Le dossier historique de saint Amand

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Le dossier historique de saint Amand
Le dossier historique de saint Amand
Statue de saint Amand à Saint-Amand-les-Eaux, réalisée par Bernard et Carole Sellier, inaugurée et bénie le samedi 7 février
2004.
INTRODUCTION
« Gardez la mémoire de vos dirigeants, eux qui vous ont
annoncé la Parole de Dieu, et en considérant l’issue du
cours de leur vie, suivez leur exemple ».
(Lettre aux Hébreux 13,7)
« Sur aucun saint de la Belgique à l’époque mérovingienne nous ne possédons autant de sources de
renseignements », tel est le constat de l’historien d’église Édouard de Moreau sur saint Amand. 1 Ce
qui vaut pour la Belgique, vaut aussi pour le nord de la France. Saint Amand, l’une des grandes figures
du VIIe siècle, ce « siècle des saints » selon l’expression de Léon van der Essen, 2 nous est
effectivement bien connu, non seulement grâce à sa vita, sa biographie, mais encore par quelques
textes historiques contemporains qui fournissent des informations complémentaires ou confirment
celles de la vita. Si sa Vie, écrite par un auteur qui n’a pas connu personnellement notre saint, présente
à part les habituels topoi, plagiats et formulaires, de nombreuses erreurs et imprécisions, d’autres
documents historiques contemporains que nous possédons sont des sources précises et sûres. Tous ces
textes constituent ainsi le dossier historique de saint Amand.
Dans cet ouvrage, nous donnons la traduction française des textes, avec dans les notes les
précisions, identifications et clés de lecture nécessaires.
1
2
E. de Moreau, Histoire de l’Église en Belgique, t. I (Bruxelles 1945), p. 79.
Léon van der Essen, Le siècle des saints (Bruxelles 1942).
1
Colomban et les colombaniens
L’Irlande n’a jamais été romanisée, et n’a donc jamais connu ni organisation civile en ‘cités’
(civitates) ni organisation ecclésiastique en diocèses. Le pays a été évangélisé non par des évêques,
mais par des moines, d’abord à partir du monastère d’Armagh, fondé par saint Patrick. Par la suite,
l’Irlande a développé une organisation ecclésiastique ayant pour centres les monastères, et non pas les
villes, ce qui a donné lieu à la fondation d’un grand nombre de monastères. Cette organisation
ecclésiastique originale a fait naître un monachisme d’une spiritualité monastique, rigoureuse et
ascétique, mais en même temps itinérant, si différent de la tradition bénédictine, marquée par l’idéal de
stabilité, cette stabilitas loci chère à saint Benoît qui avait horreur des gyrovagues. Les moines
irlandais sont donc des pèlerins, pratiquant la peregrinatio pro Christo.
Carte des monastères irlandais et de spiritualité irlandaise, avec l’itinéraire de saint Colomban. – Carte adaptée d’après :
Hubert Jedin, Kenneth Scott Latourette, Jochen Martin, Atlas zur Kirchengeschichte (Freiburg im Breisgau 1970), p. 25.
L’une des plus grandes figures de cette tradition est le moine irlandais Colomban. Né vers 540, il fait
pendant vingt ans l’apprentissage de la vie monastique à Bangor, vie marquée par des pratiques
ascétiques très dures : jeûne exigeant, longues prières et punitions corporelles. La vie monastique
irlandaise est exigeante, son ascétisme accentue le volontarisme du libre arbitre, non sans soulever
d’ailleurs des interrogations, car c’est bien un moine issu de cette tradition, Pélage, qui, vers la fin du
IVe siècle, minimise à ce point le rôle de la grâce divine que ses disciples, les pélagiens, ne peuvent
que se heurter, en Afrique, aux conceptions du « docteur de la grâce », saint Augustin. Colomban part
donc en « pérégrination pour le Christ », il traverse l’Océan, et à partir de la Bretagne, parcourt toute
l’Europe de l’ouest, et fonde trois monastères dans les Vosges, Annegray, Luxeuil, et Fontaine. 3 Étant
toujours sur les routes, il fait diriger ces monastères par un præpositus, un prévôt. Pour avoir critiqué
3
2
Luxeuil, abbaye Saint-Pierre (dép. Haute-Saône, arr. Lure, ch.l.c.) ; Annegray, monastère dépendant de Luxeuil (dép.
Haute-Saône, arr. Lure, canton Faucogney, comm. La Voivre) ; Fontaine-lès-Luxeuil, prieuré Notre-Dame (dép. HauteSaône, arr. Lure, canton Saint-Loup).
l’immoralité à la cour des grands, il s’attire la colère du roi Thierry II (roi de Bourgogne à partir de
595, roi d’Austrasie de 612 à 613), et est expulsé de Luxeuil. Il voyage par Tours (où il a peut-être
rencontré notre saint Amand), par Soissons, Paris et Meaux, puis, passant par Coblence, il longe le
Rhin, et s’installe finalement à Bregenz, sur le lac de Constance. Tandis que son disciple Gall fonde
l’abbaye qui portera son nom, Colomban traverse les Alpes, et fonde l’abbaye de Bobbio en Italie, où
il meurt le 23 novembre 615.4
Les moines irlandais continuent la tradition irlandaise sur le continent européen : leur monachisme est
un monachisme missionnaire. La mission est assumée non par les évêques des diocèses, – en cette
période mérovingienne d’ailleurs trop dépendants du pouvoir politique –, mais par des moines
itinérants. Cette tradition sera bientôt reprise par une nouvelle génération de moines-missionnaires
issus du continent européen, dont en particulier les Aquitains.
Leur monachisme est austère, sévère et rigoureux. Obéissance, silence, pauvreté, mortification,
voilà la vie de ces moines, ponctuée de sévères sanctions pour les coupables : coups de bâton, jeûne au
pain et à l’eau, psaumes à réciter. Il est remarquable que le seul incident à l’intérieur de la
communauté d’Elnone que nous relate la première Vie de saint Amand, concerne précisément un cas
de désobéissance au père abbé, celle du prieur Chrodoalde (Vie de saint Amand, ch. 25). Et le fait que
le chapitre le plus long de la Règle de saint Colomban donne une liste de punitions, en dit assez. Ceci
explique pourquoi beaucoup de monastères d’inspiration colombanienne vont observer à côté de leur
propre Règle, la Règle de saint Benoît, plus humaine, plus modérée, plus souple d’application et plus
complète, en particulier pour ce qui manque à la Règle de Colomban, c’est-à-dire l’organisation de la
journée et des temps de prière. Nous verrons que c’est précisément sous l’impulsion de saint Amand
que le monastère de Rebais adoptera les deux Règles combinées.
Les sources de la Vie de saint Amand
La source principale de la Vie de saint Amand était jusqu’à récemment sa Vita Prima.5 Cette Première
Vie de saint Amand, attribuée autrefois à tort à Baudémond (mais celui-ci était bien le scribe du
testament de saint Amand, voir ci-après texte 9), a été en réalité consignée par un auteur inconnu, clerc
mais pas moine, écrivant un certain temps après la mort du saint, mais sans l’avoir connu
personnellement.6 La tradition orale était son unique source, il ne disposait pas d’une quelconque
documentation, et il n’est donc pas toujours bien renseigné. Ainsi, il ne sait pas par qui Amand a été
sacré évêque, il ne sait pas où Amand, exilé par le roi Dagobert, a séjourné. Il ignore aussi beaucoup
d’épisodes de la vie de saint Amand qui sont attestés historiquement par ailleurs, notamment l’échange
de lettres avec le pape Martin Ier, la consécration de l’église de Rebais, la fondation des monastères de
Barisis et de Nivelles, même la fondation du monastère d’Elnone, et enfin le « Testament » de saint
Amand. Le texte semble être plutôt de la seconde moitié du VIIIe siècle, tandis que les plus anciens
manuscrits sont du milieu du IXe siècle.
Jusqu’à une date récente, cette Vita Prima était considérée comme la plus ancienne biographie de
saint Amand. Mais en 1976, J. Riedmann découvrit à Innsbruck un feuillet contenant un fragment
d’une Vie de saint Amand, inconnue à ce jour, provenant de la région de Sankt-Gallen, de Rhétie ou
du sud-ouest de l’Allemagne, et à dater sur des critères paléographiques au VIIIe siècle. Ce fragment
d’une Vie de saint Amand, antérieure donc à la Vita Prima, est identique, presque mot-à-mot, au
passage correspondant de la Vie de saint Amand figurant dans le tome 4 du Speculum Sanctorale de
Bernard Gui (début XIVe siècle), 7 texte que l’on considérait comme un résumé bien postérieur à la
Vita Prima, mais qui par la découverte d’Innsbruck revêt désormais un tout autre intérêt, car il semble
bien être la transcription de cette Vita plus ancienne qui, désormais baptisée Vita Antiqua, serait la
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5
6
7
Bobbio, abbaye Saints-Pierre-et-Paul (Italie, province Piacenza).
Ouvrages de référence sur saint Amand : Edouard de Moreau, Saint Amand. Apôtre de la Belgique et du nord de la
France (Louvain 1927) ; à compléter par : Edouard de Moreau, ‘La Vita Amandi prima et les fondations monastiques de
S. Amand’, in : Analecta Bollandiana, tome XXVII, Mélanges Paul Peeters (1949), p. 447 - 464.
BHL 332 ; nous suivrons l’édition des MGH, SRM V, p. 395 - 449 ; le texte se trouve également dans les Acta
Sanctorum : AA.SS. Feb., I, p. 848-854 ; dans les Acta Sanctorum Belgii selecta, t. IV (Bruxelles 1787), p. 244 - 258 ; et
dans les Acta Sanctorum *** Benedicti : AA.SS.Ben., II, p. 712 - 719.
Texte dans : AA.SS. Febr., I, col. ****** ; PL 87, col. 1267 - 1272.
3
source (ou l’une des sources) de la Vita Prima.8 Le texte de cette Vita Antiqua est beaucoup plus court,
mais présente la même structure chronologique que la Vita Prima, sauf l’exception remarquable du
baptême de Sigebert III, que la Vita Antiqua place après l’épisode de la mission transmarine de saint
Amand chez les Saxons (que l’auteur de la Vita Prima ne connaît pas, § 14) et la fondation de ce
monastère non-identifiable qui rendit jaloux un évêque également non-identifié (§ 16), que la Vita
Prima place entre l’épisode de la mission chez les Slaves et l’épiscopat de Maastricht (648-651). Le
baptême de Sigebert III ayant eu lieu en 630/631, c’est la première hypothèse qui nous paraît la plus
plausible.
La Vita Antiqua étant la source de la Vita Prima, il est logique que cette dernière est plus détaillée
et donne davantage d’épisodes de la vie du saint. Il est donc remarquable que quelques histoires
relatées dans la Vita Antiqua ne sont pas reprises dans la Vita Prima, comme la naissance d’Amand
dans la pagus d’Herbauge (§ 1), son passage à Tours, avant son séjour à Bourges (§ 2), le retour de
saint Amand de Rome, avec des Bibles et des manuscrits (§ 5), l’épisode de la traversée de la Manche
pour aller évangéliser des Saxons (§ 14), auquel la Vita Prima ne fait qu’une vague allusion (il était
‘expulsé du royaume’, ch. 16). Mais il est tout aussi remarquable que la Vita Antiqua ne mentionne pas
le sacre épiscopal de notre saint.
L’auteur de la Vita Antiqua serait un clerc des environs de Bourges ou de Tours. Il aurait écrit
avant 714, car il localise Bourges dans la terre des Burgondes, ce qui n’est valable que pour la période
antérieure à 714.9
Quant à l’auteur de la Vita Prima, ses informations géographiques sont précises quand le récit se
déroule entre les diocèses de Bourges et de Noyon, mais deviennent plus qu’approximatives voire
fausses dès que les événements s’éloignent. A quelques rares occasions, l’auteur cite les noms de ses
informateurs, tel Bonus (ch. 14) ou Erchengisile (ch. 24). Il a connu personnellement d’anciens
esclaves rachetés par saint Amand, devenus évêques, prêtres ou abbés (ch. 9). Il cite nommément des
personnages qui ont été importants dans la vie de saint Amand, comme saint Achaire, évêque de
Noyon (ch. 12).
Nous publions la traduction des deux textes, la Vita Prima comme texte principal, accompagné à
chaque chapitre des passages correspondants de la Vita Antiqua, avec l’indication de leur paragraphes
selon la numérotation de la Patrologie Latine.
Nous publions ensuite la traduction des autres textes contemporains parlant des faits et gestes de
saint Amand, ou des textes où il figure. Ce sont tous des textes qui confirment les Vies, ou qui
fournissent des informations complémentaires. Tous ces textes démontrent que saint Amand est l’un
des saints les mieux documentés de l’époque mérovingienne dans le pays des Francs.
La vie du moine Amand
Amand est né en Aquitaine, à la fin du VIe siècle, « non loin du rivage de l’Océan », précise l’auteur
de sa première biographie sans donner d’autres détails (voir pour sa Vie : texte 1), dans le pagus
d’Herbauge, précise l’auteur de la Vita Antiqua. C’est à l’Ile d’Yeu qu’Amand entre au monastère
Saint-Hilaire et que son biographe situe l’un de ses premiers miracles. Pendant une promenade, il
tombe nez-à-nez avec un serpent d’une taille énorme. Il lui oppose le signe de la croix, et ordonne à la
bête de repartir. Le serpent ne reparaîtra plus (ch. 3).
Nous le retrouvons ensuite à Tours, dans la basilique élevée en l’honneur de saint Martin. C’est là,
à Tours, qu’il a peut-être rencontré saint Colomban, qui venait d’être expulsé par le roi Thierry II, à
qui il avait reproché sa vie de débauche. Est-ce la rencontre avec Colomban qui a déterminé sa
vocation ? Toujours est-il qu’il demande, à l’intercession de saint Martin, de ne plus jamais revoir sa
terre natale, mais de passer sa vie en « pérégrination », in peregrinatione, dit expressément le texte
8
9
4
Josef Riedmann, ‘Unbekannte frühkarolingische Handschriftenfragmente in der Bibliothek des Tiroler Landesmuseums
Ferdinandeum’, in : Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung 84 (1976), p. 262 - 289. – Adriaan
Verhulst, Georges Declercq, ‘L’action et le souvenir de saint Amand en Europe centrale. À propos de la découverte d’une
Vita Amandi antiqua’, in : Aevum inter utrumque. Mélanges offerts à Gabriel Sanders, professeur émérite à l’Université
de Gand, publiés par Marc Van Uytfanghe et Roland Demeulenaere (Steenbrugge - Den Haag : 1991 = Instrumenta
Patristica, 23), p. 513.
Verhulst-Declercq, p. 513 - 514.
latin (ch. 5). Quand Amand a fini sa prière, il se lève et reçoit la tonsure. Maintenant, sa vocation est
claire. Il sera un missionnaire itinérant. Il est remarquable que le passage de saint Amand à Tours ne
figure pas dans la Vita Antiqua, et que cet épisode a donc été rajouté par l’auteur de la Vita Prima.
Après avoir reçu la bénédiction de l’abbé de Saint-Martin de Tours, il part pour Bourges. Nous
sommes dans les années 610. L’évêque de Bourges s’appelle Oustrille. Et là, premier paradoxe, que
fait Amand ? Parti de Tours pour une vie de pérégrination, il fait le choix d’une vie de reclus : enfermé
dans une cellule adossée au rempart de la ville près de la cathédrale, il y mène pendant quinze ans une
vie érémitique (ch. 6).
Et là, un beau jour, la « bougeotte » le reprend, et, avec un compagnon resté hélas anonyme,
Amand fait le pèlerinage de Rome (ch. 7). Nous sommes dans les années 620. Ce faisant, il s’inscrit
dans la tradition monastique irlandaise, car le pèlerinage à Rome, ad limina Apostolorum, est un trait
nouveau à porter à l’actif des colombaniens. Si l’église mérovingienne a peu de relations avec le pape,
les moines irlandais tiennent à faire le pèlerinage au tombeau de saint Pierre, et, autant que possible,
recevoir l’ordination épiscopale des mains du pape.
Ce pèlerinage romain constitue, pour Amand, le changement le plus radical de sa vie. Quand il part
pour Rome, il n’est encore qu’un inconnu, un simple reclus de Bourges, un moine on ne peut plus
sédentaire. Il revient de Rome comme moine-missionnaire, investi de la mission d’évangéliser la
Gaule. Ses biographes attribuent cette nouvelle orientation de sa vie à l’apparition de saint Pierre en
personne, qui lui ordonne de repartir en Gaule pour prêcher l’Évangile (ch. 8).
Aussitôt revenu en Gaule, « quelques jours plus tard », comme le dit l’auteur de la Vita Prima,
Amand, forcé par le roi et les évêques, est consacré évêque, puis se met à prêcher l’Évangile aux
païens. Nous sommes toujours quelque part dans les années 620. Amand est d’abord à la façon
irlandaise « évêque régionnaire », évêque sans siège, episcopus ad predicandum, « évêque pour
prêcher » (ch. 9). Mais le biographe ne nous dit pas par quel évêque il a été sacré, ni dans quelles
régions il a prêché la foi. La Vita Antiqua, elle, ne mentionne même pas son sacre épiscopal...
Puis, pour une raison inconnue, Amand entreprend un second pèlerinage à Rome. La Vita Antiqua
donne quelques éléments que la Vita Prima ne reprend pas : Amand va à Rome avec une suite de
clercs, il est reçu avec les honneurs par le pape, et revient avec des manuscrits et des Bibles. Le
voyage de retour a dû être mouvementé, car son biographe nous raconte deux miracles, l’un à
Civitavecchia et l’autre en pleine mer, dont une tempête qui ressemble à s’y méprendre à la tempête
que dut affronter dans l’Ancien Testament Jonas, et celle que connurent Jésus et les Apôtres sur le lac
de Galilée (ch. 10-11).
Saint Amand restera toute sa vie en relation avec l’évêque de Rome. Quand naissent les disputes
théologiques autour du monothélisme, le pape Martin Ier envoie à Amand, alors évêque de Maastricht,
tout le dossier du concile de Latran et lui demande d’intervenir auprès du roi Sigebert III (roi
d’Austrasie de 639 à 656), pour que celui-ci envoie une délégation d’évêques (texte 6). Le
monothélisme sera finalement condamné par le VIe Concile Œcuménique de Constantinople en 681.
En cette même période, nous raconte son biographe, Amand qui parcourt « des lieux et des
diocèses », entend parler d’une région sur l’Escaut, nommée Gand, dont les habitants, sous la coupe du
Diable, adorent des arbres et des idoles. A cause de la « férocité » de ce peuple et de l’infertilité de la
terre, aucun prêtre n’avait osé y aller pour annoncer la parole de Dieu. Amand le prend comme un défi.
Il veut y aller prêcher la bonne parole, mais non sans se mettre sous la protection de l’évêque de
Noyon, Achaire, par ailleurs ancien moine de Luxeuil, donc pénétré de la spiritualité colombanienne
(626/7-637/8), et sous la protection du roi Dagobert Ier († 639). Ce dernier l’autorise, au besoin, à
baptiser les gens par la force. Cette nouvelle phase de la vie de saint Amand doit se situer entre 625 et
640. Sa mission en terre flamande n’a pas été de tout repos. Les Flamands n’hésitent pas à le jeter à
l’eau (c. 12). C’est donc pendant plus de dix ans qu’Amand, évêque-missionnaire, prêche la foi en
Flandre. Il ne semble y avoir eu ni siège, ni domicile, ni pied-à-terre, sauf Elnone (Saint-Amand-lesEaux) et peut-être l’abbaye Saint-Pierre de Gand. Nous y reviendrons.
Car c’est vers 636/639, – Amand doit déjà avoir la cinquantaine –, qu’il fonde son abbaye
d’Elnone, au confluent de l’Elnon et de la Scarpe, au cœur d’un domaine donné par le roi Dagobert. 10
Curieusement, les biographes d’Amand, celui de la Vita Antiqua comme celui de la Vita Prima, ne
parlent pas de cette fondation pourtant essentielle dans la vie de notre saint, d’autant que l’on sait que
10
Elnone, Saint-Amand-les-Eaux, abbaye Saint-Pierre (dép. Nord, arr. Valenciennes, ch.-l.c.).
5
c’est désormais à partir de son monastère d’Elnone qu’il entreprend ses voyages missionnaires, à pied,
à travers l’Europe, ou en barque, en descendant la Scarpe et l’Escaut jusqu’à la mer. Jonas de Bobbio,
auteur de la Vie de saint Colomban, séjourne à Elnone de 639 à 642, et y accompagne saint Amand
pour ses voyages missionnaires, comme il le raconte lui-même (texte 4).
A Tournai, à l’occasion d’une réunion de dignitaires francs, ce n’est pas seulement la prédication
évangélique qui impressionne les habitants, mais encore un grand miracle, la résurrection d’un homme
exécuté par pendaison, après avoir été torturé. Mais le miracle ressemble par trop à certains récits de
résurrection de l’Ancien et du Nouveau Testament. Toujours est-il que le biographe parle de
conversions massives dans la région (c. 13-14). ‘Monastères’ et ‘églises’ sont portés au pluriel, ce qui
paraît bien optimiste ...
Après sa mission auprès des Flamands, saint Amand se tourne vers un nouveau terrain d’action,
mais il faut dire qu’il s’agit d’un bien curieux passage dans sa biographie. Il passe le Danube et va
annoncer l’Évangile aux Slaves. De quel peuple s’agit-il ? S’il passe le Danube du nord au sud, on
penserait plutôt à la Slovénie. S’il passe du sud au nord, il serait allé plutôt vers les Slaves de
Moravie. 11 On sait déjà que pour Amand, la distance ne compte pas. Toujours est-il que sa mission
auprès des Slaves n’a pas été un succès, et le biographe de saint Amand n’y consacre donc qu’un seul
alinéa (ch. 15). Pourtant, le souvenir de notre saint semble y être resté vivant, parce que c’est dans
cette région qu’a été retrouvé le fragment de manuscrit de la Vita Antiqua.
Après ce qui ne peut être considéré que comme un échec, Amand revient chez lui, où l’attend une
nouvelle épreuve : le roi Dagobert Ier. Celui-ci avait un penchant immodéré pour la gent féminine,
mais, comble de paradoxe, toujours pas d’héritier. Or, il en naît un, en 630/631, des relations intimes
entretenues pendant un voyage en Austrasie avec une jeune fille nommée Ragnétrude. C’est le futur
Sigebert III. Dagobert tient absolument à ce que le petit soit baptisé par Amand. Mais il y a un
problème, et de taille ! Car Amand n’est pas là, puisqu’il a été expulsé du royaume par ce même
Dagobert, sûrement pour lui avoir reproché la liberté de ses mœurs. Mais qu’à cela ne tienne, Amand
profite de son exil, dit son biographe, pour prêcher la parole de Dieu en des endroits lointains
(remotiora loca) (ch. 16). La Vita Prima ne mentionne pas le lieu de l’exil, mais celui-ci est donné par
la Vita Antiqua dans un passage que la Vita Prima, curieusement, ne reprend pas. Saint Amand aurait
traversé la Manche pour aller prêcher la foi chez les Saxons.
Dagobert, maintenant repenti, envoie des émissaires à la recherche d’Amand. On le trouve, et on le
présente au roi, qui réside à Clichy. Amand accepte les excuses du roi pour son exil, mais renâcle
devant sa demande de baptiser le petit Sigebert. Dadon (le futur saint Ouen) et Eloi (le futur saint
Eloi), à cette époque hauts-fonctionnaires à la cour, doivent insister lourdement pour qu’Amand se
laisse convaincre. Il faut dire qu’il y avait un petit chantage à la clé, comme nous le rapporte son
biographe : Amand obtiendrait plus aisément l’autorisation de prêcher, soit dans le royaume de
Dagobert, soit ailleurs, là où il voudrait. Bref, Amand se laisse convaincre et veut bien baptiser
l’enfant. Nous savons par Frédégaire et par d’autres sources que le baptême s’est déroulé à Orléans, en
630/631. Le biographe de saint Amand nous raconte encore un petit miracle survenu pendant le
baptême. « Comme aucun des assistants ne répondit à temps ‘Amen’ à une prière liturgique, le
Seigneur ouvrit la bouche de cet enfant, qui, de manière à être entendu de tous, et d’une voix claire,
répondit : ‘Amen’ » (ch. 17).
La biographie de saint Amand ignore encore un autre événement de sa vie, pourtant bien
documenté, survenu en 636, la consécration, le jour de la Chaire de saint Pierre (le 22 février), de
l’église de Rebais, monastère fondé par Dadon, le futur saint Ouen (texte 2). Rebais reçoit pour
premier abbé et pour premiers moines des religieux de Luxeuil, qui sont placés sous les Règles
combinées de saint Colomban et de saint Benoît. Le nom d’Amand, avec son titre d’évêque, figure
ensuite dans le privilège concédé le 1er mars 637 à ce monastère par l’évêque Faron de Meaux (texte
3).
Pendant trois ans, de fin 648 à fin 651, saint Amand a été évêque de Maastricht. C’est le roi
Sigebert III, roi d’Austrasie de 639 à 656, qui le nomma à ce siège, où Amand fut évêque diocésain, et
non pas évêque-missionnaire, évêque ad predicandum, ce qui aurait correspondu davantage à sa
tradition aquitaine/irlandaise. Son épiscopat maastrichtois fut mouvementé. Déçu par la tiédeur du
clergé local et par certains abus, Amand préféra quitter la ville, pour se consacrer de nouveau à sa
11
6
Verhulst-Declercq, p. 524.
mission. Nous sommes bien renseignés sur ses conflits avec le clergé maastrichtois, d’une part par la
Vita Prima de saint Amand lui-même, d’autre part par la lettre que lui écrivit en 649 le pape Martin Ier
(649-654), en réponse à la lettre que lui avait adressée Amand, pour se plaindre du manque de zèle et
de moralité du clergé maastrichtois (texte 6). Malgré les encouragements du pape, Amand a cependant
rapidement démissionné de son siège de Maastricht. Son épiscopat maastrichtois a donc été assez
court, trois années seulement, et il n’a pas été de tout repos (ch. 18). Quant à la lettre du pape, on ne
peut que s’étonner de l’ignorance du biographe.
Un autre fait qui ne figure pas dans la biographie d’Amand, et dont on est pourtant sûr qu’il s’est
déroulé pendant son épiscopat maastrichtois, est la fondation entre 649 et 652, par Itte, épouse de
Pépin l’Ancien, du monastère de Nivelles, création fortement encouragée par Amand, figurant dans la
Vie de sainte Gertrude (texte 5). S’il propose à Itte de fonder un monastère, Amand le fait d’une part
en tant qu’évêque de Maastricht, puisque Nivelles appartient au diocèse de Tongres-Maastricht, mais
aussi comme le promoteur par excellence de la vie monastique.
Après avoir quitté Maastricht, et après avoir, selon le précepte évangélique, secoué la poussière de
ses pieds en témoignage contre le clergé local, Amand reprend son bâton de pèlerin de moine
évangélisateur, d’évêque-missionnaire itinérant, et se dirige, accompagné de quelques frères, vers les
régions de l’Escaut. Il découvre une petite île, Chanelaus, près de l’Escaut. On a voulu l’identifier
avec Calloo, près d’Anvers. Là aussi, sa prédication est un échec. Amand n’y prêche que quelques
jours (ch. 19).
Après s’être tourné vers le nord, il se dirige maintenant vers le sud, et s’en va chez les Vascones, en
Wasconia. Le biographe d’Amand précise que le peuple des Vascones se trouve vers les Pyrénées.
S’agit-il des Basques ou des Gascons ? Peu importe, car là aussi, la prédication de saint Amand n’a
aucun succès. Il part donc vers d’autres terres de mission. Il passe par une ville épiscopale, hélas non
précisée, où se produit un miracle parfaitement improbable. Un mendiant aveugle se frotte les yeux
avec l’eau avec laquelle Amand s’est lavé les mains, et recouvre aussitôt la vue (ch. 20-21).
Amand va-t-il donc jamais arrêter de courir le monde ? Notre voyageur va-t-il se calmer ? Son
biographe raconte qu’il rentre dans le royaume des Francs et qu’il fonde deux monastères. Il ne donne
pas le nom du premier. S’il s’agit d’Elnone, l’auteur est fâché avec la chronologie, car on sait que ce
monastère a été fondé sous le roi Dagobert Ier, qui mourut en 639. Pour le second, notre chroniqueur
raconte qu’« à la même époque », Amand, « évêque et abbé », obtient du roi Childeric II (662-673675) un domaine pour y fonder un monastère. On se serait attendu à trouver ici la mention du
monastère de Barisis-au-Bois, mais le biographe donne le nom du monastère de Nanto (ch. 22) ou
Vaurum selon la Vita Antiqua. Voilà une abbaye bien énigmatique. Il existe bien une abbaye Nant, au
diocèse de Rodez, mais il est douteux qu’elle existât du temps de saint Amand. En tout cas, la soidisant charte de donation de Nant par Childeric à saint Amand, de 664, est un faux grossier. 12 En plus,
le biographe d’Amand situe cette abbaye de Nanto au diocèse d’Uzès, dans le midi de la France. Il est
donc fâché également avec la géographie. Enfin, il nous raconte l’invraisemblable histoire de
Mommolus, évêque du lieu, qui n’apprécie pas ce moine-intrus, et envoie un commando pour
l’assassiner. Inutile de dire que, grâce à l’intervention divine, Amand s’en tire vivant (ch. 23).
Ce petit alinéa dans la biographie d’Amand sur la fondation de deux monastères, par sa brièveté, ne
rend vraiment pas justice à l’œuvre de saint Amand comme fondateur de monastères. Car notre saint a
été un grand fondateur de monastères. Nous avons déjà relevé que son biographe ignore la fondation
de plusieurs maisons que nous savons fondées par lui. Il s’agit d’abord du monastère même d’Elnone
(Saint-Amand-les-Eaux), fondé avant 639, année de la mort de Dagobert. Il paraît également certain
qu’Amand a fondé l’abbaye de Saint-Pierre de Gand. Entre 649 et 652 il est à l’origine de la création
de Nivelles (texte 5). Le biographe ne parle pas davantage de la fondation pourtant bien documentée
du monastère de Barisis-au-Bois (texte 7). Et nous avons un texte d’Amand lui-même, du 15 août 666,
donnant divers biens aux moines de Barisis (texte 8).
A part ces quatre monastères fondés avec certitude par saint Amand, au moins quatre monastères
ont été très probablement fondés par lui : Marchiennes, sur la Scarpe ; Leuze, dans le pagus
bracbatensis ; Renaix (Ronse, Rotnace) et Moustier-sur-Sambre.13 Bien sûr, on lui en attribue
12
13
Texte dans : PL 87, col. 1290 - 1291.
Marchiennes, abbaye Saint-Pierre (dép. Nord, arr. Douai, ch.-l.c.) ; Leuze, abbaye Saints-Pierre-et-Paul (Belgique,
province Hainaut, arr. Tournai) ; Ronse / Renaix, abbaye Saint-Pierre (Belgique, province Oost-Vlaanderen, arr.
Oudenaarde) ; Moustier-sur-Sambre, abbaye Saint-Pierre (Belgique, province Namur, arr. Namur).
7
d’autres, mais sans preuves ni probabilités historiques.
Le dernier miracle relaté par le biographe d’Amand se déroule dans le Beauvaisis. Un jour, pendant
qu’Amand prêche la parole du Seigneur dans le pagus de Beauvais, à Ressons-sur-Matz, il guérit une
femme aveugle depuis de longues années. En parlant avec la brave dame, Amand découvre que sa
cécité provient du fait qu’elle est païenne et qu’elle adore un arbre. Sur le conseil d’Amand, la femme
coupe l’arbre, Amand fait sur elle le signe de la croix, et elle recouvre la vue (ch. 24).
A la fin de sa vie, le 17 avril 674 ou 675, Amand dicte ses dernières volontés. En faisant le bilan de
sa vie, il rappelle surtout ses pérégrinations. Puis, il demande d’être enterré, le moment venu, dans son
monastère, au milieu de ses frères (texte 9). Amand meurt le 6 février 675 ou 676, dans son monastère
d’Elnone, Saint-Amand-les-Eaux. Il a enfin trouvé le repos.
Son rayonnement
Le rayonnement de saint Amand n’était pas seulement géographique. Notre saint, par ses relations, par
ses amitiés, par sa participation active aux grands événements de l’église de son époque, par ses
relations, bien que parfois orageuses avec les rois mérovingiens et leurs cours, a construit un réseau où
l’on retrouve tous les grands noms de son siècle. Il connaissait personnellement tous les animateurs et
dirigeants de l’église et du monde politique. S’il n’est pas certain qu’il ait rencontré saint Colomban, il
a en tout cas été inspiré par les disciples du fondateur de Luxeuil, comme Jonas de Bobbio qui a écrit
la Vie du grand moine Colomban et qui a accompagné Amand lors de ses voyages missionnaires (texte
4), et Achaire, ancien moine de Luxeuil et évêque de Noyon.
Saint Amand a dû connaître aussi tous les grands évêques de son temps, d’abord saint Oustrille et
saint Sulpice de Bourges, qui l’hébergent pendant quinze ans. Il est présent lors de certains
événements importants, comme le 22 février 636, jour de la consécration de l’église du prieuré de
Rebais, où il se trouve avec saint Faron, futur évêque de Meaux, saint Eloi, futur évêque de Noyon, et
saint Adon, fondateur du monastère de Jouarre, prieuré fondé par Dadon, autrement dit saint Ouen,
futur évêque de Rouen. Saint Agile (Aile) en était le premier abbé (texte 2). Un an plus tard, saint
Amand se trouve à Clichy, où il signe un acte en faveur du monastère de Rebais, en compagnie de 25
évêques venus de toute la Gaule, qu’il a donc tous rencontrés (texte 3).
Enfin, son testament, de 674 (?), a été reçu par Reolus (Rieul), archevêque et métropolite de Reims,
par Mummolenus, évêque de Noyon-Tournai, par Vindicianus, évêque de Cambrai, et par saint Bertin,
abbé de Sithiu (Saint-Omer).
Saint Amand a entrepris deux voyages à Rome, le premier comme simple ermite, mais le second,
comme le précise la Vita Antiqua, comme hôte d’honneur du pape. Il a dû connaître en tout cas
personnellement le pape Martin Ier, qui lui a envoyé en réponse à sa lettre sur le clergé de Maastricht,
non seulement ses encouragements, mais encore sa lettre encyclique sur le monothélisme, ainsi que les
canons du concile du Latran de 649 sur le même sujet. Il lui demande en outre de faire confirmer par
les évêques francs les actes de ce synode, et d’intervenir auprès du roi Sigebert III pour qu’il envoie
des évêques francs à Rome, qui iraient ensuite en délégation auprès de l’Empereur à Constantinople
(texte 6). Cette demande du pape prouve la confiance que celui-ci lui fait, l’estime qu’il lui porte, ainsi
que son excellente formation théologique.
Si les relations avec les rois et leurs cours étaient parfois tumultueuses – comme Colomban, saint
Amand a été expulsé pour avoir critiqué leurs mœurs légères – les missionnaires et les fondateurs de
monastères avaient tout de même besoin du soutien des souverains. C’est bien Dagobert I er qui a donné
à saint Amand le grand domaine au confluent de la Scarpe et de l’Elnon pour y construire son
monastère. Et c’est bien Dagobert qui a insisté auprès d’Amand pour que celui-ci baptise son fils, le
futur roi Sigebert III. C’est aussi à la cour du roi qu’il rencontre ces haut-fonctionnaires qui
deviendront plus tard de grands évêques, comme Romain, élevé à la cour de Clotaire II, devenu
évêque de Rouen ; comme les trois fils d’Authaire, – celui-là même qui vers 610 avait reçu saint
Colomban dans son domaine d’Ussy –, Adon, Dadon et Radon : Adon, fondateur du monastère de
Jouarre, Dadon (Auduinus), le futur saint Ouen, évêque de Rouen et fondateur, en présence de saint
Amand, du monastère de Rebais ; Radon, fondateur de Reuil-sur-Marne. Ensuite, il y avait l’Albigeois
Didier (Desiderius), d’abord gardien du trésor royal avant d’être nommé évêque de Cahors ; Faron, fils
d’un grand propriétaire de la région de Meaux, futur évêque de Meaux ; Wandrille, originaire du
Verdunois, fondateur du monastère de Fontenelle, qui plus tard portera son nom ; l’Aquitain Éloi,
8
ancien collaborateur du chef de la monnaie de Limoges, puis monétaire du palais, avant de devenir
évêque de Noyon. Saint Amand a dû connaître aussi saint Léger, évêque d’Autun jusqu’à sa mort
violente en 679. Tous les membres des grandes familles de riches propriétaires et les grands hommes
d’église de cette époque se connaissaient personnellement. Le 1er août 661, le roi Childeric II et la
reine Chinechilde donnent à Amand et à ses moines le domaine de Barisis (texte 7).
Bien entendu, Amand ne pouvait pas encore savoir que les mérovingiens n’avaient plus qu’un
siècle à régner, mais il est déjà en relation avec la famille montante, celle des Pépinides, en particulier
pendant son épiscopat maastrichtois, lors de la fondation de l’abbaye de Nivelles par Itte, épouse de
Pépin l’Ancien et leur fille Gertrude (texte 5).
Endroits visités par saint Amand au cours de sa vie.
9
1. Vie de saint Amand
Nous suivrons le texte de la Vita Prima, d’après l’édition des Monumenta Germaniæ Historica. Sous chaque alinéa, nous
donnerons à titre de comparaison le passage correspondant de la Vita Amandi du Speculum Sanctorale de Bernard Gui, qui
semble bien correspondre à une Vie de saint Amand plus ancien, appelée désormais Vita Antiqua. La numérotation des
chapitres de la Vita Antiqua suit celle de la Patrologie Latine.
Le texte de la Vita Prima nous est parvenu dans différents manuscrits, surtout du XIe et du XIIe siècle.
Prologue de l’auteur
Voulant écrire la Vie de saint Amand, j’invoque le Saint Esprit qui habite en lui [Amand], pour que
Celui qui a daigné lui prodiguer des prodiges, me donne également celle de la narration, afin que, pour
vous, mes chers, j’accomplisse le service qui vous est dû, et afin que ne soit pas mis à l’ombre celui
qui doit de toutes les façons être imité. Même si je manque de talent pour une si grande chose, et si je
suis opprimé par le poids de la frivolité ou de la paresse, je mets cependant mon espoir en Celui qui
dit : « Ouvre ta bouche et je l’emplirai »,14 pour que nous puissions, au plus haut point confiants en
vos faveurs, grâce à votre prière et avec l’aide de la grâce d’en-haut, achever ce travail si ardu et si
difficile que je n’ai même pas commencé, et que je ne puis réaliser par mes seuls mérites.
Ainsi, je veux tout d’abord que vous sachiez que je ne peux aucunement atteindre tous les prodiges
que le Seigneur a daigné faire œuvrer en lui (Amand). Cependant, sans pouvoir atteindre tout ce qu’il
possédait, j’essayerai, pour autant que Dieu me donne des forces, d’aborder rapidement et
succinctement, et pour ainsi dire brièvement, peu de choses parmi une quantité de choses. Il est en
effet indigne qu’on ose passer sous silence un tel homme, quand le pieux Maître de toutes choses a
établi dans le champ de l’église un tel cultivateur, qui par un travail appliqué avec le râteau de la foi
cultive le champ et produit des moissons du Christ pour un rapport au centième. 15 En effet, beaucoup
de remèdes sont demandés à l’éternelle Divinité pour le bien du genre humain, pendant que la Divinité
veut bien envoyer un tel homme pour, conseillé par la miséricorde, éclairer la patrie. Et bien qu’il ne
voulait pas étaler les faveurs qu’il avait reçues, cependant, « une ville sur une montagne ne peut se
cacher », comme dit la Vérité.16 Or, – ce que je peux faire connaître sans offenser tous les Saints –, il
ne le cède en mérites à aucune autre personne dont nous connaissons les prodiges.
Voilà pourquoi, pour qu’un long discours ne suscite le rejet, et génère comme d’habitude l’ennui
chez le lecteur, j’essayerai, sans fausse modestie, de transmettre à la postérité la vie de saint Amand,
comment il vivait depuis son enfance jusqu’à l’âge accompli, ce qu’il faisait avant et pendant son
épiscopat, comment il était au moment de sa bienheureuse fin de vie, et comment il conservait la force
de son esprit et sa volonté, même si c’est dans un langage rustre et populaire, mais bien pour la valeur
d’exemple et pour qu’il soit imité.
14
15
16
10
Psaume 81(80),11.
Référence à la parabole du semeur : Matthieu 13,3-23.
Matthieu 5,14.
Les parents de saint Amand (Valenciennes, BM, ms. 500, f.
53).
Amand arrivant à l’Ile d’Yeu pour se faire moine
(Valenciennes, BM, ms. 500, f. 53).
< 1. Début de la conversion d’Amand >
Donc, le très saint et très pieux Amand est né dans la région d’Aquitaine, non loin du rivage de
l’Océan, de parents chrétiens et célèbres.17 Son père avait comme nom Serenus, sa mère s’appelait
Amantia. Quand, en passant par l’adolescence, il croissait en force virile, et s’enflammait d’un désir
effréné pour l’amour du Christ, quittant sa patrie et ses parents, naviguant favorablement vers l’île
d’Yeu,18 qui est distante de 40 milles du littoral de l’Océan,19 il atteignit le port du monastère, et fut
accueilli avec grande joie par les frères spirituels. Et parce que depuis son enfance il avait appris les
lettres, enflammé dès lors par un désir encore plus grand, il grandissait chaque jour dans la science
divine.
[Vita Antiqua, § 1] Saint Amand était né au pagus d’Herbauge, non loin du rivage de l’Océan de la Gaule,
de parents célèbres et catholiques. Son père avait comme nom Serenus, sa mère s’appelait Amantia. Lui,
depuis son enfance éduqué dans les lettres, par l’inspiration de la grâce divine, quittant sa patrie et ses
parents, choisissant la vie cénobitique, naviguait vers l’île appelée Yeu, qui est distante de 40 milles du
littoral de la Gaule. Là, prenant l’habit dans un certain monastère, il fut accueilli avec joie.
Selon les Actes apocryphes de l’Apôtre André, un
grand méchant serpent avait démoli une maison.
André lui intima l’ordre de se retirer : « Disparais,
depuis le commencement tu as harcelé l’humanité.
Obéis aux serviteurs de Dieu, et meurs ! »
Dessin tiré de: In het spoor van Jezus. De
ontwikkeling van het vroege christendom
(Amsterdam-Brussel 1993), p. 188.
Le jeune Amand, encore laïc, met en fuite un serpent (Valenciennes,
BM, ms. 500, f. 54v).
< 2. Le serpent de l’île d’Yeu mis en fuite >
Un jour, quand les frères lui avaient ordonné d’aller, par obédience, se promener dans l’île, il tomba
tout-à-coup nez-à-nez avec un serpent d’une taille extraordinaire, ainsi que l’homme de Dieu avait
coutume de le raconter aux mêmes frères, tellement énorme et immense, qu’on n’en avait jamais vu
dans cette île, ni avant ni après. Quand le garçon le vit, terrorisé, comme c’est permis à cette âge, il ne
savait que faire. Alors, soudainement touché par une grâce d’en-haut, il eut recours au remède de la
17
18
19
Saint Amand est né vers la fin du VIe siècle.
L’Ile d’Yeu (dép. Vendée, arr. Les Sables-d’Olonne, ch.-l.c.). Abbaye dédiée à saint Hilaire, fondée par des moines de
saint Colomban, détruite en 830 lors des invasions normandes : DHGE 25, col. 817 (T. de Morembert).
Le point de départ de saint Amand n’est pas claire. La distance du continent à Ile d’Yeu à vol d’oiseau est de 18,8 km, du
littoral jusqu’au port de l’Ile d’Yeu. Cela ferait des milles de 470 m, ce qui paraît très peu. Des Sables-d’Olonne à l’Ile
d’Yeu la distance est de 49,2 km à vol d’oiseau (milles de 1,23 km), et de Saint-Hilaire à l’Ile d’Yeu de 31,6 km (milles
de 790 m, ce qui est plus conforme aux calculs qu’on peut faire ailleurs).
11
prière. Aussitôt agenouillé par terre, pendant qu’il se recueillait un moment en prière, il opposa le
signe de la croix à l’énorme serpent, et il lui ordonna par la forte puissance des mots de rentrer au plus
vite dans son antre. Obéissant à l’ordre, et fuyant au signe de l’homme de Dieu, revenant vite dans son
repaire, le serpent n’a plus nulle part ailleurs réapparu dans cette île. Ainsi, par la prière du saint
homme Amand, Dieu le Tout-Puissant à libéré cette île d’un péril menaçant. Le début de ses signes
nous a été relaté grâce à la renommée générale. 20
[Vita Antiqua, § 1] Un jour, en se promenant dans l’île, il vit un serpent ou une couleuvre d’une taille
extraordinaire. Quand il le vit, le garçon saint Amand, terrorisé, se receuillant en prière, opposa le signe
de la croix contre le serpent, et lui ordonna de fuir dans son antre, pour ne plus jamais en sortir. Et ainsi il
libéra les habitants de cette île du péril du serpent.
Serenus exhortant saint Amand à rentrer chez lui (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 54v).
< 3. La réponse à son père >
Ensuite, quand il était encore enfant, son père commença à l’embarrasser avec des conversations
flatteuses, pour qu’il sorte au plus vite du monastère, et qu’il prenne de nouveau l’habit séculier.
Pendant qu’il essayait par ces persuasions et par d’autres moyens de lui faire changer d’avis, affirmant,
s’il ne donnait pas vite son accord pour sortir du monastère, qu’il serait privé de l’héritage paternel, il
paraît qu’il a répondu : « Rien, père, n’est à ce point ma propriété que de me mettre au service du
Christ, qui est ma part et mon héritage.21 Je ne désire rien obtenir des biens paternels. Permets
seulement que je serve le Christ ».
[Vita Antiqua, § 1] Ses parents, par contre, voulaient le ramener chez eux, mais il ne leur obéit point.
20
21
12
Le miracle du serpent mis en fuite par un signe de croix est un vieux topos. La même histoire se trouve déjà dans les
Actes apocryphes de l’Apôtre André. Saint Samson fonda un monastère à l’endroit même où il avait expulsé un dragon
(Vita II, I, § 59, AA.SS. Jul., VI, col. 568).
Psaume 16(15),5.
Saint Amand recevant la tonsure à Tours (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 55).
< 4. Pèlerinage au tombeau de saint Martin à Tours >
Ainsi, restant dans ce désir, quittant sa terre et ses parents, il alla à Tours au tombeau du très saint
Martin. Là, agenouillé, en prière, fondant abondamment des larmes, il demanda par toute la passion de
son cœur, que le saint homme méritait d’obtenir, par sa prière auprès de Dieu, que le Seigneur ne lui
permettrait jamais de revenir vers sa terre natale, mais de passer toute sa vie en pérégrination. Levé de
sa prière, il se coupa aussitôt les cheveux, et parvenu à l’honneur de la cléricature, il surpassait tous en
grâce parmi les membres du clergé.22
< 5. Séjour à Bourges, années 610 >
Ensuite, après avoir reçu la bénédiction de l’abbé de ce lieu et des frères, il rejoignit la cité de
Bourges, chez saint Oustrille, qui était alors grand et célèbre dans les affaires de Dieu. 23 Quand il fut
généreusement reçu par lui et par son archidiacre Sulpice, qui brilla plus tard comme évêque, 24 et qui
lui montrèrent toute leur bienveillance, ils firent construire une cellule à côté de l’église dans la partie
supérieure des remparts de la ville.
[Vita Antiqua, § 2] Après tout cela, ayant demandé l’autorisation et la bénédiction de l’abbé du
monastère, qui était près de la mer, pour la pérégrination, Amand pèlerinait seul, de nombreux jours,
autrement dit quinze années, dans la terre des Burgondes, dans la cité de Bourges, et fut reçu avec
bienveillance par saint Oustrille, l’évêque de cette cité, qui donna l’ordre de lui construire une cellule à
côté de l’église.25
< 6. Ermite à Bourges >
Il demeurait à longueur de journées dans cette cellule, pour l’amour de la vie éternelle. Vêtu d’un
cilice, couvert de cendres, broyé par les jeûnes et la faim, se contentant de pain d’orge et de très peu
d’eau, il maintenait son corps plutôt qu’il le nourrissait. Servant ainsi Dieu en cet endroit pendant près
de quinze années, il s’abstint entièrement de vin et de bière.
[Vita Antiqua, § 2] Là, il vit pendant une longue période en combat spirituel pour l’amour de la vie
éternelle, vêtu du cilice et couvert de cendre, il nourrissait son corps de pain d’orge et de cidre. Un beau
22
23
24
25
Il n’est pas impossible que saint Amand ait rencontre à cette occasion, à Tours, saint Colomban, qui, exilé de Luxeuil, y
était de passage. Un peu plus tard, dans la région de Meaux, saint Colomban va se lier d’amitié avec la famille
d’Authaire, famille que connaîtra aussi saint Amand (voir plus loin, § 17).
Oustrille ou Austrigisille, évêque de Bourges, † 620 (fête liturgique le 20 mai).
Saint Sulpice, évêque de Bourges d’avant 626 à 647 (fête liturgique le 29 janvier).
La dernière partie de cet alinéa figure dans le fragment du manuscrit d’Innsbruck.
13
jour, quand il voulut aller à un lieu de prière, à environ la sixième heure de la journée, lui apparut pendant
une heure tout le cercle de la terre illuminé par un rayon très clair. Ensuite, il arriva à l’endroit où il alla.26
< Premier voyage à Rome, vers 620 >
Ceci étant fait, enflammé de nouveau par un désir céleste, lui vint l’idée d’aller à l’église des saints
Apôtres Pierre et Paul.27 Il ne prit avec lui qu’un seul compagnon, 28 et après avoir affronté des lieux
rugueux et éloignés, il arriva enfin à Rome. Et là, rassasiant son saint désir, apposant de doux baisers
aux seuils des Apôtres, il faisait dans la journée le tour des églises de Dieu, mais la nuit il revenait à
l’église Saint-Pierre.
[Vita Antiqua, § 3] Faisant preuve d’un désir divin, prenant avec lui un seul compagnon, assis sur un âne,
pénétrant en Italie par les chemins écartés des Alpes, il arriva dans la ville de Rome pour visiter les seuils
et les reliques des saints Apôtres et martyrs. En obéissant à son saint désir, se promenant durant la journée
par les lieux des saints, il revenait la nuit à l’église Saint-Pierre.29
Apparition de saint Pierre à saint Amand, sur les marches de la
basilique Saint-Pierre de Rome (Valenciennes, BM, ms. 500, f.
56v).
Peinture de Giovanni Battista Ricci dans la chapelle de
la "Madonna della Bocciata", dans les cryptes de la
basilique Saint-Pierre à Rome, représentant saint
Amand recevant l’apparition de saint Pierre.
26
27
28
29
14
Cet alinéa figure dans le fragment du manuscrit d’Innsbruck.
Le pèlerinage à Rome, au tombeau des Apôtres, est une caractéristique des colombaniens et des moines irlandais.
L’église mérovingienne n’avait que peu de relations avec la papauté.
Le fait de ne voyager qu’avec un seul compagnon doit être interprété comme un signe d’humilité et d’ascèse. Les évêques
mérovingiens voyageaient toujours avec une suite importante : Georg Scheibelreiter, Der Bischof in merowingischer Zeit
(Wien-Köln-Graz 1983), p. 208 - 210.
Cet alinéa figure dans le fragment du manuscrit d’Innsbruck.
Saint Amand chassé par un gardien de la basilique Saint-Pierre de Rome (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 56v).
< 7. Apparition de saint Pierre >
Un jour, quand le soir tombait, et que les gardes faisaient comme de coutume leur travail dans l’église,
le saint homme de Dieu, Amand, restait encore un moment dans l’église quand tout le monde était
sorti, voulant par dévotion veiller toute la nuit. Mais quand l’un des gardes le trouva, il le couvrit avec
mépris d’injures, et le jeta hors de l’église. Et pendant qu’il était assis en extase sur les marches devant
les portes de l’église, saint Pierre lui apparut soudain, lui parlait doucement et calmement, et lui
ordonna de repartir en Gaule pour exercer la prédication. Revenu en grande joie de cette vision, le
saint homme Amand reçut la bénédiction de l’Apôtre et sa protection, et revint en Gaule aux termes
d’un bon voyage.
[Vita Antiqua, § 3] Et pendant qu’il était assis en extase sur les marches de l’église, saint Pierre lui
apparut avec un visage serein, et lui parla d’un doux commandement. Et réjoui de sa vision, il comprit
qu’il avait trouvé la grâce de Dieu, qu’il recherchait.30
Saint Amand et les captifs délivrés (Valenciennes, BM, ms.
500, f. 61v).
30
Saint Amand recevant les insignes de l’épiscopat
(Valenciennes, BM, ms. 500, f. 57).
Cet alinéa figure dans le fragment du manuscrit d’Innsbruck.
15
< 8. Retour en Gaule, ordination épiscopale et prédication, années 620 >
Et ensuite, quelques jours plus tard, Amand, forcé par le roi et les évêques, fut consacré évêque. Ayant
reçu les honneurs de l’épiscopat, il se mit à prêcher l’Évangile du Seigneur aux païens, et de se donner
lui-même en toutes choses en exemple de bonnes œuvres. 31
Il était très pieux et rempli d’une grande bonté, doux de visage, généreux dans les aumônes, sensé,
chaste corporellement, et intermédiaire entre les riches et les pauvres, de façon à ce que les pauvres le
considéraient comme un pauvre et que les riches l’estimaient comme supérieurs à eux. Il s’adonnait
aux veillées et aux prières, il était prudent quand il parlait.32
[Vita Antiqua, § 4] Ensuite, ayant reçu le secours des saints, il revint en Gaules. Après cela, obligé par les
évêques et par le roi, il fut ordonné évêque. Par l’exemple donné par ses bonnes œuvres, il commença à
évangéliser. Il était doux de visage, généreux en aumônes, chaste corporellement, dévoué aux veillées et
aux prières, prudent dans ses paroles. Ainsi, parmi les gens, il mena la vie des anachorètes.33
< 9. Rachat d’esclaves >
Quand il trouva des captifs ou des garçons d’outre-mer, 34 il les racheta en payant le prix, les fit renaître
par le bain spirituel,35 et donna l’ordre de les former solidement dans les lettres. Après leur avoir
accordé la liberté, il les répartit sur plusieurs églises. Parmi eux, nous en avons vu plusieurs qui sont
devenus plus tard évêques ou prêtres, ou d’honorables abbés.36
[Vita Antiqua, § 4] Il racheta beaucoup d’enfants d’outre-mer, et il les purifia par le bain du baptême.
Saint Amand délivrant un serviteur entraîné par le diable (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 57).
31
32
33
34
35
36
16
Saint Amand était donc « évêque régionnaire », évêque missionnaire, c’est-à-dire évêque sans siège résidentiel, ou dans
la tradition irlandaise évêque-missionnaire, episcopus ad predicandum (littéralement : ‘évêque pour prêcher’).
Les catalogues de vertus sont des topoi dans les vies des saints de cette époque.
La première partie de cet alinéa figure dans le fragment du manuscrit d’Innsbruck.
Il s’agit probablement d’esclaves anglo-saxons, proposés à la vente. On sait que le pape Grégoire, au marché d’esclaves à
Rome, en racheta certains, qu’il forma et destina ensuite à la mission en Angleterre.
Il s’agit du sacrement du baptême.
Dans l’histoire de l’humanité, la prise d’otages et l’esclavage ont toujours été des commerces rentables. Plusieurs saints
du VIIe siècle rachètent des captifs. Ainsi, saint Bercaire (Berchaire, Bercharius), ancien moine de Luxueil, contemporain
de saint Amand († 696) et aquitain comme lui, devenu abbé de Hautvillers (dép. Marne, arr. Reims, c. Ay), fonda deux
monastères dans la forêt de Der, au diocèse de Châlons-sur-Marne, Montier-en-Der (dép. Haute-Marne, arr. Saint-Dizier,
ch.-l.c.) pour les hommes et Puellemontier (dép. Haute-Marne, arr. Saint-Dizier, c. Montier-en-Der) pour les femmes,
deux abbayes occupées par des captifs rachetés. Saint Bercaire était commémoré le 16 octobre. Sa vita : AA.SS. Oct.,
VII, p. 986-1031 ; AA.SS.Ben., II, p. 831 - 861.
< 10. Second voyage à Rome ; exorcisme d’un serviteur >
Ceci non plus ne doit pas être passé sous silence. Le même homme de Dieu, Amand, revenant pour la
seconde fois de Rome, étant monté sur un bateau, parvint à Civitavecchia. Une nuit, tandis que,
suivant son habitude, il était en prière, l’esprit immonde saisit par la main un serviteur et l’entraîna
jusqu’à la mer avec le dessein de le noyer. Le garçon, ainsi tiré par la main, se mit à crier de toutes ses
forces, disant : « Christ, aide-moi ! Christ, aide-moi ! ». Mais l’esprit malin répondit au serviteur, en
l’injuriant : « Qui est ce Christ ? » Mais comme le garçon ne répondait pas, saint Amand lui dit :
« Dis-lui, mon fils : ‘Le Christ, le Fils du Dieu vivant, le Crucifié’ ». Et aussitôt, à la voix d’Amand,
l’ennemi s’évanouit comme une fumée.
[Vita Antiqua, § 5] De nouveau, il alla à la ville de Rome avec une suite de clercs, et fut reçu avec les
honneurs par l’homme apostolique (le pape). Les enfants qu’il emmenait avec lui, il les donna aux lieux
des saints, et rentrant en Gaule, il prit avec lui les livres divins des deux Testaments et des traités.37
Apparition de saint Pierre à saint Amand pendant une tempête (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 58v).
< 11. La tempête apaisée >
Peu après, il naviguait en pleine mer et annonçait aux matelots la parole de Dieu. Soudain, apparut un
poisson d’une grandeur extraordinaire. Les matelots jetèrent le filet à la mer et attrapèrent le poisson.
Et comme ils mangeaient et se réjouissaient avec beaucoup de bruit, tout à coup s’éleva une tempête
imprévue, qui changea leur joie en peur. Ils commencèrent à jeter à l’eau tout ce qu’ils avaient sur le
navire, les aliments, les bagages, et même des pièces de l’équipement du vaisseau. Ils travaillaient de
toutes leurs forces afin d’atteindre la terre ferme, mais absolument rien n’y fit. Le navire, secoué, était
jeté de-ci de-là par les flots, et tous avaient perdu l’espoir d’échapper au naufrage. Alors, les matelots
recoururent au serviteur de Dieu, Amand, lui demandant d’implorer le Seigneur, afin que sa prière les
délivrât de cet imminent danger. L’homme de Dieu les réconforta doucement. Il les exhorta à avoir
confiance et les engagea à s’en remettre à la miséricorde de Dieu. Les matelots, cependant, fatigués
par un travail très rude, s’étendaient de-ci de-là dans le bateau et s’endormaient profondément. Mais
lui, assis sur la poupe du bateau, se reposait. 38
37
38
La première partie de cet alinéa figure dans le fragment du manuscrit d’Innsbruck.
Référence à l’histoire de Jésus, dormant sur la poupe du bateau pendant la tempête (Marc 4,35 - 40).
17
[Vita Antiqua, § 5] Mais quand il naviguait par la mer de Sardaigne, il prêchait aux marins la paix et la
charité. Pendant qu’ils buvaient et mangeaient apparut un énorme poisson, qui fut capturé par l’art de la
pêche, ce dont les marins se réjouirent. Mais quand se leva une grande tempête, ils jetaient à la mer tout
ce qu’ils avaient. Alors tous suppliaient le serviteur de Dieu Amand, que par sa prière Dieu voudrait les
libérer de ce péril mortel. Mais il les consolait, et leur prêchait intrépide la parole de Dieu.
< 12. La tempête et l’apparition de saint Pierre >
Tout à coup lui apparut saint Pierre, qui passait par la poupe du bateau. Il se mit à l’exhorter, lui
parlant avec douceur : « Ne crains pas, Amand, tu ne périras pas, ni ceux qui sont avec toi ». Et
bientôt, à sa parole, la tempête s’apaisa et une grande tranquillité fut rendue à la mer. Le matin, tous
ceux qui étaient dans le bateau avec l’homme de Dieu parvinrent à terre, sains et saufs.39
[Vita Antiqua, § 5] Or, saint Pierre apôtre apparut à l’homme de Dieu Amand, disant : « Ne crains pas, tu
ne périras pas, toi et ceux qui sont avec toi ». Le matin revint un grand calme, et tous parvinrent sains et
saufs au port.40
Saint Amand brutalisé et jeté à l’eau (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 58v).
< 13. Prédication à Gand >
Vers le même temps,41 comme l’homme de Dieu, Amand, parcourait les localités et les diocèses, à
cause de la sollicitude pour les âmes, il entendit parler d’un pays situé le long du fleuve Escaut, dont le
nom est Gand. L’iniquité du Diable tenait à ce point les habitants de cette région dans ses filets, que
les indigènes de cette région, abandonnant Dieu, rendaient un culte à des arbres et à des morceaux de
bois, à la place de Dieu, et qu’ils adoraient des temples et des idoles. A cause de la férocité de ce
peuple et en raison de l’infertilité de la terre, tous les prêtres abandonnaient la prédication en cet
39
40
41
18
Le miracle d’une tempête apaisée est un ‘topos’ figurant dans la vie d’autres évêques mérovingiens, comme Baudin de
Tours (v. 546- 552), Apollinaire de Valence (v. 487 - v.520) ou Bonnet de Clermont (690/691 - v. 706). Une histoire
comparable figure dans la vie de sainte Gertrude : Vita sanctæ Geretrudis abbatissæ, c. 5, in : AA.SS.Ben., II, p. 465 466.
Cet alinéa figure dans le fragment du manuscrit d’Innsbruck.
Curieusement, le biographe de saint Amand ne mentionne pas la fondation par Amand, en 636/639, du monastère
d’Elnone (Saint-Amand-les-Eaux), au confluent de l’Elnon et de la Scarpe, au cœur d’un domaine donné par le roi
Dagobert Ier († 639). On sait que sa mission en Flandre avait comme base le monastère d’Elnone. Dans les années 639 642, saint Amand était accompagné par le moine Jonas de Bobbio, l’un des compagnons de saint Colomban (voir ciaprès, texte 4).
endroit, et personne n’osait y annoncer la parole de Dieu.
Entendant cela, le saint homme, déplorant encore davantage leur ignorance, qu’il craignait en
raison du péril de sa propre vie, s’adressa à l’évêque Achaire, qui présidait alors au siège épiscopal de
la ville de Noyon, 42 et lui demanda humblement que, dès qu’il irait voir le roi Dagobert, il pourrait
recevoir de lui des lettres, pour que, si quelqu’un ne voulait pas de plein gré être régénéré par le
baptême, il devait être lavé par le baptême par la contrainte royale. Cela fut fait ainsi. Ayant donc reçu
le pouvoir du roi et la bénédiction de l’évêque, l’homme du Seigneur, Amand, intrépide, se dirigeait
vers ce pays.
On ne peut guère raconter avec vérité, quelles injures il souffrit dans cette contrée pour le nom du
Christ, et combien de fois il fut frappé par les habitants de ce pays, et comment il fut repoussé, avec
des opprobres, même par des femmes et par des paysans, comment il fut, à plusieurs reprises, jeté dans
le fleuve. Cependant, l’homme de Dieu tout cela pour rien. Il ne cessa pas d’annoncer la parole de
Dieu, se rappelant cette sentence du saint Evangile : ‘Personne n’a une charité plus grande que celui
qui donne sa vie pour ses amis’.43 Ses compagnons, qui dans leur charité fraternelle s’étaient joints à
lui, mais qui en raison de la privation de nourriture et la stérilité du lieu étaient repartis chez eux, le
laissèrent seul. Mais lui, tout en continuant son ministère de prédication, préparait sa nourriture de ses
propres mains. Mieux, il racheta d’innombrables captifs et les lava par le saint Baptême, et il les
exhortait à persister dans les bonnes œuvres.
[Vita Antiqua, § 6] Au bout d’un certain temps, saint Amand entendit qu’il y avait aux confins des Francs
et des peuples un petit pays, dont le nom est Gand, sur le fleuve de l’Escaut, qui en raison de la férocité
du peuple et l’infertilité de la terre est abandonné aux brigands, païen et livré à l’idolâtrie. C’est pourquoi
Amand s’exposa au péril pour libérer les habitants de ce lieu des embûches du Diable, et guidé par Dieu il
y alla. Il y souffrit beaucoup d’afflictions pour le nom du Christ. Et pendant que ses compagnons à cause
du manque de nourriture et de vêtements repartaient chez eux, il resta seul, et de sa propre main il tournait
la meule, et il fit du pain mélangé de cendre, qu’il mangeait. Et souvent, quand il détruisit des sanctuaires
païens, il fut battu par des femmes et des hommes et jeté dans le fleuve. Cependant, il racheta des captifs
de leur esclavage, et les conduisit à la grâce du baptême.
42
43
Saint Acaire (Achaire, Aicharius, Hautcarius), ancien moine de Luxeuil, évêque de Noyon-Tournai (626/7 - 637/8), fête
liturgique le 27 novembre.
Jean 15,13.
19
Saint Amand et la résurrection du pendu (Valenciennes, BM, ms. 502, f. 17r-v).
< 14. Résurrection d’un mort à Tournai >
Nous estimons aussi que cette action méritante doit être portée à son actif, que nous avons entendue de
la bouche d’un vénérable prêtre du nom de Bonon, qui déclare qu’il était présent quand la chose arriva.
Il disait en effet qu’un comte du peuple des Francs, appelé Dotton, ayant rassemblé un grand nombre
de Francs dans la ville de Tournai, siégeait, comme il en avait reçu l’ordre, pour trancher les actions
juridiques. Alors, subitement lui a été présenté par les licteurs un coupable, que toute la foule criait
d’être digne de mourir. Or, ce voleur était déjà cruellement brisé par des blessures, et violemment
frappé, et son corps n’était plus qu’à demi vivant. Quand ledit Dotton donna l’ordre de le pendre au
gibet, l’homme de Dieu, Amand, arriva et commença à supplier d’une demande insistante de lui laisser
la vie. Mais parce qu’il était impitoyable et plus cruel que n’importe quelle bête, il ne pouvait rien
obtenir. Finalement le voleur fut pendu au gibet par des serviteurs et des appariteurs, et il rendit son
dernier souffle. Dotton rentra à la maison, devant une foule nombreuse.
Mais le saint homme de Dieu, Amand, courut vite vers le gibet, et trouva l’homme déjà mort.
Déposé du bois, il le fit transporter dans la chambre où il avait l’habitude de prier, et quand ses frères
avaient quitté la cellule, il se coucha sur les membres du défunt, en restant en prières, fondant en
larmes et en prières devant le Seigneur, jusqu’à ce que par l’ordre de Dieu l’âme revint dans le corps,
et qu’il commença à parler avec l’homme de Dieu. 44 Au petit matin, il appela ses frères, et donna
l’ordre de porter de l’eau. Mais puisqu’ils pensaient qu’il devait, comme il est de coutume, laver le
corps en vue de l’enterrement, dès qu’ils entraient dans la cellule, ils virent le même homme qu’ils
avaient laissé pour mort, bien portant, assis avec l’homme de Dieu, sain et sauf, parlant avec lui. Ils
s’étonnaient vivement de voir vivant celui qu’ils avaient laissé peu de temps avant pour mort.
Alors le saint homme du Seigneur, Amand commença à violemment conjurer tous ceux qui y
44
20
Ce miracle ressemble un peu trop à certains récits de résurrection de l’Ancien et du Nouveau Testament, celui d’Elisée (2
Rois 4,18 - 37) et celui de Jésus (Marc 5,35 - 43).
assistaient, qu’ils ne devaient révéler à personne ce que le Seigneur a voulu opérer par lui, affirmant
que ceci ne devait pas être attribué à sa vertu, mais à la miséricorde de Dieu, qui veut être partout avec
ceux qui espèrent en Lui. Après avoir lavé tout le corps et les cicatrices, il restitua la chair à la chair,
de façon à ce que des plaies dont il souffrait auparavant, rien n’était visible sur son corps. Ainsi, il le
laissa repartir dans sa propre maison, et il le rendit sain et sauf à sa famille.
[Vita Antiqua, § 7] Quand, un certain jour, l’adorateur de Dieu Amand vint à la cour des Francs, pour
prêcher l’Évangile aux Francs qui se rassemblaient, les comtes lui amenèrent un homme vaincu, enchaîné,
à demi-vivant, très grièvement blessé. L’homme de Dieu supplia en son nom, qu’il aurait une vie
religieuse, s’il pourrait sortir de ses blessures, mais il ne pouvait rien obtenir de ce prince. Le comte
ordonna de pendre cet homme au bois. Il le pendirent donc, et le laissant pour mort, retournèrent à la
maison. Mais le serviteur de Dieu Amand courut vers le gibet, et ordonna de transporter son corps dans sa
cellule, où il avait l’habitude de prier seul à Dieu seul, pour lui-même et pour tout le peuple. Il ordonna à
ses frères de rester calmes et de fermer la porte de la cellule. Passant toute la nuit en veilles, larmes et
prières, et faisant signe aux matines, il fit porter de l’eau, que les frères humainement parlant croyaient
nécessaire en vue de l’enterrement de l’homme. Mais quand ils étaient entrés dans la cellule, ils
trouvèrent l’homme qu’ils avaient laissé pour mort, assis et parlant, ce dont il commencèrent à beaucoup
s’étonner. Amand, de son côté, soignait de ses mains les plaies avec de l’huile, il reliait la chair à la chair,
et lui permit de rentrer chez lui guéri par la médecine céleste, et vivant.
< 15. Destruction d’idoles >
Mais là où ce miracle a été largement divulgué, les habitants de cette région arrivèrent à lui en grande
hâte et lui demandèrent humblement de les recevoir parmi les chrétiens. Ils détruisirent de leurs
propres mains les temples qu’auparavant ils avaient coutume d’adorer, et ils vinrent unanimement vers
l’homme de Dieu. Car là où des temples étaient détruits, l’homme de Dieu, Amand, tant grâce à la
munificence du roi que grâce aux largesses d’hommes et de femmes religieux, construisit sur-lechamp des monastères ou des églises.45 Edifiant le peuple par la nourriture de la sainte parole, il
illuminait les cœurs de tous par les commandements du ciel.
[Vita Antiqua, § 8] Ayant entendu un tel événement, le peuple des deux sexes commençait à courir vers la
grâce du baptême et les plaintes de la pénitence, et il brûlait par le feu les idoles et leurs sanctuaires, en en
ces lieux où habitait l’Ennemi du genre humain, saint Amand construisit des monastères, fonda des
églises, et amena le peuple à l’adoration du Christ, et il illumina de la lumière de la vérité les âmes
aveuglées par l’erreur.
< 16. Séjour chez les Slaves >
En voyant que par sa prédication certains se convertissaient à Dieu, le saint homme brûlait de ce fait
d’un désir encore plus grand d’en convertir d’autres. Il entendit alors que les Slaves, abusés par une
grave superstition, étaient tenus opprimés par les filets du Diable. Comptant y pouvoir obtenir la
palme du martyre, traversant le Danube, parcourant ces régions, il prêchait d’une forte voix l’Evangile
du Christ aux peuples. 46 Mais puisque très peu furent régénérés (= baptisés) dans le Christ, et voyant
qu’il ne pouvait pas faire obtenir beaucoup de fruits, et qu’il n’obtiendrait pas le martyre qu’il
recherchait toujours, il revint à ses propres ouailles. Et en prenant soin d’elles, il les conduisait par sa
prédication au Royaume du Ciel.
[Vita Antiqua, § 9] Ensuite il traversa le Danube, vers les terres où le nom du Christ n’est pas connu, pour
prêcher, étant en son âme prêt à la palme du martyre. Là, prêchant d’une libre voix l’Évangile du salut, il
amena quelques-uns à la grâce du baptême, mais d’autres, encore stimulés par les péchés, ne voulaient
pas écouter la parole de Dieu.
45
46
‘Monastères’ et ‘églises’ sont portés au pluriel, ce qui paraît bien optimiste ...
Est-ce la Slovénie ? Selon la vie contemporaine de saint Colomban, les Slaves ne seraient autres que les Vénitiens :
‘Venetii, qui et Sclavi dicuntur’ : Vita Columbani, § 56, in : AA.SS.Ben., II, p. 27.
21
Le roi Dagobert chasse saint Amand du royaume
(Valenciennes, BM, ms. 500, f. 59).
Le roi Dagobert implore le pardon de saint Amand
(Valenciennes, BM, ms. 500, f. 60v).
< Expulsion de saint Amand, et mission en Angleterre >47
[Vita Antiqua, § 14] Un certain dimanche, quand saint Amand prêchait aux notables du palais à la
demande des évêques et du roi Dagobert, il célébrait les solennités de la Messe. À la fin de la prière, il
demanda au roi un entretien secret en privé, et commença à lui reprocher des fautes capitales. Le roi,
emporté par l’enflure de l’orgueil, ne voulait pas écouter les paroles de l’homme de Dieu, mais en colère
il lui donna l’ordre de quitter son pays. Lorsque le serviteur de Dieu Amand, rempli de joie, s’en alla de la
vue du roi, il rejoignit un endroit au bord de la mer, dans la but d’y trouver un bateau, et il voulait
traverser la Mer Britannique pour aller vers les peuples des Saxons, pour leur annoncer l’Évangile. Il
voulait rester tous les jours de sa vie en pérégrination.
< 17. Naissance de Sigebert III >
Pendant ce temps, le roi Dagobert, adonné plus qu’il ne fallait à l’amour des femmes, et enflammé par
toute impudicité de débauche,48 n’avait pas d’héritier. Mais il eut recours à l’aide de Dieu et pria avec
ardeur de bien vouloir lui donner un fils qui après lui gouvernerait le sceptre du royaume. Ainsi fut
fait, par un don de Dieu. 49 Quand il lui fut annoncé que le Seigneur avait daigné lui donner un fils, il
fut rempli d’une grande joie, et se mit à réfléchir à qui il pouvait confier le garçon pour le faire
régénérer par le saint Baptême. Il demanda immédiatement à ses serviteurs de se mettre avec
application à la recherche de saint Amand. Car quelque temps auparavant, ce pontife, parce qu’il avait
repris le roi pour ses crimes capitaux, – ce qu’aucun prêtre n’avait encore osé faire –, avait été sur son
ordre, non sans injustice, expulsé de son royaume. Mais lui, parcourant des contrées lointaines,
prêchait la parole de Dieu aux peuples.
[Vita Antiqua, § 15] Après cela, le roi, atteint de fièvres, reconnaissant la faute qu’il avait commise à
l’égard de l’homme de Dieu Amand, envoya le chercher pour qu’il revienne, demandant humblement
qu’il lui pardonne, et qu’il baptise son fils Sigebert qui lui était né.
47
48
49
22
L’épisode de l’expulsion de saint Amand par le roi Dagobert et sa mission chez les Saxons en Angleterre se trouve dans
la Vita Antiqua à un endroit parfaitement illogique. L’affaire a dû se dérouler avant le baptême de Sigebert, ce qui
explique dans la Vita Prima l’ordre de recherche de l’évêque expulsé, donné par le roi Dagobert.
Le goût du roi Dagobert pour le beau sexe est bien connu des chroniqueurs de l’époque. Frédégaire nous apprend que
Dagobert avait répudié son épouse, et l’avait remplacée par trois autres, qui habitaient officiellement et simultanément au
palais, et par un nombre incalculable de concubines que Frédégaire ne veut pas énumérer pour ne pas trop allonger son
texte : Chronicarum quæ dicuntur Fredegarii scholastici, libri IV cum continuationibus, liber IV, § 60, in: MGH, SRM, t.
II, p. 150-151.
C’était le futur Sigebert III, né en 630/631 de relations intimes entretenues pendant un voyage en Austrasie avec une
jeune fille nommée Ragnétrude : Frédégaire, Chronicarum quæ dicuntur Fredegarii scholastici, libri IV cum
continuationibus, liber IV, § 59, in : MGH, SRM II, p. 150.
Saint Amand baptise Sigebert III (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 60v).
< Baptême de Sigebert, à Orléans, 630/631 >
Quand il avait été retrouvé par les serviteurs, et qu’on l’avait averti qu’il devait aller chez le roi, se
souvenant du précepte de l’Apôtre, qu’il faut obéir aux pouvoirs établis,50 il se rendit chez le roi, qui se
trouvait alors dans sa résidence de Clichy. 51 A la vue de saint Amand, le roi était rempli d’une grande
allégresse. Prosterné aux pieds du saint homme, il lui demanda de bien vouloir lui accorder le pardon
pour le grand crime commis contre lui. Mais lui, très doux et patient au-delà de toute mesure,
s’empressa de relever le roi et de lui accorder, avec grande clémence, l’absolution demandée. Alors, le
roi dit à saint Amand : « Je regrette beaucoup d’avoir agi avec folie envers toi. Je t’en prie, ne te
souviens pas de cette injustice que je t’ai faite et ne dédaigne point exaucer la prière que je t’adresse
avec beaucoup d’instance. Dieu m’a donné un fils, – non point à cause de mes précédents mérites – et
je te demande de bien vouloir le laver par le saint Baptême et que tu le prennes comme ton fils
spirituel ». L’homme de Dieu refusa d’abord énergiquement. Il connaissait en effet cette parole de
l’Écriture : ‘II ne faut pas que le soldat de Dieu se mêle des affaires séculières’.52 Dans la solitude et
l’éloignement du monde, il ne doit pas fréquenter les palais des rois. Après quoi, Amand se retira de la
vue du roi.
Immédiatement, le roi lui envoya l’illustre homme Dadon, accompagné du vénérable homme Éloi,
qui résidaient alors tous deux au palais sous l’habit séculier, mais qui dans la suite, comme chacun
sait, sont devenus de remarquables prêtres, distingués par leurs mérites, leurs miracles et leurs
prodiges.53 Ils demandèrent humblement à l’homme de Dieu de bien vouloir répondre à la demande du
50
51
52
53
Romains 13,1.
Clichy (dép. Hauts-de-Seine, arr. Nanterre, ch.-l.c.), sur la Seine.
2 Timothée 2,4.
Dadon (le futur saint Ouen) et Eloi (le futur saint Eloi) étaient à cette époque hauts-fonctionnaires à la cour. Certains
garçons doués de l’aristocratie étaient élevés comme nutriti à la cour des rois mérovingiens, dans le but de les préparer à
d’importantes fonctions politiques ou ecclésiastiques. Ainsi, Dadon, Eloi et Didier reçurent leur formation à la cour du roi
Dagobert Ier. L’éducation à la cour du roi faisait partie du cursus classique d’un haut fonctionnaire ou d’un évêque
mérovingien. Ainsi, à la cour de Clotaire II et de son fils Dagobert Ier, on rencontre les trois fils d’Authaire et d’Aige, son
épouse, qui vers 610 avaient reçu saint Colomban dans leur domaine d’Ussy (Seine-&-Marne), Adon, Dadon et
Radon : Adon, le futur fondateur du monastère de Jouarre ; Dadon (Auduinus, le futur saint Ouen, évêque de Rouen et
fondateur, en présence de saint Amand, du monastère de Rebais ; Radon, fondateur de Reuil-sur-Marne. Ensuite, il y
avait à la cour du roi l’Albigeois Didier (Desiderius), d’abord gardien du trésor royal avant d’être nommé évêque de
Cahors ; Faron, fils d’un grand propriétaire de la région de Meaux, futur évêque de Meaux ; Wandrille, originaire du
Verdunois, fondateur du monastère de Fontenelle, qui plus tard portera son nom ; l’Aquitain Éloi, ancien collaborateur du
chef de la monnaie de Limoges, puis monétaire du palais, avant de devenir évêque de Noyon. Tous les membres de ces
grandes familles mérovingiennes, saint Colomban, saint Amand et les grands hommes d’église de cette époque se
23
roi, de laver son fils dans les fonts sacrés, et de bien vouloir au plus vite le nourrir et l’imprégner de la
loi divine. Et ils disaient que s’il ne refusait pas, il obtiendrait plus aisément, grâce à son amitié plus
grande avec le roi, l’autorisation de prêcher, soit dans son royaume, soit ailleurs, où il voudrait, et
qu’ainsi, grâce à cette faveur royale, il pourrait conquérir au Christ bien des nations. Fatigué enfin par
les suppliques de ces deux messagers, il consentit.
Le roi, apprenant que saint Amand ne refusait plus sa demande, fit aussitôt amener son fils. Celuici, disait-on, n’était né que depuis environ quarante jours. Le saint homme le prit dans les mains, le
bénit et fit de lui un catéchumène. Et comme après une prière aucun des assistants ne répondit ‘Amen’,
le Seigneur ouvrit la bouche de cet enfant, qui, de façon à être entendu de tous, et d’une voix claire,
répondit ‘Amen’. Et aussitôt l’évêque le régénéra par le saint baptême et lui imposa le nom de
Sigebert, à la grande joie du roi et de toute sa cour.54
[Vita Antiqua, § 15] Saint Amand pardonna avec bienveillance l’offense du roi, cependant craignant être
impliqué dans des affaires séculières, il refusa d’abord de baptiser la garçon, mais enfin, prié instamment
par Saint Éloi et saint Ouen, qui demeuraient alors à la cour du roi, par leurs prières et à leur demande, il
baptisa l’enfant, le fils du roi. À la fin de l’oraison et des prières du catéchèse et du baptême, pendant que
tous se taisaient, cet enfant, le fils du roi de quarante jours, répondit d’une voix claire : ‘Amen’. Quand
son père l’entendit, il fut rempli de joie, et il gardait son parrain tous les jours de sa vie en grande
révérence et faveur.
Sigebert III nomme saint Amand à l’évêché de Maastricht (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 63).
< 18. Épiscopat à Maastricht, 648-651 >
Ceci étant ainsi fait, quand arriva le jour de son décès, l’évêque de Maastricht 55 rejoignit avec bonheur
le Seigneur. Le roi,56 apprenant le décès de ce vénérable homme, fit appeler saint Amand. Pendant que
la multitude des prêtres et une grande foule du peuple étaient réunies, il le chargea de diriger l’église
54
55
56
24
connaissaient personnellement.
Nous savons par d’autres sources que le baptême de Sigebert III a eu lieu à Orléans : Frédégaire, Chronicarum quæ
dicuntur Fredegarii scholastici, libri IV cum continuationibus, liber IV, § 62, in : MGH, SRM II, p. 151. La tradition a
canonisé Sigebert en raison de sa piété (fête liturgique le 1 er février).
Evêque resté hélas anonyme; la tradition l’appelle Johannes Agnus, ‘Jean l’Agneau’.
Ce roi est Sigebert III, fils de Dagobert, celui-là même que saint Amand avait baptisé.
de Maastricht.57 Celui-ci refusa et s’estima indigne, mais tous criaient d’une seule voix qu’il était bien
digne de cette charge, et qu’il devait accepter l’église, davantage en raison du soin des âmes, que du
désir d’argent. Forcé donc par le roi et les prêtres, il accepta la chaire épiscopale. Ainsi, durant près de
trois ans, il parcourait les domaines et les bourgs, et sans répit annonçait à tous la parole de Dieu. Mais
beaucoup de prêtres et de diacres – il est affreux de le dire – rejetaient sa prédication et ne voulaient
pas l’écouter. Alors, selon le précepte évangélique, il secoua la poussière de ses pieds en témoignage
contre eux, 58 et se hâta vers d’autres lieux.59
[Vita Antiqua, § 10] Ceci étant fait, il arriva que l’évêque des Maastrichtois mourut. Alors, l’homme de
Dieu Amand, forcé par le roi, obligé par les prêtres et élu par le peuple, accepta de diriger l’église des
Maastrichtois. Parcourant pendant trois ans les domaines, les bourgs et les villages, prêchant, affirmant,
adjurant, il enseignait le peuple, et beaucoup ont été conduits à la voie de la pénitence. Mais des prêtres et
des diacres, en nom mais pas par le mérite de l’office, dédaignaient écouter l’homme de Dieu quand il
prêchait et leur montrait la voie du salut. Saint Amand, de son côté, secouant la poussière de ses pieds en
témoignage contre eux, se dirigea vers un endroit solitaire, ...
< 19. Prédication à ‘Chanelaus’ >
Enfin, trouvant une petite île du nom de Chanelaus, le long du fleuve l’Escaut,60 il désirait y servir le
Christ quelques jours avec ses frères spirituels. Mais un immense fléau ruinait pendant près de deux
ans les contempteurs du verbe de Dieu, de façon à ce que les maisons furent ruinées, les champs
transformés en déserts, et les villages et les châteaux détruits. Et il ne restait presque personne dans ces
régions pour mépriser la prédication de l’homme de Dieu.
[Vita Antiqua, § 10] ...et il habitait quelque temps dans une petite île. Une immense catastrophe envoyée
par Dieu poursuivit ces contempteurs de la parole de Dieu. Ainsi, pendant deux ans, les domaines étaient
désertés suite à une épidémie imprévue de peste, les maisons abandonnées, les champs réduits en
solitudes. Dans toute cette région où il voulait prêcher, il ne restait presque personne pour s’opposer à sa
prédication.
57
58
59
60
À l’époque mérovingienne, les évêques étaient désignés par le roi, mais non sans que celui-ci tienne compte de la volonté
du peuple et du clergé : Georg Scheibelreiter, Der Bischof in merowingischer Zeit (Wien-Köln-Graz 1983), p. 128 - 171.
Matthieu 10,14.
Nous sommes renseignés plus en détails sur les conflits de saint Amand avec le clergé maastrichtois par la lettre que lui
écrivit en 649 le pape Martin Ier (649 - 654), en réponse à la lettre que lui avait adressée Amand, pour se plaindre du
manque de zèle et de moralité du clergé maastrichtois (voir ci-après, texte 6). Malgré les encouragements du pape,
Amand a rapidement démissionné de son siège de Maastricht. Un autre fait qui ne figure pas dans la biographie
d’Amand, et dont on est pourtant sûr qu’il s’est déroulé pendant son épiscopat maastrichtois, est la fondation par Itte,
épouse de Pépin l’Ancien, entre 640 et 652, du monastère de Nivelles, création fortement encouragée par Amand, d’une
part en tant qu’évêque de Maastricht, puisque Nivelles appartient au diocèse de Tongres-Maastricht, mais aussi comme
promoteur par excellence de la vie monastique (voir ci-après, texte 5). Sur l’épiscopat de saint Amand à Maastricht, voir
mon article : « Amandus, bisschop van Maastricht », in : Onder ‘t kruys. Kerkelijk en religieus leven in het gebied van
Maas en Nederrijn (Gouda 2010, Publicaties van de Vereniging voor Nederlandse Kerkgeschiedenis), p. 15 - 29.
Est-ce Calloo, localité située en Flandre Orientale, dans le pays de Waes, sur l’Escaut ? L’identification est improbable,
d’autant qu’il est question de vici et de castra.
25
Saint Amand et le mime basque (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 65).
< 20. Prédication chez les Basques >
Peu de temps après, les frères qu’il avait établis en divers endroits pour le soin des âmes, le prièrent de
leur rendre visite et de les réconforter par la parole de Dieu. Répondant enfin à cette demande, il vint
chez eux, et il entendit par eux que le peuple que depuis l’antiquité on appelait Vacceia, et qui
maintenant est appelée couramment Wasconia, était à ce point plongée dans l’erreur, qu’adonnée aux
augures et aux autres superstitions, elle adorait des idoles à la place du vrai Dieu. Ce peuple était
établie vers les défilés des Pyrénées et les endroits inaccessibles, et, combattant avec force et agilité,
occupait souvent les terres des Francs. L’homme de Dieu, Amand, ayant pitié de leur égarement,
commença à travailler avec ardeur pour les arracher au service du Diable.
Pendant qu’il leur prêcha la parole divine et leur annonça l’Évangile du salut, un des serviteurs se
leva, un homme léger et débauché, et même pétri d’orgueil, et commença, pour exciter les rires, à
singer les paroles du serviteur du Christ par ce que les gens appellent ‘mime’, et à mépriser l’Évangile
qu’il prêchait. Mais à ce moment même, ce misérable fut emporté par le Diable. Il commença à se
déchirer de ses propres mains, et fut forcé d’avouer publiquement que ses souffrances étaient la
punition du Ciel pour les insultes dont il avait abreuvé l’homme de Dieu. Ainsi, dans cette torture, il
rendit son dernier souffle.
[Vita Antiqua, § 11] Après un certain temps, en rendant visite aux frères à qui il avait confié en diverses
provinces des monastères et des églises, il entendit qu’il y avait un peuple très féroce, pris dans les
erreurs, qui est appelé aujourd’hui Vasconia. Ce peuple habite dans les gorges des Pyrénées, en des
endroits montagneux et inaccessibles. Par ses fréquentes sorties, combattant avec agilité, il pillait en long
et en large les terres des Francs. C’est donc là-bas qu’il alla pour prêcher, pour les arracher à l’idolâtrie,
aux brigandages et à la fausseté de ce monde. Un jour, quand il prêchait, l’un d’eux se leva, et par des
mots qui provoquaient le rire, en dénigrant, se moquait de l’Évangile du Christ et du serviteur de Dieu
Amand, et il attirait le peuple avec lui dans cette vaine joie. À la même heure, par vengeance de Dieu,
l’ange du Satan envahit le misérable, et immédiatement tous ses membres se contractaient, et pendant
qu’il confessait qu’il souffrait ce châtiment pour cette raison, parce qu’il s’était moqué du serviteur de
Dieu Amand, il expira misérablement.
26
Guérison d’un aveugle au contact de l’eau touchée par saint Amand (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 65).
< 21. L’aveugle guéri par l’eau de lavage d’Amand >
Pendant qu’il restaient encore dans leur cécité, et que le saint homme partait vers d’autres région, il
arriva dans une certaine ville. Il fut accueilli avec les honneurs par l’évêque de cette ville, et quand
l’évêque en signe d’hospitalité lui versa de l’eau sur les mains, il donna secrètement l’ordre à un
serviteur pour que cette eau, qui avait lavé les mains de l’homme de Dieu, soit porté soigneusement
dans la sacristie de l’église pour y être conservée. Ce fut fait ainsi. Car ledit évêque de la ville était très
confiant que cette bénédiction de l’homme de Dieu pouvait être salutaire pour les fidèles.
A la même époque, un homme aveugle, qui depuis longtemps avait perdu la vue corporelle, était
assis devant les portes de l’église pour mendier. L’évêque de cette ville lui dit : « Homme, si tu as la
foi, lave-toi les yeux avec l’eau, avec laquelle l’homme de Dieu, Amand, s’est lavé les mains. J’ai
confiance que, par sa sainteté, tu retrouves la santé d’avant ». Quand cet aveugle s’était lavé les yeux
avec cette eau, il recouvra de suite, par l’ordre de Dieu, la vue, et il voyait tout clairement.
[Vita Antiqua, § 12] Quittant la région des Vascons, il vint dans une certaine cité, dont l’évêque le reçut.
En respectant l’hospitalité, il porta de l’eau pour que saint Amand se lave les mains, et il donna l’ordre au
serviteur de conserver cette eau. Il y avait là un homme qui n’avait plus la lumière des yeux. L’évêque lui
dit : « Si tu as la foi, crois, lave tes yeux dans l’eau, dans laquelle Amand, s’est lavé les mains, et tu
recevrais la lumière ». Quand il s’était lavé les yeux, ses yeux se sont ouverts et il voyait clair.
< 22. Retour dans le royaume des Francs et fondation de deux monastères >
Ceci étant ainsi fait, ce même l’homme de Dieu, Amand, revint dans le royaume des Francs, et choisit
un endroit convenable pour la prédication, où, avec les frères qui comme lui avaient supporté
beaucoup de souffrances pour le nom du Christ à travers diverses provinces, il construisit un
monastère. 61 Et nous avons vu que plus tard plusieurs de ces frères sont devenus abbés ou hommes de
61
Le biographe de saint Amand est particulièrement mal renseigné sur les fondations de monastères par saint Amand. Ce
n’est que le paragraphe 25, à l’extrême fin de la biographie, qui mentionne Elnone, fondé pourtant dès les années 630, et
qui était la fondation la plus importante, en tout cas la maison préférée de saint Amand. Il paraît également certain
qu’Amand a fondé l’abbaye de Saint-Pierre de Gand. Le biographe ne parle pas davantage de la fondation pourtant bien
documentée du monastère de Barisis-au-Bois (voir ci-après texte 7). Le 1er août 661, le roi Childeric II et la reine
Chinechilde donnent au « père apostolique » Amand et à ses moines un domaine à Barisis, dont le domaine fut donné le
1er août 661 par le roi Childeric II et la reine Childechilde. Puis, nous avons un texte d’Amand lui-même, du 15 août 666,
donnant divers biens aux moines de Barisis. Il est précisé dans cet acte que le monastère observe les Règles de saint
Benoît et de saint Colomban : sub regula domni Benedicti seu domni Columbani (voir ci-après texte 8). L’auteur ne
mentionne pas davantage la participation de saint Amand à la fondation de Rebais et de Nivelles (voir ci-après textes 3 et
5). À part ces monastères fondés avec certitude par saint Amand, quatre monastères ont très probablement été fondés par
27
haut rang.
[Vita Antiqua, § 13] Le vénérable seigneur Amand, revenant sous la conduite du Christ, se dirigea vers les
extrêmes régions des Francs, et il prêchait avec insistance pour le nom du Christ. Dans de nombreuses
provinces il souffrit beaucoup de souffrances. Il construisit un monastère, et comme un pasteur il
enseignait quotidiennement ses fils dans le Christ par des paroles divines. Il enseignait certains par la
parole, il éduquait d’autres par son propre exemple.
< 23. Fondation du monastère de ‘Nanto’>
À peu près à la même époque, le saint homme de Dieu, Amand, s’en alla trouver le roi Childeric,62 et
lui demanda humblement de lui donner quelque retranchement pour construire un monastère, non par
ambition, mais pour le salut des âmes. Le roi lui remit l’endroit appelé Nanto, dans lequel l’homme de
Dieu, dans une intention sage, commença à bâtir un monastère.63
[Vita Antiqua, § 16] Saint Amand obtint du roi Sigebert un lieu en Gaule, qui est appelé Vaurum,64 et il y
construisit un monastère.
Saint Amand et les assassins sur la montagne (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 66v).
< Tentative d’attentat >
Mais un certain Mummulus, évêque de la ville d’Uzès,65 supportait fort mal que l’homme de Dieu ait
reçu du roi cet endroit. Enflammé d’envie, il s’efforça de faire disparaître le serviteur de Dieu. Il
envoya vers lui des hommes agiles, chargés de chasser l’homme de Dieu de cet endroit, après l’avoir
62
63
64
65
28
lui : Marchiennes, sur la Scarpe ; Leuze, dans le pagus bracbatensis ; Renaix (Ronse, Rotnace) et Moustier-sur-Sambre.
Childeric II, fils de Clovis II, roi d’Austrasie à partir de 662, roi de Neustrie et de Bourgogne à partir de 673 (assassiné en
675).
Abbaye énigmatique. Il ne s’agit certainement pas de l’abbaye Saint-Pierre de Nant (dep. Aveyron, arr. Millau, ch.-l.c.),
qui n’existait pas encore du temps de saint Amand. Le soi-disant acte de donation de biens par le roi Childeric à l’abbaye
de Nant (PL 87, col. 1290 - 1291), est un faux. Le biographe a sûrement voulu parler de Barisis, dont le domaine fut
effectivement donnée par le roi Childeric (voir ci-après textes 7 et 8).
Vaurum semble bien être une déformation de Nantum. Où serait-ce l’inverse ?
Le texte porte Ozindisis. On pense bien entendu à Uzès (dép. Gard, arr. Nîmes, ch.-l.c.), en latin : Ucetia, Ucecense,
Uciense castrum, Ucensis urbs, Ucetia, Ucetica, Ucetum. Le biographe de saint Amand nage en pleine confusion. La
tradition orale a dû lui livrer des éléments d’une histoire que l’on retrouve aussi dans la vie de saint Aigulphe, abbé de
Lérins, victime d’une attaque armée par un certain Mummolus, prince de Usezia (ou, selon les manuscrits : Niceria,
Uzeia, Vicetia, Ucetia, Nicetia ou Nicea), autrement dit Nice, ce qui vu la proximité de Lérins paraît plus logique : Vita
Prima sanctorum Aigulphi abbatis et sociorum, c. 14, in : AA.SS. Sept., I, p. 746.
abreuvé d’opprobres, ou au moins de le châtier sur place. Les serviteurs, arrivés chez lui, dissimulèrent
leur jeu et lui proposèrent de le conduire en un lieu propice à la construction d’un monastère. Il
n’aurait qu’à les suivre. Mais, grâce à la révélation de Dieu, leur malice ne put rester cachée. Car,
tandis qu’ils feignaient de le conduire à l’endroit promis, le saint homme Amand n’ignorait nullement
à quel endroit ils avaient décidé de le tuer. Enfin, ils arrivèrent au sommet d’une montagne, où ils
devaient lui trancher la tête. Mais l’homme de Dieu ne voulait le prédire aux siens, car il allait
volontiers au martyre. Mais, tout à coup, une grande tempête se leva avec de la pluie et de la grêle. Un
nuage opaque s’étendit sur toute la colline, de telle façon que les appariteurs de l’évêque venus pour
tuer Amand, privés de la lumière, ne voyaient presque plus rien. Ayant perdu tout espoir de survie, ils
se jetèrent aux pieds du saint, lui demandèrent pardon et le prièrent de leur accorder de partir sains et
saufs. Alors, Amand recourut à ses armes habituelles, c’est-à-dire au secours de la prière, et répandant
en abondance des larmes, il continua de prier jusqu’à ce que le temps fut redevenu serein et que la
lumière eut été rendue aux appariteurs. Ceux-ci, pris de peur, épouvantés, retournèrent chez eux. Les
serviteurs ayant été frappé par une telle peur, l’homme de Dieu échappa à la mort, sain et sauf.
[Vita Antiqua, § 16] Mais l’évêque d’une cité proche, prenant ceci de façon fâcheuse, donna l’ordre à ses
serviteurs qu’ils le chassent de là, ou qu’il le tuent. Mais le bienheureux Amand, qui par révélation de
Dieu savait leur malice, alla avec eux au sommet d’une montagne, où ils voulaient le tuer. Mais il ne le
révélait pas à ses compagnons, parce qu’il aspirait au martyre. Mais tout à coup une tempête, et des pluies
et de des grêles recouvraient la montage au point que les méchants qui voulaient le tuer ne voyaient plus
rien. Alors, saint Amand priait aussi longtempspour que, le temps redevenu serein et la vue retrouvé, ils
puissent repartir chez eux.
Saint Amand et la femme aveugle adoratrice d’arbres (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 66v).
< 24. Une païenne aveugle guérie et convertie >
J’estime qu’on ne peut pas non plus omettre ceci, que j’ai appris de la bouche d’un vénérable et fidèle
homme, le prêtre nommé Erchengisile. Un jour, quand l’homme de Dieu, Amand, prêchait la parole de
Dieu dans le pagus de Beauvais, il vint dans un lieu qui s’appelle Ressons, près du cours d’eau de
l’Aronde. 66 II y avait là une femme aveugle, qui, ayant perdu la vue depuis longtemps, ne connaissait
rien d’autre que les ténèbres. Etant entré dans sa maison, Amand se mit à l’interroger sur la manière
dont cette infirmité lui était venue. La femme répondit que la seule raison de sa cécité était qu’elle
66
Ressons-sur-Matz (dép. Oise, arr. Compiègne, ch.-l.c.), près de l’Aronde. L’Aronde coule à 8 km environ au sud de
Ressons-sur-Matz.
29
avait toujours conservé un culte pour les augures et les idoles. Elle lui montra ensuite l’endroit où elle
avait l’habitude de prier son idole, près d’un arbre dédié au démon. L’homme de Dieu lui dit : « Je ne
suis pas étonné que tu sois devenue aveugle à cause de cette folie, mais j’admire la miséricorde de
Dieu qui t’a gardée dans l’attente. Tandis que tu devais adorer le Créateur et le Rédempteur du monde,
tu as adoré des démons et des idoles muets qui ne peuvent rendre service ni à toi ni à elles-mêmes.
Maintenant donc, prends une hache, et dépêche-toi de faire tomber cet arbre néfaste, par lequel tu as
perdu ta vue corporelle et le salut de ton âme. J’ai confiance que si tu crois fermement, tu pourras
recouvrer, grâce à Dieu, la lumière que tu possédais autrefois ». La femme, conduite à la main par sa
petite fille, alla vite à l’arbre et se mit à l’arracher. Alors l’homme de Dieu, Amand, l’appela près de
lui, lui fit sur les yeux le signe de la croix, et en invoquant le nom du Christ, lui rendit la santé
d’autrefois. Instruite ainsi comment elle devait agir à l’avenir, elle se montra tous les jours de sa vie
chaste et sobre, et améliorant désormais sa vie, elle changea sa conduite au mieux.
< 25. Le prieur désobéissant >
Ceci également, ce que le Seigneur a daigné montrer comme suprême louange, ne doit pas être passé
sous silence. Un jour, quand il avait, par un envoyé, ordonné à un certain moine, le prévôt de son
monastère, appelé Chrodobalde, de préparer des chariots pour porter au monastère du vin à l’usage des
frères, celui-ci avait été désobéissant. Mais la nuit la vengeance divine l’atteignit. En effet, quand il se
mit en route pour aller voir l’homme de Dieu pour s’excuser qu’il n’avait pas de chariots, il était
tellement touché par une paralysie des jointures, qu’il ne pouvait bouger ni les mains ni les pieds.
Pendant que toute sa chair était comme morte, le souffle de vie respirait seulement dans sa poitrine.
D’un souffle ténu, comme il pouvait, il parvint à reconnaître qu’il méritait de souffrir ceci à cause de
sa désobéissance et de sa contumace. Les frères le couchèrent donc dans une barque, pour le ramener
audit monastère, auquel les grands ont donné le nom d’Elnone, chez l’homme de Dieu, Amand. C’était
déjà le soir, après la messe et les vêpres, quand l’homme de Dieu comme de coutume mangeait pour se
restaurer, on vint lui raconter tout à coup combien ce moine était malade. On dit qu’il sourit légèrement et répondit : « Chrodebalde courra encore de plus graves dangers, car il s’abandonne beaucoup
à la jactance et à la désobéissance ». Il fit alors appeler un prêtre, un homme fidèle, et il fit porter à ce
moine une coupe de vin et un morceau de pain, et lui demanda : « Va, et dis à ce moine qu’il prenne
un peu de ce pain et de ce vin, et demain, si Dieu le veut, quand j’irai le voir, qu’il vienne à ma
rencontre et qu’il ne reste pas couché dans son lit ». Ainsi fut fait. Ayant reçu la bénédiction du père
abbé, ce moine reçut la santé de tout son corps, comme s’il avait souffert d’aucune lésion. Quand le
saint homme venait, il alla à sa rencontre, et commença à parler avec lui. Les frères s’étonnèrent
beaucoup de voir vivant et en bonne santé celui qu’ils croyaient presque mort. Mais l’homme de Dieu,
Amand, après lui avoir accordé le pardon, l’exhorta à améliorer à l’avenir sa vie, et l’envoya en bonne
santé au monastère.
< 26. Sainteté d’Amand >
Il y a encore beaucoup de choses que le Seigneur a bien voulu opérer par lui, que nous ignorons, mais
que Dieu connaît. Si je voulais raconter tout ce qui, par la bouche d’hommes fidèles, nous est venu aux
oreilles, la journée, je pense, finirait avant la fin du récit. Quels prodiges le Seigneur n’a-t-il pas
donnés par lui, quand il redonnait aux morts la vie, aux aveugles la vue, aux paralysés la marche, aux
lépreux la purification, aux sourds l’ouïe, et aux opprimés par le Diable la santé ?
[Vita Antiqua, § 16] Dieu fit encore beaucoup d’autres miracles par les mérites de saint Amand, qui ne
sont pas décrits ici.
< Décès d’Amand >
Ainsi, le très saint homme du Seigneur, Amand, après avoir achevé fidèlement la course, 67 et rempli du
fruit de toutes les bonnes œuvres, quand arriva le jour de son très saint décès, rejoignit avec bonheur le
Christ.68 Il a été enseveli avec grand honneur au lieu qui est appelé Elnone. En ce lieu s’opèrent, par sa
prière, de nombreuses faveurs, et le nom du Seigneur Jésus Christ y est loué par tous. A lui, avec le
67
68
30
D’après 2 Timothée 4,7.
Il est très remarquable que le biographe ne connaît pas le texte du testament de saint Amand (voir ci-après texte 9).
Père éternel et le Saint Esprit, la puissance et l’honneur, la gloire et le règne, la louange et la puissance
pour les infinis siècles des siècles. Amen.
[Vita Antiqua, § 16] Lui, plein de jours et de bonnes œuvres, s’en alla vers le Seigneur.
Décès de saint Amand (Valenciennes, BM, ms. 108, f. 67v,
Sacramentaire à l’usage de l’abbaye de Saint-Amand, vers
1170-1180).
Décès de saint Amand au pied de l’autel de saint André
(Valenciennes, BM, ms. 500, f. 61).
Ensevelissement de saint Amand (Valenciennes, BM, ms.
500, f. 62v).
L’âme de saint Amand est reçu dans le sein d’Abraham
(Valenciennes, BM, ms. 500, f. 62v).
31
2. Consécration de l’église de Rebais (22 février 636)
Le 22 février 636, saint Amand est à Rebais,69 pour y consacrer, avec saint Faron, futur évêque de Meaux, saint Eloi, futur
évêque de Noyon, et saint Adon, fondateur du monastère de Jouarre, l’église du prieuré de Rebais, fondé par Dadon,
autrement dit saint Ouen, futur évêque de Rouen. L’histoire est rapportée dans la Vie de saint Agile (Aile), premier abbé de
Rebais.
Le texte nous est parvenu dans un manuscrit de l’abbaye de Rebais.
Le jour solennel de la dédicace de ce temple était déjà tout proche. Le vénérable Ouen, qui avait
édifié cette église en l’honneur de saint Pierre, prince des Apôtres, désirait vivement qu’elle soit
consacrée en la fête de la Chaire de saint Pierre à Antioche, c’est-à-dire le 22 février. Il invita donc les
évêques cités plus haut [Amand et Faron de Meaux] et encore saint Eloi. De la manière fixée par la
coutume ecclésiastique, ils firent leur entrée dans le temple, pour le consacrer. À cette fête assistaient
aussi Adon, la gloire des moines, et Aile, le modeste.
Les évêques consécrateurs remarquèrent que la pierre d’autel en marbre de Paros, polie avec
beaucoup de soin, n’était pas d’aplomb sur l’autel. Et comme ces quatre colonnes [Amand, Faron,
Eloi et Adon] et vrais luminaires du monde, voulaient la déplacer, elle échappa de leurs mains, tomba
par terre et se cassa en deux, de telle façon qu’on eût pu la croire coupée au fer. Chose étonnante et
admirable! Cependant, les évêques et les grands restent d’abord quelque temps surpris. Puis, tout à
coup, ils se prosternent à terre, se mettent en prières, frappent les poitrines de leurs mains, mouillent
leurs faces de larmes, si bien que les pavés en deviennent humides. Or, une stupeur subite avait envahi
les assistants. Après une longue prière, les prélats se levèrent, avec force soupirs, et commencèrent à
tracer sur la pierre le signe de la croix. Et voici que, par la puissance du Christ, elle se rejoignit si
solidement comme si la pierre n’avait jamais été brisée. Ceci peut être admiré jusqu’à nos jours, parce
que dans cette pierre reste, comme preuve et souvenir pour la postérité, à l’endroit même où elle a été
cassée, comme la trace d’une mince veine. 70
Et puisque saint Amand avait célébré l’office solennel de la dédicace et avait chanté ce jour-là la
sainte messe à l’autel, il plut au vénérable Ouen de faire graver son nom dans cette pierre, en grandes
lettres.
Vita Agili, c. 18, in : AA.SS. Ben. II, p. 322-323; AA.SS. Aug. VI, c. 26-28, p. 584.
69
70
32
Rebais ou Rebais-en-Brie (Seine-&-Marne, arr. Meaux, ch.-l.c.), sur le Rebais, affluent du Grand Morin, Resbacum,
Jerusalem, abbaye Saint-Pierre, fondée par saint Ouen. Agile (Aile), moine de Luxeuil, en fut le premier abbé.
L’histoire de la pierre d’autel brisée est de toute évidence une étiologie, destinée à expliquer un défaut de la pierre.
Exactement le même miracle est attribué par Paul Diacre à Auctor de Metz (Paulus Diaconus, Gesta episcoporum
mettensium, in : MGH, SS 2, p. 263), et au XIe siècle par Jocundus à saint Servais de Maastricht, qui restituèrent de façon
miraculeuse la pierre d’autel brisée de la cathédrale Saint-Etienne de Metz : Régis de la Haye (éd.), Sint Servaas volgens
Jocundus. Het Leven en de Wonderen van Sint Servaas door de priester Jocundus (Maastricht 2006), Vita, § 38.
3. Faron, évêque de Meaux, confirme les privilèges du monastère
de Rebais, 1er mars 637.
Par acte fait à Clichy, le 1er mars, en la 15e année du roi Dagobert, soit 637, Burgundusfaro, appelé plus couramment Faron,
confirme les privilèges du monastère de Rebais, appelé à vivre sous la Règle de saint Benoît et selon les coutumes du
monastère de Luxeuil. Parmi les signataires figure saint Amand, avec son titre d’évêque : ‘Amandus episcopus subscripsi’.
Un certain nombre d’évêques signataires de cet acte figurent aussi parmi les pères du concile de Clichy (626-627).71
D’après l’éditeur Pardessus, le texte de cet acte nous est parvenu par une copie des archives du monastère de Rebais, et
doit être considéré comme authentique.
Burgundusfaro [= Faron], au nom du Christ, indigne évêque de la cité de Meaux, à la demande de
mes frères evêques et du seigneur roi Dagobert, je signe ce privilège de ma propre volonté.
Candericus, évêque, primat de Lyon, j’ai signé.
Sindulphus ou Landelinus, archevêque de la sainte église de Vienne, j’ai signé.
Donatus, évêque de la ville de Besançon, j’ai signé.
Albridus, évêque de la ville de Chartres, j’ai signé.
Maurinus, évêque de Beauvais, j’ai signé.
Guido, évêque de Verdun, j’ai signé.
Aigatarius, évêque de Noyon, j’ai signé. 72
Ferreolus, évêque d’Autun, j’ai signé.
Bertholdus, évêque de la ville de Langres, j’ai signé.
Palladius, évêque d’Auxerre, j’ai signé.
Petrovinus, évêque de Vaison, j’ai signé.
Marius, évêque de Toulon, j’ai signé.
Protadius, évêque de la cité d’Aix, j’ai signé.
Amandus, évêque, j’ai signé. 73
Verus, évêque de la cité de Rodez, j’ai signé.
Martinus, évêque de Fréjus, j’ai signé.
Childegarius, évêque de Sens, j’ai signé.
Adeodatus, évêque de Mâcon, j’ai signé.
Audebertus, évêque de la ville de Paris, j’ai signé.
Ailphus, évêque de la ville de Saintes, j’ai signé.
Magdegisilus, évêque de la ville de Tours, j’ai signé.
Magmatius, évêque d’Angoulême, j’ai signé.
Perichonius, évêque de Genève, j’ai signé.
Raynaldus, évêque de Nevers, j’ai signé.
Asaneus, évêque de la ville de Soissons, j’ai signé.
Et beaucoup d’autres ont signé.
Pardessus, t. II, acte CCLXXV, p. 39 - 41 ; PL 87, col. 1134 - 1138.
71
72
73
Les canons des conciles mérovingiens (VI e-VIIe siècles), in : SC 354, p. 526 - 547.
Il s’agit de l’évêque Acharius ou Achaire, qui figure aussi dans la Vie de saint Amand, au ch. 12.
Saint Amand est le seul évêque sans siège, signataire de cet acte.
33
4. La mission en Flandre (639-642)
Vers 636/639, – Amand doit déjà avoir la cinquantaine –, c’est au confluent de l’Elnon et de la Scarpe qu’il fonde son
abbaye, au cœur d’un domaine donné par le roi Dagobert. Curieusement, le biographe d’Amand ne parle pas de cette
fondation pourtant essentielle dans la vie de notre saint, d’autant qu’on sait que c’est désormais à partir d’Elnone qu’il
entreprend ses voyages missionnaires, à pied, à travers l’Europe, ou en barque, en descendant la Scarpe et l’Escaut jusqu’à la
mer. Jonas de Bobbio, auteur de la Vie de saint Colomban, séjourne à Elnone vers 639/642. Dans le prologue de sa Vie de
saint Colomban, il rappelle qu’il avait trois années auparavant reçu l’ordre de ses supérieurs d’écrire la Vie du saint. Il aurait
déjà commencé son travail plus tôt, s’il n’avait pas accompagné saint Amand pendant ces trois années dans son travail
missionnaire. Il raconte lui-même ses souvenirs.
La Vie de saint Colomban a été transmise dans un grand nombre de manuscrits, dont les plus anciens sont du X e siècle.
Trois années durant, la barque de la Scarpe ainsi que la nacelle du calme Escaut m’ont promené par les
bouches de l’Océan. Souvent le lent marécage de l’Elnon m’a mouillé les plantes des pieds, parce que
je venais en aide au vénérable évêque Amand qui, établi en ces lieux, réprimait avec l’épée de
l’Évangile les antiques erreurs des Sicambres.
Jonas de Bobbio, Vita Columbani, prologus auctoris, in : MGH, SRM, t. IV, p. 62 ; Scriptores rerum germanicarum in usum
scholarum, t. 37 (Hannover 1905), p. 145 - 146 ; Vita sancti Columbani abbatis, c. 2, in: PL 87, col. 1012 ; AA.SS.Ben., t. II,
p. 6.
34
5. La fondation de Nivelles (649-651)
Un autre fait qui ne figure pas dans la biographie d’Amand, et dont on est sûr pourtant qu’il a eu lieu pendant son épiscopat
maastrichtois, est la fondation, entre 640 et 652 par Itte, épouse de Pépin l’Ancien, du monastère de Nivelles (Nijvel),74
création fortement encouragée par Amand. Si saint Amand propose à Itte et à sa fille de fonder un monastère, il le fait d’une
part en tant qu’évêque de Tongres-Maastricht, puisque Nivelles appartient à son diocèse, mais aussi comme promoteur de la
vie monastique.
Le texte nous est parvenu dans de nombreus manuscrits, dont les plus anciens remontent au VIIIe et au IXe siècle.
Saint Amand bénissant sainte Gertrude de Nivelles (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 64v).
1. Dans la maison de ses parents, la petite fille de Dieu, Gertrude, élevée aux pieds de sa mère Itte,
de bonne mémoire, croissait de jour et de nuit en paroles et en science. Elle était chère à Dieu, aimée
des hommes, et elle croissait plus que les filles de son âge. Le début de son élection au service de Dieu
fut celui-ci, comme je l’ai appris d’un homme juste et ami de la vérité, qui était présent. Son père,
Pépin, 75 avait invite le roi Dagobert à un noble festin dans sa maison. Or, vint aussi un homme, digne
d’être appelé une peste, le fils du duc d’Austrasie. Il demanda au roi et aux parents de la jeune fille,
que celle-ci lui soit promise en mariage, suivant la coutume du siècle, en raison de l’ambition terrestre
et de leur amitié mutuelle. Le roi y consentit, et il suggéra au père de la jeune fille de la faire appeler
devant lui, avec sa mère. Ces deux femmes ignoraient pour quelle raison le roi appelait l’enfant.
Dagobert demanda à Gertrude, pendant le festin, si elle voulait prendre pour époux ce jeune homme
vêtu de soie et tout brillant d’or. Mais elle, pleine de fureur, le repoussa et jura qu’elle ne voulait avoir
comme époux ni lui, ni aucun homme, mais seulement le Christ Seigneur. Le roi et ses grands étaient
fort étonnés de ce qui était dit sur ordre de Dieu par la petite fille. Mais le garçon s’en alla troublé et
plein de colère. La sainte fille se tourna vers sa mère, et à partir de ce jour ses parents comprirent par
quel roi elle fut aimée [à savoir le Christ].
2. Au bout de quatorze années, quand son père Pépin eut quitté ce monde, elle suivit sa mère dans
son veuvage, elle se mit à son service, et elle observait les lois de Dieu sobrement et chastement.
Pendant que chaque jour, la susdite mère de famille, Itte, pensait à ce qu’elle pourrait faire d’elle74
75
Nivelles / Nijvel (Nivialensis, Nivigellæ, Nivella), abbaye Saints-Pierre-et-Paul, puis Sainte-Gertrude (Belgique, province
Brabant, ch.-l. arr.).
Pépin Ier, † 640.
35
même et de sa fille orpheline. Advint alors dans sa maison l’homme de Dieu, l’évêque Amand, qui
prêchait la parole de Dieu sur ordre du Seigneur. Il lui demanda de construire un monastère pour elle
et pour sa fille, la servante de Dieu, Gertrude, et pour la famille du Christ. Et dès qu’elle eut
connaissance de ce qu’elle devait accomplir pour le salut des âmes, elle reçut le voile sacré et se donna
à Dieu avec tout ce qu’elle possédait. [...] Et pour que des violeurs d’âmes n’entraînent pas, par la
force, sa fille vers les séductions de ce monde et les voluptés charnelles, elle saisit un rasoir et coupa
les cheveux de la sainte jeune fille en forme de couronne. 76
Vita Gertrudis abbatissæ, c. 1-2, in : MGH, SRM, II, p. 454 - 457; AA.SS. Ben., II, p. 464.
76
36
Les clercs portaient une corona, une couronne de cheveux autour du crâne tondu (tonsure).
6. La lettre du pape Martin Ier (649)
Pendant trois ans, de fin 648 à fin 651,77 saint Amand a été évêque de Maastricht.78 C’est le roi Sigebert III, roi d’Austrasie
de 639 à 656, qui le nomma à ce siège, où Amand fut évêque diocésain, et non pas évêque-missionnaire, évêque ad
predicandum, ce qui dans la tradition aquitaine/irlandaise aurait correspondu davantage à sa vocation et à sa vie. On imagine
aisément que des conflits ne tardèrent pas à surgir entre ce missionnaire ascétique et un clergé maastrichtois apparemment
embourgeoisé, dont les défauts avaient sûrement un rapport avec l’observance du célibat. Déçu par le style de vie du clergé
local, Amand préféra quitter la ville, pour se consacrer de nouveau à sa mission. Nous sommes bien renseignés sur ses
conflits avec le clergé maastrichtois, d’une part par la Vita Prima de saint Amand lui-même (§ 18), d’autre part par la lettre
que lui adressa en 649 le pape Martin Ier (649-654), en réponse à une lettre qu’Amand lui avait écrite.
Dans la première partie de cette lettre, le pape répond aux doléances de saint Amand, à propos du manque de zèle et de la
moralité du clergé maastrichtois. Il lui rappelle que les déceptions font partie d’une vie de missionnaire, qu’il faut tenir bon,
mais qu’il convient de punir les coupables.
Dans la seconde partie de la lettre, le pape annonce à saint Amand qu’il lui envoie sa lettre encyclique sur le
monothélisme, ainsi que les canons du concile du Latran de 649 sur le même sujet. Il lui demande de faire confirmer par les
évêques francs les actes de ce synode, et d’intervenir auprès du roi Sigebert III pour qu’il envoie des évêques francs à Rome ,
qui iraient ensuite en délégation auprès de l’Empereur à Constantinople.
Le pape Martin Ier a écrit dans les mêmes termes à saint Eloi, évêque de Noyon. Selon sa Vita, celui-ci aurait bien voulu y
aller, mais il en avait été empêché ; la lettre du pape n’a pas été conservée.79
Nous avons respecté dans la traduction les variations dans le « tutoiement » et le « vouvoiement ».
Le texte nous est parvenu dans un manuscrit de l’abbaye de Saint-Amand, écrit vers 830, aujourd’hui à la Bibliothèque
Municipale de Laon (cod.lat. 199).
Saint Amand recevant une lettre du pape Martin (Valenciennes, BM, ms. 500, f. 63).
Au très cher frère Amand, Martin.80
En recevant la lettre de ta fraternité si pleine de piété, nous reconnaissons avoir été réjoui. Car,
méprisant les joies de ce monde, passagères comme des vagues, tu recherches avec certitude les dons
perpétuels et sublimes qui sont donnés en récompense pour le service de notre Seigneur Dieu. Par la
77
78
79
80
Datation d’après Alain Dierkens, « Saint Amand et la fondation de l’abbaye de Nivelles », in: Revue du Nord 68 (1986),
p. 325-334.
Régis de la Haye, De bisschoppen van Maastricht (Maastricht 1985 = Vierkant Maastricht, 5), p. 53-57; Régis de la
Haye, « Amandus, bisschop van Maastricht », in : Onder ‘t kruys. Kerkelijke en religieus leven in het gebied van Maas en
Nederrijn (Gouda 2010, Publicaties van de Vereniging voor Nederlandse Kerkgeschiedenis), p. 15 - 29.
Vita Sancti Eligii, lib. I, c. 33, in : PL 87, col. 505.
Martin Ier, pape de 649 à 653 : DTC, X-1, col. 182 - 194 (É. Amann).
37
relation du porteur de ta lettre et par la teneur même de celle-ci, nous avons appris tes luttes, par
lesquelles tu procures aux âmes humiliées et aux cœurs contrits l’ascension vers la patrie céleste, et à
vous-même les récompenses des joies futures. Car parce que rien n’est comparable à ce que notre
Créateur offre en réompense à ses bons serviteurs, quand ils achèvent, après un court et petit laps de
temps, les labeurs que nous soutenons pour son amour, nous devons, en considération du bonheur
éternel, supporter d’un esprit joyeux les tourments de la vie présente. Mais autant tes travaux
apostoliques sont pour nous la cause d’une abondance de joie, autant nous sommes accablés par la
dureté des prêtres de ce peuple, parce qu’ils négligent le soin de leur salut et, méprisant le service de
notre Rédempteur, se chargent de vices honteux. Pour préparer le salut, il nous est en effet d’autant
plus nécessaire de les menacer par des paroles, même inopportunes, pour qu’alors se dédouble le don
des talents du parfait commerce qui nous ont été confiés, et pour que soit confirmé pour nous la parole
du Seigneur que nous allons recevoir son repos. 81
Car nous avons appris que des prêtres, des diacres et d’autres personnes engagées dans l’office
sacerdotal se souillent, après leur ordination, par des actions coupables, et que cette conduite afflige
outre mesure ta fraternité, au point que tu veux renoncer au devoir pastoral à cause de leur
désobéissance. Tu choisirais volontiers d’être délivré des travaux de l’épiscopat et de vivre dans le
silence et la solitude, plutôt que de rester dans la charge qui t’a été confiée.
Mais le Seigneur a dit : « Bienheureux celui qui persévérera jusqu’a la fin ».82 D’où vient en effet
la sainte persévérance, sinon de la vertu de la patience ? Car d’après la prédication des Apôtres, « tous
ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ subiront la persécution ».83 Aussi, très cher frère, que
l’amertume des afflictions ne vous pousse pas à renoncer au saint propos de ton âme. Vois combien le
Créateur et notre Sauveur a souffert pour notre pardon et notre rachat, à quels outrages Il s’est livré
pour nous délivrer des liens de la puissance du Diable.
C’est pourquoi, ne fais pas preuve de condescendance envers ceux qui ont péché en commettant ces
fautes, au point d’anéantir les règles canoniques. Car celui qui, même une seule fois, est tombé dans la
faute après son ordination, doit désormais être considéré comme déposé, et il ne doit plus obtenir
aucun degré dans l’ordre sacerdotal. Il lui suffira de rester toute sa vie dans la pénitence, les
lamentations et les larmes continuelles, afin de pouvoir éteindre, par la grâce de Dieu, la faute qu’il a
commise. En effet, si nous cherchons, pour les promouvoir aux saints ordres, des hommes en qui
aucune tache, aucune souillure de la vie fasse obstacle, à combien plus forte raison, si quelqu’un
tombe dans la faute après son ordination, et est reconnu coupable du péché de perversion, il lui est de
toutes façons interdit de célébrer le mystère de notre salut avec des mains salies et souillées. Ainsi, en
application des statuts des saints canons, qu’il soit déposé de son office dans cette vie, afin que Celui
qui scrute les secrets des cœurs, qui ne se réjouit point de voir errer aucune de ses brebis, 84 en voyant
au jour terrible du Jugement une sincère pénitence, le tienne pour réconcilié.
Voilà pourquoi nous exhortons ta charité, à l’exemple de Celui qui a voulu souffrir et mourir pour
nous, à demeurer généreusement et totalement à son service, et à ne pas regretter de soutenir pour le
nom du Christ des peines temporelles, qui en considération des récompenses futures, aident à
supporter les contradictions de ce siècle. Car il est écrit : « Que rendrai-je au Seigneur pour tous ses
bienfaits envers moi ? J’élèverai la coupe du salut et j’invoquerai le nom du Seigneur ».85 C’est bien
ce qui nous est exigé, et ce que nous pouvons rendre comme services de notre dévotion.
Et puisque vous voyez bien tout ce qui peut être accompli par nous pour conforter l’âme de notre
fraternité, grâce au dons de la clémence de la Majesté suprême, il nous reste à répondre à votre
fraternité sur les autres sujets, à propos desquels elle nous a consulté par écrit. Nous croyons en effet
que vous avez appris comment, en troublant la vraie foi et en destruction de l’Église Catholique, voici
environ quinze ans, par Sergius, faux évêque de Constantinople, 86 aidé alors par l’empereur
81
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83
84
85
86
38
Allusion à la Parabole des Talents : Matthieu 25,14 - 30.
D’après Matthieu 10,22 ; Matthieu 24,13.
2 Timothée 3,12.
Allusion à la Parabole du Bon Berger : Jean 10,1 - 18.
saume 116(114 - 115),12 - 13.
Sergius Ier, patriarche de Constantinople de 610 à 638. Ses tentatives de réconciliation avec les monophysites de Syrie et
d’Égypte, formulées dans l’écrit 1Ekqesij (Ekthesis) de 638, favorisant le développement de la doctrine du monénergisme
et du monothélisme. Le monothélisme affirmait qu’il n’y avait dans le Christ qu’une seule volonté, la volonté divine.
Héraclius,87 s’est répandue une exécrable et abominable hérésie, qui renouvelait l’égarement des
Apollinaristes, 88 des Séverinistes,89 des Eutychiens90 et des Manichéistes,91 que son successeur
Pyrrhus,92 également évêque, qui poussé par l’ambition s’est emparé du siège de Constantinople, a
encore aggravée. Pour cela, le Siège Apostolique les a souvent averti par des persuasions, des
supplications et de nombreux avertissements, qu’ils devaient abandonner cet égarement et revenir à la
lumière de la foi qu’ils avaient perdue. Et non seulement, ils ne voulaient pas le faire, mais maintenant
son successeur Paul, faussaire de la foi, évêque de Constantinople, 93 a imaginé quelque chose d’encore
plus néfaste au préjudice de la foi catholique, comme s’il détruisait ce qui a été exposé de façon
hérétique par ses successeurs. Il persuadait notre très clément Prince,94 par téméraire sacrilège, de faire
le « Typus » impérial, 95 plein de perfidie, dans lequel il est promulgué que tous les peuples chrétiens
doivent le croire. C’est pourquoi, nous avons tenu pour nécessaire, pour que nous ne soyons pas punis
pour une coupable faute, pour quelque négligence et pour un détriment des âmes qui nous sont
confiées, de réunir en cette cité de Rome l’assemblée de nos confrères et de ceux qui sont évêques
avec nous. En leur présence, les écrits scélérats desdits hérésiarques ont été examinés et mis à nu, et
nous les avons condamnés d’une voix et d’un esprit unanimes, par le glaive apostolique et les
définitions des pères, pour que tous, connaissant l’erreur qui y est contenue, ne soient plus maculés par
leur pollution. 96 Dès lors, nous avons demandé de vous envoyer immédiatement le volume des actes
du Synode, en même temps que notre circulaire.97 De leur contenu, vous serez informés avec précision
de tout, et vous pourrez éteindre avec nous, comme fils de la lumière, leurs ténèbres. Pour cela, que ta
fraternité s’applique à le faire savoir à tous, pour qu’ils exècrent avec nous une si abominable hérésie,
et qu’ils apprennent les sacrements du salut, et ce qui a été réalisé par la réunion du Synode de tous les
frères et nos co-évêques de ces régions, selon la teneur de la lettre circulaire adressée par nous, et
qu’en même temps que les écrits avec vos signatures à nous destinés, ils célèbrent en commun,
confirmant et accordant ce que pour la foi orthodoxe et la réfutation de l’insanité des hérétiques,
récemment survenue, a été déterminé par nous.
Et exhorte et prie instamment le très excellent Sigebert, notre fils, roi des Francs,98 pour le remède
de sa vie chrétienne, de nous envoyer parmi le corps de nos frères de très chers évêques, qui devront
intervenir par légation du Siège Apostolique et, avec l’aide de la bonté divine, communiquer sans délai
à notre très clément Prince99 ce qui a été établi dans notre concile avec nos évêques du Synode, pour
que, prenant part à notre labeur, il puisse recevoir le comble de la récompense, et trouver comme
Protecteur de son royaume Celui qui examine, comme on sait, sa cause. En effet, nous estimons que
cela aussi doit lui être conseillé dans sa lettre.
Les reliques des saints, dont le porteur des présentes nous a parlé, nous avons ordonné qu’elles
soient données. Puisque notre bibliothèque n’a plus certains livres, nous ne pouvons lui donner ce que
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Cette doctrine fut finalement condamnée par le IIIe Concile de Constantinople en 681 : DTC, X-2, col. 2307 - 2323 (M.
Jugie).
Héraclius, empereur de Constantinople, † 641.
Disciples d’Apollinaire le Jeune ou Apollinaire de Laodicée (362 - v.390), qui développait une doctrine docétiste et
monophysite : DTC, I-2, col. 1505 - 1507 (P. Godet).
Séverin, pape de 638 à 640, a été impliqué de façon malheureuse dans les disputes théologiques du moment (DTC, XIV2, col. 2006-2008 (É. Amann).
Disciples d’Eutychès (378-453), qui niait l’existence dans le Christ d’une nature humaine distincte de la nature divine,
tenant de la doctrine du monophysisme : DTC, V-2, col. 1582-1609 (M. Jugie).
Le Manichéisme était une hérésie dualiste : DTC, IX-2, col. 1841-1895 (G. Bardy).
Pyrrhos Ier, patriarche de Constantinople de 638 à 641.
Paul II, patriarche de Constantinople à partir de 641, déposé par le pape Théodore I er. Auteur du Typus. Excommunié par
le Synode du Latran de 649. Décédé en 653.
Entendez l’Empereur d’Orient, le ‘basileus’ de Byzance.
Le Typus de Constant II est un texte législatif marquant une étape dans l’histoire du monothélisme. Il revenait bien sur
certaines déclarations hérétiques de l’Ekthesis, mais restait dans l’hérésie monothélite. Il fut condamné par le synode du
Latran de 649, sous le pape Martin Ier : DTC, XV-2, col. 1945-1948 (É. Amann).
Il s’agit du Concile du Latran de 649. L’édition la plus récente des actes, des canons et de la lettre encyclique du pape
Martin Ier se trouve dans: Rudolf Riedinger (ed.), Concilium Lateranense a. 649 celebratum (Berlin 1984 = Acta
Conciliorum Oecumenicorum, series secunda, volumen primum).
Saint Amand a donc reçu les canons du Synode du Latran de 649, probablement dans les deux versions, grecque et latine,
ainsi que la lettre circulaire du pape.
Sigebert III, fils du roi Dagobert, né en 630/631, roi d’Austrasie, décédé en 656.
Entendez l’Empereur de Constantinople.
39
nous n’avons pas. Et il n’a pas pu les transcrire, car il s’apprête à partir rapidement de cette ville.
Nous encourageons votre fraternité à réaliser ce qui a été dit, ce que nous vous avons écrit dans
cette lettre.
Que Dieu te garde sain et sauf, très cher frère.
L’édition la plus récente de la lettre du pape à saint Amand se trouve dans: Rudolf Riedinger (ed.), Concilium Lateranense a.
649 celebratum (Berlin 1984 = Acta Conciliorum Oecumenicorum, series secunda, volumen primum), p. 422 - 424. Voir
aussi les éditions : MGH, SRM, V, p. 452 - 456 ; Baronius, t. 8, p. 403-405 ; AA.SS.Ben., II, p. 721 - 723 ; PL 87, col. 135 138.
40
7. La fondation du monastère de Barisis (1er août 663)
Donation faite par le roi Childeric II, fils de Clovis II, mais encore mineur d’âge,100 et sa tante Chinechilde, veuve du roi
Sigebert III († 656), à saint Amand, d’un domaine à Barisis, pour y fonder un monastère.
Le texte nous est parvenu dans un cartulaire du monastère d’Elnone, et par des copies. Par les éditeurs des Monumenta
Germaniæ Historica il est qualifié de ‘unecht’ (faux), mais le problème que soulève ce texte est plus compliqué. Pardessus le
considère comme suspect. Mais ce texte ne mérite pas un jugement aussi tranché. Il s’agit non pas d’un faux forgé de toutes
pièces, mais de ce qu’en diplomatique médiévale on appelle un ‘acte récrit’, dont le contenu peut être parfaitement
authentique et sincère, mais qui, pour une raison ou pour une autre, a dû être de nouveau rédigé. Le présent texte a
probablement été écrit à l’époque carolingienne pour remplacer un acte, perdu à l’époque des invasions normandes.
Childeric, roi des Francs, et Chinechilde, reine, à l’illustre homme Bertuin, comte, et à Berteland,
vicaire.
C’est avec raison que sont aidés par les dons de notre largesse ceux qui servent nos parents et aussi
l’âge de notre adolescence.
C’est pourquoi, sache votre grandeur et votre bonté, que, pour le nom du Seigneur et l’amour du
ciel, nous cédons et voulons donner à notre père apostolique, Amand, évêque, notre domaine appelé
Barisis,101 sis dans le pagus de Laon, appartenant jusqu’à maintenant à notre fisc, par évidente
dévotion, avec toutes les petites dépendances qui en font partie, et avec tout l’ensemble qui lui
appartient. C’est pourquoi, par notre présente autorité, nous déclarons et nous ordonnons que nous
voulons qu’il soit établi pour toujours, que ledit domaine de Barisis, avec tout ce qui en fait partie, en
terres, maisons, vignes, forêts, prés, pâturages, et les tributaires qui y habitent, comme notre fisc l’a en
tenure et le possède, le seigneur évêque Amand, pour le besoin de ses moines, l’ait en tenure et le
possède sans aucune contradiction ni diminution. Ainsi, nous voulons que le bénéfice de notre
donation soit totalement ferme, de façon à ce que ledit évêque ait le droit, par notre libre et ferme
autorité, pour ce domaine de Barisis et les biens qui en font partie, de posséder, d’avoir en tenure,
d’avoir le droit d’y exiger des compositions ou des amendes, d’y prendre gîte, de donner, d’échanger,
ou de faire ce qu’il voudrait.
En outre, nous conjurons tous nos successeurs, par le nom de Dieu, que personne n’ose enlever au
seigneur, le père Amand, ou à ses moines, ce domaine avec tout ce qui en fait partie, ou l’inquiéter en
quoi que ce soit. Celui qui le ferait, qu’il soit jugé et qu’il encoure une sentence de condamnation.
Et pour que cette ordonnance royale à propos de cet évêque et de ses moines soit encore plus
solidement établie, et soit conservée à jamais pour les temps qui viennent, moi, puisqu’à cause de mon
âge encore tendre je ne puis souscrire, j’ai signé ci-dessous de ma propre main, et la reine a souscrit.
Signe de Childeric, roi.
Chinechilde, reine, j’ai souscrit.
Donné le jour des calendes d’août, la deuxième année du règne de notre seigneur Childeric, roi.
MGH, Diplomata regum francorum e stirpe merovingica, I, n. 102, p. 262-264 ; Pardessus, t. II, p. 118-119 ; PL 87, col.
1285-1287.
100
101
Childeric II, roi d’Austrasie de 662 à 675, roi de Neustrie et de Bourgogne de 673 à 675.
Barisis ou Barisis-au-Bois (dép. Aisne, arr. Laon, c. Coucy-le-Château), à 20 km à l’ouest de Laon, Barisiacum seu
Faverolense, abbaye Saints-Pierre-et-Paul.
41
8. Donation par saint Amand du domaine de Barisis (15 août
[666 ?])
Donation par saint Amand, remettant aux moines de Barisis plusieurs biens, dont la villa de Barisis et de nombreuses
possessions, que saint Amand avait reçus au 1 er août 663 du roi Childeric II et de la reine Chinechilde (voir texte 7).
Le texte nous est parvenu dans un cartulaire de l’abbaye de Saint-Amand du XIIIe siècle.
Parce que l’on sait que l’état des choses présentes tombe rapidement dans une ruine éternelle, nous
œuvrons dès maintenant pour que soient conservées dans les demeures éternelles les choses que nous
fournissons pour l’entretien des serviteurs de Dieu et des pèlerins, d’après l’exhortation et l’instruction
de l’Écriture, qui dit : ‘Faites-vous des amis avec le malhonnête argent ; ceux-ci vous reçoivent dans
les tentes éternelles’,102 et ailleurs : ‘Amassez des trésors dans le ciel où le voleur ne vient pas’.103
C’est pourquoi, moi, Amand, très pauvre homme et pécheur, pour le remède de mon âme et la
récompense de la vie éternelle, tout ce qui m’a été donné par Dieu ou par la générosité royale, du
seigneur roi Childeric, et de l’éminente dame, la reine Chinechilde, suivant leurs ordonnances, c’est-àdire : le domaine appelé Barisis, situé dans le pagus de Laon, où nous avons commencé à construire un
monastère au lieu-dit Faveroles, en l’honneur de saint Pierre et de Paul apôtre, et d’autres saints
hommes, sous la règle de dom Benoît et de dom Colomban, à la tête duquel nous avons placé le
vénérable André, abbé ; à ce même endroit, la villa ci-dessus mentionnée, nommée Barisis, en totalité,
avec les dépendances qui lui appartiennent, que nous avons données pour être construit ; et aussi un
petit endroit appelé Quincy,104 que l’illustre homme Fulcoald, duc, nous a donné par sa lettre, de droit
et en totalité, pour le remède de son âme ; et aussi une ferme qui se trouve au bas des remparts de la
ville de Laon, que le vénérable homme Gonfin, archidiacre, nous a donnée par charte de donation ; et
aussi une vigne sous Crispiac,105 avec son vigneron appelé Wulberon, que nous a donnés autrefois
l’illustre homme Chedenoald ; et aussi une terre sur le fleuve Sesmereia que ledit Chedenoald, ainsi
que l’illustre homme Vulsmar ont donnée pour l’édification du monastère ; tout ce qui est indiqué cidessus, nous le transmettons et le cédons à partir d’aujourd’hui à l’autorité établie de cet abbé, pour
qu’à partir de ce jour ce monastère ou ledit domaine de Barisis, en totalité et avec ses dépendances, et
les endroits décrits ci-dessus, en totalité, comme nous l’avons dit plus haut, c’est-à-dire avec
les
maisons, bâtiments, courts, enclos, tenures, champs, vignes, prés, prairies, eaux, cours d’eau, ou tous
autres bien-fonds, qu’il l’obtienne, le garde en tenure, le possède, et le laisse à ses successeurs, avec
l’aide du Seigneur, pour le posséder à jamais.
Si jamais quelqu’un ou quelque contradicteur, – ce que , croyons nous, ne se fera pas –, voudrait
provoquer des troubles ou porter atteinte à cette charte d’ordonnance, que j’ai demandé à faire de ma
propre expresse volonté, qu’il encoure d’abord la colère de la Divinité, qu’il soit excommunié de
toutes les églises des saints, et qu’en plus il vous soit redevable, au profit du fisc, de 10 livres d’or, de
20 livres d’argent, à acquitter sous la contrainte, et que néanmoins la présente charte de délibération
reste en tous temps valable.
Et pour qu’à votre égard cette charte obtienne une validité encore plus grande, nous l’avons
souscrit de la signature de notre main.
Fait en la ville de Laon, le 18 des calendes de septembre [= 15 août], la cinquième année du règne
de notre très glorieux roi Childeric. 106
Au nom du Christ, moi, Radebert, diacre, j’ai écrit et souscrit de ma main cette charte
d’ordonnance, à la demande de dom Amand. J’ai noté le jour et la date.
Moi, Amand, pécheur, j’ai souscrit cette lettre faite par moi, et j’ai demandé à d’autres de souscrire.
Au nom du Christ, Attola, bien que pécheur, j’ai souscrit.107
Moi, Paul, prêtre, j’ai souscrit.
102
103
104
105
106
107
42
Luc 16,9.
Matthieu 6,20 ; Luc 12,33.
Quincy-Basse (dép. Aisne, arr. Laon, canton Coucy-le-Château-Auffrique), à 8 km au sud-est de Barisis.
S’agit-il de Crépy, à 12 km au nord-est de Barisis, ou de Crécy-au-Mont, à 10 km au sud de Barisis ?
Childeric II, roi d’Austrasie de 662 à 675, roi de Neustrie et de Bourgogne de 673 à 675. La cinquième année de
Childeric II doit être celle de sa royauté en Austrasie.
Attola (Attila, Attilon), évêque de Laon.
Moi, Willon, prêtre, j’ai souscrit.
Bertuin, j’ai souscrit.
Vafin, diacre, j’ai souscrit.
Althécaire, prêtre, j’ai souscrit.
Gislehard, j’ai souscrit.
Ymnius, j’ai souscrit.
Grinbert, j’ai souscrit.
Gléobald, ce que j’ai vu écrit par la main de dom Amand, j’ai souscrit.
Dadon, j’ai souscrit.
Martin, diacre, j’ai souscrit.
Pardessus, t. II, n° 350, p. 133 - 134 ; PL 87, col. 1271 - 1272 ; AA.SS.Ben. II, p. 1094.
43
9. Le Testament de saint Amand (17 avril [674 ?])
Un 15 des calendes de mai, donc un 17 avril, probablement en 674, si on admet comme date de décès le 6 février 675, saint
Amand fait écrire par le moine Baudemond son testament, en présence des évêques de Reims, de Noyon et de Cambrai, de
l’abbé de Sithiu et de saint Bertin lui-même.
Le texte a toujours été conservé à l’abbaye d’Elnone. Il fut inséré par Milon de Saint-Amand dans sa Suppletio. Il figure
dans de nombreux manuscrits, dont les plus anciens sont du IXe siècle.
Saint Amand dictant son testament à Baudémond (Valenciennes, BM, ms. 501, f. 58v).
Au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, moi, Amand, très misérable et pécheur.
Nous croyons que la piété divine veut partout nous gouverner et avec bonté nous sauver, car, avant
tous les siècles, elle a la prescience de notre entrée dans ce monde et de notre sortie de ce monde.
Ainsi, personne n’ignore de quelle manière nous avons couru en long et en large par toutes les
provinces et par tous les peuples, pour l’amour du Christ, pour annoncer la parole de Dieu et pour
administrer le baptême, et comment la piété de Dieu nous a arraché à beaucoup de dangers et a daigné
nous conduire jusqu’à ce jour. Mais maintenant, le corps déjà usé, fatigué par de multiples labeurs,
dans la vieillesse la plus extrême, le corps près de la mort, nous espérons obtenir prochainement notre
sortie de ce monde.
Et puisque Dieu a bien voulu nous conduire dans cet humble endroit qui s’appelle Elnone, où l’on
nous a vu bâtir par notre propre labeur un monastère sur un terrain reçu de la largesse royale, je
demande et, en présence de Jésus-Christ, fils de Dieu, j’ose conjurer que, si Dieu a décidé que j’émigre
de mon pauvre corps, aucun évêque, ni abbé, ni personne séculière, aucune puissance ne fasse
opposition à ce que mon pauvre corps repose dans ce monastère d’Elnone, que nous avons indiqué
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plus haut, au milieu des frères, là où nous avons déjà recommandé à ces mêmes frères notre corps et
notre âme. Et si notre fin doit arriver en voyage ou n’importe où ailleurs, que les frères ou l’abbé de ce
monastère d’Elnone aient la liberté de rapporter notre pauvre corps vers cet endroit que nous avons
indiqué plus haut. Mais si quelqu’un voudrait refuser, ou bien dérober par la force mon corps à ce
monastère, ou bien par un esprit délictueux refuser de le rendre, que d’abord il encoure l’offense de la
Sainte-Trinité et qu’il apparaisse excommunié de toutes les églises catholiques, qu’il devienne étranger
à la société des saints, et qu’il subisse la damnation qu’ont encourue Dathan et Abiron, que l’enfer a
engloutis vivants,108 et qu’il soit anathème, Maranatha,109 c’est-à-dire ‘la perdition’, au jour de
l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, et que, même ainsi, il ne puisse changer notre volonté,
mais que notre ordonnance reste perpétuellement ferme et inviolable.
Et afin que vous puissiez y attacher foi avec certitude, j’ai souscrit cet acte de ma propre main, et
j’ai demandé à tous les hommes craignant Dieu de le souscrire. Et nous avons demandé à notre frère
Baudemond, prêtre, de faire cette lettre.
Cette lettre a été faite au monastère d’Elnone, la deuxième année du règne de notre seigneur
Thierry, roi glorieux, le 15 des calendes de mai [= 17 avril].110
Moi, Amand, pécheur, j’ai consenti à cette lettre faite par moi et j’ai souscrit.
Moi, au nom du Christ, Reolus, bien que pécheur, j’ai souscrit.111
Moi, au nom du Christ, Mummolenus, évêque, j’ai souscrit.112
Moi, au nom du Christ, Vindicianus, évêque bien que pécheur, j’ai approuvé et souscrit cette lettre
à la demande de dom Amand.113
Moi, Bertin, abbé, j’ai souscrit.114
Moi, Aldebert, abbé, j’ai souscrit.
Moi, Jean, à la demande de dom Amand, je m’accorde avec cette lettre, j’ai souscrit.
Moi, Baudémond, pécheur, sur ordre de mon seigneur Amand, j’ai écrit cette lettre d’ordonnance et
j’ai souscrit.
Suppletio Milonis, in : MGH, SRM, t. V, p. 483-485 ; Pardessus, t. II, acte CCCLXXVI, p. 166-167 ; Acta Sanctorum Belgii
selecta, t. IV (Bruxelles 1787), p. 191-192 ; PL 87, col. 1273-1274 ; AA.SS.Ben. II, p. 735.
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D’après Nombres 16,31-33. La menace de la punition divine de Dathan et Abiron, engloutis vivants, fait partie des
clauses comminatoires habituelles dans les chartes mérovingiennes et carolingiennes.
1 Corinthiens 16,22. Le mot araméen ‘Maranatha’ est à l’origine une supplication et vient de la liturgie (‘Seigneur,
viens’), mais peut devenir dans les anciens textes chrétiens (‘Le Seigneur vient !’) une menace voire une malédiction.
Thierry III (Theuderic), roi de Neustrie et de Bourgogne en succédant à son père Clovis II entre le 11 mars et le 16 mai
673, déposé la même année et revenu au pouvoir en 675, puis également roi d’Austrasie du 23 décembre 679 à sa mort en
690. Le 17 avril de la deuxième année de Thierry III tombe donc probablement en 674.
Reolus (Rieul), évêque de Reims, ancien comte de Champagne († v. 698).
Mummolenus, l’un des fondateurs du monastère de Sithiu (Saint-Bertin), puis successeur de saint Eloi comme évêque de
Noyon-Tournai de 659 à 685.
Vindicianus, évêque de Cambrai de 667 à 693/712.
Saint Bertin, abbé de Sithiu.
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Sigles et abréviations
AA.SS.
AA.SS.Ben.
Baronius
BHL
DHGE
DTC
f.
Jaffé
Mansi
MGH, Diplomata
MGH, SRM
MGH, SS
n.
Pardessus, t. II
PL
r.
t.
v.
46
Acta Sanctorum (Anvers - Bruxelles 1643 - ..)
Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti (Paris 1669, reprint Mâcon 1936)
Cæsar Baronius, Annales Ecclesiastici
Bibliotheca Hagiographica Latina Antiquæ et Mediæ Ætatis (Bruxelles 18981911)
Dictionnaire d’Histoire et de Géographie Ecclésiastique (Paris 1912 - ...)
Dictionnaire de Théologie Catholique (Paris 1923-1972).
folio
Ph. Jaffé, Regesta pontificum romanorum, t. 1 (Leipzig 1885).
J.D. MANSI, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, 53 tomes
(Florence - Venise 1759 - 1798 = reprint Graz 1960 - 1961)
Monumenta Germaniae Historica, Diplomata (Hannover - Leipzig 1826 - ..),
Monumenta Germaniae Historica, Scriptores rerum merovingicarum (Hannover Leipzig 1826 - ..)
Monumenta Germaniae Historica, Scriptores
numéro
Diplomata, chartae, epistolae, leges aliaque instrumenta ad res gallo-francicas
spectantia, par Louis Georges Oudart-Feudrix de Bréquigny, François Jean
Gabriel de La Porte Du Theil, édition Jean-Marie Pardessus, tomus secundus,
instrumenta ab anno 628 ad annum 751 (Paris 1849).
J.P. Migne, Patrologiae cursus completus sive bibliotheca universalis. Series
latina (Paris 1844 - 1864)
recto
tome(s)
verset(s) ; verso
SAINT-AMAND
BIBLIOGRAPHIE
MANUSCRITS
-Vie de Saint-Amand, d’après le récit du moine Baudemond. Manuscrit comprenant des miniatures retraçant les
grandes étapes de son apostolat. Bibliothèque de Valenciennes, mss 502.
-Vie de Saint-Amand. Idem- Manuscrits du XII° s., mss n° 500 et 501.
EDITIONS
Novae bibliothecae manuscript librorum…T2,par Philippe Labbé.-Paris Cramoisy-1657. p.345.(Annales
d’Aquitaine)
Annales ecclesiastici Francorum , par Charles Le Cointe-T2- 1666
Manuscrit latin n° 12616-f.175 r°- 180 r°-14e- 583 (11)- Bibliothèque Nationale.
Quelques extraits de la Vita Prima de saint Amand dans le Recueil des historiens des Gaules et de la France,
par Dom Martin Bouquet, t. 3, Paris 1741.
Vie de St Colomban et de ses disciples, par Jonas de Bobbio, Vie monastique n° 19, Abbaye de Bellefontaine.
Histoire de Saint-Amand, évêque et missionnaire…par l’abbé Destombes- Paris-Guyot 1850
Encyclopédie théologique…par l’abbé Migne-Tome 51-Paris 1854
Grande vie des saints- par Collin de Plancy et l’abbé Durras.p .310/335.Paris-1874.
Vita Amandi episcopi 1-de Bernard Krusch, publié par G. des Marez et F.L.Ganshof. Compte rendu du 5°
congrès international des sciences historiques. Bruxelles 1923.p. 212/214.
ETUDES
Edouard DE MOREAU, Saint Amand. Apôtre de la Belgique et du nord de la France (Louvain 1927).
Edouard DE MOREAU, La Vita Amandi prima et les fondations monastiques de S. Amand, in : Analecta Bollandiana, tome
XXVII, Mélanges Paul Peeters (1949), p. 447-464.
Saint-Amand, principal évangéliste de la Belgique, par Ed. de Moreau. Bruxelles-1942.
L’illustration de la vie de Saint-Amand, par André Boutemy (Revue belge d’archéologie et d’histoire de
l’art.T.X-1940)
Le Scriptorium et la bibliothèque de Saint-Amand, d’après les manuscrits et les anciens catalogues, par André
Boutemy
Adriaan Verhulst, Georges Declercq, ‘L’action et le souvenir de saint Amand en Europe centrale. À propos de la
découverte d’une Vita Amandi antiqua’, in : Aevum inter utrumque. Mélanges offerts à Gabriel Sanders,
professeur émérite à l’Université de Gand, publiés par Marc Van Uytfanghe et Roland Demeulenaere
(Steenbrugge-Den Haag : 1991 = Instrumenta Patristica, 23), p. 503-526.
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