L`apôtre des mers du Sud
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L`apôtre des mers du Sud
Invitation à considérer une histoire vraie de la foi Mon épouse et moi dédions cet article à notre fils Alexandre et à notre belle-fille Nathalie, ainsi qu’à leur fille et notre petite-fille Mahea, qui habitent Raïatea depuis plusieurs années. Vous les voyez ci-dessous couronnés de fleurs, selon la jolie tradition d’accueil tahitienne. L’apôtre des mers du Sud D « Les îles espéreront en moi, elles se confieront en mon bras. » L’Eternel (La Bible, Esaïe 51:5) ieu a mis dans le cœur de l’homme la pensée de l’éternité. Cette vérité biblique du livre de l’Ecclésiaste s’est plus d’une fois vérifiée, y compris dans les contrées les plus païennes, et ce comme la promesse d’une merveilleuse lumière au sein des plus épaisses ténèbres. Ainsi à Raïatea, l’une des îles Sous le Vent (Polynésie-Française), vivait il y a bien longtemps Vaiata, genre de prophète qui annonçait avec succès le temps et les événements à venir. Il avait aussi prédit qu’un jour, envoyés par Dieu, des étrangers à la couleur de peau différente viendraient apporter l’Evangile en Polynésie. En précisant que l’embarcation de ces étrangers ressemblerait à l’‘umete (récipient en bois creusé) qu’il tenait dans sa main. L’offre du salut et de la vie éterJohn Williams (1796-1839) nelle en Jésus-Christ est en effet arrivée à Tahiti un jour de 1797, dans la « grande pirogue sans balancier » dont voulait parler Vaiata. Il s’agissait du vaisseau « On n’explique pas le Duff commandé par le capiune vocation. taine James Wilson, chrétien On la constate. » dévoué entouré d’une trentaine de missionnaires envoyés Georges Bernanos par la Société missionnaire de Londres. Ces pionniers œuvrèrent avec beaucoup de foi et de persévérance et, parmi les prémices des beaux et nombreux fruits qui suivront, eurent la joie, en 1816, de rendre gloire 1 à Dieu pour la conversion de I roi une singulière importance. Le nom de Raïatea la Sacrée est en effet allié à celui des coutumes les plus abominables et cruelles du paganisme. Pomaré II, roi de Tahiti. Une année après, le 16 novembre 1817, arrive sur place, avec sa jeune épouse Mary, celui qu’on a appelé l’apôtre des mers du Sud, John Williams, 21 ans ! Ce qui domine déjà en lui, et qui dominera jusqu’à la fin de sa vie, c’est le sentiment de la valeur d’une âme et la pensée des milliers de personnes qui sont précipitées chaque jour dans l’éternité sans la connaissance de Christ. Dès le lendemain, les Williams et le couple Threlkeld qui a fait le voyage avec eux franchissent le détroit qui sépare Tahiti de Mooréa, île voisine qui se nomme alors Eiméo. Là, dans le temple aux murs de baguettes rondes et au toit de feuilles, ils participent à un culte d’action de grâce réunissant sept à huit cents indigènes qui, cinq ans auparavant, étaient esclaves des idoles et pratiquaient toutes sortes d’horreurs, dont des milliers de sacrifices humains. Encouragé, John comprend néanmoins assez vite qu’au lieu d’être achevée, l’œuvre ne fait que commencer. Si de nombreux indigènes viennent pour qu’on leur enseigne le culte du vrai Dieu pour lequel ils ont un certain respect, beaucoup continuent en même temps de servir leurs anciens dieux ! roi donne son nom. Durant tout son ministère, le constructeur improvisé de bateau sera aussi maître d’école, médecin, agriculteur, bâtisseur de maisons, charpentier, menuisier, cordelier, traducteur de la Bible en tahitien, en rarotongan, auteur de dictionnaires, de grammaires, de vocabulaires en langue maorie, armateur, législateur, mais avant tout missionnaire comptant sur la puissance transformatrice de la parole de Dieu ! La flamme de l’apostolat brûle dans le cœur de John, ennoblissant tout ce qu’il entreprend pour le bien des indigènes dont il parle la langue huit mois après son arrivée ! En 1818, peu de temps après la naissance de leur premier fils, nous retrouvons les Williams sur l’île de Huahine où leur réputation attire les foules de tout l’archipel des îles Sous le Vent. Et, parmi les visiteurs, un homme illustre crée la surprise, pour ne pas dire la panique ! C’est le roi Tamatoa de Raïatea qui, aussitôt débarqué, s’exprime en des termes aussi vibrants qu’étonnants : « Je suis venu afin que vous me donniez des missionnaires Au bénéfice d’une formation pour Raïatea et qu’ils enseimanuelle (forgeron et quin- gnent les gens de mon île. » cailler) et de nombreux dons, John Williams commence par La haute situation de Tamatoa achever la construction d’un et la place de Raïatea comme petit bateau, premier bâtiment centre de l’idolâtrie en Polynéconstruit dans l’île et auquel le sie donnent à la démarche du Malgré l’immense défi, c’est avec une grande joie que les Williams et Threlkeld répondent à l’appel du Maître que fait retentir le roi païen pour aller porter l’Evangile dans cette forteresse de Satan et la conquérir pour Christ. Le 11 septembre 1818, c’est donc le départ de Huahine pour le nord-ouest de Raïatea, une île que, dans ses récits, le capitaine Cook nommait Ulitéa. L’accueil est bon, car les autochtones ont entendu parler de ce qui s’est passé à Tahiti où beaucoup se sont tournés vers le christianisme. Mais comment apporter l’Evangile à des populations si intensément dépravées et marquées par un tel paganisme ? Avec sagesse et amour, Wiriamou (nom « tahitianisé » de Williams), met les indigènes en confiance. Bien que déterminé dans son action, John est connu de tous pour sa douceur. Quelqu’un écrira de lui : « Tel le rideau de verdure décèle au loin le cours d’un ruisseau, ainsi les paroles affectueuses et les actes de bonté signalent le passage de Williams. » Ainsi, encouragés par l’exemple, les habitants de l’île apprennent à cultiver la terre, à travailler la canne à sucre, à construire des maisons, des écoles pour eux et leurs enfants, des temples, etc. Progressivement, la majorité des anciens idolâtres est gagnée par le témoignage et la prédication des hommes de Dieu. A la demande du roi Tamatoa, un code de lois est même établi et des tribunaux sont mis en place pour les faire respecter. Même si une telle évolution amène quelques réactions hostiles mettant plusieurs fois les missionnaires en danger de mort, le profond changement qui intervient dans le style de vie et dans les mœurs du peuple est tel que ses descriptions détaillées pourraient ressembler à des fables inventées pour gens crédules. savons que notre ancienne religion n’est que mensonge, une religion de mort, des paroles et des œuvres qui vont à la mort. Agissons selon ce que nous avons appris de la parole de Dieu. Ayons pitié des terres encore dans les ténèbres. Donnons joyeusement de ce que nous possédons, donnons de tout cœur pour qu’on leur envoie aussi des missionnaires. C’est là bien peu de chose que nous pouvons faire pour le vrai Dieu... » C’est ainsi que des chrétiens raïatéens, formés et consacrés, partent à leur tour annoncer la bonne nouvelle sur plusieurs John Williams garde tou- autres terres proches ou éloijours une vision réaliste et il gnées ! sait faire la différence entre ce qui relève parfois d’un en- Quant à notre John, toujours gouement superficiel et ce qui aussi bouillant de l’amour de témoigne, au contraire, d’une Christ, il ne peut se reposer œuvre vraiment profonde. Il sur ce qu’il a déjà accompli. reste cependant bouleversé de- Il poursuit donc sa mission vant les interventions manifes- sur d’autres îles : Aïtutaki, tes du bras de Dieu. Rarotonga où il construira son fameux Messager de la Parlant d’une réunion de trois paix, navire de vingt mètres cents enfants auxquels on en- de long sur six de large, et seigne à lire l’Ecriture Sainte, enfin Erromanga, île des John écrit dans son journal : Nouvelles-Hébrides où il est « En les regardant nous son- assassiné à coups de massue à gions que, si l’Evangile n’avait l’âge de quarante-trois ans ! pas été prêché, la plupart d’entre eux n’eussent pas vécu et que ce sont des mains mêmes de leurs parents qu’ils eussent reçu la mort. Presque toutes les La mort des martyrs étant la femmes ayant plus de trente semence de l’Eglise, l’histoire ans se sont rendues coupables ne s’arrête pas là. Cinquante de cet horrible crime. » ans après, un fils du meurtrier pose la première pierre du moAutre témoignage d’un bou- nument élevé à la mémoire du leversement de vie, celui ex- missionnaire, tandis qu’un primé dans un discours du roi autre part prêcher l’Evangile Tamatoa : « ... Maintenant nos pour lequel John Williams a yeux se sont ouverts et nous donné sa vie. I « Aurais-tu peur, en te donnant, de te perdre ? Tu te perds, au contraire, en refusant de te donner. » Augustin d’Hippone I