Journal du Palais de Provence ou Recueil des arrêts rendus depuis

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Journal du Palais de Provence ou Recueil des arrêts rendus depuis
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PréGdent, q'ui concede aél:e à Jourdan' de ce 'qu'il ne conte He point au Syndic du diocefe de Gra{[e, ni le droit
,d'oppoGrion porté par l'Ordonnance de 1667, en faveur des
tiers non ouis, ni le droit d'intervention & d'aél:ion portée
dans l'arr. ~o de l'Edit de 169) ,en faveur des Syndics, foit
générau'x, foit parriculiers du Clergé, enfemble de ce qu'il a '
toujours entendu appliquer uniquement la fin de non-recevoir au cas dont il s'agit, du refus morivé par le Curé
fur un point de pur fail & de po{[e{[oire, & qui déboure le
Syndic du diocefe de fan appel, avec renvoi, amende & dépens. Plaidant Mes. Simeon & Gaffier.
DU
PALAIS
DE
ARRÊT
PROVENCE.
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XVI.
La fuppref!ioll d'un bénéfice, l'union d'un bénéfice a un autre
[Ollt abufives, s'il n'y a Cattfè fuffifallte de fuppre.f!ion ou
d'union.
.
Peut-on appeller comme d'abus d'une Ordonnance du Juge
d'Eglife, quoique confirmée par Lettres-patentes?
L
E Chapirre de l'Eglife Carhédrale de la ville de Marfeille'avoit réglé en 1736 & 1738, par des rranfaél:ions,
le prix des difiributions en bled & en vin dévolues de droit
aux Bénéficiers. Des temps de cherté furvinrenr, & en 17)7
les Bénéficiers voulurent revenir contre ces rranfaél:ions ,
attertdu la léGon. Le Chapitre oppofoir des fins de nonrecevoir; ~rrêt en 17) 9 qui déboute les Chanoines, & quant
au fonds, déboute les Bénéficiers en l'érar. En 1772., les
Bénéficiers demanderent une noilvelle fixarion pour les diftributions, tant en bled qu'en vin. Pendant l'inftance parut
le Brevet de Sa MajeHé du 1) Mai 1773, adrelTé à M.
l'Evêque de Marfeille, pour procéder à la fuppreffioll des Bénéficiers.
Cependant le procès fur les rranfaél:iolls fe pourfuivoir,
& le 30 Juillet il fur ordonné un rapport fur la léGon. Le
Années 1775 & 177 6•
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R 'N A. L'
3 AOt\t~ délibératÎoh par laquelle le Chapitre déclare donner
tous les conlentemèns qui peuvenc le concerner à la fuppreffion des feite bénéficiatures dé fon' Eglife, & donne
pouvoir au fiéur AdminiHrateur de ptéfencer requête à M.
l'Evêquè à raifon de cette fuppreffion.
Le 4 AQùt la requête fllt préfentée, & le même jour intervint une Ordonnance de M. l'Evêque, qui nomme l'Abbé
de Mazan, CHanoine de St. Viél:or , pour prendre toures les
procédures req'uifes fur le fait de la fuppreffion. Le 14 Aoùt
les Syndiés des Bénéficiers demanderet1t communicarion
du Brevet de Sa Maj,elté. Le 2 l on leur fignifia l'Ordonnance de M. l'Evêque, & la requête du Chapitre pour com:paroître devanc le Comrni1faire. Ils fu,rent en rendus , & le
16 Septembre la Communauté de la ville de Marfeille forma
oppofit.ion, qui fut fuivie de celle des Bénéficiers.
Les Bénéficiers, fur plulieurs fommarions, remirent un
état de leurs' revenus. Enquête, procédure de commodo & incornmodo, jonél:ion de p1ufieurs Arrêts à la procédure, demande du Confeil municipal d'êrre elltendu, ce qui lui fut
accordé. Le 17 Décembre, requête du Chapirre pour fiatuer définitivemenc fur la procédure. Le 17 Août 1774,
conclu fions définitives du Promoteur. Le 30' décret de fuppreHion ,des feize bénéficiatures; un'ion de leurs revenus
<juelconques à la manre Capitulaire, à la cha,ge de remplacement par des Prêtres amovibles. Dans le courant du
mois de Septembre, le Roi dOfil'la des Lettres-pàtentes confirmatives de ce déHet, pourvu qu'il ne renfermât rien de
contraire aux faims décrets, confl:itutibns canoniques, priYileges, franchifes & l'ibertés de l'Eglife GaUicane & aux
droirs de la Couronne.
Le 1') Novembre, ks Bénéficiers fe rendirent appellans
comme d'abus de 1'0 rdo.nnance de M. l'Evêque de Marfeille, avant 1'enrégifhement des Lettres-patentes, qui ne
fe fit que le 2 l du même mois, & demanderent enfuice
par requête incidente la révocation de l'enrégiHrement.
On propofait pour les Bénéficiers trois moyens d'abus.
La procédure en fupprelIioll ( diraient-ils) eft ·a-tte'lltatoire
DU
PAL AIS
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PRO V :I! N C D.
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ayx confiirutions canoniques & aux libertés de l'Eglife Gallicane. En effet, on doit confidétet les unions comme odieufes,
& il faut une caufe jufie & raifonnable pour y parvenir. Cela ell:
fondé furune .difpofition du Concile de Conll:;wce & du Concile
de Trente. Pour que la caufe fait juHe & raifonnable, il faut
qu'il y ait néceffité évidente & utilité; ce font-là des principes auxquels il faut rendre hommage; & en les appliquant
à la caufe, on voit que par la fupplique les Chanoines reconnoilfent la néceffité du nombre des Prêtres qui doivent
remplacer les Bénéficiers; & !lans les circonll:ances des
chofes, il n'y a point de né_c.effité de détruire, mais de conferver; l'on ne voit clans la démarche du Chapitre que des
motifs inadmiflïbles, qu'un prétexte pour terminer des procès
qui n'étaient intentés que pour fe procurer des alimens; que
ce moyen .d'abus ne fauroit être plus frappant & plus contraire
au droit pub-lic: car on ne pourroü retirer aucune urilité de
la fuppreffion; l'effet ne pourroit être que dangereux; la
,dignité du cuire ne pourroit qu'en fouffrir, par le fervice des
gens à gages qui pourroient n'être point des Minilhes vertueux, mais des gens qui ne fubIiHeroient que par intrigue.
Auffi c'ell: avec raifon que Furgole & Van-Efpen, en parlant des Vicaires perpétuels, difent qu'ils font gens fournis
à la Loi, & non aux hommes.
Le fecond moyen confinoit en ce que l'Ordonnance avoit
produit un renverfement de la confiiturion particuliere de
l'Eglife de Marfeille. Anciennement les Chanoines & Bénéficiers vivaient en commun; dans la fuite il fut formé
trois c1alTes; favoir, les Chanoines, les Bénéficiers & les
Serviteurs. Les Bénéficiers par leur dénomination font Clercs
intitulés; par ce moyen ilS peuvent réfigner leurs bénéfices;
par les Statuts ils avaient droit d'option, & les Chanoines
éraient fournis à montrer leur livre de dépenfe aux Bénéficiers ,'& à les appeller lorfqu'il s'agilfoit d'aliénation; ce qui
les conll:ituoit vrais membres & vrais titulaires de l'Eglife.
Les Chanoines, en obtenant une femblable Ordonnance, one
trompé le vœu des fondateurs, & ont diminué le lull:re épif.
copal., en. di~inuanr les collation~.
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Le troilieme moyen d'abus réCulroit de l'opprelIion exer·
cée par le Chapitre, puifqu'il ne s'agiffoit point ici de fU[Jpreffion des Bénéficiers par roUt le Royaume, ni d'arrangement général à raifon de cet objet; la procédure en Cuppreffion' éroit abulive elle-même dans' Ces motifs & dans fes
moyens, parce que la religion du Roi avoit été filtprife,
en expoCant que les Bénéficiers étÇJient Prêtres du bas chœur;
tandis que rous les titres indiquoient qu'ils étaient C!"rcs
intitlllés, & en expofant que la Cuppreffion élOit nécèffJire
pour terminer les procès, dans un moment où il n'érait
quef!:ion que d'un procès d'alimens; abuGve en elle-même,
en ce. qu'on avoit perCuadé au Gommiffaire qui avait procédé, que la demande des Chanoines était chofe de {impie
arrangement; que le Roi avoit tout décidé à cet égard, &
qu'il n'y av,oit'plus rien à faire; en ce que les témoins qui
avoient été emendus, l'avoient été avec mélJageinem, & ,
c,hoi(is; en ce que toute communication avoir été refufée
aux Bénéficiers, & qu'on les' déclaroit non recevables, lorfqu'ils vouloient former oppolition; en ce que dans le temps
que l'on formoit cette procédure & que les Adminilhateurs
de la vïlle de MarCeille avoient préCenté requête pour s'opfloCer à l!i Cuppreffion, les Chanoines furprirent de l(religion
des Minif!:res une lettre qui leur impofoit filence,
.' A des moyens d'abus auffi puiffans, les Chanoines oppo.fene aux' Bénéficiers qu'ils Cone non recevables, & leur dilene qu'ils n'one d'autre voie à prendre que celle de recourir
'au Prince pour faire révoquer les Lettres-patenees confirmatives de l'Ordonnance, Mais ces fins de non-recevoir ne
fauroiene être fàvorablement accueillies, en diHinguant la
Loi particuliere d'avec la Loi générale. Lorfque la Loi inréreffe le tiers, & qu'elle a été accordée fur la demande
de quelque Corps, la voie de l'oppolition ef!: ouverte pardevant les Tribunaux; au lieu que cette voie éH fermée,
lorfqne la Loi ef!: émanée de la volonté du Roi, & pour
caufe publique. Tous les Auteurs font univoques à cet égard,
f!,.: pluiieurs Arrêts ont déclaré des, Lettres-patenres obtenues par des particuliers, obreptices & fubre.ptices., La ~é~
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ferve contenne dans les Lettres-patentes en cas d'oppolltion
en: abuflve; les Chanoines ont eu foin de fe la ménager;
elle préfente coujours mieux l'excès de la furprife, & elle
viole le privilege des Proven<;aux, qui ne peuvent être difrrJits de leurs Juges naturels: cependant il ne s'agit point
ici d'oppofition, mais d'un appel comme d'abus; ils ont ufé
de cette voie; les Lettres-patentes la lui ont confervée &
lui en font une réferve, & par cette réfetve Sa Majeflé les
renvoit à leurs Juges narurels.
On répondait pour le Chapitre, qu'il ne percevoit aucune
dîme en la ville de Marfeille; que les difhibutions avaient
fuccédé à.la table commune, & par ce moyen le Chapitre
était obligé d'acheter le bled & le vin; COutes les fois qu'il
étoit queG:ion dê ces diG:ributions, les Bénéficiers élevaient
des conteG:ations, enfuite defquelles il fut paffé des tranfaélions en 1736; le bled fut-fixé à 2.8 liv., & le vin à trois
fols le pot; ces tranfaélions furent cimentées par le concours des deux Puiifances; néanmoins cinq Bénéficiers s'oppoferent à leur exécution; & reconnoiifant le peu de fondement de leur prétention, ils s'en départirent, & ofFrirent
à cet effet un expédient.
En 17 S9, les Bénéficiers ayant élevé les mêmes conteftations, ils en furent déboutés en l'érat par Arrêt de la
Cour. En 1773, les Bénéficiers vinrent demander une fixation nouvelle, & le Roi, informé de coutes ces conteG:arions ,
s'occupa dès-lors de l'état de cette Eglife. Les Bénéficiers
préfe~erent un r:némoire; cout ~ut dit pOl~r !es .Bénéficier~,
tout frappa l'oreille du' Souverain; les BenefiCiers pOl!rfulvirent néanmoins leur demande, fur laquelle il intervint un
avant dire droit. Depuis lors le Roi fit expédier, de fon
propre mouvement, un Brevet, dont le Chapitre fufpendit
l'exécution; il offre encore aux Bénéficiers la diHribution en
nature, & de terrer en l'état de 1736; c"eux·ci rerufent de
fe rendre à cette propofltion, fous prétexte que l'offre n'écoit
point fatisfaéloire. Le Chapitre alors exécute le Brevet.
Dès ce moment la Communauré vient former oppofition,
qui fut jointe à la procédure, & les Bénéficiers furent èn-,
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tendus" nOn feulement en corps, mais encore en particu~
lier. Il intervint enfuite décret de fuppreffion des bénéficiatures, envers lequel les Bénéficiers ont oppofé des moyens
d'abus quill'ell fOQt point, mais bien de fimples confidérations & des moyens de forme.
Si on a joint à la procédure les oppolitions déclarées
par les Bénéficiers & par la Communauté, c'eH qu'on ne pouvoit faire autrement, attendu que toutes les procédures d'union & de fuppreffion font les mêmes, & que les Bénéficiers ne font appellés non ut cOllfentielltes, fed ut colltra. dicentes, & qu'ils n'ont que le droit de repréfemer, & non
celui d'e diriger la procédure; fi on les a déclarés non recevables, c'dl qu'OA n',a jamais cru que des titulaires s'oppofaŒellt à femblables procédures, & on a eu raifon de ne
point leur communiquer les pieces qu'ils demandoient; on
a entendu dans la procédure la NobleŒe , les Officiers de la
SénéchauŒée, les Notaires & Avocars, to,ut y a éré rempli;
& il en étrange que la Communauté fe foit oppofée; elle
n'avoi,t aucun inrérêr. Si les Communautés ne font point
éc-ourées lors des unions & ftlpprlffions des Cures, la Communauté' de Marfeille ne devoit pas J'êrre à plus forte raifon
dans ce ·cas-c-i; fléanmoins elle l'a été par la bouche de
fon Alfeffeur, & elle ne s'en plaint pas; ainli point d'abus
dans la forme.
Au -fonds, les Bénéficiers ne font pas plus fondés; il n'ell:
point d'un bénéfice comme d'un bien patrimonial; s'il étoit
queftion d'un bien patrimoni,Jl, aucune procédure ,Iégirime
ne pourrair le ravir au propriéra.ire; toures les parties qui
y. étoient illréreffées" ,même celles qui ne l'éroient pas., ont
éré allies; le Roi aéré furpris que la Communauté foit intervenue, fe foit oppofée, & elle aéré débourée de fan opporition avec raifon, parce qu'elle n"étoit ni patrone ni fondarriœ. Si fOUs les bénéfices peuvent ê,re fupprimés pour
le bien de l'Eglife, à plus forte raifon doivent ·l'être ceux
qui font en fous~ordre. De Luca dit, en parlant des Bénéficiers , 11011 /ùnt de Capitula; le Concile de Cologn'e, nOil
fullt Vicarii j Barbofa les confidere comme Minifires infé-
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DE
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rieurs, & dit qu'ils font créés tels, & le Chapitre d'Aix
les regarde, fuivant les Statuts, comme jilii obedientiœ; rous
les Arrêtiiles décident qu'ils n'ont pas voix au Chapitre,
qu'ils font fournis à tous les Status émanés du Chapitre;
en forte que les Bénéficiers de routes les Eglifes du Royaume
font r~gardés comme Minifhes inférieurs, & ceux de Marfeille font comme les autres, attendu qu'ils n'ont aucun
titre précis pour les tirer de l'infériorité; ils font d'ailleurs
les Subfl:irus des Chanoines de Marfeille. Par le partage qui
fut fait en Il82, confirmé par des Bulles, il n'el!: pas queftion des Bénéficiers, & il n'y a que le Chapitre & l'Evêque qui y foient compris. Les Bénéficiers font déclarés, par
les Statllts, pofieriores ; il efl: vrai que ce mot a été eJfacé,
& les Bénéficiers y ont fubfl:irué. ceux-ci, prout pares. En
1364, il leur fut fait défenfes, par une Ordonnance, de s'ingérer dans les affaires du Chapitre fàns fan confehtement.
Ainu point d'égalité entr'eux & le Chapitre. D'ailleurs les
Bénéficiers ne fouJfrent rien par la fuppreffion; ils ne fan t
pas dépouillés pendant leur vie. Ainu s'évanouit ~eur premier
moyen d'abus.
Ils ont préfenté au Roi toutes leurs raifons, & le même
fyfiême qu'ils folltiennent aujourd'hui. Il manque aux Bépéficiers le défaut de caufe contre le Brevet qu'ils n'one
noine attaqué; & il Y a caufe à la fuppreffion, parce que le
Roi a dit clairement qu'elle y éroit pour terminer la fource
de tous les procès que les Bénéficiers ne ceffoient de fufciter au Chapitre; l'appel comme d'abus ne pouvoit leur
compéter, attendu que ce n'éroit qu'au Roi à qui jls de~
voient s'adreffer, en lui préfen,tant une requête en rappore
de Brevet; ce n'éwit pa's pour la premiere fois <que l'on
avoit fuppr-imé les titres de bénéfices, pour mettre fin à
toutes contefl:ations qui s'élevoient entre gens d'Eglife. Les
Bénéficiers des Accoules, ceux de Sr. Martin & autres l'ont
été en pareil -cas; il Y avoit néce.ffité de fupprimer, d'après
toutes -les conreüations élev.ées dans tous les temps fur leur
érat & fur leur elllifl:ence; la fuppreiIi.on a été 'un aae pur,
légitime & de pure néceffité; d'ailleurs dans le principe ils
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étoi~nt amovibles. Ainfi point d'abus dans l'amoviOilité;
au
contraire, utilité & avantage.
Mr. l'Avocat-Général de Calilfanne établit deux queflions:
le Prince a-t-il réfervé à fes Cours le droit d'examen des
Lettres-patentes fur la fuppreffion des Bénéficiers, ou n'y
a-t-il d'autre voie que celle du recours au Prince? La caufe
de la fuppreffion des Bénéficiers a-t-elle été juGe & raifonnable, ou plutôt exifie-t-il une caufe de fuppreffion des Bénéficiers ?
.
Sur la premiere, il obferva que l'union en général efi la
jonaion d'une Eglife ou d'un bénéfice à un autre fupérieur;
jonaion qui doit être légitime, & felon la forme prefcrite
par les Saints Canons & les Ordonnances des Souverains;
la Loi tranfporte ordinairement les biens & les revenus à
celui à qui il efi uni.
•
Tous les Canonifies en général difent que les unions font
odieufes en elles-mêmes; c'en néanmoins un moyen canonique; & dans l'ordre général, tOllt bénéfice peut être uni
ou fupprimé : cependant l'Eglife , dans ces fortes de fuppreffions, voit ordinairement de grands inconvéniens; el:e craine
la diminution du nombre des Miniflres établis pour chaque
bénéfice; c'efi une efpece d'aliénation à laquelle elle fe prête
difficilement, attendu que par l'union, le bénéfice uni efl:
en quelque façon fupprimé, ou du-moins altéré, tellemene
qu'il perd fa premiere nature & fan premier état.
Ces diverfes raifons codflituent les différentes forres d'unions examinées d'après les diffétens bénéfices fur lefquels
elles portent. Toujours contraires à l'efprit & à l'intention
des fonda teurs, elles troublent l'ordre extérieur de l'Eglife.
Tous les tirres de bénéfices, ceux même qui paroilfent les
moins confidérables aux yeux du monde, font tous précieux
à l'Eglife; elle ne les conGdere pas par les revenus, mais
par le fervice q(;i s'y fait ou qui doit s'y faire; auffi eut- •
elle grarid foin de les multiplier dans fa nailfance. Ils étoient
même tous peu conGdérables par les revenus. Dans la fuite,
les revenus de chaque Eglife furent divifés; les - bénéfices
furent érigés en titres; alors l'Eglife ne rejetta pa: les
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unIons '-
DU
P AL.ÙS
DE
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unions, parce qu'elle les crut néceffaires; mais en les autorifant, l'Eglife, qui les regardoit toujours comme odieufes en
elles-mêmes, voulur que fes Minil1res y apportaffent roures les
précaurions néceffaires, afin qu'on ne s'y ponât point par
des vues d'inrérêt, mais uniquement par abfolue néceffiré
ou par la rrès-grande utiliré de l'Eglife. Ç'efl: ce qui a
inrroauit rant de formalités; c'el1 ce qui a f,1it exiger le
miniHere des Supérieurs EccléilaHiques & l'autoriré du Souverain. Entre ces formalités & ce pouvoir, l'Eglife exige
encore unè caufe; fans cela l'union ne peut 'avoir lieu. Tels
font les principes généraux des unions.
. Tout eJl jugé pLIr le Brevef, difent les Chanoines; tOllt
efl confirmé par les [I:'tttres-patentes; ninJi la Cour efi incompétente; ainJi il faut fe pourvoir en rapport. Mais' pourquoi fe pourvoir en rapport au Prince? Les Bénéficie rs ne
demandent que l'exécurion de tout ce qu'a fait le Prince-.
Les Lettres-patenres doivent être exécutée!! en entier; elles
onr nn motif, elles ont une bafe, on ne peut pas s'en écarter; conditionnelles jufqu'à ce moment, elles deviennent définitives pàr1'e-xécurion de la claufe effenrielle: pourvu qu'elles
ne .renferme.nt rien de contraire aux Saints Décrets, confiitutions canoniques, privileges ,franclzifes & lihertés de l'Eglifr
Gallican/:'." •.
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_,. La Cour n'a pu être dépouillée par une c1aufe auffi précife & allffi effenrielle; dès le momenr où les Lerrres-patentes ont été rendues, le Prince a reconnu le pouvoir de
la Cour; il s'en dt repofé fur fan examen, il l'a inveHi de
touS les app~ls comme d'a.bus. Diroir-on qu'elles ont éré
enrégil1rées, mais elles ne l'ont été qu'après l'appel comme
d'-abuS; d'ailleurs' c'efifllne ,maxime inconrefiable que. la confirmation ne reétifie pas ce qlli el1 nul en lui-même.
Il ne faut paspenfer que {i le Roi eÎlt connu qu'il n'y
eût point, de caufe dans' la fuppreffion des Bénéficiers; s'il
eût connu.la nullité de leur union, il eut donné des Lettres-parentes pour la confirmer; le Sauverait! ne voulait
qu'une union jul1é; ·il ~eilroit qu'eUe fît dh bien à l'Eglife;.
loin qu'il voulût la confirmer, fi elle érait contraire aux
Anuées l775 G' lnG.
B Il
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PUR NA E
Saints Canons & aux droits du Royaume, il la condamn~
formellement en ce cas. A:illU bien-loin que l'appel des Bé..
néficiers arcaque les Letrres-p:ltentes, il ell: fondé fur l'e:cpre(fe intention de Sa Majefré, marquée par cette daufe
limitative, & les Bénéficiers n'on! pas befoill de fe pourvoio
en rapport.
En France, les Parle mens font établis pour examiner ft
dans les conceffions des Rois, il n'y a rien' de contraire
au droit public; en ce cas, non feulement ils ne doivent pas
les aUtorifer, mais ils doivenê les condamner, parce que
le Roi n'eH pas cenfé. avoir accordé, fuivanr le titre du code
fi contra jus) vel illi/ittltem publiéam, vel per mendacium
aliquidfuerit impetratum. ·La yoie de l'appel comme d'abus a
donc été o.uverte enve(s les Lettres-pàtentes.
La Loi eH toujours la volonté du Prince; mais toute
volonté du l'rince n'eü pas la Loi. Le Souverain ne veut
jamais le préjudice du tiers, il ne veut que ce qui eH juHe;
proteél:eur des Saints Canons, il ne doit pas y biffer porter
atteinte; vengeur des libertés de l'Eglife Gallicane, il ne doit
pas les laiifer intervertir; dépofitaires de fan autorité, les Magi{l:rats le deviennent de fes volontés, quand elles s'accordent
avec la Loi. S'écartent-elles de la juHice? Alors œ ne peut
être qu'une furprife; & quoiqu'elle porte l'empreinte de la
Majeil:é Royale, ils le lui repréfentent. Ne font-elles que
la volonté du Prince adreiféé avec quelque daufe provifoire? Les Cours l'examinent, les tiers pe.uvent s'oppofer
à fan enrégiHrement; s'ils ne le font pas, vérifiée làns
connoiifance de caufe" elle eH liljerce à l'appel comme
d'abus.
1 :
••
Ce n'eH pas la premiere fois que 'des unions ont été déclarées abufives après des Brevets. L'ulliôn de la Prévôté de:
Pignans fut pourfuivie par les Jéfuites eo Cour de Rome,
fur un Brevet de Louis XIV. L'union fut faite, confirmée
par Lettres-patentes, Qttaquée pardevant la Cour; &' par
Arrêt du 14 Janvier 1717, elle fut déclarée abufive. Le
Brevet ne peur donc pas fermer la vQie de l''a ppel com me
d'abus, il ne néceffire pas le recours au Prince. Les Let-
DU
PALAIS
D.I!
PROVENCE.
T9S
tres-Patentes au contraIre, volonté nouvelle du Souverain,
volonté poHérieure à celle du Brevet, néceffite le recours
au Parlement, réferve l'appel comme d'abus pardevant les
Cours Souveraines.
Mr. l'AvocatTGénéral examina enlLlite fi dans l'union des
Bénéficiers de l'Eglife de Marfeille, il y avoit quelque chofe
de contraire aux Saints Décrets, aux conHitutions canoniques, aux privîleges, franchifes & libertés de l'Eglife Gallicane, enfin aux droits de lai Couronne.
Le Concile de Conflance (dit-il )révoque toutes l'es unions
faites, fi non ex rationabiliblls CaIifiS & vais faaœ fuerint. Le
Concile de Trente exige la même chofe. Le chap. 33 de
prœbendis & dignitatibus s'exprime aïnfi: fi evidens necejJitas
vel utilitas exigit.
.Les unions que fon entendra faire, dit l'art. 49 des Libertés de l'Eglife Gallicane, doivent l'être felr>n la forme contenu/!: au Concile de Confiance, & non au~'ement ; il faut nécejJité ou évidente utilité de l'EgliJo, -dit Fevrec, de l'abus,
liv. 2, chap. 4. Hors de ces deùx cas, toutes les autres
unions font abuÎlves. Tel l'la le fentiment de Barbofa, tit. de
unionibus, n. S2; de Lacombe, vo. unir>n, n. 2; d'Hericourt,
part. 2, chap. 2 l , n. 10.
Plus le bénéfice tient à l'Eglife & à des fonélions, pIns
la caufe doit être importante. Bien des Auteurs ont d'abord
été d'avis que l'on ne pouyoit. unir que des bénéfices fimpIes; plus récemment ils ont foutenu qu'ils étoient beaucoup plus faciles à unir que tous les autres: Ici les Bénéficiers de Marfeille, quoique fubordonnés aux Chanoines,
font vrais Titulaires de bénéfices inamovibles & réÎlgnables;
conféquemment il a fallu, pour les fupprimer, une caufe; ce
font des bénéfices, & conféquemmenr ils peuvent recevoirl'application des Loix de l'union. Les Bénéficiers font de
plus attachés au fervice divin; & ayant la faculté de réfigner, ils font Corps, & conféquemment il [lut, pour réuffir à leur union, des caufes plus fortes & plus majeures
que pour d'autres bénéfices.
Quelles font l,"s caufes que l'on a donné pour la fup..,
.
Bb2
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ri
preffion des Bénéficiers? Les procès continuels contre le
Chapitre. EH-ce-là cette caufe jul1e & raifonoable delirée
par les Canoos & les Conciles? Se trouve-t-elle dans quelque Loi, dans quelque Auteur? RebuJFe & Van-Efpeo, qui
difent que" non invenitur jure ea cauJà approbata, décident
que les procès ne conltituent pas ces caufes raifonnables
de néceffité & d'utilité requife par les Saints Canons.
D'ailleurs la Jurifprudence el1 déciuve. L'Arrêt du Parlement de Paris du S Juillet 1760, rendu fur les conclufions de Mr. Seguier, ne laiffe rien à delirer fur cette matiere. Il s'agiffoit de l'union de deux Cures; union revêtue
de Lettres-Patenses, auxquelles les habitans formerent oppolition, & dont ils furent débolltés, parce qu'il n'étoit pas
naturel, leur diroit-on, de ladfer fubiifler les diffèntions 'lue
deux Curés dans la méme Eglife avoient prefiJue toujours occafionées. L'union des deux titres fut confirmée, parce que
" les unions qui. remettent les chofes dans le droit commun,
ne doivent pas être comprifes dans la regle que les unions
font peu favorables; les procès n'étoient pas d'ailleurs la
raifon principale de cette caufe.
Les Bénéficiers des Accoules fupprimés, l'ont été par
défallt de fubfiftance, & ceux qui ont refl:é ont été érigés
en Canonicats. Même raifôn à Digne; on y fupprima même
un Canonicat. Les deux feuls Bénéficiers de St. Martin furent fupprimés; l'un mourut, & l'autre fut fait ChanoineCuré.
Il femble donc que la caufe des pro~ès en général ne
foit pas un véritable motif de fuppreffion. Mais cette caufe
n'exîfl:e pas même ici. Quels procès y avoit-il entre les Bénéficiers &. les Chanoines? Un feul, qui n'étoit pas énoncé
dans le Brevet; c'étoit la nouvelle fixation des denrées,
des diftributions. Ils'agiffoit de favoir fi la fixation établie
en 1738 pouvoit encore filbfifter après quarante ans, & ce
procès étoit venu après quatorze ans de tranquillité. Le
Brevet ne peut porter fur cette fuite qe procès mentionnée
par-rout, & donnée pOlir caure de la fuppreffion des Bénéficiers; il n'y a donc point une calife vraie. Les Lettres-pa~
a
bu 'pALÂI~
DE
PROVENCE:
197
tentes & le Brevet font danc conrraires aux conl1:itutions
canoniques, aux privileges & libertés de l'Eglif.: G'lllicane.
Quant aux droits de la Couronne, l'on pourrait dire fans
doute que cette union efl: contraire à la regle'; cependant
l'on croit que le Souverain 'paroitroit y avoir voulu renoncer, parce qu'il croyait faire le bien d'une Eglife .entiere,
& Y remettre la paix & la tranquillité.
Dirait-on que ce n'eH pas une véritable union, & que
conféquemment les principes des unions font inapplicables ,à
la caufe? Il eH cependant certain' qu'il exiGe des titres de
Bénéficiers dans l'Eglife de Marfeille,. & que du momene
de la fuppreffion, il n'en exifl:e plus; les reV2nus n'en font-ils
pas réunis à la manfe du Chapitre? Or, qu'efl:-ce qui conftitue le bénéfice? Le titre & le revenu. Les Bénéficiers
font donc réellement fupprimés. D'ailleurs l'amovibilité mife
à la place de la fl:abiliré du titre n'en détruit-elle pas ab-.
folument l'état? Des Bénéficiers à gage font le fervice peutêtre avec plus d'affiduicé; mais le motif qui les fait agir efl:
fouvent beaucoup plus bas & plus humiliant; la crainte y a
fouvent plus de part que la vertu; l'inamovible au contraire,
fûr de fan état, n'a d'intérêt que pour fan Eglife ; guidé par fan
devoir & par la crainte, il aime à le remplir. Il eH vrai' que
quelquefois il abufe de la place; mais il eft néanmoins un
principe: c'eH qu'entre l'inamovible & l'amovible vertueux,
le premier eft toujours plus attaché que le fecond ne peue
l'être. Jouiffant du ptivilege de la réfignation,abus à la vérité, mais reconnu & approuvé par l'Eglife, confirmé dans
ce droit par un Arrêt folemnel, les Bénéficiers de l'Eglife
Cathédrale de Marfeille s'en verraient privés dans un momene.
On a fait valoir encore ( continua Mr. l'Avocat-Général)
plufieurs moyens, tantôt comme moyens de forme, tantôt
comme moyens d'oppofition. Mais, obferva-t-il, les Bénéficiers olit été entendus & écoutés, parce qu'ils avaient pli
être appellés, non pour avoir leur confentemenr, mais pour
donner les raifons qui pouvoient contrarier l'opération. On
~
'I~8.
Jou RNA i
a J01D~ leur oPPÇ>fi,tioQ iW fgnds , elle dev9ic récre';fans cetal
il n'y aUfqiç jamais ete fuppreffion; car tous les titulaires
fans doute formeroient oppolltion. On leur a refufé la çom·
munication des proçéd\lres, paFc~ qu'~lIe n~ devgit pas être
faite. On \l'il pas aqhéré ~ux requifiligns qu'ils ont faites dans
la proçégllre, parclê que le titulaire d'un bénéfice ne peut
~'arrÇ>ger l~ dfOit d~ ç\iriger une procédure, d'indiquer allJ
Supérieur eccléfiafiique les témoins qu'il doit faire entendre,.
pUlfque les r-egllês ne lui donne ne d'autre droit que d'êtré
~nlendu lui-meme.
On a, joint les oppofhions de l'a Commun~uté'; on le de"",
voit. E,n ~lfet, que les habitans [oient confultés, quand iL
s'agit de l'union des Cures, à la bonne heure;. mais, nOI1J
pas-quand il s'agit d'autres bénéfices auxquels i,ls n'ont aucul1J
intérêt, ~ dont ils ne font ni patrons ni fondateurs. Il n'Y'
<1 donc point d'oppreffion dans la procédure, mais il n'y avoit
p.oint de qufe pour fupprimer.
'
Mr.l'Avoçat-Général conclut à ce qu'il fût ordonné que'
faifant droit aux lemes d'appel comme d'abus, il fût dit
~ dédaré y avoir abus, tant en l'Ordonnance de l'Evêque de Marfeilk, portant fuppreffi'on des bénéficiatllres de·
l'Eglife Cathédrale, qu'en tout ce qui l'avoit précédé &
fuivi; l!c de mê,me fuite, que l'enrégifiremenr des Lerrrespate,nres,
,
, confirmatives de l'Ordonnance, fût & demeurât
revoqu~.
Arrêt du 2 l Juin '77S, prononcé par M. le Premier
Préfident 1 conforme aux condulions; l'Econome du ChaRitre fut cond'lmné aL(X dépens. Plaidant M.es., Portalis &
Gaffier.
.r
-r
ARRÊT
XVII.
Sur la péremption d'inflance en madere de reCJuête civile.
A.rt.in, Boulanger d~1 lieu de Jouques, impétra requête
cIvile envers un Arret du 13 Avnl 1771, & la fit figliifier à Brignon, Ménager du même lieu, le 29 Oél:obre de
la même année, avec affignation pour la voir entériner. Les
deux parties préfenterent; Brignon fit des fommations à plaider, qui furent fuivies de deux Arrêts, portant que Martin
configneroit l'amende; elle le fut le 29 Février 1772 , &
depllis il n'y eut plus aùcune pourfuite. La caufe ne fut point
enrôlée. Le 19 Septembre, Brignon préfenta requête en
péremption d'inO:ance.
"
.
On difoit poùr Brignon, qu'il s'agilfoit de favoir fi les
deux parties ayant préfenté, & le défendeur a yane obtenu
des Arrêts comminatoires pour forcer le demandeur à configner l'amende, le défaut de pourfuites pendant fix mois
périmoit la requête civile. Il eH certain que l'on n'a que
fix mois poùr ineenter la requête civile; c'eH la difpofi[ion
de, l'Ordonnance. La péremption des aél:ions n'exige pas un
plus long délai qu'il n'èn faut pour le!! iQtroduire. C'eH la
doél:r.ine de Brodeau fin' Louet; de Builfon en fon Code; de
aoniface,tom. l , liv. 8, tit. l , chap. 9; de Decortnis, tom.
2.,.c01. 1710, 1112 & fuiv. Conformémeflt à ces prindpes,
il fut jugé en .la Chambre des Enquêtes, au rapport, de Mr.
de Camelin, qIJe l'e,xécution· d'u'ne Sentence en relrajt al'oit
ééé preCcrite par le }nlilisi .Il, eH vrai qUé la lilifcon~éO:ation
proroge la dllrée de l'aél:ion à trois ans. Ici·.y avoit~jl licif.
conteit'ation ?
"
J
La requête civile en une efpece d'appel.:Mais a~hèlle leS.
nlêmes' privileges que l'appel?' P~u~on cPl1,dure qu'elle lie
peut périmer. comme un ,appel. que par lrois ans? L'ilppel
fait revivre les quef1:ionsJ jugées; il. f<lUt pefer de nouveau
M
Jou RNA i
les défenfes doçnées par les parties, & rejuger fur la litif.
contefiation formée entre elle.s;' le Juge d'appel a à prononcer fur la même aél:ion. Mais en matiere de requête civile, c'eH toute aurre chofe; la Cour a une quefiion toute
neuve à décider; loin qu'elle puiffe connoÎtre du mérite du
fonds fur lequel l'Arrêt attaqué a prononcé, l'art. 37 de l'Ordonnance de 1667, tit. des requêtes civiles, défend d'entrer
dans les moyens du fonds.
.
Suivant l'Ordonnance de Rouffillon, toute in fiance difcontinuée pendant trois ans ne peur proroger l'aél:ion, & la prefcription a fon cours. D'après cette Loi, an demaLlda, fi 11
raifon des aél:ions qui durent moins de Hois ans', il falloit
trois ans pour .opérer la péremption d'infiance.· Le dome
étoit fondé fur ce qu'il étoir ridicule que la péremption eût
plus de durée que l'aél:ion, & que Iqrs ·même que. la prefcriprion avoit été interrompue par une affignarion en JuHice,
on pûr avoir plus de temps après l'affignarion que l'on en
auroir eu auparavanr; & delà s'étoir introduire la maxime,
que dans toutes les aél:ions qui n'avoient qu'un mois (lU
qu'une année de durée, la ceffation des pourfuites pen:"
dant le' même rerme devoir néceffairemeor emporter péremption. L'on ne difiinguoir même pas fi l'infbnce avoit
ou n'avoir pas été conteltée, ·rparce que l'Ordonnance de
Rouffillon' vouloir que la prefc'riprion eôt fon cours, nonobftant .Ia oontefiation. On ctoyoir étrange qu'ii pùr encore
y avoir un 'procès, malgré la prefcripr.ion j'OU que' le procès
pûr continuer à raif0n d'une ,aél:ion qui fe trouvait prefcrite.
Auffi une foule d?AUleurs érabl.jffoi·ênr que-la difco'ntinuation
des pvûrfuitf"S!, mênle après Jaf'com;efiarion en caufe', pen":
(brir lë.. -tetn~SJ nécelfai"re ponr prefàire ,Jemportoit péremption, &- pat!'codféqi.Jêtir prefcdption.' ( Tiraqueau,.rl\eve.;>
neau, Grimaûçler.,.Bâfnage, Brodeau & Auzanet. )
Nous avons néanmoins adopté un rempérament qui paroÎ2
fondé fur 1'a trenie; héù:vieme .t'eg~e du aroir', qui dic: omnes ac-,
tione5iqul1! mortk'aut tetnp6ré-p reunt,rfemel inclufce judicio.,jàlVd!'
permanent; parce qU'eJ nouS' avon~ 'c~rtf quel'inHance produifoit
QU ua engagemenr, ou 'une novation' iudiçielle qui lui d0nnoit,
'2.00
DU
PA:t A1S
DB
PROVENCE.
201
noit la durée ordinaire, & qui lui efi affignée par l'Ordonnance de Rouffillon; & delà nous a!l:reignant à la difpofition précife de la Loi, les aB:ions fwul inclufœ judicio
fonr celles qui non feulement font déférées en jugement,
mais qui ont fubi la conte!l:ation en ju!l:ice, ainfi que l'explique d'Anroine fur cette même regle; & par conféquent fi l'action qui aurait été prefcrite dans un mois ou dans fix, une fois
portée en juHice, a été conre!l:ée,falva permanet; & au lieu de
ne lui plus donner que le temps de la durée de la prefcription ,il faut lui donner celui que l'Ordonnance affigne à la
péremption; mais fi elle n'a pas été conre!l:ée, fi elle en efi:
re!l:ée au terme d'une fimple affignation, comme elle a été
- feulement déduite en jugement, fans y avoir été inclufa , dèslors la regle fubfille dans tout fon entier, & la péremption du procès ne peut pas être plus longue que la prefcription de l'aél:ion. C'eH ainli que l'obfervent Menelet,
pag. 130; Buiffon fur le titre du Code prœfcript. 30 vel 40
annor.; Decormis, tom. 2., col. 1710, 1712. & fuiv.; &
c'eH ce qui fut jugé par deux Arrêts que rapporte Boniface,
rom. l , liv. 8, tir. 1, chap. 9.
Toute la difficulté confiHe donc à favoir s'il y a eu ou
non conte!ration en caufe. Martin lui-même en convient;
mais il veut faire entendre que la conteHation fe forme par
la feule préfentation des parties, fur le fondement que parmi
nous, il ne peur y avoir de péremption, tant qu'il n'y a pas
préfen'ration /zinc inde; comme fi cette regle, qui nous eH
tracée par le Régfement de la Cour, fl'avoit pas un autre
motif; & fi le Réglemenr, plus conféquent, ne rejerroit
pas la péremption d'inflante, quand l'infiance, qui ne fe
forme que par la préfenration refpeél:ive, n'a pas été engagée.
Il ne faut pas confondre l'inHance & la conrefiation,
puifqu'on fut très-bien les diHinguer lors de l'Arrêr rapporté par Boniface. Ce n'e!l: pas de la feule interpellation
)udi<.iajre que -fe forme la conteHation, mais de la différence des fenrimens enrre les parries fur le fujet conteHé,
laquelle fe manife.lle par l'oppofition de leurs moyens, conAnT/Ùs 1775 & 1776•
Cc
~oi
Jou
RNA L
traires les uns aux autres: ilinli le procès ne commencè
que lorfque le défendeur propafe fan exception comre
1'atrion du demandeur; c'ef!: la remarque de d'Antoine fur
la regle 86. L'article 13- du titre de la conreltation en
caufe de l'Ordonnance de 1667 porte que la caufe fera
tenue pour conteJlée par le premier réglement, appointement
ou jugement qui interviendra après les défenfes donné~s , encore qu'il n'ait pas été fignifié. Il fàut donc deux chofes ,
fuivanr l'Ordonnance, pour que la caure fait tenue pour
contef!:ée : la. les défenfes; 2,0. un jugement, ,quel qu'il
fait. On exige les défenfes, parce qu'elles conriennenr les
conclulions qui indiquent la conteltation, ainli que le
préfuppofent le Commenrateur d'Orléans fur l'art. 19 du
tit. 1 l , Bornier fur l'art. 13 du titre des comeJlations el!
caufe, Bolltaric & Radier [ur le même article.
Ici il n'y a jamais eu ni défenfes, ni appoinrement
ou jugement; il n'y a donc jamais eu conref!:ation; & fi
1'inf!:ance n'a jamais été conte fiée , elle a été périmée par
la ceffation des pourfuites pendant lix mois; la péremp"
tian dl: un moyen de droit, fagement imaginé pour
donner la paix au citoyen, & arrêter' les progrès de la
chicane. II eH à la vérité intervenu trois jugemens; mais
ils ne [ont relatifs qu'à l'affiglJation & à tout ce qui n'dl:
que préparatoire à la conreftation fonciere.
II peut y avoir deux infiances : l'une préparatoire, qui
peut très - bie n être fujerte à péremption, & l'amr fon~
ciere, qui peut fubir le même fort: mais de ce qu'il y
a eu contef!:ation [ur le préparatoire, peut-on dire qu'eUe
y a été [ur le fonds? C'ell: précifément l'hypothefe de
la caure préfenre. Suivant l'art. 16 du titre des Requêtes
civiles, les impétrans font tenus de, configner l'amende en
préfentant leur requête en entérinement; & dans l'ufage,
comme on ne préfente point de requête, an plus tard
avant qu'il fait queHion de faire la [ommation pour l'enrôlement; jufqu'à la confignation, filence efi impofé au demandeur dans le fyHême de l'Ordonnance; il ne peut pas
même affigner qu'il n'ait conligné; la confignation n'eft
D U
PAL AIS
D E
PRO VEN C Il.
203
-donc qu'un préalable à la conteftation; le 'défaut opere
une fin de non recevoir péremptoire, qui empêche même
d'entrer en connoiffance de caufe, & qui par conféquent
ne permet pas d'entamer la conteftation en caufe. Martin
n'ayant par conféquent pas conugné, tout ce que l'on a
fait pour l'y obliger n'étoit que préparatoire, n'aboutilfoit
qu'à purger, pour ainu dire, fan affignation du vice dont
elle étoit infeél:ée, qu'à le mettre dans le cas de pouvoir
parler, & par conféquent de conteller.
On répondait pour Martin, que la caufe ayant été conteftée , la péremption ne pouvait être opérée que par le
laps de trois ans. Suivant les Doél:eurs, la litifconteHatiol1
·eH de l'elfence des jugemens; elle en eft le fondement
& la pierre angulaire, lapis angularis & fundamentum iJdicii. Les fonél:ions des MagiHrats celfenr, lorfqu'il n'y a
ni conteftation ni procès: inter confentientes mdlœ jùnt
judicis partes. Chez les Romains on diftinguoit trois chofes
pour la litifconteftation : la citation, l'édic7ion de l'ac7ion
& la litifconteJlation, Suivant la J urifprudence françaife, la
conreHatiou en caufe eH quand il y a régie ment fur les
demandes & défenfes des parties; c'eft ainli qu'il eft décidé par l'arr. 13 du tir. 14 de l'Ordonnance de 1667,
par les coutumes de Paris, art. 1°4, & d'Orléans, arr.
412; ita Dupleffis, tom. l, pag. 286, & tous les Commentateurs fur cet art. 13.
Les défenfes dont l'Ordonnance parle, manifefient l'efprit de contradiél:ion de la parr du défendeur. Or il fuffit
que cer efprÎt foit manifeHé pardevant le Juge, pour que
la litifconteflation foit opérée. Ainli toure défenfe qui
indique l'efprit de contredire la demande, li elle frappe
les oreilles du Juge,.fi caujàm audire cœperit, produit la
litifconteftation; car, comme dit Fagnan fur le chapitre
olim, extra de litif.:ontefiac. tom. 2, pag. 1°7, n. 39, la
litifconreftation dépend de l'efprit du défendeur qui témoigne
qu'il veut plaider contre fon Adverfaire. Un feul mot fuffit
pour dévoiler cet efprit de conreftation.
Il fuffit donc que la différence des lentimens entre les
CC2.
204.
Jou RNA L
partIes fur le fujet contefié fait manifell:ée en jugement
de quelque maniere que ce fait, pour que la litifconteftation fait formée. Toute exception qui tend à exclure
l'aél:ion intentée pardevant le Juge compétent, ell: propofée contre l'aél:ion même. L'art. 17 du titre des Requêtes
civiles di t , qu'après que la requête civile aura été jignifiée
avec aJJignation & copie donnée tant des lettres que de la
Confidtation , la caufe fera mife au rôle & portée il l'audience fur deux ac7es, l'lm pour communiquer au parquet,
t,; l'autre pour vwir plaider fans autre procédure. Ces mots,
fans autre procédure, excluent la nécefIiré des défenfes;
l'ufage efi que le défendeur en requête civile n'en donne
point; on ne pourrait pas lui dénier PAudience, fous prétexte qu'il n'en a point fourni; elles feraient même fuperflues, parce qu'elles font préexifiantes, & qu'elles réfultent de la nature des chofes.
Brignon a porté la caufe à l'audience, & par fes étiquettes réitérées il a foufcrit lui-même, défendeur en requête civile. Voilà des défenfes non feulement communiquées de Procureur à Procureur, mais fournies pardevanc
la Cour, & fuivies d'une prononciation. Dès-lors la !irifcontel1:ation s'eH opérée; la caufe eH devenue procès. Une
novation judiciaire s'eH formée; un quali contrat a lié les
parties; la Cour a été failie du litige, dont la nature ell:
d'avoir trois ans de vie. Par deux fois Brignon a requis
la conlignation de l'amende; il conteHoit donc la requête
civile; il la contell:oit & par fes paroles, & par fes pourfuiees réitérées. Par dêux fois la Cour, après avoir oui &
les parties collitigantes & le minill:ere public, prononça
& ordonna que l'amende ferait conlignée. Cerre conlignatian fut faite; voilà le fPortula dont parle Alciat. L'argent
fut dépofé in cede facrâ , pour êtrè compté à celui qui fe-.
rait viél:orie~x.
Les Arrêts qui ont ordonné la conGgnation de l'amende;
n'éroient pas des Arrêts de {impie inHruél:ion & non portant profit, puifqu'ils tendaient à la déchéance de la requête civile, en cas que j'amende n'eùe pas été conlignée:
c'éroient donc d'efpeces d'Arrêts interlocutoires non fou~
Du
P,UAIS
DE
PROVENCE:
1.0,\
mis à la péremption, ainfi que l'attefienr les Aél:~s de Notoriété, pag. 179; Mourgues, pag. 77; Mornac ad Leg.- l l ,
Cod. de judiciis, & comme l'ohferve Brodeau, lett.·P,
ch. 1 S. La Loi properandum & l'art. 1 S de l'Ordonnance
de Rouffillon ne parlent que des infiances, &. nullement
de ce qui concerne l'exécution d'un Arrêt:
Il eft certain que les requêtes civiles renferment dans
elles-mêmes 1a vertu de la litifcontefiation. Suivant le droit
romain, les refcrits de Jufiice étoient perpétuels, à moins
qu'ils ne renfermaffent un délai dans lequel ils duffent
être préfentés au Magil1:rat : .fi modo tempus, in quo allegari vel audiri deDent, non fit comprehenJum. L. 2, Cod. de
diverf. refcript. Voilà pourquoi les requêtes préfenrées à
l'Empereur & par lui répondues, formaient par elles-mêmes
conteftation en caufe, & rendaient perpétuelle l'aél:ion qui
de fa nature em été àe courre durée.
Parmi nous les letrres royaux adreffées au Juge dans les
procès des particuliers ne durent qu'un an; elles durent
moins en certains cas. II faut qu'elles foient lignifiées à la
partie dans le temps préfix, autrement elles deviennent
inutiles; mais li les lettres ont été lignifiées à la partie,
l'aél:ion qui en réfulte ell:. perpétuelle, fuivanr la regle générale. Les lettres royaux en forme de requête civile font
des refcrits de juftice. Elles doivent être obtenues & lignifiées, & les affignatiorls données dans les lix mois, à
compter à l'égard des majeurs du .jour de la lignification
qui leur aura été faite des Arrêts & Jugemens en dernier
l'effort. (Ordonnance de 1667, tit. 3 S, art. ').) Pareils
refcrits ne durent donc que lix mois depu'is la lignificat-ion de l'Arrêt juCqu'au jour que les lettres ont été lignifiées, & que l'affignation a été donnée à la partie. Mais
après, le terme fatal eft couvert. Un droit nouveau eft
acquis à l'impétrant; l'inftance qui dérive non de l'aél:ion
en requête civile, mais des lettres royaux, de l'entérinement deCquelles il s'agit, prend {on cours; l'Ordonnance
ne prononce aucune preCcription' ultérieure.
On diftinguoit au.trefois l'ioHance de :equête civile, de~
-206
Jou
RNA L
lettres de requête civile. L'inHance de .requêté civile étoit
foumife à la pér~mption. de trois ans, ainli qu'on le voit
par les arrêtés de Mr. de Lamoignon, tit. de la péremptian, art. 4, Mais les requêtes civiles ohtenuçs & fignifiées nt!
demeurent péries par une ceJlàtion de trois ans, dit l'art. 12
du même titre. De forte que malgré b péremption de
l'iuftance, les lenres fublifioient & pouvaient produire une
inftance nouvelle. Les Arrêts de Provence confondant ces
deux objets, fou mirent à la péremption rriennale & l'inftance, & les lenres de requête civile. C'eft beaucoup que
d'avoir donné à une li mple ce/fation de pourfilites pendant
trois ans, la vertu d'anéanrir des lenres royaux Ggnifiées,
& de les avoir confondues avec l'inftance, qui feule fembloit alors devoir périr. Mais jufqu'aujourd'hui on n'avoit
pas encore imaginé de foumenre les lettres royaux de requête civile à une péremption de lix mois.
. Delà.)es inftances d'apl?el, quoiqu'il s'agi/fe d'une aélion
annale, . ne périifenr jama.is que par le laps de trois ans.
C'eft l'obfervation de Bafnage fur la coutume de Normandie, art. 499; de Brillon, rom. 5, pag. 159; de
Ferriere fur la coutume de Paris, tOI11. 2 • col. 6) 8 , n. 28.
L'infl:ance de reqllête civile ne peut donc jamais périr
que par trÇJis anS, parce que la caufe avait été auparavant
conteHée. C'efi fur ce principe que fut, rendu l'Arrêt rapporté par Boniface, rom. l " pag. 79, & le fenrimenr de
Rodier fur l'art. 17, pag. 717.
Mr. l'Avocat-Général d'Eimar de Montmeyan examina fi
13 péremption a lie.u dil:ns l'infia-nc~ en requête civ,ile. après
l'infiance liée, avant qp depuis la~ conrefiation en ,caufe ,.
. ~ quelle eH la formillité e/fenrielle qui caraélérife la contefiation en caufe. La" requête civile, difoit-il, peut être
regar.dée ou COJ!lflle le Rlus beau préfenr d'un Légiflateur
humain autant que philofophe, le vœ!J généreux des Magiftrats aufIi fag,es que. l1'1odeltes, ou comme ,·Ia. plus terrible invention de la chic'1ne, & ce .-qer~lier eJFort de la
fr:lUde qui ne pouvant vaincre la Jultic~, e/fay~..· du~moins
de la tàtiguer'j l'on penfe cépeodant que ,'eH l'érabliife-:o
•
DU PAt AIS , DE PRO V Il NeIl':
'1°7
lllent le, ,plus udle, & dont l'abus peut être en même
temps le plus funeG:e. La péremption au contraire', comme la prefcription [a [œur, eG: la reffource néceffaire &
dangereu[e qu'imagina un raifonneur hardi & profond qui
réfléchit fur les be[oins & [ur les pallions des hommes,
filr la briéveté & la rapidité des jours de cet être, & furl'inquiéwde & l'immenuté des délires qui l'agitent; qui
combine la jufiice particuliere; qui protege la propriété
de chaque individu; qui veut le repos de tous; qui ,balance
l'équité relative & politique avec l'équité ab[olue & indépendante; qui ne voulut pas ,le mieux, afin de pouvoir
faire le bien; elles nous offrent de grands biens, elles réuniJTent de grands avantages; mais elles tranchent peut-être
d'une maniere trop ardente [ur les difficultés & [ur les
inconvéniens. C'eH au Légiflateur qui [ert les hommes-,
à corriger le philofophe qui les étudie; c'eG: au Magifirat
qui connoît & qui juge [es concitoyens, à leur appliquer à
propos les remedes ou les bienfaits ë1es Loix.
Pour profiter du remede qu/offre la requêre civile, &
prévenir en même temps les incon'léniens & les abus [ans
nombre qu'il pourroit entraîner, la Loi 'a vroulu qu'avant
que d'examiner de nouveau le fonds & de,rejuger le :jugement qu'on attaque, on examinât;[eulement' & [éparément
s'il y. àvoit lieu en effet à demànder ce nouv,el eximen &
ce nouveau jugement. L'importance de, cet' examen, qui,
quoique préliminaire & préparatoire, 1 peut cependant préjuger définitivement fur le fonds '& [ur le droit des ,parties,
a fait établir qu'une pareille inG:ance ne pourroit jamais
être portée aux ParJemens pendant le temps de leur.s vacations. Telles [ont, avec l'amende dont elle punit l'opiniâtreté du vaincu, les précautions que la Loi a pri[es,
en établiffant un dernier recours dont la foibleffe naturelle
des hommes lui a fait connoître la néceffité, mais dont
leurs paflions & leurs fraudes lui ont fait [en tir toutes les
conféquences. Elle a vu que d'après le caraélere avide &
'inflexible de la plupart des plaideurs, c'étoit perpétuer en
9.uelque fone les procès, & troubler à jamais la con[cienc~
~o8
Jou
A N A'L
des Juges & le repos des· familles. Elle a établi que les
lettres royaux en forme de requête civile devaient' être
obtenues & lignifiées dans les fix mois de la notification
de l'Arrêt; elle a encore menacé d'une peine févere les
plaideurs obfl:inés; & de crainte que l'efpérance ne les
féduisît trop aifémem & ne la leur fît méprifer, elle ne
leur a pas offert une rétraaation prompte & aifée; elle
a 'fournis leurs moyens & leurs griefs à un jugemem préparatoire, avant de leur permenre de les propofer de nouveau au fonds. Si elle ·avoit de grands abus à craindre,
on voit qu'elle a pris de grandes précautions: ces abus
peuvenc:ils encrer en comparaifon avec ceux dont auroit
été fuivie une Loi contraire & abfolue? L'erreur une fois
adoptée eut donc toujours acquis dans ce cas tous les
droits & toute la force de la vérité; l'innocence trompée
ou mal défendue n'aurait plus eu aucune reffource. La Loi ellemême a donc -'tout prévu & tout corrigé; retrancher de
fes précautions, ce ferait fans doute ouvrir à une foule
d'abus une parce qu'elle, leur a fermée avec foin; mais
.en y ajoutant, on parviendroit à rendre prefque inutile à
des plaideurs qui n'am été que malhemeux, une refiource
que la Loi, a cru néceffàire.
De toutes' les exceptions qu'on peut oppofer, la plus
force, la plus viaorieufe fans doute ell: la prefcription en
matiere ord'inaire ,- & la péremption lorfqu'il s'agit d'inftances judiciaires; mai5 la prefcription a quelque chofe
d'odieux & même d'injufl:e dans la bouche de celui qui
s'en fert; <::'ell: le facrilice l le plus' hardi & le plus douloureux qué, la 'raifon géné'ra,le ait pu faire de la' ra'ifon &
même de l'équité .,pareiculie-re au bien & au repos de tous;
il étoit néceffaire <: l'homme dont les jours fane fi bornés,
n'a d'immenfes que·fes deCirs, fan ambition, fan avidité.
Il eut été ridicule'& dangereux de I~abandonner à fan inquiétude naturelle. & toujours renaiffame, de lui laiffer des
dro.ics mille foiS' plus éte'ndus. que ne le. peuvent jamais
être [es facultés' réelles, &. de perpétuer à jamais [es
prét ncions quand la nature eUe-même a refferré dans Ull
cercle
i
,
DU
PALAIS
DI!
·PROVENCE.
~09
prefcrip~
cercle fi étroit fa jouiifance. Si l'on aboliifoit la
tian, on livreroit d'un feul coup à la difcorde & à la plus
afFreufe conEullon la génération préfence; il fembJe qu'on
bouleverferoit la cendre & le repos même de la génération paifée, & celle qui doit naître de nous, n'en hériteroit que trouble & que diJIèntions.
La péremption tranche fur un défordre plus réel ou dumoins plus frappant encore; & quoiqu'elle puiife auffi facrifier quelquefois l'intérêt parriculier à l'utilité univerfelle ,
c'e!l: un bien moins cerrain; ce font des droits moins sûrs
qn'elle facrifie, parce que tout ce qui peut être difpucé
par l'homme,.& fur-tout tout ce qUI doit être fournis au
jugement de l'homme, n'ell: jamais aifuré. Cependant il
faut toujours obferver que tout ce que la ju/tice nous peut
faire exiger, dl: auffi réellement notre bien que ce' que
nous pollëdons, foit par acquifition, fait" par fucceffion de
nos ancêtres, & que les droits que nous donne la Loi
étant un bien qu'elle crée en notre faveur, auquel elle nous
dit eJre-même de prétendre, doivent être fous fa protection fpéciale. Le Légiflateur a calculé lui-même à quelle
époque précife ce droit particulier de propriété devait être
facrifié au repos public; il a déterminé J'in/tant fatal où
tout procès doit fini r, où J'homme injlJf1:e ou l'ufurpateur
peut oppofer la Loi elle-même & fan VŒU de paix & de
tranquillité ulliverfelle, à la réclamation fondée, rntlis inlltile,
,du citoyen malheureux qu'elle immole, non -à fan coupable Adverfaire, mais à l'utilité générale.
La requête cjvile efl: ou le dernier effort de la chicane,
ou la derniere rellource de la vérité; il e!l: également néceifaire & de la reiferrer dans de juftes bornes, & de ne
la point anéantir enriérement. La péremption qui, dans
les inHances, a l'effet de la prefcriprion dans le cours
ordinaire des chofes, efl: un droit dangereux, quoique
utile &. néceffaire, mais toujours en quelque forte odieux.
Il ne faut jamais oublier qu'il n'e!l: que d'une ïull:ice politique & d'ordre public; le befoin l'a fa jt admettre; la
jufl:ice elle-même nous crie de le refferrer; le LégiDateuf')
D d
Années 1775"& 1776.
,
~IO
YOU'RNAL
J'homme public a eu raifon -de 'l'établir, le Magifl:rat feroit
coupable de l'étendre.
On' ne conrefl:e point la fignificarion de la requêre civile; mais on fourient .que cerre formalité ne fuffit ·pas ;
GUi! la requête civile n'en demeure pas moins foumife à la
prefcription rapide des fix mois; qu'il faut., pour qu'elle
jouiffe de la péremption triennale, que non feulement l'inftance'foit liée, mais qu'il y ait encore conteüation en caufe.
Avant l'Ordonnance de 1667, quoique le droit commun eût
conilamment érabli dans tout le refte du .Royaume le fimpIe délai de fix mois pour les requêres civiles, fdon une
Jurifprudence parriculieFe &: confacrée, fuivant Boniface, par
l'ne multirude d'Arrêts., les requêtes civiles n'éraient [oumi.[es en Provence qu'à la prefcription de 30 ·ans. Mais
depuis l'Ordonnance, narre ufage efl: conforme à la Jurifprudence commune du Royaume. Cette Loi établit ( art.
S du ritre des requêtes ·civiles ) qu'elles doivent êrre obtenues, fignifiées, &. affignations données dans les fix mois de
l'Arrêt. On voit ici le délai fixé précifément & nommément.
Mais lorfqu'elle veut, arr. 17 du même ritre, qu'après l'affignation, la caufe [oit mife au tôle & portée à l'audience,
elle ne fixe point un terme précis & faral: l'ufage du Parlement de Paris, [ur cet article, efl: même, !orfque le nombre exceffif des requêres civiles empêche qu'elles ne [oient
.portées à l'audience, ·ce qui, dit Jouffe, arrive tous les ans,
.d'obtenir du Roi une Déclaration portant que les caufes
feront appointées &. renvoyées aux Chambres contre les
Arrêts defquelles on fe pourvoit.
L'article 20 dit généralement· encore que les requêtes civiles feront portées & plaidées aux mêmes Compagnies où
les Arrêts contre lefquels on fe pourvoit ont été rendus.
Enfin on trouve dans ,ce titre entier, que l'efprit & la lettre
de la Loi fixent le délai redoutable des fix mais pour l'impérratiop & la lignification des 'requêtes civiles & pour l'ar·
iignation; mais on ne voit, on ne' peur même conjeél:urer
nulle part qu'elle oblige à pourfuivre l'inilance, à contefl:er
la caufe dans le même délai. L'urage du Parlement de
D U
PAL AIS
D'E
PRO VEN CE.
21'l
Paris pl;Ouveroit plutôt le cèntraire, puifque les requête's
civiles, qui ne fone appointées qu'à la fin de l'année,
ont demeuré pendane tout ce temps fans pourfuite; on pourrait objeél:er, mais il.y a dans ce cas partieuliu empêchement;
& c'eft, précifément une des dérenfes de Martin; [es lenres
ne purene être préfeneées aux rôles qu'au commencement
d'Avril, c'efl-à-dire dans les temps où ils fone les plus
remplis. Faudra-t-il que parce qu'une Déclaration du Roi
n'aneHe pas toUS les. ans la multitude des foins imporrans
qui partagent la Cour, il fait puni d'un repos peut-être
forcé, & ne peut-il pas en appeller à la notoriété publique,
& à ce que fes Juges faveur eux-mêmes de l'ulàge conHant
& journalier du Palais?
On a oppofé d'abord ce principe antique &, fubtil de
quelq\les lurifconfultes, qui jugeant que l'inHance ne naît
que de l'aérion, croyoient qu'elle devoit toujours demeurer
foumife à la même prefcription qui pouvait éteindre l'aaion;
on l'a'livré enfuite à l'abandon général dans lequel il eH tombé
depuis long-temps. L'inHance ne naît pas en effet de l'action feule, comme le devaient croire ces Jurifconfultes dans
kurs fyHêmes. L'aél:ion eH le droit !impIe & naturel de chaque particulier; mais l'inflance n'eH pas feulement l'ufage
qu'il fait de ce droit; c'eH le droit du Prince lui-même qu'il
invoque à fan fecours, & qui lui confie une portion de fan
autorité, le droit de la fociété entiere qu'il appelle en témoignage & en garanrie du paél:e réciproque d'obéiffance
& de proteél:ion que chaque citoyen a contraél:é avec fon
Souverain.
On eH d'accord fur ces principes; mais les uns n'en fom
J'application qu'à la conreHation en caufe, d'aurres à la !impIe inl1ance. On cite en faveur de la premiere opinion
l'autorité de Buiffon & de Decormis, qui parlent toujours.
du principe, que l'inl1ance étant fille de l'aél:ion, ne peut
avoir plus de durée; & un Arrêt de Boniface qui, en prononçant dans l'efpece parriculiere d'nn retrait lignager, en
cite un/contraire fur la qlleHion de droit. On pourrait pelltêtre citer auffi des Amo~ités en faveur de la [econde. D'après
D d2
1
~1:l,
JOURNAL
les di!1:inélions que l'on vient d'établir fur les Loix elles"
m'êmes, il e!1: difficile de deviner par quel motif on donne
fi peu d'effet à l'infl:ance civile, en accordant tout à la conteHation en caufe.
l! eH difficile de concevoir que le Réglement de la Cour
donnanc à la fimple préfentation des parties l'effet de lier
l'inHance, au point de la rendre fujette à la péremption,
ne lui donne pas auffi celui dè la fouGraire à la prefcription. Tous les motifs qu'on donne en faveur de la conteHation en caufe font applicables à l'in!1:ance; &. il en: bien
fingulier auffi que l'un des motifs privilégiés que ceux qui
faifoient cette difl:inélion donnerent lors de l'Arrêt cité par
Boniface, fût que la conteHation en caufe eH comme le
[el qui préferve l'aél:ion de la corruption; & c'ell réellement
un des plus plaulibles qu'on puilfe imaginer. La novation judiciaire a donc dû s'accomplir au moment que le demandeur a déclaré fan droir & fes prétentions au Juge, & qu'il
a fait notifier à fa partie le delfein qu'il a formé de s'en
f3ilir. Du moment qu'il invoque le fecours des Loix, qu'il
appelle [on Adverfaire aux pieds des Tribunaux, qu'il les
établit Juges de leurs conteHations, ces conrellations deviennent publiques. Cette efpece d'engagement qu'on contraél:e à la face de la Jufl:ice efl: confommé, quaji contrahitur
in judiciis. Cette novation, -ce contrat public paroi1fent devoir transformer l'aél:ion annale & celle qui n'a qu'une
exifl:ence plus courte encore, en une nouvelle efpece de
dro~t qui n'eH plus foumife qu'à la prefcription judiciaire
prononcée par le droit public du Royaume, c'efi-à-dire à la
péremption triennale.
Il dt inutile d'examiner ce que les Loix Romaines entendaient par la contella~ion en caufe, & par quelles formalités ces aél:ions, fujettes à une prefcription plus ou moins
rapide, n'étaient plus foumifes qu'à la péremption" includehantllr judicio & falvœ fiebant; on a fur ce point aes regles
[acrées & précifes. La caufe {era tenue pour conteJlé, dit
l'Ordonnance de. 1667, arr. 13, par le premier Rdglement,
appointemcnt ou jugement 'lui interviendra après les définfes
3'
fournies, encore qu'il n'ait pas été jignifié. Cerre décifion
parolt claire & déterminée; cependanc les parties varient
fur fon interprétation. Le Légifiatenr explique dans cet article ce qui difiingue la licifcomefiation, de l'aél:ion, & même
de l'in fiance. L'aél:ion efi le droit de pourfuivre en jugement, jus perfefJuendi. L'infiance efi l'ufage public qu'on fait
de ce droit, en donnant connoi!fance aux Juges de fes prétentions & du de!fein qu'on a formé de les pourfuivre, dilatio ad Judicem ; il faut bien même qu'elle nous acquiere
une efpece de droit difiinél: & féparé de l'aél:ion, puifque
dans les aél:ions qui ne fe prefcrivent que par 20 ou 30
ans, la péremption de l'in fiance efi toujours triennale, &
eft indépendance de la prefcription de l'aél:ion. La litifcontefiation enfin, fi l'on vouloit la définir par étymologie,
ne feroit que la préfencation & la concradiél:ion de la parcie
adverfe; mais le Légifiateur a aj9uté une tormalité nouvelle
& néce!faire, l'inrerpofition de l'autorité du Juge, par quelque appointemenc, Réglement ou Jugement.
En droit originaire & commun, la plainte que form oit
le demandeur pardevant le Juge, devoit caraél:érifer feule
l'inftance_ ou fupplication qui paroi!fenc avoir dû être des
termes équivalens. Dès que le contradiél:eur paroi!foit, &
qu'aux pieds du Tribunal il rejerroit les demandes de
fon adverfaire, la litifconceHatioll étoit formée, lis cOI/tertata videbatur; parce qu'on devoit préfumer de fon obéi[fance pour les Loix & de fon re[peél: pour les Juges, que
du, momenc qu'il ne fe rendoit pas aux réclamations que [on
adver[aire leur adre!foit, fon filence feu! étoit une conte[tation. Auffi Rodier foutient que la caure eft concefiée, du
moment que le Juge a ordonné quelque cho[e, pourvu
que ce premier appoincémenc foit rendu contradiél:oire contre
les parties. Tel dl auffi le fenciment de Bornier & de
Boutaric.
Le Juge invefii par le droit du procès, puifqu'il n'efl:
établi par le Prince que pour maintenir l'ordre & la paix
pllrmi les citoyens, l'étoit encore par le fait, puifque ces
deux hommes n'étoient allés vers lui que pour être jugés,
D V
PAL AIS
D E
PR.O V
B NeE:
2t
•
~I4
Jou RNA L
& qu'ils ne s'étoient pas jugés eux-~Jêmes. L'Ordonnance
décide qu'il [lut qu'il" fe faifiife réellement lui-même de la
caufe par quelque aél:e de fon autorité; & c'ef!: véritablement
une nouvelle formalité qlJ'elle a introduite pour mieux annoncer la litifconteflation, mais qui ne la caraél:érife pas
eifentiellement; l'inflance feule ,.delatio & fuppliaatio, ne pouvoit pas avoir cet eHet, parce qu'elle pouvoit fon bien être
[uivie de l'acquiefcement fimple & v010ntaire de la parrie
adverfe: mai.s du lPoment qu'à la voix' du demandeur, Je
défendeur accourt aux pieds de [es Juges, & que ce n'eH:
pas pour fe rendre à la juflice de fes demandes, que ce n'eH:
pas non plus pour méconnoître leur amorité & pour y jouer
un rôle abfolument paffif & tran-quille ; lorfque c'efl le défendeur lui-même qui prévient Je demandeur, qu'il le cite,
qu'il ·le pre1fe de fe mettre en état de fe préfenter au Tribunal pardevant lequel il l'a appellé ,- croit-il encore que
tou-s ces aél:es foient de {impIes formalités fans conféquence, qui n:engagent aucune conteihtion? II aura preifé fon
adverfaire de fe préparer. à former fa demande; il aura
cherché à l'e'n faire décheoir définitivement, fous prétexte
qu'il n'a pas rempli des formalités indifpel]fables, & il prétend ne l'av:oir pas contefrée. Ce n'efl ( dira-t-il) 'lu.e fur<
des préparatoires 'lue j'ai colltejlf; c'efl dans une eJPece d'inft'ilnce préliminaire, & fion pas dans l'injlance fonciere, que lai.
été contradic?eur.
Loin que Brignon puiffe foutenir (continua lVJ'r. l'AvocatGénéral) qu'il n'a pas agi comme contradiéleur & défendeur dans l'inflance préparlltoire, felon lui, fur la. c.onfigna-.
ri on de J'amende, & que pa.r confequent il n'a point formé,
de conteHation en caufe, il eH vrai au contraire qu'il. n'a
pu agir que comme contradiél:eur & défendeur; que fes préfentations & concllJ(jons l'ont conf1:itué fous ces, deux titres,
& ont établi la conteflation en caufe; que s'étant préfenté.,
enfin, il n'a pu fe préfenter que [O(lS· oette qUàlité; que ce
n'el!: que comme défendeur qu'jl a pu demander Jà configna-,
tion de l'amende ou la déchéance- définitive, pujfqu'il n'eH:
point le receveur des amendes, & qu'à ce même titre il
n'u
-
PALAIS
DE
PROVENCE:
2T1
n'aurait eu ni droit ni intérêt à faire une pareille requifitian. On fent d'ailleurs combien il ferait ridicule & dangereux d'admettre une infl:ance péremptoire dans une inftance préparatoire d'elle-même. Peut-on appeller infl:ance
préparatoire celle dans laquelle on cherchait à faire prononcer" non pas fur de iimples 'fins de non-recevoir, nOI1
pas même un déboutement en l'état, mais une déchéance
définitive?
Peut-on, après avoir préfemé foi-mêm~après avoir pourfuivi le premier fan adverfaire, après avoir conclu à une
déchéance définitive, après l'avoir fait prononcer par un
dernier Arrêt 'comminatoire avec la claufe irritame, foure-nir qu'on n'a pas entamé la conrefl:ation en caufe? Peur-on,
,fous prétexte que l'adverfaire ne pouvait fournir des déJenfes valables qu'après la confignation de l'âmende, foutenir qu'on n'a pas défendu foi-même, foutenir qu'on n'a
'pas comefl:é, en avouam qu'on voulait le faire déclarer non
recevable, & peur-on perfuade'r que le' fonds n'étoit point
entamé, lorfqu'on a été fur le .point d'obtenir fur le fonds
même un jugement définitif & irî='évocable? Peut-on, furtout prelfé par fes propres faits, fe l'ejecter ftir fes intentians, & lorfque toUtes les drconfl:ances, lorfque les Arrêts qu'on 'a produit, prouvent que la conrefl:ation en caufe
était entamée, foutenir qu'on n'avoit pas' deffein de l'entamer? •
MI'. -l'Avocat-Général conclut à ce que fans s'nrrêter à
la requête de Brignon, tendante à faire déclarer l'inHance
périmée, les parties pourfuivilfent au fonds & principal
ainfi que de droit.
Arrêt conforme, du 27 Juin 177'), prononcé par M. le
Premier Préfidenr; Brignon fut condamné aux dépens. Plaidant Mes. Simeon & Gaffier.
JOURNAL
•
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N
.
ARR Ê
T
,
'=
X VII I.
Sur les réparations des maifons curiale's.
1
A Communauté de Caba1Te ayant été obligée de faire
réparer la maifon curiale, il fut fair un rapport qui détermina les différentes efpeces de réparations. La Communauté y parfournit, & demanda :aux Darnes de la Celle, en
,leur qualité de Prieures & Décimatrices, le montant dé celles
d'entretien; le Lieutenant les y condamna; & pendant l'inftance d'appel, la Province intervint en faveur de la Communauté, & demanda que le Curé affifieroit au procès, pour
venir voir dire qu'en parfourni1Tant par la Communauté les
réparations fOllcieres, celles que l'on répute' n'être que d'entretien fer~ient fupportées par les Darnes de la Celle au
bénéfice de la confirmation de la Sentence, & que là où
elles en feroient foulagées, il feroit dit qu'elles [eroient à
la charge ,du Curé. Le Syndic du Clergé de Provence Inter~
vint d~ns l'infiance en faveur du Curé.
On diroit pour la Province, que la quefiion du procès
confilloit à [avoir fi les Communautés doivent fournir aux
maifons curiales d'autr~s réparations que celles que l'on
appelle gro1Tes ou foncieres. 'II efi indifférent à la Province
& aux communautés que celles d'entretien [oient à la charge
de's Décirnateurs ou des Curés.
Peu importe que la Communauté ait acquis la .maifon
curiale, qu'elle en ait payé le droit d'indemnité, & qu'elle
n'appartienne qu'à elle; il refie toujours à décider fi ne l'habitant pas & la fourni1Tant au Curé, qui n'ell: que Vicaire
perpétuel, puifque les Darnes de la Celle ont, en leur qualité de Prieure, la préfentation à la Cure, elle doit entretenir un logement qui n'efi defiiné qu'à l'u[age du tiers.
Les Loix de tous les temps ont chargé les ecc1éiiafiiques,
po1Te1Teurs des dîmes, de la confiruél:ion & réparation des
Eglifes
L
,
DU·
PAL AIS
D E
PRO VEN C E.
217
Eglifes & des presbyteres qui en font une dépe'ndancè, Suivant Jes Loix de France, antérieures à l'Edit de 169'), ce
n'était poillt aux Communautés à fournir le logement, &
aucun décimateur ne l'avoit demandé. Quand les décimateurs fe foulagerenr àu foin des ames fur des Vicaires d'abord
amovibles, & enfuite perpétuels, ils leur fournirent le même
logement qu'ils fe fournifioient déja à eux-mêmes; ce n'a
été qu'à leur refus que la reconnoiffance des peuples a donné
à leurs Curés ce qu'ils ne pouvoient obtenir du décima'teur
qu'ils repréfentoient; les eccléfiafiiques fe font autorifés de
cet aae de bienfaifance pour invoquer une efpece de prefcription, & en conféquence l'on a regardé l'obligation de
fournir un logement au Curé comme dépendant de l'ufage ;
cet ufage ne fllt qu'une ufurpation des décimateurs fur le
peuple; celui de Cabaffe fut tel que l'Eglife & la maifon
curiale éroient confhuites aux dépens du peuple & du décimateur; le peuple y contribua pour les deux tiers, & le
décimateur pour le tiers refiant, Au lieu & place de cet
. ufage , l'Edit de 169') a établi la regle prefcrite par l'art.
22, La Loi n'obligeant donc les Communautés qu'à fournir,
elle n'a pas voulu par cela même les obliger à réparer, &
l'on doit fuivre à cet égard le droit commtln: or, de droit
commun, la Communauté ne jouiffarit ni n'habitant la maifon curiale, elle ne doit pas en faire les réparations d'en-.
tretien; il feroit d'alitant plus injufie de l'y condamner,
qu'on ne doit pas faire une regle particu!iere pour la Provence, & accorder au Clergé ce que le Légif1ateur lui a folemnellement refufé.
Le logement des Pall:eurs qui géroient dans différens lieux
le foin des ames, éroit-il anciennement & de droit commun à la charge des habitans? L'on ne voit pas quelle ell:
à cet égard la difpofition du. droit dans les fix pren,iers
fiecles de l'Eglife, époque après laquelle la levée des dîmes fut univerfelle, & dont on parr encore pour difcerner
la nature d'une dîme, & favoir fi elle eH inféodée ou eccléfiaHique. On convient néanmoins que dans ces retupS
Arwàs z775 & z77 6.
E e
..
~l.1S.
1 0 U RNA L
heureux où les Minil1:res des Autels s'occupant moins de'
la poffeffion des biens terrel1:res & de la jouiffance de la
chofe temporelle, que du falut des ames, ne vivoient que
des oblations, c'étoit fans contredit la pie té & la religion
des fideles qui foumiffoient à la conHruCl:ion des temples &
des presbyteres qui y étaient adhérans, & qui n'en étoient
qu'une dépendance. Ces temps heureux s'éclipferent bientôt:
la perception des dîmes une fois établie, étoit-ce le peuple
ou le Minil1:re qui fourniffoit à la conHruél:ion & réparation
des Autels & des presbyteres?
S'il ne falloit décider la que Gion que par les lumieres de
la raifon, l'on pourrait dire que la dîme ayant été concédée
pour l'entretien & l'alimentation des Minil1:res, ils devaient
d'aurant mieux fe fOll! nir le logement qui leur etait néceffaire, que d'une part dans les alimens font compris l'ha bitatipn, & que de l'autre il n'étoit pas juGe qu'après avoir
reçu dans le produit des dîmes taut" ce que l'on comprend
fous le nom d'alimens, ils demandaffent encore jingulatim
les droits particuliers qui compofent l'alimentation: habitatio
efl pars alimentorum, difent Perezius, Baffet, &c.
Suivant les Canons, c'était aux E cc1éfial1:iques à bâtir
les temples & leurs demeures. Le chapitre premier aux décrétales, titre de Ecclef. œdificand. & reparand., fou met tout
Bénéficier ad tec7a Ecclejiœ reparanda vel ipfas Ecclejias emen·
dandas; parce que, comme dit la glofe, non ferendus eft
qui lucrurn arnplec7itur, onus autem fubire recufat. Les Eccléflafl:iques commençaient dès-lors de fecouer ce joug effentiellement dépendant de leurs bénéfices. Le chap. 4 parce la
même difpofition pour les Eglifes paroiffiales: duximus rcf
pondendum quoad reparationem & inftaurationem Eccle/iœ, cogi
debeant de bonis quœ funt ipjillS Eccl~/iœ. Le Concile de Trente,
chap. 7, feél:. 2, veut auffi que rpciantur & inftaurentur parochiales Eccle/iœ ex fruc7ibus & proventibus quibufcumque ad
eafdem Ecclejias qllomodocumque pertinentibus ; que s'ils font
in filf!ilà ns , on recoure au, Patron & à taus autres qui per- _
croivent quelques fruits, ex dic7is Ecclejiis prol/enientes; enfin
DU
PALÂ1S
DE
PROVENCE,
219
à leur défaut fur les Paroiiiiens. Les Auteurs n'ont pas tenu
d'antre langage. Barbofa, cap. 13 de qlfic. & potefl. parroch.
en' rapporre une légénde.
'
L'on doit donc tenir pour certain, que dans aucun temps
les peuples qui payoient déja la dîme n'ont fourni un logement que le Miniil:re de l'Autel trouvoit dans la perception
de la dîme. Le presbytere ou la maifon curiale n'a jamais
écé regardée comme une dépendance de l'Eglife; &Îes mêmes Loix qui difpofoient pour l'Eglife, difpofoient aulIi pour
les maifons curiales. Piales en fon traité des réparations, &
reconflrllc7ions des' Egliies, tom . .2.-, chap. 24, rappelle l'origine des dîmes; les obligacions des décimateurs; tant .envers les Paroiffiens qu'envers leurs Curés, & Jlobferve que
quand les habitans avoient livré à un nouveau Curé le prefbycere en bon état de toute réparation, le Curé étoit obligé
de l'entrecenir, c'eil:-à-dire, qu'il étoit tenu des réparacions
Ilrufruitieres & même des groffes réparacions, fi elles écoienc
{ilrvenues par [a mauvaife adminiftration, ou faute par lui
d'avoir fait les réparatioris ufufruitieres.
Mais de'ce que dans le quinzieme fiecle l'ufage avoit prévalu fur le droit, & que les peuples, par bienveillance pour
leurs Pail:eurs, s'étoient fournis à loger 'le Curé & à remplir ainfi l'obligation du décimaceur, il ne faut pas en.conclure, ni qu'e tel étoit le droit primicif, ni que cet ufage eût
généralement prévalu, & que tel fût notre droit commun.
L'ancienne -difcipline de l'Eglife de France en chargeoit les:
Curés; c'eil: le Clergé lui-même qui l'atteil:e dans [es mémoires, tom. 3, col. 263' Dès que le Clergé convient luimême que telle é toit l'ancienne difcipline de l'Egli[e, que
ce n'écoit que par des ufages locaux que l'on pouvoit avoir'
perverti & corrompu la deftination primirive des dîmes, il
ne faut pas plus êcre furpris de la variécé qu'il y a dans les
différens Conciles Provinciaux, que dans la Jurifprudence
des Parlemens; c'ell: [uivant l'urage des lieux' que les Conciles nationaux rejettent la charge [lIr les habitans ou fur
les décimarenrs, & que les Arrêcs des différens Parlemens:
tamôc y foumettent les:, décimateurs, cantôt les exempcent)
'E e 2.
2.2.0
Jou R N /l. L
& tànt6t les y condamnent en concours avec les Commu"':
.nautés, conformément à l'Ordonnance de Blois, art. S2.
( Abrégé des Mémoires du Clergé, va. presbyrere.) Barbofa,
de offic. & potefl. Pan·och., cap. 13, n. T2; Van-Efpen,jur.
Ecclef ulliv., part. 2, tir. 3'!-, cap. 8; Duperrai lilr l'arr. 22
de l'Edit de 169S; Decormis, corn. 1, col. 3) l , & Piales,
pag. 291, arteHent cous que c'eft l'ufage qui décide, ou- la
Loi particuliere de chaque Etat, & à défaut le droit commun.
/
Comme l'art. ) 2 de l'Ordonnance de Blois ne fut pas
abfolumene du goût du Clergé, l'Alfemblée générale qu'il
,tine à Melun, drelfa des remontrances, d'après lefquelles in.rervinc l'Edit que l'on appelle de Melun, donc l'arr. 3 confirma, nonobfl:ane coure réclamation, la difpofidon de l'art.
S2 de l'Ordonnance de Blois. Les Déclararions qu'obtint
le Clergé en 16S7, 1661 & 1666, & qui fembloient rejetter fur les habitans le rétablilfement des presbyteres,
nonç>bfl:ane cous Arrêts à Ct:: contraires, n'ayane été enrégilhées nulle parc, n'en conHarent cependant pas moins
qu'environ un fiecle après l'Ordonnance de Blois, ce prétendu droit commun n'éroit rien moins que certain. Le
Clergé n'aurait pas fait tant d'efforts, fi relle eùt éré la
regle. Ii eH donc 'cerrain que la conHruaion & les réparations des mai fous èuriales n'one jamais été à la charge
des habitans, & que cour ce qu'on y peut dire de plus favorable pour le Clergé, c'eH qu'à la faveur des ufages locaux, il écoit parvenu à y faire contribuer les habitans.
Tel éroit le droit commun du Royaume, puifque telle
écoit la difpofition de l'Ordonnance de Blois & de l'Edit
de Melun.
L'on ne doit pas difconvenir que quelques anciens Arrêts
Jejetterent la dépenfe fur les Commuuautés, & entr'autres
celui de 1626, rendu contre la Communauté de Camps, au
profit du MonaHere de la Celle; mais cette Jurifprudence
n'eut qu'un temps, & des Arrêts plus réfléchis établirent
.une reg!e qui en celle du tiers, c'eH-à-dire ,que la Comnlllnamé fournilfoit les deux tiers, & le Prieur le tiers,
•
DU
PAL AIS
DE
PRO VEN' C E:
22 r
tellant. Ces Arrêts font rapportés par Pa!l:our, tit. de Ecclef.
œdificand. & reparand., lib. 2, tit. 1, n. 15. (Boniface, tom .
3, liv. 5, tir. 14, chap. 6, 7 & 8; Julien, vo. Eccléfiafi.•
pag. 10, lett. M; Decormis, rom. 1, col. 354; Lacombe,'
J urifprud. canon. vo. logement; le nouveau Commentateur
d'Orléans fur l'arr. 22 de l'Edit de 1695, in vo. fournir au
Curé un logement convenable; l'A uteur des Mémoires du
Clergé, tom. 3, pag. 263; Piales en l'endroit cité, pag.
3 1 4,)
.
La regle établie par l'Edit de 1695 applique à chacun les
charges qui lui font propres, fuivant l'ufage & la de!l:ination
naturelle. Comme c'e!l: la Communauté qui profite & qui
ufe de la nef des Eglifes & des cimetieres, la Loi non
feulement l'oblige de les fournir, .mais encore de les réparer; & d'autre parr, comme le fanél:uaire n'eH proprement
que pour les l\1ini!l:res, & qu'il ri'e!l: qu'à leur ufage , par
une conféquence de la difpofition qu'il a porté contre les
Communautés, il oblige les décimareurs à le fournir & à le
réparer. Il re!l:oit à la vériré la maifon curiale, qui devoit,
ce femble, fuivre le (ort du chœur, puifqu'elle n'étoit qu'à
l'ufage du Pa!l:eur; le Légil1ateur, foit qu'il flu affeél:é de
l'ufage où l'on étoit au Parlement de Paris, foit qu'il voulût donner une nouvelle preuve de bitnveillance au Clergé,
en rejette la four'nitllre fur les Communautés; mais il a l'artention de ne pas confondre cette difpofition avec celle de
la nef des Eglifes & de la clôture des cimetieres, & de
ne pas [ou mettre les habirans à l'entretenir, feulement à le
fournir:" feront pareillement renus les habitans defd. :ç>a" roiffes d'entretenir & réparer la nef des Eglifes & la clô" rure des cimetieres, & de fournir aux Curés un logement
" convenable."
Si le Légil1ateur avoit entendu qu'il n'y eût aucune différence entre la fourniture & l'entretien, & que les Communautés fuffent obligées à fournir & entretenir, tant la
nef des Paroiffes que le logement des Curés, il eut été
tour fimple que la Loi n'eut pas fait deux périodes, & qu'elle
eut dit: ferollt tenus d'entretenir & réparer la nef des Eglifes~.
•
2.2.2.
Jou RNA L
la ci6ture des cimetieres & le logement du Curé. Mais il y
avoit trop de différence entre ces divers objets ,. pour
qu'on pilt les confondre. La difpofition de la Loi eH d'aurant plus fage, qu'elle eU conforme au droit commun. Si
la Communauté eU obligée de fournir la maifon curiale ,.
elle en eU propriétaire; mais fi .nonobUanr ce droit de propriété, c'eU un tiers qui l'habite, ce tiers en eU ufufruitier"
& il doit par conféquent payer les réparations d'entretien ou
ufufruitieres.
L'effet que produifit l'Edit de 169) fut celui de rejetter
roure la charge de la conf!:ruél:ion des maifons curiales fur
les Communautés. Dans plus d'un endroit le Clergé voulut
s'exempter des réparations, notamment en Normandie, Ol!
les Doyens rllraux en répondoient en propre, en cas d'infuffifance de "la part des Curés. Mais une Déclaration rendue
le 2.7 Janvier 1716 ordonna qu'après que le logement auroit
été fourni & mis en bon état par les, habitans, les Curés
pendant leur vie & les héritiers après leur. mort ferpient
tenus de routes les réparations dont les Curés doi'vent être
chargés dans les maifons presbyterales. Le Parlement de
Bretagne, par Arrêt du 2.4 Novembre 172. l, détermina
routes les réparations qui éraient à la charge des Curés,
& cet Arrêt a été exécuté nonobHant les réclamations du·
Clergé, ainG qu'on le voit dans Denifart in va. preshytere,.
n. 12.
L'Auteur des Mémoires du Clergé en abrégé, va. preJhytae, attefle que l'on regarde le logement du Curé comme
une dépendance de l'Eglife, & que les habitans ne doivent que les groffes réparations. Tous les Auteurs conviennent de la n.ême maxime; Goard, traité des bénéfices, rom.
2., pag. 394; le Commentateur d'Orléans, fur l'art. 22. de
l'Edit de 169); Decormis, tom. 1, col. 3)1; l'Auteur du
Diél:ionnaire canonique, va. logement; pag. 193 ; Denifart ,.
va. presbytere G' Màrguilliers, rapportent plufieurs Arrêts du
Parlement de Paris qui ont fournis les Curés aux répara-.
tions d'entretien, & enrr'aurres l'Arrét de Réglemenr du'
25 Mai 1H), qui fait défeofes aux Marguilliers d'employer
DU
PALAIS
nE
PROVENCE:
223
les deniers de la fabrique aux réparations du presbyrere , fous
peine de radiation dans les comptes, & oblige les Curés
de faire faire exaél:ement les réparations locarives & .ufufruitieres, à peine de répondre des groffes répararions qui
{urviendroient fa ure de les avoir faites. Mr. de Bezieux ,
liv. l , tit. 2, chap. 3, §. 2, rapporte l'Arrêt du 26 Avril
1709, rendu au profit de la Communauté de St. Tropés.
Autre Arrêt du 'l Avril 1713, qui condamne la Communauté de Fuveau aux groffes réparations, & le Chapitre Sr.
Viél:or, gros décimateur, aux menues.
On répondait pour les Dames de la Celle, qu'elles tenoient le fief & l'Eglife de Cabaffe, non à titre d'aucun
Bénéfice-Cure, mais bien de la libéralité de nos anciens
Souverains, fuivant les Chartes d'Ildefons Premier en I I 67;
& d'Ildefons II en 1202. Delà elles n'ont jamais contribué
ni dtt contribuer à aucun loyer ni à aucunes réparations
de maifon curiale. Les habitans de Cabaffe ne recurent
leurs habitations avec différentes portions des fonds', qu'à
titre de tenue fervile, de la main du Souverain, & fucce{fivement des Dames, à la charge d'améliorer & non détériorer, ce qui comprenoit les réparations d'entretien de
bâtimens dont ces habitans ne pofféd.oient que le domaine
utile, à condition qu'ils payeroient la dîme; ils n'eurent garde
de demander à leur Souverain de conrribuer à conHruire
ou à réparer le logement dû par les habitans aux Prêtres que
chaque Souverain, Patron laïque, & à leur place les Dames
nommoient. Depuis l'Edit de 169'l , les vaffaux ont fait les
réparations de leur maifon curiale, & quelquefois en concours avec le Curé, felo{l les occurrences & les difculIions
furvenues entr'eu){; preuve bien- évidènte que les Dames
n'avoient jamais contribué ni dû contribuer à auct;ne réparation. La caufe du· vaffellage emphytéotique fubIiftant
toujours, les vilffaux ,. de leur aveu ,. font· redevables d'un
droit d'indemnité envers. les Dames; leur obligation 'dérive
du même principe de. leur poffelIion fervile , main mortable,
qui ne les difpenfe point du_ paéle prjmitif des mélioratiolls,
pOlIr empêcher les dégradations par les réparations d'emre-
Jou R N .Jo. L
tien. Donc les vairallx ne peuvent point en rejetter la furcharge au préjudice des Darnes qui en po{fedent la Seigneurie & l'Eglife de Cabaire avec les dîmes inhérantes
aux droits feigneuriaux avant l'établiirement des BénéficesPrieurés-Cures.
S'il était queHion de Prieuré-Bénéfice-Cure, on s'arrêterait à rappeller par ordre de temps les divers Réglemens des Conciles provinciaux tenus en France concernant les maifolls presbytérales· dépendances des bénéfices. L'on trouverait que l'ancienne difcipline de France
comprit les Abbés, Prieurs, Curés & autres Bénéficiers
aux termes du Concile de Paris de l'an r 336, ch. ro:
Abbatibus, Priaratibus, Curatis & Benificiatis aliis, rle permittant Manafleria feu damas ruere. Auffi voit-on que fuivant les Ordonnances de 110S Rois & la jurifprudence du
Parlement de Paris, les habitans & biens tenant des Paroiires [ont tenus de donner un presbytere ou logement
convenable à leurs Curés, s'il n'y a ufage contraire. S'il
faut d'abord obferver la coutume des lieux, comme le dit
Van-Efpen, parr. 2, tir. 34, ch. 8, n. 20, l'autorité de
ce CanoniÜe fe tourne en faveur des Dames, relativement
à leurs titres & à l'ufage local prouvé par écrit, d'après
lequel ces Darnes n'ont jamais contribué à aucune réparation ni loyer de la maifon curiale acquife par les habitans fous la direél:e univerfelle du Monaaere.
On réponâoit pour le Syn,d ic du Clergé, qu'il importait peu d'examiner la doél:rine de Dccorinis, qui fixe
effeél:ivement trois claires de réparations, quant à ce qui
concerne les maifons foumifes en même temps à un
droit d'ufufruit & à un droir d'ufage. L'on convient ,
que dans ce cas, rO. les réparations foncieres feraient
à la charge du peuple; 2°. les ufufruitieres à celle du
décimatel1r; 3°. les menues ou locatives à celle du Curé.
Il exiHe dans ce cas trois différens droits. placés fur trois
têtes différentes, & chaque tête doit fupporrer les charges
relatives à fan titre. Mais Deçormis ne parle que du prin- .
cipe
124
DU
l'ALAIS
DR
PROVEN-CIl.
225
cipe général, c'el1:-à-dire, du cas hypothétique où l'on
trouve dans le même -temps & fur le même fonds le concours des trois différens titres, d'où doit naître par raifon
de conféquence la divi(iQn de trois efpeces différentes de
réparations. Il n'el1: jamais entré dans la tête ni dans lesprincipes de· Decormis de foutenir que le décima te ur el1:
ufufruitier. Il ne le regarde comme tel que dans les maifans prieurales, qui font effèél:ivement attachées au tirre du
bénéfice, & fur lefquelles les Communautés n'ont abfolumenr. rien à voir. Mais les presbyteres fournis par les
Communautés fe régilfenr par d'aurres principes. Les Communautés en font les propriéraires; les Curés en font les
ul:lgers, & le décimateur n'ayant avec ces édifices aucune
efpce de rapport, ne contraél:e conféquemmenr à cet égard
aucune efpece de charge & d'obligation.
Les Communautés font propriétaires des presbyreres,
puifqu'elles les fournilfent ; elles les polfedenr, pu ifqu'elles
en payent les cen(ives & le droit d'indemnité, qui ne font
rien de plus que les charges de la polfefIion. Si les décimateurs en éroient les ufufruiriers, n'en devroient-ils pas
les charges anr.uelles? La Communauté payeroit - elle le
droit d'indemnité, les cenfives pour un fonds qui feroie
polfédé par tout autre? Delà dell1l; conféquences : - 1°. le
Curé, quoique habitant dans le presbyrere, n'en eft pas
même ufufruitier & le vrai poift,lfeut, puifque ce n'dl:
pas fut lui que les Loix rejettent les charges de la po(fefIion; 2°. bien moins encore le déeîmateur fera-t-il ufufruitier & polfeifeur, puifqu'il ne peut pas même entrer
dans cette maifon curiale dont le Curé n'eft que l'ufage!:.
Le titre du Curé, en tant qu'il eH réduit au fimple ufage,
peur d'aurant moins être conteflé, qu'il ell certain que le Curé doit habiter par lui-même la maifon curialë , fans pouvoir
la louer' à d'aurres, ni moins encore en faire _un autre
profit. Il a donc néceifairement un droit inférieur à celui
de l'ufufruitier; & (i le Curé qui prend fan logement dans
le presbytere, ne pèut pas en être confidéré comme l'ufuAfllléa l77 5 & 1776.
F f
Z2.~
Jou
Il. N A
i
fruitier, s'il n'en a pas les dl:oits & les privileges; corn";
ment pourra-t-on endoJrer au décimateur le rapport & les
charges de l'ufufruitier fur une maifon dans laquelle il n'a
pas même le droit d'encrer? Quel droit le décimateur a-t-il
fur le presbytere? quelle fonél:itln peut-il exercer dans cette
maifon? quel rapport peut - il avoir avec elle? C'eR: le
peuple qui le fournit, & la fourniture en dl: faite au Curé;
le décimateur n'encre pour rien, ni dans le fait de la Communauté qui fournit le presbytere, ni dans celui du Cur~
qui le reçoit; il n'y efi pas même appellé; le peuple &
le Curé s'arrangent encr'eux fans le confu!ter. Le Curé
jouit enfuite fans aucune participation de la part du décimateur; ce dernier ne peut infpeéler ni la fourniture faite
par le peuple, ni la poifeffion fubféquence du Curé; il ne
peut pas voir fi la maifon a b.efoill de ces réparations
locatives, qui faute d'être faites dans le rems, fe con vertiifent enfuite en réparations d'entretien; & l'on fent bien
qu'il n'efi pas toujours polIible de voir expérimenralement
fi les réparations d'entretien procedent ou non du défaut
d'avoir fait dans le temps les réparations locatives.
Inutilement voudroit-on perfuader que par cela feul que
le décimateur efi obligé à fournir les alimens au Curé, il
efi également obligé à lui fournir l'habitation qui fait partie
des alimens, puifque dans tous les cas le décimateur n'efi
pas fournis à la fourniture de cetre maifon; le principe
des alimens ne peut donc lui être appliqué. En empruntant cerre raifon des alirnens, puifée dans Van - Efpen ,
tom. 2., part. 2., feél:. 4, tit. 3, ch. 8, on auroit dû
dire que cet Auteur, après l'avoir propofée au na. 1 &
fuiv., la difcut,e & prouve que le décimateur n'eH foumis
qu'au paiement de la portion congrue, & non à la fourniture indéfinie des alimens eh faveur du Curé; d'où il
conclut que la fourniture de la maifon presbytérale ne fait
jamais partie des alimens dus au Curé.
Dans tous les temps connus, les peuples ont logé leurs
Pafieurs; ils ont donc dù dans tous les temps être nourris
\ DU
PALAIS
DB
PROVENCE.
2'1.7
& logés aux dépens des peuples. On ne peut pas dire
qu'au moyen des dîmes, le PaHeur devoit {e loger luimême; on ne trouve depuis ceue époque aucur.e Loi ni
canonique, ni politique, qui ait fournis le décimateur à
fournir le logement, ou qui ait difpenfé le peuple de la
primitive obligation de loger (on Pacteur.
Les décioons, tant canoniques que politiques que l'on
connoît en France, s'accordent unanimement à rejetter la
charge de la fourniture fur le peuple. Le Concile de Lan<7res
de 14)), rapporté par Mr. Piales d'après Bouchel," n'a
béfoin que d'être médité, pour prouver qu'aux termes de fes
difpootions, il faut regarder comme une vérité de principe
l'obligation dans laquelle les habitans fe trouvoient de fournir le presbytere & de le réparer; rien de plus précis que
Je trait par lequel il débute: quia parrochiani ad œdificationem domûs presbyteralis tenentur. Aux termes du Concile,
l'obligation de fournir la maifon curiale tombe donc inconteHabJement fur le peuple. Il ne faut pas être étonné fi le
Concile de Bourges rapporté par Caba1rut, noti. & Ecclef.
pag. 662, n. 6, porte expreffément:.fi qui parrochi domus
non haoebunt, curent Epifcopi, ut.parrcc!zianorum expenjis
extruantur. Telle efl: donc l'ancienne pratique du Royaume;
Je peuple fourniffoit la maifon curiale, tant avant qu'après l'etabliffement des dîmes, & l'obligation de réparer
n'étOit qu'une conféquence de celle de fournir. De-là viennent les Loix françaifes. L'Ordonnance de Blois, art. ) 2,
l'art. 3 de l'Edit de Melun .n'étaient-i1s pas formels là-deffus? C'en Line vérité certaine que le décimateur n'étoie
fournis à rien fournir; & .quand l'Ordonnance de Blois &
l'Edit de Melun ont invité les Evêques & les Archevêques
à veiller à ce que les Curés fuffent convenablement logés,
ce n'eH certainement pas pour que les Curés fuffent contraints à fe loger eux-mêmes: l'obligation de fournir le
logement tomboit donc alors fur le peuple. Tel érait le
véritable état de la légiflation françaife à l'époque de l'Edit de 169)' Cet Edit, en foumeuant le peuple à fournir un logement convenable aux Curés, n'a fait que re-
F f2
,
:1.2.8·
J 0 t1 RNA L
nouveller les Loix préexill:antes; toUS les inrerpretes l'at~
tell:ent de même. De-là avant l'Edit de I691' tous les
Parle mens -jugeaient qu'à défaut de titre & d'ùfage local,
l'obligation_ de loger le Palleur tombait fur le peuple.
On trouve ces Arrêts dans Brillon, va. preshyte!'e, va. décimat.:ur & va. Bénéfice.-Cure, n. 22, dans- Expilly, chap.
I 33, dans Chenu, réglem. tit. I, chap. I 4, & dans Chopin
de Monafl, lib. 3, tit. 24. L'art. 1 de l'Edit du mois de
Mai 1768 décharge le décimateur de toure autre preftation que celle des objets y énoncés; il d~ëide confé. quemment que les con ftruél:ion & réparations des presbyt-etes ne peuvent pas affeé1er le décimateur.
. Lors de l'Edit de 1691' la regle étoit établie de maniere que tous les objets étant confondus, le décimateur
contribuoit pour un tiers, & le peuple po).Wies deux tiers,
reHans. Mais cette jurifprudence avoit été précédée par
une autre qui rejettoit en entier fur le peuple les frais de
la conl1:rùél:ion & des réparations. On en trouve la preuve
dans Pal1:our, de Ecclef. œdif. & repar. n. 6 , dans Boniface
& dans Decormis, tom. l , col. 314. La contribution
pOUl' ,un riers n'a .pas fubûl1:é plus de rrente ans, fuivant
l'obfervation de Decormis. Au furplus, on ne peut pas
prendre droit de ce que Decormis obfe.rve, que fuiva'Jt
l'ancienne jurifprudence, la Communauté fournilfoit le presbyrere, & le Prieur étoit eufuire obligé de l'entretenir &
de le réparer. Cet Auteur parle des maifons prieurales
dont les Prieurs-Curés font vrais ufufruitiers, fuivant l'obfervarion de Mr. Debezieux, liv. I , tir. 2 , ch. 3, §. 2,
& de Decormis lui-même, pag. 3'Î 9. Mais quand la maifan n'el1: que presbytérale, il n'el1: pas poffible d'en rejetter les répararions fur le -décimateur, parce qu'en' vrais
principes l'obligation de réparer el1: une conféquence de
celle de fournir, foit' parce que le décimareur qui n'ell:
point Curé, ell en {Out fens érranger à ·Ia maifon curiale,
& l'on ne peut l'en conûdérer comme ufufruirier qu'en
faifant violence à tous les principes.,
_ D'ailleurs la quel1:ion concernant le décimateur s'el1: pré-
l> u PAL AIS Dl! PRO VB NeE:
~19
[entée; mais dans un fens inverfe à celui que l'on traite.
On n'imaginait pas que le presbytere étant mis par nos
Loix à la charge du \ peuple, le décimateur pût êlre fournis à la moindre contefiation à cet égard; mais les décimateurs eux-mêmes ont au contrairè mis en queftion
s'ils devoient contribuer aux réparations à raifori des biens
fonciers qu'ils poffedent dans la Paroiffe & à l'égal des
autres poffédans-biens; fur quoi les Arrêts ont décidé qu'ils
devoient y entrer comme les autres poffédans - biens du
terroir'à raifon des biens fonds feulemènr. C'efi ce qu'bbferve Bafnage fur l'art. 55 de la coutume de Normalldie.
Routier dans fes Pratiques bénéficiales, pag. :2.11. Jouffe
établir auffi le même principe au fujet des réparations fUr
l'arr. :2.:2. de l'Edit de 1695'
La jurifprudence moderne veur que le peuple fupporte
toutes fes groffes réparations, &' les Curés ne fone fournis
qu'à payer les menues & locatives : il efi donc certain
que toutes les réparations qui ne font pas les menues &
locatives, font comprifes dans la claffe des groffes réparations. Il n'efi donc rien de plus contraire aux principes
& à l'ufage univerfel ,-que de. divifer les groffes réparations en réparations foncieres &~ de gros entretien, & de
former une troifieme claffe pour en faire fupporter la dépenfe au décimateur. L'ufage général efi confiant; Goard,
rom. 4, pag. 398, attefie la jurifprudence du Parlement
de Grenoble; celle du Parlement de Paris eH fuflifammenc
-,oRfiatée par Denifart, pag. 151, qui cite deux Arrêts
du Confeil du 8 Mai 1703 & l Février 173:2., revêtus
de Lettres-patentes, qui ont été rendus pour le Languedoc,
& par lefquels il a été décidé que les Paroiffiens devaient
être cotifés pour les cônfiruél:ions & réparations des maifans presbytérales.
,
Il eH convenu que l'Edit de 1695 a fait ceffer en Provence la reg~e du tiers ,qui s'y trouvoit précédemment
établie; il réfulte de la doél:rine de Decormis, que l'Edit
de 1695 fut re'iu en Provence, & qu'il fut exécuté comme
mettant les décirnateurs hors de toute charge [ur le loge-.
30
]
0 UR NA L
ment du Curé. Gibert, corp, jur. canon. tom. 2., traél.
pojler. tit. 10, de rec1or. Ecclef. parroch. fea. 17, 8, 2,
pag. 222, atte!l:e la !l1.ême chore; il nous apprend que l'Edit
~e 169) a inlroduit parmi nous des regles nouvelles, &
que les habitans font chargés tout à la fois de fournir &
d'entretenir le presbytere. Un Arrêt a décidé que le presbneçe de la Paroiffe St. Laurent feroit réparé à la charge
du .peuple. L'Arrêt du 2 Mai 1737 y condamna la Communauté de Miramas. Ainli tout ell: en faveur des décimateùrs de Provence: principes généraux, loix particulieres
de la matiere, Arrêts de toutes les Cours, ufàge' tant
Î1niverfel que local; tout arreHe que le décimateur qui
n'efl: ni' propriétaire, ~ ni même ufager du presbytere, n'a
point de réparations ,à ftlpporter paUr raifon de cet objet.
S'il exifl:oit à cet égard un ufage local, il ferait comre
les Loix & contre les principes.
, Arrêt du 23 Juill 177) , au rapport de Mr. le Confeiller
de Fabri Borrilly, qui confirme la Semence avec dépens.
Ecrivant Mes. Pafcalis, Gaffier & Bonnaud Saint-Pons. La
Pr,ovince étoit intervenue au procès pour la Communauté:
La Déclaration du Roi du 1 1 Mars 1783 foumet les
Communautés de Provence à fournir un logement convenable aux Curés, qui feront enfuite tenus des réparations
purement locatives; & quant aux réparations groffes ou
fonCieres, & à celles d'entretien ou ufufruitieres, elles feront à la charge des décimateurs pour un tiers, & des
1
Communautés pour le~ autres deux tiers.
/
,
1
')
L
.
ARRÊT
XIX.
Sur l'effet de la date qu contrôle d'une écrite privée.
'
Le pouvoir donné par 'le Seigneur direa
fan Procurwr
fondé, d'exiger les cenfes & les lods, de lionner l'invefÛture, même avec ceffions des droits, Ii be foin eU,
renftrme-t-il celui de céder le droit de prilation ?
a
Ar aae du l Mai 1772, Jean Reginel, Marchand
du lieu d'Eiragues, acquit de Pierre Fabre, Hôte dd
même lieu, une maifon & cour pour le prix de 300 liv.
Il rapporta ceffion du droit de prélation du Procureur fondé
du Seigneur, par écrire privée du l Juin d'après, qu'il fie
contrôler le 6 du même mois à fept heures du matin. Le
même jour après midi, affignation pardevant Notaire de
la parr de- Jean-Jofeph Fabre, Négocia'nt de Châteaurenard, en défemparation qe la maifon par retrait lignager.
Reginel répondit qu'il étoit préférable à Fabre, ayant acquis le droit de retrait féodal. Le Juge d'Eiragues fit droit
au retrait lignager. Appel au Lieutenant d'Arles qui réforma avec dépens. Appel au Parlemenr.
Suivant les Arrêts de la Cour (diCoit Fabre) le retrayant
lignager ne pem évincer l'acquéreur de fa po{felIion, lorfqu'elle eU Coutenu6 de la celIion du retrait féodal. Mais
cette ceffion ne pellt être utile & profitable à l'acquéreur,
qu'en tant qu.'elle a été faite avant que le retrayant lignager
fe foit préCen'té pour exercer Con aaion. L'acquéreur une
fois affigné en défemparation du fonds qu'on lui a tranfporté, toue ce qu'il entreprend, tout ce qu'il peut faire
pour fe maintenir dans fan acquifition, eU confidéré
comme une fraude à laquelle la Jufiice ne fauroit fe
prêter.
Il faut a'ailleurs difiinguer hl ceffion contenue dans un
aél:e public, de celle qui eft faite par un 'aae fous feing
P
2.32.
JOURNAL""
privé. Da~s le premier cas, 1 il elt indifférent _que l'acquéreur contre lequel on exerce le retrait, repré[ente lOFs
de l'afiign~tion le titre par kquel le Seigneur lui a cédé [es
droits. L'autorité publique dont ce contrat elt revêtu, lui
affure d'une man~ere conflante & inébranlable la preuve
dont il a be[oin pour établir que la ceffion exiltoit au
temps de la demande. Dans le [econd cas au contraire,
l'acquéreur doit néceffairement manifefler la ceffion du retrait féodal dans l'in{bnt même qu'on lui fignifie la demande du retrayant, parce qu'il dl: de principe qu'un
aél:e fous [eing privé ne peut avoir une autre date que
celle' du 'jour auquel on le produit: De forte que fi l'acquéreur différoit de faire paroÎtre la" cefiion du retrait
féodal, il fourniroit au retrayant un moyen invi'ntible pour
foutenir qu'elle a été faite poHérieurement à la demande
& en fraude de l'aél:ion qu'il a intentée. C'clt ainfi qu'on
lè pratique à l'égard du débiteur qui al\egue d'avoir payé à
fon créaucier les Commes qu'un. tiers fait arrêter entre [es
mains : s'il repréfente lors de l'exploit de faifie la quittance juHificative du paiement, il acquiert par-là un titre
certain pour fe faire décharger de la demande en" expédition des fommes arrêtées; mais s'il néglige "cette précaution indifpenfable, on ne regarde alors la quittance qu'il
produit que comme une piece Ju[peél:e.
Le défam de repréfentation lors de l'affignation forme
donc contre Reginel une preuve évidente que l'aél:e a été
fabriqué dans la fuite pour éluder l'aél:ion du retrayant.
Par quelle raifon, par quel motif Reginel différa-t-il
pendzm" fix jours de faire contrôler cet aél:e? Peur - on
croire "que fi l'acquéreur avoit préparé d'avance le titre
qui devoit le mettre à l'abri du retrait lignager, il eut
négligé de lui donner la publicité, qui [eule pouvoit affurer
l'effet de fa vigilance?
La relation du contrôle eft concue en c;es termes: COIltr6lé il Eiragues le 6 J~i!l 1772,' R. quatorje fols a.fept
heures du matin, ainfi r~'luis . .Si on avoit écrit la déclaration de l'heure dans le même inftant du contrôle de
l'aél:e,
-
DU
PALAIS
DE
PROVENCE.
233
l'àél:e, on l'aurait inférée immédiatement après la date du
. jour du contrôle; elle a donc été ajoutée après coup, &
lor(qu'on eut connu, par la lignification de la demande,
la l1éceffité où l'on étoit de. conflater qu.e la ceffion exil:"
rOll' anparavant. La demande en retrû, a. été lignifiée le
même jour auquel on a contrôlé la ceffion. L'acquéreur
qui avoit tout prévu, qui connoilfoit tous les effets que
l'on tirre devoit produire, qui venoit de le rendre public,
parce qu'il [avoit qu'il devoit bientôt en faire ufage, demanda cependant un délai de vingt-qnatre fteures pour répondre, .ce qui prouve qu'il n'avait pas encore conçu le
projet de (e procurer par un aéte frauduleux le titre dont
il avoit be(oin pour [e maintenir dans [on acquilition. Tout
[e réunit pour démontrer que c'elt dans l'intervalle qu'il y
a eu de la iignification de la demande à la répon(e de
Reginel, qu'on fabriqua la ceffion dom on. [e [en an jourd'hui pour exclure le retrayam lignager.
Les Edits qui ont introduit la formalité du contr.ôle des
aél:~s, n'ont eu d'autre objet que celui d'en fixer la date;.
la formule que l'on dilhibue aux Contrôleurs, ne leur indique d'autre fonélion à remplir que celle de déclarer la
. date de l'année, du mois, du jour, le nom des' per[onnes
qui ont palfé les aéles, & les droits qu'ils ont exigé. L'expreffion de l'heure elt ab(olument indifférente & é.trangere
à l'objet du contrôle. On n'exige la [olemnité de l'in(cription de faux pour cOl11battre le témoignage d'un Officier
public t'lue parce qu'il s'agit d'altérer, d'ébranler la confiance que la Loi lui affure dans l'exercice du miniltere
dont elle l'a revêtu. Or, dès que la Loi n'a pas prépo(é
les Commis au contrôle pour conHater l'heure à laquelle
on donne aux aéles la publicité qu'elle delire, il s'enfuit
que toures les déclarations qu'ils peuvent faire 11 ce fujet ,
pe (auroient participer à l'autorité due aux aéles c;ue la
main d'un Officier public a formé : c'eH le témoignage
~'un !impIe particulier; c'eH: une atteitation viiiblemem
m,endiée., contre laquelle on n'a pas be(oin de palIèr à.
Années 1775 & 1776.
Gg
•
~34
Jou RNA L
rinlèription de faux, pour établir le contraire de ce que le"
Contrôleur a attefié.
On ajouroit pour Fabre, que la procuration du fieur
Gilles l'aurorifoit fimplenlene d exiger les cenfts, d rece'Voir les lods, d 'donner l'ùlvejliture aux 1l0IlVi:nUX poflèffiurs,
faire reconnaître les emphytéotes, du reçu de tout donner'
quittance aux payeurs, talU publiques que privées, même avec
ceJlion de droits, fi befoin était. Le Procureur du Seigneur
s'eH: donc arrogé le droit de céder le retrait féodal. La
Loi veut que les procurations parriculieres foiene refireinees
& limitées aux objets qui y (one nommément exprimés,
& on n~ peut par de fimples induél:ions attribuer au Procureùr un pouvoir que le mandant n'a pas cru devoir lui
accorder. L'inveHiture efi un aél:e par lequel le Seigneur
dominant accorde à l'acquéreur la faculté de pofféder le
·fonds qu'on lui a vendu. Le retrait féodal au coneraire el!:
Je droit qu'a le Seigneur de retirer par la puiffance du
Fief le fonds que (on vaffal ou emphytéote a aliéné. Le
premier tend à confirmer la vente, à' en affurer l'exécution, tandis que le (econd en opere la réfolution. Le droit
de donner l'inveHiture, & la faculté d'exercer le retrait
féodal, forment donc dans leur objet & par les effets qu'ils
'produifene, deux droits abColumenc différens : comment
feroit-il poffible de les regarder comme dépendans l'un de
l'autre.?
La claufe de la procuration, qui porte que le Procureur
peur même faire ceJlion des droits, fi befoin ejl, ne (e rapporte & ne peut (e rapporter qu'à ce qui la précede immédiatement. Or le m:anda'ne n'a entendu permettre à fon
Procureur de céder fes droits que par rapport aux fommes
qu'il devoit exiger & recevoir en (on nom. Ftn-il permis
d'appliquer cette tlaufe à tout ce" qui précede, il eH certain que le droit de céder le retrait féodal ne pourroit
être confidéré comme une dépendance du droit de donn 7r
J'inveHirure. ,Peu importe que le Seigneur d'Eir<lgues ·alt
déclaré qu'il avoit entendu donner à fon Procmeur'le poû';
i'
'.\1
DU
/
PALAIS
DE
231
PROVENCE.
voir de céder le retrait féodal. Il ne s'agit pas de' favoir
fi le Seigneur a eu véritablement l'intention de con,prendre ce droit dans le nombre de ceux qui ont f:1ir J'objet
de fa procuration, mais de décider fi cette volonté réfulte
clairement de 1a difpofition de l'aél:e. Or, élant certain q~e
le Procureur n'a pa,s reçu ce pouvoir, les déclarations que
l'on a pu faire dans la fuite ne fauroient en changer la nature & en étendre les effets.
On répondoit pour Reginel, que le rern!it lignager ell:
amant contraire au droit qu'à, la liberté du commerce; &
quoique quelques Auteurs, même du pays aiem dit qu'il
éroir favorable, comme tendant à conferver le bien dans
les familles, il ell: néanmoins certain q.u'en I\line Jurifprudence, il eH odieux & reHringible; au lieu que le retrait
féodal mérite toute faveur, tant dans fon principe que dans
fes effets: dans fon principe, parce qu'il eh: réfervé dans le
contr3t 'conf!:iturif de l'emphytéote; dans fes eflèts, parce
qu'en l'exerçant, le Seigneur réunit à fon fief, quand il exerce
pour lui-même, & il cboifir un emphytéote plus agréable,
qua'nd il exerce le retrair, med/ante cefJionario. C'eft l'obfervation que fair Mr. de Tboron , de laquelle il naît deux
conféquences: 1°. c'eil contre le droiç qu'on a déclaré le retrait lignager préférable à la ceffion du droit de prélarion; 2°. on
a retenu le droit commun & route la faveur Llu'il peut mériter, dans je cas où l'acheteur joint au' titre de fon acquifition la ceffion qu'il a rapportée du droit de prélation. Si
dans ce cas le ceffionnaire du Seigneur eH préféré,
c'ef!: moins à raifon de ce qlle dl/o vinCI/la {tlllt fortiora, que
parce que l'on " vu qu'au moins dans ce cas complexe, le
droit commun' devoit être gardé.
Cela pofé, l'écrite'de ceffion étant fous la date du l Juin,
il eft certain que cette date toute privée ne ponrrait ~voir
aucun effet contre le tiers, tant qu'elle reLte dans cet etat;
mais cette date eft affurée par le contrôle, dont le regiHre
fait foi, ex cOflfeJ1is, jufqu'à l'infcription de faux, pour ce qui
concerne la date du jour, comme celle de l'heure, Il eft trèscertain que la relation du contrôle étant du 6 Juin, Jo[eph
Gg
2.
~36
' Jou RNA L
Fabre Ïle pourrait ~tre admis à dire que la piece a été con":
tr61ée le 7, qu'autant qu'il prendrait la voie de l'infcriptian en faux, & qu'il rapporteroit la preuve de cette antidate.
In'utilement objeél:e-t-on que l'expreffion de l'heure efl:
affeél:ée &. inulitée. Il fe préfente une foule de cas O~I il
efl: effentie! ,que l'heure, le moment, de l'aé1:e foient fixés
par l'aé1:e lui-même. Delà vient que dans tous les c-as, dans
tous les aé1:es où cette expreffion peut dèvenir utile & néceffaire, la mention de l'heure fe trouve exprimée fans
, difficulté', &. la main publique qui dl: chargée de la rédaction ne pourrait alors, fans prévariquer, fe refufer à cette
·énonciation. Il efl: en effet des cas dans lefquels le moment,
la minute décident du droit des parties; &. il eH: de maxime
que dans le concours des aé1:es du même jour, ceux qui
portent l'expreffion de l'heure font préférables, parce qu'on
les con.!idere comme faits avant les aucres portant la dace
du même jour: delà l'expreffion de l'heu re, loin de former
un vice dans le titre, ne fere au contraire qu'à le rendre plus
légal &. plus pur.
Les Loix ont établi le contrôle pour authentiquer une
écrite privée; c'eil: un moyen qu'elles ménagent à touS les
citoyens, pom manifeHer aux yeux de la fociété les titres
privés dont iis font porteurs, &. pour en affurer la date;
s'il avoir tté poffible d'aller pard6vant un Notaire, Reginel
n'aurait pas manqué d'y recourir, &. d'exiger de lui l'expreffion de l'heure. Le minifire de l'opération qu'il devoit remplir, pour donner dans le moment date & valeur à fan titre,
& pour en affurer l'exécution COIJtre tout d!mandeur en retrait, n'était pas un Notaire, mais le Contr6leur. Il a donc
pu, il a dû exiger de ce dernier la même énonciation qu'il
aurait exigée d'un Notaire, &.' que ce dernier i'l'auroit pas
pu lui ,refufer. L'expreffion de l'heure efi donc légale,
ufitée, elle écoit néceffaire au cas préfent; elle n'a donc
rien d'affeé1:é. Où efl: la preuve que l'écrite portant ceffion
du droit de prélation ne fut faite & contrôlée que dans
J.e temps intermédiaire de la lignification de l'exploit à la
DU
PAI.AIS
DE
PROVENCJl:
237
'réponre de Reginel? Ne trouve-t-on pas la preuve contraIre
dans la relation du contrôle? Qu'on prenne donc la voie de
l'infcription en faux, ou que tout au moins 00 entreprenne
de prouver que le contrôle de la piece n'a pas été fait à
lèpt heures du matin, ainfi qu'il ell: dit dans la relation.. de
l'article; mais tant que cette relation fublitl:era, il f:1udra
tenir pour certain que la piece étoit contrôlée avant l'affignation. Si Reginel n'a point montré l'écrite portant ceffion du droit de prélation dans le moment de la lignification de l'exploit, c'etl: parce qu'il avoit une réponfe à faire,
comme il la fit rout de fuite le même jour après avoir pris
avis. Après cela, qui peut dire qu'il y a fraude dans le procédé de l'intimé, & faux dans la relation du Contrôleur?
A défaut de preuve, l'expreffion de l'he~:e fera toujours
aufIi bonne, au.fIi légale que l'expreffion du jour contre laquelle on ne pourroit s'élever, qu'en adminiJlrant la preuve
contraire. Ainfi il n'y a nulle rairon d'abandonner l'expref,fiot) de l'heure portée par la relation du contrôle, & de
conGdérer le contrôle de l'écrite & de l'exploit d'affignation
comme étant en concours du jour & de l'heure, puifqu'il
e{l: certain que l'affignation ne fut donnée qu'à dix heures
du matin, & que la piece avoit été contrôlée trois heures
auparavant. Il n'y a donc point de concours dans la date
des deux pieces; & s'il y avoit concours, il n'y auroit pas
lieu de fe déterminer en faveur du lignager, parce que la
véritable marche des principes feroit de préférer le ceCfionnaire du Seigneur au' parent qui veut retraire.
Sur le pouvoir du Procureur du Seigneur, on répondoit
que la procuration lui donnoit le droit d'exiger, &c.... mime
avec cefJion des droits, fi hefoin étoit, & généralement faire
ce que le cas requéroit, & ce que le Seigneur conflituant feroit lui-mime, hien que le cas requît un mandat plus fPécial.
La lettre de l'aél:e el!; formelle. D'abord la c1aufe, mime
avec cefJion des droits, fe trouve exprimée dans un Cens indéfini; elle etl: donc illimitée. D'autre part, la claufe, mime
avec celfion des droits, Ce rapporte à tout ce qui précede.
pn trouve dans ce qui précede la f:1culté de donner in-
238
Jou
RNA L
vefriture-da c!aufe, avec cejjion des droits, eil atcolée à cette
faculté, comme à celle de recevoir le paiement des cenfives
& des lods, & de quittancer en conféquence. Au moyen de
quoi, il dt vrai de dire, en raifonnanr fur la teneur linérdle. dll titre, que le Procureur avait le pouvoir bien exPlicite, q'ir>veltir avec ceffion des droits du Seigneur. Il avait
donc indu,bitllblemelJt le pouvoir de céder le droit de prélati0n, puifque la ceffion des droits du Seigneur, relatifs
à l'inveHiture, n'eH & ne peut être autre cho{e que celle
du droit de prélation·. Suivant l'e{prit de l'atte, le pouvoir
du PrOçmelJr ea {ans bornes; il a droit de faire rout ce
qui reqLHhoit un mandat {pécial, & que le Seigneur pourrait
faire lili-mê01e ; cene claufe prouve affez que le Seigneur n'a
point voulu menlle de bornes à fa confiance, & qu'il a voulu
que fan Procureur le. repréfentât en toutes cho{es dans l'exercice de fes d'roi,ts feigneuriaux; il éroit d'autant plus naturel
de le vouloir" que des raifons dE'tat & de fervice obligent
le Seigneur à s''lbfenter pendant une grande partie de l'année. D'aill,e-urs il n'efi guere poffible d'imaginer qu'en accordant le droit d'inveHir, comme il l'51 fait par exprès, le
Seigneur ait voulu fe réferver le droit de céder le retrait,
dt0it 'qui n'aurait pu que lui devenir inutile, après l'inve{tirure donnée par fan Procureur.
IntltiIement avanc"e-t-on que RegineI s'eil jugé lllÏrmême
{ur le défiçit de fa proc.uration, puifqu'il a rapporté de la
part dl.l Seigneur qui Ce· trouvait {ur les lieux à cette époque, une dé.claration par laquelle ce. Seigneur attefie avoir
rranfflQrté à {on PrOCu(ellr la faculté d~ céde.r {es, droits
{eigneu;:iaux, dans. Ie{queJ§ il 'y efi(?~mpris celui du retraill
féodal, n ésoir en effet afftlz étrange que l'on come fiât les,
pouvoirs,' du L'rac.ureur', tandis q\le l'u{age que. ce Procureur.
en avoit fait, {e trouvoit avou.é- par le filence' du Seigneur,
lui-même; Glence qui da.ns cette partie v,aut {ans co.ntredir
con{entement. Mais cela devie);lt enQore'phis extra,ordinaire,
quand lé Seig,neur a parlé fi qu'il a déclaré neJtemenr:- que
la cel]ion du droit <le préla-tioll étoit C0l11pri{e dans le, titre.
Cette déclal'ation n'efi qu'explicative, & non conilitutive-d'illnl
DU
DB PRO V B N C B.'
:t 39
bare de la décJaràtion ef!: dans l'aél:e.
177), au rapport de Mr. le Conf~iiler
confirme la Sentence du Lieutenant
Ecrivant Mes. Ailhaud & GalIier.
PAL AIS
jJouveau paél:e, & la
Arrêt du 27 Juin
âe St. Martin, qui
d'Ariès avec dépens.
é
ARR Ê T
XX.
Peut-on tratifiger fur la fucceffion d'un défun~, fans avoir Vil,
[on teJlament, quoique l'exiflence en [oit connue)&' qlfill'ée?
A Dame Thel'efe Porte, époufe du lieur Arnaud, Négociant de la ville' de Marfeille, fit un tef!:ament folemuel le 31 Mai 17'58, & décéda le 2 Septembre 1773'
Le 14 Septembre, la Dlle. F rançoife P.orte de la ville de
Saint-l\i]:aximin dema da l'ouverture du tef!:ament; l'alIigna"
rion fut donnée pour le lendemain. Le fair du mêm'e jour',
la Dlle. .Porte renonça' par écrit, au profit du lieur Arnaud,
à l'inf!:iturion teHamentaire, li elle éroir en [a faveur, moyennant une penCion viagere de 1600 liv. Après cet acco rd ,
le lieur Arnaud f<tit un aél:e proteH q ! if, fait contrôler le teframènr, impetre' lettres de' refcilion, fait ajourner la DlIe.
Porte,'pour vqir dire.que les panies feraient remifes au même
état où elles étoienr avant la tranfaél:ion. Sentence du Juge
de Saint-Maximin qui entérine [es fins. Appel au Siege de
Brignoles.; Semence qui réforme eelfe d\;l Juge de SaintMaximin; appel du -fIeur Amaud 'pardevant la Gour.
. 1
.Om diroir pGlur lui ~ qu~ les: clerriieres volontés des hommes
ont été en \lénérwon de. toUS les temps,; le tefl:areur vit
encore aprèS" fa mort; il donne des loix à Ces héritiers: dif
panat teJ1ator,1 &- erit lex. L'exécurion des teJl:amens ef!: de
droit public;..la Loi veille ,pour l'intérêt du citoyen; elle fait
exécuter' lès <volontés. Dellv la .Loi donne a6l:ion à toute
perCotlne pour demanded'ouver.rure de tef!:lldJens, s'ils font
folemnels," pCJUr le~ vo.ir r& len pr:endre'~s, extraies" s'jls f<Dnt
nuncupatifs, & cela quand même les tef!:amens font im-
L
,
240
~
Jou
RNA L
parfaits ou devenus inutiles: puhlicè expedit, dit la Loi ~ ;
tejlam. 'luemad. aper., jùprema homirzum judicia exiwm habere.
Si l'exécurion des teil:amens tient au droit public, on ne
peut paél:ifer fur leur exécution fans connoiffance de caufe:'
delà vien.r que la Loi 6, if. de tranfac7.., prononce la nullité
de tous aél:es intervenus fur un teil:ament dont les difpofttions ne font pas éonnues: de llis controverjiis quœ ex tejlanzento proficifcuntur, neque tranfigi, neque eX'luiri veritas aliter
potef!, quam irlfPec7is, cognitis verDis teflamenti. Les Jurifconfuites qui ont commenté cette Loi, difent que ceux qui tranfigent, ne peuvent pas renoncer à la connoiflànce des termés d'u teHament, & que roure convention & renonciation
eil: contre le droit public, auquel 'il ne peut être dérogé.
(Perezius fur le titre du Code de tranfac7ionibus, n. la;
Faber fur le même titre, déf. 1; Catelan, tom. 2, chap. 46;
Defpeilfes, rom. 2, part. 3, tit. l, p:'g. 487; Peregrinus,
de fideicommiJlis, art. S2, n. 22 & 23; Urcealus fur cerre
Loi, n. l, queil:. 47, part. 3, & Fromental i va. tranfaction. y
On ne peut point en effet tranGger fur les difpofirions
d'un aél:e que l'on ne connoit pas. Cerre prohibition eH
conforme au droit commun, qui ne permet pas que les hommes fe lient par des obligations dOllt ils !;le connoiffent
pas l'étendue, & qu'ils renoncent à, des prétentions qu'ils ne
[avent point encore leur être acquifes. Un aél:e palfé fans
connoilfance de caufe ne mérite ni le nom, ni la fàveur,
ni l'autorité d'une tranfaél:ion. Delà, fi elle éH palfée fur un
blanc feing, ft elle eil: faite non vifis, non difPlInc7is rationi/JUs, elle dl: entachée du même vice. Une,hanfaél:ion paffée
fur un teil:ament qu'on ne connoit pas, renferme fans contredit le mépris le plus.formel à la volonté du défunt; elle
doit être également refpeél:ée, qUdnd il eH, décé:dé ab inteflat ou avec un tefl:ament : dans lé pr.emier:cas, ,il n'a VQulu
avoir d'autre héritier qne celui que la nature-lu.i.; a iloJ1né;
dans Je fecond cas, fa volonté n'en- eil: p.as rmoins refpeo~
table:
,'. 1 - . ) lu)
J•• :
Quelles
if.
DU
PALAIS
DE
X4 f
PROVENCF.
Quelles font les difficultés qui peuvent s'élever fur les
difpoutions d'un teflament qu'on n'a point vu, & dont
l'exiflence efl cependant cerraine? Ce ne font & ce ne peuvent être que l'incertitude de ces mêmes difpoiitions; mais
le doute fur la tia.ftJre des difpoGtions du teftateur ne 'peut
être la matiere d'une tranfaél:ion. En fuppofant que la Loi
de his ,jJ. de tranfac7., ne prononce que la nullité des aél:es
concernant l'exécution des teflamens, dans le cas où les
contraél:ans n'auront point une' connoi1Tance entiere & parfaite du titre fur lequel il efl qneflion de s'arranger, la caufe
de la Dlle. Porre n'en efl que plus défavorable. En effet,
,,/' d'après fes propres principes, la Loi prooonceroit la caffati,on d'un aél:e qui n'auroit fait fraude qu'à une partie de
l'exécution des volontés du teflateur, & elle ne prononcel'oit pas la même peine contre un aél:e dans lequel on fe
feroit arrangé, tout de même que s'il n'exifioit aucun teframeur. Une perfonne qui faura avoir le titre d'héritier, ne
pourra tranGger avec un lég'Jtaire, avec un créancier,
fans avoir vu le teHament; & deux perfoJ,1I1es dédaignant
, de le voir, de s'informer de celui qui aura été l'objet des
vœux du tefiateur, pourront prendre enfemble tel arrangement qu'elles trouveront bOIl.
Quand le teHament eH connu, les motifs de la prohibition ceffent, la volonté dtl tefiateur efl accomplie, la
Loi efi fatisfaite ; l'héritier peut alors à fon gré difpofep des
biens qui lui on"t été tranfmis. Delà la Loi, qui ne permet
pas de traiter fur une'fucceffion dont le teflateur a difpofé,
avant de connoÎt re fes difpoGtions, permet d'en 'traiter,
lorfque le reHament a reCiu fon exécution par la connojffance qu'en a eu l'héritier.
,
En vain affimileroir-on la tranfaél:ion dont s'agit à celle
•
qui eH paffée après un jugement que les parries ignoraient.
Une pareille tranfaél:ion a eu dans fon principe une matiere légitime de tranfaé'tion; c'eft le procès lui-même que
les parties ont voulu terminer, dans l'ignorance qu'il eût été
jugé. Ce n'eH donc pas fur le jugelTleqt, ni pour le méprifer, Xju~ les pan)es [[aofigent, mais Fur leur procès &
Années l775 & l776.
H h
•
"4~
J'o
II R N'A L
l-
Ieurs conteIl:ations qui éwiene réelles & fufceptiblès de
dome. Urceolus, dans fon traité des trallfaéliolls, quefl:. 47;
n. 3 l , parle ,d'un lirige formé fur l'exifl:ence 0 u la nonexiHence d'un teftament; ce litige peut arriver dans des cas
done nous a.vons des exemples: Le dépoutaire d'un teftament olographe ou folemnel peut être attaqué pour le
lepréfenter. Il fe défend. fur ce qu'il n'eft pas obligé. de
J1exhiber, ou' fur ce qu'il n'yen a point. Voilà le feul cas
où la doétrine d'Urceolus trouv~ fon applicâtion, & où la
tranfaétion peut être valable. Mais aucun Auteur n'a dir, ni
pu penfer, qu'à IJinfl:ant de la mort, de quelqu'un, & fans
qu'on v.eulÎlle fé donner la peine d'éclaircir s'il a fait un
tefl:amenq, ou s'il n'en a point fait, il fait permis de tranfiger pour' partager la fuccelIion entre un héritier ah inteflat
& un étranger, & de convenir gue foit qu'il ait tefl:é, foit
qu'il' n'ait pas tefl:é, la volonté qu'il a eu en_ne tefl:ant pas,
de tout'donner à fan héritier.de nature, ou celle qu'il aura
eu de donner à un étranger par un teltament qui exiHeroit,
n'ait aucun effet.
N'eft-ce pas porter encore plus de mépris aux morts,
que de tranuger fur leur fuccelIion', fàns vouloir connaître
leurs difpoutions? La doétrine d'Urceolus efl: inapplicable,
{oit parce qu'elle porte fur un litige formé fur l'exiGence ou
l'inexi!tence d'un tefl:ament, fait parce que quand même il fero(t vrai, d'après cet Ameur, que les parties peuvent tranuger
filr le doute &. fur J'incertitude d'un tefl:amenr, il ne s'en enfuivroit jamais qu'on pLIt en conclure que malgré la prohibition
filite par la Loi de partager & de paétifer fur un teftamenr
dont on ne connaît pas les' difpofitions, on pût paffer tel
aéte que J'on voudrait fur l'incertir-ude des difpoutions; 'ceferait rendre la prohibition de la Loi inutile; ce ferait détruire les motifs d'inrérêt public qui J'one diétée; ce feroit
permettre que la volonté des mourans. refl:ât fans exécution.
Il ·n'eH pas exaétement vrai qu'on puiffe, dans tous les.
cas, tranuger fur la certitude ou l'incéhitude d'un te'!tament. Fallût-H' admettre ce principe,'il ne ferait pas moins
inconteftable que quand l'exiHence du tefl:amené eft affu",;
•
DU
PALAIS
DB
PROVENCÈ.
243
rée, il n'el! pas permis de tranGger fans en connoître les
difpofirions. Or, il ne faut pas confondre le cas où le teframent ell cerrain & connu, avec celui où fon exillence
ell incerraine & douteufe. Dans le premier, ou ne pem pas
rranGger valablement fans favoir ce qu'il porte; c'ell méprifer la" volonté du défunt que de traiter fur des difpolirions fans les connaître.
L'Arrêt rendu en 1764, entre le fieur Ifnard, Négociant
de la ville de Marfeille, & les hoirs d'André Marin, confirma la tranfaélion, parce que la reilitution pour dbl perfonnel ne compétait point àux héritiers, & qu'il n'y avoit
que la perfonne qui avait fou/fert ce dol qui pût s'en plaindre, à la différence du dol réel dont les héritiers peuvent
exciper. L'Arrêt rapporté par "Boniface, tom. ) , pag. 36 1,
ne peut également recevoir aucune application, parce que
la tranfaélion qui fut confirmée avait été paffée fur un teftament connu de toutes les parties.
On répondait pour la Dlle. Porte, que le dol & la furprife font des moyens très-décilifs pour l'enverfer les contrats les plus folemnels, même les tranfaélions ; mais il faut
prouver ce dol & cette furprife, car On ne les préfume pas.
Ici la tranfaélion ell l'ouvrage du fieur Arnaud; la Dlle.
Porre n'y fut que partie paffivement adhéra nte à toutes les'
loix qu'il trouva bon de diéler; elle confentit à tout, parce
qu'elie était réfolue dans tous les cas de fairé un fort à
fan beau-frere; ce fut le lieur Arnaud qui propofa le titre,
qni le préfenta tout dreffé, qui le remit au Notaire,
qui le fit paffer fous les yeux de Me. Silvy, fob ami, & qui
preffa la confommation & les fignatures. Le fieur Arnaud
eût-il éré malade & en. danger de mort, la tranfaélion n'en
feroit'pas moins légitime; il n'y avait pas à choilir fur le temps
de la paffer. LI! reltament. devait être ouvert vers les dix
heures du matin; il falloit prévenir le moment Oll les difpolirions de ce ritre· (eroient ,:onnues·, puifqu'il était queftian de tranGg-er fur l'incertitude de ces mêmes difpoIitions.
La tranfaêlion dont s'agit eil un contrat aléatoire; chaque .partie y vend (es efpérances fur la fucceffion de la
H h
2.
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:l44
Jou RN''' L
Dame Porte. La Loi décide que LI vente de l'efpérance
n'eH point interdite, fPei CfuaCfue ac7ia 1/. Elle confirme
la vente d'un jet de filet, jaaus retis, d'une fubHilUtion
dont la condition eH in pendula, & de tout droit que l'on
a in fPe G' in hel'bâ, comme difent les inrerpretes. Dans
cette efpece de contrat on ne conudere pas la 'Iéiion qui
peut provenir du développement de l'événement incenain
fur lequel on a tranugé. C'eft ce qu'artell:eqt tous les Auteurs, & notamment Faber, de inaffic. teflam. déf. derniere ; Mornac fur la Loi 4, cod. de aa. vel h.ued. vend.;
Buiffon fur le titre du code de l'efcind. vend. n. la, &
Decormis, tom. 2>, col. 1189, qui obferve que la léÎlon
ne fe mefure pas par le fuccès d'un événement incertain.
L'on peur ajouter que cela ell: encore plus vrai, lorfque
les parties ont voulu rranÎlger & s'affurer [ur l'incenitude
de cet événement. C'ell: enfuite de ce même principe qu'on
rienr pour maxime que. le !T'oyen de léuon ne peut pas
être propofé contre les aél:es ponant vente d'une hérédiré
ou des droits univerfels qui font fufceptibles d'accroiffement & de décroiffement, parce qu'il ell: de la nature de
ces contrats de porte r· avec eux des rifques auxquels les
parties fonr cenfées fe fou mettre en contraél:ant; ces
rifques venant enfuite à produire des pertes pofl:érieures ,
les parties fonr cenfées en avoir pris l'événemem fur leur
co mpte. D'ailleurs les tranfaél:ions font ii fortes, que les
majeurs n'en peuvent jamais revenir, pas même par léGon,
fût-elle énormiffime, ainÎl que l'obferve Decormis, tom. 2,
col. I I 08 , I I 68 , 1602; 16')) & fuiv. Le moyen de léÎlon
ell: encore frivole' dans les conditions aléatoires, & relativement aux événeinens qui peuvtlnt tourner de l'un ou de
l'autre côté. On fent bien que l'événement poHérieur met
rour l'avantage d'un côté, & tout le préjudice de l'autre;
il adoucit la perte d'uu côté., il diminue l'avantage de
l'autre. Tels font les motifs qui gouvernent les ritres de
cette efpece.
Le titre dont s'a~it, fair en bonne foi, dans l'ignorance des difpoGtions, fLlr l'incertitude' defqueIles on a.
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voulu s'arranger, "eH-il prohibé par les Loix? Deux {ources
de prohibition fe trouvent dans le droit; aucune d'elles
ne peut convenir au cas préfent. Par LI premiere, il eH:
prohibé de tranGger fur la fuccellion d'un homme vivant.
Ce paél:e ell: indécent, inducit votum captandce mortis. On
poutroit ajoutet "que ce paél:e nuirait à la liberté de teHer
par cene efpece d'incapacité limitée que les comraélans
pourroienc s'impofer emr'eux. Mais tous ces motifs ceffent
après la mort du teHateur; le droit eH acquis dès ce moment; fa fuccellion en entier peut être vendue; elle eH:
conféquemment fufceptible de tranfaélion.
La feconde en eH un peu plus rapprochée; elle eftpuifée dans la Loi de his, if. de tranfaél. : de his cdntroverflis qllœ ex teflamento proficifcuntur, neqlle tranfigi, neque
exquiri, veritas aliter potefi, quam inJPec7is cognitifque verbis
teflamenti. En effet, veut - on exécuter un ceHament, y
a-c-il quelque conceHacion fur cette exécution, il n'y a
pas lieu de douter qu'une tranfaélion ne peut dans ce cas
intervenir légicimément entre les partieS'·, qu'autanc que
les difpoGtions du titre fonc parfaitemenc connues, vifis
& in/pec7is ta Dulis. Dans ce cas il ne peut y avoir tral1faél:ion, qu'autant qu'on connoÎc de parc & d'aLicre "le citre
fur lequel il eH queHion de s'arranger. La tranfaélion
exige la connoilfance entiere & parfaite du cirre fur lequel on veuc paélifer. Dans le cas de la Loi, le teHament, les difpoGcions qu'il renferme, forment la bafe de
la cranfaél:ion, qui dès-lors ne peuc être légicimée que par
l'afpeél & la connqilfance du cicre. Mais la connoiffance
du titre n'eH pas néceffaire, quand il s'agic de contraéler
fur fan incertimde & (ur le rifque de fes difpofitions. Au
contraire, le propre de cette tranfaélion, fa fubHance eH
d'exclur.e le teHament & la connoiffance qu'on peut en
avoir. En effet, fi le teHamenr avoic écé connu, il n'y
auroic pas eu lieu de paffer l'efpece de cranfaélion que les
parcies ont convenu d'arrêcer entr'elles. C'eH le cas prévu
par la Loi de his ci-deffus citée.
,
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246
Jou RNA L
Si la tranfaél:ion efl: fur le doute du titre, fur les rirques
que ce doure peut faire courir aux parties, alors la narure
de ce rirre exige non feulement que le tefiamenr ne fait
point manifefié, mais qu'il ne' fait pas connu des parries.
La connoiffance ,du teHamenr détruirait dans ce cas la bafe
& la fubHance de cerre efpece de rranraél:ion à laquelle les
parries n'accedent que par le defir de fe ménager un fort,
indépendamment du teHament & des difpofitions qu'il renferme. Delà naîr certe alternativ'e : ou il faut dire qu'on
lie peut pas tranuger fur les doutes d'un tefbmenr dont
on ignore la reoeur, ce qui n'eH ni dans l'ordre de la!
Fairon naturelle, ni dans les principes des Loix; ou convenir que' quand on veut rranGger fur ce doute, non feulement il n'ell: pas néceffaire de connoÎtre le tefiamenr,
mais il feroit abfurde d'en exiger la repréfenration , qui
f:lifant ceffer le doute, emporteroir conféquemment la
fubfiance & la mariere de cerre efpece de titre. Tous les
principes nous apprennent que tout doute quelconque, foit
de drair, foir de fait, peut fervir de matiere & d'aliment
à une rranfaél:ion légitime. Urceolus, de tranfac? qu. 2.,
n. 36, explique la chofe en termes bien précis : fufficit ,
dir-il, quod articulus juris fit dubius ",'el fac?um dubium.
Sabellus., va. tranfac7io, tient le même langage.
_ La quefiîon s'étanr préfenrée en 1764 entre le fieur
Ifnard, Négocianr de la ville de Marfeille & les hoirs
d'André Marin, la tranf.lél:ion fut confirmée par Arrêt du,
r S Mai 1764, au rapport de MI'. de Sr. Jean. Il étoit intervenu une rranfaél:ion au moment du décès de la Dame
Jaubert; André Martin étoit héritier ab inteJlat; la Dame
Ifnard fe flattoit d'être inHiruée, là où il y auroit un reftament; on ignoroit s'il y en avoit un. LeS' parties calculerent refpeél:ivemenr leurs efpérançes & leurs crainres;
elles firent un accord, & s'arrangerent par tranfaél:ion;
en convenant de partager la fucceffion. La même èhofe
avait. été jugée par un autre Arrêt rapporté par Boniface,
tom. 5 , pag. 3 61 •
}
DU
PAt AJS
Dl!'"
Pa OVI!NC'I!:
247
Arrêt du 28 Juin 177) , au rapport de Mr. le Confc iller
oe Chenerilfes, qui caffe la tranfaébon avec dépens. Ecri~
vant Mes. Pafcalis & Gaffier.
ARRÊT
XXI.
Le porteur d'u!! mar/dat, l'ayant fait proteJler comie ,fon
cédant dans les dix jouts de l'échéance, & ayant enfûte
prorogé le paiement, perd-il fon ac1ion contre le tireur qui
a failli avant l'échéance, le cédant ayant failli avant l'expiration de la prorogation?
L
Es fieurs Arnoux, Négocians de la ville de Marfeille,remirenr au fieur Jofeph Silva un mandat de 4272 liv.
fur Me. Verdilhon, Courtier de change, payable au 30 Juin
1774. Le fieur Silva le céda au fieur Dallet, & celui-ci à
Me. Paul Courtier. Avant l'échéance de ce billet , les
tireurs & le Courtier fur lequel il était tiré firent faillite.
Me, Paul s'adreffa aufieur Silva fon cédant pour en recevoir le rembourfement fous efcompte, ou pour lui donner
bonne & fuffifante caution pèur le paiement à l'échéance;
cependant Me. Paul ne fit aucune pourfuite, il attendit
l'échéance, & dans les dix jOJrs de grace il reçut' à
compte du fieur Silva i 2 14 liv., & prerogea le folde pour
deux mois; il fit néanmoins proteJl:er le mandat le 10
Juillet, & le fit fignifier tant au fieur Dallet 'qu'au fieur
Silva. Ce dernier faillit avant l'expiration des deux mois.
dans cet état de dérangement de tous les débiteurs foli.
daires , Me. Paul reJl:a dans une inaél:ion forcée, & fut
obligé d'attendre l'événement de toutes ces faillites. Les
fieurs Arnqux furent les premiers à faire homologuer un
concordat qui promettait le )) pour c~nt à leurs créanciers. Me. Paul, comme porteur du mandat qu'ils avaient
tiré, & qui formoient pour eux une véritable obligation,
fe préfenra à' eux pour recevoir l~ '5 '5 pour cent qui lui
!

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