Du ver à soie au kimono

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Du ver à soie au kimono
ALBERT-KAHN MUSÉE ET JARDINS
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DU VER À SOIE AU KIMONO
Entre artisanat et industrie : la sériciculture japonaise à l’ère Meiji
La fabrication du fil de soie au Japon garde depuis toujours un caractère sacré. Kaiko, nom du ver à soie en
japonais, n’est jamais prononcé sans le préfixe « o- », marquant le respect. Il existe un élevage du ver à soie
dans le palais impérial. C’est l’impératrice Meiji qui renoue la première avec cette tradition ancestrale longtemps
abandonnée. Faisant partie du rituel réservé à l’impératrice, cette activité fait pendant à la riziculture, activité
rituelle attribuée à l’empereur.
Avec l’ouverture du commerce sur l’extérieur en 1869, la production de la soie au Japon connaît une croissance
importante. En 1910, le Japon devient le premier producteur mondial. Le pays tout entier cultive le mûrier pour
nourrir des élevages de vers à soie. Dans la région de Matsumoto, Roger Dumas en 1926 s’attache à
photographier une activité saisonnière et complémentaire à la culture du riz, assurée par les femmes et les
enfants dans les petites exploitations familiales. Les cultures intensives liées à de grandes filatures emploient
aussi un personnel féminin.
Les trois grandes étapes de la fabrication du fil de soie sont :
– la production des œufs,
– l’élevage des vers à soie auquel s’associe la culture du mûrier,
– la filature des cocons.
La magnanerie* Miyajima, était à l’époque l’une des plus importantes entreprises artisanales de Matsumoto.
Elle employait hommes, femmes et enfants de la famille, sans compter les travailleurs saisonniers engagés à
la production des œufs et à l’élevage des vers à soie.
L’élevage des vers à soie
La soie est un produit naturel issu du cocon d’un papillon nocturne, le
bombyx du mûrier, qui n’existe qu’à l’état domestique. La femelle pond
entre 400 et 700 œufs. Les œufs éclosent quatorze jours après le début
de l’incubation à 25°C. Les chenilles se nourrissent exclusivement de
feuilles de mûriers. Après leur quatrième mue, les insectes tissent leur
cocon de soie avant de se transformer en papillon.
Les fermes où sont élevés les vers à soie son appelées magnaneries*.
La conservation des œufs et l’élevage des vers à soie se fait à l’étage
pour les protéger des rongeurs et de l’humidité. Le toit surélevé permet
la ventilation et la climatisation des locaux. Une variation brutale de
température ou d’hygrométrie peut être fatale à la vie des vers à soie.
La première étape de l’élevage est la préparation des cartons de
papillons pour la ponte. Les femelles sont placées sur des cartons de
ponte, chacune dans une cellule individuelle, petit cylindre découpé
dans du bambou ou du métal qui circonscrit la surface où elles
pondront leurs œufs.
Albert-Kahn, musée et jardins est une propriété
du Département des Hauts-de-Seine
Préparation des cartons de papillons
pour la ponte, Magnanerie de Miyajima.
Inv. A 56 126
Après l’éclosion des œufs, les chenilles
sont disposées sur des litières de feuilles
de mûriers étalées sur des claies de
bambou recouvertes de tissu. Les mûriers
produisent une forte densité de feuilles. Ils
sont cultivés en haies à hauteur d'homme
pour faciliter la cueillette. Plus le ver grandit,
plus l’espace vital nécessaire augmente,
plus est importante aussi, la quantité des
feuilles adultes pour le nourrir.
De gauche à droite : feuilles de muriers répandues sur la litière des vers à soie,
Magnanerie Miyajima. Inv. A 56 122 / Dévidage des cocons dans une exploitation
familiale, environs de Matsumoto. Inv. A 56 116
Grâce à ses glandes séricigènes, la chenille produit une bave abondante qui se transforme en durcissant en
un fil unique de soie brute à l'origine du cocon. Celui-ci est prêt à être dévidé lorsqu’il a été « défrisé », c’està-dire, débarrassé de la bourre* qui l’entoure, puis passé à l’étuve ou au four afin d’étouffer la chrysalide qu’il
contient. On plonge alors les cocons dans l’eau bouillante, avant que ne débute leur nettoyage et la recherche
du départ du fil de soie. Ce fil mesure entre 300 et 1 500 mètres de long. Il en faut environ 3 500 à 4 500
mètres pour faire un gramme de fil de soie.
Les kimonos
Le kimono est un vêtement croisé de gauche à droite pour les hommes
comme pour les femmes, fermé par une ceinture (obi). De taille unique, chacun
l’adapte en formant un pli à la taille et aux épaules pour régler la longueur et la
largeur.
À l’opposé des vêtements européens, le kimono ne connaît ni pinces, ni
fronces, ni coupes arrondies. Il est toujours confectionné selon les mêmes
principes de base : des pièces de tissus rectangulaires assemblées par des
coutures rectilignes.
Le choix du kimono pour la femme répond à des règles strictes selon qu’elle
est mariée, selon son âge, la saison ou les événements… Par exemple, les
femmes mariées se distinguent des jeunes filles par la longueur des manches
de leur kimono. Les unes portent le kosode (kimono à manches courtes), les
autres, le furisode (kimono à manches longues).
Mis à part le yukata qui est en tissu de coton, le kimono est toujours confectionné dans du tissu de soie. Au début du XXe siècle, la laine et les fibres synthétiques sont encore très peu utilisées au Japon.
Aujourd’hui encore, même si elle est très innovante, l’industrie textile japonaise
garde ses traditions dans la fabrication des tissus et tout particulièrement de la
soie. Il existe toutes sortes de qualités de tissage. L’une des plus fines et des
plus coûteuses étant la soie habutae, utilisée pour les kimonos de cérémonie.
La plus ordinaire est la soie tsumugi, fabriquée avec la bourre du cocon.
Il existe plusieurs méthodes pour teindre et imprimer ces tissus. La plus élégante et minutieuse des préparations
est apparue au Japon au XIIe siècle : on utilise des pochoirs de papiers assemblés appelés katagami.
Lexique :
*magnanerie : lieu d’exploitation de sériciculture
*bourre : il s’agit de la partie la plus grossière du cocon, celle qui ne se dévide pas.

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