Off Tour : Compte-rendu d`étapes

Transcription

Off Tour : Compte-rendu d`étapes
Off Tour :
Compte-rendu
d’étapes
Contenu
Présentation
Prologue Le Tour entre On et Off
Étape 1 La Récurrence des Clichés
Étape 2 Choisir la Bonne Direction
Étape 3 Des Esthétiques à Contresens
Interviews
Étape 4 Discussion
Étape 5 Premiers Tours de Pistes
Étape 6 Sport et Marketing : Global
Étape 7 Sport et Marketing : Local
Ouvertures
Étape 8 Visual Explorations as Traps
Étape 9 Being ‘Out There’
00:02
Présentation
00:03
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Sur le plan esthétique, la persistance des
clichés dans la photographie sportive a constitué un prétexte crucial pour explorer de
nouvelles pistes. D’un point de vue éditorial,
il a également fallu créer un « laboratoire
d’images » pour organiser les milliers de documents produits dans un projet cohérent.
Prologue
00:04
Le Tour entre On et Off
Joël Vacheron
A l’occasion des éditions 2010 du Tour de Romandie
et du Tour de Suisse, l’Ecole cantonale d’art de Lausanne
a réalisé, à l’invitation de la Vaudoise Assurance et de
l’éditeur infolio, un projet photographique et éditorial original. « On Tour » découle d’une volonté d’explorer
quels types de convergences peuvent être établis entre
la création photographique, le sponsoring sportif et
le monde de l’édition.1 Des étudiants en photographie
de l’écal 2 se sont plongés, étape par étape, dans l’univers des Tours afin de produire des points de vue
capables de dépasser les clichés associés à ces univers.
A la fois spectateurs actifs et créateurs audacieux, les
étudiants avaient pour but de développer une approche
documentaire singulière d’un événement sportif.
Au total, plusieurs milliers d’images ont été ainsi produites. Elles couvrent de manière exhaustive les acteurs,
aussi bien humains que non humains, les anecdotes
et les phantasmes qui participent à fabriquer l’univers disparate d’une caravane. En prenant le parti de l’exhaus­
tivité, « On Tour » est un objet éditorial hybride qui a nécessité la mobilisation d’une gamme extrêmement variée
de compétences techniques et d’outils métho­dologiques.
A ce titre, les opérations de tri et d’agencement à partir
de cette masse exceptionnelle d’infor­mations ont constitué une étape cruciale.3
D’un point de vue esthétique, théorique et métho­
dologique, ce complément ambitionne de pister quelques
approches qui ont jalonné cette aventure. A travers
les récits des participants et les observations d’experts
extérieurs, cette annexe multiplie les points de vue
pour reconstruire une chronologie qui lui est propre. En
intégrant cette aventure dans des problématiques
plus générales, ce compendium permet également de
prendre un peu de distance par rapport au caractère
strictement régional de ces épreuves sportives. Enfin,
en accordant une priorité aux hors-champ, « Off Tour »
permet surtout de pérenniser un certain regard sur la
Suisse contemporaine.
Présentation des étapes
Ce tour d’horizon s’articule autour de quatre pistes de
recherches qui, d’une manière ou d’une autre, recoupent
certains enjeux actuels de l’interaction entre sponsoring sportif, création photographique et stratégies éditoriales. A ce titre, la récurrence des stéréotypes pour
représenter les compétitions sportives a servi de cadre
heuristique initial à ce projet. En effet, les répertoires
visuels à travers lesquels on donne à voir ces événements
sont soumis à des normes particulièrement restrictives.
Les magazines sportifs présentent des images
extrêmement conventionnelles et stéréotypées, généra­
lement produites par des photographes utilisant un
vo­cabulaire visuel et narratif limité. Il en résulte des photographies qui semblent toujours similaires indépendamment des photographes, des sports différents, des
publications ou de régions géographiques.4 A travers
l’exemple du cyclisme, les deux premières étapes visent
par conséquent à évaluer la persistance des clichés
et les diverses tactiques qu’il est possible d’adopter pour
poser un regard différent sur cet univers.
Une troisième étape interroge les conditions de
réalisation de cet objet éditorial inédit et susceptible de
toucher un lectorat de connaisseurs. Ces questions
s’intéressent plus spécifiquement aux phases de sélection et de composition, en particulier les diverses méthodes mises en œuvre dans la mise en place d’un laboratoire d’images. Un détour historique sur La vie au
grand air permet de saisir l’importance des magazines
dans l’évolution de la photographie de presse, le
nouveau rôle dévolu aux directeurs artistiques qui doivent
adapter les contenus éditoriaux aux nouvelles attentes
des lecteurs.
Le Tour entre On et Off
Choisir la photographie et s’inscrire dans la
dynamique d’un journalisme moderne, c’est re-
noncer à ce mode illustratif où le dessin n’a
cessé d’intervenir pour suppléer les manques
de la photographie. [...] Le magazine renouvelle les rythmes de lecture du journal, de la
première à la dernière page, au profit d’une
consultation aléatoire. Le lecteur moderne de
la Belle Epoque ne lit plus un journal illustré,
il « feuillette » un magazine.5
Les conditions de convergence entre le sport et le sponsoring sont au cœur de la troisième piste. Des spécialistes reviennent sur ce qui définit la nature du branding
et dans quelle mesure ce secteur s’adapte aux redéfi­
nitions actuelles de notre régime visuel. Comme le souligne Richard Chinn, stratégiste chez Wolff Olins :
Le propre du langage d’une marque se situait
dans l’idée de contrôle puisqu’il s’agissait
de construire des chartes à partir desquelles
tout était systématiquement décliné. A l’heure
actuelle, ces systèmes sont devenus beaucoup plus flexibles et peuvent être utilisés de
manière très créative. On doit accepter d’uti­
liser des images qui ne présentent pas une lumière parfaite ou réalisées en basse définition.
[...] Est-ce suffisant pour construire une iden­
tité solide ? Tout cela implique de reconsidérer
l’identité visuelle sous un angle inédit.6
L’objectif de « On Tour » n’était pas de faire uniquement un
livre d’art. Il s’agissait surtout de trouver un langage
approprié pour toucher à la fois les passionnés de vélo
et les amateurs d’art. Les étapes 5, 6 et 7 donnent la parole à des experts dans le domaine du marketing afin
d’évaluer la portée d’un projet de ce type par rapport aux
redéfinitions actuelles en matière de stratégies de
communication.
L’intérêt croissant pour l’univers du cyclisme ne se
limite pas seulement à l’expérience sportive. En effet, le
vélo est devenu un objet d’étude crucial dès que l’on
aborde des questions touchant aux mobilités spatiales,
à la lutte antipollution, aux logiques de recyclage ou
à l’instauration de réseaux économiques parallèles.
Cette vélorution génère toujours plus d’enthousiastes,
à l’instar du Bicycle Diaries (2009) de David Byrne,
qui participent à construire une philosophie essentiellement fondée sur l’impact du cyclisme dans notre quo­
tidien. Les réflexions des deux sociologues s’attellent à
comprendre ces nouvelles sensibilités urbaines à travers les exemples des communautés de coursiers et des
cultures DIY. Dans les étapes 8 et 9, Kat Jungnickel et
Britt Hatzius nous permettent de sortir de la boucle afin
d’approfondir certains enjeux, notamment méthodo­
logiques et esthétiques, inhérents à un projet comme
« On Tour ». Leurs investigations nous permettent d’inscrire cette recherche dans le champ de la sociologie
visuelle en exemplifiant comment des documents photographiques peuvent devenir des données d’études.
Avec les Jeux olympiques en toile de fond, ces exemples
remettent en perspective une expérience comme « On
Tour » en insistant sur l’influence des expériences sensibles dans nos manières de voir.
00:05
1
Cette recherche, intitulée « Les Tour de
Romandie et Tour de Suisse photo­
graphiés par l’ECAL : Sport, sponsoring
et création photographique », a été
menée entre 2010 et 2012 dans le cadre
du réseau de compétences design de
la HES-SO. Le chef de projet en était
Pierre Fantys.
2
L’équipe, supervisée par Nicolas Faure
et Joël Tettamanti, était composée de :
Jeremy Ayer, Emile Barret, Thomas
Brasey, Guillaume Collignon, Philippe
Fragnières, Paul Hegi, Sophie Hugue­
not, Nicolas Genta, Florian Lüthi,
Romain Mader, Noha Mokhtar, Sophie
Mei Dalby, Tom de Peyret, Cédric
Raccio, Priscillia Saada, Reto Schmid,
Laurent Schmidt, Fabrice Schneider,
Sebastian Stadler et Armand Yerly.
3
La direction artistique du projet a
été assurée par Pierre Fantys et François
Rappo, assistés par Elise Guillod,
Cédric Raccio et Erol Gemma.
4 “ Newspaper sports feature photographs
are highly conventionalized and ste­
reotyped images made by photogra­
phers using a limited visual vocabulary
to tell a limited number of ‘stories’.
These methods result in photographs
that look the same even though different
photographers, photographing different
sports, working for different news
organizations in different regions of the
country, have produced them.”
DIANNE HAGAMAN. The Joy of Victory,
the Agony of Defeat: Stereotypes in
Newspaper Sports Feature Photographs.
In Visual Sociology, vol. 8, Fall, n° 2,
48 – 66, 1993.
5
THIERRY GERVAIS. L’invention du
magazine: La photographie mise en page,
dans La vie au grand air (1898 – 1914).
In Etudes Photographiques n° 20, 2007.
6
voir étape 6.
Étape 1
00:06
La récurrence des clichés
Joël Vacheron
Depuis l’avènement des médias modernes, la photographie a été un agent déterminant pour définir les canons,
narratifs, chorégraphiques ou stylistiques, du sport.
Toute une gamme de codes simples se sont progressivement imposés comme autant d’indicateurs nécessaires
pour capturer, et souvent accentuer, la charge émo­
tionnelle et spectaculaire caractérisant ce genre d’événements. A l’instar des programmes imposés de
certaines compétitions, l’objectif de la photographie
sportive vise essentiellement à produire une image
générique à partir d’une gamme prédéfinie de figures.
Les photos sont devenues techniquement irréprochables, mais elles n’invitent pas à orienter nos regards
vers d’autres zones de perception, elles échappent
à toute forme de réflexion. A l’heure où notre rapport aux
images subit des transformations profondes, aussi
bien en termes esthétiques que techniques, cette surenchère de clichés semble encore bien loin d’être frappée d’obsolescence.
La photographie sportive est parcourue par des pans entiers de tics et de clichés
qui sont très peu remis en question. A force
de toujours représenter ce qui est considéré
comme étant le plus spectaculaire, on finit
par se lasser, il n’y a plus de surprise.
Nicolas Faure
Ces diverses conventions dépendent en grande partie
des contraintes imposées aux professionnels. Tributaires de l’évolution de la course, du match ou des impératifs de publication, les photographes sportifs ont généralement peu de temps pour la tergiversation. Ils se
positionnent par conséquent pour produire des images
qui rentrent aisément dans les répertoires de langages
existants. Même si le fait fortuit est toujours le bienvenu, le but reste avant tout de capturer une action qui,
en un coup d’œil, permet de saisir quelle a été l’issue
de l’événement. Dans la plupart des cas, il s’agit de sagas
dans lesquelles des êtres, le plus souvent des hommes
dans la force de l’âge, se détachent distinctement de
leur environnement direct grâce à des arrière-fonds floutés. Adresse / maladresse, nous / les autres, exultation / abattement, joie / tristesse… chaque sport s’exprime
à travers un même registre de dicho­tomies immédiatement identifiables par n’importe quel lecteur.
A travers cette combinaison de mouvements, de compositions et de trames narratives, les photographies
sportives dans la presse quotidienne doivent avant tout
permettre de distinguer sans ambiguïté des gagnants
et des perdants. Ce dualisme est exemplifié de manière
iconique dans la photographie où Mohamed Ali harangue
un Sonny Liston allongé suite à un phantom punch.
En plus de lancer à elle seule la carrière du photographe
Neil Liefer, cette image 1 est constamment reconvoquée depuis 1965 lorsqu’il s’agit de répertorier les photographies canoniques.
Comme le souligne Dianne Hagaman, à force d’ap­
pliquer les mêmes matrices à toutes sortes de contextes,
les médias ont fini par faire passer ces images pré­
conceptualisées 2 comme un concentré de la condition
humaine. L’iconographie visuelle des pages sport présente une telle redondance qu’elle renvoie à une sorte
d’univers parallèle. Tragédie aux dénouements arrêtés, le
sport s’est mué en une prothèse idéale pour diluer la
complexité et la richesse des expériences. Est-ce un palliatif pour compenser les désynchronisations d’un monde
en constante accélération ? De manière paradoxale,
à l’heure où même le photojournalisme s’est émancipé
du carcan mimétique, les photographies sportives
sont immanquablement soumises aux diktats de l’instant
décisif.
Décadrer l’action
La récurrence des clichés
De nombreux photographes, issus aussi bien du photojournalisme que des arts visuels, cherchent néanmoins
à dépasser ses contraintes stylistiques. Les exemples
étant légion, il serait fastidieux de tenter d’établir une
liste exhaustive des diverses approches dans le domaine.
C’est pourquoi, pour l’occasion, nous nous limi­terons
au regard emblématique qu’Andreas Gursky a porté sur
le sport. En effet, tout au long des années 2000,
il s’est appliqué à composer une approche des manifestations sportives en rupture avec les canons de la
presse. Les courses automobiles, les marathons de ski
de fond, le football ou le cyclisme3 ne sont pas entrevus
à travers le primat de l’action. Au contraire, ces « tableaux » sont généralement construits à partir d’une multitude d’images qui, une fois réarrangées, offrent une
vision magnifiée et atemporelle des événements.
Lorsqu’il couvre le Tour de France en 2006, son objectif
ne visait pas à faire un reportage sportif traditionnel.
Au lieu de s’attarder sur une réalité vécue au jour le jour,
il cherche plutôt à révéler quelles sont les structures
autour desquelles s’organise ce genre d’événement.
D’une part, ses photographies exacerbent le caractère spectaculaire des manifestations en mettant en
exergue les environnements. Aucun gros plan sur les
échappées, les visages grimaçants ou les bras levés aux
passages de la ligne. Tous les signes qui participent
traditionnellement à signifier le drame de la compétition
sont noyés dans l’immensité de paysages aux dimensions englobantes. En rompant avec les codes du photoreportage, ces recompositions renouent avec la tradition
picturale. D’autre part, ce déphasage volontaire par
rapport à l’authenticité du message photographique lui
permet de perturber le réel à l’aide d’écarts subtils.
Une route qui disparaît soudainement au détour d’un virage, les courbes discontinues d’un circuit automobile,
une nuée de techniciens autour d’un bolide ou des
joueurs étrangement parsemés sur un terrain, Gursky
s’appuie sur les codes hyperréalistes du photojour­
nalisme pour brouiller le contrat de confiance que nous
avons passé avec les spectacles sportifs. Même si
les étudiants et les étudiantes n’ont pas abordé la compétition en s’inspirant d’exemples précis, cette posture
distante a également été adoptée dans certaines séries
de « On Tour ». Toutes proportions gardées.
00:07
1
Elle a notamment été placée en tête du
classement The Century’s Greatest
Sports Photos établi par Sports Illustrated
en 1999. Steve Fine, le directeur de
la photographie du magazine, relevait
le caractère indépassable de cette
image : “It is a great picture of a key
moment, filled with emotion and
destined to remain etched in the minds
of its viewers. You can describe this
picture to someone, without showing it
to them, and they know exactly what
you’re talking about. It’s a true icon of
sports photojournalism.”
http://digitaljournalist.org/issue0201/nl01.htm
2 “These photographs are preconceptua­
lized, that is, they embody ideas
about the nature of sports developed
prior to experience in the situation
being photographed. The limited visual
vocabulary used severely constrains
the kinds of ideas and relationships the
photographs can communicate. The
requirement to ‘shoot tight’ for impact
and ‘readibility’.”
DIANNE HAGAMANN. The Joy of Victory,
the Agony of Defeat: Stereotypes in
Newspaper Sports Feature Photographs.
In Visual Sociology, vol. 8, Fall, n° 2,
48 – 66, 1993.
3
ANDREAS GURSKY. Tour de France 1,
2007.
Étape 2
00:08
Choisir la bonne direction
Joël Vacheron
Au-delà de ces diverses références artistiques, « On Tour »
est tributaire des tendances éditoriales émergentes
en matière de sport. C’est le cas notamment de Rouleur 1,
un magazine trimestriel publié à Londres, qui considère le cyclisme à travers des textes et des photographies
d’auteurs. L’originalité du projet a nécessité la mise
en œuvre d’une gamme étendue de com­pétences
en matière d’édition. Même si leurs usages se sont intensifiés avec l’avènement des médias de masse, ces
différents codes de lecture s’inscrivent dans une réalité
éditoriale plus ancienne. Dans son article sur La vie
au grand air 2, Thierry Gervais apporte des éclairages instructifs sur les fonctionnalités inédites des photographies dans les premiers magazines.
Il relève l’importance des directeurs artistiques qui,
au tournant du XXe siècle, commencent à succéder
aux graveurs et aux dessinateurs pour mettre en page
l’actualité. Leur rôle vise à tirer profit des exigences récentes de la presse illustrée, en agençant les pages
de manière « à créer un effet de narration et de surprise ».
Imbrications, détourages, cadrages ou double page,
La vie au grand air présentait un aperçu exhaustif des
différentes innovations en matière d’agencement et
de composition. Grâce aux différents rythmes générés
par ces mises en pages, le travail éditorial pouvait
s’émanciper des modèles hérités des beaux-arts. Cette
flexibilité accrue s’adaptait à de nouvelles habitudes de
lecture. Les textes occupent une place subalterne,
souvent sous la forme de légendes, et le lecteur peut
déambuler de page en page pour reconstituer à l’envi
le fil du récit. Cette aptitude à feuilleter favorisait un
mode de lecture dynamique, proche de procédés narratifs popularisés par le cinéma.
Le petit cinéma de papier qu’est le magazine
s’est donc trouvé entraîné […] à faire, lui
aussi, de la mise en scène de ses pages une
chose vivante, puis une chose parlante,
c’est-à-dire apportant, par la simple réunion
des événements photographiques et typographiques, des significations assez « exposables » pour que le lecteur puisse jouir du magazine à la manière d’un spectateur : sans
travailler.3
A travers ses choix, le directeur artistique devait sélectionner des images susceptibles de créer un espace narratif
qui attise l’attention d’un lecteur toujours plus « actif ».
Ce dernier commence à être apparenté à un spectateur
qui recompose le flux des événements en fonction de
son imaginaire et des rythmes de défilement des pages.
Cette analogie est d’autant plus per­tinente que « On Tour »
a largement été inspiré par des procédés narratifs utilisés au cinéma. Au sens propre du terme, « On Tour » peut
ainsi se définir comme un livre que l’on feuillette.
Un laboratoire d’images
Malgré le caractère contemporain de ces prises de vue,
la mise en forme de « On Tour » s’inscrit dans une longue
tradition éditoriale qui vise à produire simultanément
du sens et du spectacle. Cependant, ce cinéma de papier présente une différence majeure par rapport au
travail d’édition d’un magazine traditionnel : la quantité
colossale d’images produites qu’il a fallu trier.
Pendant les étapes d’édition, lorsque
nous parlions du livre entre nous, c’était un
peu comme si on évoquait les différentes ambiances d’un film.
Cedric Raccio
Cette abondance a ainsi généré une première forme de
décrochages par rapport aux contraintes éditoriales traditionnelles, en imposant des tactiques improvisées en
matière de catégorisation et de (re)création de séries.
Choisir la bonne direction
Nous avions tellement d’images dif­
férentes que l’on a spontanément cessé de se
Elise Guillod
soucier de savoir qui étaient les auteurs ou
les athlètes. Nous avons également abandonné l’idée de chronologie. Au lieu de nous
soucier des heures et des lieux, nos critères
pour composer une série pouvaient reposer,
par exemple, sur les conditions météoro­
logiques. Lorsque nous devions parler entre
nous de notre travail, nous utilisions des
termes comme la « série Ecrans », la « série
Pluie »4, la « série Soleil », la « série Brouillard »,
etc. Par ce biais, nous participions à reproduire des séries à partir de ce que nous avions
à notre disposition. D’une certaine façon, on
réinvente une histoire.
00:09
1
like us, are passionate about the
sport, but don’t expect to see bike tests
and race reports. Instead, the magazine
focuses on exquisite photography and
writing that really gets under the skin of
the great riders and theatres of road
racing. www.rouleur.cc
2
La recomposition de ces séries s’est effectuée selon
des distinctions improvisées, par tâtonnement. A ce titre,
l’étape la plus importante — cela a duré plusieurs semaines — a été de distinguer les images et les séries qui
n’étaient pas en rapport avec la compétition elle-même.
Des décors, des personnalités et toute autre forme d’observations périphériques. Ensuite, des catégories et des
sous-catégories étaient créées dès qu’un sujet ou un
style atteignait une masse critique. Vues aériennes, paysages, portraits, etc. Chaque section faisait encore
l’objet d’une seconde révision afin d’affiner le rythme et
les ambiances de l’ensemble.
Le fil rouge du livre reste la course, avec
un départ et une arrivée 5. Au lieu de suivre
l’évolution étape par étape, nous avons arrangé
les différentes parties en fonction d’ambiances
ou d’atmosphères. Dans les étapes de séle­
ction, il est arrivé que nous revenions en arrière
pour reprendre certaines photographies que
nous avions négligées. En regard de la masse
d’images, nous n’avions pas cette pression de
passer à côté d’une pépite. A travers cette
expérience, on s’est surtout rendu compte de
la complexité qu’implique la création d’un livre
et de l’importance de travailler en équipe. En
particulier les dialogues et les échanges qui
s’établissent avec différents corps de métiers.
Rouleur is aimed at those people who,
Couverture de La vie au grand air,
n˚ 295, mai 1904.
Erol Gemma
Les couleurs et les qualités des papiers, l’introduction
de bordures, la composition de la couverture, etc., il était
nécessaire d’apporter une cohésion à ces travaux ap­
partenant à des registres extrêmement variés. Même si
l’esthétique générale peut évoquer de prime abord le
style documentaire ou le reportage, cette juxtaposition
de séries et de thèmes recompose un Tour apocryphe,
dont chacune des étapes serait affranchie des
contraintes de l’instant décisif. Au-delà du magazine et
de la référence cinématographique, le triage et la ca­
tégorisation renvoient aux formes de traitement actuelles
des informations visuelles 6.
L’émergence des technologies numériques et
l’usage généralisé du Web impliquent la mise en œuvre
d’aptitudes de gestion spécifiques. A travers leurs diverses occupations, les photographes sont ainsi de plus
en plus conviés à mobiliser des compétences cura­
toriales 7 pour organiser la masse croissante d’images
transitant dans notre quotidien.
A travers leur formation technique en matière de
prise de vue, les étudiants développent cette expertise,
toujours plus convoitée, pour générer et organiser des
contenus. Sous le prétexte d’interroger les canons de la
photographie sportive, « On Tour » a permis la mobilisation d’un spectre élargi de compétences qui, de manière
plus ou moins marquée, font écho aux enjeux commu­
nicationnels actuels. A l’instar des images d’écran pixelisées qui parsèment le livre, notre expérience de la
réalité se manifeste, paradoxalement, par des voies toujours plus proches de l’abstraction. Il est désormais
nécessaire de reconsidérer la construction d’identités
visuelles sous des angles inédits. En particulier grâce
à l’utilisation de codes graphiques susceptibles de parler
à tout le monde. Cette situation implique également
de nouvelles manières de communiquer à l’aube de l’ère
post-Kodak.
3 JEAN SELZ. Le cinéma et la mise en pages,
Presse-Publicité, n° 3, 28 mars 1937.
4
Laurent Schmidt, 2010.
5
Thomas Brasey, 2010.
6
Romain Mader, 2010.
7 “Unlike content marketing, content
curation does include generating content,
but instead, amassing content from a
variety of sources, and delivering it in an
organized fashion. For instance, a
content curator is not necessarily res­
ponsible for creating new content,
but instead, for finding relevant content
pertaining to a specific category and
funneling this information to readers in
a mash-up style.” ELLEN MULLAN. What
is Content Curation?
www.econtentmag.com/nov.2011
Étape 3
00:10
Des esthétiques à contresens
Joël Vacheron
Au-delà des références esthétiques, ce sont surtout les
choix imposés par les diverses contraintes propres à
cet exercice qui sont souvent devenus des éléments
constitutifs, notamment en termes de choix esthétiques.
Le fait que la plupart des étudiants étaient étrangers
au monde du cyclisme a constitué un atout pour tenter
de se distancier des codes en usage. La plus grande
difficulté résidait surtout dans leur aptitude à trouver le
bon rythme et la bonne distance pour obtenir des angles
originaux. Il faut une grande flexibilité pour s’adapter
à cet environnement en perpétuel changement dans un
laps de temps très limité.
En termes photographiques, ce n’est
pas un exercice facile. On se retrouve rapi­
dement dans l’instantané et la proximité, et
cela demande pas mal d’efforts pour produire intentionnellement une photographie qui
s’éloigne des clichés ou de la contingence.
Florian Lüthi
Une fois lancée, la caravane impose un rythme extrê­
mement soutenu, aussi bien en termes de déplacement
que lorsqu’il s’agit de presser sur le déclencheur. Les
Tours sont indissociables de la promptitude et de la technicité. Une situation qui n’est pas directement compatible avec les questionnements et les hésitations inhérentes à la réalisation d’un projet artistique. Entre des approches spontanées, programmées ou conceptualisées,
« On Tour » a généré l’adoption d’un spectre très large
de tactiques.
Création spontanée
On voyageait léger et ce côté instinctif
nous différenciait d’emblée des photographes
professionnels qui savaient exactement
comment aller droit à l’information. De notre
côté, nous n’avions pas d’intérêts particuliers
dans cette compétition. On se baladait
beaucoup, on recherchait des choses à l’extérieur de la course. Ce qui m’a le plus impressionné, c’était de découvrir tout ce qui gravite
autour des Tours. On n’imagine pas l’infras­
tructure et l’organisation nécessaires pour
mettre en place ce genre d’événements. Cela
fait partie de l’activité d’un photographe
d’aller à la rencontre des gens pour essayer de
comprendre leur place dans cette mécanique.1
Cédric Raccio
L’accessibilité offerte par les différents passe-droits a
généré des opportunités uniques pour se faufiler discrètement dans les arcanes de la course. Cette vision
rapprochée est d’autant plus rare que des réglementations très strictes visent à tenir à distance le caractère
toujours plus intrusif des professionnels. Certains
étudiants ont donc opté pour se laisser surprendre par
les différents faits qui peuvent surgir tout au long
du parcours, sans se fixer préalablement d’échéancier.2
Je me suis lancée dans cette expérience sans grandes attentes, ni préjugés.
J’étais surtout curieuse et contente de passer
une semaine en plein air, dans des lieux où
je n’avais jamais mis les pieds. N’ayant aucune
connaissance du monde cycliste, je me suis
assez vite retrouvée dos à la course, dans les
câbles des camions de la télévision et les
stands de sponsoring. L’esprit « caravane en
déplacement » de l’événement m’a semblé être
un contexte intéressant. Du coup, j’ai photo­
graphié les mêmes éléments tous les jours, les
cyclistes, les stands, les techniciens, etc.,
en les plaçant dans des environnements qui
diffèrent à chaque fois.
de contingence et de redondance constitue un terrain
de recherche particulièrement approprié pour traquer les
gradations infinies du même. Dans certains cas, il s’agit
également de jouer avec les divers accidents qui peuvent
potentiellement ouvrir des pistes esthétiques originales.3
Nous avons été invités à prendre des
photographies depuis un hélicoptère.4 A peine
après avoir décollé, je me suis aperçu que
la vitre de mon côté était coincée. J’ai tout de
même pris mes photos et, sur les tirages,
on peut voir la réflexion de l’intérieur de l’hélico. Ce n’était pas volontaire, mais cette
petite imperfection rend l’image d’autant plus
intéressante. Il y a cette petite trace qui la
distingue du cliché.
Des esthétiques à contresens
1
Nicolas Faure
Cédric Raccio, 2010.
2
Comme tout fait social total, un Tour s’exprime par conséquent à travers toute une gamme de détails et d’indices, périphériques ou métaphoriques, qui sont autant
d’instantanés pour saisir la réalité helvétique.
Les attitudes des spectateurs, l’organisation, les stratégies de publicité, etc., un Tour
génère tellement plus de facettes que le simple
récit épique d’une course. C’est plus une manifestation culturelle qu’un événement sportif.
Priscillia Saada, 2010.
Elise Guillod
3
Point de vue logistique
Lorsqu’on regarde un Tour à la télévision, il est difficile de se faire une idée de
la vitesse de la course. On se retrouve embarqué dans une voiture ou une moto et on est
dans le mouvement. L’idée était plus de les calquer dans un paysage, de les contextualiser
dans cet environnement montagneux. L’action
et le mouvement découlent avant tout de la
mise en exergue qu’offre ce passage du peloton sur ce pont. Une semaine avant la com­
pétition, je me suis donc rendu sur place en
voiture pour effectuer le repérage du parcours
entre Martigny et Morgins. J’ai d’emblée pri­
vilégié les parties en montée, sachant que la
vitesse des coureurs au plat et en descente
serait trop élevée pour avoir une image nette.
Je suis retourné à ce emplacement le jour J
et j’ai simplement déclenché une fois lorsqu’ils
sont passés dans le virage.
Florian Lüthi
L’installation complexe de flashes, accéder à des zones
géographiques reculées ou allumer un feu sur un
route de campagne en pleine nuit, le véritable challenge
se situait également dans les nombreux préparatifs
nécessaires en amont de la course. Les déplacements
sont rendus difficiles à cause de l’affairement et des
routes fermées, et il faut très vite savoir improviser à partir de ces nombreuses contraintes. Cette approche
logistique du paysage a souvent été adoptée comme un
palliatif à l’emprise de l’instant décisif. Certains ont
même décidé d’emblée qu’ils ne produiraient qu’une
seule image au moyen d’une chambre photographique.
Noha Mokhtar
A ce titre une caravane présente une configuration
particulière dans laquelle les acteurs et les enjeux se répètent avec une constance chronométrique dans des
environnements constamment différents. Cet amalgame
00:11
Je voulais plus saisir des cyclistes
qui traversent un paysage, et mon choix
s’est porté sur le Simplon car c’est une région
que je connais déjà. J’avais donc une idée
assez claire des lieux qui m’intéressaient et,
une fois les repérages effectués, la photo­
graphie était déjà prête une semaine avant le
tour. Il y avait un gros travail d’anticipation,
car le principal problème tient au fait que la
plupart des routes qui longent la course
sont fermées longtemps en amont de la compétition. Il était donc nécessaire de faire
plusieurs repérages, d’obtenir les bonnes informations afin de pouvoir se rendre dans les
temps jusqu’à l’emplacement où j’avais décidé
de faire ma prise de vue.5
Philippe Fragnières
Dans cette optique, la course est avant tout abordée
comme la composante d’un paysage dans lequel les
Cédric Raccio, 2010.
4
Nicolas Faure, 2010.
5
Philippe Fragnières, 2010.
athlètes, la caravane, l’environnement naturel et construit
s’amalgament de manière quasi accidentelle, exagérant
l’effet de décentrement par rapport à l’événement.
Cette approche implique un gros travail de repérage afin
de trouver des lieux propices, situés bien souvent dans
des endroits reculés. Ce sens de l’anticipation est également indispensable lors de la prise de vue puisque
la rapidité de l’action ne laisse aucune place à l’inexactitude. Autant de contraintes qui rappellent combien la
photographie sportive consiste essentiellement à trouver
le bon emplacement. Avec l’adoption de ces points
de vue préprogrammés, l’instant décisif s’actualise d’une
certaine manière avant même le début de l’épreuve.
Comme dans les photographies préfabriquées de Gursky,
le climax de la course s’exprime avant tout dans une
intention détachée de l’action. Cette résistance aux canons spectaculaires de l’événement implique éga­lement l’adoption de regards obliques qui, parfois, instaurent une certaine intimité.
Mon but était de proposer une réflexion autour du monde du cyclisme à travers
quelques portraits. Dans nos discussions,
il était souvent question de la perte de l’esprit
d’équipe qui caractérisait le cyclisme de
compétition à son origine. L’afflux toujours plus
marqué de l’argent a en grande partie eng­
endré des modes de fonctionnement qui privilégient un individu au détriment du collectif.6
Sophie Huguenot
Saisis dans leur quotidien, certains visages expriment les
fortunes diverses et l’effet de solitude qui s’accroît
à mesure que s’éloignent les klaxons et les clameurs de
la caravane. Accident ou maladie, reconversion pro­
fessionnelle, fatigue physique ou morale, on se rappelle
qu’une carrière sportive, même couronnée de succès,
reste une étape dont les échéances sont totalement imprévisibles. D’autres séries mettent en valeur les structures de l’environnement construit, amovibles ou définitives, qui servent de décors aux compétitions. Les
vélodromes7 permettent de mettre en perspective l’engouement frénétique qui depuis quelques années a
saisi la construction de stades. Les infrastructures sportives sont de plus en plus au cœur des dynamiques
de régénération urbaine et, à l’instar du Nid d’Oiseau de
Herzog & de Meuron ou de l’arche du stade Moses
Mabhida à Durban, ces temples modernes sont devenus
des symboles extrêmement forts pour faire perdurer
l’événement. Cette situation est néanmoins paradoxale,
compte tenu que tous les bâtiments ne bénéficient
évidemment pas de la même renommée. Une fois l’exal­
tation collective passée, il est fréquent que celles-ci
soient progressivement délaissées, au point de tomber
en décrépitude.
sus s’est déroulé très naturellement, selon
des principes plus instinctifs que conceptuels,
et nous avons attaché une attention particulière à l’agencement des corps, aux poses, aux
zones de tension. Notre objectif était de
rapprocher le sport de la performance ou de
la danse.
00:12
Interviews
00:13
6
Sophie Huguenot, 2010
7
Florian Lüthi, 2010
8
Emile Barret, Fabrice Schneider, 2010
Mise en scène de l’événement
Certains étudiants ont pris le risque de maintenir une
distance encore plus grande par rapport aux com­
pétitions, au point de s’en extraire totalement. Cette con­
tingence essentielle de l’événement sportif s’exprime
surtout dans les séries qui accentuent des procédés métaphoriques à l’aide de mises en scène plus ou moins
élaborées.8 Une manière encore plus radicale de se
dégager des contraintes spatiales et temporelles découlant de cette tyrannie du chronomètre.
Je n’ai pas vraiment d’opinion sur le
sport et je n’en fais pas moi-même, et notre inspiration provenait plutôt d’artistes comme
Pina Bausch ou Roman Signer. Je cherchais
surtout à contrebalancer les styles reportage
qui étaient largement encouragés à travers
des mises en scène vaguement décalées, absurdes, voire même carrément sombres.
Nous avons travaillé uniquement en groupe,
principalement avec Fabrice Schneider
et quel­quefois Romain Mader et Jeremy Ayer.
Cela permettait d’avoir plus de ressources
à disposition en mettant en commun nos compétences respectives. L’ensemble du procesEmile Barret
Dans cette partie, des experts présentent
quelques enjeux actuels en matière de mar­
keting sportif. Cette série d’interviews démontre dans quelle mesure un projet comme
« On Tour » s’inscrit dans les transformations
qui affectent l’univers de la communication.
Étape 4
Discussion Catherine Othenin-Girard 1 et
Pierre Fantys par Joël Vacheron
En termes de marketing et de mécénat,
« On Tour » s’inscrit dans une démarche assez
inédite. D’habitude on commande ou on
suggère une œuvre ou un artiste avec une orientation plus ou moins définie. Avec ce projet,
j’ai d’emblée été quelque peu emprunté par sa
dimension prospective. Nous ne savions pas
vraiment dans quelle direction nous allions nous
diriger et cette part d’incertitude con­stitue
un prérequis nécessaire pour entamer un projet de recherche. Aviez-vous des exemples
qui vous ont inspirée et qu’est-ce qui vous a
incitée à collaborer avec l’écal ?
Pierre Fantys
J’ai été sollicitée en tant que consultante auprès de la commission artistique de la Vaudoise
et, comme pour la plupart de mes partenariats en art
contemporain, je cherche avant tout à développer la notion de recherche. C’est à ce niveau que mon inter­
vention peut satisfaire aussi bien les exigences des entreprises que mes aspirations d’historienne de l’art.
Au départ, j’avais quelques références d’entreprises, notamment la politique de Ringier autour de sa collection
privée ou la latitude offerte par le Crédit Suisse lorsqu’il
mandate des artistes. La Vaudoise est fortement im­
pliquée dans l’univers du cyclisme, mais, dans leur ensemble, les campagnes de communication étaient
coûteuses et proposaient une imagerie assez traditionnelle. Je me suis dit qu’il serait judicieux de poser
un autre niveau de discours, toujours centré sur l’image,
qui serait également susceptible d’esquisser une po­
litique d’acquisition originale pour la commission artistique. En regard de la relation privilégiée que j’entretiens avec l’écal, nous avons rapidement décidé de nous
tourner vers des photographes de l’école. Nous savions
que ce type de projet pouvait être inséré dans des
procédures de recherches originales. Avec la responsable
de la communication, Emmanuelle Chatenet, et le CEO,
Philippe Hebeisen, nous avons eu la chance d’avoir des
interlo­cuteurs qui étaient prêts à aller dans cette di­
rection. Même si cela n’a jamais été verbalisé contractuellement, cette confiance reste le seul moyen pour mettre
la machine en marche. A ce titre, il faut signaler que
nous avons été intégrés aussi dans le choix des images,
ce qui nous a également permis d’être partie prenante
de l’ADN du livre. Cette situation est particulièrement appréciable, car elle satisfait toutes les parties, en parti­
culier les partenaires institutionnels qui peuvent retrouver leurs valeurs « corporate ». C’est souvent cette
proximité qui peut les inciter à prendre des directions
qu’ils n’auraient pas prises si le cahier des charges
avait été posé de manière trop précise avant le début
du mandat.
Catherine Othenin-Girard
En effet, ces nuances sont importantes
car nous ne pouvions pas nous permettre d’imposer
des « stratifications » dans ce milieu populaire. Cela n’aurait pas fonctionné. Les différents enjeux de la recherche
ont été bien présentés et intégrés dans la communi­
cation interne et institutionnelle. Les agents généraux de
la Vaudoise ont reçu les ouvrages, ont eu des présentations, des petits films permettaient de suivre le tour au
jour le jour, etc., ces différentes opérations impliquent un
effort important qui est nécessaire pour légitimer plus
largement la démarche. Cela a particulièrement bien
fonctionné dans ce contexte, car la Vaudoise est une
compagnie d’assurance florissante qui cherche à mettre
l’humain au centre de ses préoccupations. Aussi bien
dans ses valeurs que dans ses stratégies de communication. L’univers populaire du cyclisme permettait déjà
d’aller dans cette direction. « On Tour » participait simplement à cette volonté de se rapprocher des gens et de
rassembler ces différents intérêts dans un objet capable
de renouveler l’image du cyclisme. Le défi était d’autant
plus stimulant que ce sport véhicule de nombreux
stéréotypes. Cette déclinaison de facteurs aurait été impossible à traiter en suivant les modalités d’une campagne de publicité standard.
Catherine Othenin-Girard
Cette remarque renvoie d’ailleurs à un
autre changement de mentalité : les gens
ne sont plus dupes des grosses ficelles du marketing et de la vente. « Regardez comme nous
sommes sympathiques, nous soutenons
ce club de foot, de hockey ou cette compétition
cycliste, etc. », les stratégies de ce type sont
désormais totalement obsolètes. Pour promouvoir une image positive, et surtout pour se différencier des concurrents, une entreprise doit
d’abord être capable de dire : « Je m’engage en
prenant des risques. » A l’heure actuelle, c’est
cette part de risques qui permet à une entreprise de gagner en crédibilité et d’offrir des opportunités de collaborations intéressantes.
Il faut quand même avouer qu’il est encore très
rare de trouver des gens qui sont prêts à en­
gager des moyens et des compétences dans
un objet qui n’est pas clairement défini dès
le début. C’est en partie cette conjoncture qui
nous a permis de développer une forme d’engagement qui soit valorisée aussi bien auprès
des enthousiastes du vélo qu’auprès de publics plus difficilement ac­cessibles. En opérant
ces effets de « balancier » en matière de mar­
keting, nous savions qu’il serait également possible de toucher des gens qui attachent plus
d’importance à un livre sur la course qu’à la
course elle-même. Mais le projet ne s’est pas
arrêté à cette seule publication.
Pierre Fantys
A ce titre, il faut reconnaître que parmi
les entreprises qui font un pas vers l’art contemporain,
on trouve toujours une ou deux personnes, disposant d’un
pouvoir décisionnel, qui ont compris que la notion de
transversalité des champs est désormais un acquis. Le
cas échéant, on se retrouve plus dans une démarche de
type « mécène » à travers laquelle on soutient des démarches à valeur patrimoniale plus convenues. Toutefois,
dans le cadre de « On Tour », nous nous sommes retrouvés dans un positionnement qui était complètement
différent, notamment en envisageant d’emblée l’intégration de photographies dans la collection. Dans un premier temps, nous avons donc réalisé le livre puis, dans
un second temps, nous avons sélectionné dix photo­
graphies qui sont venues enrichir la collection. C’est donc
une manière supplémentaire de pérenniser le projet en
plus de l’angle original proposé dans le livre.
Catherine Othenin-Girard
En effet, le fait que le « mécène » accepte ce défi a rendu le projet particulièrement
stimulant, car il n’y a jamais eu ces petits
jeux à se faire peur. Il fallait pouvoir se départir
des outils de promotion traditionnels afin
de lancer quelque chose de créatif, susceptible
d’apporter un bénéfice à plus long terme.
C’est ainsi que nous avons creusé l’idée de produire en commun un objet éditorial hybride,
qui puisse être apprécié pour ses qualités artistiques, son originalité en matière de communication visuelle et sa fidélité par rapport
à l’univers du cyclisme. Lorsqu’une compagnie
demande à des artistes reconnus de faire
une annexe pour un rapport annuel, cela
s’adresse à 1500 personnes d’un même niveau
culturel. En ce qui nous concerne, nous devions d’emblée partir sur une base large. De
plus, le monde de l’art est souvent hermé­tique par rapport à ces questions de communication. Est-ce qu’on peut dire qu’un projet
comme celui-ci témoigne d’un changement
de mentalité ?
Pierre Fantys
Discussion
Nous voulions un livre qui respecte les
valeurs que nous défendons, qui possède
une couleur extrêmement précise, des qualités
de toucher, etc. Ce sont des questions essentielles dans cette industrie qui est sur le point
de disparaître. Nous avons abordé le contenu de
Pierre Fantys
façon chronologique et thématique. Un enchaînement de petits chapitres nous a permis
d’aborder les sujets qui nous tenaient à cœur.
Des badauds déguisés pour regarder passer
le tour, des portraits de personnalités ou de cyclistes, des vélodromes, des cols alpins, etc.
Nous voulions aborder ces thèmes tout en offrant aux étudiants l’oppor­tunité de s’ex­primer
à propos du vélo d’une façon très libre, voire
même poétique. Le livre reste un objet idéal
pour rassembler tout cela et il facilite la réunion
de différents publics. Ces séries offrent souvent des points de vue inédits. Les images flashées en pleine nature de Thomas Brasey
s’inscrivent de manière exemplaire dans une
démarche prospective. Un reporter ou un
photographe sportif « normal » peut difficilement
s’aventurer dans la réalisation de ce type
d’images. Les exigences de rentabilité sont trop
présentes pour pouvoir prendre de tels risques
et il faut un contexte très par­ticulier pour
oser photographier une course cycliste comme
dans un studio. C’est le propre de la recherche
de permettre de prendre des risques sans
se soucier des retombées financières. Ces photographies passeraient très bien dans n’importe quel grand magazine de sport car tout le
monde aurait du plaisir à voir des images aussi
fortes, authentiques, inédites. Tout l’intérêt de
cette expérience découle de cet équilibre,
entre création et recherche appliquée, mis au
service de l’engagement d’une compagnie
dans un événement sportif. L’idée était de démontrer que c’est possible, ce qui ne manque
pas de surprendre quelques personnes.
La plupart des personnes évoluant dans
l’univers de l’art on été particulièrement étonnées de voir
jusqu’où il était possible d’aller dans un mandat de ce
type. Les artistes contemporains se nourrissent beaucoup
des approches hybrides et, avec son caractère indéfini,
non référencé, « On Tour » répond de manière particulièrement synchrone aux sensibilités actuelles. Nous sommes
parvenus à sortir du clivage hiérarchisé où il est facile
d’être cloisonné. C’est peut-être la première fois que j’ai
pu pousser aussi loin un mandat de ce type, et cela
ne fait que rendre l’expérience d’autant plus intéressante.
Catherine Othenin-Girard
Les gens ont été quelque peu surpris,
car c’est un objet assez atypique, mais les
retours ont été très positifs aussi bien d’un point
de vue sportif que photographique. Quand
on mandate une agence de pub pour une campagne, on sait à 99 % à quoi va ressembler le
produit fini. « On Tour » est un objet de recherche
qui n’a jamais été passé au crible de ces stratégies. C’est encourageant, et dans l’avenir on
pourrait adopter une même posture dans l’univers de la cuisine, des technologies ou des
sciences. Ces domaines sont souvent cités,
mais rarement exploités. Les problématiques
et les intérêts sont encore souvent contra­
dictoires, cela complique quelque peu les pro­
cessus. A ce niveau, « On Tour » constitue
une réussite, car nous sommes parvenus à ras­
sembler des intérêts contra­dictoires dans
un objet qui satisfait de manière univoque les
deux parties. Cette réussite doit être mise
au profit des étudiants, de l’école mais surtout
de l’entreprise qui ose prendre des risques
en soutenant la création.
Pierre Fantys
00:15
1
Catherine Othenin-Girard, historienne
d’art et conservatrice de la collection
d’art de la Vaudoise assurance, et Pierre
Fantys, chef du projet et ancien respon­
sable du Département photographie à
l’écal, reviennent sur les questions et les
dilemmes qui ont jalonné l’élaboration
du projet « On Tour ».
Étape 5
Premiers Tours de Pistes
Interview d’Emmanuelle Chatenet 1
Quels types de rapports la Vaudoise
assurance entretient-elle traditionnellement
avec la compétition sportive ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet La
politique de sponsoring fait partie
de la stratégie de communication de la Vaudoise et nous
avons été très engagés dans le sport ces dernières années. Nous avons d’emblée souhaité occuper une place
importante dans le secteur afin d’éviter de nous retrouver dans les viennent-ensuite. Il y a deux ou trois ans,
nous avons entamé un projet de re-branding qui impliquait la mise en place de nouvelles campagnes publicitaires. Nous avons commencé par diminuer les investissements publicitaires dans les médias classiques et
nous avons également commencé à nous repositionner
dans le domaine du sponsoring en suivant deux types
d’engagement. Un engagement basé sur le positionnement de la Vaudoise et son ancrage local qui nous
permet de sou­tenir de nombreuses manifestations locales et régionales de petite ou moyenne importance.
Nous étions déjà engagés dans le Tour de Romandie en
tant que sponsors du maillot « Meilleur jeune » par
exemple. L’opportunité s’est présentée l’année suivante
de devenir vraiment « presenting sponsor » et, dans
le même temps, de rentrer dans le Tour de Suisse. Ces
deux manifestations nous permettaient de bloquer
le cyclisme à un niveau national. Cette stratégie pourrait
être encore étendue, et le rêve serait d’avoir quelque
chose « top down » qui fonctionne de la fédération
jusqu’aux clubs. Cela nous permettrait d’investir à tous
les niveaux, mais pour l’instant ce n’est pas encore
une priorité, car notre but est d’abord de stabiliser les
choses avec les deux Tours. Nous sommes rentrés
au Tour de Romandie en 2009 et tout s’est mis en place
très rapidement.
Comment se caractérise le cyclisme
en termes de sponsoring sportif ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet Tout
le monde se souvient avoir passé
des journées devant le Tour de France ou s’être arrêté
pour regarder passer une étape du tour de Suisse ou de
Romandie. Ce sont quand même des épopées incroyables qui demandent une organisation et des ressources hors normes. Le vélo est également un moyen
de transport et tout le monde peut mesurer l’effort
qu’il faut fournir pour atteindre ce niveau de compétition.
Femmes, enfants, familles, sportifs, enthousiastes ou
simples quidams, ça laisse des images et des souvenirs
forts chez tout le monde, toutes les strates de la société se confondent. La cible est par conséquent très
large, tout en étant très familiale. C’est vraiment une
manière de se rendre à la rencontre du public, et les
avantages sont multiples. Il s’agit également d’un spectacle gratuit. De plus, une des caractéristiques du
cyclisme, en particulier lorsqu’on parle de Tours, c’est
le principe du parcours. Cela nous sert à mettre en valeur nos agences locales en leur offrant des petits
« events » clés en main à travers lesquels ils peuvent recevoir leur clients, inviter des VIP à suivre la course
en voiture ou en hélicoptère, etc. Les formules sont très
variées et cela nous permet, d’un point de vue marketing, de faire la différence entre différents types de clientèles. Au final, c’est surtout un moment agréable.
Quelles ont été les questions de
départ lorsque vous avez envisagé de réaliser
cette collaboration avec l’écal ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet Lorsque
Premiers Tours de Pistes
la nouvelle commission artistique
a été mise en place, nous avons d’emblée développé
une nouvelle politique d’acquisition et de mise en valeur
de la collection existante. Dans le même temps, nous
sommes partis du principe que l’art en entreprise ne
concernait pas uniquement les grands groupes et que
nous pouvions tout aussi bien nous positionner en
tant que PME dans ce domaine. Depuis quelque temps,
nous cherchions des opportunités de collaboration
avec l’écal. Catherine Othenin-Girard a profité de la rela-
tion avec Pierre Keller pour rentrer en contact avec lui,
et nous avons tout de suite réfléchi à développer un
objet de design en lien avec notre nouvelle identité visuelle. En accord avec la volonté du CEO, Philippe
Hebeisen, nous cherchions à produire quelque chose qui
rentre dans le domaine du sponsoring, tout en pouvant
être utilisé comme un cadeau haut de gamme. J’ai donc
réfléchi à des idées originales, voire même incongrues.
Nous savions que presque tout était permis. Le cyclisme
s’est imposé naturellement du fait que les Tours exigent
un cadre moins restrictif que l’opéra ou le théâtre et qu’il
n’existait pas énormément de travaux artistiques dans
ce domaine-là. L’écal nous a proposé d’intégrer le Département photographie dans la réalisation d’un livre et
tout s’est enchaîné très rapidement. Réunir ces deux domaines, c’est quelque chose qui en soi n’est pas évident.
Ce n’est ni un livre d’art purement artistique, ni un livre
informatif sur le vélo.
Une des hypothèses à l’origine du
projet était d’établir ce lien entre deux univers
qui ne communiquent pas beaucoup entre
eux. A savoir en valorisant une démarche populaire, le sponsoring du vélo, dans une popu­
lation plutôt élitiste, les amateurs de photographie. Cet objectif a-t-il été atteint ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet Dans
la discussion, je pense que nous
sommes arrivés à formuler tout cela. La commission
artistique et la responsabilité de la communication sont
deux activités assez différentes, et le défi était effecti­
vement de parvenir à réunir ces deux domaines.
« On Tour » offre une opportunité pour découvrir un univers relativement clos par le biais de l’art. D’une part,
le projet a été d’autant plus facile que certains interlocuteurs de l’écal sont de véritables passionnés de vélo
et cela a d’emblée constitué un gage rassurant. D’autre
part, c’était très intéressant de voir travailler les étudiants. Nous avons préparé leur intégration en leur fournissant des informations sur le parcours, sur les hôtels
ou sur la possibilité de suivre la course en voiture ou
en hélicoptère. Ils devaient passer avant les clients et
certaines personnes nous demandaient pourquoi la
place de passager était occupée par un étudiant silencieux, la main rivée sur son appareil. Il était donc important de communiquer à l’interne afin de dissiper toute
forme de malentendu, ce qui n’est pas toujours évident
quand il n’y a encore rien à montrer. Tout cela peut paraître légèrement loufoque et l’on peut penser qu’il s’agit
d’un moyen déguisé de faire de l’art par le biais du
sponsoring.
Quelle a été votre réaction à la vue
des premiers résultats ?
Fantys/Vacheron
Après cet immense travail, c’est un grand plaisir de
visionner toutes ces photos, de les sélectionner, de les
classer, de mettre en place le chemin de fer. Avec
Catherine Othenin-Girard, nous avons également intégré
ce processus. On aurait pu rester des heures plongées
dans ces photos afin de trouver de quelle manière
présenter tout ça et cela nous a donné une idée du travail colossal nécessaire pour agencer toutes ces informations afin de construire une narration à l’intérieur
de la course. Le jour où nous avons eu cet objet entre les
mains a été très émouvant. Nous nous sommes très
vite aperçues que le niveau atteint était largement audessus de nos espérances. Il était difficile de s’imaginer
la quantité d’images qui allaient être produites et de
voir comment tout cela allait prendre forme en termes de
directions artistiques, de choix de papier, de narration,
de structure, etc. Il ne s’agit pas d’une simple collection
de photographies que l’on passe en revue. Il y a toute
une histoire qui se déploie à travers plusieurs strates superposées les unes sur les autres.
Quelles ont été les réactions de vos
collaborateurs ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet La
réception a été incroyable si l’on tient
compte du fait que ce type de projet suscite toujours
certaines appréhensions. De plus, cela implique une cer-
taine dose d’efforts personnels sur la longueur, et tout
le monde tend progressivement à s’en détacher.
Par contre, dès qu’on est arrivé à quelque chose de plus
concret, chacun revendique sa part de paternité. Le
vernissage à l’écal a rassemblé tout le monde, et cela a
même été le sujet du message de fin d’année adressé
par la direction aux collaborateurs. Un projet est véri­
tablement abouti à partir du moment où les gens font leur
une idée, et avec « On Tour » cet effet d’adhésion a été
particulièrement puissant. Même le Tour de Romandie a
revendiqué sa part de paternité du projet, et cette tendance à la réappropriation constitue un important indicateur de réussite.
De quelle manière avez-vous opéré
la diffusion de la publication ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet Le
bilan-diffusion a été très bon. Nous
avons effectué une première vague de distribution
entre fin 2010 et début 2011 et une seconde en fin d’année lors du Tour de Romandie. Dans l’intervalle, nous
avons sans cesse distribué des exemplaires aux journalistes, à nos collaborateurs, nos fournisseurs, etc.
Même si 2010 apparaît dans le titre, notre but était également de produire un ouvrage qui dure dans le temps.
Nous avons par conséquent conservé un stock d’exemplaires dans le but de les distribuer ponctuellement
dans les années à venir. Ça s’est avéré être un bon calcul,
car nous recevons régulièrement des requêtes provenant
de magazines spécialisés ou d’autres secteurs liés
directement au cyclisme.
En regard de cette expérience
pensez-vous un jour répéter ce genre d’expérience ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet Nous
aimerions remettre ça chaque année si nous le pouvions, car le sponsoring est un
ex­ercice qui suit des modalités répétitives. Mais il n’est
pas facile de trouver à chaque fois une idée aussi
originale, et réunir chaque année le sponsoring, la commission artistique et une institution comme l’écal
n’est pas une chose facile. Néanmoins, cette collaboration n’a jamais été entendue comme une action isolée.
Est-il possible de quantifier l’impact
et l’efficacité d’une telle démarche ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet Il
n’est pas possible d’obtenir un retour
de toutes les personnes qui sont entrées en contact
avec l’objet. Cependant, de manière générale, il nous a
semblé que l’accueil avait été formidable. Nous nous
sommes très vite aperçus que « On Tour » intéressait aussi bien les gens attirés par l’univers du cyclisme que
les autres. D’un point de vue plus institutionnel, l’accueil
a été très bon auprès de la clientèle VIP, des journalistes
ou des partenaires de la direction. De plus, certaines
images ont également été publiées dans le rapport annuel et sur notre site Internet. Dix photographies ont
été exposées dans nos locaux avant d’être intégrées à
notre collection. Des cartes postales ont été offertes,
des vidéos ont été réalisées, etc. Mais tout cela reste très
difficile à quantifier.
Le caractère inquantifiable et intuitif
de ce type de projet ne constitue-t-il pas une
difficulté lorsqu’il s’agit de le justifier en termes
de marketing ?
Fantys/Vacheron
Emmanuelle Chatenet Tout
à fait. Mais il s’agit avant tout d’envisager ce type de projet comme un processus qui se
construit petit à petit. L’objectif est avant tout de faire en
sorte que le Tour s’étende bien au-delà de la semaine de
compétition. En interne, on ne cherche pas à obtenir
des résultats quantitatifs susceptibles de mesurer l’image
de la marque ou sa notoriété. A l’externe, nous aurions
pu réaliser des micros-trottoir, des questionnaires, etc.
Même si cela nous aurait permis de relever un certain
nombre de choses, cela reste très difficile d’extrapoler à
la Suisse entière. Un projet comme « On Tour » est fon­
cièrement qualitatif et il n’est pas déchiffrable en fonction
de modèles économétriques.
00:17
1
Emmanuelle Chatenet, responsable de
la communication de marketing à la
Vaudoise Assurance, présente la façon
dont son département s’est retrouvé
intégré dès le premières étapes du projet.
Étape 6
Sport et Marketing : perspective globale
Interview avec Richard Chinn 1
A votre avis, qu’est-ce qui carac­térise l’émergence du marketing sportif
contemporain ?
Joël Vacheron
Richard Chinn L’objet
du branding vise à provoquer le plus
possible de réactions émotives, et le sport est par­
ticulièrement adapté pour provoquer des sentiments
« profonds ». L’esprit d’équipe, le figure héroïque, les
prouesses physiques, le suspense, les retournements
de situation, etc., le sport réunit une gamme infinie
d’émotions fortes que le marketing sportif cherche à exploiter. Traditionnellement, les entreprises cherchaient
à conjuguer leur image avec les valeurs qui caractérisent
un sport particulier sans véritable stratégie. Cela dé­
pendait souvent des goûts d’un directeur et cela permettait, avant tout, d’offrir aux cadres de l’entreprise des
occasions pour se divertir entre eux. A ce titre, à partir
des années 90, Nike a été particulièrement influent dans
la mise en place de stratégies inédites. Tout d’abord,
ils ont commencé à concentrer leur communication sur
des figures symboliques tels Michael Jordan ou Charles
Barkeley. De plus, ces sportifs n’étaient plus réduits à
un rôle de porte-drapeaux puisqu’ils participaient euxmêmes au développement des produits auxquels ils prêtaient leur nom. On pénétrait ainsi dans leur univers
particulier, et un peu surnaturel, de manière très instinctive. Qui plus est, cela participait à consolider une
image de marque fondée sur l’action, sur l’importance
de réaliser soi-même des choses.
Le marketing sportif a particulièrement
évolué, quelles sont les questions auxquelles vous tentez de répondre actuellement ?
Joël Vacheron
Richard Chinn Dans
de nombreux sports, le centre de
gravité a progressivement évolué vers des pratiques de
masse. L’enjeu est en quelque sorte de comprendre
comment nous sommes tous devenus des « sportifs ». Le
but est de réussir à associer l’idée du sport à des acti­
vités quotidiennes des plus banales. Une promenade ou
un trajet en vélo peuvent facilement prendre la forme
d’une activité sportive si on commence à calculer ses
pas ou que l’on se munit d’un logiciel qui permet de calculer sa vitesse ou ses dépenses de calories. Le temps
des messages de type « Nos vélos ont ceci en plus
ou nos vélos font cela » est totalement révolu. Nous nous
intéressons tout d’abord aux diverses nuances à partir
desquelles il est possible de saisir l’expérience sportive.
Il s’agit désormais de comprendre la masse d’anonymes qui se rendent tous les jours au travail en vélo.
Certains utilisent des vélos très performants tandis
que d’autres, plutôt néophytes, ont des modèles totalement quelconques. Est-ce qu’ils se considèrent tout
de même comme des sportifs ? Ont-ils le sentiment d’appartenir à une communauté de cyclistes lorsqu’ils se
retrouvent dans les pelotons brouillons qui se forment
aux feux rouges ? A quel moment s’opère le lien entre
l’amateur et le sportif d’élite ? Lorsqu’on circule en vélo
dans une ville, on se rend très vite compte que cela
apporte de nouvelles manières de percevoir l’environnement. On emprunte littéralement de nouvelles voies.
Nous devons d’abord réfléchir à des langages et des
codes graphiques susceptibles de parler à n’importe qui.
C’est là que se situent véritablement les enjeux actuels
en termes de communication sportive.
C’est en partie cette constatation
qui a été privilégiée pour la création de
l’identité visuelle des Jeux olympiques de
2012. Pouvez-vous revenir sur cette pro­­position originale ?
Joël Vacheron
Richard Chinn La
Sport et Marketing :
perspective globale
plupart des identités réalisées pour les Jeux
olympiques se ressemblent. On retrouve toujours ces
petits gribouillis rouges, jaunes ou bleus. Plutôt que d’envisager quelque chose de singulier, de fermé ou de statique, nous avons envisagé une charte dynamique.
Une sorte de plateforme qui regroupe toutes les énergies
créatives et vibrantes de Londres. L’identité a été
construite autour de l’idée : tout le monde est olympique,
de quelle manière puis-je être un participant ? Il s’agissait de réfléchir à la création d’une piste sup­plémentaire
qui permette à quiconque de prendre part à l’événement, de l’enfant qui fait des coloriages jusqu’aux sponsors principaux. Ce logo est étonnant car il a im­posé
un nouveau standard qui reste très en phase avec l’air du
temps. C’est quelque chose qui n’est pas facile à atteindre lorsqu’il faut penser un logo huit ans avant son
lancement.
En regard de votre expérience chez
Wolff Olins, comment ces nouveaux langages
sont-ils traduits en termes de pratiques photographiques ?
Joël Vacheron
Richard Chinn Nous
avons créé beaucoup d’identités d’entreprises qui s’articulent autour de logos, d’illustrations,
d’une gamme de couleurs, d’identités sonores, etc. Nous
pouvons réaliser énormément d’étapes à l’interne mais
l’apport des photographes spécialisés est incomparable.
La photographie reste ce qu’il y a de plus difficile à
maîtriser lorsqu’on cherche à définir précisément une
marque. Toutefois, lorsqu’on s’engage à mettre en
avant la diversité des expériences, il est nécessaire de
générer tellement de ressources hétéroclites que
cela ne suffit plus. Le propre du langage d’une marque
se situait dans l’idée de contrôle puisqu’il s’agissait
de construire des chartes à partir desquelles tout était
systématiquement décliné. A l’heure actuelle, ces systèmes sont devenus beaucoup plus flexibles et peuvent
être utilisés de manière très créative. On doit accepter
d’utiliser des images qui ne présentent pas une lumière
parfaite ou réalisées en basse définition. Il faut tout
enregistrer afin de pouvoir le partager. Tout cela implique
de reconsidérer l’identité visuelle sous un angle inédit.
Est-ce suffisant pour construire une identité solide ?
Quels types d’interactions ces images génèrent-elles
lorsqu’elles sont transmises à travers un tweet ? Comment trouver un langage qui reflète l’univers de l’usager ?
Le cas du sport est particulier, car c’est le royaume du
téléobjectif. La plupart des manifestations actuelles ont
lieu dans des stades où les événements sont simulta­
nément projetés sur des écrans géants. Lorsqu’on se
place du côté du spectateur, le cyclisme est donc un cas
particulièrement intéressant car c’est un des rares
sports où le public est très près des sportifs. Il peut littéralement leur couper la trajectoire.
Comment cette idée de proximité
peut-elle être traduite en termes de stratégies
de communication ?
Joël Vacheron
Richard Chinn Même
s’il reste encore curieusement dominé
par une surcharge de logos, le marketing sportif est
en train de changer en profondeur. Dans le futur, on va
toujours plus communiquer à partir des contenus et
des expériences fournis directement par les acteurs.
Par exemple, on peut imaginer que les membres d’une
écurie, aussi bien les techniciens que les sportifs,
produiront toujours plus d’images destinées à certaines
campagnes. Plutôt que d’utiliser les services d’inter­
venants extérieurs, souvent aux honoraires exorbitants
et étrangers aux véritables préoccupations des fans,
ces insiders peuvent apporter une touche beaucoup
plus intimiste à cet univers. A certains égards, le projet
« On Tour » peut être envisagé sous cet angle. Dans
un premier temps, il s’agit d’une publication luxueuse
que les amoureux du cyclisme ne peuvent traiter
qu’avec beaucoup de bienveillance. Dans un second
temps, il y a une volonté de révéler le plus de facettes
possibles d’une même histoire. Entendu comme
la célébration d’une édition singulière, « On Tour » fonctionne comme un document d’archive incontournable.
Quelque chose qui sort suffisamment de l’ordinaire
pour réussir à pérenniser l’événement. A l’heure où nous
sommes soumis à toujours plus de médias, diffusant
toujours plus de contenus, le réel défi consiste à produire
des modèles qui ont suffisamment de consistance
pour résister au passage du temps. « On Tour » répond
totalement à cet impératif.
00:19
Quels sont vos commentaires à propos
d’un projet éditorial comme celui-ci ?
Joël Vacheron
Richard Chinn J’ai
tout de suite été très impressionné par la
qualité du design. C’est un objet très équilibré en termes
de choix des polices, de mise en pages, de rythme, etc.
C’est un concentré impressionnant de design suisse
qui parle instantanément à un public soucieux d’explorer
les rapports qui peuvent se tisser entre le sport et la
création artistique. Un Tour ne doit pas se résumer à des
athlètes au sommet de leur forme physique ou à une
démonstration du matériel de pointe, et à ce titre ce projet apporte une perspective inédite de l’univers du cyclisme et de la compétition sportive. On se laisse faci­
lement surprendre par ces différentes sensibilités et par
le sentiment de proximité de ce Tour. Quelquefois on
est dans le reportage, on se trouve au cœur de l’action.
Il y a également toutes ces prises de vue depuis des
emplacements inaccessibles ou encore ces représentations pixelisées d’écrans d’ordinateur. J’ai été aussi
marqué par les différentes galeries de portraits qui offrent
beaucoup d’espace aux gens ordinaires. A d’autres
moments on est frappé de voir à quel point le langage de
la course est similaire à celui de la Formule 1, même si
cela reste beaucoup plus en phase avec la nature. Il y a
d’ailleurs aussi de magnifiques paysages alpins qui,
au-delà des clichés sur la Suisse, donnent une idée précise de l’énormité de l’effort à fournir.
1
Richard Chinn est stratégiste chez
Wolff Olins à Londres. D’Orange à la
Tate Modern, en passant par le logo
des Jeux olympiques 2012, WO reste
l’une des agences les plus influentes en
matière de branding. Dans cette
interview, il nous présente les enjeux
et les transformations qui frappent
actuellement l’univers du branding, à
travers le prisme du cyclisme.
Étape 7
Sport et Marketing : perspective locale
Interview with Yves Mittaz 1
Quelle est votre définition du
sponsoring sportif ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz C’est
lorsqu’une compagnie, au lieu d’acheter
des pages de publicité dans une revue ou des spots
TV, décide de s’impliquer directement dans un évé­
nement sportif pour gagner en visibilité et en sympathie.
Le sponsoring se définit essentiellement comme un
échange de prestations, et l’enjeu est avant tout de trouver un événement qui corresponde aux valeurs de
l’entreprise. Une compagnie qui offre des produits ou
des services populaires va naturellement se tourner
vers un sport qui s’adresse à tout le monde. Lorsqu’on
évolue dans l’industrie du luxe, on ne va pas s’intéresser
au football, mais plutôt à un sport haut de gamme
dans lequel les clients se sentent mieux représentés.
Le sponsoring sportif doit être rationnel, on ne peut pas
se permettre de faire n’importe quoi. Chaque sport a
des règles et, d’une certaine manière, il s’agit de s’y con­
former pour pouvoir s’y associer. Dans une course de
vélo, il y a toujours un départ et une arrivée, et ce n’est
pas facile de sortir de ce cadre.
Quels sont les principaux changements qui ont affecté ce secteur durant ces
dernières années ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz Tous
les secteurs et les outils à disposition se
sont professionnalisés. Aujourd’hui, il est possible de
faire des études très poussées pour connaître les retours
sur investissement. Il y a vingt ans, cela n’existait pas
et tout fonctionnait au feeling. C’était généralement les
goûts du directeur qui guidaient les décisions. Mais
les choses ont passablement changé parce que les interlocuteurs sont beaucoup plus professionnels. Les
entreprises ne bénéficiaient pas de départements spécialisés dans le sponsoring ou le marketing comme
c’est le cas à l’heure actuelle. A ce titre, le secteur des
relations publiques est celui qui s’est probablement
le plus développé. Cela fait vingt-cinq ans que je
m’occupe de l’Open de golf de Crans-Montana, et au début il n’y avait aucune structure VIP ; cette tendance à
inviter des clients afin de construire une relation particulière avec eux n’existait pas encore. Cela s’est
progressivement développé, et à l’heure actuelle le tournoi est financé en grande partie grâce à ces apports.
Dans le même temps, les sociétés ont beaucoup plus de
travail pour gérer tout cela, mais désormais cela génère
des sources de revenu très importantes. Cette évolution a
été à tel point considérable que, depuis peu de temps,
certaines firmes se mettent à refuser ce genre de prestations car cela commence à être associé à des potsde-vin. Certaines sociétés n’acceptent plus des avantages dépassant une valeur CHF 50 car ce type de
relations peut avoir un impact trop important sur certaines décisions. Cela indique à quel point nous sommes
passés d’un extrême à l’autre.
En termes de relations publiques,
existe-t-il un secteur de contrôle de gestion ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz Lors
Sport et Marketing :
perspective locale
d’un événement, les grandes boîtes proposent à tous leurs gestionnaires d’inviter qui ils désirent. En règle générale, on regarde également quel portefeuille ont les clients car il y a toujours un certain
coût par client. Par exemple un grand prix de Formule 1,
c’était CHF 20’000 par client. Une fois que le portefeuille
est déterminé, ils définissent également quels sont
les objectifs à atteindre pour chaque client. Après l’événement, le collaborateur doit répondre à une question
du type : « Qu’avez-vous développé comme relation avec
le client pendant ces deux jours ? » C’est la manière
vraiment professionnelle. Par contre, il arrive aussi que le
directeur profite simplement de l’occasion pour inviter
tous ses amis. Le retour sur investissement est nul et le
partenariat peut s’arrêter du jour au lendemain lors
d’un changement de direction. On se retrouve de moins
en moins dans ces cas de figure, car tout est toujours
plus précis et professionnel.
Est-il possible d’évaluer l’impact
d’une image de presse dans l’actualité
sportive ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz Dans
le cas du golf, une société spécialisée est
mandatée pour analyser tous les tournois européens.
Elle comptabilise et répertorie les pays de diffusion, les
horaires, les prix, etc. A partir de ces données, on peut
établir un calcul du temps de visibilité pour chaque
marque, ainsi que du nombre de personnes qui ont été
exposées. On peut toujours discuter ces évaluations,
mais ces organismes arrivent tout de même à contrôler
les panneaux qu’on leur a vendus, et s’ils ont bien
passé, combien de temps ils ont passé. De notre côté,
nous pouvons également contrôler si les partenaires
ont atteint leurs objectifs par rapport aux montants qu’ils
ont investis.
Qu’en est-il de l’association émotive d’une marque à un événement, cela est-il
quantifiable ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz C’est
exactement le même problème qui se pose
lorsqu’une marque publie une page de publicité dans
un quotidien. Le seul moyen d’obtenir des informations
quantifiables serait par exemple d’offrir un rabais ou
une offre spéciale durant une durée déterminée. Il est
ainsi possible de déterminer l’impact durant ce laps
de temps. Ce sont des données purement quantifiables
et c’est en grande partie pour cette raison que toujours
plus de marques de voitures font ce type d’actions
ciblées. Les campagnes réalisées pour s’associer à un
événement ou à une compétition pour sensibiliser
les gens sont difficilement mesurables. On fait de l’image,
rien d’autre, et cela est extrêmement difficile à déter­
miner avec précision.
Tout événement sportif est indissociable d’un rapport passionnel et partisan.
Quel type de questions cela induit-il en termes
de communication ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz Les
sports d’équipe sont particulièrement délicats et de nombreuses sociétés ne veulent pas être
associées à ce type d’événements. Elles craignent que
leur image ne soit influencée par les résultats ou
les prestations de l’équipe. La partenariat entre le Crédit
Suisse et l’équipe de Suisse constitue surtout un
concept global, sur le long terme, qui couvre passablement de domaines. En particulier la formation. Cette
posture permet d’éviter des commentaires du type : « Ils
ne sont pas qualifiés pour l’Euro, donc l’image est
négative. » Le grand avantage avec le sport, c’est qu’il est
possible de faire des cartons. Quand je travaillais
chez IMG, nous avions William Besse sous contrat. C’était
un coureur assez moyen qui, de manière assez inat­
tendue, a gagné la coupe du monde. Mais il arrive également qu’un athlète se blesse et tout est remis en
question. C’est toujours une sorte de loterie qui, dans la
plupart des cas, dépend largement des goûts d’un CEO.
En Formule 1 par exemple, les boîtes qui investissent
sont souvent dirigées par des passionnés de sports mécaniques, et l’influence d’une personne peut déterminer des budgets colossaux mais, en termes de stratégie
à long terme, cela n’est jamais très profitable.
Qu’en est-il du cyclisme, quelle est
sa spécificité ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz La
grande particularité du cyclisme, c’est son
caractère local, et une épreuve comme le Tour de
Romandie est un support extrêmement favorable pour
augmenter la sympathie et la notoriété dans différentes
régions. Ce caractère itinérant est génial parce qu’il
permet d’inviter à chaque fois des clients en fonction
des étapes. L’inconvénient, c’est qu’il est ciblé sur
dix jours et qu’il faut investir beaucoup d’argent sur une
période très courte. Le cyclisme est idéal lorsqu’on a
de gros budgets, mais il ne faut pas faire que cela si l’on
souhaite avoir une présence étalée sur toute l’année.
« On Tour » ne constitue-t-il pas
une manière de pérenniser ces dix jours ?
Fantys/Vacheron
mon avis, ce type de publication s’adresse spécialement aux passionnés de vélo. Ce sont d’abord
eux qui vont s’y intéresser et la feuilleter dans les détails.
Si vous prenez une étape du Tour de Romandie ou
du Tour de Suisse, il y a environ 10’000 personnes, parmi
lesquelles on trouve beaucoup de curieux. On touche
un public extrêmement varié et, au final, il y a très peu de
passionnés. De plus, je porte un regard particulier car
je connais personnellement la plupart des gens qui sont
photographiés. Ce n’est pas la même chose. A mon
avis, pour ce genre de publication, il est difficile de s’en
tenir à un seul événement, à une seule année. Un projet
du même type couvrant les vingt ou les cinquante
dernières années serait certainement beaucoup plus attractif, en ce qui me concerne. Dans « On Tour » vous
êtes allés rechercher très loin dans les photographies.
Même si ce n’est pas juste pour meubler, c’est peut-être
moins attractif pour le fan de sport lambda. Le livre
offre plutôt la vision de l’écal et son approche de la création. Cela est rendu possible parce que vous n’avez
pas l’obligation de vendre. Si vous aviez dû faire un produit commercial, cela aurait probablement pris une
forme différente. On doit toujours savoir pourquoi on fait
un projet et à qui on s’adresse.
00:21
Yves Mittaz A
Pourquoi le sport n’est-il pas plus
souvent approché à travers son potentiel
artistique ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz Ce
serait une bonne chose mais il faut avoir un
produit et surtout trouver celui qui est prêt à le financier.
Dans toutes les entreprises, il y a plein de gens qui
ont beaucoup d’idées, mais au bout du compte vous ne
pouvez pas tout faire. Les budgets des boîtes ne sont
pas extensibles à l’infini. Elles essayent de capitaliser
sur des produits en évitant de se perdre ou de faire n’importe quoi. Encore une fois, il s’agit de trouver la bonne
personne, car c’est une question d’intuition. Il suffit
de tomber sur une personne qui adore un projet comme
celui-ci et va le faire passer à l’interne. En termes de
sponsoring, il existe énormément de stratégies différentes, mais beaucoup de marques adaptent leurs stratégies en fonction de la concurrence. Les horlogers
ont à peu près tous la même politique et il en va de même
pour les banquiers et les marques de voitures. A une
certaine époque, il y avait six marques de bières proposées dans le cadre de la Coupe du monde de ski et
maintenant il n’y en a plus aucune.
Percevez-vous une évolution de
l’attrait pour le cyclisme en fonction de son
traitement médiatique ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz Même
si l’impact a beaucoup baissé, je pense
que le vélo et le cyclisme sont une sorte de cirque.
On le voit comme lorsqu’on est gamin, quand il passe à
côté de chez nous. En Suisse romande, c’est un peu
décevant de voir le peu d’engouement des gens, et cela
été flagrant lorsque je m’occupais du Tour de Suisse.
Lorsqu’on traversait les villages en Suisse alémanique,
partout les écoles étaient au bord de la route, les
enfants montraient des dessins, des bricolages, etc. Dès
qu’on passait la frontière linguistique, les villages, les
classes étaient à l’école. Il n’y avait personne au bord de
la route. La différence de public est énorme. Les Romands ne participent malheureusement plus avec autant
de ferveur à ce genre d’événement. Prenez une course
de ski à Adelboden, toute la nourriture pour le public, ce
sont des gens du village qui la font bénévolement.
Ils préparent des gâteaux, ils participent. En Suisse romande, ce type de participation a disparu. Il y a vraiment une différence fondamentale, on la sent dans la
passion des gens.
En termes de représentation,
comment le cyclisme a-t-il évolué dans les
médias ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz Il
y a incontestablement une escalade pour être
toujours plus attractif. Il faut toujours être meilleur et,
dans le cas des Tours de Romandie ou du Tour de Suisse,
c’est toujours un peu décevant lorsqu’on les compare
1
Yves Mittaz est directeur de l’Omega
European Masters de Crans-Montana.
Ancien vice-président d’IMG (Suisse)
et directeur du Tour de Romandie et du
Tour de Suisse.
au Tour de France. Il n’y a pas les mêmes moyens, les
mêmes consultants, les mêmes hélicoptères. Le Tour de
France apporte quelque chose de dix fois plus passionnant en termes de couverture télévisuelle. Ce n’est
pas étonnant que le produit et l’intérêt ne soient pas
les mêmes au final. A vrai dire, le grand problème du cyclisme, c’est que le Tour de France a tout écrasé. Il a
tellement d’importance que les autres courses sont devenues des sessions d’entraînement.
00:22
Ouvertures
00:23
N’est-ce pas justement le moment
de proposer des stratégies alternatives ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz Beaucoup
de personnes ont essayé de trouver
des idées attractives et différentes mais ce n’est pas
simple. Il y a d’emblée un problème de budget, puis il
faut trouver de bonnes idées. Dans le cas de l’Open
de golf, mon plus grand souci, c’est d’avoir des idées qui
parlent à tout le monde. Alors on écoute, on parle avec
des sponsors et on leur demande ce qu’ils aimeraient
faire. C’est comme ça dans tous les métiers. Lorsque
vous avez fait un produit, il faut que le prochain soit aussi
bien ou meilleur. C’est le défi de chacun pour tout ce
que l’on fait. Dans le cadre du sport, le problème principal reste l’argent. La plupart des clubs sportifs ont des
problèmes d’argent et il faut souvent systématiquement
racler les fonds de tiroir. Le premier problème pour un
événement comme ça, c’est de gérer les factures avant
de faire quoi que ce soit de plus pour se faire plaisir et
faire plaisir à l’événement. Ce n’est pas simple.
En termes d’image, quelles ont été
les répercussions des différents épisodes liés
au dopage ?
Fantys/Vacheron
Yves Mittaz La
vraie question serait plutôt de se demander
si on met tous les moyens à disposition pour arrêter tout
cela. Ce n’est pas sûr. Je lisais un article récemment
selon lequel, sur 23’000 contrôles d’EPO, seulement une
trentaine avaient été déclarés positifs, et l’article ajoutait que ces derniers avaient simplement été trop naïfs.
Cette situation est d’autant plus dommage que le cyclisme sans dopage, cela ne change rien du tout. L’athlétisme sans dopage, ça pose certains problèmes au
niveau des records, mais pour le cyclisme ça pose beaucoup moins de problèmes. Si on décidait d’engager
les vingt plus grands spécialistes du monde en matière
de dépistage, le problème serait rapidement réglé. Ce
n’est même pas un problème d’argent car on trouve des
gens dopés même dans les courses populaires.
Kat Jungnickel et Britt Hatzius nous invitent à
sortir de la boucle. Leurs recherches permettent d’inscrire « On Tour » dans la tradition
de la sociologie visuelle.
Étape 8
00:24
Visual Explorations as Traps
by Britt Hatzius 1
The format and density of the photographic publication
entitled ‘On Tour: Tour de Romandie & Tour de Suisse 2010’
calls for an encounter with it to be anything but fleeting.
The size and weight of the book relies on a dedicated
place and time to be viewed. Ideally it might require a table, a large surface, or at least a sturdy support. It demands an attention from the viewer that involves not only
eyes and mind but body too, the physical effort involved
in holding and viewing the book. An act of contemplation is turned into an active contribution, by the viewer,
in engaging with the work.
The photographs within are so manifold that in order
to fully appreciate the diversity in photographic depiction, no page can be missed. Each photograph carries its
own (metaphorical) weight — from subtle facial expressions, gestures and poses, to the photographers choice
of composition, framing or angle of view. Some photographs are rich in detail, others are blurred snapshots,
and others again embrace the texture of pictorial surfaces (such as a photographic still taken of a TV screen). As
a compilation of visual explorations, the publication re­
cognises that cycling is not limited to riding a bike. Many
of the photographers featured have explored a multi­
plicity of peripheral activities that frame the act of cycling; times of waiting, times of preparation, of posing,
playing or watching. Some photographs — carefully composed, posed, post-produced — show the more familiar
official/mediatised/branded version of the tours, while
others capture the messiness of changing rooms, misty
or empty stages, casual onlookers, or the dramatic
fractions of a second where risk has taken its toll. In their
juxtaposition of styles, approaches, techniques, textures
and framing, the assembled photographs seem to offer
an un-hierarchical, multifaceted representation of cycling
as a cross-country touring sport.
The book is seductive, the photographs lure the eye,
its object-like presence draws attention, but it does not
sit comfortably in my lap or present me with a clear narrative. Instead, the various different individual visual explorations are open to interpretation. What interests me here
is the juxtaposition of a wide-range of photographic representation within a book, whose physical awkwardness
(a large and heavy book) demands more of me than simply flicking through its pages.
Now you see it, now you don’t
Visual Explorations as Traps
Within ethnographic practices of disciplines such as
Sociology or Anthropology, capturing the world through
audio-visual media is widely established as a visual
research method (Banks, 2001/Pink, 2007/Rose, 2007/
Becker, 2007). More recently, the idea of multisensory
ethnographies has called for an attention towards other
senses besides seeing or hearing, including smell,
taste and touch (Pink, 2009). Against this backdrop of trying to communicate multi-sensory sites, I want to emphasize the form of presentation (for example the large
book format of ‘On Tour’) as a distinct challenge, and
one equally important as the moment itself of capturing
the world, photographically or otherwise.
I would like to do this here by referring to a project
which employed photography within a specific form,
site-specific installation. ‘Now You See It, Now You Don’t’
was an assemblage of several audio/visual elements,
themselves the result of an ethnography I worked on
about London cyclists in 2006. It was foremost an experiment in using audio/visual media instead of producing
a written report. The research project was a collaboration
between the Sociology Department at Goldsmiths University London, lead by Dr Nina Wakeford (Studio INCITE:
Incubator For Critical Inquiry Into Technology and Ethnography) 2 and Professor Les Back, and a group of anthropologists and sociologists working within Intel Research,
PAPR (People and Practices Research Lab). We wanted
to look at London cycle couriers and commuters and their
sense of temporality in moving through the city with
a focus on their everyday practice, the daily kinaesthetic
experience of cycling, rather than the different cycling
and racing cultures. The ethnographic process consisted
of various experiments with still/moving image and
sound alongside in-depth interviews with 20 cyclists
(couriers/controllers/commuters). The installation
was then created specifically for the office spaces at
Intel Research in Portland US in December 2006.
The title of the installation, ‘Now You See It, Now You
Don’t’3, came from ‘Christos’ Gates and Gilo’s Walls’,
where W.J.T Mitchell writes about gates and walls in the
artists’ respective works as forms that show and reveal
on the one hand, and conceal and hide on the other
(Mitchell, 2006: 587) 4. The idea was for this installation to
become such a form that might reveal and conceal at
the same time, a vehicle for considering the very nature
of viewing.
00:25
1
Britt Hatzius est artiste visuelle et
chercheuse à l’institut INCITE de
l’université de Goldsmiths à Londres.
2www.studioincite.com
3
A paper of the same title was presented
at CRESC conference 2010 ‘The Social
Life of Methods’. In The session on
Transformative Artefacts, Oxford,
co-authored by Britt Hatzius, Dr Nina
Wakeford and Prof Les Back.
4
W. J. T. MITCHELL (2006): Christo’s
Gates and Gilo’s Walls. In Critical
Why an installation
Inquiry 32 (Summer 2006), The Univer­
sity of Chicago.
As an art form, Installation Art has a long tradition going
back to the 1960s, with a great diversity in its ap­
pearance, content and use. Its most notable characteristic is that it demands the viewers’ physical presence
in order to experience it in time. In contrast to a series of
photographs or a stand-alone film or video, this assemblage of various different forms within a specific
place and time is key to how we wanted the viewer to experience the visual material. Our interest was neither to
re-create an immersive environment of ‘the ethnographic
field’, nor to limit the installation to an arrangement or
display of single images. We wanted to find an adequate
form by focusing on how meaning could be conveyed
by drawing close attention to the choices of editing and
construction. We aimed to engender an acute sensibility
towards the individual properties of the media used in
the process and presentation of our data (i.e. video, photography, sound), while also destabilizing some of the
conventions around visual representations within a sociological research environment.
In cooperate contexts such as Intel, the PowerPoint
presentation frequently constitutes and functions as
the final output. ‘It becomes the ethnography. It does
ethnographic work’ (Wakeford, 2006). Studio INCITE
has a long history of working with Intel Research, especially in collaboration with PAPR, in challenging this
process of reducing ethnographic knowledge to three
points on a slide. Project rooms, where ‘social relations
happen in the process of people moving between text,
visual material and orality’ (Nafus/Anderson, 2009: 138)
have become an integral part of an ethnographic
research environment within industrial contexts, but remain within a rehearsed repertoire of institutionalised
routines. Our challenge was to present our research project within this very particular visual culture of industry-based ethnographers, and within a highly structured
and constraining physical office space.
The layout of the office spaces at Intel Research in
Portland is defined by the typically grey (and long
contested 5) cubicles, which Intel Corporation originally
helped popularize in the 1970s and 80s.6 Installing
any kind of visual work that would not be inadvertently
swallowed up by the rigidity of the space needed a
presence that would literally interfere with it. Any photographic representation beyond PowerPoint had to be
considered in its physicality, if it was to compete with the
too familiar A4 size photographic print or A3 poster
print pinned to a presentation wall or handed around
during workshops in dedicated whiteboard-covered project rooms.
Everything is all going on at the same time
Intel had approached us with their initial supposition
that bike couriers would tell us something about experiences of meeting deadlines and an obsession with
speed.7 Instead we found that both couriers’ and commuters’ attitudes towards time obliterated a deadline-centric view.
5www.nomorecubes.com
6
DAVID FRANZ: The Moral Life of Cu-
bicles. The New Atlantis, Journal
for Technology and Society, Number 19,
Winter 2008, pp. 132 – 139.
7
Interview, bike courier, London,
November 2006, installed at Intel
Research, Dec 2006.
‘You measure your speed not with a stopwatch
but by your willingness to push yourself,
willingness to accelerate, to invest — it’s your
own choice.’ 8
Their emphasis was on a sense of acute awareness when
cycling, on the experience of timeless ‘flows’, cycling
as a hazardous journey of navigating the city that emphasises ‘the way’ rather than any beginning or end.
‘The city is a maze system. We are channelled
down these tunnels, like a lab rat and things
fly out at you. Different kinds of monsters, things
shooting fire. It’s like a video game.’ 9
But it takes time to overcome these monsters, to learn
how to embody this acute presence and awareness.
To know when you are going to make it through that gap
between a bus and a taxi. That time has to be carried
in the body and in the reflexes in order to be able to inhabit the ‘nowness of now’ temporality. As Henri
Lefebvre writes, ‘to capture a rhythm one needs to be
captured by it’ 10 (Lefebvre, 1996: 219). Cycling we
found was a ‘total practice’, something to be actively
experienced.
‘We are calculating a thousand things, whether
it’s the angle of the light, the surface of the
road, the hatch covers, whether it’s raining, wet
or dry, how much weight we’ve got on our back,
everything is all going on at the same time.’ 11
Other studies, such as ‘Cycling Cultures’ (Sustainable
Mobilities Group UEL)12 or Justin Spinney’s research
on cyclists, have suggested similar sensory experiences.
In his 2006 thesis entitled ‘A place of sense: a kinaesthetic ethnography of cyclists on Mont Ventoux’13
Spinney speaks about cycling as a very personal and
embodied experience, one ‘that is felt rather than
seen’. In a more recent paper ‘Cycling the City: Movement, Meaning and Method’14 he goes further in focusing
on the ‘immaterial’ embodied and sensory aspects of
mobility. But how is it possible to visually represent such
embodied experiences?
The two life-size photographic prints of London city
buses 15 were mounted next to each other, with a circa
45 cm gap in between them. Visible from both sides
of the cubicle corridor (the main passage to the photocopier and printer), it was the most physically inter­
rupting element of the installation. The most common
response to this impediment was that researchers
using the office space would go to lengths not to have
to squeeze between the two prints. It forced them to
engage with the photographs not only in a contemplative
manner but in their disruptive physicality. The prints
seemed to exert an unexpected force, transforming the
way people engaged with the office environment. It
seemed to become what anthropologist Alfred Gell has
called an ‘artwork as trap’, ‘a trap or snare that impedes
passage’ (Gell, 1999: 213) 16. In his essay ‘Vogel’s net’
he describes artworks and ethnographic artefacts as carrying the potential to function as traps, not necessarily
physical, but ‘“thought-traps”, which hold their victims for
a time, in suspension?’ (Gell, 1999: 213).
Photographs as objects
were presented as laminated life-size prints covering
mobile meeting tables, subtly immersed into the standardized office furniture. Their contemplation became a
tactile experience.17
As objects were left out on the tables, they started
mingling with those depicted. The photographs, with
their insights into bike couriers’ eating habits, what the
couriers might do in times of waiting (read a book),
the extent of their self-sufficiency (tool kits) or preparation
for sudden changes of weather, temporarily became
assimilated into the meeting place. The documents had
become defined by the slightly awkward engagement
with them, and were no longer only ‘visual’. The emphasis was on the act of approaching, interacting and na­
vigating rather than the photographic form itself, a shift
to what Tim Ingold has described as ‘form-giving’. In
his paper ‘Bringing Things to Life: Creative Entanglements in a World of Materials’ (2010)18 he writes about
the importance of assigning primacy to processes of
formation as against their final products, focusing on the
movement rather than the static thing itself (Ingold ,
2010:13).
The installation remained for a few weeks before
it was taken down. It has not been re-installed since, and
there is something poignant about the fact that what
remains of it lies only in the memory of it: anecdotal accounts, descriptions such as these and the questions
and images that linger on in the minds of the researchers
who encountered the work at Intel. In this sense, the work
was able to refrain from giving clear research results
— summarized in a PowerPoint presentation, a report
summary or statement. The photographic elements within the installation were able ‘to work on us long after
our first […] glimpse of them’19 (Mitchell, 2006). Any engagement with the ‘data’ and its material manifestation
(photographs/sound/video) remained fluid and ‘leaky’.
‘Things are alive, because they leak’ Ingold writes’
(Ingold, 2010:13). The installation, we hoped, would leak
in its uncertainty, unfamiliarity, instability and ability
to provoke a different kind of attention to the visual, one
that could disrupt the more familiar ways of using and
presenting images within a sociological context and the
highly codified physical environment of Intel Research
offices.
8
Interview, cycle commuter, London,
November 2006.
9
Interview, cycle commuter, London,
November 2006.
10 HENRI LEFEBVRE (1996): Seen from the
Window. In Writing on Cities, in
Eleonore Kofman, and Elizabeth Lebas
(eds.), Blackwell Publishing, p. 219.
11 Cycle courier, London, November 2006.
12 www.cyclingcultures.org.uk
13 JUSTIN SPINNEY (2006): A place of
sense: a kinaesthetic ethnography of
cyclists on Mont Ventoux. In Society and
Space, vol. 24, pp. 709 – 732.
14 JUSTIN SPINNEY (2009): Cycling the
City: Movement, Meaning and Method.
In Geography Compass, vol. 3, issue 2,
pp. 817– 835, March 2009.
15 Installation view at Intel Research,
December 2006
16 ALFRED GELL (1999): The Art of Anthropology —Vogel’s Net: Traps as artworks
and artworks as traps. Berg Publishers
(reprinted 2006).
17 References
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HINE, C. (2007): Multi-sited Ethnography as a Middle range Methodology
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18 TIM INGOLD (2010): Bringing Things to
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of Materials. In Working Paper no.15,
Universiy of Aberdeen, July 2010. Origi­
nal version (April 2008) presented at
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tember 2008, Universiy of Manchester.
pp. 652 – 671.
HORTON, D., P, ROSEN and P, COX. (eds) (2007): Cycling and Society.
We wanted to see how photographs might be more than
visual documents, produced through the ethnography as
‘data’. We wanted to explore the ways in which the encounter with visual representations might reflect the idea
of cycling as an embodied practice, as a moment of
total awareness, of flow, or an acute sense of presence in
navigating the urban environment. Our attempt was to
create an installation as a form that might defy reductionism and open up to a broader notion of interpretability
(than a report, a text or a single series of photographs).
In showing the photographs in a time and space-specific
context, they became situated; not easily assimilated;
lingering between their visual depiction and their object-like presence in the space. The series of photographs
of couriers’ bags contents, taken during the fieldwork,
00:26
England: Ashgate Publishing Limited.
KIDDER, J.L. (2009): Appropriating the city: space, theory, and bike messen-
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P, COX. (eds): Cycling and Society. England: Ashgate Publishing
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URRY, J. (2006): Inhabiting the Car. In Sociological Review 54, Supplement
s1: pp. 17–31.
19 MICHELL W. J. T. MITCHELL: Christo’s
Gates and Gilo’s Wall. In Critical
Inquiry 32, p. 593, (Summer 2006) 2006
by The University of Chicago.
Étape 9
00:28
Being ‘out there’
by Kat Jungnickel 1
As ‘On Tour: Tour de Romandie & Tour de Suisse 2010’
vividly illustrates, there are many ways of representing the
intimacy and community of cycling cultures ; from the
lone rider on dramatic mountainside switchbacks to the
tightly packed peloton snaking through remote vil­lages;
from the mechanic focused on the minutiae of racing
machines to huddles of committed spectators braving
the rain. These photographs afford candid glimpses
of the constellations of people, places and things that
tell stories about who we are and what we find important
in everyday life.
For the last two years I too have been documenting
aspects of the vast and eclectic cycling world. However,
my lens is different; it is shaped by my sociological research practice. Funded by the Economic and Social
Research Council, Rachel Aldred and I at the University of
East London set out to examine why cycling thrives in
certain places and not in others. We focused on four English urban areas where cycle rates are particularly high
— Hull, Hackney, Bristol and Cambridge. Over the course
of the Cycling Cultures project, we spent time with a
diverse range of cycling oriented clubs, social groups and
individuals. We went on rides, attended events, traversed cities and landscapes in between and talked with
people who rode mountain, racing, hybrid, cyclocross,
fixed gear, fold-ups, cargo, freak, vintage, shoppers, stepthrough and tandem bicycles. We interviewed over
100 people, some new to cycling while others had ridden
their entire lives, in one case as many as 80 years, yet
few considered themselves ‘proper cyclists’ — they were
just people who rode bikes (Aldred 2010). Although the
local histories, socio-economics and topography of each
place indelibly gave distinct and unique shapes to
cycling practices, one of the many persistent threads
throughout the research is the notion that to ride a bike
is to be ‘out there’.
‘… I just have an awareness that there’s a lot of
danger and risk … I don’t spend every moment
thinking that, but, I guess … ifwe didn’t feel
so protected in our cars we’d maybe be thinking
the same thing about driving. Because, you
know, cars are very dangerous things really. But
with a bike… one’s more aware of it because
you’re just out there in the space … in the elements, so, yeah, you kind of feel it more.’ 2
Being out there renders visible and material a distinct
experience of the built, mobile and social landscape.
Although some narrated this in terms of risk, others expressed it as a multi-sensory feeling :
‘If you’re cycling down a street and you’re going
past restaurants you can actually smell
what’s cooking and you can see what’s going
on and you can hear all the sounds and
people talking and you can hear music, whereas when you’re in a bus or a taxi you get a…
you’re getting a lovely experience but a completely different experience.’ 3
Cycling Cultures attends to the vivid and dynamic out
thereness of cycling in two ways. Firstly, as illustrated in
these quotes, cycling does not take place in isolation.
It happens in all weather, in and around multiple infrastructures, in complex choreography with other multi-modal
road users. It is interwoven with the urban fabric, everyday practice and the lives of others. Secondly, and the
focus of this article, is how the person documenting cycling practices is also out there. In the following sections,
I extract and discuss the positionality of the photographer in the subjective process of representing cycling.
Representing the ‘out thereness’ of cycling
Being ‘out there’
Cycling researchers have done much to interrupt and
intervene in conventional ways of looking at how we
move (Horton et al 2005; Spinney 2007; Kidder 2009;
Aldred 2010). Many argue that riding a bike provides a distinct perspective on the mass motorized landscape;
the view ‘from the saddle’ contrasts with the view framed
by the car window. Cyclists are not ‘carcooned’ (Urry
2006). While the former is shaped by the out thereness
of the cyclist, the later comes from the in thereness
of the car, a perspective shaped by the comfort and confines of a vehicle. The central tenet of this argument
is that the position of the viewer is important in shaping
what is viewed and as a result understood. It is a very
simple yet powerful concept that underpins many other
disciplinary perspectives on the world. Following this
line of thought it holds that how we look at the cyclist,
from what perspective and how we choose to represent
them is also important. It is therefore interesting to
ask: Where is the photographer in the image? How are
they looking? What shapes their view? How can these
lenses be rendered more productive in experiencing,
examining and ultimately representing cycling cultures?
To study cycling cultures in the UK, Aldred and I
deployed a methodology that embraced being out there–
ethnography. Although this qualitative approach includes of a range of methods, it is mostly known for participation and observation. The ethnographer gains
an in-depth nuanced understanding by immersing in the
social, cultural and physical worlds of a particular group
and attempting to see the world through their eyes
(Hammersley and Atkinson 2007; Fetterman 2010). Emphasis is on placing yourself in the field and being aware
of your own viewpoints in documenting and interpreting
data. As a result, much is made of the researcher as an
instrument of research. This approach indelibly informed
how I visually represented people who rode bikes.
Conducting ethnography invariably results in a wealth
of multi-media data; field notes, sketches, video, photos,
interview transcripts, news articles, web links and blog
posts, printed materials and much more. We made sense
of a huge volume of data in a number of ways. We produced a website and series of blogs doc­umenting our
activities in each fieldsite which provided the means
to collate and tag our data and collaborate with each other as well as a range of interested viewers. We wanted
to create a place for our work that was live and dynamic,
open to ongoing conversation and engagement and
gradually unfolding as the research developed. Cycling
clubs, organizations and individuals warmly welcomed
us and contributed openly and we felt our research process should reflect this collaborative culture.
Much like photographers in the ‘On Tour’ collection,
I was compelled to visually capture the drama and
character of cycling cultures. However, while photographing field sites is an indispensible part of my ethnographic approach, I did not initially intend to take portraits of people. Rather, the idea emerged in the course
of embedding myself in the field. During each interview,
people told me about their bikes, where they were
stored, they pointed out special features and regaled me
with stories of adventures, accidents, joy and terror.
In the course of doing the research I became sensitive
to the intimacy and community between people, their
bi­cycles and key places in their lives. It was evident that
people felt a keen material, physical and emotional
connection to cycling, which was often difficult to disentangle or even fully articulate in words.
I produced a series of Bike Portraits in an attempt
to reflect aspects of this rich socio-technical relationship.
Respondents chose a location and I put the portrait together using the style of the work inspired by British artist David Hockney’s photographic collages in which
multiple images are roughly pieced together to form a
much larger impression. This approach captures not
only the object in focus but also its larger socio-material
and spatial ecology. Multiple images, overlapping and
often discordant, signaled the mess, texture and busyness of cycling practices in urban places. The different
shape of each portrait renders visible a collaboration
of people, places and things. I also deliberately include
a part of myself in each portrait, thereby contributing
to the mess and dynamism. Mess and dynamism also
00:29
1
Dr Kat Jungnickel est chercheuse au
Sustainable Mobilities Research
Group de l’université d’East London.
Ces différentes activités dans le
cyclisme sont accessibles à travers le
site web www.cyclingcultures.org.uk.
2
Bristol interview 16, F:50.
3
Hackney interview 27, F:25.
played key roles in the presentation of portraits. Rather
than traditional gallery contexts, I chose to (re)locate
the research in everyday cycling places. One exhibition
featured portraits in five popular bike shops and bike
cafes around Hackney. The novelty of the distributed nature of the exhibition lay in how people were encouraged to cycle between locations and piece the work
together. Another exhibition formed part of a group show
in the Bristol Cycle Festival where portraits featured
alongside a range of bicycleoriented artists. Much like
the portraits themselves, the exhibitions and associated events came to life as a result of complex choreographies and collaborations.
These methodological approaches clearly put our
work out there ; on the road, in bike cafes, on bike blogs,
at cycling festivals, near mechanics, next to artists etc.
In many ways it responds to an emerging call to action in
sociology to resist the flattening of live, dynamic and
complex social worlds and to experiment with inventive
and messy methods (Law 2004; Hine 2007; Lury and
Wakeford 2012). Hine in particular critiques more traditional approaches: ‘Our methodological instincts are to
clean up complexity and tell straightforward linear stories, and thus we tend to exclude descriptions that
are faithful to experiences of mess, ambivalence, elusiveness and multiplicity’ (2007:12). Our methods were purposefully chosen to ‘fit’ with the cycling cultures around
us and maintain as much as possible the multi-faceted
cycling experience.
I started this article with questions about the view of the
photographer on the cycling world. Drawing on mobilities
literature which attends to the unique ‘view from the
saddle’, I suggested the lenses we use to focus and also
feedback our understandings of social worlds serve
to position us in particular contexts and shape how we
and others see the world. Researchers and photo­
graphers, much like cyclists, are not ‘carcooned’ but are
out-there in the sensory, messy and complex world.
Placing ourselves and our work out there is one way of
addressing the challenges of experiencing, examining
and representing a practice that is considered out there
by its participants.
00:30
Colophon
00:31
Hackney Bike Portrait # 1 – Bryony,
near Dalston station.
Bristol Bike Portrait # 15 – Tabitha,
Kebele Community Co-op, Easton.
(Re)positioning the photographer
Hull Bike Portrait # 17, Andy,
Photographs are by their nature collaborations. They are
the consequence of the photographer, subject, tech­
nologies, the weather, place and many other human and
non-human elements. Collaboration was central to
the Cycling Cultures project, indelibly shaping not only
the methods but also our representational practices.
I explored how collaboration has the potential to usurp
the notion of photographer as a sole author. In regard to
the Bike Portraits, I was just one of many actors inter­
woven in a complex heterogeneous network of people,
places and things. Here, collaboration is rendered
visible, material and social and ultimately productive for
the project.
Practices and methods like these put the research
out-there in multiple physical, social and interdisci­plinary
contexts. In my experience, they involve a gathering of
things, not all of which were in my control; the locations
people chose for their portraits, the shape of the final
images, the weather, road works and traffic on the bike
ride that linked the exhibition together, the busyness
of the cafes and bike shops, who would turn up to events,
the nature of other artworks and more. On one hand,
placing myself in the portraits anchored me in a location
and positioned me in a relationship with the subject.
On the other, the style of the photos and nature of exhibitions loosened my control over the images. Although
the latter destabilised my ability to manage how they
were interpreted, it concurrently opened the work up to
new locations, audiences and ways of integrating my
findings back into these worlds. Uncertainty and ambiguity can serve to complicate and enhance the role and
position of the photographer.
Relinquishing control of how you represent your work
can feel challenging and uncomfortable. Yet, being
able to constantly adapt to changing conditions and unexpected circumstances is integral to the daily lived
experience of cycling. It is fundamental to riding a bike.
During the project, I observed several learn-to-cycle
classes for children and adults and I was struck by the
way instructors communicated the idea of balance.
Cycling is not about learning to balance. Cycling is about
learning to deal with being constantly unbalanced.
Adopting this approach in the context of representing cycling means embracing the uncertainty and ambiguity
of collaborations and the out-thereness of the cultures
under study.
Cycle Speedway, Hessle.
Cambridge Bike Portrait # 4, Hazel,
Jesus Green.
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« Off Tour : Compte-rendu d’étapes »
Édité à 500 exemplaires.
Textes écrits par Kat Jungnickel, Britt Hatzius et
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Conception et édition : Joël Vacheron et Robert Huber
Design : Robert Huber
Traduction : Joël Vacheron (étape 6 et citations)
Correcteur : Marco Di Biase
Typographie : Antique Medium et Times New Roman
Impression : ECAL by Benjamin Plantier
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WAKEFORD, N. (2006): Power Point and the Crafting of Social Data.
« Off Tour : Compte-rendu d’étapes » constitue le deuxième
volet du projet de Recherche et développement
« On Tour : Tour de Romandie & Tour de Suisse 2010 »,
soutenu par le fonds stratégique de la HES-SO.
Ont participé à ce projet :
Enseignants : Pierre Fantys (ancien responsable de
l’Unité de photographie à l’ECAL, chef de projet)
et François Rappo (direction artistique), Nicolas Faure,
Joël Tettamanti (photographies, tutoriat),
Luc Bergeron (responsable Ra&D de l’ECAL).
Assistants : Erol Gemma, Elise Guillod, Robert Huber,
Cédric Raccio.
Etudiants : Jeremy Ayer, Emile Barret, Thomas Brasey,
Guillaume Collignon, Philippe Fragnière,
Paul Hegi, Sophie Huguenot, Nicolas Genta, Florian Lüthi,
Romain Mader, Noha Mokhtar, Sophie Mei Dalby,
Tom de Peyret, Cédric Raccio, Priscillia Saada,
Reto Schmid, Laurent Schmidt, Fabrice Schneider,
Sebastian Stadler et Armand Yerly (photographies).
Remerciements :
Alexis Georgacopoulos (directeur de l’ECAL), Pierre Keller
(ancien directeur de l’ECAL), Philippe Keanel (recherche),
Emmanuelle Chatenet (responsable communication
à la Vaudoise assurances et présidente de la commission
artistique), Frédéric Rossi (directeur d’Infolio), Philippe
Hebeisen (CEO de la Vaudoise Assurances), Catherine
Othenin-Girard (historienne d’art, consultante de la Commission artistique de la Vaudoise Assurances), la direction
du Tour de Romandie, Selim Atakurt (responsable de la
communication et conseiller à la direction de l’ECAL).
In Ethnographic Praxis in Industry Conference Proceedings, vol. 2006,
Issue 1, pp. 94–108.
© 2012 ECAL, les auteurs, les photographes.

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