Christian Baudelot Ecole normale supérieure Département
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Christian Baudelot Claire Ecole normale supérieure Département Sciencessociales Verry Institut Louis Harris, France PROFESSION : LECTEUR ? RÉSULTATS D'UNE ENQUÊTE DE LA BIBLIOTHÈQUE SUR LES LECTEURS NATIONALE bibliothèque), sentimentde déménapériodes de gement.J'aime la crisepourrévélerau BN comme une grand jour des partie de ma vie logiques de intérieure en ; faire comporle deuil Ainsi de des tementet sys». tèmes de valeurs ce professeurde indiscernablesen littérature du XVIIIe siècle,lectempsde paix. La perspective prochaiteur assidudepuis trente-cinq ans,qui ne du déménagedéclare :« Je suis ment d'une grande très obsédépar la partiedescollections de la Bibliothèque mémoire on : arrinationale (BN) a veà un âgeoù les fourni à de nomparents s'en vont breux lecteurs,au et onpasseenpremière ligne. Pour momentoù nousles moi, le passé,les interrogions, tous lesingrédients d'un parents,les livres, contextedecrise ;surgitalorsau grand Il engage,pour certains,la personne ça rentre dans le Pourmoi, il n'y a pas jour l'intensitédu lien qui peutunir un tout entière.Ainsi de cettefemmede mêmesystème. c'esttout lemêmeenjeu, lecteurà une bibliothèque,le statut 68 ans,ancienprofesseur de philoso- dedifférence, monumentalet historiquede la BN phieà l'université,étudiantla moder- c'estenjeude survie.Donc,mon avejus- nité,qui écrità lafin du questionnaire : nir à la Bibliothèquenationale,je le poussantparfoiscet attachement qu'auparoxysme. « Depuisle projet TGB (Trèsgrande penseplus en termesmétaphysiques qu'en termes purement utilitaires. Alors peut-êtremon discoursest-il * Lesrésultats présentés danscetarticle totalement farfelu maispour moic'est proviennent d'une enquête (Jean-Paul DAYAN). Financée parquestionnaires Stetson parla de la métaphysique. réalisée auprès deslecteurs delaBibliothèque Bibliothèque deFrance, l'enquête s'est La Bibliothèque nationale LouisHarris déroulée àmars parl'Institut etle sur12mois(d'avril1992 nationale, j'ai besoin qu'elle fonctionDépartement desciences sociales del'Ecole 1993) 4 513 questionnaires eta recueilli et bien Ainsi de autreprofesseur cet normale supérieure, lacollaboration de d'entretiens. ne ». unecentaine avec RIENque les DE TEL blée, le décor est planté.Se jouent autourdeslivres de la rue de Richelieu despartiesgravesoù deslecteurs mettenten jeuleurproprevie, dansce mondeet dansl'au-delà.Sansdoute tous ses lecteursn'entretiennent-ils pasavecla Bibliothèquenationaledes relationsd'une mêmeintensité,mais les sentimentsqu'exprimentsur un modeexacerbé cestroisuniversitaires, nouslesavonsretrouvésdefaçonplus latentechez de très nombreuxlecteurs.Une bibliothèquen'est pasun lieu de consommation culturelle comme un autre ; la Bibliothèque nationalemoins que tout autre (cf l'encadréHors du temps...). Dépositaire de la mémoiredu monde et monumenthistorique,la BN est l'une de ces grandesinstitutionsà même d'engendrerentreelle et seslecteurs des liens immatérielsqui débordent largementles fonctions techniques qu'elle estcenséeremplir :conserver le patrimoineécrit et en assurerla communication aupublic.C'estl'une desgrandesleçonsdecetteenquête. tribution moyenne,tant diffèrentles modesd'accèset lesrythmesde fréquentationde cetteinstitution. Car il y a bien deux manièresde compterles lecteursde la BN : ou bien on compteles individuset les plusnombreuxsontalorsceuxqu'on voit le moins ;ou bienon compteles partsdu volumed'«espace-temps» disponibleoccupées,et, dansce cas, les ce sontleslecteursstatistiquement moins nombreux - les habituésles plus assidus -qui occupentla plus grossepartdu volumespatialet temporeldisponible. De fait, les 26 387 laissez-passer de deux jours délivrés en 1992 n'ont donnélieu qu'à31800entrées (soit1,2 par titulaire).L'immensemajoritéde leurs titulairesne viennentà la BN qu'unseuljour paran,aulieu desdeux qui leur sontalloués.Quantaux8 334 cartesde 8 et de 24entréesattribuées, ellesont entraîné86 300 entrées(soit 10,4par titulaire).Sachantque les24 entrées sontvalablesdeuxans,lestitulairesde cartesde 8 et de 24 entrées semblentconsommerla plus grande qui leur est part de l'espace-temps Un public d'habitués allouée. Ce sonten revancheles titulairesde En 1992,la Bibliothèquenationalea cartesannuelles(7 802 personnes), délivré42 500 titresd'accèset enre- voire mêmeseulementune fraction gistré 287 000 entrées. Soit une d'entreeux, qui constituentles gros bataillons des lecteurs de la BN moyennede 6 à 7 journéespar perà eux seulsde sonneet par an. La réalité observée puisque,responsables s'écarteen fait fortementdecettedis169000 entrées,ils occupentprèsde de littératurequi, ayant fréquentéla BN dansles annéessoixante,a cessé de s'y rendreà la suited'un départen province.Y revenantvingt ans plus tard,il n'avaitjamaisfait renouveler sa carte.Et pourtant !« On a retrouvéla tracede macarte,il y avaitunecontinuité,j'avais l'impression,bien que beaucoup d'années se soientécoulées, qu'aucunfil n'avait étérompuet que j'étais toujourslecteur.Mêmesi entretempsj'aurais pu disparaître,mourir... je suis sûr d'ailleurs que les fichiers de la Bibliothèquenationale sontpleinsde lecteursdéfuntsou disparusdepuislongtemps ». Vie intérieure,métaphysique, survie, continuité,deuil,mort,éternité,d'em- 60 % desplacesdisponibles(soitune moyennede 22 entréespar personne au cours de l'année,ce qui correspond à environ un mois de jours ouvrables). Encorecette estimation(18 % des titulairesdestitres délivrésoccupant 60 % desplacesdisponibles) pèche-telle par défaut,puisquela fréquentation destitulairesde cartesannuelles est elle-mêmetrès diversifiée,certains n'y mettantjamais les pieds alorsque d'autresy viennenttousles jours. D'après les résultatsde notre enquête,et compte tenu du temps passéà la BN par lesdétenteursde cartesannuelles, ce sonten fait 18% deslecteursqui remplissent 64 % de l'espace-temps disponible.Occupant à euxseuls94 % decetespace-temps, l'ensemble des titulaires de cartes (annuelles, 8 et 24 entrées) n'en laisse finalementque 6 % aux titulairesde laissez-passer. La plupartdeslecteurss'y retrouvent d'ailleurs en milieu connu. Plus de troislecteurssurquatre(79 %) déclarent apercevoir,souventou quelque- fois, des connaissances quandils y viennent.Une part très légèrement moindre(73 %) déclarey parler souventou quelquefoisavecdesamisou desconnaissances. Il arriveà un lecteur surdeux de donnerdesrendezvous à des amis,des élèvesou des collèguesà la BN. Beaucoupmoins nombreuxparcontresontleslecteurs qui déclarenty nouer de nouvelles connaissances27 : % quelquefoiset 5 % seulement souvent.La BN estun lieu où l'on sereconnaîtmaisoù l'on fait peu deconnaissances nouvelles. Quelque soit le modede calcul,ces premières données invitentà serepréles publics de la BN sousla senter forme d'un ensemble de cercles concentriques. A la périphérie, leslecteurs les plus nombreuxet les plus volatilspuisque, telscertains papillons, leur duréede vie ne dépasse pas un jour. Au centre,le noyaustabledeslecteurs permanents,relativementpeu nombreuxmais gros consommateurs d'espace-temps.Entre ces deux extrêmes,s'étagent,en un dégradé savant,un ensemblede cerclesallant deshabituésmoinsassidusauxoccasionnelsintermittents. A chacundeces cerclescorrespondent desdemandes et desusagesspécifiques desressources de la Bibliothèquenationale,mais aussidesstatutssociauxet universitaires bien distincts ainsi que des degrésde légitimitéet de reconnaissancegraduésau seinde l'institution. Seuls15 % descartesannuellessont attribuésà des lecteursétrangersà l'universitéalorsque de 5 à 6 sur 10 deslaissez-passer délivrésreviennent à cesderniers. BN = TGBU Au coeurdu système, l'université.Etudiantspréparant undiplômedesecond cycleou un diplômed'étudesapprofondies(DEA) (26 %),doctorants travaillantà leurthèse,française ou étrangère(32 %), maîtresde conférences, professeurs et chercheursprofessionnels (25 %) représentent à eux tous prèsde 83 % du public.La première imagequenousoffre la BN estdonc celled'uneimmensebibliothèque universitaireune : TGBU.Troisdomaines derecherche s'y taillentlapartdulion : l'histoire(37 %), la littérature(22 %) et l'histoirede l'art (20 %). Condamnés à la portion congrue,les non-universitaires nereprésentent que 17% del'ensembledespublicsadmis à fréquenterla Bibliothèque nationale. Ils se partagent eux-mêmes pourmoitié en professionnels et en amateurs. Les premierssont écrivains,musiciens, metteursen scène,bibliothécaires,conservateurs, documentalistes, L'héritage de Julien Cain La structuredu public ainsi admisà fréquenterla BN n'estpasle fruit du hasard. La prédominance des recherches historiques et littérairesest à l'image du fondsdont les acquisitionsrécentes ontpeumodifiéla structure. Elle est aussi le produit d'une politique délibéréede réorientation. Ses principesont été formuléspar JulienCain dèsla fin desannées30. L'exiguïtédes locauxet le caractère patrimonialde la bibliothèqueimposaientderéserversonusageà descatégorieslimitéesdelecteurs les : universitaireset lesprofessionnels du livreet de l'écrit (bibliothécaires, archivistes, conservateurs,écrivains, éditeurs, éditeurs,journalistes spécialistes ; du journalistes) en sont,pourJulienCain livre, de l'art ou de l'information,ils fréquentent laBN dansle cadredeleur commepour tousles administrateurs généraux qui lui ontsuccédé, lesdestiactivitéprofessionnelle. Les seconds y nataires naturels. effectuentdes recherchespour leur d'autresbibliothèques, la : de leur A la différence comptepersonnelgénéalogie Bibliothèque nationale s'est en effet famille,histoirelocale,en particulier. donnéles de déciderde son moyens Ils comptentparmieux une part non public. deréorientation Lesprocédures négligeable de retraités. adoptées à Parissontplus sévères que danslesautres grandes bibliothèques de statutcomparable, laBritish Library en particulier. Beaucoup d'étrangers absolument incons'en étonnent réalitéslui paraissait c'est-à-dire typiquement gru, « (cf. l'encadré Une bureau- français». C'esten effet à l'aunetrès « nationale» du niveauquesontévacratie à la luéeslesaptitudes à sevoir délivrerou française...). refuser titre d'accès'. un Tel cet étuofficiellement diant améri- Destextesréglementent les conditions d'entrée. Une listeprécicain qui ne le des autorisées à statut se personnes comprenait consulter les livres : chercheurs, propas pourquoi fesseurs d'université, étudiants à partirdu on lui deman- troisième cycle dans certains ou, cas,dela dait un récépissé de ses diplômes alors 1.Silesprocédures d'admission sont qu'il venait « typiquement françaises ladomination des », universitaires n'estpas auseindupublic consulter un à l'hexagone ; lepublic propre en1990-1991, livre. Le lien delaBritish Library comptait environ 70% (students etassimilés entreles deux d'universitaires + academic staff professional + researcher). maîtrise, bibliothécaires,archivistes et conservateurs de musée,écrivains, édijoumateurs, listes, ceux qui recherchent des documents introuvables dansd'autres bibliothèques. L'ordre de cette liste indique la priorité accordée de droit à l'université. La détention d'un statutuniversitaire ou professionnel l'emporteici surl'expression d'un besoin documentairespécifique.Au seinmêmedela population universitaire, ce sontleshistoriensqui seretrou- moyen qui fréquentela BN,contrairement à la BPI (Bibliothèque publique d'information), où 49 % des lecteursont moinsde25 ans. Pluscaractéristiques encore, le degréélevé d'ancienneté de la fréquentation (14 ans en moyenne)2, les fortes proportions de célibataires(49%) n'estlecasquede49 % deshommes. etdelecteurs enfants (67% n'enont sans Le mouvement qui porteles femmes aucun, dont45 % parmileslecteurs âgés verslesétudessupérieures trouveà la de40à 49 ans),commelafaibleproporBN un échoamplifié,en raisonde la tiondeceuxquitravaillent à plein-temps surreprésentation, danscetteenceinte, (47%,soitmoinsd'un surdeux) . Associésà unefréquentationassidue - 40 % déclarenty travailler habituellementplus de sept heurespar jour, 24 % affirmenty êtrevenustous les jours au cours du mois précédent - tous , cestraitssuggèrent une forte mobilisationdes lecteurs autourde la bibliothèque,mobilisation qui s'apparenteà une véritable littérairesau senslarge professionnalisation.Autant d'éléventlesplusnombreux.Cesontaussi desrecherches (histoire,français,histoirede l'art...). mentsqui contribuentà rendrecompeuxqui sontadmislesplusjeuneset le C'est au cabinetdesestampes plustôt dansleurcursus. et aux te du vif attachementmanifestépar manuscrits orientauxque lesfemmes unegrandepartiedeslecteursà cette Leshommes institution. sontlesplusnombreuses. Des lecteurs sont en revancheplus représentés parmilesprofessionnels, universitaires à plein-temps Le statut universitaire ounon,et lesamateurs. qu'ellesoit - 58% des Le résultatenregistré étaitdonc atten- Pourstudieuse du. Le sont moins, en revanche, lecteurs poursuivent encore des Lesformeset l'intensitédecetattached'autres traits sociodémographiques études-, la populationdes lecteurs ment varientd'ailleursselonles lecn'est pas pour autantjuvénile. La (cf. l'enpropresà lapopulationdeslecteurs(cf. teurset lessallesfréquentées l'encadréQui sontles lecteursde la moyenned'âges'y élèveà 38 anset cadré Chaque salle a-t-elle son 11mois.Le bon quartd'« étudiants» Bibliothèquenationale?). Autantde public ?). Lesclivages opérés entreles femmesque d'hommes, contrairement préparantdesdiplômesinférieursà la thèsene suffit pasà abaissernotableà l'idée reçuequi représentela BN univers essentiellement ment la moyenne puisque l'âge 2.Ancienneté mesurée d'années comme un parlenombre lapremière inscription àlaBN entre masculin. Plusjeunesquelesseconds, moyendecettecatégorie estlui-même écoulées l'année del'enquête, tenircompte des sans : anset 4 mois.C'estdonc et 70%desfemmesadmises à la BN sont avancé 27 interruptions éventuelles. Ladurée moyenne plutôt l'éternel étudiant l'étudiant desétudiantes Ce d'interruption que estdequatre ou desdoctorantes. ans. premierspar le sexe,la nationalité,la résidence parisienne ou provinciale,la spécialité,la nature des recherches effectuées ne sontpasnuls ; mais ils dès lors qu'on les sont négligeables compareaux différencesde comportementset de conduitesentreuniversitaireset non-universitaires, étudiants et doctorants,selonleur degréd'ancienneté.Parmi toutes les variables étudiées, c'esteneffet lacombinaison du lecteurà entreledegréd'ancienneté la BN et sonrapportà l'universitéqui s'est révéléela plus sensiblepour rendrecomptede la plupartdesvariations observéesdans les comportementsou lesopinions. Les étrangerssont nombreuxà fréquenterla BN, puisque,sur l'ensemblede l'année,plus d'un lecteur sur cinq est étranger(un surtrois en juillet-août).Mais leurs conduiteset leurs aspirationss'alignentsur leurs homologuesfrançaisde statutidentique.A la BN, un professeuraméricain ou italien ressembleplus à un professeur françaisqu'à un doctorant américainou italien.En matièred'interconnaissance, parexemple,un uni- versitairefrançaissur deux déclare apercevoirsouventdesconnaissances à la BN. C'est aussile casde quatre professeurs étrangerssur dix. Alors lesétudiants que,françaisouétrangers, et les doctorantsdéclarenttoujours apercevoirmoins de connaissances chevronnés. Des que lesuniversitaires écartsdemêmesenss'observent dans la maîtrisedesprincipauxoutilsde la BN : les performances croissenten fonctiondu statutuniversitaireet de l'ancienneté. La tendance n'estenrien affectéepar la nationalitédu lecteur, certainsuniversitairesétrangersen remontrantsouvent à leurs homologuesfrançais. L'argent, le bruit le temps, Plusencoreque tel ou tel comportement,c'est l'attitudegénéraledu lecteurà l'égardde la BN ainsique son systèmed'attentesqu'organisentle statutuniversitaireet le degréd'ancienneté.Invitésà formulerau basde la dernièrepagedu questionnaire ce qu'ils jugeaientbon d'ajouter,un tiers desrépondants a utilisécettepossibilité. Beaucoup ont célébréla beautédu lieu et louéla compétence desconseraussisesontplaints vateurs,beaucoup destempsd'attenteet desdifficultés rencontrées dansledomainedelaphotocopie.Un examenplusattentifdes données met pourtantà jour desdifférencesplus subtiles.Les plusjeunes, les novices, particulièrementnombreuxparmilesétudiants, seplaignent de la froideurde l'accueil,de la difficulté à s'orienterdanslescatalogues (cf. l'encadréLescatalogues,un labyrinthe...), etdu prixdesphotocopies. A mesurequ'on s'élèvedansla hiérarchie universitaire et qu'on va versles doctorants qui préparent unethèse,les motifs de récriminationévoluent.On neparleplusargentmaistemps,on ne se plaintplusdu froid, on souhaitedu caféchaud on ; déplorela longueurdes délaisdecommunication et lesqueues à l'entrée,on souhaitela miseenplace de lieux plusconviviaux,on demande l'extensiondestablesavecdesprises pour des portables.On commence aussiàévoquerTolbiacou laTGB tantôt commeunemenace, tantôtcomme panacée. une Tout autreest le ton desremarques formuléespar les universitaireschevronnéset les lecteursdotés d'une ancienneté pluscanoniqueles : motifs de satisfactionl'emportentici sur les récriminations les ; critiquescontrela TGB se font plus radicales ;maisce donton seplaintsurtoutà la BN, c'est du bruit desporteset...desautreslecteurs,jugés « beaucouptrop nombreux », ainsi que de l'irrespectdu grandpublicpourleslivres.L'argent, le temps,le bruit, autantd'aspectsde la BN que les universitairesrencontrentcommedes étapesau coursde leur carrière.C'est chezlesamateurs que sourdentà nouveaules plaintes surlesdifficultésde l'accèset la froideurde l'accueil. La France d'abord Une analyse lexicographiquedes sujetsde recherchedéclaréspar les lecteursdansle questionnaire permet de préciserla naturede leurscentres d'intérêt. L'histoire y occupe une placemaîtresse, suivie par lesétudes littéraireset l'histoire del'art. A elles seules,cestrois disciplinesabsorbent plusde80 % desrecherches encours. Le XIXe est de loin, le sièclele plus mentionné,suivi du XVIIIe, puis,en ordre décroissant, desXVIIe, XXe et XVIe siècles.Histoirerécentedonc,à la fois moderneet contemporaine, maiségalement histoirenationale les : lecteurscentrentleurs intérêtssur la France,puisqu'encumulanttous les mots,substantifsou adjectifsqui ont trait à la Francedans les libellés (France, français, française, françaises...),on parvientà un scoretrès légèrementinférieur aux deux mots dansce revenantleplusfréquemment corpusde sujets :histoireet siècle.Il faut descendre très basdansl'échelle desfréquences pourtrouvermentionnésdes pays étrangers, les premiers citésétantnosvoisinsimmédiatsl'Es: l'Allemagne, l'Italie l'Angleet pagne, terre.Les paysextra-européens ne se rencontrent que parmi les bassesfiéquences : les Etats-Unis,l'Algérie, l'Afrique, la Russie ne sontmentionnésque neuf fois, l'Amérique, l'Asie et l'Egypte remportant des suffrages encoremoins nombreux. Quant aux autres pays du monde,ils relèvent des fréquences subliminales, puisqu'ils apparaissent en dessous du seuil limite retenu (plus decmq citations dansl'ensembledu corpus).Parordre de fréquences décroissantes sontainsi mentionnés entrequatreet cinq fois : Inde, « Rome », Hollande,Japon, « Arabes », Brésil,Chine,Madagascar. Quelquesautres pays apparaissent encoreuneà troisfois,et beaucoup ne sontjamaiscités. decours.Surtout, c'est chez les universitaires que culmine la référence au(x)siècle(s). Totalement absente parmi les mots les plus caractéristiques des étudiants, cetteréférence aux siècles s'amorce chezles doctorant s (XVIIIe,XIIe, XIe, XVIe) pour s'épanouir chez les professionnels de biographes, éditeursou préparateurs l'université (XVIIIe, XVIe siècles d'édition. chezleshommes XVIe, ; XIVe,XVIIe, Fille ou garçon,l'étudiant(e)indique XVIIIe,XVesiècleschezlesfemmes). d'abordsonniveaud'études(maîtrise A mesurequ'elle progresse, la carrièdeslecteursde la BN ou DEA) et non la disciplinequ'il re académique pratique.L'étudiant ne se sent pas se spécialiseet enracineses cherencoreautoriséà déclarerqu'il fait de cheursdansdes territoirestemporels l'histoire,delalittératureou dela phipar lesquelsils se définissent.Le losophie (une exception toutefois XVIIIe siècleapparaîtalorscommele pourla musicologie)et encoremoins carrefourle plus fréquentéà la fois Histoire qu'il est historien,littéraireou philopar lesdoctorantset lesuniversitaires sophe.Il estseulement maîtriseou grand professionnels. H en avec un en DEA. Il déclarealorssonsujetde Dèslorsqu'on quittel'université,disOn pouvaitsupposer paraît aussitôt toute référenceaux que la spécialité la façonla plusneutrepossibleenfaila discipline constituait le grand sant précéderle sujet étudié d'un siècleset aux disciplines.On change ou principeorganisateur de l'universdes simplearticle,La, Le, le, les. ici d'univers.Le non-universitaire se Plusavancésdansla carrière,lesdoc- distinguedetouslesautresparcequ'il sujetsde recherche. Tel n'est pas le torant(e)sne négligentpasd'indiquer appelle Recherche(s),au singulier cas (cf. l'encadré Les sujets de la raisonuniversitairede leur présen- commeau pluriel,l'activitéqu'il prarecherchequ'ils déclarent).De fait, l'analyse lexicale des sujets met ce (Thèseavecun grandT enpremiè- tique à la BN. Cesrecherches désimoinsenévidencedesdifférencesde re position chez les hommes,avec gnenten fait desactivitéstrèsvariées spécialitésou d'objetsdansle voca- une minusculechez les femmes). qui correspondent au caractèrehétébulaire utilisé par les lecteurspour Mais ils s'estiment,les uns et les rogènede la population« nonuniverde leur spécialité sitaire ». Recherched'un texte ou définir leur rechercheque desécarts autres,assezassurés dansla présentation de ces sujets,et pourrevendiquer avecune majuscule d'un documentpour une émission, doncaussidansla façonde seprésen- (c'est-à-direà l'initiale) leur discipliuneédition (travailde documentalisLittérature, te) ou pour le jouer (comédien), A ceuxqui revendiquent ne :Histoire,Philosophie, ter soi-même. his- Linguistique,Lettres. recherched'une petiteannoncedans d'abordleurdiscipline -littéraires, à part entiè- lecadred'un litige, recherche toriensou philosophes et - se définis- Quantaux universitaires personnelledansle cadred'un hobbydonsentparl'étuded'unepériode(« leur » re, ils déclarentbien sûrque leur travail est de l'Histoire. Mais ils spéci- nantun sensà sa retraite.Beaucoup période, classique, moderne ou fient aussi sa natureprofessionnelle moinsstrictet universitaire,le découcontemporaine) s'opposentceux qui les raisons les mettenten avant en précisantqu'il s'agit d'un travail pagethématique et temporelestaussi ou d'uneédi- beaucoupplus ouvert.Coexistentici motifsde leur présence à la BN : étu- d'Edition, de Préparation, d'oeuvres, demanuscrits diants déclarantle diplôme préparé, tioncritique, lesdocumentalistes, les retraités,les ou artistes,comédiensou musiciens,les généalogistes et ceux qu'on appelait autrefoislesamateursou les simples « curieux » pour les distinguerdes savants. La production de normes A l'exceptiondes rechercheseffectuéesparcesderniersqui nereprésententjamaisque 14à 15% du public, la curiositésavante estdonc,à la BN, fortementencadréepar lescanonsde la rechercheuniversitaire,dans ses découpages disciplinaires commepar les priorités accordéesà certains objets ou à certainespériodes,le XVIIIesiècleen particulier.Le trésor universelet encyclopédique qu'offre la bibliothèqueestainsisoumis,dela à un processus de partdesesusagers, lecturesélectivedont lesprincipeset lescatégories doiventêtrerecherchés dansles cadressociauxde l'institution universitairedu moment. Hautlieu de la recherche historiqueet littéraire,templede la curiositédésintéressée à l'abridetouteslesdemandes économiques ou sociales,la BN offre doncdansla sommedescuriositéset desintérêtsintellectuels de seslecteurs uneoccasionuniquedemettreaujour lescadressociauxdela recherche universitaire enmatièred'histoireetdelittérature. Elle concourtquantà elle,par l'actionconjuguée de sonarchitecture desnormesqui façonnentpeuà peuet et de son climat intérieur,sesrègles defaçondurableleurscomportements officielleset sescodesofficieux,à proet leursfaçonsdetravailler. duire,chezleslecteursqu'ellea élus, Avril 1994