Mieux que Loft Story - Echo du Village

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Mieux que Loft Story - Echo du Village
Mieux que Loft Story
La web-réalité va plus loin
PAR PIERRE-EMMANUEL MULLER
Depuis Loft Story, la télévision ne jure que par le « vrai ». Le web, lui,
n’a pas attendu la mode de la real tv pour faire mieux et aller plus
loin dans la représentation de l’intime et du privé.
La télé-réalité, c’est
simple. Il suffit de
filmer de vrais gens en
train de faire de vraies
choses. Plutôt que de
montrer Bob, un héroïque
soldat gravissant une colline pour aller sauver son vieux copain
John, stoppé net par une grenade, on
nous montre Julie. Julie pleure à chaude
larmes parce que Kevin vient de lui dire
un vilain mot alors qu’ils massacraient
pour la énième fois un classique de la
chanson française. La télé-réalité, c’est
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ça. C’est aussi beaucoup d’ennui. Beaucoup de bruit pour rien, en somme. On
nous présente cela comme la dernière
mode, le dernier avatar d’une culture de
masse qui avance à reculons dans le nouveau millénaire. Les internautes, eux,
ont l’impression d’une tiède récupération. Cela fait bien longtemps que la vie
privée et le quotidien ont fait leur entrée
sur le net. Sans tambours ni trompettes,
la vraie vie et les vrais gens n’attendirent
pas longtemps avant de prendre leurs
quartiers en ligne.
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Depuis bien des printemps déjà les webcams fleurissent sur le réseau. Les webcams, ou camirettes comme les désignent
si joliment les Québécois, sont ces petites
caméras que l’on connecte à un ordinateur et qui peuvent filmer tout ce qu’on
leur passe sous le nez pour l’envoyer sur
le réseau. Les webcams peuvent servir
à surveiller une machine à café ou une
grande avenue mais également à fixer
stoïquement l’entrée d’une salle de bain
ou une chambre d’étudiant. Depuis la
désormais célèbre Jennicam, les webcams donnent à voir le quotidien de
milliers d’internautes. Jennifer Ringley,
responsable depuis 1997 de la Jennicam,
qui la met en scène sur internet, définit
ainsi son projet : « Jennicam c’est, pour
faire simple, une sorte de fenêtre ouverte
sur un zoo humain virtuel. Mon nom
est Jennifer Ringley, je ne suis pas
une actrice, une danseuse ou une comique ». À ses éventuels détracteur, Jennifer répondait déjà « Soyez libres de
regarder, ou non, comme vous voulez ».
Exactement ce que l’on a pu lire ou
entendre lors des débats sur la télé-réalité : « vous avez la télécommande, à
vous de choisir ». Sauf que Jennifer avait
cinq ans d’avance. Alors que les participants aux diverses émissions de téléréalité commencent tout juste à réfléchir
sur ce qu’ils ont fait, Jennifer a entamé sa
réflexion depuis bien longtemps. Sur
une capture d’écran datant de 1997, on
peut voir Jennifer, accompagnée d’une
équipe de télé qui la filme devant sa
webcam. Elle a alors en mains un carton
qui dit au visiteur : « Quel étrange univers ! Et nous y sommes pour vous ».
Humour, distance, mise en abîme.
Il suffit d’aller sur ComFm pour se rendre
compte que le phénomène des webcams
ne se limite pas à Jennifer ou à quelques
étudiantes en mal de reconnaissance.
Le cas de l’Écho
Le site des reporters de l’Écho
La rédaction de l’Écho du Village n’est
pas en reste en ce qui concerne la
mise en ligne de ses travaux. Les reporters de l’Écho disposent d’un site sur
lequel les articles et dossiers en cours
de rédaction sont régulièrement mis à
jour. Le premier journal écrit pas les
internautes se devait de proposer un
tel outil à ses collaborateurs venus
de partout sur le web. Quand un dossier est en cours de rédaction, un
reporter qui voudrait participer peut
consulter un sommaire remis à jour en
ligne automatiquement. Certains articles sont même accessibles en ligne au
fur et à mesure de leur rédaction. Cela
permet à une rédaction uniquement
en ligne de travailler conjointement
sans faire de doublons. Dans un espace
qui leur est spécialement réservé, les
reporters peuvent mettre en ligne leurs
propres articles et les proposer à la lecture et à la critique des autres membres de la rédaction.
On est ainsi bien plus proche de la
vraie vie d’une rédaction en ligne
qu’avec une bête webcam pointée
sur le dos d’un rédacteur... Nous vous
attendons !
Le site des reporters de l’Écho
http://reporters.levillage.org
La page du dossier Email
http://reporters.levillage.org/dossier-email/
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DOSSIER SPÉCIAL
Dis bonjour
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Outre des points de vue imprenables sur
toutes les plus grandes villes du monde,
on trouve vraiment tout et n’importe
quoi en matière de webcams. Si le web
préfigure bien la télé-réalité de demain,
attendons-nous à voir arriver sous peu
des émissions nous présentant vingtquatre heures de la vie d’un réfrigérateur.
A voir tous les clones de la jennicam, on
se dit que les Big Brother et compagnie
ont encore de beaux réservoirs de candidats. L’exhibition semble être un sport
national. Installer une webcam dans sa
chambre à coucher ou à sa fenêtre n’est
pourtant pas anodin. Il faut même déclarer juridiquement toute webcam pointant sur un lieu public. À l’origine du
grand bond en avant de la vie privée sur
internet, les webcams ne sont pas les
seules ouvertures de l’intime sur le net.
Cher journal
Moins visibles et moins spectaculaires
que les caméras, les journaux intimes
participent aussi de ce grand mouvement de la vie privée sur le réseau. De
nombreux internautes ont vu dans la
Toile l’occasion rêvée de donner un bain
de jouvence au journal intime de leur
enfance. Finis les cahiers cachés sous
L’une des plus vieilles webcams :
l’aquarium des développeurs de Netscape
le matelas : les cyber-journaux intimes
se donnent à la lecture de tous. Que ce
soient les amours naissantes d’une adolescente ou les soucis d’une grand-mère,
tout se dit sur internet. Ces petits tracas
que l’on gardait jalousement par devers
soi s’exposent désormais au grand jour
comme dans une vitrine géante, observée par des inconnus du monde entier.
Sur Diarist.net, on recense plus de 4.000
journaux intimes en ligne. Qui, à l’époque du lycée aurait confié son confident
de papier à son voisin en cours d’anglais ?
Personne. Sur internet, la question ne se
pose même pas. Le phénomène touche
toutes les classes, tous les sexes et tous
les âges. Si les webcams ont introduit le
sofa du salon sur internet, ce sont les systèmes d’aide à la publication qui aidèrent
les journaux intimes à franchir le cap
du modem. Les Blogs et autres moteurs
rendirent l’ego-édition plus simple. Certains sites se sont même créés dans le
seul but d’aider les diaristes dans leur
travail. Les diaristes étant les rédacteurs
de journaux. Mydeardiary.com, littéralement « mon cher journal », est un
site qui permet à chaque internaute de
créer son propre journal. En parcourant
les sites inscrits sur Mydeardiary.com,
on retrouve tout ce qui a fait le succès
d’émissions comme Loft Story ou PopStars. Des gens qui pleurent, qui rient,
qui ne sont pas bien dans leur peau mais
qui restent tout de même très proches de
nous. Dans son journal, Ana4ever (Anorexique pour toujours) raconte à qui veut
la lire qu’elle a mangé, qu’elle a vomi
et qu’elle n’est pas en forme. Cela flatte
le voyeurisme de l’internaute mais c’est
aussi une main tendue. Là, le journal
intime a gagné à passer en ligne.
Encore plus fort
http://home.netscape.com/fishcam/about.html
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Il y a mieux que le journal écrit à la
lumière d’une chandelle : le journal qui
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[email protected]
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vous marque à la culotte. Avec les connexions permanentes, il est possible de
mettre en ligne de façon automatisée des
informations. Il suffit qu’un internaute
dispose d’un serveur web ou ftp sur sa
machine personnelle et qu’il utilise directement le dossier qu’il partage pour que
tous les surfeurs puissent suivre en direct
l’évolution de son travail. Les exemples
sont de plus en plus fréquents et ne
touchent pas que les illustres inconnus.
Tigert est un graphiste de renom. Il travaille pour des projets comme The Gimp,
un logiciel de retouche d’images ou pour
des entreprises comme Ximian, spécialisée dans l’interface graphique. Tigert
met à disposition toute une partie de son
travail sur son site. Une page web présente une liste de fichiers, tout comme
si l’on parcourait un disque dur. On
y trouve les fichiers d’installation des
programmes auxquels il participe, des
photos d’un meeting d’aéromodélisme et
le cliché d’une salamandre. Tigert n’est
pas le seul graphiste à travailler ainsi.
Jimmac dispose également d’un répertoire fourre-tout que les surfeurs peuvent consulter à volonté. On trouvera là
des icônes ou des écrans de démarrage
qui ne sont pas encore intégrés aux logiciels pour lesquels ils ont été créés. En
plus du direct, l’internet nous offre d’être
dans le secret des dieux.
Que ce soit pour l’image, les sentiments
ou le suivi au plus proche, l’Internet, une
fois de plus, semble bien en avance sur
son temps. En ligne, les internautes peuvent presque toucher du doigt ces gens
qu’ils suivaient dans les émissions de
télé-réalité. Peut-être qu’un jour, grâce
aux nouvelles technologies, on pourra
enfin réellement approcher ces gens si
mystérieux que sont nos voisins de palier.
Que d’aventures en perspective !
Liens
Jenni filmée devant sa caméra
La fameuse JenniCam
www.jennicam.com
Une utilisatrice de webcam face au
11 septembre 2001
www.tonypierce.com/fall/911/newsoweb/
8.htm
La plus vieille webcam du web
http://www.cl.cam.ac.uk/coffee/coffee.html
Un annuaire de Webcams
www.comfm.fr
Portail de journaux intimes en ligne
www.diarist.net
Un autre portail
http://monjournal.actu.tv/
Une sélection de journaux intimes
www.multimania.com/diariste/liens.htm
Un journal intime
http://lescarnetsrouges.ca.tc/
Un célèbre jounal intime
www.linux.org.uk/diary/
Un site pour créer son journal
www.mydeardiary.com
Un autre dans le même genre
www.blogger.com/
Un site fait avec Blogger
www.henrysdiary.com/
Le dossier partagé de Tigert
http://tigert.gimp.org/files/
Le dossier partagé de Jimmac
http://jimmac.musichall.cz/screenshots/
La société des diaristes virtuels
http://w3.arobas.net/~sdv/
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