Fiche thématique :
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Fiche thématique : Pour une démocratie de l'eau en Inde... Dans le Tamil Nadu, la rapide industrialisation aux abords des rivières a provoqué une immense pollution des cours d’eau dans lesquels les industries déversent tous leurs déchets. Ces industries incluant le textile, les produits chimiques, les distilleries, le papier et le sucre, déchargent de l’alcali, du chrome, du baryum, de l’arsenic, du cyanure, des détergents. 1.L'accès à l'eau potable, une problématique majeure en Inde. L’Inde manque d’eau de manière chronique et les besoins de sa population, qui a triplé depuis 1950, sont en augmentation croissante. D’une part, les chutes d’eau annuelle sont en constante diminution et les puits de milliers de villages sont définitivement taris. D’autre part, Les variétés de riz introduites pendant la « Révolution Verte » dans les années 70 sont très demandeuses d’eau. Aujourd’hui les zones irriguées dans le TN couvrent 45,96 % des terres et représentent 97,50 % des terres exploitées. Le potentiel de terres irrigables aujourd’hui est quasiment nul. L’irrigation des rizières entraîne une surexploitation des ressources en eau situées dans le sol. Le dernier rapport de la Banque mondiale a « prédit » à l’Inde une grave crise de l’eau. Le TN est parmi les états qui ont les plus grands déficits d’eau. Au regard du niveau des nappes phréatiques, le TN a déjà utilisé 60,44 % de ses ressources en eau renouvelables. La surexploitation des ressources a entraîné la salinisation de l’eau et la détérioration de la qualité générale de l’eau. Dans certains villages de l’Inde, les villageois ont commencé à récolter l’eau de pluie dans des réservoirs. A la suite de la sécheresse qui a sévi en 2000 et 2001, les dirigeants de l’Andra Pradesh, du Gujarat, du Madhya Pradesh et du Rajasthan ont lancé de vastes programmes de récolte de l’eau de pluie. Celui du Madhya Pradesh s’appelle « Stockons l’eau ! » et c’est sans doute au plan mondial le plus gros effort qu’on ait réalisé dans ce domaine. Dans plusieurs régions du Tamil Nadu, les villageois n’ont plus d’eau potable. Ce sont des camions citerne qui alimentent les villages en eau potable. En 1999, l’eau potable n’est toujours pas disponible pour 85 % des foyers ruraux. Parmi ces derniers, 60 % doivent parcourir 100 m pour accéder à l’eau tandis que les autres 20 % doivent parcourir 500 m. Les autres doivent parcourir jusqu’à 1 km pour trouver de l’eau. Contrairement au passé, les puits ne sont plus la seule source d’approvisionnement en eau. Les puits en tant qu’accès uniques à l’eau sont passés de 56,7 % à 30 % entre 1981 et 1991. Les fontaines communes sont passées de 20 à 37 % et les pompes manuelles de 11 à 27 %. En milieu urbain, 25,83 % des foyers n’ont pas accès à l’eau potable. La quantité d’eau disponible par foyer est aussi bien inférieure aux besoins. L’eau n’est disponible au robinet que certaines heures dans la journée. Janvier 2002 une pluie inattendue a complètement dévasté les rizières sur le point d’être moissonnées. Il n’y eu ni riz pour les êtres humains, ni foin pour le bétail (les vaches mangent les tiges de riz). Ensuite, le riz n’a pu être semé sur une terre non immergée et l’état du Karnataka refusa de libérer de l’eau pour le Tamil Nadu. 2.La pollution de l'eau, un enjeu majeur de santé publique en Inde. En Inde, l’eau disponible est polluée à environ 70 % et les services sanitaires sont souvent insuffisants. Cette pollution est due à plusieurs causes : · · · Aux rejets urbains domestiques : un tiers seulement des villes de plus de 100 000 habitants dispose de services de traitement des eaux usées, et sur un total de 6,5 milliards de litres d’eaux usées produites chaque jour dans les douze plus grandes villes, seul 1,5 milliard est traité. Aux rejets industriels : ¼ des déchets toxiques est rejeté dans les rivières. Aux traitements agricoles : engrais et pesticides sont une menace pour la qualité de l’eau. Des nitrates ont été détectés dans l’eau du sous-sol en de nombreux endroits, atteignant 1800mg/l en Haryana, bien au-dessus de la limite nationale de 45 mg/l. Dans de nombreux districts du Tamil Nadu, la qualité de l’eau est préoccupante. En effet, un excès de fluorure a été détecté dans 4000 lieux d’habitation. Dans certaines régions, l’eau des sources n’est pas potable car elle est salée ou saumâtre. Le cas des rivières est particulièrement édifiant. Les rivières indiennes sont des courants d’eau toxiques tuant des millions de personnes. Depuis l’indépendance plus de 50 millions d’enfants auraient été tués par l’ingestion d’eau polluée. 3.« Faute de démocratie de l’eau, il ne peut y avoir de vie démocratique »1 En Inde, Coca-Cola et Pepsi Cola possèdent 90 « usines d’embouteillage » qui sont en réalité... des « usines de pompage » : 52 unités appartiennent à Coca-Cola et 38 à Pepsi-Cola. Chacune extrait entre 1 million et 1,5 million de litres d’eau par jour. Il faut 9 litres d’eau potable pour faire 1 litre de Coca. En raison de leurs procédés de fabrication, ces boissons gazeuses présentent des risques. D’abord, parce que le pompage des nappes pratiqué par leurs usines dépouille les pauvres du droit à se fournir en eau potable. Ensuite, parce que ces usines rejettent des déchets toxiques qui menacent l’environnement et la santé. Les femmes de Plachimada , village du Kerala (Sud ouest de l'Inde) ont entamé leur mouvement peu après l’ouverture de l’usine Coca-Cola. Le panchayat local2 lui avait accordé sous conditions, l’autorisation de puiser l’eau à l’aide de pompes motorisées. Mais la multinationale s’est mise à puiser, en toute illégalité, des millions de litres d’eau pure dans plus de six puits forés par ses soins et équipés de pompes électriques ultra-puissantes. Le niveau des nappes a terriblement baissé, passant de 45 mètres à 150 mètres de profondeur. D’où l’assèchement de 260 puits, dont le forage avait été assuré par les autorités pour subvenir aux besoins en eau potable et à l’arrosage agricole. Dans cette région du Kerala, appelée « grenier à riz », les rendements agricoles ont diminué de 10 %. Des représentants des tribus et des paysans ont donc également dénoncé les forages effectués à tort et à travers, qui ont gravement compromis les récoltes ; ils ont réclamé la protection des sources d’eau potable, des mares et des réservoirs, l’entretien des voies navigables et des canaux. 1 Vandana Shiva Directrice de la Research Foundation for Science, Technology and Ecology (RFSTE, Inde) 2 Conseil exerçant l’autorité au niveau du village Le 16 décembre 2003, le juge Balakrishnana Nair a ordonné à Coca-Cola de cesser ses pompages pirates dans la nappe de Plachimada. Les attendus du jugement valent autant que la décision elle-même. En effet, le magistrat a notamment précisé : « La doctrine de la confiance publique repose avant tout sur le principe voulant que certaines ressources telles que l’air, l’eau de mer, les forêts ont pour la population dans son ensemble une si grande importance qu’il serait totalement injustifié d’en faire l’objet de la propriété privée. Les dites ressources sont un don de la nature et devraient être gratuitement mises à la disposition de chacun, quelle que soit sa position sociale. » Amorcé à l’initiative des femmes le mouvement a déclenché une vague de soutien nationale et internationale. Sous la pression de ce mouvement et en raison de la sécheresse venue encore aggraver la crise de l’eau, le chef du gouvernement du Kerala a enfin ordonné, le 17 février 2004, la fermeture de l’usine Coca-Cola. Les femmes furent les premières à dénoncer ces pratiques lors d’un dharna (sit-in) devant les grilles de la compagnie. Le 20 janvier 2005, dans toute l’Inde, des chaînes humaines se sont formées autour des usines Coca et Pepsi. Le cas de Plachimada prouve que la population peut l’emporter sur des entreprises privées en faisant appel à la justice et par une mobilisation populaire non-violente. Christine MONGIN, INDP France et Jérôme MARTIN, responsable EAD/SI, ORCADES Illustration 1: Deux indiens se désaltèrent auprès d'un point d'eau potable géré par INDP En savoir plus... Vandana Shiva,La Guerre de l’eau, L’Aventurine, Paris, 2003. Vandana Shiva, La vie n’est pas une marchandise, L’Atelier, Paris, 2004. Centre for Sciences and Environment de New Delhi, Inde. Site web, http:// www.cseindia.org