s’échelonner de novembre
2008 à décembre 2009. Le projet a-t-il
été réalisé ? À quel prix ? L’histoire ne le
dit pas. Une seule allusion dans le rapport
2009‑2010 de l’Agence. Après : silence
radio. Mais, dans un cas ou l’autre, les
résultats parlent d’eux-mêmes.
Les établissements ont-ils omis de
livrer la marchandise ? Disons que les
cas récurrents de fermeture partielle
ou complète de salles d’opération,
notamment pour boucler des budgets de
fonctionnement déficitaires, diffusés dans
les médias sont difficilement réconciliables
avec les propos du sous-ministre adjoint
rapportés précédemment : « Faites votre
travail, on va payer »…
Finalement, devrait-on pointer du doigt
la « culture bureaucratique » qui imprègne
toutes les facettes de l’organisation du
système public de santé ? À constater la
façon dont l’ASSS de Montréal a transformé
une initiative prometteuse en processus long
et coûteux, on serait fortement tenté de le
croire. Les agences avaient une obligation
de résultats non seulement envers leurs
populations respectives, mais à l’égard
des établissements qu’elles se devaient
d’accompagner dans cette démarche
d’amélioration continue.
Réinventer la roue...
Le 1er novembre dernier, le ministre a dévoilé le
nom des trois centres hospitaliers qui prendront
part au projet pilote d’implantation de la
méthode Toyota (Lean Healthcare Six Sigma). Une
enveloppe totale de 11,8 millions de dollars y
sera consacrée, dont 2,3 millions en honoraires
versés à la firme Fujitsu… Parmi les cibles :
l’augmentation de la productivité aux blocs
opératoires et l’embauche « d’experts »…
Un bilan s’impose
Dans la pyramide hiérarchique du réseau de la santé et des services sociaux, les
agences se situent à mi-chemin entre le ministère et les établissements. Depuis
leur création, ces structures n’ont cessé de croître en termes d’effectifs et leurs
dépenses de fonctionnement ont suivi la même tendance. Au fil du temps, au
gré des gouvernements ou des campagnes électorales, la pertinence de leur
maintien a souvent été remise en question. Après quarante ans, l’expérience
s’avère-t-elle concluante ? Sont-elles nécessaires au fonctionnement du réseau ?
S’acquittent‑elles adéquatement du mandat qui leur échoit ? Cette structure
intermédiaire est-elle de trop ? Les agences apportent-elles une réelle plusvalue pour l’organisation et la livraison des soins au Québec ?
On peut consulter la liste complète des sources citées dans cet article dans le site
Internet de la FMSQ au www.fmsq.org/specialiste.
8 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Les agences de santé
gPrincipaux rapports depuis
un quart de siècle
Le passé est garant
de l’avenir...
VRAIMENT ?
Notre système de santé constitue une source intarissable de nouvelles pour les
médias, que l’on songe aux débordements dans les urgences – le sujet faisait les
manchettes il y a 25 ans –, au temps d’attente qui ne cesse d’augmenter, aux
problèmes d’accessibilité, aux problèmes de salubrité, à la vétusté de nombreuses
installations, aux problèmes d’organisation, à la pénurie de professionnels dans
maints secteurs, aux projets majeurs qui tardent à aboutir, à la lourdeur et à la
rigidité bureaucratiques.
Rapport Bhérer,
1986
Rapport Rochon,
1987
Orientations
Lavoie-Roux, 1989
Aujourd’hui, on s’explique mal le bilan qu’on dresse du système de santé. Surtout
quand on considère que, depuis 1985, les gouvernements qui se sont succédé
ont multiplié le recours aux comités, aux groupes d’études et aux « experts »
pour analyser, décortiquer, identifier les problématiques, poser les diagnostics et
proposer des pistes de solutions pour améliorer le fonctionnement du système,
assurer sa pérennité, son accessibilité et maintenir son universalité.
C’est ainsi que furent notamment produits les rapports Bhérer, Rochon, Lamarche,
Deschênes, Arpin, Clair et Castonguay. S’ajoutent les autres rapports, études et
analyses portant sur les finances publiques qui ont, de facto, abordé le système
de santé sous l’angle des dépenses, des structures et du financement. Aussi,
divers documents de réflexion ou d’orientation ont été produits afin de susciter le
débat public sur les grands enjeux. Nous nous retrouvons, aujourd’hui, quelques
milliers de pages et plusieurs dizaines de millions de dollars plus tard, avec les
résultats que l’on connaît.
Un vieil adage dit qu’il faut savoir d’où l’on vient pour savoir qui l’on est. Un autre
dit encore que les paroles s’envolent et que les écrits restent. Ces deux adages
nous ont largement inspirés pour la rédaction de ce texte. Le système public
de santé universel existe depuis quarante ans. Ce qu’il est aujourd’hui résulte
de l’addition des actes posés par tous les gouvernements qui se sont succédé
depuis le début des années 1970.
Puisqu’il est impossible de dissocier l’évolution du système de santé de la politique,
car c’est elle qui l’a façonnée, conditionnée, il tombait sous le sens d’utiliser les
élections générales et les changements de titulaires de ce portefeuille comme
marqueurs temporels.
Rapport Lamarche,
1995
Rapport Deschênes,
1996
Rapport Arpin,
1999
Afin de nous remémorer les moments charnières qui ont marqué le système de
santé, qui ont façonné sa structure, nous remontons le temps, depuis la création
du ministère de la Santé, en 1971, jusqu’à aujourd’hui. Dans ce continuum
espace-temps, s’insèrent donc naturellement certaines des pièces législatives
qui ont modifié la face même du système et son organisation. Outre les maints
diagnostics d’experts, s’ajoutent plusieurs extraits tirés des différents rapports
ou études commandés par les gouvernements. Puisqu’ultimement les décisions
échoient aux politiciens, nous parsemons cette reconstitution de certaines
citations qui, lorsque replacées dans cette perspective historico-évolutionniste,
expliquent bien des choses.
Rapport Clair,
2000
Rapport Castonguay,
2008
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 9
Le système de santé en bref
Avant d’entreprendre ce périple historique,
reprenons certaines données concernant
le système de santé actuel.
La santé et les services sociaux prennent
une part de plus en plus importante du
budget de l’État. En 2011-2012, en excluant
le service de la dette du gouvernement,
ce poste budgétaire représente à lui
seul 47,5 % de toutes les dépenses de
programmes, soit 29,1 milliards de dollars
sur des dépenses totales de 61,3 milliards
de dollars. Depuis 2000-2001, l’enveloppe
budgétaire dévolue à la santé et aux services
sociaux a augmenté de 97 %.
En 2008-2009, le ministère même, ses
9 organismes-conseils et ses 16 agences
employaient 8 470 personnes, soit l’équivalent
du nombre de médecins spécialistes que
comptait le Québec en 2010.
Au 31 mars 2010, selon les données
compilées par le Service du développement
de l’information (SDI) du ministère de la
Santé et des Services sociaux (MSSS)
et selon la méthode de calcul utilisée
– puisqu’il en existe trois –, le réseau
comptait 257 882 personnes en emploi,
265 153 emplois au total ou encore 213 337
équivalents temps complet (ETC). Ces
trois chiffres illustrent pourtant la même
situation, pour le même ministère, pour
la même période.
Selon les données compilées par le bulletin
Info-Contour, produit par le MSSS, les
dépenses dédiées à la santé représentaient
17,8 milliards en 2009-2010, année la plus
récente de compilation disponible.
Au 31 mars 2011, la dette totale du réseau
dépassait le cap des 7 milliards de dollars.
Le seul service de la dette (paiement des
intérêts) représente des dépenses de l’ordre
de 826,9 millions de dollars au chapitre des
crédits de 2011-2012, en augmentation de
11,41 % par rapport à l’année précédente.
Ventilation des dépenses pour le volet santé,
ensemble des régions du Québec en 2009-2010
Postes budgétaires
Services généraux
Santé publique
Montants ($)
629 634 490
Pourcentage
3,5 %
314 380 357
1,8 %
Santé physique
6 380 991 462
35,8 %
Santé mentale
1 071 711 059
6,0 %
Perte d’autonomie
2 638 530 761
14,8 %
Déficience intellectuelle et TED
821 080 061
4,6 %
Déficience physique
507 274 754
2,8 %
94 099 709
0,5 %
Jeunes en difficulté
1 004 569 946
5,6 %
Administration et soutien aux services
2 855 762 828
16,0 %
Gestion bâtiments et équipements
1 511 610 656
8,5 %
17 829 646 083
100,0 %
Dépendances
Total
Source : Bulletin Info-Contour. Québec : MSSS, 2011
L’évolution des structures régionales
Dans l’ouvrage du collectif de chercheurs publié en 2003 et intitulé Le système de santé
au Québec, organisations, acteurs, enjeux, on peut lire : « La régionalisation a entraîné
une augmentation importante du budget et de l’effectif total affectés au palier régional. Au
départ, en 1972, l’ensemble des conseils régionaux dispose d’un budget de 650 000 $
et d’un personnel limité à quelques personnes (Ministère des affaires sociales, Rapport
annuel, 1972). Une enquête réalisée à l’automne 1993 par la Direction générale de
la coordination régionale du ministère a permis d’estimer à 1 322 le nombre total de
postes (dont 64 temporaires) à ce moment. Pour l’année 1993-1994, le budget total
des instances régionales s’élève à 90,9 millions de dollars. En 2001-2002, on dénombre
1 993 postes « équivalents temps plein » dans les régies régionales de la santé. Leur
budget total est de 94 millions de dollars (St-Pierre, 2001 : 124-125). »
En 2009-2010, selon les données compilées par le MSSS (Service du développement
de l’information (SDI), avril 2011), les agences comptaient quelque 2 958 personnes en
poste, dont 406 cadres.
10 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
L’évolution du réseau de la santé et de ses structures régionales
Voyage dans le temps
Notre histoire commence le 12 mai 1970 alors que Robert Bourassa est assermenté à titre de
premier ministre du Québec et Claude Castonguay, au poste de ministre de la Santé. Le 24 décembre
1971, le projet de loi no 65, Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) est sanctionné.
Cette pièce législative d’importance dessine les contours du système public de santé.
Deux ministères sont alors fusionnés : celui
de la Santé et celui de la Famille et du
Bien-être social ; la nouvelle entité devient
le ministère des Affaires sociales (MAS).
Apparaît la première mouture des
instances régionales : le conseil régional
de la santé et des services sociaux
(CRSSS).
Bien que le Québec soit alors subdivisé en
12 régions sociosanitaires, on dénombre
11 CRSSS ; le douzième sera créé en 1976
pour desservir le territoire cri.
En plus de la santé et des services sociaux,
plusieurs responsabilités échoient au MAS
lors de sa création : gestion du régime
de l’aide sociale, gestion des services de
garde et gestion des politiques de santé et
sécurité au travail. Le MAS sera toutefois
délesté de ces responsabilités en 1985,
sa mission étant recentrée sur la livraison
des services de santé et la gestion des
services sociaux. Il est alors rebaptisé sous
le vocable qu’on lui connaît.
C’est en 1977, sous le gouvernement
de René Lévesque, que sont créées les
commissions administratives régionales.
Cette nouvelle structure vise à réunir
autour d’une même table les représentants
des établissements et ceux du CRSSS.
Nous sommes en pleine mouvance de
régionalisation/décentralisation. Denis
Lazure est alors titulaire de la santé depuis
le 26 novembre 1976. Occuperont ce poste
par la suite : Pierre-Marc Johnson (nommé
le 30 avril 1981), Camille Laurin (nommé
le 5 mars 1984), Michel Clair (par intérim,
nommé le 27 novembre 1984) et Guy
Chevrette (nommé le 29 novembre 1984).
En juin 1985, le gouver­
nement du Québec institue
la Commission d’enquête sur
les services de santé et les
services sociaux qui sera
présidée par Jean Rochon,
médecin spécialiste en santé
communautaire.
Parmi les nombreuses
recommandations que contient ce
rapport (ROCHON), figure celle de
remplacer les CRSSS par des régies
régionales auxquelles échoiraient
davantage de pouvoirs.
Le 23 octobre 1985, des élections
générales sont déclenchées. Le Parti
libéral du Québec (PLQ) – dirigé par Robert
Bourassa – effectue un retour en force.
Thérèse Lavoie-Roux devient ministre
de la Santé et des Services sociaux. En
janvier 1986, le mandat de la Commission
d’enquête sur les services de santé et les
services sociaux est révisé.
En décembre 1987, le rapport Rochon est
remis à la ministre et il est rendu public
en février 1988. Parmi les nombreuses
recommandations que contient ce rapport,
figure celle de remplacer les CRSSS par des
régies régionales auxquelles échoiraient
davantage de pouvoirs.
La mouvance régionaliste
Au tournant des années 1980, le
gouvernement du Québec amorce une
première vague de décentralisation
administrative vers les régions. Peu importe
le parti au pouvoir, cette nouvelle doctrine
est omniprésente et elle est largement
partagée par l’ensemble de la classe
politique. Elle conditionne la philosophie
de gestion gouvernementale dans toutes les
sphères d’activité et d’intervention de l’État.
On veut alors donner davantage de pouvoirs
aux régions, partant du principe que ce
sont les citoyens des régions qui sont les
mieux placés pour définir leurs besoins et
déterminer les orientations pour garantir
leur développement social et économique.
La santé n’est pas exempte de ce
mouvement en vogue. Les CRSSS sont
appelés à assumer davantage de pouvoirs
et de responsabilités. On leur confie,
entre autres, la gestion et l’entretien des
immeubles, l’autorisation et le financement
des projets de construction/réaménagement
des établissements, l’allocation des
ressources, l’approbation des plans
d’organisation des effectifs médicaux,
l’élaboration des priorités régionales,
l’élaboration des plans de mise en œuvre
des politiques concernant la réadaptation,
la santé mentale, les services relevant des
CLSC, les services à domicile et le transport
ambulancier. Les CRSSS deviennent
progressivement des gestionnaires, situés
à mi-chemin entre les établissements, la
population et le ministère.
C’est dans ce contexte que la commission
Rochon recommande de remplacer les
CRSSS par des régies régionales en
proposant une décentralisation accrue
des pouvoirs et la création d’instances
citoyennes renforcées. Par ce truchement,
on souhaite que les citoyens des régions
s’approprient leur système de santé en
influençant directement les choix en matière
de dotation en services et d’allocation
des ressources.
g Note budgétaire
En 1980-1981, dans le rapport annuel produit par le ministère des Affaires sociales, on note que l’enveloppe dévolue à la direction et à
la gestion du ministère est de 57,8 millions de dollars, l’enveloppe dédiée à la coordination régionale (CRSSS) équivaut à un peu plus de
11 millions de dollars et le budget total du MAS est de 5,1 milliards de dollars.
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 11
Ce que disait le rapport Rochon
À propos de la régionalisation :
« Quatre grandes raisons justifient le choix
de la Commission en faveur des régions.
La région constitue d’abord un lieu
d’identification réelle pour la population. Une
certaine dynamique de concertation s’est
déjà développée entre les établissements du
réseau. On retrouve le même mouvement de
régionalisation dans d’autres réseaux, par
exemple dans le domaine de l’éducation,
dans le mouvement coopératif, dans le
mouvement syndical. Plusieurs ministères
ont déjà régionalisé en partie leurs activités. »
À propos d’un « nouveau partage
des pouvoirs » entre le MSSS et les
éventuelles régies :
« En choisissant de remplacer les CRSSS par
des régies régionales, la Commission souhaite
marquer clairement les nouvelles attributions
de ces instances régionales, à savoir jouir
d’une autonomie de gestion, être davantage
imputable, avoir à moyen terme le pouvoir de
taxer. La région régira […]. »
Le rapport énumère une série de nouvelles
responsabilités qui échoiraient à ces instances,
responsabilités qui comprendraient même
la négociation des clauses de conventions
collectives qui ont des impacts sur la production
et la livraison des programmes. Autrement dit,
la gestion, la livraison, la détermination et la
production des services seraient désormais
assumées par le palier régional tandis que le
ministère, dont la mission serait recentrée, se
consacrerait désormais à exercer les fonctions
globales de planification, d’évaluation et de
coordination de l’ensemble des programmes,
incluant la santé publique, pour l’ensemble du
territoire. On proposait donc une révolution,
un changement de cap à 180 degrés dans
l’organisation du système de santé.
Les consultations
se poursuivent...
En marge des travaux de la commission
Rochon, le MSSS met sur pied un groupe
de recherche dont le mandat consiste à faire
le point sur l’expérience de la décentralisation
administrative du ministère vers les régions
et les établissements de 1972 à 1981. On
souhaite également connaître la perception
des différents intervenants du réseau à propos
de cette structure. Ce sera le rapport Bhérer :
un rapport de plus dans la séquence.
En avril 1989, après avoir pris connaissance
du rapport Rochon et effectué une tournée
des régions, la ministre Lavoie-Roux fait
connaître ses orientations dans un énoncé
politique (Pour améliorer la santé et le
bien-être au Québec). Si la ministre retient
certaines orientations et recommandations
de la Commission – notamment celle de
remplacer les CRSSS par des régies
régionales –, elle rejette cependant tous
les aspects du rapport visant spécifiquement
le partage et le recentrage des rôles
et responsabilités entre le MSSS et les
nouvelles instances régionales. En résultante,
outre quelques modifications à leurs rôles
par l’ajout de nouvelles responsabilités
administratives, les CRSSS ne changeront
que leur nom. En ce qui concerne le
ministère, elle opte pour le statu quo.
« Instituées par le gouvernement,
qui définit leurs pouvoirs,
les régies sont dotées d’une
autonomie fonctionnelle
effective, confirmée par leur
personnalité juridique. Cette
autonomie ne peut cependant
être absolue. Associées à
la gestion administrative
gouvernementale, les régies
disposent de budgets
approuvés par le Ministère.
Elles doivent donc se conformer
aux règlements promulgués
par le gouvernement et aux
directives ministérielles. »
Thérèse Lavoie-Roux
Le 11 octobre 1989, Marc-Yvan Côté
succède à Thérèse Lavoie-Roux. Il entame
alors une ronde de consultations, en
commençant par la tenue d’une commission
parlementaire où quelque 266 mémoires
sont soumis et 175 groupes entendus
pendant 8 semaines. En avril 1990, le
ministre entame une période de « réflexion »
entrecoupée de quelques sommets, une
formule qui, selon les dires du ministre, « avait,
sur le plan régional, fait des effets tout à fait
fulgurants et des résultats très concrets ».
Un peu d’histoire
Le 4 septembre 1991, le projet
de loi no 120 est finalement
adopté après plus de 6 ans de
travaux, de consultations et
de réflexions. Cette loi vise à
réformer le système de santé
en modifiant substantiellement
la Loi sur les services de santé
et les services sociaux entrée
en vigueur quelque 20 ans
plus tôt.
Extraits du Journal des débats de
l’Assemblée nationale, lors des travaux
entourant l’adoption du projet de loi no 120
le 28 août 1991 :
Des problèmes...
selon le ministre
Marc‑Yvan Côté
« Pourquoi changer un
système que l’on dit, en
certains milieux, le meilleur
au Canada et l’un des meilleurs à travers
le monde et qui, somme toute, ne va
pas si mal ? Pourquoi ? C’est pourtant
l’évidence pour ceux qui ont à côtoyer
le système de manière journalière, qui,
comme de mes collègues de l’Assemblée
nationale, ont vécu certains moments
plus pénibles au cours de l’été. Le réseau
est confronté à des problèmes et pas des
petits problèmes, M. le Président, des
problèmes très très sérieux. »
Le danger...
selon le député
Rémy Trudel
« M. le Président, un danger
bien plus grand guette le
citoyen-payeur, celui du
dédoublement, celui du gaspillage. L’article
202 du projet de loi illustre clairement le
danger de la tentation bureaucratique
qui guette le système, puisque les
établissements à la base, sur le terrain,
sous des formes et des délais différents,
devront produire moult rapports aux deux
niveaux : régie régionale, ministère central.
g Note budgétaire
En 1991-1992, les crédits accordés au ministère de la Santé et des Services sociaux s’établissent comme suit : l’enveloppe dédiée à la
direction et à la gestion ministérielles est de 88,7 millions de dollars, celle accordée aux conseils régionaux est de 54,2 millions de dollars.
L’enveloppe totale du ministère est de 7,8 milliards de dollars.
12 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Le développement que nécessiteront les
nouvelles fonctions de contrôle dévolues aux
actuels conseils régionaux de la santé et des
services sociaux grugera des ressources
financières et exigera du personnel
supplémentaire. […] Nous pouvons prévoir
immédiatement que, compte tenu de
tous les pouvoirs et les prérogatives que
conserve le ministère, aucune réallocation
budgétaire d’importance n’interviendra à
brève ou à moyenne échéance. »
De la
bureaucratie...
selon le député
Jean Garon
« On aura de l’argent pour
la bureaucratisation du
système. Je n’en suis pas revenu. On va
créer des régies régionales qui n’auront
pas de pouvoirs. On va mettre en place
des fonctionnaires. On ne réduira pas les
fonctionnaires au central, mais on va en
mettre plus dans les régions. Ça va être plus
compliqué de se faire soigner sans doute.
Il y aura plus de portes à traverser, il y aura
plus de gens pour compter, il y aura plus
de gens pour créer des problèmes, alors
qu’essentiellement, quand vous êtes malade,
vous avez besoin de soins ; vous n’avez pas
besoin d’une bureaucratie plus forte. »
En résultante de l’adoption du projet
de loi no 120, les conseils régionaux
changent d’appellation. Ils deviennent
les régies régionales de la santé et des
services sociaux (RRSSS).
Le texte de loi reflète assez fidèlement les
orientations ministérielles déposées deux
ans plus tôt en ce qui a trait aux pouvoirs
qui sont dévolus aux régies. Grosso
modo, leur champ d’action consistera à
planifier, à coordonner et à évaluer certaines
activités ou certains services. Elles seront
chargées de répartir les budgets octroyés
aux établissements et aux organismes
communautaires et elles exerceront
certaines fonctions de contrôle, notamment
sur le plan budgétaire. Elles demeurent
cependant tributaires du ministère, du
ministre et agissent selon les modalités et
les conditions déterminées par ce dernier.
Le 11 janvier 1994, Daniel Johnson (fils)
succède à Robert Bourassa. Lucienne
Robillard hérite du ministère de la Santé
et des Services sociaux. Des élections
générales sont déclenchées et à l’issue du
scrutin du 12 septembre, le Parti Québécois
forme le gouvernement. Jacques Parizeau
devient officiellement premier ministre et
Jean Rochon est nommé ministre de la
Santé et des Services sociaux. Il s’emploie
dès lors à mettre en place le « virage
ambulatoire » – une autre tentative de
transformation organisationnelle du réseau
qui consiste à écourter, voire à éviter, les
séjours en milieu hospitalier en donnant
davantage de services plus près des milieux
de vie, au CLSC ou à domicile.
En mai 1995, un groupe de travail mandaté
par le Conseil de la santé et du bien-être
et présidé par Paul-A. Lamarche remet
son rapport intitulé Un juste prix pour les
services de santé. En plus d’émettre une
série de recommandations en lien avec
l’organisation, le financement et la gestion
du système, ce rapport – le premier avis
du Conseil – dresse un grand nombre de
constats en lien avec la réforme de 1991.
« Concernant la bureaucratie, certains
faits se révèlent également inquiétants.
Ainsi, l’augmentation du personnel dans
les régies régionales ne s’est pas traduite
par une diminution correspondante au
ministère ; le personnel du ministère n’a
pratiquement pas diminué dans les faits :
920 postes étaient autorisés au ministère
au premier avril 1995, comparativement à
1 225 en 1990 ; […] on doit conclure que
le personnel du ministère a peu diminué
depuis la réforme. Le risque est donc réel
de créer deux niveaux bureaucratiques au
lieu d’un. […] les règles du jeu ont, à toutes
fins pratiques, peu changé encore avec la
réforme. De nouveaux sont même apparus.
Ainsi, les plans régionaux conçus pour être
des instruments souples au service des
intervenants sur le terrain sont en train de
devenir un nouvel instrument de contrôle
central des activités régionales. »
Extrait du Journal des débats de l’Assemblée
nationale, période de questions et de
réponses orales du 30 novembre 1995 :
L’échec...
selon le député
Georges Farah
« L’objectif de la création
des régies régionales
était, premièrement, de
décentraliser les pouvoirs du ministère de
la Santé vers les régions ; deuxièmement,
de rapprocher les patients des décideurs
en diminuant substantiellement le nombre
d’employés du ministère. Dans les faits,
M. le Président, elles sont devenues, pour
l’actuel ministre de la Santé, ses hautparleurs dans les régions. La population
n’est plus écoutée. À preuve, les régies
régionales n’ont aucunement modifié
les commandes du ministre, malgré les
consultations et la signature de pétitions de
plus de 400 000 personnes. Ma question,
M. le Président : Étant donné, et ce, à
cause de l’actuel ministre, que les régies
ont échoué et se sont éloignées de leur
mandat, le ministre peut-il cesser d’investir
près de 100 000 000 $ par année dans
cette structure bureaucratique et plutôt
injecter ces fonds publics dans les soins
aux patients ? »
Un peu d’histoire
La Loi sur les services de santé et les services sociaux s’est
complexifiée au fil du temps et des modifications législatives
introduites par les gouvernements qui se sont succédé depuis
quarante ans. La version initiale de la LSSSS adoptée en 1971
comptait 168 articles... En 1991, elle en comptait 622...
En 2011, elle en compte 650.
g Note budgétaire
En 1992-1993, les crédits accordés au ministère de la Santé et des Services sociaux s’établissent comme suit : l’enveloppe dédiée à la
direction et à la gestion ministérielles est de 94,7 millions de dollars (en hausse de 6,2 % par rapport à 1991-1992), celle accordée aux
conseils régionaux – devenus régies régionales – est de près de 65 millions de dollars (en hausse de 16,5 % par rapport à 1991-1992).
L’enveloppe totale du ministère est de 8,2 milliards de dollars (en hausse de 5 % par rapport à 1991-1992).
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 13
Le 29 janvier 1996, Lucien Bouchard devient premier ministre. Jean Rochon demeure
titulaire de la Santé.
Dès lors, le gouvernement s’active à orchestrer la Conférence sur le devenir social et
économique du Québec, tenue en mars, et le Sommet sur l’économie et l’emploi, tenu
en octobre. Un nouveau rapport est préparé par le MSSS pour « nourrir les réflexions »
de la Commission de la fiscalité qui doit s’activer en prévision du Sommet. Ce document
s’intitule Le coût de l’efficacité des services de santé et des services sociaux. C’est
dans la foulée de cette conférence qu’est fixée l’atteinte du déficit zéro ; une politique
de rationalisation budgétaire qui s’est notamment traduite par la mise en place d’une
politique de départs à la retraite qui entrera en vigueur un an plus tard.
En juin 1996, Jean Rochon mandate un groupe de travail présidé par Jean-Claude
Deschênes pour réaliser, cette fois, un examen portant sur les responsabilités respectives
du ministère, des régies et des établissements. Le rapport Deschênes est remis au
ministre le 9 décembre 1996.
« Aux critiques du réseau envers la bureaucratie du ministère s’ajoutent aujourd’hui
celles faites à l’endroit des régies : autoritarisme ; politiques rigides et uniformes ; accent
sur le contrôle des processus ; demandes multiples, surajoutées à celles du ministère. Sur mesure
Une disposition réglementaire
particulière a été créée sur mesure
pour les cadres…
Le 25 septembre 1996, le gouvernement
adopte le décret 1218-96. Il s’agit
d’une pièce réglementaire majeure et
volumineuse visant à déterminer les
modalités de sélection, la rémunération,
les régimes collectifs d’assurance,
les mesures de stabilité d’emploi, les
mesures de fin d’engagement et les
recours applicables aux cadres des
régies régionales et des établissements.
Ce décret comporte 135 articles. Un
autre décret (1217‑96), adopté le même
jour, vise les directeurs généraux. Il
comporte 160 articles.
« On notera ici que l’effectif global [NDLR : du ministère] actuel est à peine moins élevé qu’en 1993, date à laquelle les responsabilités
des régies régionales furent notablement augmentées. S’il y a eu transfert « significatif » de mandats du ministère aux régies régionales,
on aurait pu s’attendre à une contraction plus marquée de l’effectif ministériel. Mais si tel ne fut pas le cas, le transfert de mandats
« significatifs » n’aurait-il pas plutôt été créateur de duplications ? « Notre groupe propose une approche simple et conforme aux développements les plus récents du management public contemporain,
i.e. : une gestion axée sur les résultats (ou lutte à la bureaucratie) ; la subsidiarité (ou lutte au centralisme) ; l’imputabilité (ou la lutte
à la non-responsabilité). »
Le 1er octobre 1998, Jean Rochon mandate un groupe de travail pour faire le point sur la question de la complémentarité du secteur
privé au système public de santé. Les travaux du comité sont présidés par Roland Arpin.
Le 15 décembre 1998, Pauline Marois est
nommée ministre de la Santé et des Services
sociaux. En février 1999, elle reconduit le
mandat du groupe de travail Arpin, dont
le rapport sera déposé le 6 juillet de la
même année.
« Pour réaliser le potentiel d’économies
réalisables, le groupe de travail privilégie
dans ce contexte une démarche graduelle
visant trois objectifs : 1) réduire les écarts
de coûts avec le privé, 2) rentabiliser les
capacités excédentaires des équipements
et des locaux et 3) adopter de nouveaux
modèles de gestion de façon à permettre à
l’administration hospitalière de simplifier ses
opérations périphériques et de recentrer ses
activités sur sa mission première, les services
de santé à la population. »
Le 15 juin 2000, elle crée la Commission
d’étude sur les services sociaux qui sera
présidée par Michel Clair, ex-ministre. Son
mandat consiste à tenir un débat public sur
les enjeux auxquels fait face le système de
santé et à proposer des avenues de solutions
pour l’avenir... encore une fois ! La Commission
remet son rapport le 18 décembre de la même
année. Il contient 36 recommandations et
59 propositions.
14 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
« La clarification des rôles aux différents
paliers de la gouverne devrait conduire
à des responsabilités mieux définies des
intervenants à tous les niveaux et ainsi
diminuer les risques de dédoublement
souvent énoncés devant la Commission.
En conséquence, le MSSS et les
régies devraient diminuer leurs effectifs
substantiellement de façon à pouvoir
se mesurer avantageusement avec les
administrations publiques comparables. « Au Québec, les régies régionales ne sont
pas des instances de prestation de services,
ni des instances politiques. Elles n’ont ni
pouvoir réglementaire, ni capacité fiscale
autonome. Leur justification dépend de
leur utilité sociale qui repose sur la volonté
politique de responsabiliser une population
à l’égard des services dont elle a besoin
et d’associer des citoyens aux décisions
en cette matière. […] Enfin, l’existence
des régies régionales devrait dégager le
MSSS de responsabilités opérationnelles
et lui permettre de remplir sa mission
fondamentale, soit l’élaboration des
politiques de santé et de bien-être, de
gestion de grands mandats nationaux et
l’évaluation des résultats. »
Extrait du Journal des débats de
l’Assemblée nationale, période de
questions et de réponses orales
du 3 mai 2000 :
© Chambre des communes
Clarification des rôles
Jean Charest, député
de Sherbrooke, chef
de l’opposition
officielle, s’adressant
au premier ministre :
« Vous avez parlé du
rôle de l’État, de la taille de l’État.
Vous avez demandé à M. Dumont, le
député de Rivière-du-Loup, ce qu’il
ferait à la place. Il y en a pourtant,
des idées qui ont été circulées. Je
vais vous en donner une, moi : les
régies régionales de santé. Tout le
monde trouve ça difficile à expliquer,
que votre gouvernement coupe
2,1 milliards dans la santé puis, dans
la même période de temps, que les
régies régionales de santé grossissent.
Il y en a 17, régies régionales de
santé, au Québec. Est-ce que c’est
nécessaire d’avoir 17 régies régionales
de santé au Québec ? Je vous pose la
question, là. »
Le 8 mars 2001, Bernard Landry devient premier ministre. Rémy Trudel est nommé ministre de la Santé et des Services sociaux. Il
est remplacé par François Legault le 30 janvier 2002.
Le 12 mars 2003, des élections générales sont déclenchées. La santé occupe une place prépondérante dans les débats et dans
l’actualité ; l’abolition des régies régionales figure parmi les engagements électoraux de deux formations politiques, soit l’Action
démocratique du Québec (ADQ) et le Parti libéral du Québec.
« Le PLQ au pouvoir,
les régies régionales
de la santé – les créatures libérales
– seront abolies et remplacées
par des conseils
d’administration
régionaux. »
Philippe Couillard
Dans une entrevue accordée au journal Le Soleil et publiée le 5 avril 2003, Philippe Couillard,
candidat du PLQ dans Mont-Royal et pressenti pour occuper le poste de ministre de la Santé
et des Services sociaux, fait état des engagements de son parti : « Le PLQ au pouvoir, les régies
régionales de la santé – les créatures libérales – seront abolies et remplacées par des conseils
d’administration régionaux. Ceux-ci auront pour mandat d’offrir les soins requis à tous les clients
à l’intérieur des délais fixés dans une Charte des droits du patient. […] La création des conseils
d’administration régionaux, remplaçants des régies régionales, ne se fera pas sur le dos des
employés, certifie M. Couillard. Il y a de la bureaucratie à alléger, mais il n’y a personne à mettre à
la porte. […] Le problème ce n’est pas qu’il y a trop de fonctionnaires. C’est que les gens ne sont
pas au bon endroit. Tous seront intégrés aux établissements du réseau. »
Le 29 avril 2003, Jean Charest devient premier ministre. Philippe Couillard est nommé ministre de
la Santé et des Services sociaux.
Extrait du Journal des débats de l’Assemblée
nationale du 8 juillet 2003 lors de l’étude
des crédits du MSSS, intervention de
Philippe Couillard :
« Les régies régionales, qui avaient été
créées, vous savez, à l’époque par
notre prédécesseur, un ministre libéral,
avaient comme objet de réaliser cette
décentralisation et ce recentrage des
activités ou de la gestion des activités vers
les régions. Et, à l’époque, on avait identifié
des lacunes que les régies régionales
devaient corriger. Alors, il y avait des services
discontinus, incomplets et impersonnels ;
des ressources humaines mal gérées ;
le décloisonnement et la responsabilité
partagée entre les établissements qui
étaient à faire ; un mécanisme démocratique
qui était sclérosé ; puis un financement
inéquitable. Maintenant, 15 ans plus tard,
force est de constater que ces constats
demeurent tout à fait là. »
Le 9 juillet 2003, Philippe Couillard accorde
une entrevue au journal Le Soleil. Lorsqu’on
lui demande : « Alors, pour quand la mort des
régies ? », il répond : « On espère terminer
nos travaux à la fin de l’été et présenter
un projet à l’automne. » Suivra une « large
période de consultations ». L’objectif de
Philippe Couillard est donc d’enfanter au
printemps 2004 les nouvelles structures
promises au cours de la campagne électorale.
Un article du journal Le Devoir publié le
19 juillet 2003 fait état du projet
de réorganisation majeure du
réseau de la santé qu’entreprend
le ministre. Ce dernier en aurait
révélé la nature lors de l’étude
des crédits budgétaires :
« D’abord, il propose la fusion
des conseils d’administration des
centres hospitaliers, de CLSC et
de CHSLD d’un même secteur
pour créer une série de « réseaux
locaux ». […] Les réseaux locaux
disposeront de pouvoirs accrus
dans la gestion des services et
des ressources, alors que les
nouvelles agences régionales en
g Note budgétaire
En 2002-2003, les crédits accordés au ministère de la Santé et des Services sociaux
s’établissent comme suit : l’enveloppe dédiée à la direction et à la gestion ministérielles
s’établit à 78,3 millions de dollars, celle accordée aux régies régionales est de 96,5 millions
de dollars. L’enveloppe totale du ministère est de 17,4 milliards de dollars (en hausse de
plus de 120 % par rapport à 1991-1992).
auront moins que les actuelles régies et se
limiteront à faire l’arbitrage entre les réseaux
locaux et à leur distribuer le financement. »
Le 11 novembre 2003, le projet de loi no 25,
Loi sur les agences de développement de
réseaux locaux de services de santé et
de services sociaux, est présenté devant
l’Assemblée nationale. Dans les notes
explicatives du projet de loi, on peut lire :
« Ce projet de loi vise, par la mise en place
d’une organisation de services de santé et
de services sociaux intégrés, à rapprocher
les services de la population et à faciliter le
cheminement de toutes personnes dans
le réseau. À cette fin, le projet propose la
création des agences de développement de
réseaux locaux de services de santé et de
services sociaux, lesquelles succèderont,
de plein droit et sans aucune formalité,
aux régies régionales de la santé et des
services sociaux. »
Statu quo... ou presque
Le 2 décembre 2003, la FMSQ prend
part aux consultations portant sur le
projet de loi no 25. Dans son mémoire
déposé à la Commission des affaires
sociales, la FMSQ écrit : « À l’instar
de nombreux Québécois, la FMSQ
s’attendait à voir dans ce projet de
loi une transformation autre que
cosmétique des structures actuelles,
voire l’annonce d’outils favorisant les
réseaux naturels déjà établis. Or, sauf
pour un changement de nom, ces
structures actuelles restent inchangées
dans leur nombre, leur composition
et leur fonctionnement. […] Ce simple
changement de nom sera coûteux
et maintiendra en place les mêmes
activités et les mêmes intervenants ; il
ne sera pas générateur de changements
d’attitude ni d’habitude. »
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 15
gN’en jetez plus...
la cour des députés est pleine
Conformément à l’article 392 de la LSSSS
et, en vertu du règlement de l’Assemblée
nationale (Chapitre II – Reddition de
compte, art. 293.1 et 294), les membres de
la Commission de la santé et des services
sociaux doivent procéder à l’étude des
rapports annuels produits notamment par les
agences de la santé et des services sociaux.
L’étude de ces rapports annuels s’inscrit
dans un processus de reddition de comptes,
institué à la demande des parlementaires.
En date du 9 décembre 2011, au Feuilleton
de l’Assemblée nationale, figure la liste des
rapports annuels qui n’ont pas encore été
étudiés par les membres de la Commission.
• É
tude des rapports annuels 2008-2009 des
agences de la santé et des services sociaux
suivantes : Chaudière-Appalaches, BaieJames, Outaouais, Bas-Saint-Laurent, Mauricie
et Centre-du-Québec (déféré le 24 février
2011) ; Estrie (déféré le 15 mars 2011).
• É
tude du rapport annuel 2008-2009 de la
Régie régionale de la santé et des services
sociaux du Nunavik (déféré le 24 février 2011).
• É
tude du rapport annuel 2009-2010 du
Centre régional de santé et de services
sociaux de la Baie-James (déféré le
24 février 2011).
• É
tude des rapports annuels 2009-2010
des agences de la santé et des services
sociaux suivantes : Abitibi-Témiscamingue,
Bas-Saint-Laurent, Capitale-Nationale,
Chaudière-Appalaches, Côte-Nord, Estrie,
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Mauricie et
Centre-du-Québec, Outaouais, Saguenay–
Lac-Saint-Jean (déféré le 24 février 2011).
• É
tude du rapport annuel 2009-2010 de la
Régie régionale de la santé et des services
sociaux du Nunavik (déféré le 24 février 2011).
• É
tude des rapports annuels 2010-2011 des
agences de la santé et des services sociaux
suivantes : Saguenay–Lac-Saint-Jean,
Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine (déféré le 28
septembre 2011) ; Abitibi-Témiscamingue,
Bas-Saint-Laurent, Chaudière-Appalaches,
Côte-Nord, Estrie, Lanaudière, Laval,
Laurentides, Mauricie et Centre-du-Québec,
Montérégie, Montréal, Outaouais (déféré le
10 octobre 2011) ; Capitale-Nationale (déféré
le 18 octobre 2011).
• É
tude du rapport annuel 2010-2011 du
Centre régional de santé et de services
sociaux de la Baie-James (déféré le
28 septembre 2011).
• É
tude du rapport annuel 2010-2011 de la Régie
régionale de la santé et des services sociaux
Nunavik (déféré le 30 novembre 2011).
• E
xamen des rapports d’appréciation de la
performance du système de santé et de
services sociaux 2009 et 2010.
• E
xamen des rapports sur la mise en œuvre
de la Loi sur le tabac 2005 et 2010.
• E
xamen du rapport d’évaluation du projet
expérimental du Dossier de santé du
Québec sur le territoire de l’Agence de
la santé et des services sociaux de la
Capitale‑Nationale.
16 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Extraits du Journal des débats de l’Assemblée
nationale du 9 décembre 2003 lors des travaux
entourant l’adoption du projet de loi no 25,
intervention de Philippe Couillard :
« La gouverne régionale et nationale
sera revue dans une perspective de
décentralisation et de soutien à l’intégration
des services. En somme, le nouveau modèle
d’organisation des services reposera sur
une nouvelle dynamique qui responsabilisera
davantage les acteurs à l’égard d’objectifs
communs à poursuivre, les incitera à une
action concertée et coordonnée et favorisera
du même coup une utilisation optimale des
ressources. Les producteurs de services
seront responsables des résultats.
« Le projet de loi prévoit que les agences
remplaceront, le 30 janvier prochain,
toujours dans l’éventualité de l’adoption du
projet de loi, les régies régionales de la santé
et des services sociaux pour une période
de transition que nous déterminerons.
[…] Le ministère recentrera également
ses actions autour de ses fonctions
premières que sont la planification et les
politiques, les grandes politiques de santé
et de services sociaux, le financement,
l’allocation des ressources financières et le
suivi et l’évaluation. En conséquence, M. le
Président, le ministère lui aussi révisera
son mode de gestion et d’organisation afin
d’éviter les dédoublements entre sa mission
et les missions de l’agence régionale et des
instances locales.
« Je rappelle que notre parti, au cours
de la campagne électorale, s’est engagé
effectivement à abolir les régies régionales,
mais jamais à abolir le palier régional
de gestion. »
Le 30 janvier 2004, le projet de loi no 25
entre en vigueur. Les régies régionales sont
remplacées, de facto, par les agences.
Elles conservent les mêmes structures,
les mêmes pouvoirs, les mêmes locaux et
les mêmes attributions juridiques.
Le 10 décembre 2004, Philippe Couillard
présente le projet de loi n° 83, Loi modifiant
la Loi sur les services de santé et les
services sociaux et modifiant d’autres
dispositions législatives. Ce volumineux
projet de loi, qui comporte 341 articles,
constitue en quelque sorte la « phase II » du
projet de loi n° 25. Il vise donc à cristalliser
la réforme ministérielle annoncée un an plus
tôt. Dans les notes explicatives du projet
de loi, on peut lire : « Le projet de loi prévoit
l’ajustement des responsabilités entre les
instances locales, les autres établissements,
les agences de la santé et des services
sociaux et le ministre de la Santé et des
Services sociaux. À cet égard, les instances
locales seront responsables de la définition
d’un projet clinique et organisationnel pour
le territoire qu’elles desservent, alors que
les agences exerceront davantage de
fonctions de coordination en matière de
financement, des ressources humaines et
de services spécialisés. »
C’est ainsi que les agences
de développement de réseaux
locaux de services de santé et de
services sociaux – une structure
qui devait être éphémère et surtout
transitoire – changent d’appellation
pour devenir les « agences
de la santé et des services
Philippe Couillard sociaux ». Au lieu de disparaître,
comme le ministre l’avait laissé
entendre à maintes reprises,
« Le rôle des agences de transition vise à on confirme que la structure aura un
accompagner le processus de création des statut et un rôle permanent. Les réseaux
réseaux locaux. Dans la deuxième phase, universitaires intégrés de santé (RUIS) –
nous préciserons, entre autres choses, une nouvelle instance mi-décisionnelle et
les responsabilités respectives du palier mi-consultative – font leur apparition. De
local, régional et ministériel dans le but de nouvelles structures consultatives sont
favoriser une véritable décentralisation. […] créées dans la même foulée : tables
ce que nous avons actuellement, c’est une des chefs, comités de vigilance et de la
pseudo-décentralisation où beaucoup de qualité, comités des usagers, comités des
décisions sont encore... même certaines plaintes, comités régionaux sur les services
microdécisions de gestion, je dirais, sont pharmaceutiques et, finalement, sont jetés
encore téléguidées du niveau ministériel les premiers jalons législatifs du futur dossier
et où les établissements qui sont le plus de santé Québec (DSQ)…
près de la population ont relativement
Le projet de loi n o 83 est adopté le
peu d’autonomie.
25 novembre 2005.
« Je rappelle que notre parti, au
cours de la campagne électorale,
s’est engagé effectivement à
abolir les régies régionales,
mais jamais à abolir le palier
régional de gestion. »
Garantir l’accès....
En février 2006, le gouvernement lance un document de consultation intitulé Garantir l’accès : un défi
d’équité, d’efficience et de qualité. Ce document fait état d’une série de propositions visant à redéployer
le système de santé. Une emphase particulière est accordée à la problématique du financement. Dans
la préface du document, cosignée par Jean Charest et Philippe Couillard, un passage du premier
ministre est particulièrement éloquent :
« Rappelons-nous la situation qui prévalait il y a trois ans. L’engorgement était tel qu’un bandeau,
détaillant le nombre de personnes sur civière dans les salles d’urgence, défilait régulièrement
pendant les bulletins de nouvelles télévisés ; des centaines de Québécois atteints de cancer
devaient aller se faire soigner aux États-Unis ; les listes d’attente pour des rendez-vous avec
des spécialistes ou pour des opérations s’étendaient loin au-delà des délais médicalement
acceptables… Nous avons inversé cette tendance. Aujourd’hui, notre système de santé est sur la
voie du rétablissement. Nous sommes parvenus à retourner la situation en agissant sur tous les
tableaux. Nous avons réinvesti de façon importante, mais nous avons aussi changé l’organisation
du travail, reconfiguré le réseau, simplifié la gestion. »
Claude Castonguay reprend du service
Le 21 février 2007, des élections générales
sont déclenchées ; le 26 mars, le Parti
libéral du Québec est reporté au pouvoir.
Le 18 avril 2007, Philippe Couillard est de
nouveau nommé titulaire de la Santé et des
Services sociaux.
création d’un fonds de stabilisation dédié à la
santé. Le rapport Castonguay consacre un
chapitre entier à la gouvernance du réseau.
Dans l’optique d’en améliorer la productivité
et de le rendre plus efficient, les auteurs
dressent un certain nombre de constats et
proposent des recommandations.
placé dans une situation où, du haut en
bas de la structure, chacun a une part de
responsabilité, mais jamais personne n’est
pleinement responsable. Chacun n’est que
partiellement responsable ou imputable
des activités dans son secteur d’activité.
Cet état de fait, lourd de conséquences,
est en outre la cause de la trop grande
politisation à des fins partisanes de notre
système de santé. Le 24 mai 2007, dans le cadre du discours
sur le budget, la ministre des Finances, « Les structures administratives du système
Monique Jérôme-Forget, annonce la sont lourdes et contraignantes. Notre
création d’un groupe de
travail pour faire le point sur le
« Onze ans après le rapport Deschênes « Onze ans après le rapport
système de santé et émettre
Deschênes et sept ans après le
et sept ans après le rapport Clair,
une série de recommandations
rapport Clair, on doit constater
on doit constater que sur le plan
pour protéger son caractère
que sur le plan des structures de
des structures de gouvernance, le
universel et assurer sa pérennité
gouvernance, le remplacement des
tout en ramenant la croissance
régies régionales par les agences
remplacement des régies régionales
des dépenses à un niveau
régionales a accentué encore la
par les agences régionales a accentué centralisation du pouvoir de décision
soutenable. La présidence du
encore la centralisation du pouvoir
groupe de travail est confiée
au niveau du ministère. au « père » de l’assurance
de décision au niveau du ministère. »
« Il serait essentiel de ramener le
maladie, Claude Castonguay,
Claude Castonguay ministère de la Santé et des Services
qui déposera son rapport en
sociaux à sa mission première. Cela
février 2008.
implique
que l’on sorte le ministère de la
système est doté d’une imposante structure
Parmi les recommandations qui ont fait centrale, à laquelle s’ajoute une structure gestion quotidienne de la dispensation des
couler le plus d’encre, figurent entre régionale composée de 18 agences. soins, et qu’on le désengage clairement
autres : la révision du panier de services, Cette structure coûte cher, puisqu’elle de la production des soins. Malgré les
l’introduction de la mixité de pratique pour mobilise pas moins de 190 millions de difficultés inhérentes à une telle opération, il
les médecins, l’élargissement du recours à dollars par année – auxquels on doit devrait en résulter une réduction importante
l’assurance privée pour les services déjà ajouter les 100 millions de dollars affectés des effectifs et des coûts d’opération du
couverts par le régime public, la création à l’administration de la Régie de l’assurance ministère. d’une franchise santé modulée en fonction maladie du Québec. La mission de cette
« Le groupe de travail suggère
des revenus, le recours accru au secteur coûteuse structure est mal définie. que les agences régionales,
privé pour la dispensation des soins et la
« Dans ce système, les
actuellement au nombre de
« Les structures administratives missions des organisations
dix‑huit, soient regroupées en
appartenant
à
chacun
des
six à huit entités. »
du système sont lourdes et
niveaux ne sont pas clairement
contraignantes. […] Cette structure définies, ce qui rejaillit sur « Les consultations effectuées ont permis
coûte cher, puisqu’elle mobilise pas l’autorité des responsables au groupe de travail de constater que les
moins de 190 millions de dollars par de ces organisations. La conseils d’administration des agences
régionales et des établissements ne jouent
année. […] La mission de cette coûteuse chaîne d’imputabilité elle- pas de rôle significatif dans le système. Il y
même n’est pas déterminée
structure est mal définie. » avec précision. On est ainsi a confusion sur leur rôle.
Claude Castonguay
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 17
« Plusieurs des membres des conseils
d’administration sont à la fois juges et parties,
et par conséquent en conflit d’intérêt (sic).
Bien au contraire, il faut que les membres
des conseils d’administration soient des
personnes indépendantes, choisies en
fonction de leur compétence et de leur
bon jugement – et en fait de leur aptitude à
assurer une gestion efficace des ressources. « Presque sans exception, les personnes
et organismes consultés ont porté
un jugement sévère sur le processus
budgétaire au niveau des établissements.
[…] Dans ce système de budget sur base
essentiellement historique, les hôpitaux
ne font pas l’objet d’évaluation de leur
performance et les gestionnaires le savent.
Le système vise avant tout un contrôle
étroit sur les activités des établissements.
« Dans son rapport, la Commission Clair
insistait sur la nécessité d’un changement
d’approche fondamental en matière de
financement. Selon la Commission, la
répartition des ressources ne doit plus
se faire sur une base historique, mais en
fonction de l’organisation des services
souhaitée, des besoins de la population
et de la performance de chacun. »
Changement de garde
Le 25 juin 2008, Philippe Couillard remet
sa démission. Le portefeuille de la Santé
et des Services sociaux est alors confié à
Yves Bolduc.
Le 5 novembre 2008, des élections
générales sont déclenchées. Le
8 décembre 2008, le gouvernement du
Parti libéral est reconduit au pouvoir et Yves
Bolduc reprend ses fonctions de ministre
de la Santé et des Services sociaux.
Le 27 octobre 2009, le ministre des
Finances forme un comité consultatif
sur l’économie et les finances publiques
composé de Pierre Fortin, Robert Gagné,
Luc Godbout et Claude Montmarquette.
Trois fascicules sont produits par le comité.
Plusieurs évaluations et recommandations
touchent le secteur de la santé.
« Les structures de gestion
de notre système de santé
se caractérisent par la très
forte centralisation du
processus de décision […].
Cette double structure a un
coût direct non négligeable. »
Comité consultatif sur l’économie
et les finances publiques
18 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
« La structure centrale compte environ 900 fonctionnaires, répartis
en sept directions et près d’une vingtaine d’unités administratives,
couvrant tous les aspects de la santé et des services sociaux.
La structure en région comprend 15 agences de la santé et des
services sociaux, auxquelles s’ajoutent trois autres organisations
régionales. Des responsabilités régionales sont également
confiées aux 95 centres de santé et de services sociaux (CSSS).
Cette double structure a un coût direct non négligeable, estimé en
2009 à près de 600 millions de dollars par année. Elle a surtout un
impact sur le fonctionnement du système, qu’elle alourdit de façon
considérable : les rôles respectifs ne sont pas clairement répartis, et
il existe des chevauchements entre l’administration centrale et les
agences régionales. »
Comité consultatif sur l’économie et les finances publiques
« En 2008-2009, les dépenses publiques
du Québec (dépenses des administrations
provinciale et locales) ont atteint
86,1 milliards de dollars. On constate que
si le Québec offrait aux citoyens le panier de
services financé publiquement par l’Ontario,
il réduirait ses dépenses de 17,5 milliards
de dollars. « Les structures de gestion de notre système
de santé se caractérisent par la très forte
centralisation du processus de décision, ce
qui rejaillit à tous les niveaux sur le processus
de gestion. Le système de santé québécois
juxtapose une structure centrale importante
et une structure régionale elle-même fort
développée. Cette double structure a un
coût direct non négligeable. Elle a surtout un
impact sur le fonctionnement du système,
qu’elle alourdit de façon significative. De
façon générale, les pays de l’OCDE ont
opté pour un ministère fort et des structures
régionales légères, ou à l’inverse pour un
ministère léger et une structure régionale
plus élaborée. Le Québec fait les deux. « Les budgets sont alloués selon une
méthode dite historique, qui n’incite pas
les établissements à soigner davantage
les patients et n’encourage pas ces
établissements à améliorer l’efficience et la
qualité des soins. Un progrès serait apporté
en généralisant le financement fondé sur
« De façon générale, les pays de l’OCDE ont opté
pour un ministère fort et
des structures régionales
légères, ou à l’inverse
pour un ministère léger et
une structure régionale
plus élaborée. Le Québec
fait les deux. »
Comité consultatif sur l’économie
et les finances publiques
l’activité, déjà utilisé dans plusieurs pays
développés. Ce mode de financement tient
compte des activités réellement accomplies
et encourage l’efficacité.
« De nombreuses voies sont ainsi à notre
disposition pour mieux gérer le système de
santé : on peut y parvenir en allégeant nos
structures administratives et en modernisant
les méthodes d’allocation budgétaire par
l’utilisation d’incitatifs permettant d’accroître
la productivité. »
Pour le ministre de la Santé, Yves Bolduc,
les structures actuelles de son ministère
ne posent aucun problème…
Réduira, réduira pas ?
Projet de loi no 127
Dans un article publié dans La Presse du
28 septembre 2010, on indique que « le
ministre de la Santé, Yves Bolduc, veut
réduire le poids des structures du réseau
de la santé québécois pour économiser de
l’argent. À son cabinet, on a confirmé qu’il
est clair qu’une « décentralisation » s’impose ».
La veille, le ministre Yves Bolduc présentait le projet de loi no 127 visant à « améliorer la
gestion du réseau de la santé et des services sociaux ». Lors des consultations publiques
effectuées dans le cadre de l’étude du projet de loi, la FMSQ a déposé un mémoire le
15 mars 2011 dans lequel elle indiquait :
Le 10 décembre 2010, La Presse titre : Plan
de réduction des dépenses administratives :
Québec renonce à éliminer ou à fusionner
les agences. Dixit le ministre : « Quand on
a émis l’idée d’éliminer les agences, on a
eu beaucoup de représentations de la part
des régions, entre autres. On nous disait :
ça veut dire que les décisions seront prises
à Québec et que ça va créer des emplois à
Québec, alors qu’on veut avoir les emplois
en région et faire l’arbitrage en région ».
[…] Le ministre a renoncé à fusionner les
agences après avoir constaté qu’ « on n’a
pas tant d’agences que ça » (18) et que
« c’est bien organisé ». Son plan prévoit une
« révision des mandats des paliers national,
régional et local », sans aucune précision.
« D’entrée de jeu, la FMSQ est d’avis que le titre de projet de loi no 127 ne reflète pas sa vraie
nature. Compte tenu du titre du projet de loi, nous espérions un allègement, voire l’élimination
des structures décisionnelles et administratives devenues trop lourdes et trop coûteuses
avec le temps ainsi que l’élimination des nombreux chevauchements administratifs existants
entre le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et les agences. De telles
mesures auraient pu se traduire par une efficience accrue et des économies substantielles
pour le réseau. […] Malgré le fait que le ministre ait indiqué que les deux principaux axes de
réflexion entourant ce projet de loi demeuraient une volonté de décentralisation des pouvoirs,
le ministre maintient son intention d’exercer un contrôle effectif sur les établissements et les
agences par le biais des dispositions de ce projet de loi.
« Ce projet de loi consacre l’alourdissement et la multiplication des mesures et des
procédures de contrôle, l’imposition de nouvelles normes qui s’ajoutent à celles déjà
existantes, la création de comités additionnels qui viendront complexifier les processus
décisionnels, confirme l’obligation de produire une kyrielle de documents qui peuvent l’être
en vain compte tenu du contexte ambigu qu’introduit ce projet de loi quant au partage
des responsabilités entre les instances locales, régionales et le Ministère. »
On peut consulter la liste complète des sources citées dans cet article dans le site
Internet de la FMSQ au www.fmsq.org/specialiste.
Des constats et des questions
Quand on place côte à côte les analyses, les études, les constats,
les conclusions, les suggestions et les recommandations
formulés par tous ceux qui sont venus au chevet du système de
santé, et qu’on y associe diverses déclarations des principaux
acteurs du moment, des constats frappants, pour ne pas dire
troublants, se dégagent. Échéances électorales et intérêts
politiques obligent ! Ces exercices auraient-ils été menés pour
donner l’impression qu’on s’occupait des problèmes ? Quoiqu’il
en soit, en ne mettant pas en application ces recommandations,
le gouvernement s’évitait bien des remous.
Si tant est que tous, au fil des décennies, étaient bien
intentionnés, on note une constante dans les rapports et
discours : la décentralisation associée à la régionalisation. Cette
philosophie de gestion – en vogue dans les années 1980 – peut
s’avérer valable si on l’applique suivant des objectifs précis. Mais
elle ne vaut pas grand-chose si elle ne sert que de prétexte à la
création ou au maintien de structures régionales qui n’apportent
aucune plus-value. Or, comme démontré dans ce texte, la
participation citoyenne, motif invoqué pour la création ou le
maintien de ces structures, est demeurée théorique; dans les
faits et en pratique, les décisions n’ont jamais été prises à ce
niveau. Dans le domaine de la santé, la valeur ajoutée découlant
de grands chantiers doit viser les soins aux patients : l’accès,
l’efficacité, l’efficience, pour ne pointer que quelques paramètres.
L’heure des choix
Des solutions existent pour améliorer la desserte de soins
aux patients et donner aux médecins, au personnel et aux
gestionnaires hospitaliers les ressources nécessaires là où il le
faut, quand il le faut. Commençons maintenant. Nul besoin de
refaire l’exercice… Le comité consultatif sur l’économie et les
finances publiques, précisément mandaté par le gouvernement,
indique dans son deuxième fascicule que l’existence d’une
« double structure – le ministère et les agences – a un coût
direct non négligeable, estimé en 2009 à près de 600 millions de
dollars par année ». Une somme récurrente… Le gouvernement
peut-il mettre en application les recommandations que lui a
faites son comité ?
La FMSQ considère que le ministère de la Santé et des Services
sociaux doit aussi faire ses devoirs. L’organigramme, maintes
fois montré en (mauvais) exemple pour la multiplication de ses
directions, services et organismes conseils doit être sérieusement
allégé. La gestion du système de santé peut-elle faire place à
une gestion centrée sur des objectifs mesurables ?
Finalement, si l’enveloppe dédiée à la Santé et aux Services
sociaux représente 29 milliards de dollars, il faut savoir que
la part dévolue strictement à la Santé est de 17,8 milliards de
dollars, le reste va aux Services sociaux. Par conséquent, ne
serait-il pas temps de départager clairement les responsabilités
de ces deux grands domaines d’intervention et de voir comment
la livraison des services sociaux s’effectue, et ce, afin que
les services rendus le soient de manière plus efficaces et à
meilleurs coûts ?
Trois questions, trois pistes. En y répondant et en acceptant de
les mettre de l’avant, on pourrait enfin voir les bienfaits d’une
concrète réorganisation et d’une réelle régionalisation, donnant
ainsi tout son sens à « LA » priorité des Québécois !
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier
HS-1 | Janvier 2012 | 19
2012 | 19
Quand on veut,
on peut...
Le vrai problème de notre réseau, nous semble-t-il, repose sur
sa gestion fragmentée. Trop de paliers, trop d’intermédiaires.
Ajoutons à cela les habituels commentaires des observateurs
« externes » (il y en a plusieurs et de plus en plus), et on ne
s’en sort pas.
Il est faux de croire que les décisions à prendre pour régler
les problèmes du système public de santé sont extrêmement
complexes. La difficulté réside d’abord et avant tout sur le
fait que ce réseau, contrairement à la plupart des secteurs
d’activités économiques, est infiniment dépendant du
« facteur humain ».
La santé a besoin de prendre un super virage. Il faut sortir de
la cacophonie administrative dans laquelle le système baigne
actuellement. Sa structure doit se transformer en s’inspirant
de modèles performants qui existent déjà, que ce soit ici ou
ailleurs. La première chose à changer dans le système, c’est
sa culture de fonctionnement « en silo ». Viendrait-il l’idée au
réseau bancaire d’avoir chaque succursale indépendante,
chacune ayant sa base de données, sa carte de crédit, son
logo, ses produits financiers, etc.? Ou encore à un fabricant
automobile de laisser chaque usine dessiner son modèle, le
produire et le vendre ? C’est pourtant ce que vit notre réseau.
C’est la première chose à changer.
Dans les modèles les plus performants, on remarque que
les lignes de conduite sont déterminées centralement et que
l’exécution et l’imputabilité qui s’y rattachent sont locales.
Dans ces cas, les médecins et les administrateurs travaillent
de concert et ils ont des « livrables » à produire ; ils sont
rémunérés en fonction des résultats. Du côté des médecins,
cela passe par une prise en charge accrue de patients, par un
taux d’utilisation des blocs opératoires nettement supérieur à
ce que nous connaissons aujourd’hui, par la fluidité garantie
entre la première et la deuxième ligne, etc. Dans les systèmes
qui performent, chaque activité est étalonnée, le financement
est lié à l’activité et suit le patient.
20 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
L’organisation de la santé ailleurs
Si l’on se comparait...
Devant l’augmentation des coûts associés aux dépenses publiques de santé, plusieurs pays,
provinces ou états ont décidé de revoir l’organisation ou le fonctionnement de leur système
de santé afin de le rendre plus performant sans réduire le panier de services à la population.
La régionalisation de la santé au Canada
Bien que constituée et
encadrée sous la Loi canadienne de la
santé, l’organisation du système de santé
au Canada diffère d’une province à l’autre.
Ainsi, chaque province peut centraliser
ou décentraliser sa gestion pour mieux
répondre aux besoins de la population.
Le Québec est la province qui compte le
plus grand nombre d’agences régionales
de santé. Ceci pourrait-il expliquer pourquoi
le Québec doit consacrer la plus grosse
portion de son budget à la santé ?
En 2008, l’Alberta a pris la décision d’abolir
toutes les entités régionales de gestion :
l’ensemble des opérations a donc été
centralisé au ministère de la Santé. L’argent
ainsi épargné en gestion a été réaffecté à
la dispensation des soins à la population.
Le ministère a également financé et mis
en place une série d’actions destinées à
l’amélioration des soins, à la diminution des
délais et à d’autres programmes ciblés. En
2007, la santé représentait plus de 40 %
du budget de l’Alberta, il en représente
aujourd’hui 38,8 %.
Saskatchewan
Alberta
ColombieBritannique
TNO
Yukon
5
8
1
9
Budget provincial
alloué à la santé
en millions de $
2 700
444,5
3 635
2 460
25 500
46 100
4 653
4 202
15 030
14 760
273
170
% du budget provincial alloué à la santé
36 %
32,7 %
40 %
31 %
44,4 %
37 %
37,8 %
41,5 %
38,8 %
40,4 %
21,5 %
18,5 %
Nombre de médecins
1 171
250
2 386
1 573
17 144
24 975
2 439
1 828
7 301
10 066
52
70
Population totale
510 901
141 551
940 482
751 273
7 886 108
Manitoba
1
Ontario
4
Québec
Nb d’agences/régies
2
(il y en
avait 8
jusqu’en
2008)
En 2009
IPÉ
NouveauBrunswick
12
1
(il y en
avait 9
jusqu’en
2008)
NouvelleÉcosse
Terre-Neuve
et Labrador
Comparatifs provinciaux
18
14
11
13 167 894 1 232 654 1 041 729 3 724 832 4 510 858 34 246
43 529
La nouvelle structure des agences régionales en Colombie-Britannique
Si le cas de l’Alberta est intéressant, il est
encore trop récent pour pouvoir réellement
analyser les retombées, surtout que déjà
quelques ajustements de fonctionnement
ont été annoncés en début d’année.
Cependant, le cas de la ColombieBritannique, même si les changements
n’ont pas été aussi radicaux qu’en Alberta,
permet d’apprécier toute la portée de la
mise en place de changements majeurs.
Bref historique
En 2001, le gouvernement britannocolombien annonce une réforme majeure
du système de santé. La province
compte alors 52 agences : 11 étant des
agences régionales, 34 étant des conseils
communautaires et 7, des sociétés de
services de santé communautaire (un
modèle de structure mis en place au début
des années 1990, à l’instar de plusieurs
autres provinces canadiennes). Chacune
des agences avait alors son conseil
d’administration, sa structure propre et
son personnel administratif. Les agences
et conseils régionaux avaient la réputation
de travailler en silo ; certains services ne
pouvaient être offerts aux usagers par
manque de moyens financiers ou de bassin
de population requis et aucun partage
régional n’était possible entre agences. En
moins de dix ans, la Colombie-Britannique
était devenue la province ayant le système
de santé le plus complexe et le plus coûteux
du Canada.
Avec son projet de réforme, le gouvernement
voulait moderniser les services et soins de
santé offerts à la population en améliorant
En moins de dix ans,
la Colombie-Britannique
était devenue la province
ayant le système de santé
le plus complexe et le plus
coûteux du Canada.
l’efficience et les coûts du système tout
en reconnaissant les problématiques liées
à la planification et à l’administration, les
iniquités régionales, l’insatisfaction des
usagers et l’absence d’imputabilité. La
restructuration avait pour but d’éliminer
le dédoublement des structures pour
maximiser chaque dollar en soins directs
aux patients.
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 21
Colombie-Britannique (suite)
La réforme
Le ministère de la Santé a divisé la province
en six : cinq régions et une supra-agence
provinciale. Chaque région est dotée d’une
agence responsable de la dispensation
des soins dans son territoire donné ; elle
doit identifier les besoins de sa région et
mettre en place les plans d’intervention
appropriés. La supra-agence provinciale
est, quant à elle, responsable d’entités
nationales surspécialisées telles que les BC
Cancer Agency, BC Transplant Society, BC
Centre for Disease Control, etc. La supraagence travaille en étroite collaboration
avec chacune des agences régionales
et en coordonne les soins surspécialisés.
Des agences imputables
Chaque agence régionale signe annuellement
une entente de service (Performance
Agreement) avec le ministère. Des objectifs
clairs, qualifiables et quantifiables font
partie intégrante de l’entente (attentes
des parties, buts et cibles recherchés,
projets particuliers, etc.). Les objectifs
donnés par le gouvernement sont établis
en fonction du plan triennal du ministère de
la Santé. Chaque agence est entièrement
imputable de ses activités et le ministère se
réserve le droit de vérifier, à tout moment,
l’avancée des travaux, le tableau de bord,
les indicateurs de performance, etc. Le
ministère peut, selon l’entente de service,
émettre des avis de non-conformité et de
défaut aux administrateurs des agences qui
sont ainsi sommés d’apporter les correctifs
nécessaires. En Colombie-Britannique, le
ministère de la Santé publie chaque année
un rapport détaillé contenant les résultats
des objectifs pour chaque agence régionale.
Les tableaux comparatifs indiquent les cibles
recherchées et les résultats obtenus. Les
rapports sont disponibles sur le site Internet
du ministère.
22 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Les leçons de l’Europe et des États-Unis
Qu’ont en commun la France, la Belgique,
le Canada, la Hollande, l’Allemagne et le
Québec ? Des systèmes de santé largement
publics et des niveaux de dépenses
similaires, soit plus ou moins 10 % du
PIB. Les résultats obtenus sont tellement
différents d’un lieu à l’autre qu’on peut
parfois se demander si l’on vit sur la même
planète. Lorsque comparé, le niveau de
performance de notre système de santé est
sous-optimal vu sous l’angle des dépenses
publiques. Il est possible de l’améliorer en
examinant de près les succès des autres
et, surtout, en évitant leurs erreurs.
Parlons d’abord de ces erreurs qui sont
de deux ordres. Du côté de l’Europe,
il y a trop de médecins. On y dénombre
deux, parfois trois fois plus de médecins
per capita. Ce qui a pour conséquence
d’induire une surutilisation des soins de
santé découlant d’une hyper-segmentation
de l’offre de services. Conséquemment, les
états européens ne savent plus où donner
de la tête. D’une part, ils doivent composer
avec cette surpopulation médicale causée
par des décisions historiques et, d’autre part,
ils doivent tenter de contrôler la croissance
des coûts du système public générée par
l’offre accrue de services. Ainsi, on en vient
soit à considérer la privatisation des soins
– elle l’est déjà partiellement par le ticket
modérateur, soit à diminuer le panier de
services, ce qui est politiquement impossible.
Même le privé a « exploité » tout ce qu’il
pouvait en mettant sur le marché les
mutuelles, des produits d’assurance tous
plus pointus les uns que les autres, offrant
le remboursement de tickets modérateurs,
de consultations, de soins au privé, etc.
Ce n’est pas encore le cas ici. En fait,
on vit maintenant, en Europe, le futur
de notre système de santé en termes
de « croissance » exponentielle. Pour les
assureurs privés œuvrant dans le marché de
la santé, la part de celui-ci est directement
proportionnelle, et donc limitée, au nombre
d’individus qui le compose et à la quantité de
services offerts. Or, quand tous les services
sont couverts, quand ils le sont pour tous
et même quand les tickets modérateurs
qui y sont attachés le sont aussi, d’où
peut venir la croissance? De la création
de nouveaux besoins dont plusieurs sont
inventés de toutes pièces. D’où la nouvelle
dérive observée en Europe : payer pour la
prévention et pour la dépendance.
Du côté américain, les constats ne sont pas
meilleurs. Les États-Unis présentent le plus
haut niveau de dépenses en PIB de tous les
pays de l’OCDE. Ce système de santé est
largement privé et la médecine américaine
est à but lucratif. Sauf exceptions, il en résulte
un système plus cher que tous les autres,
présentant des résultats globaux inférieurs et
générant des inégalités sociales majeures en
termes d’accès. Il arrive que certains soins
soient ponctuellement meilleurs, mais cette
différence tend à disparaître, sauf dans le
domaine expérimental. La réforme de la santé
entreprise par le président Obama a généré
un vif débat aux États-Unis. Cette réforme vise
à permettre aux franges les plus pauvres de la
population d’avoir accès aux soins en forçant
le marché des assureurs privés à assurer
tout le monde soit par les programmes
publics (Medicaid et Medicare), soit par les
programmes d’assurances privées. Fini les
limites économiques et à l’accessibilité et exit
les conditions préexistantes. Cette réforme
tente aussi de contrôler la croissance des
coûts puisque, par l’élargissement de la
couverture, on crée inévitablement une
pression accrue sur les dépenses publiques.
Quelques exemples
Pour illustrer notre comparaison, nous avons pris deux modèles distincts : l’un ayant une population similaire au Québec et l’autre,
non ; l’un fonctionnant avec une structure d’agence, l’autre, non. D’aucuns pourraient dire que nous comparons des pommes
avec des oranges, mais, tout compte fait, la comparaison est possible !
La Suisse
La population suisse doit faire l’acquisition
d’un plan (contrat) d’assurance de base
auprès d’un assureur préalablement approuvé
par le gouvernement. Les plans peuvent
être bonifiés avec l’ajout d’avenants et de
couvertures plus larges. Une franchise est
généralement applicable aux visites médicales.
Le patient peut demander une consultation
directement à un médecin spécialiste. Les
différents cantons suisses sont responsables
de la planification des besoins de santé
et de la gestion de ceux‑ci. Ce type de
fonctionnement est particulier à la Suisse qui
repose entièrement sur un système cantonal.
La France
Les agences régionales de santé
(ARS) en France : rendre les
régions imputables
Le système de santé en France est un
système mixte public-privé. La couverture
médicale est universelle ; tous les résidents
bénéficient des services médicaux publics.
Les employés peuvent également souscrire
à des mutuelles de santé pour défrayer les
coûts associés aux soins privés dispensés
par les médecins libéraux, c’est-à-dire de
pratique privée.
De 1990 à 2009, le système sanitaire en
France était organisé en secteurs, les
SROS (schémas régionaux d’organisation
sanitaire). On comptait environ 150 SROS
(selon les générations d’organisation en
Bien que la Suisse compte plus d’agences
régionales que le Québec, elle se différencie
par la performance de son réseau. L’Office
fédéral de la santé publique (OFSP)
exerce un contrôle rigoureux sur toutes
les dépenses du réseau, les prix des
médicaments, l’ensemble des tarifs,
l’administration et plus en déterminant des
cibles de performance ou en imposant des
plafonds de dépenses précis. Le contrôle
rigoureux est appliqué à tous les niveaux.
À titre d’exemple, selon les plus récentes
données disponibles, l’OFSP (l’équivalent
de notre ministère) emploie quelque
570 personnes (475 personnes équivalent
temps complet). Au Québec, à lui seul,
vigueur) répondant ainsi aux besoins de la
population, aux contraintes administratives
et aux impératifs politiques.
Pour répondre aux problématiques
récurrentes de découverture des services,
aux iniquités régionales et pour rendre
imputable le réseau entier de santé, le
gouvernement français votait, en 2009, la
Loi HPST (Hôpital patient santé territoire),
une loi qui visait la création de 16 agences
régionales de santé tout en introduisant
la notion d’imputabilité au sein du réseau.
La Loi prônait une réforme globale des
institutions de santé, comme les hôpitaux,
afin de s’adapter rapidement aux besoins
de la population.
Le ministère est scindé en deux grandes
directions : la Direction générale de la santé,
qui s’occupe des grandes orientations de
le ministère de la Santé (excluant les
agences, les organismes-conseils et la
RAMQ) comptait, en 2009, 838 équivalents
temps plein.
Quelques statistiques (2009)
Population totale : 7,78 millions
Nombre total de médecins : 29 680
(ou 1 médecin pour 262 habitants)
Nombre d’agences régionales : 26
Au Québec, pour une population de
7,827 millions d’individus, on compte
16 687 médecins, soit un ratio d’un
médecin pour 469 personnes.
santé publique et la Direction générale
de l’offre de soins, qui, comme son nom
l’indique, voit à la planification et à la mise
en place de l’organisation générale du
terrain. Cette dernière emploie au total
369 personnes pour la gestion centrale
des opérations liées à l’offre des soins de
santé en France.
Quelques statistiques (2009)
Population totale : 64,3 millions
Nombre total de médecins : 213 821
(soit 1 médecin pour 301 habitants)
Nombre d’agences régionales : 16
(1 agence pour environ 4 millions
de personnes)
Au Québec, les 18 agences et régies
desservent une population de près de
8 millions d’habitants, soit 1 agence
pour moins de 500 000 personnes.
Sources
Coldefy M, Lucas-Gabrielli V. Les
territoires de santé : des approches
régionales variées de ce nouvel espace de
planification. Paris : Institut de recherche
et documentation en économie de la
santé, 2008. Disponible au : www.irdes.fr/
EspaceRecherche/DocumentsDeTravail/
DT10TerritoireSanteApprRegion.pdf
Pla A, Beaumel C. Deux pacs pour trois
mariages : bilan démographique 2009.
Paris : Institut national de la statistique
et des études économiques, 2010.
Disponible au : www.insee.fr/fr/themes/
document.asp?ref_id=ip1276
Institut de la statistique du Québec.
Population par année d’âge et par sexe,
Québec, 1er juillet 2009. Québec : ISQ,
28 septembre 2011. Disponible au :
www.stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/
demographie/struc_poplt/201_2009.htm
RAMQ, Site Internet, tableau SM.17.
Disponible au : https://www.prod.ramq.gouv.
qc.ca/IST/CD/CDF_DifsnInfoStats/CDF1_
CnsulInfoStatsCNC_iut/DifsnInfoStats.
aspx?ETAPE_COUR=2&LANGUE=frCA#PosMiddleTab
Association médicale canadienne.
Statistiques. Ottawa : AMC, 2010.
Disponible au : www.cma.ca/statistiques
Statistique Canada. Estimé des
populations au 1er avril 2010. Ottawa,
Statistique Canada, 2010.
Facts and statistics : funding the health
system. Edmonton : Alberta Health and
Wellness, 2011. Disponible au :
www.health.alberta.ca/newsroom/factsstats.html
A new era for patient-centred health care.
Victoria : Ministry of Health Planning of
British Columbia. Disponible au :
www.health.gov.bc.ca/socsec/pdf/new_
era_sustain.pdf
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 23
Performance et audace
Si on les imitait...
Lorsqu’il est question de modèles de gestion et d’organisation de systèmes de santé, on est souvent
porté à se tourner vers l’Europe. Or, près de nous, au sud de la frontière, deux organisations sont de plus
en plus citées en exemple pour l’efficience et l’avant-gardisme de leur gestion (et de leur cogestion), le
contrôle de leurs dépenses, la prise en charge des patients et le partage électronique de l’information.
Deux organisations différentes, l’une privée et l’autre publique : Kaiser Permanente et Veterans Health
Administration (VHA). Probablement pas entièrement importables au Québec, ces modèles laissent
quand même à réfléchir sur des systèmes qui fonctionnent… Les voici brièvement décrits.
Kaiser Permanente (kp.org)
Kaiser Permanente est né sous l’impulsion de Henry J. Kaiser, un entrepreneur qui, en 1933, engage un médecin, le Dr Sydney R.
Garfield, pour s’assurer du bon état de santé de ses ouvriers. Depuis 1945, le grand public peut s’inscrire auprès de Kaiser pour
obtenir des soins de santé. Peu après, le Permanente Group voit officiellement le jour.
Kaiser Permanente est une organisation constituée de trois entités membres qui travaillent en mode cogestion. On retrouve d’abord
Kaiser Foundation Health Plan, une corporation sans but lucratif qui offre une couverture complète d’assurance maladie aux individus
ou aux groupes. C’est elle qui négocie les contrats de services auprès des hôpitaux et des fournisseurs de services. Ensuite, vient
Kaiser Foundation Hospitals, une autre corporation sans but lucratif qui possède et gère les hôpitaux et les centres ambulatoires.
C’est elle qui fournit ou négocie l’accès aux différentes installations et effectue les remboursements en fonction des épisodes de
soins. Enfin, complète ce trio Permanente Federation, une corporation à but lucratif regroupant des groupes de médecins qui sont
à la fois partenaires cliniques et partenaires d’affaires de l’organisation.
Les médecins sont impliqués à tous les niveaux décisionnels, tant du côté de la gestion clinique que financière, de l’organisation
et dans la définition des modes de fonctionnement du système de soins. Ils ont développé leur propre système d’évaluation de la
performance, de recherche et développement et d’amélioration continue de la pratique.
Selon les données tirées de son plus récent rapport annuel (2010), Kaiser Permanente est présent dans 8 régions des États-Unis et
dessert quelque 8,7 millions de membres. L’organisation possède 533 cliniques médicales et 36 centres hospitaliers. Elle compte
167 178 employés, 15 853 médecins et 46 866 infirmières. Kaiser fait état de 31,6 millions de visites, 69,3 millions de prescriptions,
125 148 chirurgies, 1,1 million de mammographies, 1,4 million de colonoscopies et 25,8 millions de résultats d’examens visualisés
en ligne. L’outil My Health Manager a été utilisé par quelque 3,3 millions de membres ; 2,2 millions de demandes de rendez-vous en
ligne ont été effectuées et 10,7 millions de courriels sécurisés ont été expédiés aux médecins et cliniciens. Enfin, Kaiser Permanente
a dégagé 2 milliards de dollars de profits sur des revenus d’opération totalisant 44,2 milliards de dollars.
KP HealthConnect
MobileStorm et le secteur de la santé
Kaiser Permanente a fait
dévelop­­per un système
élec­tronique d’infor­mation
patient, KP Health­Connect,
le plus gros dossier médical
électronique au monde.
Il intègre l’historique des
visites et des consultations,
Source : rdn-consulting.com
les notes et les observa­tions
des profes­
sionnels, les résultats d’examens (laboratoire et
imagerie diagnostique), les allergies, les prescriptions (avec
codes-barres). S’y ajoutent des fonctions interactives pour
le patient qui peut interagir électroniquement avec les
professionnels, effectuer des suivis (monitoring) ou des prises
de rendez-vous.
En 2009, Kaiser Permanente a établi un
partenariat avec la firme mobileStorm pour
développer une application de messagerie
SMS pour les patients. Celle-ci devait permettre
la transmission sécurisée de données par
l’entremise d’appareils de mobilité. Une étude
Source : mobilemarketer.com
de cas a démontré que Kaiser Permanente a
réduit ses coûts de 275 000 $ dans une seule de ses cliniques
en utilisant le système de rappels de rendez-vous par système
de messagerie SMS. Ce service est le premier qui réponde à
toutes les exigences américaines en matière de protection et de
confidentialité des informations personnelles.
Entièrement sécurisé, le système est disponible et accessible
à tous les professionnels qui œuvrent dans tous les points de
services : cliniques médicales, bureaux de médecins ou hôpitaux.
24 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
L’étude de cas a été réalisée pendant la tenue d’un projet pilote
où les patients recevaient diverses informations telles que rappels
de rendez-vous, rappels pour les divers traitements médicaux
ou résultats de tests de laboratoire. En un mois seulement, le
nombre de patients qui ne se présentaient pas aux rendez-vous
a chuté significativement.
Veterans Health Administration (va.gov/health)
Le cas de Veterans Health Administration
(VHA) est différent de celui de Kaiser
Permanente. Il illustre cependant à quel
point une organisation peut se redéfinir,
se redéployer et atteindre des standards
élevés d’efficience et de qualité.
réseau diversifié de soins. VHA
est le seul système de santé
entièrement financé par les
fonds publics. Son budget
est adopté annuellement par
le Congrès.
L’ancêtre de VHA, le Department of Veterans
Affairs, a été créé en 1930 par le Congrès
américain qui souhaitait regrouper sous une
même enseigne l’ensemble des services
dédiés aux anciens combattants ; une
clientèle lourde, présentant de multiples
séquelles, tant sur le plan physiologique
que psychologique.
La structure administrative de
VHA est totalement revue. On
augmente progressivement le
nombre de points de services
de proximité. Les soins sont
adaptés en fonction du profil
de la clientèle (utilisateurs rares, réguliers ou
complexes). Les modalités de financement
sont revues et établies en fonction du
nombre de patients enregistrés au cours
de l’année précédente. Une méthode
d’évaluation de l’efficience est mise en
place à l’aide d’indicateurs de performance
adaptés aux contextes et au continuum
de soins. On revoit les pratiques pour se
concentrer davantage sur la prévention,
le suivi des pathologies chroniques et des
affections aiguës. À ce chapitre, les résultats
sont éloquents.
Au cours de la décennie 1980-1989, rien ne
va plus. L’efficience et la qualité des soins
se détériorent à un point tel que les vétérans
préfèrent aller vers le secteur privé pour se
faire soigner. Disparités régionales, absence
de coordination, problèmes organisationnels
et scandales amènent le Congrès à vouloir
geler les budgets de l’organisation et à lui
imposer une thérapie-choc. En 1989, le
Department of Veterans Affairs devient le
Veterans Health Administration.
En 1994, entre en scène le Dr Kenneth W.
Kizer qui est nommé sous-secrétaire d’État
à la santé au Department of Veterans Affairs.
Une loi, adoptée par le Congrès en 1996,
lui permettra d’entreprendre une réforme
complète de l’organisation, la faisant passer
d’un système purement hospitalier à un
VHA a été réorganisé en 22 territoires.
Au cours de la période 1996 à 2005, le
nombre de centres de santé est passé de
200 à 850. Quelque 300 centres dédiés
aux longs séjours et à des programmes
d’assistance à domicile ont été ajoutés.
Chaque région comprend entre 7 et
10 hôpitaux, 25 à 30 centres de consultation
et 4 à 7 maisons pour soins prolongés. Le
nombre d’hospitalisations a chuté, passant
de 1 hospitalisation pour 29 consultations
à 1 pour 49. Malgré l’augmentation du
nombre de vétérans – 75 % entre 1995 et
2000 – le nombre total de lits est passé de
92 000 à 53 000. Par ailleurs, entre 1995
et 2003, on a constaté une réduction des
hospitalisations de 36 %, du nombre de
jours d’hospitalisation de 68 %, des effectifs
de 12 % et du coût par patient de 25 %.
Selon le site Internet du Department of
Veteran’s Affairs, VHA desservait, au
début de 2011, quelque 5,6 millions de
patients, embauchait 239 000 personnes
incluant plus de 13 000 médecins et 55 000
infirmières, opérait 1 400 lieux de soins
avec un budget de plus de 47 milliards de
dollars US.
Un système électronique hyper performant
Un mot sur le système informatique et le
dossier médical électronique mis au point et
développés par VHA. Mis en opération en
1997, le VistA (Veterans Health Information
Systems and Technology Architecture)
comprend deux volets : le Clinical Patient
Record System (CPRS) et le système
codes-barres. VistA comporte plus de
100 applications.
La plupart des hôpitaux et des centres de
soins fonctionnent électroniquement. Un seul
formulaire papier est utilisé
pour recueillir la signature
du patient (consentement
aux procédures, don
d’organes et instructions
de fin de vie). Le dossier
médical électronique de
VHA inclut la totalité des
informations : images,
examens, prescriptions
et autres actes médicochirurgicaux. Le système
codes-barres assure
la distribution du bon
médicament à la bonne
personne au bon moment.
Le VistA facilite le contrôle des interactions
médicamenteuses et des réactions
allergiques, l’enregistrement de notes lors
des consultations, la prescription médicale,
la programmation de rendez-vous, la
programmation et l’archivage d’examens
de laboratoire et d’imagerie diagnostique,
la programmation de rappels d’actions, de
prévention ou de suivis à effectuer. Tous les
professionnels concernés par un même
patient ont accès aux mêmes données.
La même interface est utilisée dans tous
lieux de soins, peu importe la région ou le
type d’établissement.
Un secret bien gardé…
Une version de VistA, le WorldVistA, peut
être achetée et adaptée au contexte du
système de santé d’un pays qui voudrait
en faire l’acquisition…
Source : openapp.ie
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 25
L’exemple d’Usain Bolt
Si l’on parlait de gestion partagée...
Quel est le produit offert par un athlète comme Usain Bolt ? La vitesse au 100 m (ou 200 m)
plat. Quel est le produit que le spectateur achète en se rendant au stade pour le voir : un
temps record. Viendrait-il à quelqu’un l’idée saugrenue de demander à Usain Bolt de centrer
son entraînement sur le spectateur ? L’univers de Bolt est-il si différent de celui de la santé ?
Oui et non.
Autour de lui, il y a un ou des entraîneurs,
un masseur, sûrement un physiothérapeute
ou un professionnel qui s’y apparente, un
psychologue sportif, un nutritionniste, un
gérant, un relationniste, possiblement un
pharmacien et d’autres professionnels.
Leur finalité : le temps record espéré par
les partisans. Usain Bolt et son équipe ne
centrent pas l’entraînement de l’athlète
sur le spectateur, mais tous leurs efforts,
particulièrement ceux de Bolt, mènent à la
satisfaction du spectateur.
Ceci devrait nous inspirer. Chaque épisode
de soins passe inévitablement par un
médecin, et pour être on ne peut plus clair,
un médecin ET son équipe multidisciplinaire.
C’est particulièrement vrai en médecine
spécialisée. Alors, on comprendra que
si l’on s’assure que le médecin et son
équipe réussissent, le patient recevra
obligatoirement des soins optimaux. Voilà
une approche très différente de ce qui
se passe actuellement sur le terrain où la
gestion est plus du type « Babel ».
Pour cette raison, dans le cadre du
renouvellement de son entente avec le
gouvernement, la FMSQ a proposé de
mettre en place le principe de gestion
partagée, c’est-à-dire que le médecin
occupe une position pleine et entière
dans tout l’arbre décisionnel de l’hôpital,
et ce, à tous les niveaux jusqu’à la
direction générale.
L’imputabilité médicale
Pourquoi les médecins accepteraient-ils une
telle imputabilité s’ils ne disposent pas du
pouvoir décisionnel qui la sous-tend ? La
gestion partagée permettrait l’amalgame des
intérêts du système et des médecins. Les
médecins spécialistes se plaignent de ne pas
produire à la hauteur dont ils sont capables.
En incluant la gynécologie-obstétrique, les
spécialités chirurgicales, qui représentent
40 % du total des effectifs de la FMSQ, se
plaignent de ne pas avoir assez de temps
opératoire. La gastro-entérologie se plaint de
26 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Source : www.usainbolt.com
ne pas pouvoir faire assez d’endoscopies.
La pneumologie, de ne pouvoir effectuer
divers tests de laboratoire et autres. La
radiologie, soit 15 % des effectifs de la
FMSQ, se plaint de ne pas pouvoir faire
assez de CT-Scan, d’IRM, d’échographies
avec du personnel adéquatement formé.
Des hôpitaux se plaignent du manque de
budget pour pouvoir étendre les quarts de
travail d’IRM au soir.
Les médecins spécialistes sont partants
pour une culture de « livrables » et, oui,
d’imputabilité, mais si, et seulement si,
ils sont partie prenante de la gestion,
donc de la décision.
Il est souhaitable que médecins et adminis­
trateurs puissent œuvrer dans un cadre légal
où les objectifs des gestionnaires rejoignent
ceux des médecins.
Un tel contexte assurerait que la bonne
décision soit prise, tant sur le plan médical
qu’administratif. En fin de compte, on
pourrait enfin viser le meilleur soin au
meilleur coût possible.
Pour cela, le cadre législatif doit changer.
Tout comme une réflexion sur la composition
des conseils d’administration (C. A.)
s’impose. Le gouvernement a de nouveau
modifié la LSSSS en adoptant le projet de loi
no 127, Loi visant à améliorer la gestion du
réseau de la santé et des services sociaux ,
le 13 juin dernier. Plusieurs modifications
législatives introduites par cette loi visaient
spécifiquement la composition des conseils
d’administration des agences et des
établissements ainsi que la détermination
des modalités de désignation/sélection/
élection ou cooptation de ceux-ci. En
résultante, les C. A. des établissements seront
dorénavant composés de 20 personnes et
ceux des agences, de 15 personnes. Bonjour
l’efficience et l’efficacité !
Cette loi semble consacrer la centralisation
des pouvoirs et des orientations entre les
mains du ministre, en plus d’ajouter une
kyrielle de nouvelles obligations de nature
essentiellement bureaucratique pour le
C. A. des établissements : production de
plans stratégiques et de rapports annuels,
élaboration de règles, de critères, etc. La
loi maintient le troisième palier décisionnel
que sont les agences de santé. Pourtant,
puisque les membres des C. A. des
agences sont nommés par le ministre, on
ne peut plus invoquer l’autonomie régionale
pour justifier leur maintien.
La vertu :
une gestion des soins axée sur le patient
Le résultat : le quotidien du patient
La solution :un changement radical dans le mode
de gestion du réseau, surtout
à l’hôpital, là où se pratique
la médecine spécialisée
Et que dire de la nouvelle composition du
C. A. des établissements pour laquelle on
a mis une emphase (démesurée) sur la
notion d’administrateurs indépendants – la
dernière mode en matière de gouvernance.
D’accord avec l’indépendance et la
séparation des intérêts personnels de ceux
de l’organisation. Mais cette loi demeure
vague à souhait à propos des compétences
que devrait posséder un administrateur.
Trop souvent le rôle des membres des
C. A. ne consiste qu’à s’assurer que les
règles de bonne pratique de gestion soient
présentes et appliquées ou à bien évaluer
la gestion de risque – un autre thème à la
mode. Mais que fait-on de la capacité d’un
administrateur à percevoir l’impact réel de
la décision de son C. A. sur les services
rendus par l’institution ?
Dans l’état actuel des choses, la
composition « reformulée » du C. A. de
l’établissement ne garantira aucunement
que celui-ci aura la capacité de prendre des
décisions éclairées sur le fonctionnement et
les orientations de l’organisation en matière
de livraison de soins. Si ce même conseil
d’administration était plutôt composé de
gens ayant une expertise réelle de gestion
dans chacun des secteurs d’activité de
l’institution, on pourrait alors présumer que
des décisions beaucoup plus conséquentes
seraient prises. Malheureusement, le
projet de loi no 127 tel qu’adopté évacue
totalement cette dimension. Pis encore,
l’expertise médicale y est presque
totalement évacuée puisqu’un seul siège du
C. A. est réservé à une personne désignée
par le conseil des médecins, dentistes
et pharmaciens de l’établissement. Et
pourtant, nous parlons d’établissements
dédiés aux soins de santé…
La tarification à l’activité est le rêve de
l’administrateur compétent. Si l’activité est
étalonnée correctement, le mandat premier
sur lequel sera jugé l’administrateur et, le
cas échéant, récompensé sera de respecter
son budget. L’administrateur incompétent
sera « démasqué », et c’est bien comme
ça. Si l’étalonnage conjugué à la tarification
à l’activité réglaient le problème du
financement des centres hospitaliers et de
soins de santé, cette approche demeurerait
un « bar ouvert », mais bien étalonné et bien
tarifé. Rapidement, il incomberait de toute
manière au ministre de déterminer le volume
et les éléments du panier de services offerts
à la population. Sur ce point, les ministres
ont rarement été, disons… persistants.
La nécessaire
gestion partagée
La gestion partagée est le prolongement de
la réalité des tâches médico-administratives
que bon nombre de médecins effectuent
déjà, mais toujours au niveau « local »,
soit comme chefs de services et de
départements, jamais au niveau « global »,
c’est-à-dire la gestion hospitalière. Or, pour
alimenter la réflexion, quelques questions
se posent. Les médecins ont-ils l’occasion
de participer au maximum dans la gestion
« terrain » des services de santé ? Peuton imaginer le réseau actuel laissé à luimême sans leur apport ? Dans un monde
où l’on se targue de viser l’efficience et
l’imputabilité, n’est-il pas surprenant,
voire décevant, qu’on ne s’assure pas de
bénéficier du maximum d’implication de
ceux qui ont la plus grande connaissance
de la chose médicale ?
La FMSQ croit que le médecin doit jouer
un rôle de chef de file, d’organisateur et
de responsable de l’organisation locale
et globale des soins. C’est ainsi que le
réseau domptera ses démons budgétaires
pour assurer à la population des soins de
première qualité. En fait, le concept de
gestion partagée vise précisément à avoir
accès à l’étage de la direction des finances
ou de la direction générale.
Gestion partagée signifie que les
décisions se prennent conjointement, et
ce, dans l’intérêt de tous. Cela signifie
alors que le corps médical est consulté
et responsabilisé. Il ne s’agit pas pour le
médecin d’en venir à gérer au quotidien
les cuisines et l’entretien ménager. Il s’agit
de créer un contexte où les orientations
prises par l’administration, de même que
leurs impacts, soient convenues, décidées
et planifiées en s’assurant de prendre en
compte tous les impacts sur la pratique
médicale et, par conséquent, sur l’accès et
la qualité des soins offerts à la population.
Rappelons à la blague – presque pas – que
la gestion partagée a déjà existé au Québec
et qu’elle y a fait largement ses preuves
en milieu hospitalier : c’était au temps des
religieuses. Bien sûr, la situation n’était
pas la même, mais les hôpitaux étaient
gérés serré et le travail des médecins était
respecté et valorisé. C’était jadis.
Ce qu’il faut...
Pour obtenir l’adhésion de tout le
corps médical, il faudrait éliminer un
obstacle une fois pour toutes : celui de
la rémunération. En comparaison de
bien d’autres métiers et professions,
la médecine livre un service dont la
complexité et l’importance justifient sa
« valeur » relative dans la société. Mais
combien d’énergie et de ressources
tant de la part de l’État que des
organisations médicales sont-elles
déployées pour négocier des ententes
sur la rémunération alors que toute cette
énergie devrait plutôt être dirigée vers
l’organisation des soins. Car, ne nous
leurrons pas, le premier obstacle, pour
ne pas dire la première obstruction,
même si elle est légitime à toute forme
de discussion dans le monde de la santé,
sera toujours la rémunération.
Pourquoi ne pas régler ce sujet une fois
pour toutes ? Si les médecins avaient, à
la suite d’une entente conclue avec l’État,
une rémunération compétitive à celle de
leurs collègues canadiens, il ne resterait
qu’à négocier la meilleure façon de servir
la population. On pourrait enfin s’arrêter
sur ce qui importe vraiment : dispenser
adéquatement des soins, partout et en
tout temps, au meilleur coût possible
pour la société. En médecine générale
tout comme en méde­cine spécialisée,
toutes les actions doivent converger
vers la qualité, l’efficacité et la fluidité
des services offerts au patient. Cela
ne peut se faire sans la participation
des médecins, lesquels sont encore et
toujours exclus de la gestion, donc de
la décision, par une lourde structure
bureaucratique dont l’intérêt est,
trop souvent, concentré à défendre
son territoire.
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 27
La bataille public-privé
Si l’on en finissait...
L’idée, ici, n’est certainement pas de faire l’apologie du système privé en santé. Ni du
système public, d’ailleurs. Mais deux choses semblent se confirmer : on n’a jamais vu un
service médical coûter moins cher au privé qu’au public et rarement a-t-on vu le public aussi
efficace que le privé.
Public ou privé, le lexique est le même
pour les deux mondes. Les mots sont
sensés avoir le même sens ou les mêmes
répercussions dans le public ou le privé.
Mais ce n’est pas vraiment le cas. Même
que, parfois, ils sont signifiants dans l’un
et totalement vides de sens en pratique
dans l’autre.
s’il y a un mot dont le sens devrait être le même, avec
les mêmes répercussions dans le privé comme dans le
public, c’est bien le mot « imputabilité », en référence à
responsabilité, résultat, mais aussi à reconnaissance et
récompense, succès et échec.
Par exemple, s’il y a un mot dont le sens
devrait être le même, avec les mêmes
répercussions dans le privé comme dans
le public, c’est bien le mot « imputabilité »,
en référence à responsabilité, résultat, mais
aussi à reconnaissance et récompense,
succès et échec. Dans le système public,
ce mot est pratiquement vide de sens, sans
conséquence. Parler d’imputabilité implique
obligatoirement de parler de résultat, mais
aussi d’échec.
Au privé, on n’a pas besoin de discourir sur
l’imputabilité. Le cas est réglé par la notion
de profit. Tout le monde de l’organisation
est responsable de produire. La relation
entre le résultat et le dirigeant est directe.
Profit égalera bonis, avantages, promotion,
etc. L’absence de profit occasionnera une
perte financière, voire un congédiement. Le
profit est l’unité de mesure des avantages
et des inconvénients.
Des mots, toujours des mots : concurrence,
décentralisation, déconcentration, efficience,
gouvernance, imputabilité, etc. On n’en peut
plus ! En réalité, ce vocabulaire sert à tourner
savamment autour du pot, à construire une
obscure mécanique. Plutôt que d’avoir
recours à des « buzzwords » – qui font par
ailleurs de bonnes conversations de salon –
il y a des règles à appliquer pour que le
système public puisse fonctionner.
Le privé
Dans le privé, règle numéro un : le profit.
L’unité de mesure fondamentale de laquelle
découlent toutes les autres règles. Si le
profit est au rendez-vous, on vantera les
« qualités » de gouvernance, d’efficience,
et autres des dirigeants et on en fera
d’intéressantes conférences. Sinon, on
congédiera illico ces mêmes dirigeants. Une
chose est certaine, dès son entrée en poste,
le plus haut dirigeant de toute organisation
privée qui se respecte a comme objectif le
profit. Sa survie en dépend. Et c’est en
fonction de ce même profit qu’il sera
jugé, louangé, rémunéré, bonifié, promu,
recruté… ou congédié. Le dirigeant est
imputable, implicitement.
28 | Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012
Le public
Dans le public, puisque la notion de profit
est proscrite, on souhaite un paramètre
qui puisse avoir le même effet, la même
finalité. La relation entre le dirigeant et le
résultat est indirecte. Elle passe par une
notion vague en soi et intermédiaire :
l’imputabilité. L’imputabilité ne mesure rien.
Il faut à la fois lui donner des règles qui
permettront l’évaluation de ses dirigeants
et déterminer la nature des résultats
auxquels elle s’applique. Deux étapes que
la notion de profit ne nécessite pas, mais
ô combien cruciales.
Le financement
C’est la base commune du privé et du
public. Tous deux doivent rechercher le coût
de production le plus bas. Le privé y ajoutera
la plus-value en fonction du marché, d’où la
notion de profit. Pour le public, ça s’arrêtera
là. Le marché indiquera si le coût de
production le plus bas a été atteint par la
survie de l’entreprise privée. Qui le fera au
public ? Où est la motivation de chercher
le plus bas coût unitaire possible ? Là est
fondamentalement la question !
Le cas de RocklandMD
Quand on parle de RocklandMD, on entend souvent : « Ça marche, pourquoi ne
pas étendre l’expérience ? » Bonne question ! Ce qui fait la force de ce type de
clinique (il en existe plusieurs) est son efficacité. Selon les informations disponibles,
on arrive à y créer un tel climat de travail qu’il mène à une production journalière
nettement supérieure à celle du réseau public. La question que l’on doit tous se
poser est : Quel est le véritable coût par rapport au système public ? L’État clame
que c’est plus cher, mais ne publie pas les études qui pourraient le confirmer.
De leur côté, les cliniques en question brandissent les gains de productivité –
également confirmés par des études – et affirment haut et fort que leurs coûts
unitaires sont plus bas ou semblables à ceux du réseau public. Des coûts qui sont
aussi gardés secrets. Pourtant il est connu que les médecins et le personnel y
reçoivent une rémunération bonifiée par rapport au volet public.
Chacun, de son côté, parle sans savoir ce que l’autre sait ! Il est grand temps que
l’on sorte les analyses ou qu’on en fasse de sérieuses. Et si c’était vrai que le coût
unitaire au privé était semblable à celui du public, voire inférieur selon certains ?
Et si c’était plus cher… Jusqu’où serions-nous prêts à payer pour obtenir plus
d’accès aux services de santé ?
Voilà pourquoi le financement à l’activité est
d’intérêt et exige un « étalonnage ».
Dans les faits, l’immense majorité des
services médicaux sont répétitifs ainsi que
leurs variations dont les fréquences sont
connues en général. Par exemple, il serait
très facile de déterminer le coût moyen d’un
examen physique standard dans un cabinet
de médecin (loyer, appareils, secrétariat,
chauffage, assurances, etc.) de même que
ses variantes (examens avec procédures,
etc.). Pareillement pour une procédure
chirurgicale telle une cholécystectomie.
Pour les hôpitaux à vocation universitaire,
un coefficient de complexité pourrait être
déterminé pour prendre en compte les
activités de formation et d’enseignement
qui y sont données.
En somme, l’État définirait les missions
et en déterminerait les paramètres,
mais l’imputabilité opérationnelle serait
décentralisée au point de service.
Cependant, dans un tel mode, le ministre
demeurerait toujours imputable de la taille
du panier de services offert à la population.
profondément altérés. La capacité de payer
du citoyen y est remplacée par la capacité de
payer de l’État. Mais qui dit État dit le citoyen
qui reçoit le service ET les autres citoyens.
Il ne s’agit pas ici de remettre en question
les bienfaits découlant du principe de
l’assurance, lequel repose sur la distribution
En passant, pour éviter les distorsions et des coûts sur un plus grand nombre pour
les incongruités connues actuellement qu’un plus petit nombre puisse bénéficier
dans le réseau, les budgets des centres d’un service occasionnel (mais parfois très
hospitaliers doivent être adoptés avant coûteux) et vital. Il s’agit de dire que, pour
le commun des citoyens, le coût même de
l’année financière prévue.
l’assurance n’existe pas. Le
même citoyen choisira, par
exemple, de ne pas se munir
La concurrence ne peut exercer
tout son potentiel dans le système d’une assurance vie ou d’une
assurance habitation parce
public parce que les principes
qu’il décide de dépenser son
fondamentaux de l’équation
argent ailleurs (capacité de
Et si l’État désignait deux à quatre concurrence-marché sont absents payer). Cependant, il exigera
hôpitaux comme centres d’étalonnage ?
tous les bénéfices possibles
ou profondément altérés.
Des hôpitaux où le principe de sécurité
que comporte « l’autre
d’emploi serait garanti, mais où certaines
assurance » : l’assurance
règles organisationnelles seraient assouplies
maladie. Cependant, s’il devait lui-même
pour faciliter l’expérimentation et l’innovation Le mythe de la concurrence
en défrayer les coûts, il pourrait choisir de
et ainsi déterminer les bonnes pratiques Le principe de concurrence a fait ses ne pas se l’offrir. Au public, c’est l’accès à
de gestion et de fonctionnement. Le tout preuves dans un marché régi par l’offre et tout pour tous.
permettrait de déterminer le coût moyen la demande. Au privé, le produit mis sur
réel de chaque service médical. Et, dans le marché est un objet défini et le nombre Au nom de la capitation
le cours de cet exercice, pourquoi ne pas mis en circulation dépend de la volonté
solliciter l’expertise du privé ?
du consommateur de l’acquérir… ainsi Selon ce principe, une administration
que de sa capacité financière. Entre le reçoit une somme d’argent directement
La résultante : l’obtention d’une grille de désir de posséder ledit objet et le fait de le proportionnelle au nombre de citoyens à
coûts pour les actes médicaux payés aux posséder réellement, la régulation se fait sa charge.
établissements, un étalon de mesure qui exclusivement à partir de la proverbiale
Sous la capitation, l’objectif est de ne pas
aurait pour effet d’uniformiser le coût de capacité de payer du citoyen.
dépenser plus que la somme d’argent
la prestation des services dans le réseau.
Première unité de mesure : le respect La concurrence ne peut exercer tout son fournie au départ… Comment un tel
du budget. Voilà un bel exemple de potentiel dans le système public parce que principe peut-il inciter cette administration
décision centrale.
les principes fondamentaux de l’équation à donner des services au meilleur coût
concurrence-marché sont absents ou possible ? Ceci a mené dans le passé
certains administrateurs à sélectionner tel
ou tel service de même que son volume
pour respecter le budget. On fera, par
Le meilleur ami de l’homme
exemple, plus de chirurgies mineures que
de majeures. Se pourrait-il qu’en étant très
Au Québec, on fait traiter son chien au privé, mais qu’en est-il pour soi-même ?
performant et en économisant plus, on
Parlons un peu de la médecine vétérinaire... Les médecins de « l’homme » savent
puisse nuire au système en ne donnant pas
que la médecine vétérinaire n’est pas très différente de la leur. On y traite une
la bonne palette de soins à sa population ?
autre race animale, c’est tout. Par exemple, en angiographie vétérinaire, on utilise
La concurrence aurait alors été néfaste
les mêmes cathéters que pour les humains, de même forme, de même matériau,
pour la population. Conséquemment,
produits par les mêmes compagnies, vendus dans les mêmes emballages, par les
les gouvernements ont dû appréhender
mêmes représentants, mais de calibres différents.
la chose, car, après la capitation, ils ont
Pourtant, aujourd’hui, au Québec, il y a une crise dans le monde médical animal.
imposé d’autres paramètres.
La plupart des finissants en médecine vétérinaire choisissent une pratique urbaine
et lucrative de soins auprès d’une clientèle de chiens et de chats au détriment
Répétons-le
d’une pratique beaucoup moins « confortable », soit celle des vaches, des porcs et
des chevaux de ferme, du milieu rural.
Le réseau de la santé doit être une
organisation où règne une ligne de conduite,
Les médecins vétérinaires étant de la même race que leurs collègues médecins
une philosophie. L’État doit déterminer le
de « l’homme », on peut donc s’attendre à ce que les deux groupes aient le même
panier de services offert à la population
comportement face à une situation similaire. Extrapolez…
de même que son volume et l’étalonner.
Le Spécialiste | vol. 14 no HS-1 | Janvier 2012 | 29
Pour la pérennité du système
Contrairement à la plupart des autres programmes d’études universitaires, la médecine est l’un des
rares domaines où c’est le gouvernement qui fixe le nombre d’étudiants à être formés en fonction
des besoins. Il y a donc une responsabilité sociale inhérente à la formation en médecine. Qu’il y ait
des diplômés dans divers domaines qui travaillent à temps partiel ou qui soient mal payés au sortir
de leur formation, la société semble ne pas s’en émouvoir beaucoup. Mais ce n’est pas la même
chose en médecine.
Or, précisément à cause de l’importance
de viser juste quant au nombre requis de
médecins, aux coûts qui y seront rattachés
et aux bénéfices qui y seront escomptés,
il nous semble que les médecins ont
l’obligation morale de fournir à la société
une quantité raisonnable de services au sortir
de leur formation.
Un système de santé digne de ce nom assure
à sa population un accès garanti, quoique
balisé, à des soins. Ce système doit garantir
une fluidité totale entre la première ligne et les
soins de deuxième, troisième et quatrième
lignes. Dans le système de santé actuel,
cette fluidité est pour le moins imparfaite.
Insistons sur l’accès garanti, mais balisé.
Voilà un point cardinal qui implique que ni
la première ligne ni les soins spécialisés
ne peuvent être un « bar ouvert ». L’État doit
choisir ce qu’il décide de payer et il doit
déterminer qui fait quoi ; c’est là que se joue
l’efficience économique. Il est alors possible
de déterminer quantitativement les ressources
nécessaires à cette offre de services.
kinésiologues, etc.). C’est ce qu’on appelle
l’interdisciplinarité.
De son côté, la médecine dite spécialisée
est exigeante sous bien des aspects. Elle
requiert l’utilisation de plus de ressources,
qu’elles soient humaines ou matérielles, et
fait appel à des expertises plus pointues.
Incidemment, les impairs y sont souvent
plus lourds de conséquences.
De nos jours, le côté vocationnel du choix
de carrière est une notion pratiquement
Rappelons que 80 % de la pratique de la
évacuée ou du moins fortement atténuée
médecine spécialisée se fait à l’hôpital avec
lorsque vient le temps de choisir sa voie
les obligations qui en découlent. Entre autres
d’avenir. C’était jadis le cas en éducation
obligations, celle d’être là quand il le faut.
et en médecine. En outre, les générations
Bref, le médecin spécialiste n’a pas le luxe
précédentes voyaient en la médecine une
de la liberté de son horaire. Il doit
vocation pure sans égards aux
être prêt à agir à tout moment dès
revenus et ce sentiment de servir
que l’état du patient le nécessite…
Un système de santé digne de ce
était un élément intrinsèque à
la profession. Cela a mené à
nom assure à sa population un
Ainsi, ce contexte hospitalier du
des excès, notamment quant à
accès garanti, quoique balisé, à des
médecin spécialiste le force à
la charge de travail. Force est
produire, mais il se retrouve souvent
soins.
Ce
système
doit
garantir
une
de constater qu’aujourd’hui,
en opposition avec le contrôle de
fluidité totale entre la première
le proverbial balancier revient
la croissance des coûts qu’impose
à l’autre extrême avec le choc
ligne et les soins de deuxième,
l’administration locale et politique
générationnel. Les temps ont
troisième et quatrième lignes.
du réseau. La culture du médecin
changé, les valeurs sociales
spécialiste est encore aujourd’hui
ont évolué et c’est bien ainsi.
Les femmes sont plus nombreuses dans Peut-on alors admettre que tout n’a pas majoritairement liée à un objectif réel de
les facultés de médecine comme dans à être exécuté ni même supervisé par un production. Cependant, il serait dommage de
maints programmes universitaires et elles médecin ? Tous les gestes dits « médicaux » voir cet aspect disparaître ou diminuer, soit
sont largement présentes sur le marché du posés dans un cabinet ne nécessitent pas le par découragement, soit par un changement
travail. Les hommes aspirent à vivre autre niveau de formation et de compétence d’un générationnel qu’on aurait laissé s’installer
chose que ce que leurs pères et leurs pairs médecin. Il faut payer pour le service dont le et même encouragé.
ont connu. La conciliation travail-famille- niveau de complexité, de compétence et de
Si l’on veut que les choses changent, il
qualité de vie fait désormais partie du décor risque justifie le tarif payé au médecin. Et, en
faut corriger le manque d’implication des
pour les deux sexes.
même temps, le nombre de médecins requis
médecins spécialistes dans la gestion du
pour donner ces services doit être approprié.
réseau. Cette absence est d’autant plus
L’impact de ce nouveau paradigme social
amène le Québec à la croisée des chemins : Une très grande partie de l’accès à la première dommageable qu’elle entraîne une part
ou bien on laisse aller la situation ou bien on ligne passe par l’infirmière dans un contexte d’inefficacité dans le réseau et cause des
tente de prévenir ses effets sur le système de balisé. Toutefois, la participation de l’infirmière délais. On n’a qu’à penser aux interminables
santé. Les facultés de médecine du Québec n’exige pas nécessairement le déploiement délais en chirurgie, à la vétusté des
sont pleines. Et, aujourd’hui, il entre plus de d’infirmières spécialisées (les « super équipements médicaux ou encore à la
médecins en pratique qu’il n’en sort, mais il infirmières » possédant jusqu’à sept années de problématique liée à l’hospitalisation des
faut deux « jeunes » pour prendre la charge formation universitaire), mais bien d’un grand patients et à la gestion de l’accès aux lits de
de travail d’un « vieux » médecin. La situation nombre d’infirmières certifiées possédant un courte durée. L’absence de synergie entre
se corrigera un jour et, ce jour, il y aura peut- bagage adéquat d’expérience, ainsi qu’un médecins et gestionnaires se traduit toujours
être trop de médecins.
bon nombre des autres professionnels de par des listes d’attente qui s’allongent et des
la santé (nutritionnistes, ergothérapeutes, coûts qui augmentent.
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