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Recherches Sociologiques 2003/2 Présentation: 1-2 Présentation Chaque année, le Centre d'Analyse et d'Intervention Sociologique (CADIS) organise un séminaire thématique qui réunit les membres du laboratoire fondé par Alain Touraine, et quelques invités. C'est ainsi que les 26 et 27 septembre 2002, au Centre de Sèvres, le thème de la domination constituait pour quelque soixante-dix chercheurs le challenge intellectuel d'une mise au point nécessaire quant à un concept hautement problématique. Les textes qui constituent ce numéro reflètent d'abord les travaux et les interrogations de chercheurs du CADIS. Type particulier de rapport social qui nécessite une actualisation? Travail de socialisation? Problème sociologique devant faire l'objet d'une interrogation par rapport à ce qu'en dit la philosophie politique? Logique au cœur des discriminations raciales, enjeu central pour les mobilisations de type gay and lesbian aux États-Unis? Expérience pour des travailleurs sans qualités, ou encore question capitale pour qui veut analyser les communautés locales... La domination apparaît aujourd'hui comme une problématique centrale dont les variations thématiques s'organisent autour de trois questionnements: comment penser aujourd'hui les inégalités? Quelle place accorder au politique? Quel rapport le chercheur tisse-t-il avec ceux qui sont considérés comme dominés? Que les inégalités se démultiplient aujourd'hui, rien n'est plus sûr. Encore s'agit-il de prendre la mesure de leurs dimensions. François Dubet met en perspective la domination dans le monde du "travail sur autrui" avec la structure des inégalités sociales pour souligner l'éclatement progressif des expériences qu'intégrait la société industrielle. Simonetta Tabboni, en s'appuyant sur les travaux d'Amartya Sen et Martha Nussbaum, cherche à repérer les potentialités de la notion de capabilities; sa perspective est critique par rapport à la philosophie politique. Dans son article, peut-être encore plus nettement que dans les autres qui sont rassemblés ici, la sociologie du sujet est convoquée pour prendre distance par rapport à l'idée de domination absolue. Alexandra Poli souligne la fragmentation des formes de domination dans le processus de reconnaissance de la discrimination raciale. David Mélo met en évidence combien, au-delà des inégalités, les nouveaux modes de management opèrent une sorte de "réduction" des travailleurs à une personnalité défaillante et à des qualités individuelles disqualifiantes. Un autre fil conducteur traverse les contributions réunies dans ce numéro: celui de la place du politique et de la nécessité d'en repenser les rhétoriques. Danilo Martuccelli insiste sur la nécessité d'appréhender les états sociaux au-delà des positions sociales en rendant compte des épreuves subjectives. Cette démarche implique de réexaminer le rapport contemporain au politique et de s'interroger sur les conditions qui permettraient de donner une résonance collective à une recherche de respect aujourd'hui très 2 Recherches Sociologiques, 2003/2 - De la domination individualisée. Le cas des mobilisations gay and lesbian aux États-Unis est révélateur, pour Guillaume Marche, du rôle de l'identité dans la mobilisation et l'action collective, mais plus encore des modes de contestation et de leurs dimensions. La question politique est de réinjecter de l'authenticité dans l'action collective afin de concilier légitimité et efficacité du mouvement. À partir d'une lecture du corpus important des études américaines consacrées aux communautés locales et aux petites villes américaines, Didier Lapeyronnie nous convie à redécouvrir l'importance de ces travaux comme tradition intellectuelle. Mais surtout, il fait apparaître les dilemmes politiques des rapports de domination de classe au niveau local, alors que la communauté apparaît de plus en plus comme une illusion et une idéologie. Troisième fil conducteur, le rapport du sociologue à son objet et aux dominés. Comment prendre une distance définitive avec le terme de "victime" des inégalités, des discriminations, des dominations diverses pour quitter les constats répétitifs de la domination absolue? Nombre de contributions abordent, de près ou de loin, ce problème et soulignent l'éclatement des expériences (F. Dubet), l'instabilité des processus de reconnaissance de la discrimination sociale (A. Poli), le décalage entre la philosophie politique et le travail sociologique (S. Tabboni), le risque d'enfermement dans un malheur intime (D. Mélo). Les propositions sont multiples pour prendre une réelle distance avec la victimisation et avec une sociologie qui bute sur la souffrance du monde: l'analyse de la domination amène à reposer la question de l'acteur, mais plus encore du sujet et de ses récits, contradictoires, vite paradoxaux mais souvent révélateurs d'une recherche d'authenticité dépassant le mépris du "système" ou les épreuves de l'oppression. Ce numéro se prolonge par les trois contributions qui ont été présentées lors de l'ouverture d'un colloque consacré aux rapports entre sécurité et urbanité, colloque organisé par les services du Gouverneur de la Région de Bruxelles-capitale, M'" Paulus du Chatelet, le 17 mars 2003. Si le thème de la domination est présent en filigrane, l'essentiel des propos tend à replacer le thème sécuritaire dans une perspective dynamique de la vie urbaine qui ne se limite pas, comme l'indique Bernard Francq, à un encadrement socioterritorial de la population. Éric Corijn rappelle la nécessité de dépasser une vision séparée du politique et du culturel pour fonder une nouvelle manière d'apprendre à vivre en ville, tandis que Fabienne Brion insiste sur les transformations de la gouvernementalité dans les sociétés libérales avancées. C'est sans aucun doute l'annonce d'un travail plus conséquent qui devrait, à terme, réunir urbanistes, architectes, criminologues, économistes, socio-anthropologues sur les enjeux de l'urbanité contemporaine. Bernard Francq et Michel Wieviorka