M. Osman

Transcription

M. Osman
11
CONGRES SFT
2015
CIGARETTE
&
ATTACHEMENT
Monique Osman
Professeur de Biologie (IFSI) - Certificats de Psychologie
DIU Tabacologie - Cannabis - Alcool
Auteure - Conférencière - Chargée de mission
2
UN CONSTAT DECEVANT
EN QUELQUES CHIFFRES…
Selon de dernier Eurobaromètre, la consommation de tabac en Europe, de 2012 à
2014, aurait chutée de 2% ,ce qui n’a pas été le cas en France (+ 4%)
Chute: Suède 11 % Finlande 19% …Stabilité : Grèce 35% Augmentation : France 34%
(28% en 2012)
Nous savons que la prise de substituts nicotiniques double les chances d’arrêter de fumer.
Mais combien arrêtent totalement à un an au final : 15 à 20 % (18% selon une donnée
ancienne de l’AFSSAPS contre 10% avec un placebo). Ce chiffre double si on y ajoute les
arrêts grâce aux TCC. Reste 60% de fumeur environ qui n’y arrive pas! L’augmentation des
prix du tabac a fait mieux, elle aussi que l’utilisation des SN. Globalement nos résultats ne
sont pas extraordinaires
E.cigarette: 12% des européens l’ont testée, 2% des européens l’utilisent et à aidé 14%
d’entre eux aurait arrête de fumer…C’est assez peu…
Ne faudrait-il pas alors que nous nous posions la question d’essayer d’identifier
quelles « autres » raisons pourraient expliquer « l’attachement « de nombre de
fumeurs à leurs cigarettes?
3
A titre d’introduction
Pour réaliser ce diaporama, j’ai fait appel à mon expérience personnelle, et
je me suis appuyée essentiellement sur les textes de:
- John Bowlby, psychiatre et psychanalyste britannique, père de la théorie de
l’attachement.
- Imre HERMAN, psychiatre hongrois qui a développé la théorie de l’agrippement
et surtout sur ceux de
- Odile Lesourne, psychanalyste française, auteure des livres:
« Le grand fumeur et sa passion » PUF 1ère edit. 1984 - 3ème édit. 2008
« La génèse des addiction » PUF 2007
Et je me suis efforcée de donner la parole aux fumeurs…
Existe-t-il, à côté des besoins physiques en nicotine du fumeur,
certaines autres « attaches » qui nous permettraient de
comprendre les difficultés qu’éprouvent certains fumeurs à se
séparer de leurs cigarettes?
Propos de fumeur:
« C’est très peu pénible le manque de nicotine, il
me semble plutôt que ce qui me manque c’est un
rapport avec mon corps, un rapport de ma peau
avec la cigarette, de ma bouche, de mes mains avec
la cigarette »
4
5
Théorie de l’attachement
John Bowlby 1907-1990
« Cette théorie vise à rendre compte du phénomène
par lequel le bébé et sa mère (ou substitut
maternel) établissent entre eux des liens
privilégiés ».
Le jeune enfant a besoin de développer une relation
dite « d'attachement » avec au moins une personne
qui prend soin de lui de façon cohérente et continue,
pour connaître un développement social et
émotionnel normal
6
Attachement…?
En substituant au terme de « bébé » celui de
« fumeur » et au terme de « mère » celui de
« cigarette » serait-ce abusif d’utiliser cette notion
« d’attachement », pour évoquer, toutes proportions
gardées, cette relation privilégiée qui unit le fumeur
à sa cigarette?
7
Attachement…?
En d’autres termes, la cigarette permettrait-elle au
fumeur de recréer hallucinatoirement le lien avec sa
mère, faute d’avoir réussi à s’en détacher?...
Pour O. Lesourne le doute n’existe pas:
« La cigarette vient en lieu et place d’un autrui qu’on
continue à désirer faute d’avoir pu l’intérioriser »
8
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui
« tête » et le fumeur qui « fume » ?
Se nourrir…?
Propos de fumeurs:
« La cigarette fumée à grosses goulées s’accompagne d’une
espèce de plénitude… »
« C’est mon corps qui la réclame »
« Je peux plus facilement me priver de manger que de
fumer »
« Le plaisir de fumer s’apparente à un soulagement
d’une tension créée par un besoin physique non
satisfait (comme respirer, manger…)
Il naît de mon corps… »
9
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui
« tête » et le fumeur qui « fume » ?
Se nourrir…?
Propos de fumeur:
« Mon corps réclame sans cesse et à des doses de plus en
plus importantes mes cigarettes, lorsque je n’en ai pas,
j’éprouve une véritable angoisse. Je me rhabille et je sors. Je
fais un aller-retour, je vais acheter mon paquet, je reviens et
j’ai une espèce de sérénité, de tranquillité en me disant : j’ai
ce qu’il faut… »
« Ce besoin de faire pénétrer le produit à l’intérieur du corps
évoque évidemment la faim et sa satisfaction au cours de
l’allaitement (biberon) prodigué par la mère ».
Odile Lesourne
10
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui
« tête » et le fumeur qui « fume » ?
Téter…?
« Tout d’abord, elle se place entre les lèvres et les stimule (son diamètre
et sa forme sont sensiblement ceux du bout des seins, de la tétine). Les
lèvres exercent sur elle comme sur un sein un mouvement d’aspiration
grâce auquel un produit chaud et parfumé (venant d’elle comme du sein)
emplit la bouche et pénètre à l’intérieur du corps. Plaisir gustatif, en
même temps que du toucher et de l’odorat » Cette sensorialité comblée
produirait un état nirvanique. (O.Lesourne)
Propos de fumeur:
« Quand on fume on ne pense pas, on s’évade, on ne pense qu’à la
cigarette »
11
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui tête et
le fumeur qui « fume » ?
Manipuler….?
L’importance que le fumeur attache à la cigarette en tant
qu’objet que l’on saisit, attrape, touche, manipule, tient en
main, allume, écrase, bref en tant qu’objet externe, par
opposition à la cigarette en tant qu’objet que l’on met aux lèvres
et dont on aspire le produit frappe d’emblée.
NB. C’est encore plus marqué avec la cigarette électronique qu’on agrippe,
sur laquelle on tire 300 fois par jour, qu’on place autour du cou comme
un hochet ou qu’on plonge dans la poche de poitrine comme
une tétine…
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui « tête » et le
fumeur qui « fume »
Manipuler…?
Propos d’un fumeur:
« On n’a pas besoin de la cigarette à ce moment là,
mais c’est le geste de la sortir de son paquet, la
prendre, l’allumer, la porter à ses lèvres, la tapoter
pour faire tomber la cendre….qui me désénerve… »
12
13
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui
« tête » et le fumeur qui « fume »
S’accrocher….?
La cigarette représenterait-elle, par analogie, comme la
mère sécuritaire, un objet symbolique d’agrippement
en cas de crainte, de perte (sein, tétine), dans toutes
les situations de tensions?
On agrippe pour se protéger de la chute, réelle ou
imaginaire…(contactes sociaux, émotions fortes,
souffrances physiques, colères…)
14
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui
« tête » et le fumeur qui « fume »
S’accrocher…
la notion d’instinct de cramponnement, développée
par Imre Hermann, réactualisée sous le terme
d’instinct d’agrippement du bébé à sa mère, peut-elle
s’appliquer au fumeur par rapport à sa cigarette?
« Abandonner le sein, c’est risquer de tomber dans
le vide » O. Lesourne
Abandonner sa cigarette entraînerait-t-il pour le
fumeur, des craintes comparables ?
15
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui
« tête » et le fumeur qui « fume »
S’accrocher…?
Propos de fumeur
«J‘ai aucune crainte d’arrêter de fumer, du manque de tabac,
ça, ça se règle assez vite… Mais, c’est la manque du geste.
Alors ça, je l’ai ressenti et c’est ça qui m’accroche. J’ai
l’impression qu’à la limite ce pourrait être une cigarette vide.
Je m’y amarre comme à une bouée, en quelque sorte… »
Toutes situations de stress, si communément associées au
tabagisme, trouverait-elle en partie son explication dans cet
instinct d’agrippement, réflexe inné face au danger?
16
Existe-t-il des points communs entre le bébé qui
« tête » et le fumeur qui « fume »
S’accrocher…?
« Avec la cigarette, objet d’agrippement, objet pour
l’agrippement, on se trouve dans la même situation
qu’avec l’objet transitionnel défini par Winnicott, le
substitut du doudou, objet externe qui
fantasmatiquement se substitue à une image interne
sécurisante » O. Lesourne
17
En fin de compte…
Ne pas parvenir à « divorcer » d’avec ses cigarettes, serait-il
associé à l’incapacité, pour certains fumeurs, de réussir à
réaliser l’indispensable travail de deuil d’une relation affective
ancienne dispensatrice de réconfort et de bien-être?
L’extrême disponibilité de la cigarette, la permissivité qui
l’entoure, sont autant d’obstacles qui compliquent cette tâche.
Arriver à se séparer définitivement de ses cigarettes serait alors
la preuve qu’ils ont réussi à réaliser le profond remaniement
psychique qui leur permettra de ne vivre, enfin, qu’avec eux
mêmes, leurs propres forces et leur (notre) incontournable
solitude.
18
Peut-être que…
« Sans l’intervention de l’affectivité » le problème du
tabagisme n’existerait pas » …
Professeur Robert Molimard
Dans le livre d’Odile Lesourne, « le Grand Fumeur et sa Passion »,
ne faut-il pas comprendre le terme Passion au sens de la passion
du christ, c’est-à-dire au sens de la souffrance qu’éprouve le
fumeur à travers le douloureux attachement qui le lie à la
cigarette?
« Il n’y a pas de grand fumeur heureux »
Odile Lesourne

Documents pareils