la retraite à 60 ans - LE BLOG DE HUGUES ROYER
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la retraite à 60 ans - LE BLOG DE HUGUES ROYER
la biographie qu’il lui consacre, Hugues Royer uDans se penche sur l’avenir du chanteur. Francis Cabrel la retraite à 60 ans DE NOTRE CORRESPONDANT À PARIS, SERGE BRESSAN. C e 23 novembre, en sa maison d’Astaffort (Lot-et-Garrone), Francis Cabrel fêtera discrètement son 57e anniversaire. Mais une petite phrase prononcée par sa sœur Martine et rapportée dans “Cabrel, biographie”, le nouveau livre de Hugues Royer, fait ces temps-ci débat : « Sincèrement, je crois qu’il va continuer à écrire et à chanter. Mais enregistrer un autre album, je ne crois pas. Sa dernière tournée était tellement magique. C’était, à mon sens, son plus beau spectacle. Je crois qu’il va en rester là… » Alors, la question est posée : Francis Cabrel, onze albums entre 1977 (“Les murs de poussière”) et 2008 (“Des roses et des orties”), a-t-il pris sa retraite ? Sinon, va-t-il la prendre à 60 ans ? Hugues Royer : « Il est à un âge où on ne veut pas faire le combat de trop, et on le comprend. Il se voit mal sur scène à 80 ans chanter “Je l’aime à mourir”. Il veut à tout prix éviter d’être pathétique… » Mais l’auteur de cette biographie précise : « Ce n’est pas la première fois qu’il évoque un possible retrait. Déjà après l’album “Sarbacane”, en 1989. » Ami de longue date, Michel Drucker confie à Hugues Royer : « À la limite, si un jour il décidait d’arrêter parce qu’il a le sentiment d’avoir tout dit, sur les onze albums qu’il a publiés, il y a suffisamment de chefs-d’œuvre pour qu’il ait la conscience tranquille. Dans le répertoire de Cabrel, il y a quinze chansons incontournables, d’un très haut niveau.» Un autre animateur radio télé, Laurent Boyer (RTL et M6), explique : « Honnêtement, je ne le vois pas s’arrêter. C’est comme une source qui ne se tarit pas. Puisqu’il se donne le temps de transformer en chansons les émotions multiples qui le traversent, il n’y a aucune raison qu’il s’arrête ». La question 20 SOIRMG4090_RR_CABREL_Ben.indd 20-21 est posée… La réponse flotte… Et si Cabrel était déjà à la retraite ? Hugues Royer : « Cette question, il se la pose depuis longtemps. Il y a chez lui comme une paresse, une lenteur… Écrire et composer un album, ça lui demande rePOrTerS SYLVAIN PIrAUX Dans son répertoire, il y a quinze chansons incontournables 21 16/11/10 16:28:07 Onze albums en 33 ans… il est moyennement satisfait du résultat. Deux ans plus tard, c’est le premier carton commercial avec “Les chemins de traverse” (sur lequel figure l’énorme tube “Je l’aime à mourir”). Dès lors, tout album estampillé Francis Cabrel sera garant d’un succès vertigineux, l’assurance pour la maison de disques d’en vendre au moins 800.000 exemplaires ! Il y aura “Fragile” (1980), “Carte postale” (1981), “Quelqu’un de l’intérieur” (1983), “Photos de voyages” (1985), “Sarbacane” (1989), “Samedi soir sur la Terre” (1994), “Hors-saison” (1999), “Les beaux dégâts” (2004) et “Des roses et des orties” (2008), soit 11 albums en 33 ans… un effort énorme. Un effort surhumain. Tout comme partir en tournée, s’éloigner longtemps de sa famille, se soumettre à l’exercice de la promo et du service après-vente. Et puis, il n’a pas grand-chose dans ses tiroirs. Tout juste quelques chansons dont une qu’il n’a pas mise sur son album “Des roses et des orties”, paru en 2008. Une chanson sur son propre enterrement… » Pour son livre, Hugues Royer a fait le voyage à Astaffort, là où vit Francis Cabrel. Il y a rencontré des membres de la famille du chanteur, des amis, le maire du village. Il avait demandé à Cabrel de le recevoir : il a refusé, se justifiant en disant qu’il ne donnait pas d’interview spécifique à l’écriture d’une biographie. « Il m’a signalé qu’il avait donné beaucoup d’entretiens à la presse lors de la sortie de ses albums. Et puis, il y a aussi les textes de ses chansons. Comme je voulais comprendre quel homme il est, j’ai emprunté des chemins de traverse, des routes détournées », dit encore l’auteur de “Cabrel, biographie”. ; PHOTOS : reporters ; les chansons de Neil Young, Leonard Cohen et, évidemment, celles de son idole, Bob Dylan. À 17 ans, il monte son premier groupe de folk rock. « La guitare, ça permettait de faire l’intéressant devant les filles », confiera-t-il plus tard. Il y a Ray Frank et les Jazzmen, Les Gaulois, les “balloches” où, de dos parce qu’il a honte, il doit chanter les tubes français, dont “Mourir de plaisir” de Michel Sardou… À 21 ans, il remporte un concours de chanson à Toulouse avec “Petite Marie”, sa chanson dédiée à sa femme Mariette. En 1977 paraît son premier album : “Les murs de poussière”. Look hippie, cheveux longs et moustache, Il va chanter le zizi… On entendra à nouveau Francis Cabrel en 2011. Non pas avec un (hypothétique) nouvel album, mais dans une chanson qui figurera sur la BO du premier film de Zep, le dessinateur suisse créateur de Titeuf. Titre de la chanson : “Les filles à quoi ça sert ?”, écrite et composée par Zep et arrangée par Jean-Jacques Goldman. Lequel a tenu à demander à ses amis Alain Souchon et Bénabar de chanter avec Cabrel. « J’ai dit oui les yeux fermés », raconte le chanteur de “Petite Marie”. Et de justifier : « Avec le duo Goldman-Zep, je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison d’hésiter. J’ai dit oui tout de suite ! Puis j’ai reçu la chanson en MP3, avec Jean- Il vit avec sa femme et ses filles Au quotidien, il y a Mariette, sa femme, Aurélie, Manon et Thiu, ses filles. Précision apportée par l’auteur de “Cabrel, biographie” : « À travers la chanson “Petite Marie”, on pourrait croire que Mariette est une personne douce, effacée. Ce n’est pas le cas. Elle a un caractère très fort, elle est très organisée. C’est elle qui gère tout à la maison ! » L’homme solitaire, totalement ordinaire Cabrel a choisi de vivre là où il a grandi. Astaffort, village du Lot-et-Garonne, à moins de 20 kilomètres de la “capitale” locale, Agen. Un homme qui, au début de sa carrière, a vécu ses dix années en banlieue parisienne puis à Paris comme un exil. Un homme qui entretient un rapport paradoxal avec la solitude, comme l’indiquait Pascale Spizzo dans son livre “Francis Cabrel. Trente ans de chansons en 2007” : la solitude « entraîne chez lui des réactions opposées. Tantôt il la recherche, tantôt il essaie – la plupart du temps vainement – de la vaincre. Il faut en fait préciser les termes. 22 SOIRMG4090_RR_CABREL_Ben.indd 22-23 reporters Cabrel a des revenus considérables mais il a toujours le complexe de l’argent Cabrel ne recherche pas la solitude, il rejette le collectif. Ce qu’il reproche à la masse, c’est précisément son uniformité… » Et Martine, la sœur aimée, celle qui dans les premières années 1970 participait aux mêmes concours de chanson que Francis, de proposer à Hugues Royer un décryptage de son chanteur de frère : « Gainsbourg, c’est un personnage. Brel aussi. Mais Cabrel, ce n’est pas un personnage. En Jacques qui chantait les lignes de voix que j’allais enregistrer. Et Zep est venu à Astaffort… L’enregistrement était rapide, mais on en a profité pour parler de plein de choses ! » L’affaire a été bouclée en fin d’année dernière. Et Francis Cabrel rappelle qu’il est très rare qu’il interprète les chansons des autres : « Ça n’arrive en principe jamais, précise-t-il. Mais déjà pour “Le Soldat rose”, j’avais dit oui sans écouter la maquette. C’était pour Louis Chedid, quelqu’un qui a toute mon estime.» Mais voilà : dire oui les yeux fermés peut réserver quelques surprises. Certes, le chanteur d’Astaffort connaît les BD et dehors de cette carrière extraordinaire, c’est quelqu’un de totalement ordinaire. » Un personnage qui est quasiment hanté par le temps qui passe. Par l’âge. Encore Hugues Royer : « Dans quelques jours, il va fêter son 57e anniversaire. 57 ans, c’est l’âge auquel son père est mort… » L’âge, encore et toujours… En 2008, lors d’une rencontre pour évoquer son nouvel album “Des roses et des orties”, il nous confiait : « C’est la première fois de ma vie qu’il y a un président de la République plus jeune que moi… » Aujourd’hui, célèbre et richissime, « il est chef de clan mais pas leader », raconte Hugues Royer. « Il a racheté la maison où vivaient ses parents, où vit toujours sa maman. Il est très proche d’elle, d’ailleurs. Il l’appelle tous les jours. Et sa sœur dit qu’il apprécie être entouré de femmes. » Cabrel à l’hôtel de ville de Bruxelles avec les Noirauds, représentant l’Oeuvre royale des Berceaux Princesse Paola. ; u Né le 23 novembre 1953 à Agen (Lotet-Garonne), Francis Cabrel grandit à Astaffort, une petite ville de 2.000 habitants. La famille est modeste, originaire de la province italienne du Frioul. Le père est ouvrier dans une biscuiterie, la mère caissière dans une cafétéria. Il a une sœur : Martine, et un frère, Philippe. Adolescent, il joue au basket-ball dans les équipes de jeunes des Bleuets d’Agen. Il sera renvoyé du lycée pour indiscipline. À 13 ans, à la radio il entend “Like a Rolling Stone” de Bob Dylan : ce sera une influence essentielle pour sa carrière. Le Noël suivant, son oncle Freddy lui offre une guitare. Il va reprendre Richissime mais discret Se promenant dans Astaffort, parlant avec des habitants et aussi le maire de ce village du Lot-et-Garonne, Hugues Royer a mieux compris qui est Francis Cabrel. « Il est né dans une famille modeste. Il n’y avait pas d’argent chez les Cabrel. Ils faisaient les fruits et légumes dans leur jardin, et tout en élevant ses trois enfants, la maman allait travailler à la cafétéria… Francis Cabrel, c’est une réussite extraordinaire. Il a aujourd’hui des revenus considérables, mais il a toujours le complexe de l’argent… C’est aussi une des raisons pour lesquelles le public l’apprécie : il est resté fidèle à ses valeurs. » Question : que fait-il donc de son argent, lui qui, pour un album francophone, détient le record de ventes – plus les dessins animés de Zep, mais il a découvert le texte de “Les filles à quoi ça sert ?” peu avant d’entrer en studio d’enregistrement. Et là, lui l’apôtre du romantisme et du bucolisme, il avoue que « la chanson m’a surpris, parce qu’il fallait dire le mot “zizi” à un moment donné. Je ne dis pas souvent ce mot dans mes propres chansons, mais bon… » Et Zep de révéler la phrase de la chanson qui a fait frémir Francis Cabrel : “Désolé les filles, mais vous n’aurez pas mon zizi, tant pis…” de 3,5 millions d’exemplaires avec “Samedi soir sur la Terre” (plus que Mylène Farmer, Céline Dion ou encore Johnny Hallyday !) ? « Oui, il est richissime, explique Hugues Royer. Et pourtant, derrière sa propriété, lui, il ne cache pas un terrain de tennis ! Chez Cabrel, il n’y a aucun signe extérieur de richesse. Il a sa maison à Astaffort, une résidence secondaire au Pays basque à Hossegor, un appartement dans les Alpes et sa femme a un magasin de décoration à Agen… Son seul luxe : une collection de guitares, avec des spécimens rares donc très chers ! Mais surtout, il est très généreux. Ainsi, il a financé pour moitié la rénovation de l’ancienne école qu’on appelle la “Cabrel Academy”, ou encore la création d’une salle de spectacle de 700 places. En 2009, il a organisé un concert et laissé la totalité de la recette (près de 100.000 euros) au profit des sinistrés de la tempête Klaus au Pays basque…» Un aveu “cabrelien” : « J’ai eu déjà tellement plus que je n’osais en rêver lorsque j’avais 17 ans. Le temps qu’il me reste dans ma carrière ne sera donc que du plaisir, débarrassé des angoisses attenantes aux résultats commerciaux, aux signes de reconnaissance, aux places de palmarès ». Une autre confidence : « Ce n’est pas très modeste, mais j’aimerais que mes chansons durent, vieillissent, qu’elles résistent et existent, même après moi… » La retraite Et si Francis Cabrel voulait vivre une autre vie, une deuxième vie après celle de chanteur ? Hugues Royer : « Mais il l’a déjà, cette autre vie ! Il est déjà dans une forme de reconversion. Il est très heureux à Astaffort. Le matin, il emmène sa fille à l’école, il va voir ses vignes – une exploitation qui ne produit pas moins de 35.000 bouteilles par an… Il a les Rencontres d’Astaffort qu’il organise deux fois par an… Il est occupé. Très occupé. Et il vit un quotidien assez doux et sympathique. Il est difficile de sortir de cette vie-là ! » S. B. “Cabrel”, Hugues Royer, éd. Flammarion, 300 p., 19,90 euros. 23 16/11/10 16:28:19