MONUMENTS DES GIRONDINS HISTORIQUE

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MONUMENTS DES GIRONDINS HISTORIQUE
Le monument aux Girondins
Source : ÉTUDE DE CRITIQUE HISTORIQUE : LES TROIS GIRONDINES (MADAME ROLAND,
CHARLOTTE DE CORDAY, MADAME BOUQUEY) & LES GIRONDINS - M. ARMAND DUCOS - 1895 Appendice - Page I - « Site 1886 - Collections de l’Université Michel de Montaigne Bordeaux3
»
Historique — L'origine de ce Monument remonte au concours, ouvert par la Ville de
Bordeaux, en 1887-88, et dont les premiers résultats, à titre de simple consultation
avec primes et sous la condition formelle que l'exécution définitive pourrait ne pas
être confiée aux lauréats, firent classer en première ligne cinq projets, retenus pour
une seconde épreuve, au nombre desquels celui de M.A.J. Dumilâtre , statuaire.
A cette seconde épreuve soumise aux mêmes conditions, le projet de Dumilâtre
obtint le deuxième rang sur les trois projets primés. Il avait d'ailleurs sur tous les autres
un avantage spécial considérable, celui de pouvoir éventuellement s'adapter très
bien à la place des Quinconces, dans le cas, alors imprévu, où la Municipalité de
Bordeaux renoncerait à sa première pensée d'élever ce Monument sur les allées de
Tourny.
Cependant, les primes payées et les obligations de la Ville envers les lauréats
strictement remplies, les choses en restèrent là.
Vers la fin de 1891 (25 septembre), M. Armand Ducos (petit neuveu de Ducos et
Fonfrède), qui avait déjà fait une conférence publique sur les Girondins, à l'Alhambra
de Bordeaux,fit naître dans l'esprit dela Municipalité un autre projet consistant à
remplacer le bassin vieillot et l'éthique gerbe des Quinconces par quelque chose de
plus artistement étoffe.
On songea alors à une fontaine monumentale. Sans nouveau concours public, sans
prendre d'ailleurs aucun engagement, on fit appel directement ou par relations à
quelques artistes, entre autres, à Dumilâtre, qui, ayant déjà repris, sur le conseil de
quelques amis, son projet grandiose, le remaniait, le développait et y combinait
admirablement et le Monument des Girondins, première idée, et la Fontaine
Monumentale, deuxième idée.
Dumilàtre proposa en mars 1893 son projet définitif. A une très grande majorité de
l'Administration municipale, la nouvelle œuvre si attrayante, si harmonieuse dans sa
complexité et si bien appropriée à la place des Quinconces, fut favorablement
accueillie et adoptée, sous réserve de quelques très légères modifications et du
devis à produire.
C'est à ce moment et en vue de l'établissement de ce devis, que la nécessité d'un
collaborateur architecte s'imposa. M. Dumilâtre fit choix d'un ami, M. Rich.
Les plans et devis établis ainsi en collaboration, mais d'après la maquette
personnelle de M. Dumilâtre (voir photo en bas de page), le Conseil municipal de
Bordeaux, dans sa séance du 14 novembre 1893, ratifiant le choix de
l'Administration, vota, conformément à ces plans et devis, l'exécution du Monument
aux Girondins.
Description — Le Monument est donc établi sur un vaste soubassement
rectangulaire, qui constitue sa base proprement dite et sert de crypte; on y accède
par quatorze marches en granit avec palier, dont l'un fait face à la rivière, l'autre,
demi- circulaire, au cours Tournon. A droite et à gauche de ce soubassement, deux
importants bassins, dont l'un faisant face à la place de la Comédie, représentera le
triomphe de la République, l'autre, faisant face au cours du XXX-Juillet, celui de la
Concorde et de la Paix.
Dans le premier, la République, coiffée d'une couronne de lauriers, est assise comme
sur un trône, vêtue d'un justaucorps de cuir; l'épée au côté, avec un manteau de
pourpre semé du chiffre R. F. De la main droite elle tient un sceptre, comme
emblème de la puissance civile et militaire, de l'autre, une boule surmontée de trois
figurines symbolisant Liberté, Egalité, Fraternité (ces figurines ont été volées); à ses
pieds, à gauche, le Travail, représenté par un forgeron qui jure fidélité d'une main et
de l'autre s'appuie sur un lourd marteau, de l'autre côté, à droite, la Sécurité,
représentée par une femme étendue auprès d'un lion qui veille; un enfant dort
paisiblement à ses pieds.
A gauche de ce groupe central, trois bébés symbolisent la loi du service militaire
obligatoire; à droite, trois autres chérubins représentent l'Instruction Publique
obligatoire.
Quatre vigoureux chevaux traînent le char qui poursuit sa course dans le monde.
Enfin, pour compléter cette composition, trois personnages, renversés dans l'attitude
d'une chute précipitée, se débattent dans l'abîme : ce sont l'Ignorance, le Vice, le
Mensonge, symbolisant, par contraste, les bienfaits d'un régime qui condamne
l'obscurantisme pour faire place à la lumière éclatante du grand jour.
Le bassin de la Concorde se compose d'une statue mi-drapée, le torse nu comme la
Vérité : elle étend un bras protecteur sur un groupe d'hommes qui s'embrassent, c'est
la Fraternité; à droite, l'Abondance répand à profusion les fruits de la terre.
Un peu en arrière, deux groupes de trois enfants représentent : le premier, le
Commerce et l'Industrie, le second, les Beaux-Arts.
Enfin, un chérubin chevauche un poisson les Grâces l'entoure et forment une ronde.
Ce sont les symboles du Bonheur et de la Vie, conséquences de la Concorde et de
la Paix.
Comme dans le bassin de la République, quatre chevaux marins traînent le char de
la Concorde.
Quittons les bassins pour nous occuper de la base proprement dite, qui est
rectangulaire et sert de support à la colonne. Cette partie très massive, en pierre de
Gorgolonin, est flanquée de deux portes donnant accès à la crypte. Sur cette base
repose la partie plus délicate du piédestal qui précède le dé. Ici, la décoration se
manifeste, assez abondante et variée, par divers motifs allégoriques. En façade, du
côté de la rivière, se dresse une tribune qui fut l'élément essentiel des Girondins;
cette tribune, ornée des symboles de l'Eloquence tribunitienne, est surmontée du
Coq Gaulois.
Aux pieds de la tribune, deux statues assises représentent, à droite, l'Histoire, à
gauche, l'Eloquence. Sur la face opposée, c'est-à-dire dans l'axe du cours Tournon,
la Ville de Bordeaux, assise sur la proue de navire, tient de la main droite un sceptre,
comme emblème de sa puissance maritime et commerciale, et ses pieds touchent
à une Corne à "Abondance, d'où s'échappent les richesses vinicoles de la contrée.
Au-dessous et à demi-couchées, deux femmes représentent, l'une la Dordogne,
l'autre la Garonne.
Vient ensuite le dé qui supporte directement le fût; il est décoré d'une guirlande de
chêne et flanqué aux quatre angles de bonnets phrygiens laurés. Sur les faces
latérales, à gauche et à droite, les armes de la Ville; en façade et sur la partie
postérieure, des tablettes destinées aux inscriptions.
Le fût de la colonne fait immédiatement suite au dé : il se développe sur une
hauteur de 33 mètres. Il est décoré, sur la façade, d'une grande palme soutenue par
une hampe, à laquelle trois écussons sont attachés, avec les dates 1789, 1792, 1793.
De fortes guirlandes de chêne et de lauriers retiennent, dans les parties latérales, des
cartouches d'un caraclère Renaissance aux armes vicomtales de la Ville.
Du côté opposé à la façade, sont gravés les noms de tous les Girondins; des
couronnes et des étoiles limitent chaque groupe de noms.
Un chapiteau, mesurant quatre mètres sur chaque face, couronne le fût ; il est
décoré d'un bouclier au chiffre de la République, avec guirlande servant d'attache
à la corbeille et reliant chacune de ses faces; derrière le bouclier, la hache des
licteurs surmontée de couronnes de chêne en guise de fleurons.
Enfin, la lanterne surmonte le chapiteau et ménage une sortie convenable sur la
plateforme; elle sert en même temps de piédestal et de lien entre le chapiteau et la
statue de la Liberté.
Cette statue, mesurant du bout des pieds au sommet de la tête, 5m 60, est debout,
les ailes déployées, coiffée d'un bonnet phrygien lauré : elle dresse ses bras vers
l'espace, dans une attitude triomphale; d'une main, elle tient des chaînes brisées,
symbole de délivrance et de liberté; de l'autre, des couronnes de gloire et de
triomphe final.
Lettre de Dumilâtre, résumant son projet :
« J'ai d'abord évité, du moins dans sa manifestation extérieure, de donner à mon
œuvre un aspect funèbre; mais au contraire, j'ai voulu affirmer le sentiment du
triomphe et de la victoire; car, il s'agit bien d'une œuvre de glorification.
Une colonne, couronnée d'une statue de la Liberté — les Girondins sont morts pour
la fonder — l'emporta de suite dans ma pensée sur toute autre combinaison.
Ce monument est essentiellement commémoratif. En le regardant, chacun doit le
comprendre : la formule que j'ai choisie, une colonne, m'a semblé devoir exprimer
de suite l'idée du triomphe avec une note discrètement funèbre.
L'idée des bassins m'est venue en songeant à la population plutôt gaie, insoucieuse
et aimable qu'on rencontre sur les promenades. La gaieté à la base était
indispensable; c'est d'abord là que le regard se porte. Il fallait motiver ces bassins :
ce qui m'a entraîné, à l'instar de Versailles, à faire figurer des personnages groupés et
symbolisant le triomphe des idées pour lesquelles mes héros sont morts, la
République, la Paix et la Concorde. Ces bassins sont donc devenus par ce fait les
corollaires indispensables de la colonne. Ils la complètent esthétiquement parlant et
font comprendre l'étendue de l'oeuvre des Girondins : d'un côté le triomphe de la
Concorde et de la Paix, de l'autre celui de la République.
L'idée générale trouvée, il ne s'agissait plus que de la formuler dans une oeuvre d'art
».
Les noms des Girondins ci-dessous sont gravés sur ce monument :
François Bergoeing Marguerite Élie Guadet ;
Jacques Lacaze
Jean-François Ducos
Victurnien Vergniaud
Jean-Baptiste Boyer-Fonfrède
Lafargue de Grangeneuve
Armand Gensonné
Pierre
Les noms des « Girondins » suivants ne sont pas gravés sur ce monument. Il s'agit de
Jean-Baptiste Salle - Jérôme Pétion de Villeneuve - François Buzot - Charles Jean
Marie Barbaroux.
Le projet intitulé Gloria victis « Gloire aux vaincus », remplace celui prévoyant d'orner
la place des Quinconces d'une fontaine monumentale commandée à Bartholdi . Le
conseil municipal de la ville de Bordeaux juge le prix de ce projet trop élevé. C'est la
ville de Lyon qui en fait l'acquisition, où elle est installée « Place des Terreaux ».
À la suite de l'échec des négociations avec Bartholdi, la ville de Bordeaux prend la
décision de regrouper les deux projets : celui du monument aux Girondins et celui de
la fontaine, celui d'un monument-fontaine. Le projet de Dumilâtre et Rich est ainsi
repris.
Les deux groupes de statues représentant dix des principaux députés ne seront
jamais réalisés. Dans le premier groupe devait figurer, du côté du Grand-Théâtre :
Vergniaud, Fonfrède et Ducos et ses deux inséparables amis, Lacaze et Condorcet.
Dans le second, du côté opposé, devait figurer : Guadet, Gensonné, Grangeneuve,
Bergoeing et Pétion.
Il fallut pour mener à bien le chantier de la statuaire que Dumilâtre fasse appel à la
collaboration des sculpteurs Félix Charpentier et Gustave Debrie, ainsi qu'à celle de
plusieurs fonderies : Denonvilliers à Sermaize dans la Marne, Leblanc-Barbedienne et
également Durennes Paris, enfin les Fonderies du Val d'Osne en Haute-Marne.
Echafaudage pour la construction de la colonne de pierre .