Un si Proche-Orient - Festival International du Film d`Histoire de
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Un si Proche-Orient - Festival International du Film d`Histoire de
CATALOGUE 2015 DU FESTIVAL DU FILM D’HISTOIRE SOMMAIRE 3 ÉDITOS 5 LES SÉANCES SPÉCIALES 11 LES INVITÉS, LES JURYS 21 UN SI PROCHE ORIENT – LES DÉBATS 67 UN SI PROCHE ORIENT – LES FILMS 125 LE PRIX DU FILM D’HISTOIRE – CATÉGORIE « FICTION » 137 LE PRIX DU FILM D’HISTOIRE – CATÉGORIE « DOCUMENTAIRES INÉDITS » 152 PANORAMA 2015 DU DOCUMENTAIRE D’HISTOIRE 156 LE PROGRAMME PÉDAGOGIQUE 160 REMERCIEMENTS, GÉNÉRIQUE 163 INDEX DES FILMS © MJ2R Jean-Noël Jeanneney Président d’honneur du Festival Alain Rousset Président du Festival Il n’est guère, sur notre planète, de territoires où se soient concentrée, au long des âges, en dépit de leurs dimensions limitées au regard de toutes les terres émergées, une telle intensité de passions et d’intérêts, de mythes et de religions, de générosités et de haines. Par quoi l’évidence a surgi pour nous qu’il faudrait en faire quelque jour le thème et l’enjeu d’une édition de ce festival. La voici. Plus l’actualité est pesante (et rarement le fut-elle autant qu’à l’heure de Daech et des djihadistes), plus s’imposent le recul des réflexions et la fécondation des émotions. Dans leur dialogue, le Festival de Pessac est passé maître. D’Alexandre à Saladin, de Bérénice à Lawrence d’Arabie, de Ponce Pilate à Ben Gourion, de Zénobie à Khomeyni (libre à chacun de compléter à son gré…) les personnalités les plus diverses scandent cette histoire, dans les livres et sur les écrans, en puissantes couleurs et en contrastes violents. Souvent, c’est du dehors que sont venues se déployer les affrontements les plus brutaux : le Liban en sait quelque chose… Et les croisades ont laissé des marques indélébiles. Cette portion de la terre s’est affirmée comme un enjeu sans pareil, parmi le tourbillon des langues, pour toutes les rivalités des croyances. À Moïse, à Jésus répond Mahomet. Le Grand Pan une fois mort, hélas ! et le Panthéon grec et romain rejeté dans la séduction des belles aventures disparues, les monothéismes ont chacun tâché d’imposer leur Dieu, avant que ne les divisent à leur tour, souvent, des allégeances hostiles : du côté de l’Islam, spécialement, notre temps en sait quelque chose, pour un malheur partagé. De tout cela le cinéma rend compte à foison. Lorsque du sable a jailli le pétrole, une telle pluie de dollars est tombée sur une partie de ces lieux que le choc de deux univers, l’un enraciné loin en arrière dans le temps, l’autre enivré de modernité, s’en est trouvé stupéfiant par la brutalité de ses effets. Et sur les écrans, de toutes les manières possibles, les talents s’en sont, de longue main, inspirés. Nous séparerons-nous, à l’issue de cette semaine d’amitié, avec le sentiment d’avoir éclairé le mystère de cette exceptionnalité ? Ce n’est pas sûr, tant il se défend bien. Mais gageons, sans risque de nous tromper, que nous serons riches d’une familiarité nouvelle avec cette partie du monde dont sont venus et viennent encore vers notre Europe (à moins qu’elle ne soit allée les y chercher) tant de forces neuves et tant de périls belligènes. Nous n’aurons pas la prétention d’être exhaustifs : tellement sont ici profus les thèmes, les parcours, les rencontres. Qu’il suffise donc que, cette année encore, nous repartions, comme toujours, gorgés d’images et de mots ; de certitudes, probablement pas, mais avec des questions aiguisées et des souvenirs forts, c’est-à-dire (pourquoi pas ?), un peu plus de lucidité. Pour cette 26e édition du Festival International du film d’histoire de Pessac, son co-créateur Jean Lacouture n’est plus parmi nous. Je tiens à saluer la mémoire de ce grand journaliste, historien et biographe, à ce témoin du XXe siècle qu’il a décrit avec un talent remarquable au fil de plus de soixante-dix ouvrages. La création du Festival international du Film d’Histoire en 1990 est pour moi un souvenir merveilleux. Nous avions conçu ce festival avec Jean Lacouture et Jean-Noël Jeanneney sur la base d’un mariage entre l’Histoire, une passion commune, et l’image. Nous avions l’intuition qu’un large public pouvait trouver un intérêt à participer à des débats, avec des écrivains, gens de cinéma, journalistes et universitaires, autour d’une sélection de films d’Histoire. Le succès ne s’est jamais démenti depuis la première édition. Merci à vous tous d’être chaque année plus nombreux. Le thème du Festival international du Film d’Histoire 2015, « Un si Proche-Orient », n’aurait pas déplu à son cofondateur, qui débuta sa carrière de reporter au Caire. Je me félicite cette année encore de la qualité et de la richesse d’une manifestation qui va vous offrir, à travers 98 longs-métrages, une semaine de débats passionnants autour d’une trentaine de spécialistes du Proche et du Moyen-Orient. Le pétrole a-t-il fait le malheur du ProcheOrient ? Pourquoi cette région est-elle devenue la poudrière du monde ? La démocratie se décrète-t-elle ? Autant de questions complexes, passionnantes, qui seront abordées tout au long du Festival pour mieux comprendre ce Proche-Orient si beau, mystérieux et imprévisible. Bon festival à toutes et à tous ! ÉDITOS 3 LES SÉANCES SPÉCIALES avec FRANCE TÉLÉVISIONS - PREMIÈRES FRANÇAISES Vendredi 20 novembre à 19H45 – cinéma Jean Eustache Elizabeth II, la révolution d’une reine Pierre Hurel – France – 2015 – 90 mn AUTEUR-RÉALISATEUR Pierre Hurel NARRATEUR Denis Podalydès IMAGE Damien Vercaemer MONTAGE Raphaël Peaud CONSEILLER HISTORIQUE Robert Lacey PRODUIT PAR Fabrice Frank, Gaël Leiblang, Emmanuel Chain, Thierry Bizot PRODUCTION Elephant Doc AVEC LA PARTICIPATION DE France Télévisions Au milieu des années 90, Elizabeth II, Reine d’Angleterre, a connu la plus forte crise de son règne. Attaquée sur sa fortune et ses privilèges par des contribuables britanniques secoués par la crise économique, choquée par les règlements de compte entre son fils le Prince Charles, héritier du trône, et son épouse la Princesse Diana qui souillent à jamais l’image de la royauté, Elizabeth perd pied. La jeune reine mystique, prête à tous les sacrifices pour la Couronne, est devenue une monarque austère et dépassée. Dans les jours qui ont suivi la mort de la Princesse, la monarchie elle-même était en danger. Mais Elizabeth II a su réagir. À 70 ans, la reine d’Angleterre va enfin s’adapter à son époque, fendre l’armure, sortir de sa réserve, pour devenir, au début des années 2000, la royale grand-mère de toute la nation britannique. Aujourd’hui véritable icône vivante, elle prépare le futur de la Couronne en coachant son petit-fils, le jeune prince William. Ce film veut lever un coin du voile de l’histoire intime d’Elizabeth II. Découvrir un peu la femme derrière la reine. Raconter ses choix, ses doutes, ses émotions, et comprendre ainsi comment cette souveraine sortie d’un autre siècle a pu survivre malgré les sacrifices, les scandales et les années. Survivante imperturbable devenue une icône mondiale, Elizabeth II se jure de régner jusqu’à sa mort. Vendredi 20 novembre à 17H15 – cinéma Jean Eustache Protestants de France Valérie Manns – France – 2015 – 2 x 52 mn Épisode 1 : Une blessure française – Épisode 2 : Au nom de la République PRODUCTION Compagnie des Phares et Balises, France Télévisions PRODUCTEURS Fanny Glissant, Jean Labib RÉALISATION-SCÉNARIO Valérie Manns IMAGE Nicolas Le Gal MONTAGE Philippe Baillon MUSIQUE Jérôme Rebotier COMMENTAIRE DIT PAR Irène Jacob Les protestants fascinent et dérangent. Ils ont nourri mythes et fantasmes pendant des siècles. Ils ont suscité haine et rejet. Cette minorité, la plus ancienne sur le sol français, la plus secrète et jusqu’en 1940 la plus persécutée, reste méconnue du grand public. Elle a pourtant contribué à inventer la France d’aujourd’hui. Leur histoire, c’est la nôtre. C’est celle d’une blessure française, marquée par l’intolérance et la répression. Mais c’est aussi celle d’une intégration. Les Protestants de France ont participé à l’essor du capitalisme. Au nom de la République, ils ont adhéré aux grands combats chers aux Français : la démocratie, l’école, la laïcité. Malgré l’essor du mouvement évangélique, les protestants représentent désormais une infime minorité. Est-ce là le prix à payer pour leur goût de la laïcité ? Quel est l’avenir de cette communauté ? Qui sont les protestants d’aujourd’hui ? Pour la première fois, ils s’expriment sur cette histoire intime et collective : Michel Rocard, Pierre Joxe, Coline Serreau et Eric Ruf, l’industriel Thierry Peugeot, l’ancien président du Comité Consultatif d’Ethique Didier Sicard, côtoient des protestants anonymes : pasteurs, proviseur, ancien résistant. Le récit de leurs expériences croise la parole des plus grands historiens et spécialistes du protestan- tisme, de la Réforme à la Saint-Barthélemy en passant par la Révolution industrielle, de la Seconde Guerre mondiale jusqu’au renouveau des Eglises évangéliques. 5 LES SÉANCES SPÉCIALES avec ARTE LES RENDEZ-VOUS PARTICULIERS D’ARTE Jeudi 19 novembre à 16H45 en présence des auteures La Fin des Ottomans Mathilde Damoisel, Sylvie Jézéquel – France – 2015 – 2 x 52 mn AUTEURES Sylvie Jézéquel et Mathilde Damoisel RÉALISATION Mathilde Damoisel ARTE France et Seconde Vague Productions PRODUCTION Paul Saadoun COPRODUCTION Six siècles durant, l’Empire ottoman a imposé sa puissance sur trois continents et sept mers. Un empire immense, terre des lieux saints, des trois monothéismes, mosaïque de langues, de cultures et de religions sans comparaison dans l’histoire des hommes. La Fin des Ottomans retrace l’histoire de l’effondrement de cet Empire d’une puissance exceptionnelle sur les ruines duquel s’est dessiné le monde moderne. LA FIN DES OTTOMANS Les Nations contre l’Empire – 1ère partie – 53 mn Depuis l’indépendance de la Grèce en 1830, premier État Nation à s’émanciper de l’Empire, jusqu’à l’avènement de la République de Turquie en 1923, dernier État Nation à naître de ses ruines, le film met à jour la mécanique politique, économique et sociale qui a conduit l’Empire ottoman à sa perte. Miné par le nationalisme naissant, convoité par l’impérialisme des grandes puissances européennes, ruiné par ses efforts vains pour s’adapter à la modernité, l’Empire ottoman mettra près d’un siècle à se retirer totalement d’Europe, perdant en 1913 ses dernières provinces balkaniques. Il ne faudra ensuite que quatre années pour qu’il s’effondre définitivement, emporté par la Première Guerre mondiale. LA FIN DES OTTOMANS Le Moyen-Orient en éclat – 2e partie – 53 mn Des Balkans au Moyen-Orient, l’effondrement et le démembrement de l’Empire ottoman ont donné naissance à des États, à des frontières et à des fractures, autant ethniques que religieuses, qui marquent aujourd’hui encore profondément ses anciens territoires. En s’attachant à identifier ces fractures qui ont perduré, le film rappelle combien le passé ottoman est un passé qui compte. Faute de le connaître et de le comprendre, nul ne peut envisager les défis politiques, religieux et identitaires qui agitent notre présent – en Bosnie, au Kosovo, en Turquie, au Liban, en Syrie, en Israël, en Palestine, en Irak… EN AVANT-PREMIÈRE Jeudi 19 novembre à 19H30 en présence du réalisateur François Mitterrand. Que reste-t-il de nos amours ? William Karel – France – 2015 – 90 mn Film en compétition pour le Prix du Film d’Histoire – Catégorie documentaire (voir p. 147) 7 LES SÉANCES SPÉCIALES Avec la DMPA (Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives au Ministère de la Défense) et l’ECPAD (Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense) Mercredi 18 novembre à 19H30 – cinéma Jean Eustache Les Yeux brûlés Laurent Roth – France – 1986 – 58 mn — couleurs/noir et blanc ECPAD – DISTRIBUTION Shellac – Film restauré par les Archives Françaises du film du CNC RÉALISATION-SCÉNARIO Laurent Roth AVEC Mireille Perrier, l’Adjudant-chef Patrice George ET LA PARTICIPATION DE Raoul Coutard, Marc Flament, Pierre Schoendoerffer, Raymond Depardon IMAGE Bernard Miale SON Jean-Paul Bigorgne MONTAGE Marie-Christine Dijon MUSIQUE Chœur de l’Armée française PRODUCTION Une jeune femme vient chercher à l’aéroport de Roissy une cantine militaire qui lui est retournée. Il s’agit des effets et clichés de Jean Péraud, reporter photographe disparu à Diên Biên Phu le 8 mai 1954. Bientôt, la discussion s’engage entre la jeune femme et les anciens compagnons de Péraud. À travers les souvenirs et récits qu’elle suscite, ressurgissent les questions toujours actuelles sur ce qui fait l’image de guerre : le reporter est-il témoin ou combattant ? Se protège-t-il des effets de la guerre en la filmant ou bien au contraire prend-il plus de risques pour rendre son témoignage ? Peut-on parler d’art devant cette image faite face à la mort ? En 1986, à l’occasion du quarantième anniversaire de la création du service cinématographique des armées, son ancêtre, l’ECPA (établissement cinématographique et photographique des armées) lance un concours de scénario. Laurent Roth, jeune appelé, est ainsi chargé de réaliser un film en hommage aux « soldats de l’image » dont la mission est de témoigner de l’engagement de l’armée française en guerre. Dans les années 1980, les missions de l’ECPA sont de produire tous les films pour les armées, de réaliser les reportages intéressant le ministère, de conserver et de diffuser films et photographies, pour filmer la guerre et documenter la vie de l’armée française dans tous ses aspects. Trente ans après, l’ECPAD a conservé et développé ces attributions : formation, réalisation, production, constitution d’archives, diffusion, exploitation. À l’occasion du centenaire du cinéma et de la photographie des armées dont l’ECPAD est l’héritier, les archives françaises du film du CNC ont restauré Les Yeux brûlés. En 1ère partie : sélection d’images d’archives de l’ECPAD consacrées au Proche-Orient. Mêlant documents d’archives conservés à l’ECPAD et images tournées à l’aéroport de Roissy avec l’actrice Mireille Perrier, Les Yeux brûlés est un film entre fiction et documentaire qui donne la parole à des grands noms du cinéma et de la photographie de conflit. À travers ce film, Laurent Roth tente d’exprimer ce que les clichés de guerre racontent de la vie et de l’état d’esprit des hommes envoyés au front. Il questionne la mission des reporters militaires et propose « une réflexion sur la fascination des hommes pour la guerre et la mort. » (Max Guérout). Jeudi 19 novembre à 21H10 – cinéma Jean Eustache Clemenceau Jérôme Diamant-Berger – France – 2015 - 83 mn Jérôme Diamant-Berger AVEC LA PARTICIPATION de Michel Bouquet, Jean-Noël Jeanneney et Michel Winock MUSIQUE ORIGINALE ET INTERPRÉTATION Béatrice Thiriet IMAGE Jean-Marie Boulet SON Thomas Perlmutter PRODUCTION Mélisande Films COPRODUCTION Le Film d’Art AVEC LA PARTICIPATION de Histoire, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée AUTEUR Au printemps 2014, Jérôme Diamant-Berger se retrouve sur la route vendéenne qu’emprunta en 1928 Henri Diamant-Berger, son grand-père, pour tourner le seul film jamais réalisé sur et avec Georges Clemenceau. Grâce à la magie des images anciennes intimement mêlées au tournage actuel, grâce à l’interprétation de Michel Bouquet qui se glisse avec génie dans la peau du « Tigre » et à celle de Béatrice Thiriet qui incarne poétiquement et musicalement Marguerite Balspenberger auquel il voua une passion dévorante, grâce enfin aux récits des historiens Michel Winock et Jean-Noël Jeanneney, ce film met en scène l’universalité et l’intemporalité des messages politiques et profondément humains de Clemenceau. Présenté dans une version longue, le film permet de découvrir l’essai cinégraphique intégral et totalement inédit tourné par Henri Diamant-Berger, que Georges Clemenceau avait choisi de son vivant comme « testament intemporel ». Séance en présence de Jérôme Diamant-Berger, Béatrice Thiriet, Jean-Noël Jeanneney et Michel Winock. 9 HOMMAGE À JEAN LACOUTURE Dimanche 22 novembre à 16H30 Cinéma Jean Eustache – En présence du réalisateur Jean Lacouture ou la position du biographe Hugues Le Paige – France – 2000 – 57 mn AUTEUR-RÉALISATEUR Hugues Le Paige IMAGE Vincent Fooij SON Thierry Ferret Guy Dussart MONTAGE Anne De Jaer MIXAGE Bertrand Leroy DIRECTION DE PRODUCTION Véronique Marit PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ Luc Dardenne PRODUCTION Dérives COPRODUCTION RTBF Bruxelles, ARTE Belgique, TSR AVEC LA PARTICIPATION DE Télé-distributeurs Wallons, Centre du cinéma et de l’audiovisuel de la Communauté française de Belgique, Région Wallonne MUSIQUE ORIGINALE Une carrière équitablement partagée entre le journalisme et la biographie : Jean Lacouture a accompagné le demi-siècle écoulé d’un regard singulier. Journaliste de la décolonisation, il a rencontré et portraituré tous les grands dirigeants du tiers-monde (Ho Chi Minh, Nasser, Sékou Touré, etc.). Biographe, il a choisi de raconter des hommes dont les vies mêlaient toujours intimment dessein politique et préoccupation esthétique (Malraux, Blum, Mauriac, Mendès-France, de Gaulle, Mitterrand). Témoin engagé, il a tout à la fois cultivé le concept de « l’histoire immédiate » et développé une conception « héroïque » du monde. Le film propose un portrait de Jean Lacouture qui s’attache aussi bien à ses certitudes qu’à ses doutes, à ses engagements qu’à ses contradictions. 10 Jean, vous nous manquez. Vous dont la présence a tant marqué la création et le déroulement des festivals d’histoire et cinéma de Pessac ainsi que des Vendanges de Malagar, sans oublier les fréquentes occasions, amicales et familiales, de revenir à Bordeaux, la ville de votre naissance, de votre enfance et adolescence dans une période qui a marqué à jamais votre génération. C’était celle d’un Entre-deux-guerres marqué par le retour de la paix après le plus meurtrier des conflits, puis par la grande crise de 1929, enfin par la menace de la toile dévorante de “l’araignée gammée”, image empruntée au bestiaire de François Mauriac que vous admiriez déjà pour ses romans, reflets sans concession d’une bourgeoisie provinciale qui vous était familière à tous deux, et pour son engagement dans la Résistance avec pour chef d’œuvre Le Cahier Noir. Est-ce en référence à lui que vous avez exprimé souvent le regret de n’avoir été qu’un combattant tardif de la guerre terrifiante qui s’achevait en Europe : vous avez intégré en 1944 la deuxième DB du général Leclerc qui vous a mené dans l’Allemagne de 1945 puis en Indochine, la même année. Vous veniez de brûler les étapes et vous n’alliez plus cesser de le faire avec cette boulimie de curiosité qui était la vôtre. Très vite, très tôt, à moins de trente ans, en qualité d’agent de renseignements, de grand reporter et de témoin placé au cœur des événements vous avez découvert les territoires brûlants des États qui se battaient pour leur indépendance : immense champ d’action et de réflexion pour l’historien que vous étiez en train de devenir en profitant de la chance inespérée de pouvoir rencontrer les protagonistes d’une actualité faite de rebondissements dramatiques vécus sur le terrain : en Indochine, au Maroc, en Égypte, en Algérie... On comprend mieux comment, en portant sur les fonts baptismaux avec Alain Rousset le Festival d’histoire de Pessac, vous avez préconisé avec force un sujet que vous connaissiez sur le bout des doigts, au passé et au présent : le temps des colonies. Dans l’un de vos ouvrages, intitulé Une vie de rencontres, vous avez fait les portraits de toutes celles et ceux qui ont jalonné votre existence en les replaçant dans le cadre qui était le leur : depuis les premiers pilotes de votre engagement et l’initiation indochinoise, suivie de la transhumance arabe, elle-même prélude au long séjour au bord du Nil avec la chance exaltante de pouvoir vous réserver, en compagnie de Simonne, votre épouse, des entractes parisiens auprès des patrons de journaux qui vous employaient et des éditeurs attirés par vos talents d’écrivains. Toutes vos biographies portent votre marque, indélébile, agrémentée pour de très nombreux lecteurs-auditeurs de votre signature à grands traits de lettres et de figures élancées faites de soleils et d’astres à la Cocteau. Comme si vous vouliez nous communiquer votre bonne étoile dans un monde fascinant et effrayant... Pour vous en convaincre et nous en persuader, vous avez plongé dans le passé pour interroger de grands écrivains, en particulier ces trois M. (Montaigne, Montesquieu, Mauriac) qui vous doivent d’être unis à travers siècles et auxquels vous devez beaucoup... Dommage que votre nom ne commence pas comme le leur, mais grâce à vous, ils nous sont devenus plus familiers et vous avez bien des traits communs avec eux, de la viticulture à l’écriture en passant par la lecture. Et comme eux, vous avez un sens de la répartie qui conduit à l’humour ou à une dérision salutaire quand le poids du présent se fait trop lourd ou quand l’avenir voue au néant vos espérances et les enterre au plus profond de l’enfer. Ceci vous l’avez douloureusement vécu à propos du Cambodge et vous avez eu le courage de le dire et de l’écrire. Pour terminer, vous souvenez-vous de votre avant-propos pour le Festival de Pessac, consacré à “la femme au pouvoir” ? Vous écriviez alors : “Il est bien possible que l’opéra soit la défaite des femmes, qui y attrapent la phtisie ou s’y empalent sur le couteau de Don José. Mais le cinéma, c’est leur victoire... Et quel rendez-vous en perspective : avec nous, à Pessac, entre chien et loup, la reine Christine, en son pourpoint de cuir, saluera d’un grand geste de feutre la galopade à travers les escaliers de Petersbourg de l’impératrice rouge. Quand le pouvoir prend ces formes-là, quel avenir a l’anarchie ? ” Jean, vous seriez sûrement d’accord pour donner le nom d’Aliénor à la future grande région qui s’apprête à naître sans vous. Mais on vous en parlera. Anne-Marie Cocula INVITÉS ET INTERVENANTS MARTIN BLANCHARD MICHEL CABANNES ÉRIC BONHOMME LAURENT CAPDETREY YANN BOUYRAT MOUNIRA CHATTI SALEM BRAHIMI CÉDRIC CONDON FRÉDÉRIQUE BREDIN CLÉMENCE COPPEY PATRICK BÉZIER FRANÇOISE BRIQUEL-CHATONNET ANTOINE COPPOLANI PIERRE BLANC FRÉDÉRIC BRUNNQUELL TANGUY CORTIER MYRIAM ACHARI CAROLINE BÉHAR MOHAMMAD ALI AMIR-MOEZZI AKRAM BELKAÏD JEAN-CHRISTOPHE ATTIAS FERIEL BEN MAHMOUD CLAUDE AZIZA STÉPHANE BENTURA ASAL BAGHERI STÉPHANIE BEUCHER GEORGI BALABANOV ELIE BARNAVI Directrice DMPA Historien Historien Historien Universitaire Réalisateur Historien Directrice unité documentaire France 5 Journaliste Réalisatrice Réalisateur Professeure de géographie Directeur général Audiens Universitaire Réalisateur Professeur d’histoire Professeur d’histoire Réalisateur Présidente CNC Historienne Réalisateur Universitaire Historien Professeure de littérature Réalisateur Directrice unité documentaire France 3 Historien Réalisateur INVITÉS 11 INVITÉS ET INTERVENANTS YOUSSEF COURBAGE CHAHDORTT DJAVANN SOPHIE FAUDEL FRANÇOIS GEORGEON THIERRY COVILLE ANTONIN DUBUISSON JEAN-FRANÇOIS FECHINO FRANCIS GILLERY CHRISTOPHE DABITCH HERVÉ DUMONT JEAN-PIERRE FILIU FANNY GLISSANT LEYLA DAKHLI DELPHINE DUSSERT-GALINAT FABRICE FRANK ALLAIN GLYKOS JÉRÔME FRITEL PHILIP GOLUB JÉRÔME GAUTHERET ALICE GORISSEN BERNARD GEORGE VÉRONIQUE GRANDPIERRE Démographe Historien Écrivain Historienne ANCA DAMIAN Réalisatrice MATHILDE DAMOISEL Réalisatrice Auteure Dessinateur Historien du cinéma Professeure d’histoire CHARLES ENDERLIN Journaliste DANIÈLE ENDERLIN-KRIEGEL Productrice Institutionnel Historien Producteur Réalisateur Journaliste Historien Réalisateur Productrice Écrivain Universitaire Réalisatrice Auteure JÉRÔME DIAMANT-BERGER Réalisateur MATHILDE FASSIN Réalisatrice 12 INVITÉS Réalisateur Historienne INVITÉS ET INTERVENANTS BULENT GUNDUZ MEMONA HINTERMANN PATRICK JEUDY BURGHART KLAUSSNER MAMAD HAGHIGHAT BARBARA HUREL YVES JEULAND HÉLOÏSE KOLEBKA SYLVIE JÉZÉQUEL LARS KRAUME WILLIAM KAREL JEAN LABIB ANDRÉ KASPI ANNE LABRO NICOLAS JALLOT CLAUDE-CATHERINE KIEJMAN VÉRONIQUE LAGOARDE-SÉGOT JEAN-NOËL JEANNENEY ANAÏS KIEN HENRY LAURENS Réalisateur Réalisateur VALERIE HANNIN Historienne et journaliste YVES HARTE Journaliste MICHÈLE HÉDIN Administratrice du festival BERNARD HEYBERGER Historien LAURENT HEYNEMANN Réalisateur Journaliste Directrice adjointe unité documentaire France 2 PIERRE HUREL Réalisateur GENEVIÈVE JACQUES Présidente La Cimade CHRISTOPHE JACQUOT Directeur Ecpad Réalisateur Président d’honneur du festival Réalisateur Réalisateur Auteure Réalisateur Historien Écrivaine Journaliste Acteur Historienne et journaliste Réalisateur Producteur Productrice Réalisatrice Historien INVITÉS 13 INVITÉS ET INTERVENANTS JEAN-YVES LE NAOUR CHRISTOPHE LUCET DARIUSH MEHRJUI PHILIPPE POUCHAIN HUGUES LE PAIGE YURI MALDAVSKY HALA MOHAMMAD MICHAËL PRAZAN GAËL LEIBLANG HAYTHAM MANNA OSSAMA MOHAMMED KAREL PROKOP VINCENT LEMIRE VALÉRIE MANNS RENÉ OTAYEK GÉRARD PUECHMOREL JEAN-FRANÇOIS LEPETIT MICHEL MARIAN ANGÉLIQUE OUSSEDIK MICHÈLE RAY-GAVRAS VINCENT LINDON GABRIEL MARTINEZ-GROS Réalisateur Journaliste et réalisateur Producteur Historien Producteur Acteur NEDIM LONCAREVIC Réalisateur 14 INVITÉS Journaliste Réalisateur Opposant syrien Réalisatrice Historien Historien ADHAM MAWED Témoin syrien Réalisateur Réalisatrice Réalisateur Historien Responsable développement culturel Arte France JEAN PETAUX Universitaire JEAN-CLAUDE POIRSON Réalisateur Réalisateur Réalisateur Réalisateur Réalisateur Productrice ISABELLE RIGONI Historienne YVES RIOU Réalisateur INVITÉS ET INTERVENANTS LORRAINE ROBINSON Productrice LAURENT ROTH Réalisateur DANIEL ROUSSEL Réalisateur JULIEN ROUSSET Journaliste PAUL SAADOUN Producteur PHILIPPE SAINTENY Journaliste, documentariste HINER SALEEM Réalisateur AXEL SALVATORI-SINZ Réalisateur MAURICE SARTRE Historien ANNIE SARTRE-FAURIAT Historienne GUY SELIGMANN Producteur YOUSSEF SHOUFAN Photographe ÉMILE SHOUFANI Curé de Nazareth ROBERT SOLÉ Historien OMAR YOUSSEF SOULEIMANE Poète DOMINIQUE TIBI Productrice BÉNÉDICTE THOMAS Productrice GARIP TURUNC Historien XAVIER VILLETARD Réalisateur THOMAS WIEDER Journaliste MICHEL WINOCK Historien LAURENCE ZAKSAS-LALANDE Directrice adjointe communication France Télévisions URBS Dessinateur de presse AUDREY VALTILLE Réalisatrice THOMAS VERCLYTTE Professeur d’histoire INVITÉS 15 LES JURYS - CATÉGORIE FICTION PRIX DU JURY Parrainé par la CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS et le DOMAINE CLARENCE DILLON : Château Haut-Brion, 1er Grand Cru Classé en 1855, appellation Pessac Léognan et Château La Mission Haut-Brion, Cru Classé de Graves, appellation Pessac Léognan LE JURY PROFESSIONNEL PRÉSIDENTE : CHAHDORTT DJAVANN, romancière et essayiste © MJ2R. Née en Iran, elle s’installe en Turquie en 1991, puis arrive à Paris en 1993, où elle intègre l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). En 2002, elle publie un premier roman, Je viens d’ailleurs, dans lequel elle témoigne de la tragédie vécue au quotidien par les Iraniens, et plus particulièrement les femmes. En 2003 elle publie Bas les voiles !, essai sur le port du voile islamique. Se consacrant désormais entièrement à l’écriture, elle alterne romans et essais, traduits dans plusieurs langues. En 2003, elle reçoit le Prix de la Laïcité et est faite Chevalier des arts et des lettres en 2006. Son dernier livre, Big Daddy, est paru aux éditions Grasset en 2015. MICHÈLE HÉDIN Membre du Conseil d’administration du Festival du film d’histoire CHRISTOPHE LUCET Journaliste à Sud Ouest OSSAMA MOHAMMED Réalisateur MAURICE SARTRE Professeur émérite d’Histoire ancienne à l’Université François-Rabelais (Tours) Administratrice du Festival du film d’histoire et du Cinéma Jean-Eustache, Michèle Hédin participe depuis de nombreuses années à l’élaboration du programme scolaire du Festival, avec notamment la conception de dossiers documentaires destinés aux enseignants. Intervenante régulière de l’Université Populaire Cinéma organisée au Cinéma JeanEustache, elle anime également en compagnie de Claude Aziza des journées de sensibilisation, destinées aux enseignants, autour des thématiques proposées par le Festival du film d’histoire. Journaliste et éditorialiste à Sud Ouest depuis 1986 et à Sud Ouest Dimanche depuis 1999. Christophe Lucet couvre aussi bien les faits de société que les sujets de politique étrangère. Il est également l’auteur de nombreux reportages à l’étranger. Passionné d’histoire et des débats d’idées, il arpente la région Aquitaine depuis vingt ans et il est un familier du fait religieux. Christophe Lucet anime régulièrement depuis plusieurs années certaines rencontres du Festival du Film d’Histoire. Né en 1954, Ossama Mohammed est un réalisateur et scénariste syrien. Après avoir étudié le cinéma à l’Institut national de la cinématographie (VGIK) à Moscou, il réalise longs métrages et documentaires avec parcimonie (un tous les vingt ans !). Des films lyriques et poétiques, politiques aussi. Il signe son premier film, Étoiles du jour, découvert en 1988 en France à la Quinzaine des réalisateurs. Le film recevra plusieurs prix mais ne sera jamais présenté en Syrie. En 2002, il crie son écoeurement face au conflit syrien avec son second film, Sacrifices, présenté à Cannes dans la sélection Un certain regard. En exil forcé et réfugié en France depuis 2011, il suit la révolution, puis la répression qui ensanglante son pays, signant le film Eau Argentée, Syrie autoportrait, coréalisé à distance avec Wiam Simav Bedirxan, jeune enseignante kurde restée dans la ville de Homs. Il présente le film, accompagné de cette dernière, en sélection officielle au Festival de Cannes en 2014. Maurice Sartre est professeur émérite d’Histoire Ancienne à l’Université François-Rabelais (Tours). C’est l’un des plus éminents spécialistes de l’histoire du Proche-Orient gréco-romain – et plus généralement de la Méditerranée orientale, entre la conquête d’Alexandre et l’Antiquité tardive. Ses travaux accordent une attention toute particulière aux phénomènes culturels et religieux. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de synthèse parmi lesquels L’Orient romain, L’Asie Mineure d’Alexandre à Dioclétien, et L’Anatolie hellénistique. Mais la Syrie antique est au cœur de ses travaux les plus récents, avec notamment D’Alexandre à Zénobie. Histoire du Levant antique (4 av.-3 ap. J.-C.), un Gallimard-Découvertes sur La Syrie antique, et, avec Annie Sartre-Fauriat, un autre volume de la même collection sur Palmyre, la cité des caravanes et Zénobie, de Palmyre à Rome. Il a par ailleurs signé un ouvrage destiné à un public plus large, où le Proche-Orient hellénisé tient une large place, Histoires grecques. 16 LES JURYS - CATÉGORIE FICTION PRIX DU JURY ÉTUDIANT — Parrainé par le Crédit Mutuel du Sud-Ouest LE JURY ÉTUDIANT PRÉSIDENT : LAURENT HEYNEMANN, réalisateur Né en 1948, Laurent Heynemann commence comme assistant de Bertrand Tavernier avant de se lancer à 28 ans dans la réalisation. La Question (1976), son premier long métrage, aborde le thème tabou de la torture pendant la guerre d’Algérie et marque le début d’une série de films aux sujets politiques et sociaux qu’il aimera traiter pour en démonter les rouages sous-jacents, notamment Il faut tuer Birgit Haas (1981) qui l’amène à explorer le militantisme gauchiste allemand dans les années 1970, ou encore trois ans plus tard, Stella dans lequel la Collaboration sous le régime de Vichy est au cœur du propos. Réalisateur de téléfilms depuis les années 1980, il a réalisé dernièrement une série historique intitulée Le Roi, l’Ecureuil et la Couleuvre qui met en scène la rivalité entre Fouquet et Colbert dans les premières années du règne de Louis XIV. On lui doit plus récemment Accusé Mendès France. LAURENT BUSCAIL Licence Culture Humaniste & Scientifique, Université Bordeaux Montaigne EMMANUELLE DAVID Master Sciences-Po Bordeaux ELSA FEKETE Licence Histoire, Université Bordeaux Montaigne PIERRE MARTIAL Licence Cinéma, Université Bordeaux Montaigne YVONNE PAMBO Master Sciences-Po Bordeaux PRIX DU PUBLIC — Parrainé par la revue L’Histoire PRIX PAPE CLÉMENT Indépendamment des deux compétitions, le Festival décerne le Prix du Château Pape Clément à une personnalité de l’histoire ou du cinéma, en hommage à son parcours professionnel. 17 LES JURYS - CATÉGORIE DOCUMENTAIRES INÉDITS PRIX DU JURY Parrainé par le Syndicat viticole de Pessac-Léognan LE JURY PROFESSIONNEL PRÉSIDENT : YURI MALDAVSKY, documentariste © RVH. Yuri Maldavsky est un réalisateur spécialisé dans la couverture des conflits à travers le monde. Après avoir travaillé comme journaliste et cameraman pour les magazines d’Arte, Canal+ et France 2, son premier documentaire La Section White Bagdad 2004 (avec Timothy Grucza, 2005) est une immersion aux côtés des forces américaines à Bagdad. Le film remporte le prix Banff World Television Awards Best Feature Length Documentary. En 2010, son documentaire Ultime avant-poste partage le quotidien des soldats afghans dans leur lutte contre les Talibans. Il a également réalisé Mexique pays au bord de l’overdose (2011) et Syrie - Enfants en guerre (2014). BERNARD GEORGE Cinéaste VÉRONIQUE GRANDPIERRE Historienne JEAN PETAUX Docteur en sciences politiques DANIEL ROUSSEL Cinéaste Né à Arles dans une famille de l’image, Bernard George fait ses premiers pas dans le cinéma documentaire à l’occasion de son service militaire effectué à l’Etablissement Cinématographique et Photographique des Armées. Il y réalise son premier documentaire historique, Verdun Année 1916, primé et diffusé aux États-Unis. Depuis 1987, il réalise de nombreux documentaires historiques pour la télévision, comme la récente série « Les Combattants de l’Ombre » consacrée à la résistance française et diffusée sur ARTE. Bernard George a également réalisé : La Vengeance des Arméniens. Le procès Tehlirian (2014), Daniel Cordier, la résistance comme un roman (2010), L’Affaire Kravchenko, la guerre froide à Paris (2009), B comme Babylone (2008). Agrégée d’histoire, Docteur en Histoire, auteure d’une thèse consacrée à l’antique Shaduppum, petite ville du XVIIIe av. J–C située près de Bagdad en Irak, Véronique Grandpierre a enseigné à l’université de Paris VIII-Saint Denis et celle de VersaillesSaint Quentin. Elle est membre associée au laboratoire Identités Cultures et Territoires de l’Université de Paris 7 Diderot. Ses recherches portent sur les paysages, le patrimoine, les sociétés et le fait religieux au Proche- Orient ancien de l’Antiquité à nos jours mettant en exergue les continuités et les ruptures. Elle est l’auteure, entre autres, d’une Histoire de la Mésopotamie parue chez Gallimard. Jean Petaux enseigne la culture générale et les sciences politiques à Sciences Po Bordeaux, établissement dans lequel il est chargé de mission auprès du directeur, pour la communication, les relations extérieures et institutionnelles. Docteur habilité à diriger des recherches en sciences politiques, il se consacre à l’analyse localisée des faits politiques. Il est notamment l’auteur de Visages et portraits politiques de Gironde (Le Bord de l’Eau, 2012), Figures et institutions de la vie politique française (Biotop, 2010) et L’Europe de la démocratie et des droits de l’homme – L’action du Conseil de l’Europe (2009). Journaliste français, auteur et réalisateur de films documentaires, spécialiste des pays de l’ex-Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge). De 1980 à 1986, il est correspondant à Hanoï pour un quotidien français. À partir de 1989, il réalise des reportages et films documentaires diffusés en France et à l’étranger. Il crée l’agence de presse «Daniel Roussel Production» (1989-1995) et arpente l’Asie, les États-Unis, l’Amérique du Sud. En 2014 à Pessac, il reçoit le Prix du Jury du film d’histoire - catégorie Documentaire pour Guerre du Vietnam, au cœur des négociations secrètes. Parmi ses autres réalisations documentaires : Seul celui qui veille sait que la nuit est longue (2014), Plus loin que le soleil (2013), McCain, la grande illusion (2008), La Bataille du tigre et de l’éléphant (2004), Portés disparus Missing in Action (1993, nominé au FIPA), Prisonniers au Hanoï-Hilton (1992, nominé au FIPA). 18 LES JURYS - CATÉGORIE DOCUMENTAIRES INÉDITS PRIX BERNARD-LANDIER DU JURY LYCÉEN (en hommage à l’ancien conseiller cinéma du Rectorat de Bordeaux). Les lycéens sont accompagnés par Frédéric Fièvre, membre du groupe pédagogique du Festival. LE JURY LYCÉEN PRÉSIDENT : GUY SELIGMANN, auteur, réalisateur, producteur Auteur-réalisateur, né à Paris en 1939, Guy Seligmann est également producteur, metteur en scène et scénariste de cinéma, télévision et théâtre. Il a notamment réalisé deux documentaires pour le cinéma (Vivre à Bonneuil en 1975 et Secrète enfance en 1978). Membre fondateur de la Scam, il en a été le président de 1991 à 1995, puis de 1999 à 2003 et également de 2007 à 2009. Gérant de la société Sodaperaga créée en 1970, il a produit plusieurs longs métrages : L’année du Chien de S. Aronovitch (Ours d’argent au festival de Berlin, 1995), Sartre par lui-même d’Alexandre Astruc et Michel Contat, Khroustaliov ma voiture d’Alexei Guerman (sélection officielle au festival de Cannes, 1998), Les Faux monnayeurs de Benoît Jacquot en 2009. AGATHE ARNAUD Lycée Pape Clément, Pessac PAULINE BILLON Lycée Jacques Monod, Lescar ILLAN BOUTENET Lycée Pape Clément, Pessac MARGAUX BRUNG Lycée Philippe Cousteau, St André de Cubzac KENZA HAMACHE Lycée François Magendie, Bordeaux MOHAMED HARROUZ Lycée Pape Clément, Pessac GABY MICHEL Lycée Montesquieu, Bordeaux LAURE-MARINE VIOUJARD Lycée François Magendie, Bordeaux LAURA COURTY Lycée Vaclav Havel, Bègles LE JURY DES JEUNES JOURNALISTES IJBA (INSTITUT DE JOURNALISME BORDEAUX AQUITAINE) PRÉSIDENT : HUGUES LE PAIGE, journaliste. Né en 1946 à Bruxelles, Hugues Le Paige, diplômé en Lettres et Philosophie, devient journaliste à la RTBF et se tourne vers le documentaire. Il est auteur-producteur au département documentaire à la RTBF, puis auteur-réalisateur indépendant. Depuis 1990, il a ainsi écrit et réalisé une quinzaine de films, dont Il fare politica, chronique de la Toscane rouge (19822004) et Le Prince et son image (2011) sur François Mitterrand et le rapport entre image et pouvoir. Il est également l’auteur d’une dizaine de livres – son dernier : La Vérité s’écrit avec un v minuscule, Chroniques 1996-2006 (La Mesure du possible, Bruxelles, 2007) et directeur de la revue de débats Politique. Il préside depuis 2012 ÉCLA, l’agence de l’écrit, du cinéma, du livre et de l’audiovisuel de la Région Aquitaine. Il est l’auteur de Jean Lacouture ou la position du biographe qui sera projeté dimanche 22 novembre en hommage à Jean Lacouture 5 ÉTUDIANTS DE L’IJBA : ALICE FIMBEL-BAUER GARO KEVORKIAN MARIA LAFORCADE YANN LAGERDE JUAN PALENCIA PRIX DU PUBLIC Parrainé par la revue L’Histoire 19 LES JURYS - CATÉGORIE PANORAMA DOCUMENTAIRES PRIX DU JURY DE LA VILLE DE PESSAC LE JURY OFFICIEL PRÉSIDENT : KAREL PROKOP, réalisateur Né en Tchécoslovaquie, Karel Prokop a fait ses études à l’Académie du cinéma de Prague. Dissident, prisonnier politique, puis camionneur, il réussit à s’évader de son pays et à gagner la France où il deviendra réalisateur de nombreux documentaires (Alerte au pillage des royaumes de Saba ; Yemen, la république des tribus). Sa passion pour les contrés peu connues mais aussi pour la mer et l’univers sous-marin, ainsi que son intérêt pour l’archéologie, l’histoire et la géopolitique le conduiront à réaliser sur tous les continents des films dans lesquels il s’efforce de réunir l’aventure, le savoir et le rêve. 5 HABITANTS DE PESSSAC : NATHALIE ALFONSO ELISABETH GUIGNAUD-LE BERRE ALAIN MAYER CLÉMENT MENEZO CHRISTIAN MILLIER PRIX DU LIVRE D’HISTOIRE DU CINÉMA – 2015 Compétition créée en 2010, le Prix du livre d’histoire est un prix décerné par des représentants du conseil d’administration du Festival du film d’histoire visant à récompenser le meilleur livre d’histoire du cinéma paru dans l’année. Il sera remis au lauréat lors de la cérémonie de clôture. JURY : François Aymé, commissaire général du Festival, Claude Aziza, secrétaire général du Festival, Michèle Hedin, administratrice du Jean Eustache NOMINÉS : – Arnaud Balvay et Nicolas Cabos, John Ford et les Indiens, Seguier, mars 2015. – David Da Silva Le populisme américain au cinéma de D. W. Griffith à Clint Eastwood : un héros populiste pour unir ou diviser le peuple ?, Lett Motif, mai 2015. – Hervé Dumont, Napoléon. L’épopée en 1000 films : cinéma et télévision de 1897 à 2015, Éd. Ides et Calendes/ Cinémathèque suisse, septembre 2015. – Jean-Christophe Fouquet, Faites-le plus grand ! Le cinéma selon Merian C. Cooper, Festival international du film d’Amiens/La mémoire vivante, 4e trimestre 2014. – Franck Lafond, Le Dictionnaire du cinéma fantastique et de science-fiction, Éd. Vendémiaire, octobre 2014. – Maxime Lachaud, Red Neck Movies. Ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain, Rouge profond, septembre 2014. – Mathi Sabourdain, Dictionnaire du cinéma italien de 1943 à nos jours, Nouveau Monde éditions, septembre 2014. OUVRAGE PRIMÉ : Hervé Dumont, Napoléon. L’épopée en 1000 films : cinéma et télévision de 1897 à 2015, Éd. Ides et Calendes / Cinémathèque suisse, septembre 2015. « Le Bénédictin » de l’Histoire au cinéma. Hervé Dumont est un monomaniaque fou. Il a décidé de faire le répertoire commenté de toutes les périodes de l’Histoire illustrées par le cinéma. Champs immense dont il est l’explorateur intrépide. Après l’Antiquité au cinéma (2009), il aurait dû, en bonne logique, s’attaquer au Moyen-Âge. Mais la logique n’a que faire de la chronologie, l’actualité était impériale et Hervé Dumont a écrit et publié un colossal Napoléon : l’épopée en 1000 films, dont le poids défie tout lecteur qui n’est pas haltérophile ! Oubliés les essais de P. Mattei et de J. Tulard, oubliée la filmographie du CinémAction consacré à L’Histoire de France au cinéma, on a trouvé avec Hervé Dumont le chantre de l’épopée napoléonienne, qu’on y soit ou non sensible. Tout sur le grand homme, ses épouses et les autres, ses frères et sœurs, la mamma (« pourvou que ça doure »), l’histoire et la légende. À quand une rue Hervé Dumont à Ajaccio ? Claude Aziza NB : En 2014, Hervé Dumont avait déjà été récompensé par le Prix Pape Clément du Festival, pour son extraordinaire travail de recensement de 15 000 films et téléfilms, en quatre parties, de l’Antiquité au XIXe siècle, véritable encyclopédie historique électronique à la disposition de tous ! 20 JURY FESTIVAL DU FILM D’HISTOIRE DE PESSAC LES CONFÉRENCES LES RENCONTRES D’HISTOIRE LES DÉBATS INTRODUCTION l’orient, si loin, si proche 23 LUNDI 16 NOVEMBRE CONFÉRENCE INAUGURALE DE MAURICE SARTRE un si proche orient 27 LES RENCONTRES AVEC LA REVUE L'HISTOIRE MARDI 17 NOVEMBRE écriture, agriculture, religions. le proche-orient, berceau des civilisations MERCREDI 18 NOVEMBRE turcs et arabes, de l’empire ottoman à erdogan 31 JEUDI 19 NOVEMBRE islamisme : le coup de tonnerre de 1979 33 VENDREDI 20 NOVEMBRE israël-palestine 35 SAMEDI 21 NOVEMBRE les chrétiens d’orient 37 DIMANCHE 22 NOVEMBRE les racines historiques du djihadisme 39 LE DÉBAT DU MONDE DIMANCHE 22 NOVEMBRE qu’est-ce que les américains sont allés faire au proche-orient ? 41 29 L’ORIENT, SI LOIN, SI PROCHE Le Proche-Orient est en plein chaos. Guerre civile en Syrie, expansion de Daech, exactions contre les minorités, déplacements de populations, destruction de patrimoines millénaires. L’horreur, le désastre et la ruine font désormais l’actualité d’une région qui fut pourtant le berceau de nos civilisations. L’écriture, l’agriculture, l’irrigation, la ville, l’État, le monothéisme… le legs est immense. « Notre civilisation et notre culture sont redevables aux habitants du Proche-Orient, et à toutes les innovations qu’ils ont introduites au cours des millénaires, bien avant toute autre région du monde », écrit Françoise Briquel-Chatonnet dans Les Collections de L’Histoire n° 69. Sous le titre « Un si Proche-Orient », le Festival international du film d’histoire de Pessac a choisi cette année de s’intéresser à une région à haute tension historique, cet « arc fertile correspondant à la côte orientale de la mer Méditerranée, au piémont du plateau anatolien et à la vallée des deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate ». Grâce à la variété des tables rondes proposées et à la diversité des intervenants invités, le festival évoquera ce Proche-Orient, à la fois creuset de civilisation et zone d’extrême tension religieuse et communautaire. Du premier empire d’Akkad au choc des impérialismes, de la malédiction du pétrole au sort des chrétiens d’Orient, de l’interminable duel Israël-Palestine aux racines historiques du djihadisme, tous les sujets seront abordés. Et les meilleurs spécialistes sont convoqués : Françoise Briquel-Chatonnet, Véronique Grandpierre, Leyla Dakhli, François Georgeon, Vincent Lemire, Henry Laurens, Élie Barnavi, Youssef Courbage, Jean-Pierre Filiu, Gabriel Martinez-Gros… Cette édition sera aussi l’occasion pour nous, Européens, de nous confronter à nous-mêmes. Car, comme l’explique Maurice Sartre qui prononcera la conférence inaugurale le 16 novembre à 18 heures, « le Proche-Orient et l’Europe appartiennent au même monde. Deux espaces solidaires qui sortent de la même matrice. Dans nos réflexions, il s’agira donc de comprendre le riche héritage que nous ont légué les civilisations qui se sont succédé sur ce territoire, mais aussi d’avoir pleinement conscience que nous sommes en partie responsables de l’organisation moderne du Proche-Orient. Cet espace, depuis l’expédition d’Égypte conduite par Bonaparte et l’entrée du monde arabe dans le monde colonial occidental, a été façonné par nos choix et nos décisions. Même si, bien sûr, il ne faut pas minimiser l’importance du rôle des religions. » NE PAS DISTRAIRE, MAIS TÉMOIGNER Ce thème offre aussi sa part d’exotisme que l’on retrouve dans l’orientalisme du cinéma occidental qui prend pour cadre le ProcheOrient. Mais qui demeure très éloigné de la vision des réalisateurs régionaux. « À la différence du cinéma occidental qui traite bien souvent d’un Proche-Orient mythologique à la sauce hollywoodienne, explique le délégué général du Festival, Pierre-Henri Deleau, qui sélectionne la centaine de films consacrés au thème, les cinémas turc, égyptien, iranien, israélien ou même syrien sont ancrés dans la réalité quotidienne. Bien souvent engagés, ils laissent peu de place à l’imaginaire et cherchent avant tout à être en prise directe avec les problèmes de société ou politiques. » S’il existe bien un cinéma de divertissement en Égypte ou en Iran, les œuvres des cinéastes UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 23 Wadjda de Haïfaa Al Mansour. de renommée et de diffusion internationales (Abbas Kiarostami, Elia Suleiman, Asghar Farhadi) ont pour objectif de témoigner. Ainsi l’Égyptien Youssef Chahine dépeint la vie au Caire dans Gare centrale en 1958. L’Iranien Dariush Mehrjui décrit la misère et le trafic de sang dans Le Cycle en 1975. Pierre-Henri Deleau explique sa démarche de sélection : « Je veux que les spectateurs sortent troublés de la projection. Que les idées reçues – quelles qu’elles soient – s’effacent devant une certaine forme de réalité locale qui nous est encore trop méconnue. » Un seul exemple : le film saoudien Wadjda (2012) réalisé par une femme, Haifaa al-Mansour, en Arabie saoudite, pays qui interdit les salles de cinéma. Cette 26e édition sera l’occasion de s’instruire et de confronter les points de vue. Pour rêver (un peu), pour pleurer (pas trop), et pour sortir de nos préjugés. Olivier Thomas Chef de rubrique à la revue L’Histoire Page précédente : Et maintenant, on va où ? de Nadine Labaki. 24 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT BIBLIOGRAPHIE DE LA REVUE L’HISTOIRE ÉCRITURE, AGRICULTURE, CIVILISATIONS… LE PROCHEORIENT, BERCEAU DES CIVILISATIONS – cf. p. 29 – Jean Bottéro, « Morale et sagesse des Mésopotamiens », L’Histoire n°225, octobre 1998. – Françoise Briquel-Chatonnet, « Tout commence à Edesse », L’Histoire n°337, décembre 2008. – Maurice Sartre, « La splendeur oubliée de Gaza », L’Histoire n°340, mars 2009. – Ernest Will, « Palmyre : la Venise des sables », L’Histoire n°137, octobre 1990. TURCS ET ARABES, DE L’EMPIRE OTTOMAN À ERDOGAN – cf. p. 31 – Vincent Lemire, « Naissance d’une ville moderne », L’Histoire n°375, juillet 2012. – Robert Mantran, « L’âge d’or de l’empire ottoman », Les Collections de L’Histoire n°45, octobre 2009. – Lucette Valensi, « Empire ottoman : le choc de la modernité », Les Collections de L’Histoire n°30, janvier 2006. QU’EST-CE QUE LES AMÉRICAINS SONT ALLÉS FAIRE AU PROCHE-ORIENT ? – cf. p. 41 – Hosham Dawod, « Saddam Hussein : la chute d’un dictateur », L’Histoire n°308, janvier 2006. – Philip Golub, « 2003 : la faute américaine », Les Collections de L’Histoire n°69, octobre 2015. – André Kaspi, « Guerre du Golfe : une victoire pour quoi faire ? », L’Histoire n°220, avril 1998. – André Kaspi « Les Américains au Proche-Orient », L’Histoire n° 273, février 2003. – Pierre Milza, « La relève des impérialismes au Proche-Orient », L’Histoire n°38, octobre 1981. – Hubert Védrine, « “On ne pouvait pas soutenir cette guerre” », L’Histoire n°308, avril 2006. ISLAMISME, LE COUP DE TONNERRE DE 1979 – cf. p. 33 – Gilles Kepel, « Les batailles de l’islamisme », L’Histoire n°220, avril 1998. – Gabriel Martinez-Gros, « Religion et politique, de Mahomet à Ben Laden », L’Histoire n°281, novembre 2003. – Xavier Raufer, « De Bagdad à Téhéran : comment est née la révolution islamique », L’Histoire n°131, mars 1990. – Olivier Roy, « Les trois âges de la révolution islamiste », Les Collections de L’Histoire n°30, janvier 2006. ISRAËL-PALESTINE – cf. p. 35 – Elie Barnavi, « Israël, 1948 : naissance d’un Etat », Les Collections de L’Histoire, n°39, avril 2008. – Alain Dieckhoff, « Géopolitique de l’Etat palestinien », L’Histoire n°298, mai 2005. – Catherine Nicault, « Bataille pour Jérusalem », Les Collections de L’Histoire n°39, avril 2008. – Michel Winock, « Israël-Palestine », Les Collections de L’Histoire n°39, avril 2008. LES CHRÉTIENS D’ORIENT – cf. p. 37 – Françoise Briquel-Chatonnet, « 1915-1919 : Le massacre des chrétiens d’Orient », L’Histoire n°405, novembre 2014. – Bernard Heyberger, « Le bon temps des Ottomans », L’Histoire n°337, décembre 2008. – Catherine Mayeur-Jaouen, « Dans la tourmente », L’Histoire n°337, décembre 2008. LES RACINES HISTORIQUES DU DJIHADISME – cf. p. 39 – Christian Décobert, « Au nom de Dieu : la conquête arabe », Les Collections de L’Histoire, n°4, septembre 1978. – Gilles Kepel, « Qu’est-ce que le jihad ? », Les Collections de L’Histoire n°30, janvier 2006. – Gabriel Martinez-Gros, « Religion et politique, de Mahomet à Ben Laden », L’Histoire n°281, novembre 2003. – Gabriel Martinez-Gros, « L’Islam a inventé le droit de la guerre », Les Collections de L’Histoire n°38, janvier 2008. – Françoise Micheau, « “Jihad” : l’islam relève le défi », L’Histoire n°47, juillet 1982. – Olivier Roy, « Enquête sur le nouveau jihad », Les Collections de L’Histoire n°38, janvier 2008. – John Tolan, « La guerre sainte, l’islam et la croisade », Les Collections de L’Histoire n°38, janvier 2008. UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 25 UN SI PROCHE ORIENT CONFÉRENCE INAUGURALE DE MAURICE SARTRE Lundi 16 novembre – Cinéma Jean-Eustache, salle Federico Fellini – 18H30 « L’histoire en général, disons-le d’emblée, ça ne sert à rien ; mais essayons sans, et nous verrons bien. » Maurice Sartre En choisissant pour thème « Un si Proche-Orient », la 26e édition du Festival International du Film d’Histoire s’inscrit plus que jamais dans une actualité que l’on dit brûlante, épineuse, enflammée, ardue. Comme si l’évocation d’une région du monde induisait les mêmes sensations qu’une blessure, ou qu’un effort non consenti. Les déplacements de populations auxquels nous assistons ces dernières années et plus intensément encore ces derniers mois, ont cristallisé ces sensations, les ont matérialisés, plus particulièrement chez les citoyens européens : la blessure, de se sentir impuissant face à une crise humanitaire, l’effort, de devoir questionner ses convictions et ses acquis. Le Proche-Orient, et plus largement le monde arabe, bien au-delà de l’instrumentalisation et la surmédiatisation des évènements qui s’y déroulent, est devenu le lieu des grands antagonismes, des conflits, des ruptures et des révolutions. C’est sans nul doute l’une des régions du globe qui interroge le plus, qui pousse chacun et chacune à se positionner, pour se repositionner, à réfléchir et à nuancer. Les questions sociales, économiques, culturelles et politiques qui animent ces pays sont plurielles et ne peuvent plus être réduites à une sorte d’histoire commune qui autoriserait à faire rentrer tout un morceau de mappemonde dans le même sac. D’autant que ces questions, à y regarder de plus près, nous concernent tous. En invitant Maurice Sartre à mener la conférence inaugurale de cette 26e édition, nous faisons le choix de la lucidité, de l’érudition, de la créativité et de la transmission. Historien du monde grec au sens large, Maurice Sartre n’a eu de cesse d’explorer de nouveaux horizons avec un objectif en tête : communiquer. Spécialiste de l’Antiquité et plus spécifiquement de la Syrie, auteur de plus d’une quinzaine d’ouvrages de référence, rédacteur en chef de la prestigieuse revue Syria. Archéologie, Art et Histoire, professeur à l’Université de Tours, co-fondateur des Rendez-Vous de l’Histoire de Blois et membre du comité de rédaction de L’Histoire, l’homme originaire de Lyon œuvre largement à la diffusion de la culture historique. La diversité de ses activités témoigne d’un désir profond de se tourner vers le grand public, d’éveiller le désir, la curiosité autant que la contestation et l’incertitude. En remontant le temps, jusqu’à l’Antiquité, et en actionnant les leviers du passé, Maurice Sartre propose d’initier les festivaliers à sa passion, qui comme il le dit lui-même, est née d’une image : celle d’une Arabie de contes, fantasmée mais aussi inaccessible et par conséquent fascinante. Depuis, il n’a eu de cesse de remettre en question cette image, de l’analyser et d’en déchiffrer les codes... tout en gardant en tête le rêve de se transporter sur un tapis volant. Entre les lignes, dans les ouvrages de Maurice Sartre, c’est tout un songe qui s’engouffre. Clairvoyant, l’historien est un homme qui n’hésite pas à éveiller les consciences sur les dangers d’une récupération de l’histoire notamment dans un contexte d’hyper-nationalisme et un climat de guerre tout en questionnant sa propre discipline, en admettant que tout historien travaille sous influence. Selon lui, l’historien n’aboutit pas à la vérité, mais tente de s’en approcher le plus possible… Ainsi, le Festival s’est donné pour mission de ne pas être au service d’une idéologie, de ne prétendre à aucune vérité mais il est de son devoir d’être au cœur de la société, de son temps, d’ouvrir un espace où les questions d’identité sont à envisager dans le dialogue, au sein d’une démarche citoyenne et humaine. Nous ne pouvions donc envisager meilleur interlocuteur que Monsieur Maurice Sartre pour entamer cette grande conversation à plusieurs voix qui édifie notre Festival. L’étude du passé nous éclaire au présent, c’est une évidence, et Maurice Sartre sera à nos côtés pour transmettre les premières clés de compréhension de ce qui constitue l’essence du Proche-Orient, permettant à tous d’appréhender au mieux cette belle semaine de projections, de débats et de rencontres. En rendant hommage à la production cinématographique de ces pays, le Festival souhaite participer à l’ouverture de fenêtres sur le Proche-Orient et permet à la fois de déployer de nouveaux discours, de mieux appréhender les frontières, les distances et de comprendre ce qui se joue dans des régions trop souvent montrées à travers le prisme déformant du sensationnalisme et de la brutalité. « Si proche ». Kevin Dutot Page de gauche : (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 27 ÉCRITURE, AGRICULTURE, RELIGIONS… LE PROCHE-ORIENT, BERCEAU DES CIVILISATIONS Vingt ans avant le Précis du système hiéroglyphique de Champollion, l’Allemand Grotefend pose en 1803 les bases du déchiffrement des « inscriptions persépolitaines dites cunéiformes ». Ces diaboliques tablettes d’argile ornées de clous et de poinçons révèlent l’importance de la Mésopotamie, jusqu’alors banlieue de la Bible ou des guerres médiques. Une bibliothèque monstre s’ouvrait ainsi sous nos pieds entre le Tigre et l’Euphrate, qui changea singulièrement notre vision des choses. S’il n’y a jamais, en histoire, de commencement avec un grand « C », l’écriture, inventée vers l’an 3000 avant notre ère, est pourtant un élément capital dans le destin de l’humanité : plus qu’une technique d’enregistrement et de déchiffrement, elle constitue une révolution de l’esprit humain. L’homme a dû « isoler » sa pensée, en faire une sorte d’objet reproductible par des pictogrammes, des images aide-mémoire – lui permettant désormais d’avoir sa pensée devant lui. Puis, avec l’alphabet « phénicien », le système graphique devient une écriture de mots. L’homme peut non seulement conserver la pensée, mais aussi la parole et la langue. On ne se contente plus d’aide-mémoire : on peut informer et instruire. Une certaine conception de la science et une certaine conception du divin se trouvent également bouleversées. À la différence de l’Égypte qui plonge vers l’Afrique et s’ouvre sur la Méditerranée, la Mésopotamie, plate-forme ouverte sur deux immensités, Orient et Occident, est soumise à tous les flux de circulation. La région, quoique riche et fertile (c’est là, aussi, que naît l’agriculture), ne dispose pas de matières premières : du limon, du bitume, des roseaux – rien d’autre. Le peuple doit donc circuler, commercer, voyager, et il supplée ses carences naturelles par des trouvailles techniques et intellectuelles. Parmi tous les peuples de la région, dont nous ne savons rien, mais qui nous ont légué de nombreux noms propres, Lagash, Uruk, Ur, etc., deux se distinguent : les Sumériens, venus peut-être par la mer du golfe Arabo-Persique, semblent avoir coupé les ponts avec leur patrie d’origine. Et les Sémites qui, en revanche, s’enracinent dans un puissant arrière-monde, remontant jusqu’à la Syrie. Plus dynamiques, plus nombreux, ils « décollent » grâce à leur contact avec les Sumériens. Réciproquement, les Sumériens profitent de l’extraordinaire vitalité des Sémites. Cette civilisation dynamique, composite, va être précipitée – au sens chimique du terme – dans un double mouvement : l’organisation d’une mythologie et celle, complémentaire, d’un certain esprit « scientifique », les deux se liant. On peut en suivre l’avance au fil de l’abondante littérature qui nous est parvenue. La très ancienne cosmogonie babylonienne a laissé de nombreuses traces dans la Bible, de la Genèse (récit de la Création, géographie du Paradis, Déluge) au plus tardif Livre de Job, le grand livre sur le Mal et le sens même de la vie. Chez Hésiode et les philosophes ioniens – substrat de la pensée de la Grèce classique – aussi on retrouve bien des thèmes nés entre le Tigre et l’Euphrate. Ce qui n’a rien de surprenant : la Grèce n’est encore qu’en périphérie de cette grande puissance. Les Ioniens lui empruntent une large part de cosmogonie, en particulier l’idée d’une matière qui se développe constamment. Mais une différence apparaît : alors que la mythologie sumérienne explique les choses par le vraisemblable, la philosophie, elle, cherche le vrai. Enfin, si l’on trouve une très riche vie politique et juridique en Mésopotamie, elle n’a jamais, contrairement aux Grecs puis aux Romains, enfanté de projet universel. Elle se contente, comme la plupart des cultures de l’époque, d’être au centre de son monde, sans se poser la question de l’humanité en général. Cette question sera celle du monde gréco-romain, d’une part, et du monothéisme juif, d’autre part. Mais je voudrais avoir montré comment ces deux grands piliers de l’Occident moderne avaient de solides bases entre les deux fleuves. © Jean Bottéro, « Au commencement, les Sumériens », L’Histoire n° 123, juin 1989, pp. 50-54. Avec Mardi 17 novembre – Cinéma Jean Eustache/Salle Fellini – 17H00 Débat animé par Maurice Sartre, historien spécialiste du Proche-Orient hellénisé, professeur émérite d’histoire ancienne à l’Université de Tours. Les participants : Françoise Briquel-Chatonnet, historienne, directrice de recherche au CNRS, et Véronique Grandpierre, historienne spécialiste de la Mésopotamie. Dans le cadre de l’Université populaire d’Histoire et en écho au débat, projection à 14H15 du film Pharaon (1966) de Jerzy Kawalerowicz. Page de gauche : décor de frise provenant du palais de Darius Ier à Suse. Il est aujourd’hui exposé au Pergamonmuseum de Berlin (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 29 TURCS ET ARABES, DE L’EMPIRE OTTOMAN À ERDOGAN C’est au XVIe siècle que l’Empire ottoman, d’abord développé en Anatolie centrale et orientale et dans les Balkans majoritairement chrétiens, prend une dimension arabe. Selim Ier mène en 1516-1517 une série de campagnes triomphales au cours desquelles il conquiert la Syrie, la Palestine et l’Égypte, qui constituaient l’Empire mamelouk. Après sa mort, son fils Soliman le Magnifique soumet l’Irak, le Yémen (conquis en 1538, perdu en 1636) et une partie du Maghreb, d’Alger à Tripoli. Le monde arabe est dès lors dans une large mesure réunifié comme au temps des califes omeyyades (661-750) et abbassides (750-1258). Mais avec une différence notable : les maîtres de ce nouvel empire sont des Turcs. Et pour les Arabes, les Ottomans sont de complets étrangers : parce qu’ils viennent de l’étranger et parce qu’ils parlent le turc. Le sultan est vu non comme le padichah de l’islam, mais comme le sultan de « Roum », c’est-à-dire du pays des Byzantins. Il introduit une législation profane, le Kanoun, dont certaines prescriptions ne figurent pas dans la charia, voire lui sont contraires, par exemple tolérer le prêt à intérêt. D’où, dans les premières décennies de la domination ottomane, de très sérieuses révoltes en Égypte et en Syrie. Par la suite, l’évolution des provinces arabes varie : pour certaines, la Syrie du Nord ou la Palestine, intégrées au système administratif, militaire, judiciaire, on peut parler d’« ottomanisation ». À l’inverse, l’Égypte, bien que gouvernée par un pacha ou wali envoyé par Istanbul, garde sa propre organisation administrative et sociale. Mais partout l’ottomanisation a ses limites, et les régions arabes conservent leurs spécificités. Aujourd’hui encore c’est une évidence que Le Caire et Istanbul, par exemple, appartiennent à des mondes largement différents. L’Empire favorise un certain brassage ethnique. Des éléments originaires d’Anatolie ou de Roumélie, islamisés ou non, s’établissent dans les provinces arabes. Certains deviennent gouverneurs tel le Bosniaque Ahmad al-Djazzar en Syrie et en Palestine à la fin du XVIIIe siècle ou Mehmet Ali, d’origine albanaise, souverain quasi-indépendant en Égypte au début du XIXe siècle. Les sphères du pouvoir restent le domaine réservé des « minorités » d’origine chrétienne : ce sont des Grecs, des Slaves, des Albanais, qui, une fois islamisés, deviennent grand vizirs ou occupent les autres grands emplois de l’État. Pour autant, les Arabes ne sont pas des sujets de seconde zone car ils représentent le peuple « noble » entre tous, qui a reçu la Révélation, et leur langue est la langue sainte. Les sultans ottomans clament leur fierté de régner sur ces pays arabes si glorieux – notamment l’Égypte qui jouit, dans la tradition musulmane, d’une renommée extraordinaire – et, plus que tout, les Villes saintes, La Mecque, Médine et Jérusalem. Avec les siècles, l’idée s’impose que le seul successeur possible des grands califes d’autrefois est le sultan ottoman – même s’il n’est pas arabe. D’autant que les Ottomans ont remporté de grands succès contre les infidèles, qu’ils assurent le bon déroulement du pèlerinage, qu’ils ornent La Mecque et Médine de monuments magnifiques, qu’ils font des donations très généreuses aux notables et aux pauvres des Lieux saints. Pourtant, la période ottomane a été longtemps perçue de manière très négative, marquant un déclin de la grande civilisation arabe. La domination turque aurait maintenu le sousdéveloppement des provinces arabes, les aurait empêchées d’évoluer vers le progrès et la modernité. Aujourd’hui, les historiens sont plus nuancés. D’abord, parce que, quand les Ottomans ont conquis ces régions, la belle époque des Mille et Une Nuits n’était plus qu’un lointain et nostalgique souvenir. D’autre part, l’insertion dans le cadre ottoman a formidablement stimulé les grandes cités arabes. Le commerce s’est fortement accru par rapport à ce que le cadre national plus étroit aurait permis. Des villes comme Le Caire ou Damas se sont développées, leur population a augmenté, elles se sont couvertes de constructions, de caravansérails, de marchés, de mosquées, etc. Et quand l’empire finira par être distancé par les progrès de l’Occident, qu’il connaîtra des revers militaires, il apparaîtra quand même, aussi affaibli soit-il, comme le dernier espoir contre l’offensive irrésistible des « Infidèles ». © Gilles Veinstein, « Sous le joug des sultans ottomans », L’Histoire n° 272, janvier 2003, pp. 56-59. Avec Mercredi 18 novembre – Cinéma Jean Eustache/Salle Fellini – 17H00 Débat animé par Héloïse Kolebka, rédactrice en chef adjointe à L’Histoire. Les participants : Leyla Dakhli, historienne, chercheure au CNRS, François Georgeon, historien spécialiste de l’Empire ottoman et de la Turquie, et Vincent Lemire, historien rattaché au Centre de recherche français de Jérusalem. Dans le cadre de l’Université populaire d’Histoire et en écho au débat, projection à 15H30 du film Génocide arménien. Le Spectre de 1915 (2014) de Nicolas Jallot. Projection également du film La Fin des Ottomans, jeudi 19 novembre à 16H45. Page de gauche : miniature consacrée à la bataille de Szigetvár : ici l’avant-garde des troupes ottomanes et tatares (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 31 ISLAM, LE COUP DE TONNERRE DE 1979 À la fin de son règne, Mohammad Reza Shah n’est plus qu’un dictateur impopulaire et corrompu, qui apparaît inféodé aux États-Unis. À l’opposition des nationalistes libéraux s’ajoute celle d’une fraction du clergé, dirigée par l’ayatollah Khomeyni, exilé en Irak depuis 1964. À partir de 1978, ces clercs prennent la tête des mouvements contestataires. Dans les défilés religieux, qui constituent une forme d’expression populaire traditionnelle, on conspue le tyran inique, le calife omeyyade Yazid, mort en 683, coupable d’opprimer les compagnons de l’imam Hussein, dont le martyre a eu lieu en 680 et on célèbre l’héroïsme de l’imam qui témoigna jusqu’à la mort de son amour de la justice. À l’été 1978, la mobilisation se renforce et le 3 septembre, à la fin du ramadan, la tension monte avec une grande prière en plein air, suivie d’une immense manifestation, où l’on scande le nom de Khomeyni. Après la proclamation de la loi martiale, le 8 septembre, et une répression qui fait des centaines de morts, grèves et fermetures de bazars se généralisent ; en octobre, elles gagnent l’administration, la presse et le secteur pétrolier. Les pénuries gênent la population, mais créent des solidarités : les mosquées deviennent des lieux d’entraide et de distribution. L’arrivée à Paris de l’ayatollah Khomeyni, le 6 octobre, donne une résonance internationale à la direction religieuse du mouvement, amplifiée par les médias et les intellectuels occidentaux, qui voient en lui un nouveau Gandhi. Ses messages sont diffusés dans le monde entier, habilement traduits dans des termes proches de ceux des droits de l’homme. Le 5 novembre, la plupart des prisonniers politiques sont libérés, mais les manifestations continuent. Le changement de régime est inéluctable. Pour éviter un coup d’État militaire, le 6 janvier 1979, le souverain nomme Premier ministre un libéral laïc, Chapour Bakhtiar, et part « en vacances » le 16. Le 1er février, Khomeyni rentre à Téhéran par un vol spécial d’Air France et dénonce l’illégitimité du régime impérial. Le « retour de l’Imam », c’est, pour les Iraniens, le retour de la justice et de la vérité, après des siècles d’oppression, de corruption et de mensonge. La foule accueille son sauveur en état de pureté rituelle, comme pour le retour du Douzième Imam, attendu par les chiites, lors de la Résurrection et du Jugement dernier. Le 1er avril, la « République islamique » naît par référendum et la Constitution adoptée en décembre systématise l’autorité cléricale en prenant comme clef de voûte le principe du velâyate faqih, le « gouvernorat du juriste-théologien ». Khomeyni est le guide suprême, le vali-e faqih et, après la cléricalisation de la République islamique et la victoire des radicaux, l’élimination progressive des Moudjahidin du peuple puis de la gauche marxiste achèvent la consolidation durable du régime, acquise en 1981. Quant à l’insistance sur la morale sexuelle et les convenances imposées aux femmes, elles permettent d’esquiver les questions économiques, de faire passer les réquisitions de biens d’émigrés, les nationalisations, le chômage... Le clergé n’avait pas, en effet, de pensée politique bien définie. Au début, il se contente de transformer des symboles en slogans. L’ancien régime est le Tâqut, l’Antéchrist et l’Amérique, le Grand Satan ! Le 4 novembre 1979, les « Étudiants musulmans qui suivent la ligne de l’imam » prennent ainsi en otages une cinquantaine de diplomates à l’ambassade des États-Unis qui devient l’un des centres symboliques (et médiatiques) de la révolution. Mais les dirigeants cléricaux forment une nouvelle aristocratie, conforme à la conception chiite ancienne du rôle du clergé comme avant-garde : de par leur formation, les ulémas savent parler au peuple dans sa propre langue, alors que les intellectuels occidentalisés ne parviennent pas à se défaire des concepts ramenés de l’étranger. Surtout, en faisant des concessions aux principes démocratiques, tel le recours au suffrage universel, au parlementarisme et à la séparation des pouvoirs, ils montrent un islam capable de s’adapter politiquement. © Yann Richard, « La prise de pouvoir par l’ayatollah Khomeyni », Les Collections de L’Histoire n° 42, janvier 2009, pp. 74-85. Avec Jeudi 19 novembre – Cinéma Jean Eustache/Salle Fellini – 15H00 Débat animé par Héloïse Kolebka, rédactrice en chef adjointe à L’Histoire. Avec Henry Laurens, historien spécialiste du monde arabo-musulman, professeur au Collège de France. Dans le cadre de l’Université populaire d’Histoire et en écho au débat, projection à 19H20 du film Persepolis (2014) de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. Page de gauche : L’ayatollah Khomeyni s’adresse à la foule depuis une fenêtre de l’école Alavi de Téhéran en février 1979 (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 33 ISRAËL-PALESTINE C’est au XIXe siècle que se constitue une réalité palestinienne individualisée : à partir des années 1830-1840, en effet, l’Europe industrialisée met l’Empire ottoman sous sa tutelle et l’Europe chrétienne redécouvre la « Terre sainte ». Le sionisme, après 1880, s’inscrit dans cette logique européenne de redécouverte. La Première Guerre mondiale modifie ces données. Les Britanniques considèrent que la protection du canal de Suez, vital pour leurs communications, nécessite le contrôle de la Palestine. Or l’accord Sykes-Picot de 1915-1916, qui divise le Proche-Orient en zones d’influence françaises et anglaises, entérine le principe d’internationalisation de la Palestine. Pour le remettre en cause, tout en se conformant au principe américain du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, certains dirigeants britanniques proposent alors d’offrir au « peuple juif » la possibilité d’établir en Palestine un foyer national : c’est la déclaration Balfour de 1917. À San Remo – peu après les émeutes du 4 avril 1920 qui opposent pour la première fois de façon sanglante Arabes et Juifs à Jérusalem –, la Société des Nations délivre aux Français et aux Britanniques des mandats sur l’Orient arabe. C’est la fin du projet unitaire arabe qui faisait de la Palestine la « Syrie du Sud ». Le 24 juillet 1922, la SDN ratifie la Charte du mandat qui prévoit en Palestine l’édification d’une vie nationale juive ; celle-ci ne doit faire aucun tort aux habitants arabes. Si l’immigration reste faible, ces années voient le mouvement sioniste se doter de son cadre institutionnel et d’une organisation qui seront au fondement de sa puissance. À partir de l’été 1928, la tension resurgit. Juifs et Arabes formulent leur idéologie nationale en recourant aux symboles religieux. Le mur des Lamentations, inclus dans le sanctuaire musulman du Haram al-Sharif, site de l’ancien temple de Jérusalem, troisième Lieu saint de l’islam, devient l’enjeu d’une lutte passionnelle. Les progrès du nazisme en Allemagne relancent l’émigration juive et l’envoi de capitaux. D’où un cycle vertueux où l’arrivée massive d’hommes et de capitaux permet une croissance économique rapide. Les Arabes s’inquiètent. Ils comprennent que la progression juive est indissociable de la tutelle britannique et s’en prennent pour la première fois à la puissance mandataire. La proposition, en juillet 1937, de partager la Palestine grâce au « transfert » de la population arabe hors de la zone juive, contre compensations financières, tactiquement acceptée par les sionistes, est rejetée par les Arabes. Les Anglais engagent une épreuve de force mais sont submergés par l’insurrection arabe d’octobre 1937 qui s’étend à l’ensemble de la Palestine, la plus importante révolte anticoloniale de l’Empire dans l’entre-deux-guerres. De plus, ces affaires mobilisent trop de forces militaires, alors qu’on craint une nouvelle guerre mondiale. La Grande Bretagne doit se concilier les Arabes pour avoir les mains libres en Europe. Le livre blanc de mai 1939 annonce donc une limitation drastique de l’immigration juive et des transferts fonciers. C’est au nom d’une politique de fermeté face au nazisme que les adversaires les plus résolus de l’Allemagne interdiront paradoxalement aux Juifs de chercher refuge en Palestine ou en Amérique. En 1945, la Grande-Bretagne exsangue hésite une fois de plus. Le territoire du mandat est le pivot de tout son système militaire et politique au Proche-Orient. Or la nouvelle série de conférences et de commissions d’enquête lancée en 1946-1947 montre l’absence de solution satisfaisante pour toutes les parties. D’autant que l’indépendance de l’Inde rend l’engagement britannique en Palestine encore plus dérisoire. En février 1947, Londres renvoie le dossier devant l’ONU. L’Assemblée générale vote un plan de partage, le 29 novembre 1947. Dès lors, c’est hors d’une Palestine en feu que les Britanniques se retirent méthodiquement afin qu’il n’y ait plus un officiel britannique au 15 mai 1948... La veille, Israël a proclamé son indépendance et la guerre avec les pays arabes a débuté. Le mandat britannique constitue un échec flagrant. Il se solde par l’effondrement de tout le dispositif britannique au Proche-Orient et met en place les données du conflit israélo-arabe. En inscrivant dans la Charte du mandat de 1920 l’instauration d’un foyer national juif et le respect des droits de la population arabe, elle a mené une politique fondamentalement contradictoire. Contradiction que la tragédie de la Seconde Guerre mondiale a rendue insurmontable. © Henry Laurens, « La faillite du mandat anglais », Les Collections de L’Histoire n° 39, avril 2008, pp. 40-47. Avec Vendredi 20 novembre – Cinéma Jean Eustache/Salle Fellini – 18H00 Débat animé par Valérie Hannin, directrice de la rédaction de L’Histoire. Les participants : Elie Barnavi, historien, essayiste, ex-ambassadeur d’Israël en France, Youssef Courbage, directeur de recherche en démographie, Charles Enderlin, ex-correspondant de France 2 en Israël, Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du MoyenOrient, et Henry Laurens, historien spécialiste du monde arabo-musulman. Dans le cadre de l’Université populaire d’Histoire et en écho au débat, projection à 15H20 du film Le Dernier jour de Yitzhak Rabin d’Amos Gitaï et à 19H45 du film The Gatekeepers (2014) de Dror Moreh. Page de gauche : un colon israélien face à un manifestant palestinien (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 35 LES CHRÉTIENS D’ORIENT Au sens le plus large, on appelle « chrétiens d’Orient » les chrétiens non latins, avant tout les orthodoxes d’Europe de l’Est et du Sud-Est qui, en 1054, refusèrent l’autorité du pape. Mais, dans le langage courant, l’expression désigne les chrétiens du Proche-Orient et d’Égypte – dont la terre d’origine correspond aux actuels pays arabes –, les Arméniens, dont beaucoup vivent depuis longtemps au Levant, ceux d’Iran, de Turquie et d’Éthiopie. L’évangélisation de la côte phénicienne est mentionnée par les Actes des Apôtres qui relatent également la fondation, quelques années après la mort du Christ, d’une communauté chrétienne à Antioche, alors capitale de la Syrie romaine. C’est là qu’apparaît le nom de « chrétiens ». Et c’est à Édesse (actuelle Urfa en Turquie) que s’est constitué le cœur de la chrétienté de langue araméenne avec, dès le IIe siècle, la version de la Bible qui a irrigué la vie religieuse et liturgique de tout l’Orient. Rien n’a arrêté vers l’orient le mouvement de christianisation jusqu’aux confins du monde connu à l’époque. Le long du golfe Arabo-Persique, de Koweït jusqu’en Oman en passant par Bahreïn, des restes d’églises ou de monastères datés du Ve au VIIe siècle signalent cette progression. Au IIIe siècle, l’Église était organisée en trois patriarcats : Alexandrie pour l’Égypte, Rome pour l’Occident, Antioche pour l’Orient. En 395, lorsqu’elle est devenue la capitale de l’Empire romain d’Orient, Constantinople est aussi devenue le patriarcat pour l’Asie Mineure et la Grèce. Jérusalem, quant à elle, en raison de son rôle historique et symbolique, était considérée comme un patriarcat, dont l’autorité était limitée à la Palestine. Mais, très tôt, les chrétiens de Mésopotamie se sont trouvés dans une situation délicate. D’abord à cause des conflits incessants entre l’Empire romain puis byzantin et les empires parthe puis sassanide. Puis lorsque Théodose, en 391-392, imposant le christianisme comme religion officielle dans l’Empire romain, se posa en protecteur de tous les chrétiens. De ce fait, ceux de l’Empire sassanide pouvaient être considérés comme une sorte de « cinquième colonne ». C’est dans ce contexte, et pour des raisons essentiellement politiques, qu’est née l’Église apostolique de l’Orient, ainsi qu’elle se dénomme elle-même, mais que l’on appelle souvent improprement « nestorienne ». Elle s’est développée comme une Église autocéphale ne dépendant ni de Rome ni des patriarcats. On ne peut donc parler de « séparation », et surtout pas sur des bases théologiques, Avec mais de l’affirmation théorique d’une indépendance ecclésiale qui existait dans la réalité, du fait des circonstances géopolitiques. Ce qui distingue les chrétiens d’Orient des chrétiens de rite latin, c’est avant tout certaines pratiques liturgiques (déroulement un peu différent de la messe, moindre rôle des images que dans le monde grec) et la langue, selon les régions le syriaque, c’est-à-dire l’araméen diffusé d’Édesse par les missionnaires, le copte en Égypte, l’arménien classique. Ils ont aussi inventé le monachisme. À l’exemple d’Antoine (né en 251 et qui se retire du monde à 18 ans), des chrétiens forment des communautés d’anachorètes vivant dans le désert ou se regroupent pour une véritable vie en commun, le cénobitisme. En Syrie, le monachisme existe dès le IVe siècle, avec parfois des formes extrêmes : les stylites, perchés sur une colonne dont ils ne descendaient jamais, tel Syméon vers 390-459, les reclus murés dans une tour où une petite ouverture permettait de les ravitailler frugalement... La conquête musulmane n’a guère modifié, au moins dans les premiers temps, la situation. Longtemps, et peut-être jusqu’à la fin du Moyen Âge, les chrétiens sont restés majoritaires dans la région. Moyennant quelques conditions, ils étaient libres de pratiquer leur foi, plus que sous le pouvoir byzantin. Ainsi se mit en place un système qui allait durer jusqu’à la fin de l’Empire ottoman. Les chrétiens avaient un statut inférieur dans la société et subirent même parfois de réelles persécutions. Mais, à d’autres périodes, on en vit acquérir une position d’influence auprès du pouvoir, notamment comme médecins officiels de la Cour. Peu à peu, cependant, la pression, notamment fiscale, se fit plus forte et le pouvoir sut utiliser habilement les divisions entre eux. Les conversions à l’islam se firent du coup plus nombreuses. © Françoise Briquel-Chatonnet, L’Histoire n° 337, décembre 2008, pp. 42-51. et Samedi 21 novembre – Cinéma Jean Eustache/Café Beyrouth 3ème étage – 14H00 Débat animé par Valérie Hannin, directrice de la rédaction de L’Histoire. Les participants : Françoise Briquel-Chatonnet, historienne, directrice de recherche au CNRS, et Bernard Heyberger, historien, spécialiste des chrétiens d’Orient. Page de gauche : 7 déccembre 2014, un groupe de femmes et d’hommes récitent le chapelet dans la cathédrale Saint-Joseph d’Erbil. Ankawa (Ainkawa), banlieue assyrienne d’Erbil, Région autonome du Kurdistan, Irak (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 37 LES RACINES HISTORIQUES DU DJIHADISME Le terme djihad vient de la racine arabe jhd qui désigne l’effort. Dans son sens originel, le « grand djihad », tel que le définit le Prophète, tel qu’il est codifié dans le droit musulman ou que les grands mystiques soufis l’ont pratiqué, est avant tout une soumission de l’âme à Dieu, un effort sur soi pour devenir le meilleur musulman possible. Par extension, cet effort vise à tout mettre en œuvre pour favoriser la propagation de l’islam à travers le monde, au besoin par les armes : c’est la guerre sainte. Certains théologiens ont considéré le djihad comme le sixième pilier de l’islam doté, par ailleurs, de la particularité de relativiser certaines règles de dogme ou de rite. Le président Bourguiba, qui avait fait de la croissance économique un djihad, a ainsi cherché à convaincre les Tunisiens que la stricte observation du ramadan entraînait une baisse de la production. Aussi apparut-il, à la télévision, en train de boire, en pleine journée, un verre de limonade. Seul un uléma, un théologien versé dans l’exégèse des textes sacrés à la compétence reconnue par ses pairs peut, en principe, proclamer le djihad. Mais il n’est pas toujours simple d’user de ce privilège. Quand lancer le djihad contre un mauvais gouvernement ? Les ulémas égyptiens s’y étaient refusés contre Anouar el-Sadate qui, en 1979, avait signé la paix avec Israël. Ils furent alors débordés par les militants radicaux de l’Organisation du djihad, qui finirent par assassiner le chef de l’État. Farag, leur idéologue, avait accusé les docteurs de la Loi islamique d’avoir trahi leur devoir le plus sacré, celui de prononcer le djihad contre le président « impie ». Il considérait donc qu’il lui revenait, avec son modeste brevet d’électricien, de reprendre le flambeau abandonné par les gardiens du dogme. Mais, parce qu’il bouleverse les règles de l’organisation sociale, on ne sait pas quand et où s’arrête le djihad. L’islam n’ayant pas d’appareil hiérarchique, un djihad lancé par une autorité religieuse peut être contredit par une autre. A priori, le djihad défensif, prononcé lorsque l’islam est menacé de l’extérieur, paraît susceptible d’être suivi sans réserve. Mais pendant la Première Guerre mondiale, le sultan-calife ottoman, allié aux Puissances centrales, l’avait proclamé contre la France et l’Angleterre en misant sur un soulèvement des musulmans colonisés par ces deux États. Il n’en fut rien, les spahis et les tirailleurs ne bronchèrent pas dans les tranchées. C’est d’ailleurs en « remerciement » de cette loyauté que fut édifiée en 1926 la mosquée de Paris. Aujourd’hui, le djihad a été réactivé par les différents courants radicaux de l’Algérie à l’Afghanistan. Dans tous les cas, il mobilise les énergies et met tous les moyens au service d’une même fin, qu’il s’agisse du renversement du pouvoir « apostat » d’Alger ou du Caire, de l’éradication de la présence « sioniste » en Palestine ou de l’élimination du régime « athée » à Kaboul lors de l’occupation soviétique. Mais, depuis les années 1980, un bouleversement s’est produit : grâce à la modernisation des moyens de communication – télévision par satellite, Internet –, le djihad est proclamé par des individus qui sont de moins en moins des ulémas. Tout est parti d’Afghanistan, où s’est formée, à la faveur du combat contre l’invasion soviétique, une légion djihadiste internationale, sans emploi après le départ de l’Armée rouge en 1989 et qui a donné naissance au mouvement ben-ladeniste. Après les guérillas-djihad des années 1990, qui ont essayé, en vain, d’imiter le modèle afghan pour faire tomber les régimes en place en Égypte, Algérie, Bosnie, Tchétchénie, le djihad s’est retourné vers l’ennemi lointain, dans la perspective de mobiliser les masses par des opérations spectaculaires, et ce sont les attentats du 11 septembre 2001. Or, dans la doctrine islamique, la notion de djihad, positive, va de pair avec son antonyme négatif, la fitna, la guerre qui brise l’islam de l’intérieur, ce que les masses musulmanes pourraient reprocher aux radicaux : la population irakienne fut ainsi la première victime des attentats. Et si Bagdad fut occupée par des soldats impies, la catastrophe a été rendue possible par les terroristes du 11 septembre. © Gilles Kepel « Qu’est-ce que le djihad ? », Les Collections de L’Histoire n° 30, janvier 2006, pp. 22-23. Avec Samedi 21 novembre – Cinéma Jean Eustache/Salle Fellini – 16H00 Débat animé par Valérie Hannin, directrice de la rédaction de L’Histoire, et Thomas Verclytte, président de l’APHG d’Aquitaine. Les participants : Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient, et Gabriel Martinez-Gros, professeur d’histoire médiéval du monde musulman à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense. Dans le cadre de l’Université populaire d’Histoire et en écho au débat, projection à 14H00 du film Maintenant, ils peuvent venir de Salem Brahimi et à 18H00 du film Daech, naissance d’un état terroriste (2014) de Jérôme Fritel et Stéphane Villeneuve. Page de gauche : combattant de Daech participant à une parade militaire au nord de la province de Raqqa (Syrie), le 30 juin 2014 (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 39 QU’EST-CE QUE LES AMÉRICAINS SONT ALLÉS FAIRE AU PROCHE-ORIENT ? Le 12 mars 1947, le président Truman annonce au Congrès son désir d’aider la Grèce et la Turquie à hauteur de 400 millions de dollars. En effet, le 21 février 1947, les Britanniques, traditionnellement influents en Méditerranée orientale, ont fait savoir à Washington qu’ils ne détenaient plus la force suffisante pour aider les Grecs et les Turcs. Truman n’a aucune raison de faire la sourde oreille. Si l’Union soviétique devenait la puissance tutélaire de la Grèce et de la Turquie, elle pourrait établir, puis conforter son influence sur le Proche et le Moyen-Orient. Peut-être même tenterait-elle de réaliser le rêve des tsars, c’est-à-dire l’accès aux mers chaudes, à l’océan Indien. Les Soviétiques mettraient alors la main sur les ressources en pétrole de la région. L’Europe occidentale tomberait sous leur coupe. L’Afrique subirait un sort identique. La décision de Truman repose sur deux motivations. D’abord, la guerre qui vient de prendre fin a montré que le pétrole est une arme déterminante. En 1945, les États-Unis extraient les deux tiers du pétrole mondial. Mais de nouvelles sources produisent à plus bas coût. De 1938 à 1947, l’Arabie Saoudite accroît sa production quotidienne de 1400 à 246 000 barils. Le Koweït et les autres émirats, l’Irak et l’Iran suivent. Les sociétés américaines, la Standard Oil ou Socony, exploitent moins les réserves américaines et beaucoup plus les réserves du Moyen-Orient. Ensuite, il ne faut pas sous-estimer l’impact de la guerre froide. Dans cette perspective, le Proche-Orient est devenu un théâtre d’opérations. C’est dans ce contexte que le 14 mai 1948 naît l’État d’Israël immédiatement reconnu par les États-Unis malgré les réticences de conseillers tels George Marshall, le secrétaire d’État, qui auraient préféré, pour ne pas heurter leurs alliés arabes, donner aux Nations unies le mandat d’administrer la Palestine. Truman tranche, conscient de la Shoah et de la quasi-inaction des États-Unis de 1941 à 1944, mais aussi parce que l’Union soviétique milite alors pour la création d’un État d’Israël qui pourrait devenir une démocratie populaire. Au Proche-Orient, les Américains ne manquent pas de rivaux, voire d’ennemis. Les Britanniques conservent leur influence sur la Jordanie, l’Irak, l’Égypte, l’océan Indien. Les Français perdent leurs positions au Liban et en Syrie, mais deviennent, dans les années 1950, les principaux alliés d’Israël et, du fait de la guerre d’Algérie, les adversaires du nationalisme arabe. À l’inverse, l’Union soviétique cesse son appui à Israël et soutient les partis communistes dans les États arabes et les mouvements nationalistes anti-occidentaux. Mais désormais, les américains sont particulièrement présents. Ils rétablissent le shah d’Iran en 1953, rassemblent en 1955 leurs partisans – Royaume-Uni, Irak, Iran, Turquie, Pakistan – dans le pacte de Bagdad, exigent de leurs alliés français et britanniques qu’ils mettent un terme à l’expédition de Suez en 1956, soutiennent le roi Hussein de Jordanie, puis Camille Chamoun, le président libanais, en 1958. Le fond de leur pensée n’a pas changé. Les nationalismes mettent en danger l’accès au pétrole et favorisent la pénétration soviétique. L’impérialisme européen déclenche des réactions nationalistes. Les États-Unis sont persuadés de leur mission : ils ouvrent la voie vers la modernité, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le progrès économique et social. Les décennies suivantes, émaillées de succès (accords de Camp David en 1978) et de revers (la révolution iranienne de 1979), de négociations et d’interventions militaires ont vu les États-Unis de plus en plus présents dans la région. De plus, après les attentats du 11 septembre 2001, la guerre au terrorisme devient la priorité. En 2003, la guerre en Irak, la chute de Saddam Hussein et l’occupation américaine provoquent un chaos dans la région dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui. Mais plus ils montrent leur puissance, plus les États-Unis sont contraints de prendre appui sur des alliés de porcelaine. Reste une certitude : ils ont autant besoin du Moyen-Orient que le Moyen-Orient d’eux. Décidément, de 1945 à nos jours, l’« Orient » n’a rien perdu de sa complexité. © André Kaspi « Les Américains au Proche-Orient », L’Histoire n° 273, février 2003, pp. 68-73. Avec Dimanche 22 novembre – Cinéma Jean Eustache/Charles Chaplin – 11H15 Débat animé par Valérie Hannin, directrice de la rédaction de L’Histoire, et Éric Bonhomme, professeur d’histoire, membre de l’APHG. Les participants : Antoine Coppolani, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paul-Valéry Montpellier III, Philip Golub, professeur de relations internationales à l’Université américaine de Paris, et André Kaspi, historien spécialiste des États-Unis. Page de gauche : Gaza, 2013, un Palestinien piétine un drapeau américain pour protester contre la visite de Barack Obama (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 41 QUELLE POLITIQUE INTERNATIONALE DE LA FRANCE AU PROCHE-ORIENT ? Un article de Benjamin Barthe intitulé « Israël-Palestine : le renoncement diplomatique français » (Le Monde du 23 juillet) a retenu mon attention, tellement il me semble représentatif d’une certaine nostalgie française pour une « politique arabe » de la France censée avoir été un gage d’indépendance à l’égard des États-Unis et, partant, d’efficacité diplomatique. J’ai entendu ce discours cent fois dans la bouche de diplomates, de politiciens et de journalistes français. Il a été usé jusqu’à la corde au moment où Nicolas Sarkozy a annoncé, en novembre 2007, le retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN, mais refait surface à chaque crise internationale, quel que soit le président américain ou français. Voyez, se lamente l’auteur, Laurent Fabius s’est rendu au Proche-Orient les 18 et 19 juillet, et « les deux protagonistes de la guerre de Gaza » l’ont superbement ignoré. Comment pourrait-il en être autrement ? Non seulement les « affinités personnelles » de François Hollande le rangent-elles du côté des Israéliens, mais, tout en restant fidèle aux principes directeurs de Paris sur le conflit, toute la politique étrangère française est marquée par une « forme de résignation » qui l’empêche de contribuer à les traduire dans les faits. C’était différent « avant ». Sans même remonter à De Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing et la déclaration européenne de Venise de 1980, proclamant pour la première fois le droit des Palestiniens à l’autodétermination, le discours de François Mitterrand à la Knesset appelant à la création d’un Etat palestinien en 1982, le sauvetage, la même année, de Yasser Arafat à Beyrouth, et jusqu’à Jacques Chirac, dont il convient de louer « le coup de sang à Jérusalem, en 1996, contre les troupes d’occupation israéliennes » comme « son refus de boycotter Yasser Arafat pendant la deuxième Intifada » — voilà autant de gestes forts qui auraient fait la preuve de l’« autonomie » de la politique étrangère française. Tout cela est parti à vau-l’eau sous Sarkozy, puis sous Hollande, tous deux prisonniers de leur tropisme israélien et, surtout, de s’être alignés sans barguigner sur les positions de Washington. Ah ! J’oubliais, le « changement de ton » est dû aussi à la regrettable disparition des « diplomates arabisants » du Quai d’Orsay, partis exercer leurs talents dans diverses ambassades. Qui reste-t-il ? Des blancs-becs inexpérimentés qui n’entendent rien aux subtilités du Levant. Je passe rapidement sur les initiatives que, selon Benjamin Barthe, une diplomatie française autonome et audacieuse pourrait entreprendre afin de « redonner de la voix à la France au ProcheOrient » : soutenir l’accession de la Palestine à la Cour pénale internationale (CPI), ce qui ferait pendre une épée de Damoclès salutaire sur la coalition au pouvoir à Jérusalem – une affaire à double tranchant, soit dit en passant, puisque prendre délibérément pour cible des populations civiles, comme le fait le Hamas, est un crime de guerre, reconnu comme tel par le droit international et les grandes ONG, Amnesty International et Human Rights Watch en tête. Ou encore, « entamer un dialogue sous conditions » avec le Hamas – mais on voit mal quelles pourraient être ces conditions, outre celles qui font consensus depuis des lustres : reconnaissance d’Israël, renonciation à la violence, admission des traités internationaux passés. Tout cela relève du vœu pieux. Benjamin Barthe garde la nostalgie de la « politique arabe » de la France de naguère. La vérité est que cette politique arabe a toujours été une illusion, entretenue par la « rue arabe » du Quai d’Orsay et des gesticulations politiques comme celles de Jacques Chirac, mais dont l’influence sur le cours de la paix et de la guerre au Proche-Orient a toujours été nulle. La France seule ne peut rien ; c’était déjà vrai au temps du général de Gaulle, où les Arabes cherchaient des armes et de la consolation à Paris, mais allaient à Moscou, puis, de plus en plus souvent, à Washington pour y faire de la politique. C’est encore plus vrai aujourd’hui que le « monde arabe » n’existe plus, s’il a jamais existé autrement que dans la propagande de la Ligue arabe et le cerveau romantique des « diplomates arabisants » du Quai. La vérité est que ce sont les Américains qui ont les cartes en main, mais que malheureusement ils ne veulent ou ne peuvent s’en servir. La vérité est que l’Europe unie pourrait jouer un rôle déterminant si elle parvenait à exister autrement que comme tiroir-caisse et mur de Lamentations. Si la France est coupable de quelque chose, c’est de n’avoir pas su créer avec ses partenaires cette entité puissante, seule capable de provoquer à Jérusalem autre chose qu’un haussement d’épaules à peine poli. Étonnezvous après cela que Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères de la France, se soit rendu dans la région et que personne ne s’en soit aperçu. © Elie Barnavi, 28 juillet 2014. Avec Dimanche 22 novembre – Cinéma Jean Eustache/Salle Fellini – 14H30 Avec Elie Barnavi, historien, essayiste, ex-ambassadeur d’Israël en France et Jean-Paul Chagnollaud, professeur émérite des universités, directeur de l’Institut de Recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient. Animé par Jérôme Gautheret, journaliste au Monde, chef adjoint du service international. Autres intervenants en attente. Page de gauche : Le président israélien Shimon Peres et le Premier ministre Benjamin Netanyahu accueillent le président français François Hollande à l’aéroport Ben Gurion de Tel Aviv, le 17 novembre 2013. La première prise de parole de François Hollande, lors de ce voyage essentiellement consacré au nucléaire iranien, exprimera le refus par la France de toute prolifération nucléaire. (d.r.). UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 43 LUNDI 16 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE dans les pas d’alexandre, les grecs en orient lundi 16 novembre – cinéma jean eustache, café berlin 3ème étage – 16h30 Par Laurent Capdetrey, maître de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne. La bataille d’Alexandre, mosaïque, IIe siècle av. J.-C., Naples, Museo Archelogico Nazionale. Dans le dernier tiers du IVe siècle, la conquête de l’Empire perse par Alexandre ouvrit l’essentiel des mondes proche-orientaux à des populations venues du monde égéen. La multiplication des implantations permit ainsi la mise en place de véritables diasporas grecques et macédoniennes sur des territoires très étendus, de la Syrie à l’Asie Centrale et du golfe Persique à l’Anatolie. Si cet effort aboutit à la mise en place d’une sorte d’archipel hellénisé, jamais il ne fut question de faire de ces régions des pays majoritairement grecs et, de fait, les populations d’origine égéenne y furent toujours extrêmement minoritaires. Il reste que ce processus de colonisation retient d’abord l’attention de l’historien par ce qu’il révèle de la capacité d’Alexandre et de ses successeurs à créer de nouveaux types d’espaces urbains et à redéfinir les équilibres régionaux, notamment en Syrie et au cœur de l’Asie. L’invention de villes nouvelles, conçues comme des actes de pouvoir, marquait ainsi avec une emphase spectaculaire l’appropriation de ces nouveaux territoires. Il faut bien sûr s’interroger aussi sur la nature des rapports établis entre les Grecs d’Asie et les populations locales dont les structures d’encadrement politique et religieux (en Phénicie, en Babylonie, en Iran, etc.) étaient aussi puissantes qu’anciennes. On a depuis longtemps renoncé à toute idée de diffusion naturelle d’un hellénisme conçu comme culturellement supérieur. Les recherches les plus récentes soulignent au contraire la complexité de ces rapports politiques et culturels, faits de violence, à coup sûr, mais aussi de formes complexes de collaboration et de transferts culturels (linguistiques, religieux, juridiques). Mais la capacité de cette diaspora à afficher durablement une identité grecque – masquant des situations souvent plus complexes – conduit à s’interroger sur les ressorts et la plasticité de cette identité dans ces contextes régionaux si différents et si éloignés du monde égéen. MARDI 17 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE BONAPARTE À LA CONQUÊTE DE L’ÉGYPTE mardi 17 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 10h15 Par Robert Solé, écrivain et journaliste. Napoléon et ses généraux en Égypte, peinture de Jean-Léon Gérôme, 1863. 44 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT En juillet 1798, à la tête de 50 000 hommes, Napoléon Bonaparte, le général le plus glorieux de la République, part à la conquête du pays des pharaons. Il faut empêcher les Anglais de s’en emparer et leur couper la route des Indes. Une Égypte assoupie depuis des siècles voit débarquer une armée suréquipée, sans bien comprendre ses objectifs. Et, à Constantinople, le sultan est furieux de cette invasion de l’une de ses provinces. C’est le premier choc de l’époque moderne entre l’Occident et l’Orient musulman. Mais Bonaparte ne vient pas avec l’esprit des Croisades : il se déclare ami des musulmans, et même admirateur de leur religion. Nouvel Alexandre, il entend donner un certain statut à son expédition : plus de cent soixante « savants et artistes » de toutes disciplines — ingénieurs, astronomes, chimistes, naturalistes, dessinateurs ou imprimeurs – l’accompagnent. Parmi eux, quelques grandes figures, comme Monge, Berthollet, Vivant Denon ou Dolomieu, et de jeunes inconnus, comme Geoffroy Saint-Hilaire, qui se feront un nom dans la vallée du Nil. Un Institut d’Égypte est créé au Caire, sur le modèle de l’Institut national. Une petite cité scientifique se met en place, dans un décor somptueux. Grâce au travail minutieux de ces « savants et artistes », le pays des pharaons sera révélé au reste du monde. La publication de la monumentale Description de l’Égypte donnera toute sa dimension à cette aventure scientifique sans égale. Sur le plan militaire, en revanche, après plusieurs victoires, les Français perdront leur flotte à Aboukir et finiront par devoir évacuer la vallée du Nil. Bonaparte, lui, a fait son expérience de chef d’État en Égypte. Il est maintenant en mesure de prendre le pouvoir à Paris. – Robert Solé MARDI 17 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE zénobie, de palmyre à rome mardi 17 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 11h30 L’imaginaire occidental a placé Zénobie parmi les rares femmes de pouvoir qu’a engendré l’Antiquité, avec Didon, Sémiramis ou Cléopâtre. Au fil du temps, elle fut d’abord la « forte femme », vertueuse et ambitieuse, avant de devenir une héroïne sortie du désert, reine d’un royaume de fiction, initiatrice d’une révolte qui aurait dû délivrer la Syrie de la présence romaine. Entre les fantasmes d’un Occident succombant aux charmes de l’Orient et les exigences du nationalisme contemporain, Zénobie peine à trouver sa place. Longtemps prisonniers d’une source quasi unique et de fiabilité largement douteuse, l’Histoire Auguste, poètes, romanciers, auteurs de tragédies ou de livrets d’opéra, pour ne rien dire des historiens, n’ont pas tardé à s’en affranchir pour laisser libre cours à leur imagination. Pourtant, il existe une Zénobie de l’histoire, documentée par des sources plus nombreuses qu’on ne le croit, et que l’on peut essayer de cerner par un examen minutieux de l’ensemble de la documentation, littéraire mais aussi épigraphique, archéologique et numismatique. Certes, bien des aspects essentiels nous échappent, mais quelques certitudes émergent. Issue d’une grande famille hellénisée de Palmyre, épouse d’un homme, Odainath, qui - fait rare chez les Syriens - parvint au rang de sénateur de Rome, elle doit son titre de reine au seul fait que son époux se proclama « roi des rois » après avoir vaincu à la guerre le roi des rois perse Shapur Ier. S’évanouit donc définitivement le titre de « reine de Palmyre » dont l’affuble presque tous les auteurs, puisque Palmyre, ville de l’Empire romain et décorée même du titre de colonie romaine (qui l’assimile au sol de l’Italie), n’a jamais été un royaume ni avant Zénobie, ni pendant sa courte aventure. Veuve après l’assassinat (inexpliqué) d’Odainath, elle pousse alors sur le devant de la scène son jeune fils, Wahballath, et tente de le faire associer au pouvoir impérial, comme cela s’est si souvent pratiqué au IIIe siècle. Malgré de brillantes réussites militaires (elle contrôle toutes les provinces syriennes et l’Égypte), Zénobie ne parvient pas à faire admettre ce partage du pouvoir par le nouvel homme fort de l’Occident, Aurélien. La rupture devient inévitable ! Si la trame d’ensemble ne pose guère problème désormais, les incertitudes restent nombreuses, ce qui devrait nourrir la discussion lors du café historique que l’on consacrera à Zénobie. – Annie Sartre-Fauriat et Maurice Sartre Par Maurice Sartre et Annie Sartre-Fauriat, professeurs émérites d’histoire ancienne. Hebert Schmalz, La Reine Zénobie. Dernier regard sur Palmyre (1890). UNIVERSITÉ POPULAIRE DU CINÉMA histoire du cinéma iranien mardi 17 novembre – cinéma jean eustache, salle Fellini – 15h00 Le cinéma iranien, surtout depuis la révolution de 1979, s’inspire de la vie quotidienne et de la poésie persane, afin d’encourager l’amitié et la solidarité entre les gens. Cela concerne le cinéma d’auteur qui représente environ 20% de la production annuelle d’une centaine de films. Ce cinéma connu sur la scène internationale est l’un des trois courants du cinéma iranien. Les deux autres comprennent d’une part des films religieux, relevant de la propagande, et d’autre part des films grand public : comédies, mélodrames et films sociaux, interprétés par les stars iraniennes. Par Mamad Haghighat, réalisateur et historien du cinéma. Photo : Où est la maison de mon ami ? d’Abbas Kiarostami. ENTRETIEN avec LE MASTER PRO DOCUMENTAIRE UNIVERSITÉ MONTAIGNE - BORDEAUX bernard george, un documentariste face à l’histoire mardi 17 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3 étage – 14h00 ème Entretien avec Bernard George par des étudiants du master pro en public. Voir page 18 : notice biographique. Voir page 155 : présentation du film La Vengeance des Arméniens. le Procès Tehlirian. UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 45 MARDI 17 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE JÉRUSALEM AUJOURD’HUI mardi 17 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 15h30 Par Vincent Lemire, historien au Centre de recherche français de Jérusalem. Comment parler de « Jérusalem aujourd’hui » alors que cette sainte ville est tout sauf une « ville d’aujourd’hui » ? Pour l’historien que je suis, ce n’est d’ailleurs même pas une « ville d’hier » : comment en effet (co)produire l’histoire d’une ville écrasée de mémoires millénaires, fourbue d’identités bricolées, comprimée sous la pression des projections religieuses et des projets politiques, broyée par les discours et les stratégies, démembrée par les revendications et les appropriations ? Jérusalem échappe toujours à l’observateur et à elle-même. Berceau partagé des trois récits monothéistes, Jérusalem est observée par le monde entier comme le laboratoire du vivre-ensemble ou de la guerre civile, de la citadinité ou de la haine de l’autre. Depuis quelques années, au gré des combats et des affrontements qui traversent périodiquement la ville, Jérusalem est devenu le théâtre privilégié sur lequel se projettent les dangereux fantasmes des malfaisants forgerons du choc des civilisations. Jérusalem s’épuise elle-même à conserver le passé le plus ancien et à augurer l’avenir le plus lointain, elle et ses habitants sont pris en tension dans un arc chronologique presque infini, de la Genèse à l’Apocalypse, des origines à la fin des temps, du paradis originel au jugement dernier : tout est là, compacté, réuni sur quelques kilomètres carrés de pierres et de ravins, entre la source originelle du Gihon et le sommet du Mont des Oliviers. Dans cet hallucinant court-circuit historique, le présent disparaît, la ville contemporaine peine à exister, l’essence précède toujours l’existence. Pour essayer d’évoquer malgré tout la Jérusalem d’aujourd’hui, il faut donc patiemment situer la ville, décrire sa topographie, raconter son histoire, localiser ses quartiers, dénombrer ses habitants, décrypter les récits qui l’enserrent, en prenant garde d’éviter les innombrables chausse-trapes des pièges identitaires. – Vincent Lemire GRAND ENTRETIEN avec LA SEMAINE DE LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE LE RAPPROCHEMENT JUDÉO-ARABE PAR LE PÈRE SHOUFANI mardi 17 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 20h30 Pour l’édition 2015, le Collectif répond au thème « d’un si Proche Orient » tout en illustrant l’un des droits à l’essentiel, celui de « Vivre dignement dans son pays », en ayant l’honneur d’accueillir le Père Emile Shoufani, Curé de Nazareth. Prophète infatigable de la paix auprès des jeunes générations notamment, impliqué au quotidien pour un rapprochement pacifique judéo-arabe, nous le sollicitons en qualité de Grand Témoin de notre Temps sur ces questions et sur les actions qu’il mène en ce sens. Palestinien à part entière, mais israélien de nationalité, chrétien dans une société arabe en majorité musulmane, il croit aux vertus de la démocratie et de la non-violence et œuvre pour une intégration véritable de la jeunesse arabe dans un État juif. Homme de paix, il incarne la complexité de cette terre, où les guerres israélo-palestiniennes ont emporté une partie de sa famille En 2003, il a reçu le prix Unesco de l’éducation pour la paix, pour son action en faveur du rapprochement des populations arabes et juives. Il venait alors d’organiser le voyage « Mémoire pour la Paix », un voyage à Auschwitz rassemblant des Juifs, des chrétiens et des musulmans, auxquels il dira : « Ce détour par les abîmes les plus sombres de la mémoire de l’humanité ne peut que nous renvoyer chacun à nos responsabilités du présent, et à notre vocation d’êtres humains en marche vers un Vivre ensemble. » Qui pourrait croire qu’à Nazareth, dans cette ville de Galilée essentiellement peuplée d’Arabes israéliens, l’expérience d’un humble curé palestinien puisse ressusciter l’espoir malgré toutes les haines prétendument héréditaires ? Par ce temps qu’il nous consacre, nous aurons le privilège d’accueillir ses réponses en direct et de dialoguer avec lui. ENTRETIEN-DÉGUSTATION avec LE MONDE et LES VIGNOBLES MICHEL GONET CHAHDORTT DJAVANN mardi 17 novembre – cinéma jean eustache, café berlin 3ème étage – 18h45 Animée par Thomas Wieder, rédacteur en chef du Monde. 46 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT Chahdortt Djavann est romancière et essayiste. Portrait en page 18. MERCREDI 18 NOVEMBRE CAFÉ POÉTIQUE syrie. miroir d’une guerre cachée mercredi 18 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 10h15 Omar Youssef Souleimane est né en 1987 à Quoteifé, sur les plateaux du Kalamoune à une quarantaine de kilomètres au nord de Damas. Après avoir obtenu un baccalauréat scientifique en 2005, il étudie la littérature arabe à l’université de Homs. Entre 2006 et 2010, il a été correspondant de la presse syrienne, et a collaboré avec de nombreux journaux arabes. Il est l’auteur de livres de poésie (Chansons de saison en 2006, Je ferme les yeux et j’y vais, prix koweitien Saad Al Sabbah en 2010). Ayant participé aux manifestations pacifiques dès mars 2011 à Damas puis à Homs, il a été recherché par les services de renseignements syriens. Afin d’éviter la prison, il est entré dans la clandestinité et est parvenu à quitter son pays. La France, où il vit depuis 2012, lui a accordé l’asile politique en 2012. Il a publié Il ne faut pas qu’ils meurent en 2013 aux éditions Al Ghaoune – Liban, La mort ne séduit pas les ivrognes en 2014, bilingue, français/arabe, aux éditions L’oreille du loup – Paris. Un film a été réalisé sur son poème Je ne suis plus personne. Avec Omar Youssef Souleimane, poète. « […] Quand je grandirai, je serai une étoile Ainsi parle la trace de la balle laissée dans la chair Il ne vous servira à rien d’ouvrir mes brouillons et de veiller tard en compagnie des nuages jusqu’à mon retour Qu’un seul exilé appelle ses frères et le soir se blesse » Extrait du poème Dès que le soir se blesse. CAFÉ HISTORIQUE avec L’APHG la révolution des femmes mercredi 18 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 11h30 La femme musulmane/arabe/orientale fut longuement désignée comme une entité au singulier, du fantasme précolonial nourri par les imaginaires européens à l’instrumentalisation de la question du voile, elle se retrouve aujourd’hui au centre de toutes les attentions et de toutes les peurs. L’étude des mouvements féministes en Méditerranée qui se sont déployés tout au long du XXe siècle permet aujourd’hui de redonner un pluriel aux engagements féminins dans les pays arabes et d’envisager les luttes pour l’émancipation comme un entrelacs complexe et moins binaire qu’un simple antagonisme entre soumission et libération. La « question féminine » possède une histoire et s’élabore par le moyen d’un jeu de miroirs, à travers des productions de discours savants, militants et artistiques qui jalonnent le siècle passé. Ainsi, la révolution des femmes est avant tout une reconnaissance des conditions féminines dans leur pluralité. Les oppositions entre mondes colonisés et colonisateurs, entre musulmans et chrétiens, entre Orientaux et Occidentaux ont fabriqué une « question féminine » simplifiée, rapidement prise en défaut dès qu’on s’approche un peu plus près de l’objet. Il n’y a jamais eu de voie unique pour les combats féministes, partout ailleurs comme dans le monde arabe : en somme, les questions débattues par les femmes musulmanes ne sont pas données d’évidence, spécifiques à une condition singulière de la femme en ces régions. En revisitant les grands mouvements féminins et féministes du XXe siècle, en questionnant le corps et la difficulté de faire preuve de courage dans une société patriarcale, c’est toute une histoire des femmes arabes qui se dessine. Et par la reconnaissance de cette histoire, un meilleur éclairage sur le désir de liberté des femmes, sur leurs droits, sur la violence qu’elles subissent, mais aussi celle dont elles veulent se saisir. – Leyla Dakhli Par Leyla Dakhli, historienne, chercheure au CNRS. Conférence animée par Mounira Chatti, maître de conférences. Photographie de l’artiste Shirin Neshat. UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 47 MERCREDI 18 NOVEMBRE CONFÉRENCE avec L’IJBA CHARLES ENDERLIN, GRAND REPORTER EN ISRAËL-PALESTINE mercredi 18 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 14h00 Rencontre animée par Sonia Hamdi et Garo Kevorkian de l’IJBA. Après des études de médecine rapidement interrompues, Charles Enderlin quitte la France en 1968 pour rejoindre un kibboutz en Israël et observer les évolutions d’un pays en voie de développement. Trois ans plus tard, il rejoint la rédaction de la radio israélienne et devient correspondant pour RMC en 1973. C’est en 1981 qu’il commence à travailler pour Antenne 2 en tant que pigiste avant d’acquérir le titre de grand reporter en 1988 et d’être titularisé en 1990 pour devenir le correspondant permanent de la chaîne publique à Jérusalem. En aout 2015, le journaliste prend sa retraite et quitte le bureau de Jérusalem. Durant 34 ans, Charles Enderlin aura couvert une région du monde sensible, surveillée, traquée par la presse internationale et où les moindres variations sont épiées par tous les grands dirigeants du monde. De la première intifada en 1987 à la situation d’occupation des terres palestiniennes que nous connaissons aujourd’hui, Israël et la Palestine, terres morcelées, ont été le théâtre de violents conflits, de pressions et de soulèvements qui ont interpellé l’opinion publique. Son rôle de journaliste, Charles Enderlin l’a tenu avec une rigueur exemplaire et une objectivité toujours plus complexe à maintenir. Reporter de l’entre deux mondes, pour qui la « schizophrénie » devient une nécessité et la neutralisation des sentiments personnels, essentielle, Charles Enderlin a assisté à deux intifadas, aux bombardements israéliens comme aux attentats palestiniens… Son travail : essayer de voir au-delà de l’horreur du quotidien, tout en la couvrant. C’est ainsi que pour développer son argumentaire et s’extirper du journalisme de l’instant, Charles Enderlin s’est attelé à la rédaction de plusieurs ouvrages et à la réalisation de documentaires, dont le film Au nom du temple, sélectionné et projeté dans le cadre du Panorama Documentaires du Festival. À travers le prisme de l’information, il s’agit aussi de comprendre les relations qu’entretiennent les Français avec Israël et la Palestine : qu’est-ce qui intéresse les médias ? Que demandait-on, concrètement, à un grand reporter travaillant pour le service public sur un sujet aussi sensible ? Sur le Festival, il viendra notamment à la rencontre des étudiants de l’IJBA pour partager son expérience et revenir sur ce qui constitue l’essence de son métier. CAFÉ HISTORIQUE LES INTERVENTIONS DE LA FRANCE AU MONT-LIBAN (1860-1861 ET 1916-1919) mercredi 18 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 15h30 Par Yann Bouyrat, historien. 1860. Troupes envoyées par Napoléon III pour restaurer la paix entre deux communautés, les Druzes et les chrétiens maronites. 48 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT Les relations entre la France et les populations du Mont-Liban sont anciennes. Commencées sous les rois Bourbons, elles se sont considérablement renforcées au cours des siècles suivants. Plusieurs facteurs l’expliquent : la position éminente obtenue, grâce aux Capitulations, par la France dans l’Empire ottoman ; l’action de ses consuls en faveur des minorités chrétiennes ; l’essor des échanges commerciaux, notamment du négoce de la soie ; l’implantation, surtout, des missions catholiques au Liban, missions dont les membres, souvent français, n’ont pas peu contribué à diffuser largement la langue de Molière parmi les Libanais. Deux événements ont cependant, plus que tout autre, contribué à rapprocher les populations des deux rives de la Méditerranée : la décision, prise par Napoléon III, d’intervenir au Liban à la suite des massacres confessionnels de juin 1860 ; l’action menée pendant la Grande Guerre par la France au Liban pour secourir les populations, frappées par une terrible famine. Ces deux opérations n’ont, en apparence, pas grand-chose à voir. Distantes de plus d’un demi-siècle, elles se sont d’abord produites dans des contextes bien différents : l’expédition napoléonienne, acceptée et soutenue (non sans arrière-pensées !) par le concert européen, s’est effectuée en temps de paix, avec l’accord de l’Empire ottoman. L’aide apportée en 1916-1919 intervient dans une période de guerre dans un État hostile. Les buts de ces deux interventions divergent tout autant : dans un cas, il s’agissait de mettre un terme à des massacres confessionnels, dans l’autre, d’éviter la mort lente des populations par la faim. Elles n’en présentent pas moins aussi de troublantes similitudes. Ce sont avant tout deux opérations humanitaires. Ce caractère transparaît nettement à plusieurs niveaux : la mobilisation de l’opinion publique, l’implication des dirigeants, l’action concrète, surtout, non seulement de l’armée française, mais aussi d’autres acteurs de terrain, comme les ordres missionnaires en faveur des victimes. Cette générosité se double cependant, dans les deux cas, d’une visée stratégique claire : la consolidation de la présence française non seulement au Liban, mais aussi dans la Syrie voisine. L’action de la France en 1860-1861 et en 1916-1919 apparaît ainsi intéressante à double titre : elle montre d’abord l’épaisseur acquise par ses relations avec les chrétiens du Liban. Elle confirme surtout que, même lors des actions humanitaires en apparence les plus spontanées, l’intérêt national n’est jamais loin. MERCREDI 18 NOVEMBRE UNIPOP CINÉMA LES CINÉASTES FACE À L’HISTOIRE DE LA SYRIE mercredi 18 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 20h30 Hala Mohammad est une poétesse et réalisatrice de films documentaires syrienne. Elle trouve l’exil à Paris en 2011. Ses films brisent le tabou de la prison en Syrie. Elle a également créé le ciné-club syrien en 2014 pour la promotion d’échanges culturels entre la Syrie et l’Europe. Elle est l’auteur de Voyage dans la mémoire (voir p-113). Ossama Mohammed est un réalisateur et scénariste syrien. Après avoir étudié le cinéma à Moscou, il signe son premier film, Étoiles du jour (voir p-112), découvert en 1988 en France à la Quinzaine des réalisateurs. En 2002, son second film, Sacrifices, est présenté à Cannes dans la sélection Un certain regard. En exil forcé et réfugié en France depuis 2011, il suit la révolution, puis la répression qui ensanglante son pays, signant le film Eau Argentée (voir p-114), coréalisé à distance avec Wiam Simav Bedirxan. Yuri Maldavsky s’est spécialisé dans la couverture des conflits à travers le monde. Après avoir été journaliste et cameraman pour Arte, Canal+ et France 2, son premier documentaire La Section White (voir p-81) est une immersion aux côtés des forces américaines à Bagdad. En 2010, Ultime avant-poste partage le quotidien des soldats afghans dans leur lutte contre les Talibans. Il a également réalisé Mexique pays au bord de l’overdose (2011) et Syrie, enfants en guerre (2014, voir p-115). Par Yuri Maldavsky, réalisateur, Hala Mohammad, poétesse, réalisatrice et Ossama Mohammed, réalisateur. Rencontre animée par Philippe Sainteny, journaliste, documentariste. Syrie, enfants en guerre de Yuri Maldavsky. Voyage dans la mémoire de Hala Mohammad. ENTRETIEN-DÉGUSTATION avec LE MONDE et LES VIGNOBLES MICHEL GONET DANIÈLE KRIEGEL POUR SON LIVRE la moustache de staline mercredi 18 novembre – cinéma jean eustache, café berlin 3ème étage – 18h45 « En plus de trente ans de vie d’Israélienne, je n’ai pas rencontré Dieu. Je n’ai pas non plus désiré le Messie. Je suis restée effrayée par le désert et je n’ai jamais pu m’habituer à la guerre. Quant aux idéologies, je n’en ai partagé aucune. La moustache de Staline m’avait suffi, même quand elle s’est transformée en habits de Mao pour les uns, ou en apologie de nos patriarches et de leur descendance pour les autres. » C’est sur ce ton, et à ce rythme, que Danièle Kriegel, aujourd’hui journaliste, mène son récit dans son livre La Moustache de Staline, édité au Seuil. Fille de la célèbre Annie Kriegel, elle raconte son enfance, « ma mère et moi, on s’est raté », une jeunesse en décalage, la découverte d’un pays, Israël, dont elle refuse certains codes tout en l’aimant éperdument, et sur lequel elle exerce son regard acéré de commentateur politique. Avec Danièle Kriegel, journaliste et écrivain (La Moustache de Staline). Entretien animé par Thomas Wieder, rédacteur en chef du Monde. UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 49 JEUDI 19 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE MOÏSE mercredi 19 novembre – chapiteau festival – 10h15 Par Jean-Christophe Attias, chercheur et universitaire, spécialiste de la pensée juive. Photo : Moïse brise les tables de la loi. Dessin de Gustave Doré, gravure sur bois, 1866. Moïse est de ces figures bibliques majeures qui ont transcendé les frontières religieuses. Il y a un Moïse chrétien et un Moïse musulman. Il y a même un Moïse des laïcs, des athées, des révolutionnaires, qui ont pu voir en lui un modèle d’émancipateur. Il y a aussi le Moïse des créateurs, des sculpteurs, des peintres, des romanciers et des musiciens. Et il y a enfin, bien sûr, celui du cinéma, de Cecil B. DeMille à Ridley Scott... Aux yeux de ses panégyristes anciens, médiévaux et modernes, Moïse cumule à peu près tous les talents : ceux du prophète, bien sûr, mais aussi ceux du roi, du philosophe, du législateur, du grand prêtre, voire du général ! Au point que l’on peut presque affirmer que de Moïse à peu près tout a été dit. Tout et le contraire de tout. Dans le judaïsme, significativement, sa place est à la fois centrale et marginale. La tradition juive post-biblique en a maintes fois redessiné la silhouette, tantôt précisant, tantôt brouillant l’idée que nous pourrions en avoir. Le retour à ces sources – scripturaires ou rabbiniques –, s’il ne permet assurément pas de retrouver un improbable Moïse « historique », nous oblige à une salutaire conversion du regard. Incarnation par excellence du Juif de l’Exil, mais n’ayant jamais cessé de rêver d’une Terre qu’il ne foulera pas, tiraillé entre les colères de son Dieu et les infidélités de son peuple, transmetteur d’une Loi divine qui, en dernier recours, lui échappe, Moïse se révèle au travers de ce prisme-là d’abord comme un maître. Et comme un maître de liberté. Nous dominant de sa haute stature, et pourtant proche de nous, fragile comme nous, humain, donc, avant tout, Moïse alors nous parle vraiment. À nous, aujourd’hui, qui que nous soyons et d’où que nous venions. ENTRETIEN avec SUD OUEST et L’IJBA PREMIÈRE GUERRE DU GOLFE : LE TÉMOIGNAGE D’YVES HARTÉ jeudi 19 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 11h30 Avec Yves Harté, rédacteur en chef de Sud Ouest, Prix Albert Londres. Conférence animée par Antoine Janon, étudiant à l’IJBA. 50 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT Au mois d’août 1990 les troupes Irakiennes de Saddam Hussein envahirent sans coup férir le Koweït, petit voisin au sous-sol et aux fonds maritime riches en pétrole au prétexte que ce dernier ne respectait pas les fluctuantes frontières des champs pétrolifères. Saddam Hussein comptait sur la passivité de la communauté internationale voire de sa secrète compréhension pour gages de sa guerre épuisante menée pendant cinq longues années contre l’Iran qui faisait alors figure de démon et d’ennemi de l’Occident. Saddam Hussein se trompait. Cette violation du droit international ne pouvait être tolérée par les Nations Unies. C’est ainsi que débuta la « première guerre du Golfe ». De ce mois d’août 1990, au mois d’avril de l’année qui suivit, Sud Ouest m’envoya couvrir ce conflit, en Irak, en Jordanie, en Syrie, à Bagdad la veille et les premiers jours des frappes américaines moment où nous avons été expulsés puis au Kurdistan jusqu’à Kirkouk jusqu’à la fuite des civils et la retraite des peshmergas de Massoud Barzani dans les montagnes après la contre-attaque des troupes de Saddam Hussein « tolérée » par Bush père et Mitterrand. C’est cette période cruciale et qui explique en creux la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui que je me propose de raconter sous l’angle du témoignage et à la lumière de ce que nous avons pu apprendre ensuite. – Yves Harté JEUDI 19 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE JÉRUSALEM, CŒUR DU MONDE jeudi 20 novembre – chapiteau festival – 14h00 Prise et reprise, conquise et détruite, depuis sa lointaine fondation, Jérusalem est une ville où sans cesse, avec foi et ardeur, avec une obstination têtue, malgré risques et obstacles, Jérusalem donc, est une ville où l’on va. Elle a su défier Assyriens et Égyptiens, Grecs et Romains, cœur du monde juif au temps du royaume de David, symbole de la douleur de l’exil, elle est devenue le centre religieux du monde chrétien, avant qu’à son tour la foi musulmane s’en réclame. Pourtant, malgré les vicissitudes de l’Histoire, pèlerins et voyageurs, solitaires ou en groupe, vont se lancer tout au long des siècles, dans des périples dangereux, insensés, sur des chemins périlleux. Mais poussés par une foi inébranlable. C’est à tous ces voyageurs, anonymes ou connus, obscurs ou célèbres que cette conférence est dédiée. – Claude Aziza Par Claude Aziza, professeur honoraire à la Sorbonne Nouvelle. Jerusalem, dans le film éponyme de Daniel Ferguson projeté en juin 2014 à La Géode. Une plongée au cœur de « la plus fascinante et symbolique des cités » GRAND ORAL, avec SCIENCES PO et SUD OUEST MÉMONA HINTERMANN jeudi 19 novembre – cinéma jean eustache, salle fellini – 17h00 Dans leur premier ouvrage écrit à quatre mains, Mémona Hintermann et Lutz Krusche, (« Quand nous étions innocents », JC Lattes, 2009), Mémona rapporte qu’en feuilletant les cahiers de notes de son mari, grand reporter comme elle, une phrase d’un théologien allemand du XVIIIe siècle, F.C. Oetinger, retient son attention : « Dieu, donne-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses que je peux changer et la sagesse de faire la différence ». Née dans une famille très modeste résidente au Tampon à la Réunion, d’un père indien musulman, Cassim Ismaël Afféjee et d’une mère créole d’origine bretonne, Mémona Hintermann qui n’a jamais fait mystère de sa foi catholique profonde, encore aujourd’hui, grandit au milieu de dix frères et sœurs. Lauréate d’un prix de l’ORTF en 1971, elle entame une carrière de grand reporter qui va la conduire dans le monde entier, sur les terrains de guerre mais aussi à la rencontre de tous les visages de l’humanité, des plus pauvres aux plus puissants. Sa route croise celle du dictateur libyen Khadafi. Elle dénoncera lors de la réception officielle de ce dernier en France, en 2007, la tentative de viol sur sa personne. Mémona Hintermann, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) depuis janvier 2013, est non seulement une grande dame du journalisme, c’est aussi une témoin passionnée des soubresauts des 40 dernières années du monde. UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 51 JEUDI 19 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE en avant-programme des AOC DE L’ÉGALITÉ les déplacements des populations suite à la crise syrienne suivi du film les chebabs de yarmouk jeudi 19 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 20h30 Par Pierre Blanc, enseignant chercheur, Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, Adham Mawed, réfugié du camp de Yarmouk, René Otayek, politologue, directeur de recherche au CNRS, Axel Salvatori-Sinz, réalisateur. Rencontre animée par Christophe Dabitch, journaliste. L’actualité politique du Moyen-Orient véhiculée par les médias français et la présence d’un nombre important de personnes issues de cette région en France ne nous laissent pas indifférents et nous incitent à lancer le débat. Les crises se multiplient chaque jour. La misère qui gagne les populations les poussent à se déplacer ailleurs ; vers un monde plus paisible et sûr. Dans ce contexte, les pistes, permettant au public de saisir les évènements, sont brouillées. Cette « table ronde – projection » a pour but d’offrir des clés de compréhension de la situation du MoyenOrient actuel et du déplacement de ses populations en France. L’intention de ce projet est guidée par l’envie de ses organisateurs de permettre au grand public d’y avoir accès. La thématique du premier rendez-vous culturel est « un si Proche-Orient ». Celle du deuxième est « La fraternité : Comment faire fraternité/ humanité ensemble ? Que souhaitons-nous transmettre aux générations futures ? » Une fusion entre ces deux manifestations nous semble cohérente : le Moyen-Orient s’invite à l’affiche du Festival du Film d’Histoire et la « Fraternité » rayonne dans les AOC de l’égalité. Alors, peut-on, en France, parler de fraternité sans saisir la réalité amère qui bouleverse l’autre côté de la rive et ses populations ? Les Chebabs de Yarmouk de Axel Salvatori-Sinz . ENTRETIEN-DÉGUSTATION avec LE MONDE et LES VIGNOBLES MICHEL GONET DARIUSH MEHRJUI, réalisateur jeudi 19 novembre – cinéma jean eustache, café berlin 3ème étage – 18h45 Avec Dariush Mehrjui, réalisateur. Entretien animé par Jérôme Gautheret, journaliste au Monde. 52 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT Diplômé en philosophie de UCLA en 1964, Dariush Mehrjui réalise son premier film, Diamant 33 en 1966. Son film suivant, La Vache, avec Ezzatollah Entezami dans le rôle principal, est une œuvre majeure de sa filmographie et de l’histoire du cinéma iranien. Il est considéré comme un créateur exigeant et l’un des grands intellectuels du cinéma iranien contemporain. La plupart de ses films s’inspirent du théâtre et de la littérature, reprenant souvent le canevas d’un roman ou d’une pièce du domaine persan ou étranger. Sara, récompensé par la Coquille d’or au Festival de Saint-Sébastien, se conçoit par exemple comme une relecture d’Une maison de poupée d’Henrik Ibsen. VENDREDI 20 NOVEMBRE CONFÉRENCE les petits-déjeuners de france culture vendredi 20 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 10h15 Anaïs Kien reçoit un(e) réalisateur (trice) de documentaires invité(e) du Festival pour une rencontre consacrée à son dernier film. CONFÉRENCE famille, amour et sexualité : que dit le cinéma de la société iranienne ? vendredi 20 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 11h15 Avec Asal Bagheri, spécialiste du cinéma iranien. Une séparation de Asghar Farhadi. Le cinéma iranien est un exemple parfait des limites floues entre le privé et le public et son évolution illustre celle de la société. La relation ambiguë qu’entretenait le public avec le cinéma avant la révolution montre bien le malaise et la culpabilité des Iraniens qui, d’un côté voulaient suivre le clergé et, de l’autre, leur goût pour le divertissement. C’est ainsi que dans les années 70 les films les plus appréciés étaient ceux qui contenaient le plus de scènes dénudées et sexuelles. Mais ce sont ces mêmes scènes qui ont été critiquées et boycottées à la veille de la révolution. La République islamique au lendemain de sa victoire a fait de la culture et particulièrement du cinéma son cheval de bataille, d’une part pour mettre en valeur une culture « islamisée » à l’intérieur et à l’extérieur du pays et, d’autre part, pour « purifier » un cinéma qu’elle jugeait décadent et occidental. À l’instar de la poésie iranienne classique, le cinéma a alors décidé de s’emparer des figures de style pour parler pudiquement de l’amour. Il a aussi emprunté au théâtre l’art d’insister sur les mouvements : ces jeux de regards et ses musiques accompagnateurs qui durent assez longtemps en sont l’exemple parfait. Enfin, en construisant son espace comme l’architecture iranienne traditionnelle entre l’externe (espace réservé aux invités et aux étrangers à la famille) et l’interne (espace privé) le cinéma iranien a créé sa propre iranité concernant les relations homme/femme. Et à travers cette relation complexe à l’écran c’est un portrait de la famille, de l’amour et de la sexualité en Iran que le cinéma iranien nous propose… CONFÉRENCE avec SCIENCES PO qu’est-ce que le sionisme ? vendredi 20 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3 étage – 11h30 ème Avec Elie Barnavi, historien, essayiste, ex-ambassadeur d’Israël en France. 54 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT Dans son acception la plus large, le sionisme, apparu en Europe dans le dernier quart du XIXe siècle, est la doctrine qui vise à doter le peuple juif d’un État-nation. À ce titre, il emprunte l’essentiel de ses traits de caractère aux mouvements nationaux des autres peuples qui aspirent à l’autodétermination au sein des deux empires multinationaux, la Russie et l’Empire austro-hongrois. À ce titre, encore, il présente toute la gamme des idéologies socio-politiques de l’époque, depuis la gauche marxiste ou libertaire jusqu’à l’extrême-droite nationaliste en passant par le libéralisme de toute nuance. Cependant, le sionisme a aussi des traits propres, qu’il doit à l’histoire spécifique des communautés juives en diaspora. Mentionnons-en trois, essentiels. Nationalisme par défaut, élaboré en réaction à l’antisémitisme pogromiste sévissant dans la Russie des tsars, il vise à réaliser son projet non pas sur place, à l’instar des autres peuples opprimés, mais ailleurs, sur une terre lointaine où il trouve ses racines nationales et spirituelles. Mouvement émancipateur qui tourne délibérément le dos à la religion et à la tradition rabbinique, il n’en est pas moins tributaire d’une très longue histoire, où religion et nation sont inextricablement entremêlées. Enfin, le sionisme a trouvé sa réalisation tardive après l’annihilation des masses juives d’Europe orientale pour lesquelles il a été créé, et au moment précis où le nationalisme saisissait les peuples au milieu desquels il implantait son État-nation. Ces trois traits spécifiques du nationalisme juif ont largement déterminé son devenir. Abouti dans des conditions très différentes de celles auxquelles songeaient ses pères fondateurs et épuisé par son succès même, leur sionisme séculier et socialisant s’est rétréci comme une peau de chagrin au profit d’un néo-sionisme d’essence messianique qui prétend lui emboîter le pas, mais qu’il métamorphose en son contraire. – Elie Barnavi VENDREDI 20 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE avec L’APHG le pétrole a-t-il fait le malheur du proche-orient ? vendredi 20 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3 étage – 14h00 ème Depuis 1939, comme le montrent Les Aventures de Tintin, le monde arabe est assimilé « au pays de l’or noir ». Par séquences successives, l’exploitation du pétrole s’est étendue de l’Irak aux émirats du Golfe, puis à l’Arabie saoudite et enfin à l’Afrique du Nord. L’influence économique ne s’en est fait sentir qu’à partir de la fin des années 1950 avec le développement de l’industrie automobile. L’économie de la rente pétrolière s’est généralisée dans les années 1970, définissant les structures économiques, sociales et politiques. L’existence d’une manne pétrolière a rendu les États du Moyen-Orient et leurs voisins, dépendants des fluctuations du marché, et ne les a que peu incités à la diversification de leurs activités, à l’innovation et à l’entreprenariat. Souvent mal répartie entre les citoyens, elle a creusé les tensions et les inégalités sociales. La rente est accaparée par les gouvernements, renforçant le poids de l’État, mais affaiblissant les institutions publiques, nourrissant ainsi la convoitise, la corruption et le laxisme au sein des administrations. Ces effets négatifs ont entraîné des mouvements politiques et sociaux déstabilisateurs. Néanmoins, elle présente de très fortes variantes locales qui limitent les trop grandes généralisations. On peut ainsi opposer la faiblesse des économies productives comme celles de la Libye et de l’Algérie à l’aventure triomphante de certains pays du Golfe qui sont en train de prendre une place majeure dans certains secteurs de l’économie mondiale comme le transport aérien. Par Henry Laurens, historien spécialiste du monde arabomusulman, professeur au Collège de France. Conférence animée par Stéphanie Beucher, professeur de géographie. Photo : 2013. Autour d’un puits de pétrole en Syrie. À cette date, plus de 17 milliards de dollars de pertes avaient été enregistrés depuis le début du conflit CAFÉ HISTORIQUE le génocide arménien : histoire et mémoire vendredi 20 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3 ème étage – 15h30 À l’occasion de son centenaire, le génocide arménien de 1915 a fait l’objet de commémorations remarquées aussi bien pour la longévité d’une souffrance toujours à vif et son écho dans des déclarations internationales que pour la fin de non-recevoir réitérée par le gouvernement turc. L’abondance des travaux historiques a permis de faire le point sur ses conditions de possibilité et ses résultats. La recherche d’une nouvelle formule de pouvoir par les élites modernisées de l’Empire ottoman, dans un contexte de pertes de territoires, les a amenées à un nationalisme ethnique, qui faisait des Arméniens un peuple gênant là où il était. Le passage à l’acte de la destruction totale est le fruit d’une radicalisation politique, d’un retournement contre les Arméniens après la fraternisation de 1908, et la révolte traditionaliste de 1909 que les Jeunes-Turcs ont interprétée comme une demande populaire de rupture avec leurs alliés chrétiens. Les Arméniens n’étaient plus en état de se défendre après les saignées des massacres de la fin du XIXe siècle, des islamisations et émigrations, et dans le huis clos de la guerre qui éloignait les puissances. Le résultat : le cycle, balkanique, des révoltes à l’indépendance en passant par répression et intervention extérieure, n’a pas joué pour les Arméniens. Car, si « l’Empire ottoman a perdu la guerre, les Turcs l’ont gagnée » (Annette Becker). Envisagée comme indépendante par le traité de Sèvres, l’Arménie occidentale disparaît avec le traité de Lausanne. Un des plus vieux peuples d’Orient disparaît, en un an, de la plus grande partie des terres où il avait survécu entre deux empires depuis vingt siècles. Cette survie, sans souveraineté politique, s’était appuyée sur le choix religieux opéré il y a douze siècles, de se reconnaître dans une Église indépendante. Après 1920 il ne demeure plus qu’une petite Arménie au-delà du rideau de fer. Pas de souveraineté chrétienne au Moyen-Orient, et en Anatolie un face-à-face de plus en plus conflictuel entre Turcs et Kurdes. L’histoire qui suit est celle d’un retour de la mémoire. D’abord de l’extérieur, des pays de la diaspora des réfugiés, puis, malgré la résistance officielle en Turquie, au sein d’une fraction croissante de sa société. La lumière jetée par l’entreprise nazie a à la fois encouragé ce réveil et suscité des débats. Mais aujourd’hui les questions les plus vives concernent les regards turcs sur la disparition des Arméniens et les formes possibles de leur réapparition et d’une réconciliation. Par Michel Marian, maître de conférences de philosophie politique à Sciences-Po Paris. Conférence animée par Christophe Lucet, journaliste à Sud Ouest. Photo extraite des Mémoires de l’Ambassadeur Morgenthau, considéré par beaucoup comme l’une des premières sources d’information sur le génocide arméniens UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 55 VENDREDI 20 NOVEMBRE CAFÉ HISTORIQUE avec LES AMIS DU MONDE DIPLOMATIQUE LE PROCHE-ORIENT : POUDRIÈRE DU MONDE ? vendredi 20 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 20h45 Avec Akram Belkaïd, journaliste et essayiste, spécialiste du monde arabe. Animé par Christophe Lucet, journaliste à Sud Ouest. Vers un conflit généralisé ? Guerre civile en Syrie, dislocation de l’État en Irak, retour de la guerre entre Turquie et PKK dans le sud-est de l’Anatolie, intervention militaire de l’Arabie saoudite et de ses alliés au Yémen, expansion de l’Organisation de l’État islamique (OEI), exode ininterrompu de réfugiés syriens et irakiens vers les pays voisins et l’Europe, panne du processus de paix israélo-palestinien, aggravation du cycle terrorisme-répression en Égypte le tout sur fond de rivalité sourde entre les pays du Golfe et l’Iran : jamais, depuis l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein, le Moyen-Orient n’a paru aussi instable, aussi éloigné de la paix. Dans un contexte d’alliances régionales et internationales en perpétuelle recomposition, mais aussi d’aggravation de l’antagonisme entre mondes sunnite et chiite, les pays occidentaux semblent incapables de définir une stratégie cohérente à moyen terme. Le retour de la Russie dans le grand jeu proche-oriental, l’incapacité de la coalition à contenir l’OEI et à forcer le président Assad au départ sont autant d’éléments qui compliquent la sortie de crise. La diplomatie a-t-elle une chance de stopper l’engrenage fatal ou doit-on s’attendre au pire, autrement dit un conflit de plus grande envergure dont l’onde de choc bouleversera les équilibres régionaux tout en menaçant la paix et la stabilité en Europe ? – Akram Belkaïd La guerre Iran-Irak. Photo prise le 25 septembre 1980, à la région frontalière avec l’Irak du Chatt al-Arab, Iran. ENTRETIEN-DÉGUSTATION avec LE MONDE et LES VIGNOBLES MICHEL GONET HINER SALEEM, RÉALISATEUR vendredi 20 novembre – cinéma jean eustache, café berlin 3ème étage – 19h45 Avec Hiner Saleem, cinéaste. Entretien animé par Jérôme Gautheret, journaliste au Monde. 56 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT Réalisateur, Hiner Saleem est né en 1964 à Acrê (Kurdistan irakien). À 17 ans, il fuit le régime de Saddam Hussein et se réfugie en Italie puis en France. Scénariste, réalisateur et producteur, Hiner Saleem n’a de cesse de réaliser des œuvres engagées pour la reconnaissance des droits du peuple kurde. C’est ainsi que plusieurs de ses films exposent l’oppression, la misère, le combat et l’espérance du peuple kurde sous toutes ses formes. Réaliste, mais pas pessimiste, Saleem excelle aussi dans la comédie et le burlesque, comme en témoigne son dernier film Si tu meurs, je te tue ! , déjà tourné avec la prometteuse Golshifteh Farahani. En 2005, son film Kilomètre Zéro a été sélectionné en compétition à Cannes. SAMEDI 21 NOVEMBRE CONFÉRENCE les petits-déjeuners de france culture vendredi 20 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 10h15 Anaïs Kien reçoit un(e) réalisateur (trice) de documentaires invité(e) du Festival pour une rencontre consacrée à son dernier film. CAFÉ HISTORIQUE avec L’APHG CHIITES ET SUNNITES samedi 21 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 11h30 Par Mohammad Ali Amir-Moezzi, islamologue, spécialiste du chiisme, et Gabriel Martinez-Gros, professeur d’histoire médiévale du monde musulman à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense. Rencontre animée par Delphine Dussert-Galinat, historienne. Il y a quelques dizaines d’années, les spécialistes renvoyaient le couple chiite/sunnite aux conflits oubliés du Moyen Âge. Aujourd’hui, l’opposition entre les deux versions majeures de l’Islam est redevenue la grille de lecture la plus pertinente, ou la plus commode, des bouleversements en cours au Moyen-Orient. Certes la balance n’est pas égale : les Chiites, même si on inclut toutes les branches de la famille (ismaéliens, alaouites de Syrie et alévis de Turquie, zaydites du Yémen…) ne représentent pas plus de 14 à 15 % des musulmans du monde – et les sunnites presque tout le reste, 84 à 85 %. Mais les chiites sont concentrés dans le cœur du vieil Islam, entre Liban à l’ouest et Deccan indien à l’est. Ils y constituent plus 25 % de la population musulmane de la région, alors qu’ils sont presque absents aux périphéries, Bangladesh, Indonésie, Afrique subsaharienne, Maghreb. La défaite historique du chiisme aux XIIe-XIIIe siècles explique son absence dans des territoires souvent acquis à l’Islam après cette date. Au contraire le chiisme fut une force considérable, voire hégémonique, à l’apogée médiévale de l’Islam. Au départ, le parti chiite prétend défendre les droits au califat – et donc au pouvoir suprême — de la famille du Prophète et surtout de son cousin et gendre Ali, père des deux petits-fils de Muhammad. L’ennemi est l’aristocratie mecquoise qui n’a accepté l’islam que du bout des lèvres avant de confisquer le pouvoir. Mais l’échec de cette prétention politique chiite, le massacre en 680 du petit-fils du Prophète, al-Husayn, à Karbala, transforme peu à peu le chiisme, aux VIIIe-IXe siècles, en un mouvement messianique, voire révolutionnaire, appuyé sur la conviction de l’infinité des sens cachés du Coran comme de l’univers, dont Muhammad n’aurait révélé que la part la plus évidente. Pour les chiites, si le message est déjà là, son sens reste à révéler. Le chiisme médiéval, souvent en symbiose avec l’héritage philosophique grec, séduit nombre d’intellectuels ou de savants. Au contraire le parti opposé, sunnite, exalte à l’extrême la figure du Prophète – par opposition à Ali et à sa descendance –, affirme l’unicité et la clarté du sens du Coran, et refuse toute interprétation qui n’ait pas pour source la parole ou l’exemple du Prophète. Le message divin et son interprétation sont clos Le sunnisme triomphe aux XIIe-XIIIe siècle grâce à l’appui des confins guerriers de l’Islam, et en particulier des Turcs. Juin 2014, à Nadjaf (Irak) : des chiites prêts à rejoindre les forces de sécurité irakienne pour combattre les djihadistes. 58 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT SAMEDI 21 NOVEMBRE REGARDS CROISÉS avec LA VILLE DE PESSAC LA DÉMOCRATIE SE DÉCRÈTE-T-ELLE ? samedi 21 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 17h30 En Europe et en France en particulier, la démocratie est notre quotidien. Mais la démocratie se décrète-t-elle ? Existe-t-il des conditions préalables à l’établissement de la démocratie ? Si oui, lesquelles ? La démocratie, depuis les Grecs de l’Antiquité, a été érigée en modèle de système politique, un idéal à atteindre et dans lequel l’homme et la société peuvent harmonieusement s’organiser, s’épanouir. Depuis, quelques nations ont adopté ce système de gouvernance et plus nombreux sont les peuples qui y aspirent, souhaitent vivre sous son régime ou voudraient qu’elle soit mieux appliquée quotidiennement. Le principe de démocratie fait appel à des concepts qui rencontrent de nombreux freins. Les concepts de citoyenneté, d’égalité entre les citoyens, de prises de décisions communes dans une optique d’intérêt général, de partage politique, de justice, de droit, de représentativité… Peut-on déclarer la démocratie, de but en blanc ou demande-t-elle un apprentissage, une longue et lente marche fondée sur l’éducation des peuples ? Et qui doit décréter la démocratie : le peuple lui-même ou un groupe dirigeant, pour le peuple ? À ces questions, le Dr Haytham Manna apportera son éclairage et sa sagesse d’activiste des Droits de l’Homme, président de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme à Genève, coordinateur adjoint du CCNCD (opposition syrienne non armée). Opposant syrien notoire, en exil en France depuis 35 ans, il prône un règlement politique dans son pays et l’instauration d’un régime démocratique librement consenti par le peuple syrien. Cofondateur de la Commission Arabe des Droits de l’Homme, président du Bureau International des ONG Humanitaires. Jean-François Fechino est directeur de l’Institut International pour la paix, la justice et les droits de l’Homme (Genève), et observateur international de processus électoraux. Il rentre d’Égypte et évoquera le rôle délicat des observateurs dans l’accompagnement des démocraties naissantes, après avoir été observateur en Algérie (présidentielles 2014), en Égypte (présidentielles 2014) et en Tunisie (présidentielles 2014. Législatives 2015). Par Jean-François Fechino, directeur de l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme, et Haytham Manna, opposant syrien, créateur et porte-parole du Comité de Coordination nationale pour le changement démocratique. CAFÉ BD & HISTOIRE avec LES ÉDITIONS CAMBOURAKIS « ERNEST ET MANOLIS, DEUX DESTINS EN ASIE MINEURE DANS LES ANNÉES 1920 » samedi 21 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 19h15 Deux bandes dessinées récentes, parues aux éditions Cambourakis, offrent un regard original sur un pan méconnu de l’histoire de l’Asie Mineure au début du XXe siècle. Les récits de deux destins bien réels, celui d’un jeune garçon grec – Manolis – pris en 1922 dans la tourmente de « La Grande Catastrophe », le massacre et l’exil des Grecs d’Asie Mineure ; celui, à peu près à la même époque, d’un soldat français, Ernest, engagé en 1919 dans un contingent chargé de maintenir la présence française en Cilicie et de résister aux troupes turques. Deux bandes dessinées qui mêlent également Histoire et histoire personnelle, où les auteurs, Allain Glykos et Antonin Dubuisson, livrent tour à tour le récit du destin d’un père et celui d’un arrière-grand-père. Dans Manolis, adaptation du roman Manolis de Vourla d’Allain Glykos, on découvre l’itinéraire de ce jeune garçon, chassé de son village de Vourla, dans la région de Smyrne (Izmir aujourd’hui), réfugié dans une famille d’accueil à Nauplie, retrouvant sa famille en Crète pour finalement émigrer en France. Ce roman graphique évoque l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire grecque du XXe siècle, connu sous le nom de « Grande catastrophe ». Le conflit gréco-turc, qui fait suite à la Première Guerre mondiale, débouche à l’automne 1922 sur la défaite des troupes grecques face à l’armée conduite par Mustafa Kemal. Les conséquences humaines de cet événement - massacre et expulsion des populations chrétiennes d’Anatolie - vont faire basculer le destin du père d’Allain Glykos. Cette mémoire douloureuse est au cœur de ce roman graphique, qui montre les souffrances endurées par les populations sans jamais s’y appesantir. Dans Ernest, Souvenirs de Cilicie, le dessinateur Antonin Dubuisson retranscrit le récit de la campagne militaire et de la captivité de son arrière-grand-père, Ernest, engagé en 1919 dans une nouvelle guerre lointaine, bientôt prisonnier en Turquie. Jeune homme de 21 ans, rêvant d’Orient après avoir été prisonnier des Allemands durant la Grande Guerre, Ernest décide de tenir le journal de ses années passées en Turquie jusqu’à son retour en France. Alors que les grandes puissances de l’époque se disputent les restes de l’Empire ottoman, et que Mustafa Kemal refuse le démantèlement de son pays, Ernest se retrouve bientôt piégé, prisonnier des Turcs durant plus d’une année, subissant les privations, la maladie, les coups, avant d’être finalement libéré. Par Antonin Dubuisson, auteur de bandes dessinées (Manolis ; Ernest, souvenirs de Cilicie), et Allain Glykos, écrivain. UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 59 SAMEDI 21 NOVEMBRE CAFÉ ÉCONOMIQUE DE PESSAC iran et turquie : empires d’hier, émergents de demain ? samedi 21 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 20h30 Par Thierry Coville, chercheur à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), spécialiste de l’Iran, et Garip Turunç, maître de conférences à l’Université de Bordeaux. Poignée de mains entre le président iranien Hassan Rohani et le président turc Recep Tayyip Erdogan à Téhéran en janvier 2014. 60 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT L’Iran et la Turquie ont été dans le passé des empires puissants à des périodes différentes de l’histoire. Ils ont en commun d’avoir aujourd’hui une taille démographique, une position stratégique et des capacités de développement pouvant leur permettre de jouer un rôle significatif dans le concert des nations. Ces pays relèvent de branches distinctes de l’Islam (le chiisme pour le premier, le sunnisme pour le second), de modèles économiques, sociaux et politiques différents, et de modes d’insertion divergents dans la géopolitique internationale. L’Iran, qui dispose d’importantes ressources pétrolières, avait d’abord tenté une voie vers l’occidentalisation et l’industrialisation à l’époque du Shah. La Révolution islamique, avec l’arrivée de l’ayatollah Khomeyni au pouvoir, a impliqué le primat de la loi islamique sur le plan intérieur et une opposition frontale aux États-Unis sur le plan international. La guerre avec l’Irak de Saddam Hussein, qui bénéficiait du soutien occidental, n’a pas mis en cause le régime. Par la suite, la politique iranienne a reflété les rapports de force variables entre les « conservateurs » et les « réformateurs ». Au cours des dernières années, les sanctions liées au conflit sur le nucléaire iranien ont ralenti la croissance et la modernisation de ce pays. La Turquie, qui ne dispose pas du même atout pétrolier, avait d’abord emprunté une voie de développement économique sur une base nationale dans un cadre politique d’inspiration laïque sous Mustapha Kemal durant l’entre-deux-guerres. Par la suite, ce pays s’est intégré dans les relations économiques et dans l’alliance militaire du monde occidental (OTAN). Depuis la victoire du parti de Recep Erdogan, l’Islam a de nouveau exercé une forte influence sur la vie politique et sur l’organisation de la société. Même si l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne a été refusée, il n’y a pas eu de mise en cause de son insertion dans le monde occidental. Les derniers évènements relativisent l’opposition entre les deux modèles. D’une part, la levée des sanctions liée à l’accord sur le nucléaire peut permettre une reprise de la croissance et des avancées des « réformateurs » en Iran. D’autre part, le durcissement du régime d’Erdogan crée des risques pour la cohésion sociale et le devenir économique de la Turquie. Une détente de la situation au Proche-Orient pourrait augmenter les chances de ces deux pays de figurer parmi les émergents qui comptent à l’échelle mondiale. DIMANCHE 22 NOVEMBRE CAFÉ EXPO SYRIAN EYES OF THE WORLD dimanche 22 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 14h00 Depuis le début de la crise syrienne en 2011, ce qu’on voit par rapport à la Syrie n’est pas toujours reluisant. C’est une triste réalité, mais dans un effort de ne pas oublier les humains derrière le conflit, nous avons décidé de présenter au monde d’autres réalités. Comme nous voulons élargir le spectre de ce qui est montré par rapport au pays, nos objectifs sont de changer les perspectives et de donner une voix, sans discrimination, à ces diverses communautés qui constituent une nation diversifiée. « Syrian Eyes of the World », projet photographique international chapeauté par l’organisme sans but lucratif La maison de la Syrie, est aussi un effort d’archivage de ce moment de l’Histoire dont nous faisons partie, l’histoire d’une nation mosaïque qui a vécu en harmonie depuis des millénaires, mais qui vit maintenant des moments difficiles. Nous sommes aussi fiers que ce projet n’ait aucune affiliation, sauf celles esthétiques, de respect et de qualité. – Youssef Shoufan, fondateur du projet. Par Youssef Shoufan, cofondateur de la maison de la Syrie. Animé par Kevin Dutot, membre de l’équipe du Festival. ENTRETIEN GOLDA MEIR, UNE VIE POUR ISRAËL dimanche 22 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 15h15 Qui aurait pu imaginer un tel destin ? Née à Kiev en 1898, Golda Meir fuit avec sa famille la terreur des pogroms et trouve refuge aux États-Unis en 1906. À 23 ans, elle émigre en Palestine avec son mari et s’installe dans un kibboutz. Militante infatigable de la cause sioniste, elle signe la déclaration d’indépendance d’Israël le 14 mai 1948. Ministre du Travail, ministre des Affaires étrangères, secrétaire générale du Parti travailliste, elle est nommée Premier ministre en 1969, à l’âge de 71 ans. Femme de caractère, Golda Meir a toute sa vie répugné à se livrer. Près de quarante ans après sa mort, Claude-Catherine Kiejman enquête avec finesse sur les ressorts de cette personnalité hors du commun. On découvre alors une grande figure de l’histoire du XXe siècle. Claude-Catherine Kiejman est journaliste, spécialiste des pays de l’Est. Elle a longtemps travaillé à France-Culture et collaboré à de nombreux journaux, dont L’Évènement du jeudi, Le Monde et l’Express. Elle est l’auteure des biographies de Clara Malraux, qu’elle a personnellement connue, et d’Eléonor Roosevelt. Entretien animé par Yves Jeuland, cinéaste. CAFÉ HISTORIQUE LES KURDES ET LES ENJEUX RÉGIONAUX dimanche 22 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 16h30 Depuis l’offensive de l’Organisation de l’État islamique (OEI) dans le nord de l’Irak et en Syrie, la question kurde est revenue sur les devants de la scène médiatique. Les peshmergas (soldats du Kurdistan d’Irak) mais aussi les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sont en première ligne depuis plus d’un an face aux djihadistes et sont parvenus à reconquérir des territoires perdus. Pour autant, la question kurde est depuis longtemps une affaire politico-militaire très sensible dans les quatre États (Turquie, Syrie, Irak, Iran) où environ 35 millions d’entre eux résident depuis le partage du Proche-Orient par les accords Sykes-Picot signés en 1916 et le découpage des frontières avalisé par le Traité de Lausanne en 1923. Des conditions de vie difficiles associées à une non-reconnaissance politique voire à un harcèlement de la part des autorités ont poussé des centaines de milliers d’entre eux sur les routes de l’exil. Plusieurs millions ont rejoint les grandes métropoles régionales comme Istanbul, Bagdad, Téhéran ou Tabriz. Nous retracerons synthétiquement leur histoire pour mieux comprendre les enjeux socio-politiques qui se jouent aujourd’hui sur leurs territoires au Proche-Orient ainsi qu’en terre d’immigration. Qui sont les Kurdes, leurs langues, leurs religions ? Quels sont les rapports de force entre les groupes tribaux et le pouvoir politique central ? Comment comprendre leurs luttes pour l’autonomie ou l’indépendance ? Quelles sont les implications régionales de l’offensive de l’OEI sur leur avenir ? La place des femmes dans la société et dans la vie politique et militaire kurde a-t-elle évolué ? Comment les créations artistiques parlent-elles des Kurdes et du Kurdistan ? Par Isabelle Rigoni, chercheuse à l’Université de Bordeaux et au Centre Émile Durkheim. UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 63 EXPOSITIONS EXPOSITION BD ET HISTOIRE Conçue par LE FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM D’HISTOIRE, avec l’aide des ÉDITIONS CAMBOURAKIS manolis & ernest, souvenirs de cilicie : deux romans graphiques sur l’histoire de l’asie mineure du lundi 16 au lundi 23 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage Autour d’une sélection de planches originales et de fac-similés des bandes dessinées Manolis (A. Glykos, A. Dubuisson) et Ernest, souvenirs de Cilicie (A. Dubuisson), parues toutes deux aux éditions Cambourakis, se dessine la mémoire d’histoires méconnues, qui se sont déroulées en Asie mineure au début du XXe siècle. De la présence de soldats français en Cilicie au lendemain de la Première Guerre mondiale, opposés aux armées turques (Ernest), à la « Grande catastrophe » ayant vu le massacre par les Turcs puis l’exil de Grecs d’Anatolie (Manolis), deux bandes dessinées offrant un regard original sur l’histoire. Une exposition qui mêle dessins, photographies et repères historiques, permettant de comprendre la genèse de ces romans graphiques, où la mémoire personnelle des événements s’accompagne d’une recherche historique. EXPOSITION ali ghotbi. voyage sur les ailes du poète à partir du 20 octobre – galerie arts & regards Artiste complet, Ali Ghotbi laisse entrevoir par ses dessins toute l’étendue de sa maîtrise des arts plastiques. D’une sensibilité extrême, l’homme nous dévoile son œuvre empreinte de poésie, de questionnement et de délicatesse. Par son geste assuré, Ali Ghotbi rend limpide la lecture de son œuvre, ses dessins sont exécutés à main levée, d’un trait, le crayon ne quitte pas la feuille. Les courbes sont gracieuses, derrière les portraits sombres la lumière est sous-jacente, les femmes dansent et transmettent la flamme de l’espérance. Car c’est bien d’espoir et de transmission dont il faut parler devant le merveilleux travail de cet artiste. – Sylvie Ghayem Renseignements : 05 56 39 46 12 / [email protected] 64 DÉBATS - UN SI PROCHE-ORIENT EXPOSITIONS EXPOSITION PHOTOGRAPHIQUE avec LA MAISON DE LA SYRIE et LA VILLE DE PESSAC Tirages réalisés par CENTRAL DUPON IMAGES syrian eyes of the world du lundi 16 au lundi 23 novembre – place de la ve république à pessac « Syrian Eyes of the World » est une exposition sensible, qui donne une voix et un visage à ceux qui constituent la mosaïque de l’identité syrienne, à travers le monde. De Montréal à Istanbul, en passant par New York, Beyrouth, Alep et Chatila, les portraits en noir et blanc de Syriens de la diaspora et de Syrie, leurs regards, captés par des photographes syriens. Des femmes, des hommes, des enfants, anonymes ou célèbres, de confessions et de milieux différents, tous liés de manière indéfectible à leur pays natal, livrent leurs souvenirs, leurs espoirs, leurs idéaux… Cette belle initiative, imaginée par Youssef Shoufan pour la maison de la Syrie, fait le pari de « changer les perspectives », d’« élargir le spectre des représentations » – de donner à voir un autre visage de la Syrie que celui de la guerre civile. Pour que les humains derrière le conflit ne soient pas oubliés et pour raviver l’espoir d’une paix stable. CAFÉ EXPO rencontre avec youssef shoufan autour de l’exposition « syrian eyes of the world » dimanche 22 novembre – cinéma jean eustache, beyrouth café 3ème étage – 14h00 Le descriptif de la rencontre est à lire en page 63. UN SI PROCHE-ORIENT - DÉBATS 65 UN SI PROCHE-ORIENT LES FILMS SÉLECTION : Pierre-Henri DELEAU Une réalité plus forte que l’imagination Autant l’Égypte ancienne, l’Iran des mille et une nuits et tout le MoyenOrient en général ont largement alimenté l’Imaginaire du cinéma occidental (Cléopâtre, Pharaon, L’Égyptien, Salomon et la Reine de Saba), autant la réalité d’aujourd’hui a singulièrement réduit la vision qu’on peut en avoir. Régimes autoritaires, dictatures, coups d’États, intégrismes fanatiques, peuples sans État et sans frontières, guerres diverses, révolutions avortées ou réussies laissent en effet peu de place aux rêves et au plaisir. Plus de comédies ou de vaudevilles destinés à faire rire le public. Ce qu’on appelle le cinéma de divertissement n’est plus qu’un lointain souvenir. Désormais les films rendent compte de la réalité. Comment pourrait-il en être autrement ? Comme un miroir posé le long de la route, le cinéma finit toujours par nous renvoyer les événements qui se déroulent devant lui. Témoins partisans ou se voulant objectifs, mais toujours passionnés, les cinéastes d’aujourd’hui nous dressent donc le tableau impitoyable d’un monde malade, qui n’aspire pourtant qu’à trouver la paix. Déchirés, révoltés, engagés mais impuissants, ils nous brossent ainsi le portrait sauvage et cruel de peuples en souffrance, qui sonne comme un terrible réquisitoire. Impossible de rester de marbre devant ces histoires effrayantes ou ces témoignages accablants. Le cinéma actuel du Proche-Orient n’est bien souvent qu’un long cri désespéré : son urgence fait sa noblesse. Faisant suite aux grands ainés du passé, Youssef Chahine ou Yilmaz Güney par exemple, les réalisateurs d’aujourd’hui sont devenus les peintres à charge de leur société. Bahman Ghobadi (Irak), Nuri Bilge Ceylan (Turquie), Cherien Dabis (Jordanie), Ronit et Shlomi Elkabetz, Amos Gitaï, Igaal Nidam (Israël), Asghar Farhadi, Abbas Kiarostami, Dariush Mehrjui, Jafar Panahi (Iran), Nadine Labaki, Jocelyne Saab (Liban), Ossama Mohammed (Syrie), Haifaa al-Mansour (Arabie Saoudite), Mohamed Diab, Yousry Nasrallah (Égypte), Hiner Saleem (Kurdistan) Elia Suleiman (Palestine), tous, à leur manière, filment l’Histoire en marche et nous la donnent à comprendre. Rude leçon ! Pierre-Henri Deleau Délégué général du Festival Arabie Saoudite 69 Égypte 70 Irak 78 Iran 82 Israël-Palestine 94 Jordanie 107 Liban 108 Syrie 112 Turquie 116 D’Hier et d’aujourd’hui 123 Wadjda Haïfaa Al Mansour – Arabie Saoudite, 2012, 97 mn, coul Arabie Saoudite Wadjda Wadjda, 12 ans, habite la banlieue de Riyad. Bien qu’elle grandisse dans un milieu conservateur, elle porte jeans et baskets, écoute du rock et ne rêve que d’une chose : s’acheter un vélo pour faire la course avec son ami Abdallah. Mais les bicyclettes sont réservées aux hommes… Légalement, il n’existe pas de cinémas en Arabie Saoudite puisque la projection publique de films y est hors-la-loi. C’est dans le cadre familial que les Saoudiens ont la possibilité d’être des (télé)spectateurs. Ajoutez à l’inexistante production cinématographique nationale l’interdiction faite aux hommes et aux femmes de travailler ensemble et vous commencerez à mesurer la prouesse réalisée par la cinéaste Haifaa Al-Mansour sur son propre territoire ! Il semble qu’un changement infinitésimal dans la société saoudienne ait permis le financement de cette production. Et la qualité cinématographique est là, comme si la seule authenticité du tournage – dont certaines séquences de rue furent dirigées par la réalisatrice de l’intérieur d’une voiture ! – avait contaminé le film tout entier. Par petites touches, Haifaa Al-Mansour donne à voir la ségrégation qui touche les femmes de son pays, à tous les âges. Mais aussi à quel point cette ségrégation est souvent auto-immune. Véritable ode à la persévérance, le film donne plus qu’une vision « de l’intérieur » du royaume wahhabite : il délivre un espoir et un optimisme proportionnels à l’audace qui l’a fait naître. – Nicolas Milési Sortie française 6 février 2013 Distributeur Pretty Pictures Format DCP – 1.78 : 1 Production Highlook Communications Group/Razor Film/Rotana Studios Producteurs Roman Paul, Gerhard Meixner Coproducteur Amr Alkhatani Producteurs exécutifs Christian Granderath, Louise Nemschoff, Bettina Ricklefs, Rena Ronson, Hala Sarhan Scénario Haïfaa Al Mansour Image Lutz Reitemeier Direction artistique Tarik Saeed Décors Maram Algohani Costumes Peter Pohl Son Andreas Mücke Montage Andreas Wodraschke Musique Max Richter – Avec Waad Mohammed (Wadjda), Reem Abdullah (la mère), Abdullrahman Al Gohani (Abdallah), Sultan Al Assaf (le père)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 69 Gare centrale [BAB EL HADID] Youssef Chahine – Égypte, 1958, 90 mn, NB Égypte Gare centrale Cléopâtre Pharaon / Le Pharaon La Terre Le Moineau Adieu Bonaparte Le Destin L’Autre Les Portes fermées Dunia L’immeuble Yacoubian Le Chaos Femmes du Caire 18 Jours Les Femmes du bus 678 Qinawi, boiteux et simple d’esprit, travaille comme vendeur de journaux à la criée. Il voue un amour fou à Hanouna, une vendeuse clandestine. Mais lorsque la jeune femme repousse ses avances, il bascule dans la folie meurtrière… « Youssef Chahine développe le portrait d’un véritable microcosme, lequel doit se voir comme un précipité de la société égyptienne à l’aube des années 60. Le cinéaste construit un véritable film choral, avec multiplicité des intrigues parallèles. Chahine affirme également un goût prononcé pour l’étrangeté et les laissés pour compte, ainsi qu’une tendance claire à s’approprier la narration hollywoodienne tout en la déconstruisant quelque peu. Ce qui étonne, c’est l’énergie qui se dégage de la mise en scène. Dans un noir et blanc majestueux, Chahine développe une grammaire très élaborée, faite de mouvements aussi élégants qu’inattendus, laissant vivre ses cadres comme autant d’instantanés. Ainsi, il contemple ses personnages frontalement, mais parfois à travers un miroir ou une surface de verre déformante, proposant un jeu étudié sur les reflets. » – Filmosphère Sortie française 13 mars 1974 Distributeur Pyramide Format Beta Num. – 1.66 : 1 Producteur Gabriel Talhami Scénario Abdel Hay Adib, Mohamad Abou Youssef Image Alevise Orfanelli Direction artistique Gabriel Karraze Décors Abbas Helmy Costumes Dina Nadeem Son Aziz Fadel Montage Kamal Abul Ela Musique Fouad El-Zahry – Avec Farid Shawki (Abu Siri), Hind Rostom (Hanuma), Youssef Chahine (Qinawi), Hassan el Baroudi (lui-même), Abdel Aziz Khalil… EN PREMIÈRE PARTIE : Le Caire raconté par Youssef Chahine Youssef Chahine – Égypte/France, 1991, 23 mn, coul Un portrait en forme d’essai poétique du Caire, la ville de cœur du cinéaste Youssef Chahine… 70 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA ÉGYPTE Cléopâtre Pharaon [FARAON] / Le Pharaon Joseph L. Mankiewicz – États-Unis, 1963, 243 mn, coul Jerzy Kawalerowicz – Pologne, 1966, 152 mn, coul En 48 av. J.C., Cléopâtre, écartée du trône par son frère le roi d’Égypte, veut reprendre le pouvoir. Usant de sa beauté pour séduire et épouser successivement Jules César et Marc-Antoine, elle changera le cours de l’histoire et deviendra une souveraine au destin tragique... Évocation de la vie de Ramsès XIII, qui prend le pouvoir à la mort de son père dans une époque difficile, avec une population appauvrie, un système administratif en décadence, une armée en révolte et une caste de grands prêtres aussi puissante qu’hostile… « L’histoire de la production de Cléopâtre appartient à la légende. Revoir le film aujourd’hui, c’est mieux mesurer combien la réussite de l’œuvre tient à l’équilibre miraculeux qu’elle trouve magistralement entre des tensions opposées. Un film à grand spectacle, sans doute, mais un film où, si l’on excepte l’ahurissante entrée triomphale de Cléopâtre dans Rome, tous les morceaux de bravoure semblent réduits au strict minimum. Un film de batailles et de conquêtes où les scènes de combat ne durent probablement pas plus de cinq minutes au total. Un film aux décors démesurés (certainement les plus spectaculaires de l’époque avec ceux, postérieurs, de La Chute de l’Empire romain), mais qui ne trouve à y inscrire que de longues scènes dialoguées à peu de personnages. Un film qui se pose en héritier des Dix Commandements ou de Ben Hur, mais cherche son inspiration du côté de Shakespeare ou de George Bernard Shaw. Un film tour à tour drôle, émouvant et grave. Le film d’un studio qui devient celui d’un auteur véritable. » – Positif « Le huitième film de Jerzy Kawalerowicz (Mère Jeanne des anges) présente toutes les caractéristiques d’un péplum : reconstitution fastueuse de l’Antiquité, multitude de figurants en pagnes et toges, tournage en scope mettant en valeur de magnifiques paysages, exotisme et érotisme. Difficile pourtant de résumer Pharaon à ce genre ou à un autre, tant il apparaît sans équivalent – ni, hélas, descendance – dans l’histoire du cinéma. La richesse du film vient en effet de ce que Kawalerowicz se garde de prendre parti pour ou contre ses personnages. Les usuriers phéniciens sont caricaturés et rendus bouffons, mais leurs manigances se justifient par les périls qu’encourt leur pays, et leur comportement outrancier par l’ostracisme et le mépris dont ils font l’objet. Les prêtres s’agrippent à leurs richesses, mais représentent l’âme de l’Égypte, et si certains sont retors et corruptibles, d’autres s’avèrent sages et avisés. Quant au jeune et impétueux Pharaon aux velléités réformatrices, il n’est pas montré sous un jour particulièrement flatteur : par son obsession de la grandeur, il met en péril l’équilibre de son pays. Son orgueil constitue sa principale faiblesse, ce que le film suggère avec subtilité lorsqu’il affronte son propre reflet, à travers son sosie. » – Critikat Sortie française 25 octobre 1963 Distributeur Flash Pictures Format Blu-Ray – 2.35 : 1 Production 20th Century Fox Producteur Walter Wanger Scénario Joseph L. Mankiewicz, Ranald MacDougall, Sidney Buchman, Ben Hecht Image Leon Shamroy Direction artistique John DeCuir, Jack Martin Smith, Herman A. Blumenthal, Elven Webb, Maurice Pelling, Boris Juraga Décors Walter M. Scott, Paul S. Fox, Ray Moyer Costumes Irène Sharaff, Vittorio Nino Novarese, Renié Son Bernard Freericks, Murray Spivack Montage Dorothy Spencer, Elmo Williams Musique Alex North – Avec Elizabeth Taylor (Cleopâtre), Richard Burton (Marc Antoine), Rex Harrison (Jules César), Pamela Brown (la grande prêtresse), George Cole (Flavius)... Sortie française 15 mai 1966 Distributeur Zespól Filmowy « Kadr » Format DCP – 2.35 : 1 Production Zespól Filmowy « Kadr » Scénario Tadeusz Konwicki, Jerzy Kawalerowicz, d’après le roman de Boleslaw Prus Image Jerzy Wójcik Direction artistique Jerzy Skrzepinski Décors Romuald Korczak, Franciszek Trzaskowski, Albin Wejman Costumes Maria Czekalska, Andrzej Majewski, Barbara Ptak, Lidia Rzeszewska Son Stanislaw Piotrowski Montage Wieslawa Otocka Musique Adam Walacinski – Avec Jerzy Zelnik (Ramsès XIII), Wieslawa Mazurkiewicz (Nikotris), Barbara Bryl (Kama), Krystyna Mikolajewska (Sara)... LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 71 ÉGYPTE La Terre [AL-ARD] Le Moineau [AL-OUSFOUR] Youssef Chahine – Égypte, 1968, 130 mn, coul Youssef Chahine – Égypte/Algérie, 1972, 105 mn, coul Dans les années trente, la réduction de la durée d’irrigation, déjà insuffisante, provoque la rébellion d’un village de paysans… Juin 1967. À la veille de la guerre des Six Jours, un journaliste enquête sur une sombre affaire de détournement d’équipement, concernant une usine en perpétuelle construction… « C’est avec La Terre que l’Europe a découvert le cinéma égyptien lors de sa présentation au Festival de Cannes 1969. Chahine lui-même parlait d’ailleurs de son film comme d’un tournant dans sa filmographie, un changement radical dans sa conception du cinéma : “Mettre en lumière la force de vivre d’un peuple.” Quoi qu’il en soit, il réalise là une épopée paysanne puissante qui nous plonge au cœur d’un petit village agricole pauvre : il met en relief sa vie sociale, les rapports de force avec les autorités et la place de l’individu dans cette société. À la brutalité des autorités répondent la rudesse et même la cruauté du monde des paysans. L’individualisme s’oppose à la nécessaire solidarité pour assurer la survie. Un film très authentique, empreint d’une force et d’un humanisme qui sait laisser naître l’émotion. » – L’Œil sur l’écran « Al-Ard est parfois considéré comme le meilleur film égyptien de tous les temps, adapté d’un roman écrit par l’écrivain et dramaturge Abderrahman Charkawi. Au moment du tournage, la situation politique égyptienne était à un tournant historique, la santé du président Nasser était déjà déclinante. Pour contourner la censure, Chahine plaça son film dans les années trente, mais ce sont bien la bourgeoisie et l’administration contemporaines qui étaient visées par La Terre, où le réalisateur réunit les meilleurs acteurs du moment dans une épopée haletante. » – Trigon Films Un peu plus de quinze ans après Gare centrale, en 1974, Youssef Chahine réalise Al Ousfour (Le Moineau). Il y pousse à l’extrême une mise en scène éclatée qui semble partir dans tous les sens, où de multiples histoires débutent chaque fois qu’un nouveau personnage apparaît, où la compréhension de l’ensemble semble n’apparaître qu’à la fin. Pour autant, Chahine n’abandonne pas son regard affectueux vis-à-vis des petites gens. Le Moineau bénéficie d’une intrigue foisonnante, où les développements multiples donnent un aperçu presque documentaire, au-delà de la fiction, de l’atmosphère qui régnait à ce moment-là dans la population égyptienne, fière de son armée, sûre de pouvoir se défendre victorieusement contre l’ennemi israélien. Et c’est dans cette atmosphère et celle qui a frappé le peuple à l’annonce de la défaite de 1967 qu’on peut lire le véritable sujet du film. Dans un très beau texte, le critique de cinéma tunisien Tahar Chikhaoui, évoque, à propos d’Al Ousfour, une « esthétique de la défaite ». Une esthétique qui permet de rendre compte, et de porter à l’écran, les sentiments et la réalité de ce revers qui a consterné les populations du monde arabe, sans parler de la démission de Nasser – à laquelle ce dernier renoncera finalement devant les manifestations de la rue. En raison de sa mise en cause directe du pouvoir dans la responsabilité de la défaite, le film fut interdit et ne put être présenté qu’après la fin de la guerre d’octobre 1973. » – Martial Knaebel Distributeur Pyramide Format Beta Num. – 1.37 : 1 Scénario Hassan Fuad, d’après le roman d’Abderrahman Charkawi Image Abdelhalim Nasr Son John Knight Montage Rashida Abdel Salam Musique Ali Ismail – Avec Hamdy Ahmed (Mohammad Effendi), Yehia Chahine (Hassuna), Ezzat El Alaili (Abd El-Hadi), Tewfik El Dekn (Khedr), Ali El Scherif (Diab)… 72 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Distributeur Pyramide Format Beta Num. – 1.37 : 1 Production MH Films/Misr International Films Producteur Youssef Chahine Scénario Youssef Chahine, Lotfi Kholi Image Mustapha Imam Musique A. Ismail, S. Imam, N. Bahgat – Avec Mahmoud El-Meligui (Johny), Mohsena Tawfiq (Bahiya), Salah Kabil (Yussif Fath el-Bab), Habiba (Fatma), Sayf Ad-Din (Rawf)… ÉGYPTE Adieu Bonaparte Le Destin [AL MASSIR] Youssef Chahine – Égypte/France, 1985, 90 mn, coul Youssef Chahine – Égypte, 1996, 135 mn, coul Avide de puissance et de gloire, Bonaparte entame la campagne d’Égypte. Loin de ces préoccupations guerrières, Caffarelli, l’un de ses généraux, part à la découverte de ce pays et de son âme. Il va s’opposer à l’action destructrice de Bonaparte… Pour amadouer les intégristes, le calife el-Mansou ordonne l’autodafé de toutes les œuvres du philosophe andalou Averroes. Les disciples d’Averroes et ses proches décident d’en faire des copies et de leur faire traverser les frontières… « Le pire contresens à propos de Adieu Bonaparte serait de reprocher à Chahine d’avoir privilégié Caffarelli pour mieux se dérober à la commande (une super coproduction) et à ses implications idéologiques (un épisode d’histoire coloniale et d’insurrection nationaliste). Là où le film est fort, c’est qu’il traite vraiment son sujet (la campagne d’Égypte) avec une acuité qui s’accroît paradoxalement à mesure que l’intrigue, partie sur des scènes de foule, se resserre autour des relations entre un individu et une famille d’Alexandrins. En plaçant Caffarelli au centre d’un tissu double de relations – le conflit politique qui l’oppose en permanence à Bonaparte sur la question des urgences à mener, lourd d’un nondit affectif ; et le lien qui l’attache à Yehia puis à Aly – Chahine peut, avec une rare aisance, passer de la scène historique à grosse figuration à la scène intimiste sans jamais casser le fil majeur qui arrime le sens de l’histoire. Les différences entre Bonaparte et Caffarelli (ce dernier ironisant sur sa mission civilisatrice) passent par le comportement, l’attitude. Pour Chahine, de toute évidence, le champ de la perception recoupe le champ du politique. » – Charles Tesson, Cahiers du Cinéma. Après L’Émigré (1994), pour lequel il avait connu les menaces et la censure des fondamentalistes musulmans, Youssef Chahine a pensé à ce sujet sur le philosophe Averroès (1126-1198). L’Andalousie islamique et tolérante du XIIe siècle – en particulier la ville de Cordoue, capitale des Almohades et lieu d’affrontements entre extrémistes musulmans et savants soucieux de la diffusion des connaissances – comme réponse à ses détracteurs et à l’extrémisme politique ou religieux. On y retrouve la manière du cinéaste égyptien : un rythme endiablé, des aventures délirantes, un hymne à la jeunesse et aux jolies femmes, des danses, des chansons. Le personnage d’Abdallah fut inspiré à Chahine par Mohsen Mohiedine, son acteur fétiche, qui s’était converti à l’intégrisme. Le barde est interprété par Mohamed Mounir, chanteur très connu dans son pays. Et le cinéaste cite, parmi ses inspirateurs, Alexandre Dumas, Julien Duvivier, Stanley Donen et Busby Berkeley ! Le tournage eut lieu en Syrie, au Liban et en Égypte. Le Festival de Cannes 1997 attribua le Prix du 50e anniversaire à Youssef Chahine pour Le Destin et l’ensemble de son œuvre. Le film, par ailleurs, fut reçu sans problème de censure dans la majorité des pays arabes, où il connut le succès. Distributeur Tamasa Distribution Sortie française 13 mars 1974 Format DVD – 1.85 : 1 Production Renn Productions/TF1 Films/Lyric International/Misr International Films Producteurs délégués Humbert Balsan, Marianne Khoury, Jean-Pierre Mahot Scénario Youssef Chahine, avec la collaboration de Jean-Michel Comet, Mohsen Mohiedine, Yousry Nasrallah Image Mohsen Nasr Décors Onsi Abou Seif Costumes Yvonne Sassinot de Nesle Son Michel Brethez Montage Luc Barnier Musique Gabriel Yared – Avec Michel Piccoli (Cafarelli), Mohsen Mohieddin (Ali), Patrice Chéreau (Napoléon Bonaparte), Mohsena Tewfik (la mère), Christian Patey (Horace)… Sortie française 15 octobre 1997 Distributeur Pyramide Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Ognon Pictures/France 2 Cinéma/Canal+/Fonds Sud/ACCT/CNC/Misr International Films Producteurs Humbert Balsan, Gabriel Khoury Scénario Youssef Chahine, Khaled Youssef Image Mohsen Nasr Décors Hamed Hemdane Costumes Nahed Nasrallah Son Annette Dutertre Montage Rachida Abdel Salam Musique Kamal El Tawil, Yohia El Mougy – Avec Nour El Cherif (Averroes), Laila Eloui (La Gitane), Mahmoud Hémeida (le calife), Safia Emary (la femme d’Averroes), Mohamed Mounir (le barde)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 73 ÉGYPTE L’Autre [EL AKHAR] Les Portes fermées Youssef Chahine – France/Égypte, 1999, 105 mn, coul Atef Hetata – France/Égypte, 1999, 107 mn, coul Hanane, une jeune journaliste d’origine modeste, rencontre Adam, appartenant à l’élite arrogante et corrompue qui s’enrichit aux dépens du peuple. C’est le coup de foudre. Ils se marient. Le couple est l’objet de complots qui vont amener Adam à modifier sa vision du monde… Le Caire, en 1990. Mohammed, quinze ans, vit seul avec sa mère, une femme indépendante. Il hésite entre l’adhésion à un islam au visage tour à tour débonnaire et sévère, l’assouvissement de ses premiers désirs et de sa liberté, et les tentations du consumérisme… « L’Autre réussit une synthèse entre le film populaire sentimental et chanté auquel Chahine s’adonna dans les années 50 et le film politique auquel il consacra ses dernières années. Le film bénéficie à la fois des raccourcis dramatiques permis par la comédie et du travail plus sombre, souvent psychanalytique, sur lequel il fait reposer ses films politiques. En ce sens le choix d’un extrait de La Grande Valse pour marquer son attachement au naturalisme de Julien Duvivier, auquel le film est dédié, est tout à fait bienvenu. Film mineur de Duvivier, La Grande Valse n’a été réalisé que pour honorer le contrat américain auquel il était tenu. Chahine en utilise un extrait, que la mère découvre derrière un rideau telle une projection mentale, pour signifier à son fils ce qu’il manque en épousant une fille du peuple… en fait pas grand-chose. Le coup de foudre immédiat, les yeux dans les yeux avec chansons, le mariage secret dans le désert puis le mariage officiel pris en charge par les amis de Hanane constituent les moments sentimentaux les plus intenses du film. L’analyse politique porte sur les méfaits de la mondialisation et l’avidité des financiers internationaux. Chahine montre la complicité objective entre la grande bourgeoisie et les groupes intégristes les plus fanatiques. » – Ciné-club de Caen « Un des grands plaisirs de ce film est la certitude de comprendre quelque chose qui pour nous est un point obscur. Pourquoi un jeune homme choisit-il le pire : l’intégrisme ? Le pire qui le mène à la transgression absolue, le meurtre de la mère. La force du film, c’est de nous donner à voir la situation sociale en Égypte, non pas d’une manière didactique, mais à travers des personnages. Et quel personnage : un adolescent face à deux femmes, des femmes seules, indépendantes, magnifiques, rendant sensibles, lisibles par tous, les réalités de l’intégrisme. Jamais Les Portes fermées n’est simplificateur ; le personnage de Mohamed est complexe, il traverse toutes les expériences d’un jeune homme vivant dans une grande métropole arabe. Quand les événements le pousseront vers l’intégrisme, alors seulement là, il avance vers la seule issue possible : la mort. Il y a dans Les Portes fermées des moments de cinéma jubilatoires, par exemple la découverte guidée par le personnage du lycée. Comme il y a une force narrative incroyable qui arrive à faire rentrer sur cette terrasse, où sont les deux petits appartements des deux femmes, l’ensemble de la réalité du dehors. Réalité incarnée par des personnages qui eux sont universels ; il y a du Rossellini chez Atef Hetata. » – Jean-Henri Roger, lacid.org Sortie française 26 mai 1999 Distributeur Pyramide Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Ognon Pictures Coproduction France 2 Cinéma Producteurs délégués Humbert Balsan, Marianne Khoury, Gabriel Khoury Scénario Youssef Chahine, Khaled Youssef Image Mohsen Nasr Décors Hamed Hemdane Costumes Nahed Nasrallah Son Emmanuel Croset Montage Rachida Abdel Salam Musique Yéhia El Mouguy – Avec Nebila Ebeid (Margaret), Mahmoud Hemeida (Khalil), Hanane Tork (Hanane), Hani Salama (Adam), Lébléba (Baheyya)… Sortie française 29 novembre 2000 Distributeur Tadrart Films/3 B Productions Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Médiane Production Coproduction Misr International, Arte France Cinéma Productrices déléguées Marie-Françoise Mascaro, Gaby Khoury, Marianne Khoury Scénario Atef Hetata Image Samir Bahzan Décors Hamed Hemdane Son Gasser Korshed Montage Dalia El Nasser, Catherine Poitevin – Avec Ahmed Azmi (Mohammed), Sawsan Badr (Fatma), Mahmoud Hemeida (Mansour), Manal Afifi (Zinab)… 74 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA [AL ABWAB AL MOGHLAKA] ÉGYPTE Dunia [ID.] L’immeuble Yacoubian [OMARET YACOUBIAN] Jocelyne Saab – France/Égypte/Liban, 2006, 110 mn, coul Marwan Hamed – Égypte, 2006, 172 mn, coul Étudiante en poésie soufie et danse orientale au Caire, Dunia est à la recherche d’elle-même et aspire à devenir danseuse professionnelle. Lors d’un concours, elle rencontre le séduisant Dr Beshir, illustre penseur soufi et homme de lettres. Elle goûtera avec lui au plaisir des mots et des sens… L’immeuble Yacoubian : un lieu mythique du Caire qui témoigne à lui seul de l’évolution de la société égyptienne du dernier demi-siècle, entre la fin du règne du roi Farouk et l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir… « Le scénario de Dunia s’est heurté dès le début à la censure. Il a été refusé une première fois, accusé de porter “atteinte à l’Égypte et à l’islam”, d’“inciter à la débauche” et d’“approcher le thème de l’excision”. Puis la Commission d’appel a finalement donné son feu vert et Jocelyne Saab a réussi à convaincre les acteurs, notamment la magnifique Hanan Turk qui donne corps à Dunia. Ce qui n’a pas empêché le film de susciter de violentes réactions à sa sortie. Jocelyne Saab, quant à elle, voit Dunia comme “un film sur la recherche de soi et le droit d’une jeune fille, dans une société arabe, de se réaliser. Dans le wahhabisme ou le salafisme, de plus en plus présents en Égypte, la femme existe pour obéir. Moi je la montre bien habillée, avec beaucoup de couleurs, de la musique… L’excision est le point d’orgue de mon sujet dans cette recherche de soi, mais ce n’est pas un film pathologique. J’ai mis en valeur la sensualité, car c’est un sujet pénible. […] Après le choc de la guerre d’Irak, il y a eu un repli incroyable des pays arabes sur eux-mêmes. Le fondamentalisme a pris la place. Pour moi, le corps dévitalisé de Dunia, c’est le corps dévitalisé de la société arabe aujourd’hui, qui se plie au conformisme, ne réfléchit plus, ne pense plus.” » – Jocelyne Saab, interviewée par RFI « L’Immeuble Yacoubian est d’emblée un film rare. Adapté d’un best-seller égyptien édité en 2002, le film bénéficie d’un budget colossal. Résultat : une superproduction ambitieuse et bien faite, une adaptation en bonne et due forme, avec moult mouvements de caméra, fluides et virtuoses, des panoramiques et des prises de vues au grand angle, une image léchée, une musique très orchestrée, des acteurs de haut vol. Une impression d’amplitude et de maîtrise transpire de l’écran et se déploie, au-delà de l’exhibition des moyens mis en œuvre, sur la narration, chorale et limpide, entremêlant des histoires individuelles avec la grande histoire. Chaque personnage file son destin sans en avoir conscience, sous le regard omniscient du spectateur, qui décèle les potentiels liens de cause à effet dans le pourquoi des parcours. Au départ, on s’attend à une grande fresque historique traversant les générations, à des trajectoires sur la durée. Mais non : la saga se resserre sur quelques années, et observe à la loupe une société complexe, en mutation, par le biais d’une poignée de personnages. Elle aborde ainsi la montée des extrémismes religieux, la fracture sociale, l’absence de liberté sexuelle… À travers l’évolution de chacun, se dessine en creux un portrait de l’Égypte moderne, cruel, frontal, mais vif et palpitant. » – Fiches du cinéma Sortie française 6 septembre 2006 Provenance de la copie Jocelyne Saab Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Catherine Dussart Productions Coproduction Collection d’Artistes/Le Cinématographe Productrice Jocelyne Saab Producteur exécutif Ismail Mourad Scénario Jocelyne Saab Image Jacques Bouquin Décors Jocelyne Saab Costumes Rabih Kayrouz Son Fawzi Thabet Montage Claude Reznik Musique Jean-Pierre Mas, Patrick Legonie – Avec Hanan Turk (Dunia), Mohamed Mounir (Bechir), Aïda Riad (Inayate), Fathi Abdelwahab (Mamdouh), Sawsan Badr (Arwa)… Sortie française 23 août 2006 Distributeur Bac Films Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Good News Group Coproduction Good News 4 Films & Music Producteurs Sameh Gobran, Adel Adeeb Producteur exécutif Nabil Sobhy Scénario Waheed Hamed, d’après le roman d’Alaa El Aswani Image Sameh Selim Décors Fawzy El Awamry Costumes Nahed Nassrallah Montage Khaled Marei Musique Khaled Hammad – Avec Adel Imam (Zaki El Dessouki), Nour El Sherif (Haj Azzam), Yousra (Christine), Issad Younis (Dawlat El Dessouky), Ahmed Bedeir (Malak)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 75 ÉGYPTE Le Chaos [HEYA FAWDA] Femmes du Caire [EHKY YA SCHEHERAZADE] Youssef Chahine et Khaled Youssef – France/Égypte, 2007, 122 mn, coul Yousry Nasrallah – Égypte, 2009, 135 mn, coul Choubra, quartier cosmopolite du Caire. Hatem, un policier véreux tient le quartier d’une main de fer. Tous les habitants le craignent et le détestent. Seule Nour, une jeune femme dont il convoite les faveurs, ose lui tenir tête. Mais elle en aime un autre… Hebba et Karim forment un couple de journalistes à succès, jeunes, riches et beaux. Hebba anime un talk-show politique, mais sa pugnacité dans la dénonciation de la misogynie et de la violence conjugale met en danger la promotion espérée par son mari… « Dès les premières images du dernier film de Youssef Chahine, le chaos dont les cinéastes égyptiens entendent entretenir le spectateur prend corps. Une scène d’émeute, durement réprimée, ouvre ce long-métrage qui s’inscrit dans la plus pure tradition du cinéma égyptien. Dénoncer les dérives de cette Égypte qu’il aime tant, c’est l’un des exercices préférés de Youssef Chahine. Le Chaos est l’allégorie d’un État miné par la corruption. Un mal incarné par Hatem, policier véreux qui règne en maître absolu sur le quartier populaire de Choubra, au Caire. L’homme personnifie une Égypte rongée par l’impunité, où une minorité, guidée par ses propres intérêts, décide pour une majorité brimée, violentée et qui vit dans une pauvreté grandissante. Au milieu de ce chaos, des femmes et des hommes se battent, mettent leur jeunesse et leur fougue au service de l’avènement d’une Égypte nouvelle. Youssef Chahine et Khaled Youssef dépeignent dans leur œuvre toutes les facettes de la société égyptienne. Du parti au pouvoir, qui en impose aux citoyens, aux islamistes qui sont devenus pour les plus démunis la solution à tous leurs problèmes, en passant par la jeunesse dorée égyptienne et les militants des droits de l’homme. » – Afrik.com « Illustrant à la fois les richesses et les ambiguïtés du cinéma populaire, le dernier film de Yousry Nasrallah reprend ouvertement les articulations formelles et scénaristiques du mélo égyptien, mais en l’emboîtant dans un propos réflexif complexe. Dans ce récit d’une présentatrice de télévision, à qui son arriviste de mari demande de modérer le ton politiquement critique de ses émissions, et dont le plateau se transforme peu à peu en théâtre réaliste de la condition des femmes en Égypte, le réalisateur adopte la posture irréaliste de ce dont il va dénoncer les mécanismes : les couleurs télévisuelles, l’utilisation prosaïque de clichés sur les rapports sociaux, un sens du kitsch que les décors et les mouvements d’appareil soulignent encore. Duplication des images entre écran et réalité, idéologie et sincérité, cette ligne almodovarienne se teinte pourtant d’une tout autre teneur, puisant aux Mille et Une Nuits l’enchâssement d’histoires et d’identifications qui, en dessinant un portrait de femme, décline à chaque fois l’idée de l’amour comme échange marchand, usufruit et possession. Si la légèreté du trait n’est pas l’objectif du film, la logique du miroir et de l’inversion que sa mise en scène exploite permet, dans un univers qui hésite entre soap opera et tragédie nationale, de pointer combien la vie publique, dans sa tendance à produire des histoires, est un fondamental moteur d’aliénation, dont les femmes restent les objets et les victimes. » – Positif Sortie française 5 décembre 2007 Distributeur Tadrart Films Format 35 mm – 1.85 : 1 Production 3B Productions/Misr International Films Coproduction France 2 Cinéma Producteurs Gabriel Khoury, Jean Bréhat Scénario Nasser Abdel-Rahman Image Ramsis Marzouk Décors Hamed Hemdan Costumes Monia Fath El Bab Son Mostafa Aly, Dominique Hennequin Montage Ghada Ezzdine Musique Yasser AbdelRahman – Avec Khaled Saleh (Hatem), Menna Shalaby (Nour), Youssef El Sherif (Cherif), Hala Sedky (Wedad), Hala Fakher (Bahia)… 76 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Sortie française 5 mai 2010 Distributeur Pyramide Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Misr Cinéma Producteur Kamel Abou Ali Scénario Wahid Hamed Image Samir Bahsan Direction artistique Mohamed Atteya Costumes Dina Nadeem Son Ahmed Gaber Montage Mona Rabi Musique Tamer Karawan – Avec Mona Zakki (Hebba), Mahmoud Hemeida (Adham), Hassan El Raddad (Karim), Sawsan Badr (Amany), Rihab Al-Gamal (Safaa)… ÉGYPTE 18 Jours [ETAMANTASHAR YOM] Les Femmes [CAIRO 678] du bus 678 Film collectif (10 courts métrages) – Égypte, 2011, 125 mn, coul Mohamed Diab – Égypte, 2011, 100 mn, coul Le Caire, du 25 janvier au 11 février 2011. Histoires de citoyens ordinaires pris dans des événements extraordinaires. Tous ces personnages, plus vrais que nature, ni bons, ni méchants, vivent dans l’instant des événements qui paraissaient inimaginables et changeront leurs vies pour toujours… Le Caire, fin des années 2000. Trois jeunes femmes en butte au harcèlement sexuel finissent par se rejoindre : Fayza, qui endure quotidiennement les attouchements masculins lors de ses trajets en bus ; Nelly, révoltée par la phallocratie ambiante ; Seba, bourgeoise prise dans la cohue surexcitée d’un stade… « Pendant le tournage des films qui composent ces18 jours, “la foule était accueillante, il y avait une ambiance bon enfant”, se souvient Yousry Nasrallah, “malgré des casseurs de Moubarak venus parfois corser les choses, et tabasser. On craignait surtout que la garde présidentielle, fidèle au Président, ne provoque une tuerie”. Sortant d’une “dictature où la culture est surtout là pour vous faire peur et pour que vous restiez petit”, 18 jours montre les échos d’une gigantesque révolution sur des micro-destins égyptiens. Le collectif de cinéastes n’est pas spécialement représentatif d’une quelconque nouvelle génération de réalisateurs égyptiens. Certains avaient commencé la révolution il y a longtemps, en rénovant des formes. Ils ont louvoyé depuis belle lurette entre les feux croisés des censures qui modèlent une grande partie du cinéma égyptien aujourd’hui. Au final, “je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, ‘cinéma révolutionnaire’, s’interroge-t-il à voix haute. J’ai tendance à penser que tout bon film l’est forcément.” » – Rue 89 « En 2008, a eu lieu en Égypte le tout premier procès pour harcèlement sexuel. Le harcèlement sexuel est l’un des fléaux du pays, et c’est aussi un tabou dont personne ne parle. Il prospère sur trois facteurs : la foule et la promiscuité dans les espaces publics ; la pauvreté, qui empêche les jeunes couples d’acheter un logement et crée une grande frustration sexuelle ; enfin, la honte qui pèse sur les victimes. Elles craignent de dénoncer leur agresseur et le harcèlement est nié. À l’époque une enquête avait montré que deux tiers des hommes s’en étaient rendus coupables d’une manière ou d’une autre et que 98 % des femmes étrangères de passage en Égypte et 83 % des femmes égyptiennes en avaient été victimes. L’une d’entre elles, Noha Rushdi a osé affronter son agresseur et l’a d’ailleurs fait condamner à 11 ans de prison. J’ai suivi le procès, j’ai entendu les quolibets dont elle était victime à l’audience et j’ai ensuite conduit des interviews dans mon entourage auprès de femmes qui généralement gardaient le silence. J’ai été stupéfait de ce que je découvrais ! J’en ai tiré le scénario d’un court-métrage, qui est à peu près l’histoire de Fayza, telle qu’on la voit dans le film terminé. Je l’ai proposé à Boushra, une chanteuse très populaire, et c’est elle qui m’a proposé d’en faire un long-métrage et de le produire. » – Mohamed Diab Sortie française 7 septembre 2011 Distributeur Eurozoom Format DCP – 1.85 : 1 Production Lighthouse Films Producteurs Ehab El Koury, Amin El Masry, Fedi Fahim, Mohamed Hefzy, Salma Osman Scénario Sherif Arafa, Yousri Nasrallah, Mariam Abou Ouf, Marwan Hamed, Mohamed Ali, Kamla Abu Zikry, Sherif El Bendary, Ahmad Abdallah, Khaled Marei, Ahmed Alaa Image Ahmed Morsi, Ahmed Yussef, Victor Credi, Islam Abd El Samei, Ayman Abu El Makarem, Youssef Labib, Ahmed Mostafa, Tarek Hefny Montage Dina Farouk, Mona Rabie, Salma Osman, Hassan El Touny, Hisham Saqr, Ahmed Hafez, Dalia El Nasser, Khaled Marei – Avec Ronit Elkabetz (Vivianne), Albert Illiouz (Meir), Yaël Abecassis (Lili), Simon Abkarian (Eliahou), Hana Laszlo (Ita)… Sortie française 30 mai 2012 Distributeur Pyramide Format DCP – 1.85 : 1 Production Dollar Film/New Century Production Productrice Sarah Goher Production exécutive Boushra Rozza Scénario Mohamed Diab Image et son Ahmed Gabr Direction artistique Nihal Farouk Montage Amr Salah El Din Musique Hany Adel – Avec Nahed El Sebaï (Nelly), Boushra Rozza (Fayza), Nelly Karim (Seba), Omar El Saeed (Omar), Bassem Samra (Adel)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 77 Les Tortues volent aussi [LAKPOSHTHA HÂM PARVAZ MIKONAND] Irak Bahman Ghobadi – Iran/Irak, 2004, 95 mn, coul Les Tortues volent aussi Kilomètre zéro Dol ou la vallée des tambours Les Murmures du vent My Sweet Pepper Land Daech : naissance d’un État terroriste La Section « White » Dans un village du Kurdistan irakien, les habitants cherchent une antenne pour capter des nouvelles, à la veille de l’attaque des Américains en Irak… Un garçon mutilé, venu d’un autre village et accompagné de sa sœur, le prédit : la guerre approche… « Un film fort, dur, en forme de cri, dédié à tous les enfants, victimes des guerres et des dictatures. “Ce film est l’expression d’une souffrance personnelle, explique le réalisateur. Quand je regarde la situation du Kurdistan, un sentiment de colère m’envahit. Ce pays est, depuis toujours, une des zones de prédilection des poseurs de mines. Elles font partie du décor. Et il y en a tant que, pour les enfants, c’est devenu un terrain de jeu. Les blessures et les handicaps sont tellement courants que les enfants y sont insensibles. Actuellement, trois personnes par jour sautent sur des mines datant de la guerre irano-irakienne. Pendant le tournage, un des gamins a ramené chez lui une mine pour en faire un vase. En tentant de la désamorcer, elle a explosé…” Bahman Ghobadi a été l’assistant d’Abbas Kiarostami sur Le Vent nous emportera, avant de passer lui-même à la réalisation (Un temps pour l’ivresse des chevaux, Les Chants du pays de ma mère). À la différence des cinéastes iraniens qui usent de symboles et de sous-entendus, Bahman Ghobadi, le Kurde, ne suggère pas, il montre et ose aborder de façon explicite des sujets tabous tels que le suicide, le viol – ce dernier étant “un fléau créé par le régime dictatorial de Saddam Hussein. Il y a eu 60 000 cas répertoriés, un chiffre bien inférieur à la réalité.” » – Le Figaro Sortie française 23 février 2005 Distributeur Bac Films Format 35 mm – 1.85 : 1 Production MIJ Films Producteurs Hamid Karim Batin, Bahman Ghobadi, Babak Amini, Hamid Ghavami Producteur exécutif Abbas Ghazali Scénario Bahman Ghobadi Image Shahriar Assadi Décors Bahman Ghobadi Son Bahman Ardalan Montage Moustafa Khergheposh, Hayedeh Safiyari Musique Housein Alizadeh – Avec Soran Ebrahim (Kak Satellite), Avaz Latif (Agrin), Saddam Hossein Feysal (Pashow), Hiresh Feysal Rahman (Hengov), Abdol Rahman Karim (Riga)… 78 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA IRAK Kilomètre zéro Dol ou la vallée [DOL] des tambours Hiner Saleem – France/Kurdistan, 2005, 89 mn, coul Hiner Saleem – France/Irak, 2006, 90 mn, coul Février 1988, en pleine guerre Iran-Irak. Ako, un jeune Kurde, rêve de fuir le pays. Enrôlé de force dans l’armée de Saddam Hussein, il est envoyé au front où il reçoit l’ordre de ramener la dépouille d’un martyr de guerre à sa famille… Azad est revenu au village pour voir sa fiancée. Obligé de fuir après avoir blessé un militaire turc, il traverse le Kurdistan irakien, puis iranien, partageant ainsi le destin d’autres Kurdes... « En présentant le parcours d’un jeune soldat kurde à travers l’Irak, le réalisateur Hiner Saleem, lui-même d’origine kurde, exilé en France durant la dictature de Saddam Hussein, construit un film aux accents autobiographiques, qui, s’il se veut apolitique, n’en est pas moins une vive dénonciation de l’absurdité du conflit Iran-Irak à la fin des années 1980, et plus particulièrement du racisme et des massacres perpétrés par les Arabes irakiens contre les Kurdes durant la guerre. Alors même que cette guerre n’a aucun sens pour le peuple kurde, comme le souligne le personnage d’Ako à plusieurs reprises, embrigadé de force par l’armée irakienne, Hiner Saleem joue avec les symboles officiels du pouvoir de Saddam Hussein pour les ridiculiser et les désacraliser. C’est particulièrement flagrant avec le leitmotiv de la statue de Saddam, transportée sur un camion, dont les apparitions récurrentes et intempestives semblent représenter l’emprise idéologique permanente que le dictateur exerce sur son pays. Figure obsessionnelle qui imprègne le paysage et suit les personnages tout au long de leur périple, l’utilisation ponctuelle de la statue comme élément discordant et signifiant dans la trame du récit fait écho au burlesque développé par le réalisateur tout au long du film. » – Critikat « Pour tenter d’expliquer le titre du film, il n’est pas inutile de savoir qu’en kurde “Dol” veut dire à la fois “vallée” et “tambour” (d’où le sous-titre français). Mais, il signifie aussi “manœuvre frauduleuse pour s’approprier illégalement le bien d’autrui”. Le rapprochement de ces deux significations nous éclaire bien sur le sujet de Dol : le vol de la vallée, le destin tragique d’un peuple spolié de sa terre. Le film s’ouvre ainsi sur un magnifique panoramique montrant la terre aride et ocre de la vallée de Balliova ; lequel, avec une forme de noire ironie, s’achève sur un drapeau turc, sous lequel est inscrit “Heureux celui qui se dit Turc”. Depuis son premier film (Vive la mariée... et la libération du Kurdistan, 1998), Hiner Saleem s’est fait le porte-parole de son peuple, en compensant parfois la gravité de son propos par un style haut en couleur, proche de celui de Kusturica. Ici, le propos est beaucoup plus ouvertement politique et revendicatif. En effet, depuis la chute de Saddam Hussein (qu’il avait évoquée dans le récent Kilomètre zéro), le peuple kurde vivant en Irak est enfin représenté à l’Assemblée. Ce qui est loin d’être le cas, par exemple, en Turquie, où la langue kurde est toujours interdite, et son usage passible de prison. » – Fiches du Cinéma Sortie française 14 septembre 2005 Distributeur Memento Films Distribution Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Memento Films Production/Hiner Saleem Production/La Cinéfacture Producteurs Hiner Saleem, Alexandre Mallet-Guy, Émilie Georges Producteur associé Fabrice Guez Scénario Hiner Saleem Image Robert Alazraki Décors Fakher Sherwani Son Fredi Loth Montage Anna Ruiz Musique Nikos Kipourgos, Yan Axin – Avec Nazmî Kirik (Ako), Eyam Ekrem (le chauffeur), Belcim Bilgin (Selma), Ehmed Qeladizeyi (Sami), Nezar Selami (Adnan)… Sortie française 24 janvier 2007 Provenance de la copie Hiner Saleem Format DVD – 1.85 : 1 Production Hiner Saleem Production/Mitosfilm Coproduction NovoCiné Producteur Hiner Saleem Producteur associé Michel Loro Scénario Hiner Saleem Image Andreas Sinaros Décors Saman Sabunci Costumes Belçim Bilgin Son Behmen Erdelani, Stéphane Derocquigny Montage Dora Mantzoros, Bonita Papastathi Musique Ösgür Akgül, Mehmet Erdem, Vedat Yildrim – Avec Nazmî Kirik (Azad), Belçim Bilgin, Omer Çiaw Sin, Rojîn Ulker, Tarik Akreyî, Ciwan Haco… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 79 IRAK Les Murmures [SIRTA LA GAL BA] du vent My Sweet Pepper Land Shahram Alidi – Irak, 2009, 77 mn, coul Hiner Saleem – Irak/Allemagne/France, 2013, 100 mn, coul Mam Baldar exerce le métier de postier dans différents villages de montagne du Kurdistan irakien. Un postier pas comme les autres : il transmet des sons et des paroles enregistrés sur cassettes… Dans un village perdu, Baran, officier de police fraîchement débarqué, va tenter de faire respecter la loi. Cet ancien combattant kurde doit désormais lutter contre Aziz Aga, le caïd local. Il fait la rencontre de Govend, l’institutrice, une jeune femme belle et insoumise... Le film de Shahram Alidi, récompensé au Festival du film d’Histoire 2009, laisse des traces : des paysages au charme désertique et lunaire de bout du monde, une opiniâtreté chevillée au corps de nombreux personnages, la barbarie sans nom d’une guerre volontairement ignorée en Occident, et puis la résistance qui emprunte les ondes hertziennes via les radios clandestines et les messages sur K7 qui peuvent se résumer au cri d’un nouveau-né résonnant entre les montagnes… Il y a effectivement une forme de poésie humaniste qui se dégage de ce film irakien qui dénonce avec sévérité les crimes de guerre de Saddam Hussein. Si vous voulez changer d’univers, de paysages, d’époque, de culture, mais aussi de style cinématographique, alors venez écouter Les murmures du vent… – François Aymé « Cinq années se sont écoulées depuis l’idée première de mon film, au cours desquelles j’ai commencé à écrire le script, et réfléchi souvent sur la brièveté de la vie humaine, de l’extrême injustice qu’est le fait de la raccourcir, très spécialement pour ce qui concerne l’enfant. Lorsque l’équipe du film arriva dans l’immense champ de tombes, dans le désert où Saddam Hussein fit enterrer ses victimes, j’ai pensé à tous ces rêves d’enfants ensevelis sous nos pieds et archivés pour toujours sous le soleil torride du désert. » – Shahram Alidi Hiner Saleem, cinéaste d’origine kurde, révélé notamment au début des années 2000 avec une comédie sociale réjouissante (Vodka Lemon) nous surprend avec bonheur avec My Sweet Pepper Land. Il a pris le parti de tourner un… western, considérant avec justesse que le Kurdistan d’aujourd’hui a un rapport avec la loi qui n’est pas sans rappeler celui du Far West américain. Cette idée, il la décline à l’envi tout au long du film : la trame scénaristique héroïque est connue mais efficace. Il va sans dire que Golshifteh Farahani n’a strictement rien à envier aux stars hollywoodiennes des années 1950. Et grâce à ses judicieux choix de mise en scène, Hiner Saleem réussit à nous intéresser à une région en proie aux trafics de médicaments, d’armes, aux perpétuels abus de pouvoir ainsi qu’au ravageur machisme traditionnel. Le réalisateur alterne habilement le premier et le second degré, notamment dans une « savoureuse » scène kafkaïenne d’exécution capitale qui ouvre le film. Ce singulier mélange d’humour et de gravité donne au film un charme entêtant redoublé par un scénario bien huilé. Plus qu’une curiosité, My Sweet Pepper Land allie savamment plaisir du spectateur et parabole politique. – François Aymé Sortie française 31 mars 2010 Distributeur Les Acacias Format 35 mm – 2.35 : 1 Production Le Gouvernement régional du Kurdistan Coproduction TAW Films Producteur Shahram Alidi Scénario Shahram Alidi Image Touraj Aslani Décors Shahram Alidi Son Asghar Abgoun Montage Hayedeh Safiyari – Avec Omer Chawshin (Jalil, dit Mam Baldar), Maryam Boubani (l’épouse de Mam Baldar), Fakher Mohammad Barzani (Kaka Shamal), Valid Marouf Jarou (l’invité de la radio), Moharam Hossein Ghader (l’employé de la radio)… 80 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Sortie française 9 avril 2014 Distributeur Memento Films Format DCP – 1.85 : 1 Production Agat Films & Cie/Rohfilm/ Chaocorp /Arte France Cinéma Producteurs Marc Bordure, Robert Guédiguian Coproducteurs Benny Drechsel, Karsten Stöter, Hiner Saleem, Arnaud Bertrand, Dominique Boutonnat, Hubert Caillard Scénario Hiner Saleem Image Pascal Auffray Son Miroslav Babic Décors Fehmi Salim Costumes Ceylan Remezan Montage Juliette Haubois Musique Setrak Bakirel, Ozan Garip Sahin – Avec Golshifteh Farahani (Govend), Korkmaz Arslan (Baran), Suat Usta (Reber), Feyyaz Duman (Jaffar), Tarik Akreyî (Aziz Aga)… IRAK Daech : naissance d’un État terroriste La Section « White » Jérôme Fritel – France, 2014, 85 mn, coul, doc Yuri Maldavsky et Timothy Grucza – France, 2014, 85 mn, coul, doc Après un mois d’investigations en Irak, cette enquête révèle, pour la première fois, le visage global et effroyable de Daech : une organisation djihadiste aussi riche qu’un État africain, devenue une multinationale de la terreur… Une analyse de la guerre en Irak à travers le quotidien de la section du lieutenant Anderson : au départ de jeunes soldats enthousiastes, rapidement devenus des vétérans de guerre endurcis et cyniques… « L’État islamique en Irak et au Levant, Daech en arabe, contrôle aujourd’hui un territoire grand comme la moitié de la France, à cheval sur deux pays, la Syrie et l’Irak. Sa fortune est comparable à celle d’un pays africain. L’organisation est devenue une sorte d’État hors la loi qui attire militants et combattants du monde entier. Inconnue il y a un an, cette start-up du terrorisme, née en Irak sous l’occupation américaine, est devenue une multinationale de la terreur. Comment est apparue Daech et quel est son modèle économique ? Peut-elle encore étendre son territoire ? Ce film donne la parole à ceux qui, de gré ou de force, travaillent sous la domination de cette organisation et décrit le fonctionnement de cet État autoproclamé. Les responsables actuels et passés du gouvernement irakien expliquent comment Daech dépouille l’Irak d’une partie de ses recettes. Par l’intermédiaire des établissements situés sur son territoire, l’organisation accède également aux réseaux bancaires internationaux. Cette enquête montre que derrière ses succès militaires et sa puissance de feu, Daech affiche le visage d’une vaste entreprise commerciale, fonctionnant un peu à l’image des cartels du crime. Enfin, plusieurs experts – Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, Romain Caillet, chercheur au Centre français du Proche-Orient de Beyrouth, spécialiste reconnu des mouvements islamistes, et Jean-Charles Brisard, enquêteur économique auteur d’un rapport complet sur l’argent de Daech – analysent les conséquences géopolitiques de l’apparition de ce nouvel État terroriste. » – ARTE « Yuri Maldavsky s’est spécialisé dans la couverture des conflits à travers le monde. Après avoir travaillé comme journaliste et cameraman pour les magazines d’ARTE, Canal Plus ou France 2, son premier documentaire Section White se présente comme une immersion aux côtés des forces américaines à Bagdad. Centré sur quatre soldats de la section du lieutenant Anderson, le film va bien au-delà de leur histoire individuelle. Il va remporter le prix “Banff World Television Awards – Best Feature Length Documentary”. » – Huffington Post « Nous avons passé plusieurs mois dans le sud de Bagdad en compagnie de la section “White” de la 17e division de cavalerie de l’armée américaine. Avec deux caméras, nous les avons filmés tout au long de leur mission, jusqu’à leur retour dans leurs familles au Texas. Nous livrons ici un portrait intime de la guerre en Irak et des hommes derrière les soldats. Les quatre soldats de la section Anderson sont les personnages principaux de ce film. C’est leur histoire que l’on raconte ici, mais ce pourrait être celle des 140 000 autres soldats actuellement en poste en Irak. Depuis le transfert symbolique du pouvoir au peuple irakien jusqu’au jour sanglant de l’élection et aux retrouvailles des soldats en Amérique avec leurs familles, nous avons suivi ces hommes. De jeunes soldats enthousiastes, ils sont devenus vétérans de guerre, endurcis et cyniques : ces hommes ne seront plus jamais comme avant. » – Yuri Maldavsky Première diffusion française 10 février 2015 [Arte] Distributeur Pac Presse Format DVD – 1.85 : 1 Production Pac Presse/ Arte/Troisième Œil Productions Producteurs Pierre-Antoine Capton, Patricia Chaira Auteur Jérôme Fritel Image Stephan Villeneuve Son Franck Rupolo Montage Seamus Haley Musique BAM Library Première diffusion française 26 janvier 2006 [France 2] Distributeur Compagnie des Phares & Balises Format DVD – 1.37 : 1 Production Compagnie des Phares & Balises Avec la participation de France 2, du Centre national de la Cinématographie, de la RTBF Bruxelles Auteurs Yuri Maldavsky, Timothy Grucza, Lizi Gelber LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 81 La Vache [DER LETZTE MANN] Dariush Mehrjui – Iran, 1969, 105 mn, NB Iran La Vache Le Facteur Le Cycle Où est la maison de mon ami ? Le Ballon blanc Le Goût de la cerise Le Miroir Le Cercle Deux Anges Sang et or Les Enfants de Belle Ville Hors jeu Une nuit La Fête du feu Persépolis À propos d’Elly Les Chats persans Au revoir Une séparation Les 112 Jours de Khomeiny en France Nahid Taxi Téhéran La vache de Masht Hassan représente tout pour lui et pour son village. Mais un jour, elle disparaît. Pour Masht Hassan, c’est le monde qui s’effondre… « Pour les Européens, Dariush Mehrjui pourrait être au cinéma iranien ce qu’Arturo Ripstein a longtemps été au cinéma mexicain : d’abord un nom familier des festivaliers qui, après la sensation produite par La Vache en 1971, n’ont guère prêté attention à ce cinéaste abonné autant aux festivals qu’aux interdictions sous les différents régimes de son pays. Mais c’est un nom qui n’arrête pas de revenir sur les lèvres des Iraniens quand ils parlent cinéma. Or, à voir la ferveur, il se pourrait que Mehrjui soit en Iran plus populaire encore que les deux autres piliers, Kiarostami et Makhmalbaf. Ses débuts en Iran furent pareillement tiraillés : ne pouvant monter un projet personnel, une histoire d’amour basée sur un vieux conte persan, il tourna Diamond 53, une parodie de James Bond ! Son deuxième film fut l’un des premiers à être subventionnés par le gouvernement iranien, ce qui ne l’empêcha pas d’être interdit. On se demande pourquoi. Peut-être le Shah ne tenait-il pas à ce que son pays passe pour rétrograde. La Vache se passe entièrement dans un village de boue séchée ; l’histoire pourrait être tournée par Glauber Rocha ou Idrissa Ouédraogo, tellement le monde extérieur reste invisible. Cette fable atroce, mais aussi très drôle, est une réussite totale : la vie de village, l’interaction entre les habitants, le vacher qui préfère jouer la vache plutôt que de reconnaître sa mort… » – Libération Ressortie française 4 juin 2014 Distributeur Splendor Films Format DCP – 1.87 : 1 Producteur Dariush Mehrjui Scénario Dariush Mehrjui, Gholam Hossein Saedi Image Fereydon Ghovanlou Son Hormouz Farhat Montage Dariush Mehrjui Musique Hormouz Farhat – Avec Ezzatolah Entezami (Masht Hassan), Mahin Shahabi (la femme d’Hassan), Ali Nassirian (Islam), Jamshid Mashayekhi (Habbas), Jafar Vali (Kadkhoda)… 82 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA IRAN Le Facteur [POSTCHI] Le Cycle [DAYEREH MINA] Dariush Mehrjui – Iran, 1973, 115 mn, NB Dariush Mehrjui – Iran, 1975, 101 mn, NB Dans un village du nord de l’Iran, Taghi, marié à une belle femme, est impuissant. Pour pouvoir payer ses dettes, il travaille comme facteur, comme serveur chez un grand propriétaire de la région et il joue également au loto national. Un jeune ingénieur séduit la femme de Taghi... Ali et son père déménagent dans l’espoir de trouver un hôpital qui puisse soigner le vieil homme. Mais Ali n’a pas d’argent. Il est contraint de travailler pour un médecin impliqué dans un trafic de sang… « Dariush Mehrjui a obtenu le Prix de la critique internationale à Venise en 1968 avec La Vache. Le Facteur est son troisième long métrage et c’est une œuvre très intéressante. Le héros, Taghi est une sorte de Fernandel iranien. Il en a la douceur abrutie, les éclats de gaieté et de colère. Il est endetté jusqu’au cou, mais poursuit tenacement le rêve de gagner à la loterie. Tous, autour de lui, rêvent aussi d’argent – d’argent facile. Mehrjui filme un monde délirant, perverti par ses propres tares, bouleversé par les modes occidentales mal assimilées, le capitalisme et le néo-colonialisme. Un monde grotesque et pourtant profondément humain, parfois bouleversant, souvent très drôle. Mehrjui sait allier le grotesque, le réalisme, le comique et le lyrisme. Le courage du réalisateur est aussi évident que son talent. Certaines séquences sont admirables. Celle du repas de cérémonie qui commence dans un extrême raffinement et se termine en ripaille. Celle où Taghi, exaspéré de douleur, vient au chantier dans l’intention de tuer son patron, hurlant au milieu des machines. Celle où, réfugié dans les champs immenses, il trouve, enfin, une paix précaire. » – La Revue du cinéma/Image & Son, La Saison cinéma 1972. « En Iran Le Cycle fut radicalement interdit par le censure et on comprend pourquoi : jamais Téhéran n’a été montré de façon si horrible, un champ d’épandage industriel et humain indescriptible, avec une noirceur de regard digne de Buñuel, Ripstein, ou des premiers films de Kieslowski. Le film est étonnant et laid comme ce qu’il montre : l’hôpital est une métaphore évidente pour la corruption d’un régime qui n’en a plus pour longtemps, mais le film marche complètement grâce au jeune acteur, extraordinaire Terence Stamp persan, dont l’angélisme initial ne rend que plus frappante la façon dont il “s’adapte”, devenant une sorte de lieutenant/protégé d’un mafioso du sang. Il faut voir cette séquence extraordinaire quand il s’en va revendre des restes de soupe de l’hosto dans les bidonvilles, pour finalement ramener junkies et clodos à la banque du sang. Tout dans ce film est étonnant, des infirmières à minijupes jusqu’à la façon de conduire suicidaire des habitants de Téhéran. La métaphore est bien sûr en béton armé, le vampirisme de la prise de sang revenant fréquemment chez Mehrjui ; et il y a déjà la stridence de ses films à venir. Mais si Le Cycle est difficile à aimer, il est encore plus difficile à ignorer. C’est la Promesse à l’aube de la Révolution islamiste. À laquelle Mehrjui participera initialement. Mais on le trouve bientôt à Paris, réalisant un documentaire sur Rimbaud pour la télé française. » – Libération Distributeur Mamad Haghighat Format Blu-Ray Production Studio Missaghien Producteur Mehdi Maysaghieh Scénario Dariush Mehrjui Image Houshang Baharlou Son et musique Hormoz Farhat Montage Talat Mirfendereski – Avec Ali Nassirian (Taghi), Ezat Entezami (Niyatollah), Jaleh Sam (Mounir), Ahmad Reza Ahmadi (le neveu de Niyatollah), Bahman Fersi... Première diffusion française avril 1982 [FR3] Provenance de la copie Mamad Haghighat Format Blu-Ray – 1.66 : 1 Production Telfilm Scénario Gholam-Hossein Saedi, Dariush Mehrjui Image Houshang Baharlou Son Robert Grigorians Montage Talat Mirfendereski – Avec Saeed Kangarani (Ali), Ezzatollah Entezami (le docteur Sameri), Fourouzan (Zahra), Bahman Fersi (le docteur Davoudzadeh), Esmaïl Mohammadi (le père)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 83 IRAN Où est [KHANEH-YE DOOST KOJAST ?] la maison de mon ami ? Le Ballon blanc Abbas Kiarostami – Iran, 1987, 85 mn, coul Jafar Panahi – Iran, 1995, 85 mn, coul En sortant de l’école, Ahmad, petit Iranien de huit ans, a emporté par mégarde le cahier de son ami Nématzadé. Il doit à tout prix le lui rendre. Bravant l’interdiction de sa mère, Ahmad s’enfuit pour le retrouver, mais il cherche en vain la maison de son ami… Razieh veut un poisson rouge pour la nouvelle année. Réticente à lui donner l’argent, sa mère finit par céder et lui confie un billet dont elle devra ramener la monnaie. Mais en allant acheter son poisson, la petite fille perd le billet… « C’est bel et bien de suspense qu’il s’agit ici, parfois aux limites du cauchemar. Le très grand charme de ce petit film au budget aussi ténu que son récit réside dans son obstination à ne jamais perdre de vue la gravité de cet enjeu et à se tenir constamment à hauteur du regard de l’enfant. Le temps (compté) et l’espace (frénétiquement arpenté) ont ici une épaisseur rare, exacerbée. Les va-et-vient incessants du gosse, son essoufflement, ses peurs, son agacement, son désarroi perplexe face à l’incompréhension et l’apathie pachydermique des “grands”, composent la matière du film, tout autant que les épreuves et fausses pistes qui jalonnent sadiquement son parcours » – La Revue du Cinéma « Les femmes accablées de besognes ménagères, les hommes imbus de leur autorité, n’écoutent pas ce que disent, ce que demandent les enfants. Cette “surdité” des adultes, la solitude qui en résulte pour les gamins, c’est le véritable sujet du film. L’errance de l’écolier prend un caractère initiatique. De bizarres personnages sortent de la nuit, puis s’effacent. L’affaire du cahier devient un suspense (avec de l’humour) et se termine, discrètement, sur une note sensible. C’est beau, attachant » – Le Monde « Dès la découverte du Ballon blanc, son premier long métrage aussitôt consacré par la prestigieuse Caméra d’or à Cannes, deux évidences s’imposent à propos de Jafar Panahi. D’une part, on a enfin trouvé un réalisateur capable de reprendre le flambeau, non pas à la place, mais aux côtés d’un des plus grands cinéastes vivants, Abbas Kiarostami. Panahi a été son élève et son assistant, c’est Kiarostami qui lui met le pied à l’étrier, cela serait anecdotique s’il ne se jouait là une belle et singulière aventure de cinéma (qui ne concerne pas seulement, tant s’en faut, le seul cinéma iranien). Avec pour personnages principaux les interprètes les plus difficiles à bien filmer, des enfants, Panahi démontre sa sensibilité, sa précision, son humour, sa totale absence de mièvrerie ou de complaisance. Au plus près de la réalité d’une situation quotidienne, il sait à la fois en respecter l’authenticité et en faire un conte fantastique et une fable morale. En cela il est bien le jeune alter ego de Kiarostami. Mais d’autre part, on perçoit d’emblée la personnalité originale du cinéaste, qui ne se contente pas de briller à la suite de son mentor. Le rapport aux lieux de la ville, un goût pour l’abstraction ou le côté extrême de certaines situations commencent de dessiner l’identité propre de Panahi, identité qui s’affirmera avec les films suivants. » – Cahiers du Cinéma Sortie française 21 mars 1990 Distributeur Les Films du Paradoxe Format DCP – 1.66 : 1 Production Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes Producteur Ali Reza Zarin Scénario Abbas Kiarostami Image Farhad Saba Décors Reza Nami Costumes Hassan Zahidi Son Jahangir Mirshekari, Behrouz Moavenian, Asghar Shahverdi Montage Abbas Kiarostami Musique Amine Allah Hessine – Avec Babak Ahmadpoor (Ahmad), Ahmad Ahmadpoor (Mohamed), Kheda Barech Defai (l’instituteur), Iran Otari (la mère), Ait Ansari (le père)… 84 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA [BADKONAKE SEFID] Sortie française 6 décembre 1995 Format DVD – 1.66 : 1 Production Ferdos Films Producteur Kurosh Mazkouri Producteur exécutif Foad Nour Scénario Abbas Kiarostami sur une idée de Jafar Panahi et Parviz Shahbazi Image et décors Farzad Jadat Montage Jafar Panahi – Avec Aida Mohammadkhani (Razieh), Mohsen Kafili (Ali), Fereshteh Sadr Orfani (la mère), Anna Bourkowska (la vieille dame), Mohammad Shahani (le soldat)… IRAN Le Goût de la cerise [TAM E GUILASS] Le Miroir [AYNEH] Abbas Kiarostami – Iran, 1997, 99 mn, coul Jafar Panahi – Iran, 1997, 95 mn, coul Baadi recherche un individu dans le besoin pour une mission très spéciale. Au cours de sa quête, il rencontre un soldat, un étudiant en théologie et un gardien de musée, vivant tous à la limite de la marginalité. Chacun va réagir différemment à sa proposition… Parce que sa mère n’est pas venue la chercher à la sortie de l’école, Mina, une petite fille, décide de faire seule le chemin du retour, sans pourtant connaître précisément son adresse. Commence pour elle un long périple… « Kiarostami inscrit sa démarche dans un mouvement cinématographique plus large dont il redéfinit moralement les contours : le cinéma sert à raconter les souffrances des classes pauvres, à montrer des violences invisibles, des beautés cachées de la vie. En 1997, Le Goût de la cerise obtient la Palme d’or au Festival de Cannes, qui distingue ainsi une œuvre plus sobre, plus dépouillée, plus libre, et toujours plus masquée derrière le minimalisme de l’intrigue et du découpage. L’inquiétude du personnage principal traduit le désarroi de beaucoup de gens en Iran, où les actes de suicide augmentent depuis quelques années, sans que pour autant les raisons de son geste soient jamais évoquées précisément. La fièvre monte à Téhéran et à Paris pendant les mois d’avril et de mai 1997 car le film doit arriver à Cannes, mais les autorités ne veulent pas le lâcher. Cannes insiste et finalement obtient gain de cause : le premier jour du festival, une copie arrive en France et, comme dans un film de Kiarostami, tout se termine pour le mieux. Le film obtient la Palme d’or, plus grand succès de tous les temps pour le cinéma iranien. Kiarostami est ainsi sacré porte-drapeau du cinéma iranien dans le monde, mais c’est en France qu’il obtient la plus grande reconnaissance. À l’occasion de la sortie du Goût de la cerise le 26 novembre 1997, une salle de cinéma de Paris, Le Quartier Latin, est baptisée à son nom. » – Mamad Haghighat, Histoire du cinéma iranien. 1900-1990 « Dans Ceci n’est pas un film, filmé dans l’appartement de Téhéran où il était alors assigné à résidence, Jafar Panahi revenait sur quelques images de sa carrière qu’il regardait sur son magnétoscope. L’une d’elles, sensationnelle, donnait très envie de voir Le Miroir, une œuvre jusqu’alors invisible. La scène d’ouverture de ce film est une petite merveille. Dans un magnifique mouvement panoramique, la caméra de Jafar Panahi enregistre la vie qui s’engouffre dans un carrefour : volée de mouettes, trafic monstrueux, piétons et voitures qui se disputent le passage et retour sur Mina, esseulée. Poupée à la voix haut perchée, stupéfiante d’aisance et de naturel, elle agit comme un aimant qui attire à elle tous les personnages croisés dans Téhéran. Son angoisse d’enfant perdue serre le cœur comme sa détermination à parvenir au but, malgré des embûches qui rendent sa tâche, en apparence, perdue d’avance. Puis son mouvement de révolte impose à Jafar Panahi de tout changer, de s’adapter au caractère de son “actrice” sans que le spectateur sache, jusqu’au bout, s’il assiste à du cinéma-vérité ou à l’artifice suprême d’un réalisateur habile à nous égarer. Film drôle et subtil, poignant et intelligent, qui permet de voir, et surtout d’entendre, la société iranienne en direct. Jafar Panahi : le cinéaste que les autorités de son pays ont décidé de réduire au silence… » – Jean-Claude Raspiengeas, La Croix Sortie française 26 novembre 1997 Format 35mm – 1.66 : 1 Production Ciby 2000 Producteurs Abbas Kiarostami, Alain Depardieu Scénario Abbas Kiarostami Image Homayon Payvar Son Jahangir Mirshekari Montage Abbas Kiarostami – Avec Homayoun Ershadi (Mr Baadi), Ahdolhossein Bagheri (le gardien du musée), Afsin Khorshidbakhtari (l’ouvrier), Safar Ali Moradi (le jeune soldat), Mir Hossein Noori (l’étudiant)… Sortie française 21 décembre 2011 Distributeur Tamasa Distribution Format DCP – 1.66 : 1 Production Rooz Films Producteurs Jafar Panahi, Vahid Nikkhah-Azzad Producteur exécutif Morteza Motevali Scénario Jafar Panahi Image Farzad Jadat Son Yadollah Najafi, Mohammad Reza Delpak Montage Jafar Panahi – Avec Aida Mohammadkhani (Mina), Mina Mohammadkhani (Mina enfant), Kazem Mojdehi, Naser Omuni, Tahereh Samadpour… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 85 IRAN Le Cercle [DAYEREH] Deux Anges [DEUX FERESHTÉ] Jafar Panahi – Iran/Italie, 2000, 89 mn, coul Mamad Haghighat – Iran, 2003, 80 mn, coul Surveillées en permanence, soumises à une pesante bureaucratie et à des discriminations incessantes, des femmes voient leurs itinéraires se croiser dans une ambiance de plus en plus tendue. Mais ces pressions n’entament en rien le courage de leur cercle… À la suite d’une dispute avec son père, un homme très pieux, Ali, 15 ans, s’enfuit dans le désert. C’est là qu’il entend pour la première fois le son de la musique : celle d’un berger qui joue du nêy. La vie d’Ali va en être bouleversée… « Si Le Cercle est d’ores et déjà un tournant dans le cinéma iranien, et si ce qu’il montre est stupéfiant d’audace et de courage, le réduire à la force de son constat sociétal serait aussi absurde qu’injuste. Qu’un tel film existe, ait pu être tourné et montré à l’étranger, est bien sûr un signal important quant aux mutations de la société et du régime iraniens. Mais Panahi ajoute aussitôt que son film n’a toujours pas obtenu de visa d’exploitation pour une sortie en Iran. Ce qui est navrant, mais guère étonnant quand on songe à ce que Le Cercle ose montrer : des femmes qui sortent de prison et errent dans Téhéran à la recherche de leurs anciennes compagnes de détention, un monde mouvant, fait de trafics et d’arrangements, à des années-lumière de l’idée qu’on se fait de la République islamique. Tout le film sera construit sur ce système de relais, de passage de témoin entre des femmes aux abois, unies dans un même désarroi face à une société qui nie leur existence. À mesure que le film avance, ce mouvement incessant tend à l’immobilité, à un retour au calme synonyme de défaite et de nouvel enfermement. Panahi confère à son film une tension constante. Si toutes ces femmes luttent bec et ongles pour s’échapper, la société des hommes les fera bientôt rentrer dans le rang de ses victimes toutes désignées. » – Les Inrockuptibles « Ange tutélaire des cinéastes iraniens, dont il a longtemps fait découvrir les films en France, Mamad Haghighat vole aujourd’hui de ses propres ailes. Comment prendre son essor quand on a toujours vécu sous la coupe des autres ? C’est justement le thème de son premier film à fleur de peau, sur la révolte naïve et entêtée d’un adolescent en guerre contre son père. La naïveté n’a pas droit de cité chez le cinéaste. Amer et désabusé, il dissèque simplement une tentative de prise de pouvoir. Celle de l’innocence et de la liberté. » – Télérama « Le film de Mamad Haghighat est un hommage, simple et émouvant, à la musique et à toutes les formes de création artistique. “Quand mon père a appris que j’allais au cinéma, il m’a battu. Dans mon film, le petit garçon que son père bat parce qu’il joue d’un instrument de musique est un peu moi.” (Mamad Haghighat). Dans sa mise en accusation de l’intégrisme religieux, il n’accable cependant pas le père, mais donne une double image de la paternité en faisant interpréter par le même acteur le père d’Ali et le berger. Si le premier bat son fils “pour son bien spirituel”, le berger a des paroles de paix : “Ton père t’aime. Essaie de l’aimer.” Le film bénéficie par ailleurs de la présence lumineuse de Golshifteh Farahani, qui tient là un de ses tout premiers rôles au cinéma. » – Atmosphères 53 Sortie française 31 janvier 2001 Distributeur Sagittaire Films Format 35 mm – 1.66 : 1 Production Jafar Panahi Productions / Lumière & Company / Mikado Producteur Jafar Panahi Producteur délégué Morteza Motevali Producteur associé Mohammad Atebbai Scénario Kambozia Partovi, Jafar Panahi Image Bahram Badakshani Direction artistique Iraj Raminfar Son Mehdi Dejbodi Montage Jafar Panahi – Avec Maryam Parvin Almani (Arezou), Nargess Mamizadeh (Nargess), Fereshteh Sadr Orafai (Pari), Monire Arab (Monire), Elham Saboktakin (Elham)… 86 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Sortie française 19 novembre 2003 Distributeur Bac Films Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Mamad Haghighat Coproduction Wild Bunch Producteur exécutif Mohamad Ahmadi Scénario Mamad Haghighat Image Amir Assadi Son Nezami Kiaie, Maziar Sheykhmahbobi Montage Mamad Haghighat Musique Mohamad Reza Darvishi – Avec Siavoush Lashgari (Ali/Sohrab), Mehran Rajabi (le père d’Ali/le berger), Golshifteh Farahani (Azar), Hassan Nahid (le Maître du Néy), Sharaheh Dolatabadi (la mère d’Azar)… IRAN Sang et or [TALAYE SORGH] Les Enfants [SHAH-RE ZIBA] de Belle Ville Jafar Panahi – Iran, 2003, 97 mn, coul Asghar Farhadi – Iran, 2004, 101 mn, coul Hussein, un modeste livreur de pizza, tue le gérant d’une bijouterie qui l’avait humilié et se donne la mort. Quelles peuvent être les causes de ce tragique fait divers ? Akbar, 18 ans à peine, est condamné à mort. Alors qu’il attend son exécution dans une prison de Téhéran, un de ses amis et sa sœur vont tenter d’obtenir le pardon du père de sa victime, seul moyen pour lui d’échapper à la sentence… « Le trajet de Hussein parcourt les plus hautes sphères de l’aisance bourgeoise, mais avec l’énergie d’un désespoir qui porte sa corpulence vers un épuisement total et nihiliste. Malgré les nombreux déplacements, il est retenu par l’inertie de sa condition asservissante de livreur de pizzas. Sang et Or se résout dans l’immobilisme, par un suicide exécuté hors champ, présence d’un monde invisible que la caméra tente de percer tout le long du film. Le dispositif qu’installe Jafar Panahi est d’emblée théâtral. Le hold-up s’offre à deux points de vue : à celui du spectateur, ainsi qu’à celui du complice et des passants. Disparaissant du cadre, au sens propre comme au sens figuré, Hussein rejoint par son suicide les ombres des nouveaux riches qu’il servait sur le pas de leur porte, ou qu’il devinait de la rue à travers les rideaux des fenêtres. Jusqu’à cet acte fatal, il a tenté à maintes reprises d’occuper le devant de la scène. À chaque fois, les rencontres se sont soldées par des humiliations. Ainsi que le prédit le film, Téhéran ne connaîtra pas la modernité d’une remise en cause de la religion au profit d’un progrès économique et social. La mondialisation et sa postmodernité confirment que les passerelles sont déjà jetées vers le mercantilisme consacrant l’argent comme valeur suprême. » – Positif « Asghar Farhadi, avec son chef-d’œuvre Une séparation, a marqué l’année 2011 de son empreinte. Pourtant le cinéaste était loin d’être un nouveau venu : Une séparation était déjà son cinquième long métrage. Auparavant, il s’était fait remarquer avec À propos d’Elly ; et le distributeur Memento Films, après avoir ressorti La Fête du Feu, a permis au public français de découvrir ces Enfants de Belle Ville, film alors inédit réalisé en 2004. Le récit ne se déroule pas dans un quartier de Paris comme le titre pourrait le laisser penser, mais dans une prison. Les thématiques, la méthode et le savoir-faire d’Asghar Farhadi sont déjà à l’œuvre ici : la justice, la culpabilité, le pardon sont au cœur de ce drame et sont toujours traités avec beaucoup de finesse. Et surtout, nous avons la énième confirmation que Farhadi est un orfèvre ès scénario : plus le chemin du spectateur semble balisé plus il nous réserve des surprises, des chemins empruntés non pas pour la beauté du geste, mais en raison d’une impérieuse nécessité humaniste. Les relations entre les personnages sont mouvantes, complexes. Une victime peut en cacher une autre et le spectateur pétri de certitudes se voit obligé, séquence après séquence, de les remettre en cause. Quand l’habileté scénaristique est au service d’un propos aussi intelligent, moderne et humaniste, on en redemande. » – François Aymé Sortie française 25 février 2004 Distributeur Tamasa Distribution Format 35 mm – 1.66 : 1 Production Jafar Panahi Film Production Coproduction Lumen Films/Mikado Films Producteur Jafar Panahi Producteur exécutif Jahangir Kosari Scénario Abbas Kiarostami Image Hossain Jafarian Décors Iraj Raminfar Son Dana Farzanehpour, Laurent Bailly Montage Jafar Panahi Musique Peyman Yazdanian – Avec Hussein Emadeddin (Hussein), Kamyar Sheissi (Ali), Azita Rayeji (la fiancée), Shahram Vaziri (le bijoutier), Ehsan Amani (l’inconnu du café)… Sortie française 11 juillet 2012 Distributeur Memento Films Format DCP – 1.85 : 1 Production Neshane Producteur Iraj Taghipoor Producteur exécutif Bahram Jalali Scénario Asghar Farhadi Image Ali Loghmani Décors et costumes Keyvan Moghadam Son Hassan Zahedi Montage Shahrzad Pooya Musique Hamid Reza Sadri – Avec Taraneh Alidoosti (Firouzeh), Babak Ansari (A’la), Faramarz Gharibian (Rahmati Abolghassem), Ahu Kheradmand (Mme Abolghassem), Farhad Ghaiemian (Ghafouri)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 87 IRAN Hors jeu [OFFSIDE] Une nuit [YEK SHAB] Jafar Panahi – Iran, 2005, 88 mn, coul Niki Karimi – Iran, 2005, 90 mn, coul Le 8 juin 2005, à Téhéran, l’équipe iranienne de football affronte celle de Bahreïn, dans un match crucial pour sa qualification en Coupe du monde. Dans le bus de supporters,une fille s’est déguisée en garçon pour assister à la rencontre… Une jeune employée de bureau habite seule avec sa mère dans un appartement exigu à Téhéran. Un soir, lorsqu’elle rentre du travail, sa mère la renvoie. La jeune femme erre toute la nuit dans la ville et rencontre trois hommes, chacun avec une histoire différente… « Bien qu’elle ne figure dans aucun texte voté par le Parlement iranien, l’interdiction des femmes dans les stades iraniens est devenue une habitude établie par les forces de sécurité, qui aujourd’hui a force de loi. Aussi, quand l’Iran se qualifie pour la Coupe du monde 1998 et que quelque 5000 femmes s’introduisent dans le stade lors de la présentation de l’équipe victorieuse, l’affaire fait grand bruit. Jafar Panahi s’intéresse alors de près au sujet. Et, en 2005, quand l’Iran est sur le point de se qualifier à nouveau pour la Coupe du monde 2006, et qu’il aperçoit un jour sa propre fille déguisée en garçon dans les tribunes d’un stade, le cinéaste se lance aussitôt dans l’écriture de Hors jeu. Le film sera pour lui le moyen d’aborder les interdits imposés aux femmes dans son pays. Cependant, quand il s’agit de présenter le scénario au Ministère de la Culture et de l’orientation islamique, Panahi, dont la réputation n’est plus à faire, doit user de prudence. Le projet est alors falsifié et ne parle que du foot, pas de la présence des femmes ; un membre de l’équipe de tournage sert de prête-nom au réalisateur ; le numérique, moins surveillé par les autorités, est préféré au 35 mm. Au total, le tournage va durer neuf jours : les scènes de l’autobus ou celles de la prison à ciel ouvert à côté de la porte d’accès au stade ont bien sûr été tournées après le match. » – Collège au Cinéma « Ce film, signé Niki Karimi, rappelle étrangement Ten (10) de Kiarostami, parce qu’il est presque entièrement filmé en voiture, mais aussi parce qu’il est constitué d’incessantes discussions qui en disent long sur la condition de la femme dans la société iranienne. En choisissant de nous conter trois prises en stop successives, la réalisatrice dresse aussi un portrait de la gent masculine de son pays, traduisant quelques espoirs d’évolution dans les mœurs et dans l’éducation. L’héroïne croise donc un mari insistant, un médecin séparé et respectueux et un mari déçu. Ces trois rencontres instruisent sur les tendances de la société, où la polygamie serait consacrée par les textes du Prophète. L’utilisation de la caméra vidéo permet de rendre l’aspect inquiétant des rues, et le vague harcèlement exercé par des véhicules anonymes, envers cette femme exposée et vulnérable. Le danger est palpable comme le dénouement est attendu. » – Abus de ciné « Je voulais laisser au loin la perspective de la ville, avec tout son chaos, se rappelle la réalisatrice. Nous avons pris de la distance pour mieux apprécier la complication des situations tordues et difficiles qui existent entre les gens de cette ville. » – Nikki Karimi Sortie française 6 décembre 2006 Distributeur Ad Vitam Format DCP – 1.85 : 1 Production Jafar Panahi Film Productions Producteur Jafar Panahi Scénario Shadmehr Rastin Image Mahmood Kalari, Rami Agami Décors Iraj Raminfar Son Nezamoddin Kiaie, Reza Delpak Montage Jafar Panahi Musique Korosh Bozorgpour, Yuval Barazani – Avec Sima Mobarak Shahi (la première fille), Safar Samandar (le soldat Azari), Shayesteh Irani (la fumeuse), M. Kheyrabadi (le soldat Mashadi), Ida Sadghi (la footballeuse)… 88 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Sortie française 4 janvier 2006 Distributeur Diaphana Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Sazeman Cinmai 79-Jahan Producteurs Hassan Rajbali Bana, Jahan Kosari Producteur exécutif Jahangir Kosari Scénario Niki Karimi, avec la collaboration de Kamboziar Partovi, d’après une idée de Mahmoud Aydin Image Houssein Jafarian Direction artistique et costumes Iraj Ramin Far Son Karim Kashani, Houssein Mahdavi Montage Mastaneh Mohajer Musique Peyman Yazdanian – Avec Hanieh Tavassoli (Negar), Saeed Ebrahimifar, Nader Torkaman, Abdolreza Fakhar… IRAN La Fête du feu [CHAHAR SHANBEH SOURI]R] Asghar Farhadi – Iran, 2006, 104 mn, coul Persépolis Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud – France/États-Unis, 2007, 95 mn, NB Rouhi, une jeune aide-ménagère qui vit un bonheur complet et va bientôt se marier, est employée pour la journée chez un jeune couple. Elle découvre un foyer en crise, dont la femme soupçonne son mari de la tromper avec une voisine... Téhéran, 1978. Choyée par des parents modernes et cultivés, Marjane, huit ans, songe à l’avenir avec confiance. Mais la situation politique bascule soudainement et va tout bouleverser pour la petite fille et les siens… « Troisième film d’Asghar Farhadi, La Fête du feu est le premier à être sorti en France. Le scénario commence comme celui d’Une séparation – l’interaction entre un couple de la classe moyenne en crise et une femme de ménage d’un milieu modeste. Au fil d’une éprouvante journée, les grands yeux bruns de Mojdeh, qui découvre la place et le pouvoir du mensonge – un thème récurrent chez Farhadi –, perdront beaucoup de leur candeur. En un jour, elle apprendra les petites libertés et les souffrances de la condition de femme mariée. Tradition persane interdite avec l’arrivée des islamistes au pouvoir, la fête du Nouvel An a subsisté, sous un jour plus violent, en signe de protestation. Des images documentaires de feux, de tirs et d’explosions de pétards, tournées pendant ces festivités en Iran, ponctuent le film et alimentent le sentiment d’insécurité qui le hante. Elles font écho au doute qui ronge Mojdeh et à la vulnérabilité de tous les personnages féminins, dans une société qui ne les épargne guère. C’est flagrant quand Rouhi, bien malgré elle, se retrouve dehors sans tchador. Tout le talent de scénariste d’Asghar Farhadi apparaît déjà à travers des séquences ambiguës et des vérités savamment distillées tout au long du film. Grâce aussi à la finesse de l’interprétation, on suit ardemment ce roman d’initiation aussi vivant qu’inquiet. » – ARTE « La liberté de ton de ce film a dérangé une partie des musulmans. En 2011, le film fait polémique à sa projection en Tunisie à cause de la représentation d’Allah. Mais Persépolis a aussi dérangé certains lecteurs chrétiens. Aux États-Unis, en 2014, il a été classé parmi les 10 livres qui ont fait le plus polémique selon l’American Library Association qui recueille les plaintes et récriminations des lecteurs. Les points évoqués comme étant sensibles sont les suivants : le film a été perçu comme offensant sur le plan politique, sur le plan du langage et de la représentation graphique (“vulgarité” de certaines scènes), sur le plan moral (la nature des thèmes abordés : sexe, violence et autres tabous). Marjane Satrapi a ainsi peut-être atteint son but : parler de l’adolescence irréductible, de la résistance à l’embrigadement idéologique, au-delà du témoignage sur la société iranienne de la révolution islamique. De ce point de vue, le choix de l’animation a été déterminant, dès qu’il a été question d’adapter la bande dessinée. » – Édith Yildizoglu Sortie française 26 décembre 2007 Distributeur Les Films du Paradoxe Format DCP – 1.85 : 1 Production Boshra Films Producteur Jamal Sadatian Scénario Asghar Farhadi, Mani Haghighi Image Hossein Jafarian Décors & costumes Asghar Farhadi Son Hassan Zahedi, Hossein Abousedgh, Massoud Behnam Montage Hayedeh Safiyari Musique Peyman Yazdanian – Avec Hedieh Tehrani (Mojdeh), Taraneh Alidousti (Rouhi), Hamid Farokh-Nejad (Morteza), Pantea Bahram (Simin), Matin Heydarnia (Amir Ali)… Sortie française 27 juin 2007 Distributeur Diaphana Distribution Format DCP – 1.85 : 1 Production 2.4.7. Films Coproduction France 3 Cinéma/The Kennedy-Marshall co. / French Connection Animations/Diaphana Distribution Producteurs Marc-Antoine Robert, Xavier Rigault Coproductrice Tara Grace Producteurs exécutifs Marc Jousset, Kathleen Kennedy Scénario Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud, d’après les bandes dessinées de Marjane Satrapi Direction de l’animation Christian Desmares Décors Marisa Musy Son Thierry Lebon Montage Stéphane Roche Musique Olivier Bernet – Avec les voix de Chiara Mastroianni (Marjane adolescente et adulte), Catherine Deneuve (Tadji, la mère), Danielle Darrieux (la grand-mère), Simon Abkarian (Ebi, le père), Gabrielle Lopes (Marjane enfant)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 89 IRAN À propos d’Elly [DARBAREYE ELLY] Les Chats persans [KASI AZ GORBEHAYE IRANI KHABAR NADAREH] Asghar Farhadi – Iran, 2009, 116 mn, coul Bahman Ghobadi – Iran, 2009, 101 mn, coul Un groupe d’étudiants passe des vacances au bord de la mer Caspienne. Sepideh, en charge de l’organisation, a décidé d’inviter Elly, en espérant que celle-ci ne soit pas indifférente au charme de son ami Ahmad. Les vacances se passent dans la bonne humeur, jusqu’à la soudaine disparition d’Elly... À leur sortie de prison, deux jeunes musiciens iraniens montent un groupe underground. Lassés de ne pas pouvoir s’exprimer librement, ils tentent de se procurer des papiers pour rejoindre l’Europe. Pour financer leur fuite, ils ont l’idée de donner un grand concert clandestin… « Le scénario d’Asghar Farhadi repose sur un mécanisme familier : arrivé en villégiature, le groupe est frappé par un événement imprévu qui le fait voler en éclats. Le cinéaste filme son héroïne Sepideh de près, comme il le fait de tous les personnages. Il les suit de pièce en pièce dans la grande villa délabrée. Cette façon de faire est un peu prévisible, comme le sont certaines péripéties du scénario. Mais elle permet au réalisateur de coller au plus près de la vérité des personnages. C’est d’ailleurs dans les métamorphoses que subissent ces personnages que se trouve le vrai enjeu, le vrai suspense d’À propos d’Elly. Le temps de prendre en compte quelques particularités – les foulards qui couvrent la tête des femmes, les chansons populaires en farsi qui remplacent les tubes pop – et l’on est pris au piège de ce film troublant, qui met la trame d’un divertissement classique à l’épreuve des dures contraintes du monde, tel qu’il s’est construit en Iran ces trente dernières années. Le film d’Asghar Farhadi donne une autre idée des obstacles que ces insurgés avaient à renverser, ces façons de faire et de penser reçues en héritage de trente années de guerre et de révolution islamique. Nés en même temps qu’elle, les jeunes gens d’À propos d’Elly en sont les prisonniers plutôt que les gardiens. » – Le Monde « En Iran les interdits sur la musique sont nombreux. On ne peut montrer un instrument à la télévision. Ils sont interdits de vente. Les musiciens jouent avec des instruments d’occasion, datant souvent des années 1970. La musique non religieuse est soumise à un contrôle sévère. Le chant traditionnel est autorisé, mais avec des restrictions. Une femme seule ne peut chanter, il faut être trois voire quatre. Dans ce film la révolte s’exprime dans le choix de la forme : la majeure partie de ce qu’on entend est d’inspiration occidentale, metal, blues, rock, rap… Ce qui unit ces différents interprètes, c’est l’interdit qui pèse sur leur pratique, le fait de devoir exercer leur art dans la clandestinité. » – Edith Yildizoglu « Ce qui ressort immédiatement de la projection des Chats Persans, c’est une bonne claque sur notre vision de l’Iran formatée par les sujets télévisés. Bahman Ghobadi nous offre un vent de liberté et de créativité musicale que l’on ne soupçonnait pas et qui ne demandait qu’à crever l’écran par sa spontanéité. L’auteur emporte notre adhésion grâce à des personnages pittoresques ou attachants, à des morceaux de musique variés et enchanteurs. Une ode à la liberté, à la culture qui annonçait les courageuses manifestations de rues de la jeunesse. Un film musical brûlant et réconfortant. » – François Aymé Sortie française 9 septembre 2009 Distributeur Memento Films Format DCP – 1.85 : 1 Production Simaye Mehr Producteurs Asghar Farhadi, Mahmoud Razavi Scénario Asghar Farhadi, d’après une histoire d’Azad Jafarian et Asghar Farhadi Image Hossein Jafarian Décors et costumes Asghar Farhadi Son Hassan Zahedi, Mohammad-Reza Delpak Montage Hayedeh Farhadi Musique Andrea Bauer – Avec Golshifteh Farahani (Sepideh), Taraneh Alidousti (Elly), Sharab Hosseini (Ahmad), Merila Zarei (Shohreh), Mani Haghighi (Amir)… Sortie française 23 décembre 2009 Distributeur Mars Distribution Format 35 mm – 2.35 : 1 Production Mij Film Co. Producteur Bahman Ghobadi Coproducteur Mehmet Aktas Scénario Bahman Ghobadi, Roxana Saberi Image Turaj Aslani Son Nezamodin Kiaie, Michael Kaczmarek, Bahman Ardalan Montage Hayedeh Safiyari Musique Khaled Mouzanar – Avec Negar Shaghaghi (Negar), Ashkan Koshanejad (Ashkan), Hamed Behdad (Nader), Hichkas (lui-même), Hamed Seyyed Javadi (lui-même)… 90 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA IRAN Au revoir [BÉ OMID É DIDAR] Une séparation [JODAEIYE NADER AZ SIMIN] Mohammad Rasoulof – Iran, 2011, 104 mn, coul Asghar Farhadi – Iran, 2011, 123 mn, coul Aujourd’hui, en Iran. Une jeune avocate privée de licence est enceinte de plusieurs mois. Elle vit seule, car son mari, un journaliste, s’est réfugié dans la clandestinité. Traquée par les autorités, et se sentant étrangère dans son propre pays, elle décide de fuir... Lorsque sa femme le quitte, Nader engage une aidesoignante pour s’occuper de son père malade. Il ignore alors que la jeune femme est enceinte et a accepté ce travail sans l’accord de son mari, un homme psychologiquement instable… « Tourné en semi-clandestinité par un cinéaste lui-même réduit au silence par la justice de son pays, arrivé au Festival de Cannes 2011 au nez et à la barbe des douanes iraniennes, Au revoir décrit avec une grâce austère le combat d’une avocate contre les rouages kafkaïens de la bureaucratie des mollahs. Construite avec une précision de trait digne d’une approche entomologique et soumise à une parfaite rigueur picturale, la démonstration de Mohammad Rasoulof est implacable. Et si, à l’instar d’un claustrophobe coincé dans un ascenseur, le spectateur suffoque parfois autant que l’héroïne du film, c’est précisément ce qui lui permet de saisir avec authenticité la violence sourde d’une administration qui se plaît à écraser toute velléité d’autonomie de ses sujets. Plus proche donc de l’univers neurasthénique de cinéastes autrichiens tels que Haneke ou Seidl que de la poésie éthérée d’un Kiarostami, le cinéma de Rasoulof est un cinéma de résistance, qui ose monter au front sans se protéger derrière le paravent de la métaphore. Et cette entrée en guerre est d’autant plus puissante qu’elle est conduite par une actrice dont le jeu est à ce point parfait que chaque plan habité de sa présence – et rares sont ceux que le visage de l’actrice déserte – prend la force d’un tableau de Vermeer. Au revoir, par sa description pointilleuse et sa grande rigueur, apporte un témoignage sec et percutant sur ce qu’est aujourd’hui la vie en Iran. » – Fiches du Cinéma « Combien de films possèdent cette cohérence, cette justesse, cette force, cette puissance ? Sur la forme, Une séparation est une sorte de thriller juridique dont le suspense est tendu comme un arc, du deuxième tiers au dénouement. Monté avec une intelligence diabolique, le scénario relève d’une mécanique d’horlogerie. L’interprétation est tout simplement haut de gamme, un sansfaute. Et sur le fond, quand de nombreux films n’arrivent même pas à dérouler un propos clair, Une séparation se paie le luxe de ne pas jouer à merveille sur un ou deux tableaux, mais sur tous les tableaux. Ce chef d’œuvre apparaît à la fois comme un film profondément iranien et impose en même temps un discours à portée universelle. Une séparation est également une formidable leçon de morale consacrée aux différences de classes sociales. Ainsi le film n’est jamais là où on l’attend, il débusque sans cesse l’inanité des préjugés, dans un sens (envers les pauvres) comme dans l’autre (envers les riches). Le film décrit avec beaucoup de nuances la place de la religion dans la société iranienne. Il propose également une radioscopie honnête et rigoureuse des déchirements familiaux. Il pointe les efforts, les liens, les mensonges sans en rajouter et cerne avec une grande délicatesse le point de vue des enfants. Enfin, Une séparation s’impose comme une parabole lumineuse consacrée à la justice et à la vérité. » – François Aymé Sortie française 7 septembre 2011 Distributeur Pretty Pictures Format DCP – 1.77 : 1 Producteur Mohammad Rasoulof Producteurs exécutifs Rozita Hendijanian, Dariuosh Ebadi Scénario Mohammad Rasoulof Image Arastoo Givi Décors Saeid Asadi Son Mohammad Habibi Montage Mohammad Reza Moini – Avec Leyla Zareh (Noura), Hassan Pourshirazi, Behname Tashakor, Sima Tirandaz, Roya Teymorian… Sortie française 8 juin 2011 Distributeur Memento Films Format DCP – 1.85 : 1 Producteur Asghar Farhadi Producteur exécutif Negar Eskandarfar Scénario Asghar Farhadi Image Mahmoud Kalari Décors et costumes Keyvan Moghadam Son Mahmoud Sammakbashi, Mohammad Reza Delpak Montage Hayedeh Safiyari Musique Sattar Oraki – Avec Leila Hatami (Simin), Peyman Moadi (Nader), Sareh Bayat (Razieh), Shahab Hosseini (Hodjat), Sarina Farhadi — LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 91 IRAN Les 112 Jours de Khomeiny en France Nahid Gérard Puechmorel – France, 2012, 56 mn, coul, doc Ida Panahandeh – Iran, 2014, 105 mn, coul Les 112 jours de Khomeyni en France, entre le 6 octobre 1978 et le 1er février 1979 durant lesquels le religieux iranien réside à Neauphle-le-Château, d’où il prépare sa conquête d’une partie du monde musulman, fascinant une partie de l’intelligentsia et de la presse française… Nahid, jeune divorcée, vit seule avec son fils de 10 ans dans une petite ville au bord de la mer Caspienne – une situation inhabituelle pour une femme iranienne. Sa rencontre avec un homme qui l’aime passionnément et veut l’épouser va bouleverser sa vie de femme et de mère… « Juste avant le succès de la révolution iranienne de 1979, l’ayatollah Khomeini avait poursuivi son exil, entamé en Irak quatorze ans plus tôt, à Neauphle-le-Chateau, en France. Son arrivée dans l’Hexagone fait grand bruit. C’est à partir de cette arrière-base que Khomeyni va préparer le renversement du Shah Mohammad Reza Pahlavi. Régulièrement, il envoie des missives dans son pays natal. Ses soutiens, notamment dans les milieux étudiants, enflent. Rapidement, la presse et les intellectuels français sont séduits par ce personnage drapé dans son costume d’opposant farouche. L’opinion publique tomba dans le panneau de ses discours appelant à la démocratisation de l’Iran. Les 112 jours de Khomeini en France racontent l’accueil à bras ouverts réservé par l’Élysée au patriarche religieux. Des relations qui se dégraderont aussi vite qu’elles se sont bâties après l’instauration d’un régime autoritaire et théocratique à Téhéran. » – Moustique « Entrer dans l’histoire de cet exil de Khomeyni en France, c’est entrer dans l’histoire de l’une des grandes mystifications de notre histoire contemporaine : faire d’un ayatollah exilé en Irak, isolé, encore sans grand rayonnement dans son pays et totalement inconnu sur la scène mondiale, le chef emblématique d’une révolution qui allait prendre le pouvoir en Iran. » – La Chaîne parlementaire « Le cinéma iranien n’en finit pas de faire parler de lui, en bien… Alors que Taxi Téhéran, le chef-d’œuvre de Jafar Panahi, réalisateur dans la ligne de mire des autorités de Téhéran depuis des lustres, triomphait dans les salles, le Festival de Cannes, dans la section “Un Certain Regard”, accueillait une nouvelle venue dans le paysage local. Son nom : Ida Panahandeh, une réalisatrice de 36 ans dont le prometteur premier film, Nahid, est consacré à la rude condition des femmes en Iran. Passionnant et audacieux, le film témoigne du courage de la réalisatrice néophyte qui ne caresse pas les mœurs de son pays natal dans le sens du poil. Nahid, remarquablement interprété par Sareh Bayat, l’actrice d’Une séparation – signale la naissance d’une cinéaste à surveiller de près. » – Les Échos « Contrairement à ce que veulent croire les Européens, les femmes ont toujours été très respectées en Iran, cela fait partie d’une tradition nationale. Je ne dis pas que les femmes ne sont pas du tout discriminées, comme dans tous les pays du monde. Mais dans le milieu du cinéma, comme il y avait peu de femmes, on les a plutôt encouragées à tenter leur chance. C’est même un atout d’être une femme pour faire des films en Iran. Il y a d’ailleurs beaucoup de femmes cinéastes. Plus largement, être une femme en Iran n’est pas particulièrement difficile. Mais vivre est difficile, partout et à toutes les époques. » – Ida Panahandeh Première diffusion française 15 octobre 2012 [France 3] Distributeur France télévisions Distribution Format DVD – 1.85 : 1 & 1.37 : 1 Production Et la suite productions Avec la participation de France Télévisions/CNC Productrice déléguée Rachel Kahn Auteur Gérard Puechmorel Image Marc Thomas Son Thierry Ducos, Lucas Frish Montage Fanny Levavasseur, Mohamed Trabelsi, Maud Anquetil – Commentaire dit par Hervé Lacroix Sortie française 16 mai 2015 Distributeur Memento Films Format DCP – 1.78 : 1 Producteur Bijan Emkanian Scénario Ida Panahandeh, Arsalan Amiri Image Morteza Gheidi Décors et costumes Medhi Moussavi Son Jahangir Mirshekari, Medhi Ebrahimzadeh Montage Arsalan Amiri Musique Majid Pousti – Avec Sareh Bayat (Nahid), Pejman Bazeghi (Masoud), Navid Mohammad Zadeh (Ahamd), Milad Hossein Pour (Amir Reza), Pouria Rahimi (Naser)… 92 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA IRAN Taxi Téhéran [TAXI] Jafar Panahi – Iran, 2014, 82 mn, coul Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne, entre rires et émotion.... « Qu’est-ce que le réel ? Où débutent la fiction et le cinéma ? Quel est le rôle du cinéaste dans un monde où nous sommes abreuvés d’images, qu’elles soient prises d’une caméra de surveillance, d’une GoPro posée sur le tableau de bord ou d’un appareil photo ? Jafar Panahi, béret sur la tête, mais immédiatement reconnu, tente de répondre à ces questions. Il ne faut pas négliger son courage dans l’acte de se filmer lui-même, lui à qui l’on interdit toujours officiellement d’exercer son métier de cinéaste. Brièvement emprisonné pour avoir apporté son soutien au mouvement de la révolution verte en 2009 le cinéaste ne peut ni se déplacer à l’étranger pour présenter son travail ni présenter des crédits complets au générique de ses œuvres clandestines. Taxi Téhéran n’a pas la forme sentencieuse redoutée, bien au contraire. On sourit tout d’abord devant les tribulations de ce chauffeur de taxi qui ne connaît pas bien le plan de la ville et devient l’associé, bien malgré lui, d’un receleur de DVD pirate. On est touché, par la suite, quand s’installe sur le siège avant passager sa nièce, petite fille qui rêve de cinéma et de frappuccino, mais ne comprend pas très bien ce que signifie ce “réalisme sordide” interdit par les Mollahs. Démêler le vrai du faux est impossible tant le cinéaste est passé maître dans le vrai-faux documentaire, ajoutant à son propos une mise en abyme personnelle. Bref, tout ceci est du cinéma, du grand, du beau, du fort. » – Paris Match Sortie française 15 avril 2015 Distributeur Memento Films Format DCP – 1.85 : 1 Production Jafar Panahi Film Productions Producteur Jafar Panahi Scénario Jafar Panahi Image, son et montage Jafar Panahi – Avec Jafar Panahi (le chauffeur de taxi), Nasrin Sotoudeh (la militante des Droits de l’Homme), Hana Saeidi (Hana)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 93 Noce en Galilée [URS AL-JALIL] Michel Khleifi – Belgique/France/Grande-Bretagne/Allemagne, 1987, 113 mn, coul Israël / Palestine Noce en Galilée Intervention divine La Porte du soleil Mon trésor Prendre femme Terre promise Beaufort Les Citronniers Désengagement Les Méduses My Father, My Lord Une jeunesse israélienne Valse avec Bachir La Visite de la fanfare Dan et Aaron Jaffa Les Sept Jours Z32 Ajami Le Temps qu’il reste Le Vagabond Le Policier The Gatekeepers Omar Le Procès de Viviane Amsalem 94 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Le Moukhtar, chef d’un village arabe palestinien, vient demander au gouverneur israélien de lever le couvre-feu pour pouvoir marier son fils. Après une longue négociation, le gouverneur accepte à condition que lui et ses hommes soient les invités d’honneur de la noce… « Un film qu’il faut voir et revoir ; plus encore qu’un témoignage sur l’impossibilité de communiquer entre occupants et occupés sur la terre de Palestine, qui jette la lumière sur les événements récents, il s’agit d’une sorte de poème riche de significations multiples. Comme le dit Michel Khleifi, c’est le désespoir qui s’y exprime à propos d’une situation bloquée, à laquelle, à vues humaines, il n’y a pas d’issues. Et pourtant dans le “désespoir” il y a l’espoir. Il faut se laisser aller à la beauté des images ; pour moi le souvenir qui est le cœur du film, c’est le vagabondage périlleux du cheval échappé qui erre au milieu d’un champ de mines. C’est le moment où, entre soldats israéliens et paysans palestiniens, se noue une angoisse partagée. La conscience que la beauté est fragile et peut être détruite et meurtrie : il faut sauver à tout prix le pur-sang. Les soldats ne réussissent pas à faire revenir le cheval en l’effrayant, mais seul son maître peut le ramener sain et sauf en terrain sûr, en l’appelant avec douceur, du geste et de la voix. Au final, Noce en Galilée nous montre précisément ce que peuvent être les rapports entre occupants et occupés dans les territoires conquis par Israël en 1967. » – Anne-Marie Goguel, Les cahiers du christianisme social. Première projection française mai 1987 Distributeur Les Films du paradoxe Format DVD – 1.66 : 1 Production Marisa Films/ Les Productions Audiovisuelles/ZDF Producteurs exécutifs Bernard Lorain, Jacqueline Louis Scénario Michel Khleifi Image Walther Van den Ende Décors Yves Brover-Rabinovici, Rachid Michrawi Costumes Anne Verhoeven Son Dirk Bombey, Ricardo Castro Montage Marie Castro-Vasquez Musique Jean-Marie Sénia – Avec Mohamad Ali El Akili (Mukhtar), Bushra Karaman (la mère), Makram Khoury (le gouverneur), Youssef Abou Warda (Bacem), Anna Achdian (la mariée)… ISRAËL / PALESTINE Intervention divine. Une chronique d’amour et de couleur La Porte du soleil [BAB EL CHAMS] [YADON ILAHEYYA] Elia Suleiman – France/Palestine/Maroc/Allemagne, 2002, 92 mn, coul Yousry Nasrallah – Égypte, 2003, 278 mn, coul Es, un Palestinien vivant à Jérusalem, est amoureux d’une Palestinienne de Ramallah. En raison de la situation politique, celle-ci ne peut aller plus loin que le checkpoint situé entre les deux villes : les rendez-vous du couple ont donc lieu dans un parking… Cinquante ans d’histoire, de souffrance, d’espoir et d’amour. Une épopée au Proche-Orient, à travers le parcours de quatre individus, quatre histoires de lutte… « La rêverie n’était jamais loin dans Chronique d’une disparition (1996), premier long métrage d’Elia Suleiman. Il lâche ici les rênes à quelques fantasmagories galopantes, dont la facture même tranche avec son style habituel, pince-sans-rire et quotidien. Petit signe du cinéaste : chacune de ses allégories se rattache au réel, et le plus absurde n’est pas à chercher dans l’imaginaire. Que peut le cinéma face à la guerre ? Quel genre de film attendre d’un Palestinien devenu par choix citoyen du monde, vivant à New York ou à Paris ? Politique, il le sera de toute façon. Cette terre meurtrie est sa douleur. Il a si mal qu’il ne trouve que le moyen de s’en amuser, et pourquoi pas d’amuser la galerie, à défaut de plaire à tout le monde. Sur ce champ limité à trois, quatre maisons d’aspect paisible, on peut ainsi conter la guerre dans toute sa mesquine humanité. Suleiman le fait à la manière d’un Tati rageur. Son acuité d’observateur entretient un “suspense” très particulier, perplexe et jouissif. L’intervention divine que son titre réclame est de fait un cri déchirant, mais glacé par un humour qui mieux que jamais peut être ici appelé par son autre nom la politesse du désespoir. » – Télérama De l’épais roman de l’écrivain libanais Elias Khoury, Yousry Nasrallah s’est attaqué à ce qui est considéré, depuis sa parution, comme « le roman de l’exode palestinien par excellence » : « Tout a commencé lorsque le producteur Humbert Balsan et Pierre Chevalier m’ont approché pour que je réalise un film sur les Palestiniens. J’ai d’abord dit non : il y a tant de cinéastes palestiniens doués qui peuvent le faire… Pour autant, le livre est si riche en situations dramatiques que j’ai été très tenté de l’adapter au cinéma. Je voulais avant tout parler de l’énorme injustice qui a été faite au peuple palestinien tout entier, et aussi de mon rapport à la Palestine en tant que cinéaste arabe non palestinien. Depuis Les Mille et Une nuits, les Arabes ont du mal à raconter des histoires. Les Juifs aussi depuis la création d’Israël. L’Histoire est trop pesante.Du coup, on doit répondre à une attente qui veut qu’on soit ambassadeurs, politiciens, juges… Tout sauf conteur. C’est une forme de répression, de peur de la vie, car rien ne déroute et ne trouble autant que la fiction. Raconter une histoire, c’est justement ce que nous avons voulu faire, Elias [Khoury], Mohamed [Soueid] et moi, en écrivant le scénario, et c’est ce que j’ai essayé de respecter en tournant ce film. » Sortie française 2 octobre 2002 Distributeur Pyramide Format DCP – 1.85 : 1 Production Ognon Pictures Coproduction Arte France Cinéma/Gimages Films/Soread 2M/ Lichtblick Filmstifung NRW Producteur Humbert Balsan Coproducteurs Elia Suleiman, Joachim Ortmanns Productrice associée Babette Schröder Scénario Elia Suleiman Image MarcAndré Batigne Décors Miguel Markin, Denis Renault Son Éric Tisserand, Williams Schmit, Bruno Tarrière Montage Véronique Lange – Avec Elia Suleiman (E. S.), Manal Khader (la femme), Nayef Fahoum Daher (le père), Emma Boltanski (la touriste française), Amer Daher (Auni)… Sortie française 9 octobre 2004 Distributeur Pyramide Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Ognon Pictures Coproduction ARTE France Cinéma/Soread 2M/Gimages Films/Misr International Films Producteur Humbert Balsan Scénario Yousry Nasrallah, Elias Khoury, Mohamed Soueid, d’après le roman d’Elia Khoury Image Samir Bahsan Décors Adel El-Maghrabi Costumes Nahed Nasrallah Son Jérôme Ayasse, Guillaume Le Braz Montage Luc Barnier Musique Tamer Karawan – Avec Rim Turki (Nahila), Orwa Nyrabeya (Younès), Hiam Abbass (Om-Younès), Bassel Khayyat (Khalil), Nadira Omran (Om-Hassan)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 95 ISRAËL / PALESTINE Mon trésor [OR] Prendre femme [VE’LAKHTA LEHE ISHA] Keren Yedaya – Israël/France, 2004, 100 mn, coul Ronit et Shlomi Elkabetz – Israël/France, 2004, 97 mn, coul Ruthie et Or, une mère et sa fille de 17 ans, vivent dans un petit appartement à Tel-Aviv. Ruthie se prostitue depuis une vingtaine d’années. Sa fille a déjà essayé plusieurs fois, mais sans succès, de lui faire quitter la rue. Mais lorsqu’elle tombe malade, elle doit radicalement changer de vie… Haïfa, juin 1979, durant les 3 jours qui précèdent le Shabbat. Viviane est sur le point de quitter son mari Eliahou. Mais persuadée par sa famille, elle renonce une nouvelle fois. Jusqu’à ce qu’elle retrouve Albert, un amour de jeunesse… « Quand j’étais en train d’écrire Mon trésor, je m’intéressais beaucoup à la photographie. J’éprouvais aussi un sentiment de rejet vis-à-vis des films “trop beaux”, trop bien éclairés, des films trop léchés, trop “branchés”. J’ai eu envie alors d’aller vers quelque chose de plus brut, moins formaté, d’un retour aux sources. J’ai l’impression que la “professionnalisation” du langage cinématographique est de fait une forme de régression et que le cinéma d’aujourd’hui est bien trop influencé par les vidéo-clips et la publicité. Pour moi, la période du tournage est une sorte d’aventure dans laquelle le hasard joue un rôle important. L’idée d’une esthétique de plansséquences fixes était très stimulante pour moi et pour mon chefopérateur, Laurent Brunet, tout comme le sentiment de prise de risque qui a accompagné tout le tournage. » – Keren Yedaya « Impossible de ne pas penser à la Rosetta des frères Dardenne lorsqu’on découvre Or, l’héroïne de cet impressionnant premier film. On se dit qu’il y a des Or sur cette terre, des trésors dilapidés. La jeune Dana Ivgy est dure, entière, toute en refus et en candeur inattendue. Oui, de l’or pur au milieu de la boue. » – Elle « La puissance de Prendre femme est d’abord dans la façon dont Ronit Elkabetz prend le pouvoir de l’image. Récompensée dans plusieurs festivals pour son rôle dans Mariage tardif, étonnante dans Alila d’Amos Gitaï, époustouflante en prostituée à la dérive dans Mon trésor, elle fait ici un numéro grandiose, telle une Callas (à laquelle elle ressemble) ou une Anna Magnani. » – Le Monde « Ronit Elkabetz, qui interprète Viviane, a co-écrit et réalisé le film avec son frère Shlomi, comme une façon d’enregistrer leurs blessures autobiographiques, l’aliénation mutuelle de leurs parents. Elle s’offre tout entière à son personnage, corps altier, beauté fatiguée, mais impérieuse. Elle réussit ce tour de force de jouer en finesse et en nuances un rôle dans un rôle : Viviane étouffe, et ses seules armes sont l’excès, la crise de nerfs, la théâtralité. Face à elle, Eliahou (Simon Abkarian, magnifique) redouble de bigoterie. En marge de cet exceptionnel duo d’acteurs, Gilbert Melki compose avec subtilité l’amant de Viviane, sa promesse d’ailleurs, d’une autre vie. Le frère et la sœur ne proposent aucune issue, ne ferment aucune piste. Ils captent seulement, avec une étonnante maîtrise du récit, les émotions, les déchirements et les fêlures intimes, un enfer ordinaire et universel. » – Télérama Sortie française 1er décembre 2004 Distributeur Rezo Films Format 35 mm – 1.66 : 1 Production Bizibi /Transfax Film Production Producteurs Emmanuel Agneray, Jérôme Bleitrach, Marek Rozenbaum, Itai Tamir Scénario Keren Yedaya, Sari Ezouz Image Laurent Brunet Décors Avi Fahima Costumes Lee Alembik Son Tully Chen Montage Sari Ezouz – Avec Ronit Elkabetz (Ruthie), Dana Ivgy (Or), Meshar Cohen (Ido), Katia Zimbris (Rachel), Shmuel Edelman (Shmuel)… 96 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Sortie française 26 janvier 2005 Distributeur Sophie Dulac Distribution Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Transfax Film Production/Zanagar Films Producteurs Marek Rozenbaum, Jean-Philippe Reza, Itai Tamir, Éric Cohen Scénario Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz Image Yaron Scharf Décors Avi Fahima Son Yochai Moshe Montage Joelle Alexis Musique Michel Korb – Avec Ronit Elkabetz (Vivianne), Simon Abkarian (Eliahou), Gilbert Melki (Albert), Sulika Kadosh (Mémé), Dalia Malka Beger (Dona)… ISRAËL / PALESTINE Terre promise [PROMISED LAND] Beaufort Amos Gitai – France/Israël, 2004, 90 mn, coul Joseph Cedar – Israël, 2007, 130 mn, coul Dans le désert du Sinaï, au clair de lune, un groupe d’hommes, des bédouins, et de femmes d’Europe de l’Est discutent autour d’un feu de camp. La raison de leur rencontre : un réseau de prostitution… Dans l’ancienne forteresse croisée de Beaufort, au Liban, l’armée israélienne maintient un avant-poste, symbole de l’une de ses guerres les plus contestées. Chaque jour est imprévisible et la vie s’écoule jusqu’à la nuit du 24 mai 2000, lorsqu’une gigantesque explosion illumine le ciel... « Très documenté, le film est conçu comme une succession de scènes-chocs : le choix des prostituées en pleine nuit par les différents marchands d’esclaves, une horrible douche collective, le maquillage minutieux opéré par la maquerelle en chef ou encore la première nuit de travail dans un obscur tripot en bord de mer. Amos Gitaï accompagne un temps quelques femmes pour finalement se concentrer sur deux d’entre elles : Diana, une jeune Russe perdue loin de sa terre natale et Rose au passé énigmatique, ange blond entiché d’un voyou, témoin fasciné par cette traite des blanches. Amos Gitaï nous plonge dans un enfer parfois à la limite du soutenable. Dans ce chaos frénétique, les moments de répit sont rares et poétiques : Diana et Rose attendant leur bourreau, un chat dans la neige, une chorale dans une église orthodoxe, des sourires partagés. Et sans prononcer un mot, les deux jeunes filles scellent leur destin futur dans cette évocation d’un passé lointain et heureux. Si Terre promise n’a pas la maîtrise de Kadosh ou de Kippour, les deux sommets de la riche filmographie d’Amos Gitaï, ces instants de grâce suspendue confirment la présence d’un grand réalisateur derrière la caméra. » – Yannick Vély, filmdeculte « Beaufort fait partie des meilleurs films de guerre, de ceux qui la montrent comme une chose haïssable et inepte. La réussite tient au principe du film : raconter l’histoire du point de vue israélien, le seul que le réalisateur, soldat de Tsahal durant la guerre du Liban, connaisse de l’intérieur. Mais cette réussite s’explique surtout par la mise en scène : lumière d’aquarium, ciel laiteux, réseau de boyaux pour décor, description du comportement des soldats terrés dans leur trou comme des rats, inquiétant et omniprésent nappage musical, absence de figuration de l’ennemi, dont les coups, redoutables tant ils semblent venir de nulle part, pleuvent à intervalles réguliers et déciment une garnison qui a ordre de tenir mais pas d’attaquer. Tout concourt à instiller un climat de peur diffuse. Ce beau film associe deux talents : le journaliste et écrivain Ron Leshem, qui a rapporté dans la presse en 2001 le récit d’un officier israélien qui a inspiré à la fois le livre qu’il en a tiré et son adaptation à l’écran. Et le réalisateur Joseph Cedar, né à New York en 1968, installé en Israël avec sa famille depuis l’âge de 6 ans. Son troisième long métrage a été primé en Israël et a obtenu l’Ours d’argent au Festival de Berlin 2007. » – Le Monde Sortie française 12 janvier 2005 Distributeur Ad Vitam Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Recorded Picture Company / MP Productions/Agav Films/ARTE France Cinéma Producteurs Amos Gitai, Michaël Tapuach, Laurent Truchot Coproducteurs Alain Manou-Mani, Peter Watson, Agav Hafakot, Hamon Hafakot Scénario Amos Gitai, Marie-José Sanselme Image Caroline Champetier Décors Eli Zion Costumes Laura Dinulescu Son Daniel Ollivier, Oleg Kaiserman Montage Isabelle Ingold – Avec Rosamund Pike (Rose), Diana Bespechny (Diana), Hanna Schygulla (Hanna), Anne Parillaud (Anne), Alla An (Alla)… Sortie française 26 mars 2008 Distributeur Metropolitan Filmexport Format 35 mm – 2.35 : 1 Production Movie Plus/Kershet Broadcasting /Cinema Factory/Yes-DBD Satellite Service/ Metro Communications Producteurs David Silber, David Mandil Producteurs exécutifs Moshe Edery, Leon Edery Scénario Ron Leshem, Joseph Cedar, d’après le roman de Ron Leshem Image Ofer Inov Direction artistique Miguel Merkin Costumes Maya More Son Alex Claude, Ashi Milo Montage Zohar M. Sela Musique Ishai Adar – Avec Oshri Cohen (Liraz Liberti), Itay Tiran (Koris), Eli Eltonyo (Oshri), Ohad Knoller (Ziv), Itay Turgeman (Zitlawi)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 97 ISRAËL / PALESTINE Les Citronniers Désengagement Eran Riklis – Israël/France/Allemagne, 2007, 106 mn, coul Amos Gitaï – France/Israël/Allemagne/Italie, 2007, 115 mn, coul Salma cultive des citronniers dans un petit village palestinien de Cisjordanie, situé sur la « ligne verte » qui sépare Israël des territoires occupés. Mais lorsque le ministre israélien de la Défense devient son nouveau voisin, elle va devoir défendre sa plantation... Avignon, été 2005. Ana retrouve Uli, son demi-frère israélien, à l’occasion de la mort de leur père. Elle décide de retourner en Israël à la recherche de sa fille qu’elle a abandonnée à la naissance vingt ans plus tôt. À leur arrivée, Ana et Uli sont pris dans la tourmente du retrait des colons de Gaza… « Au milieu de la situation absurde décrite par le film, des tours et détours de la Cour suprême pour rendre des avis tout aussi absurdes, on vit. Salma revit, par la rencontre avec un jeune avocat qui lui apporte l’espoir pour sa terre, et l’espoir d’un nouvel amour. La scène du baiser entre eux deux, un écrin de lumière entourant leurs deux visages, est probablement la plus belle des Citronniers. Scène magnifique, mais déchirante, puisqu’elle parle, elle aussi, de séparation. Les Citronniers… Il ne pouvait sans doute pas exister de titre plus juste pour un tel film. Un arbre de vie, filmé dans son lumineux reflet et sa couleur explosive, avec ses fruits jaunes gorgés de soleil : une promesse de plénitude et de bonheur coupée en plein vol. “Le citronnier est un très bel arbre, mais on ne peut pas manger ses fruits”, dit la chanson du film. Le plan final, très rude, porte à lui seul tout le sens chargé de cette phrase : le ministre et Salma, chacun d’un côté de mur, seuls, l’un dans son jardin aseptisé, l’autre au milieu de sa plantation meurtrie, rasée. Deux êtres, peut-être deux peuples, irrémédiablement isolés l’un de l’autre. » – Critikat « Il me semble que le film respecte tous les points de vue, mais j’envisageais avant tout un film narratif, pas un documentaire. Je pensais qu’il était plus intéressant d’articuler des liens avec l’Europe et plus facile de structurer l’ensemble par le biais de la fiction. On a fait beaucoup de recherches et visionné beaucoup d’images et ça s’est révélé très profitable. Une fiction, ce n’est pas un docufiction. Ce n’est pas une recréation du réel, mais le réel qui agit comme source d’inspiration. Le film traduit toujours un point de vue – une reformulation poétique des événements. Très vite, j’ai songé à filmer des obstacles. Ça commence avec la grande clôture aux abords de la gare d’Avignon. Uli l’enjambe pour accéder à la maison de son père. Dans le film, on traverse des pièces, on longe des cages d’escaliers et on franchit des barrages de police pour pénétrer dans des endroits interdits d’accès. Une clôture sépare le rabbin et ses disciples d’Uli, de la police et des militaires. Il y a aussi une barrière entre les Palestiniens et les Israéliens. Durant tout le film, la caméra franchit ces barrières, et le spectateur chemine sans qu’elles puissent l’arrêter. » – Amos Gitaï Sortie française 23 avril 2008 Distributeur Paradis Films Format DCP – 1.85 : 1 Production MACT Productions/ Eran Riklis Productions /Riva Film/Heimatfilm Coproduction ZDFARTE/ARTE France Cinéma/Citrus Films Investors/United King Films/Metro Communications Producteurs Eran Riklis, Antoine de Clermont-Tonnerre, Bettina Brokemper, Michael Eckelt Coproductrice Ira Riklis Scénario Suha Arraf, Eran Riklis Image Rainer Klausmann Décors Miguel Merkin Costumes Rona Doron Son Gil Toren, Ashi Milo, Hervé Buirette Montage Tova Ascher Musique Habib Shehadeh Hanna – Avec Hiam Abbas (Salma Zidane), Ali Suliman (Ziad Daud), Rona Lipaz-Michael (Mira Navon), Doron Tavory (Israel Navon), Tarik Copti (Abu Hussam)… Sortie française 9 avril 2008 Distributeur Ad Vitam Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Agav Films Coproduction Pandora Film/Agat Films/Hamon Hafakot/R & C Productions/ ARTE France Producteurs Amos Gitaï, Laurent Truchot, Michel Tapuach Coproducteurs Christoph Friedel, Claudia Steffen, Patrick Sobelman, Tilde Corsy Scénario Amos Gitaï, Marie-José Sanselme Image Christian Berger Direction artistique Sari Turgeman Décors Manu de Chauvignon, Eli Zion, Tim Pannen Costumes Moïra Douguet Montage Isabelle Ingold Son Michel Kharat, Pascal Villard Musique Simon Stockhausen – Avec Juliette Binoche (Ana), Liron Levo (Uli), Jeanne Moreau (Françoise), Barbara Hendricks (Barbara), Dana Ivgy (Dana)… [ETZ LIMON] 98 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA [DISENGAGEMENT] ISRAËL / PALESTINE Les Méduses [MEDUZOT] My Father, [HOFSHAT KAITS] My Lord Shira Geffen et Etgar Keret – Israël/France, 2007, 78 mn, coul David Volach – Israël, 2007, 76 mn, coul Chassé-croisé des parcours de Keren, Batya et Joy : bouteilles jetées à la mer, fragments d’humanités qui flirtent avec l’absurde… Dans un joyeux désordre, chacun cherche sa place, l’amour, l’oubli ou sa mémoire, car telle est la vie à Tel-Aviv... Membre d’une communauté ultra-orthodoxe à Jérusalem, Rabbi Abraham voue sa vie à l’étude de la Torah. Son fils Menahem suit sans conviction son père sur le chemin de la foi. Mais pendant leurs vacances d’été au bord de la mer Morte, cette foi est mise à l’épreuve… Le couple de réalisateurs israéliens nous invite à partager les destins entrecroisés de trois femmes dans un Tel-Aviv onirique. Des méduses, elles ont la même apparente passivité et surtout la nonmaîtrise de leur chemin. Pourtant, les récits de leurs errances nous tiennent en haleine. Très maîtrisés, ils s’imbriquent entre eux avec étrangeté. Incarnés par des acteurs extrêmement touchants, les personnages sont portés au gré du reflux des situations, comme en attente d’un sens plus profond. – Nicolas Milési « La Caméra d’or obtenue à Cannes par Les Méduses en 2007 ne fut pas une si grande surprise pour ceux qui y avaient découvert ce film israélien, sa structure chorale et fragmentée, son puzzle existentiel, ses points de suspension, son mélange d’humour et de dépression, sa petite musique incertaine. On ne savait pas grand-chose de ses auteurs, Etgar Keret et Shira Geffen, couple star de la scène culturelle israélienne, mais on a succombé au charme de ce film corrosif. Les Méduses procède d’un vrai talent à dépeindre les choses les plus lourdes de la façon la plus légère, à poser des questions sans apporter de réponses fermes, une façon comme une autre de rester fidèle à ce qu’il y a de meilleur et de plus universel dans l’éthique juive. » – Les Inrockuptibles Ce premier et magnifique film de David Volach a été conçu comme un dialogue thématique avec le premier épisode du Décalogue de Krzysztof Kieslowski, exploration et variation autour du sacrifice d’Isaac. Isaac, ici, a pour nom Menahem, mais son père reste bien Abraham, conscience talmudique de sa communauté orthodoxe, de par sa foi inébranlable. Sous l’autorité totale du Créateur, tout fait sens pour lui : ce que Dieu donne, mais ausi ce qu’il reprend. Comme Amos Gitaï dans Kadosh, David Volach, lui-même issu d’un milieu orthodoxe, nous immerge dans le quotidien ultracodifié de ce couple aimant, harmonieux à sa façon, dont on explore les fondements de la foi, dans le calme puis dans l’épreuve. Tout comme l’enfant, qui souffre du désenchantement du monde que son père lui impose, en assujettissant tout à la rude volonté divine. Ainsi, au nom d’un commandement de la Torah, Abraham décide de détruire un nid plein d’oisillons qui fait l’émerveillement de Menahem, car l’obéissance à Dieu est plus importante que la joie naturelle que porte l’enfance. La scène finale, quant à elle, est bouleversante : du haut du balcon de la synagogue, Esther fait choir un à un les livres de prières, désormais vains à ses yeux, sur la table où Abraham prie sans relâche. » – Fiches du Cinéma Sortie française 5 septembre 2007 Distributeur Pyramide Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Lama Productions/Les Films du Poisson Coproduction Arte France Cinéma Producteurs Yaël Fogiel, Lætitia Gonzalez, Amir Harel, Ayelet Kait Scénario Shira Geffen Image Antoine Heberle Décors Avi Fahima Costumes Li Alembik Son Olivier Dô Hùu, Gil Toren, Aviv Aldema Montage Sasha Franklin, François Gédigier Musique Grégoire Hetzel, Christopher Bowen – Avec Sarah Adler (Batya), Nicole Leidman (la petite fille), Gera Sandler (Michael), Noa Knoller (Keren), Manenita De Latorre (Joy)… Sortie française 23 avril 2008 Distributeur Sophie Dulac Distribution Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Golden Cinema Coproduction The New Israeli Foundation Producteur Eyal Shiray Scénario David Volach Image Boaz Yehonatan Yaacov Direction artistique Yoav Sinai Costumes Meli Horowitz Son Carl Goetgheluck, Eyal Liebman, Israel David Montage Haïm Tabeckman Musique Michael Hope, Martin Tillman – Avec Assi Dayan (Rabbi Abraham Eidelmann), Sharon Hacohen-Bar (Esther Eidelmann), Ilan Grif (Menahem Eidelmann), Michal Rubin, Nitsam Bar… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 99 ISRAËL / PALESTINE Une jeunesse israélienne Valse avec Bachir [VASERMIL] [WALTZ WITH BASHIR]] Mushon Salmona – Israël, 2007, 93 mn, coul Ari Folman – Israël/France/Allemagne, 2007, 87 mn, coul Beer Sheva, au sud d’Israël. Shlomi, Adiel et Dima, trois adolescents d’origines et de confessions différentes, sont recrutés pour participer à la coupe de foot des jeunes. Ils vont se rencontrer pour la première fois autour de Vasermil, le mythique stade de la ville… Ari s’aperçoit qu’il n’a plus de souvenirs de son expérience dans l’armée israélienne lors de la première guerre du Liban, au début des années 1980. Il part à la rencontre d’anciens camarades afin de découvrir la vérité sur cette période et sur lui-même… « Le film prend ses racines dans mon enfance, passée aux abords du stade de foot de Beer Sheva, le stade Vasermil : des après-midis entiers à regarder les matches et les entraînements avec leurs lots de personnages fantasmés sur le terrain, les bons et les méchants, les favoris et les laissés pour compte. J’ai commencé à écrire le scénario après avoir tourné un documentaire sur les jeunes de Beer Sheva. Ma découverte du quotidien de ces adolescents marginaux, à la fois en termes géographiques et socio-économiques, m’a ouvert les yeux sur les différences, mais aussi les similitudes avec ma propre adolescence dans le même quartier, dans les années 70. Le même environnement multiculturel, la précocité forcée, la dure réalité économique et un certain désespoir. » – Mushon Salmona « Comme Mathieu Kassovitz dans La Haine (1995), Mushon Salmona centre son récit autour d’un trio improbable d’ados. À travers ces trois jeunes, il évoque, avec justesse, le racisme entre les différentes communautés israéliennes. Comme Larry Clark dans Ken Park (2002), Mushon Salmona tend au réalisme-choc pour dépeindre le quotidien de ces mômes pataugeant dans la petite criminalité, les embrouilles et le mal-être. Et il vise juste lorsqu’il montre un pays gangrené par la pauvreté ambiante. » – L’Express « Pourquoi une mémoire si friable ? Qu’avons-nous désiré à ce point ne pas voir ? La grande force (esthétique et politique) de Valse avec Bachir tient dans cette double question que Folman se pose à lui-même et pose à son pays. Sorte de psychanalyse historique, le film, en à peine une heure trente, tend un miroir dérangeant à Israël et à ses enfants. Et ose même avancer – ce que seul un Israélien peut faire – que la mauvaise conscience nationale face à ce passé éminemment trouble s’explique peutêtre par un refus collectif de se voir dans la peau du tortionnaire. Audace sur le fond et, bien sûr, audace sur la forme. Valse avec Bachir demeure une œuvre atypique et, surtout, historiquement marquante. À la fin du film, le cinéaste renonce à son procédé. Des images documentaires (cadavres de Palestiniens, désolation dans les camps, errance des survivants hagards) succèdent à celles d’animation. Comme si en ayant renoué les fils de sa propre mémoire, il était temps désormais pour Ari Folman de montrer ce qu’il était vraiment advenu et qu’il convient de ne jamais oublier. Un finale exemplaire, impressionnant, pour un film qui ne peut pas laisser indifférent. » – Rue 89 Sortie française 26 août 2009 Distributeur Sophie Dulac Distribution Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Transfax Films Productions Producteurs Marek Rosembaum, Michael Rosembaum, Itaï Tamir Scénario Mushon Salmona Image Ram Shweky Direction artistique Beni Affer Costumes Sharon Antebi, Keren Shtark Son Israel David Montage Reut Hahn Musique Franck Ilfman – Avec David Teplitzsy (Dima), Adiel Zamro (Adiel), Nadir Eldad (Shlomi), Avinoam Blumenkrantz (Matan), Benni Adega (Yonatan)… 100 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Sortie française 25 juin 2008 Distributeur Le Pacte Format DCP – 1.85 : 1 Production Bridgit Folman /Film Gang/Les Films d’Ici/Razor Film Coproduction Arte France/ITVS International Producteurs Ari Folman, Serge Lalou, Yaël Nahlieli, Gerhard Meixner, Roman Paul Coproducteurs Thierry Garel, Pierrette Ominetti Scénario Ari Folman Direction de l’animation Yoni Goodman Responsables d’animation Tal Gadon, Gali Edelbaum Direction artistique David Polonsky Son Meir Alfassi, Oded Ringel Montage Nini Feller Musique Max Richter – Avec, dans leurs propres rôles, les voix de Ari Folman, Ori Sivan, Ronny Dayag, Shmuel Frenkel, Zahava Solomon… ISRAËL / PALESTINE La Visite de la fanfare [BIKUR HA-TIZMORET] Dan et Aaron [BROTHERS] Eran Kolirin – Israël/France/États-Unis, 2007, 87 mn, coul Igaal Niddam – Suisse, 2008, 116 mn, coul Une petite fanfare de la police égyptienne arrive en Israël pour jouer lors de la cérémonie d’inauguration d’un centre culturel arabe. Par un concours de circonstances, les musiciens se retrouvent finalement au fin fond du désert israélien, dans une petite ville oubliée du monde… Israël. Deux frères que tout sépare se retrouvent après des années de silence. Dan vit un kibboutz. Aaron arrive des États-Unis à Jérusalem pour défendre les droits des étudiants de la Torah. À l’image de leur pays, ils s’aiment avec pudeur, et vont s’affronter avec passion… « Quand j’étais enfant, je regardais souvent des films égyptiens en famille. C’était très courant chez les familles israéliennes, au début des années 80. Parfois, après le film arabe, ils diffusaient un concert de l’orchestre de l’Israël Broadcasting Authority. C’était un orchestre arabe classique, constitué surtout d’Arabes juifs originaires d’Irak et d’Égypte. Les films arabes ont disparu de nos écrans depuis longtemps. La chaîne a été privatisée et s’est noyée dans le flot de chaînes dont on nous a inondés. Et puis, l’orchestre de l’IBA a été dissous. Israël a construit un nouvel aéroport, oubliant de traduire les noms des routes en arabe. Parmi les milliers de boutiques construites là-bas, ils n’ont pas trouvé de place pour cette étrange écriture incurvée qui représente la langue maternelle de la moitié de notre population. De nombreux films ont abordé la question de la paix que nous n’arrivons pas à obtenir, mais très peu de films posent la question de savoir pourquoi nous avons besoin de cette paix. Ce qui est certain, c’est que nous avons perdu quelque chose en route. Nous avons échangé l’amour vrai contre des rencontres d’une nuit, l’art contre le commerce et les rapports humains contre l’obsession de mettre la main sur la plus grosse part de gâteau possible. » – Eran Kolirin « Traitée pour la première fois au cinéma, la question cruciale de la séparation de l’État et de la religion en Israël est abordée de façon admirable dans le film d’Igaal Niddam Dan et Aaron. Un sujet explosif et essentiel – la confrontation actuelle entre religieux et laïcs risquant, selon le réalisateur, de conduire le pays vers une guerre civile. Ce constat d’un extrême pessimisme est présenté avec une réelle sensibilité, Igaal Niddam ayant eu l’intelligence d’offrir aux spectateurs tous les éléments didactiques permettant d’ouvrir une réflexion objective sur ce problème majeur. Ovationné par le public parisien du Festival du film israélien en 2009, Dan et Aaron a été récompensé par deux FIPA d’Or (meilleures interprétations féminines et masculines) décernés à l’actrice Orna Fitoussi, pour son interprétation magistrale de l’avocate adversaire d’Aaron, et à Baruch Brenner, qui joue ce dernier. Acteur incroyable de justesse, Brenner, pour son premier rôle à l’écran, est la révélation du film. Une œuvre marquante, qui dénonce l’inquiétante fracture qui traverse Israël. Le film d’Igaal Niddam ouvre un débat nécessaire sur le concept d’État juif face à l’intolérance grandissante des extrémismes religieux, sur les conséquences du poids des partis religieux dans la vie politique de l’État, particulièrement sur le processus de paix, et plus généralement sur l’impérieuse nécessité de dialoguer pour mieux vivre ensemble. » – Jewpop Sortie française 19 décembre 2007 Distributeur Sophie Dulac Distribution Format DCP – 1.85 : 1 Production July August Productions/Bleiberg Entertainment Coproduction Sophie Dulac Productions Producteurs Eilon Ratzkovsky, Ehud Bleiberg, Yossi Uzrad, Koby Gal-Raday, Guy Jacoel Coproducteurs Sophie Dulac, Michael Zana Scénario Eran Kolirin Image Shai Goldman Décors Eitan Levi Costumes Doron Ashkenazi Son Itai Eloav Montage Arik Lahav Leibovitz Musique Habib Shehadeh Hanna – Avec Sasson Gabai (Tewfiq), Ronit Elkabetz (Dina), Saleh Bakri (Khaled), Khalifa Natour (Simon), Imad Jabarin (Camal)… Sortie française 21 avril 2010 Distributeur Les Acacias Format 35 mm – 2.35 : 1 Production Troubadour Films Producteur Nasser Bakhti Coproducteur Philippe Berthet Producteur exécutif Gil RoehScénario Igaal Niddam, David Belhassen, Roy Katsiri Image Claudio Steinberg Son Moti Hefetz Montage Maya Schmid, Kobi Natanael – Avec Baruch Brener (Aaron), Orna Fitoussi (Shelly), Micha Selectar (Dan), Sharon MalkiSchemech (Yael), Itaï Ganot (Schmuel)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 101 ISRAËL / PALESTINE Jaffa [KALAT HAYAM] Les Sept Jours [SHIVA] Keren Yedaya – France/Israël/Allemagne, 2008, 106 mn, coul Ronit et Shlomi Elkabetz – Israël/France, 2008, 115 mn, coul Dans un garage de Jaffa, Reuven emploie sa fille Mali et son fils Meir, ainsi que Toufik et Hassan, un jeune Palestinien et son père. Mali et Toufik vivent une idylle secrète. Alors que les deux amants sont sur le point de partir ensemble, la tension monte entre Meir et Toufik… Israël, 1991. Toute la famille Ohaion pleure la disparition de l’un des siens. Fidèles à la tradition, les proches se réunissent dans la maison du défunt et s’y recueillent pendant sept jours. Mais la cohabitation n’est pas si aisée… « Jaffa repose, dans l’esprit de Karen Yedaya, sur un parti pris esthétique, un refus des conventions du modèle dominant du cinéma “à l’occidentale”. Il s’agit d’ancrer le cinéma israélien dans une culture populaire propre, en utilisant des moyens et un langage correspondant aux pratiques et aux goûts familiers d’un public que l’on veut gagner à sa cause – pas un public de militants, trop souvent européen, et souvent élitiste, mais le public des petites gens, celui qui peut se regarder dans le miroir que lui tendent les cinéastes. Karen Yedaya ne cache d’ailleurs pas qu’elle cherche à retrouver ce cinéma égyptien qui a nourri son enfance. Aussi, par exemple, pas de budget pharaonique pour un tournage spectaculaire dans Jaffa, pas de grue ou de “dolly” – typiques de ces normes occidentales dont elle veut s’affranchir, de travellings savants et de cadrages étudiés, mais le zoom, plus populaire ; et le choix de réaliser un mélo populaire, une variation sur le mythe universel, éternel, de Roméo et Juliette : “une friandise au goût étrange” dit-elle. Et ajoute qu’il est possible “d’apprécier la culture de l’autre et pas uniquement la culture européenne, qui reste le paradigme de ce que l’on considère comme ‘artistique’ ” ». – Jean-Michel Gaillard « Longtemps le cinéma israélien s’est résumé à un nom : Amos Gitaï, auquel on pouvait éventuellement ajouter celui d’Assi Dayan (La Vie selon Agfa). Depuis quelques années, une politique culturelle volontariste – grâce aux lois de 2001 et 2004, cinq fois plus de films produits chaque année, un excellent accueil du public local (autrefois exclusivement intéressé par les films américains) et la reconnaissance dans les grands festivals internationaux ont imposé de nouveaux cinéastes. Autre exemple qui vient à l’esprit, Ari Folman et son impressionnant film d’animation Valse avec Bachir. Alors, nouvelle vague ? Pas sûr. Eran Riklis, l’auteur des Citronniers, le reconnaît : il serait vain de vouloir rassembler, sous une même bannière esthétique, tous les cinéastes locaux. La famille Elkabetz confirme. Shlomi explique : “Un nouveau cinéma, oui. Une nouvelle vague, non. Il n’y a aucun point de comparaison formel entre les films récents. En revanche, ils adoptent tous un point de vue personnel et critique sur notre pays. Et Ronit de surenchérir : “La nouvelle génération de cinéastes partage une conviction : pour évoquer Israël et ses contradictions, il faut s’éloigner de la prétendue objectivité des reportages télévisés et raconter des histoires à la première personne du singulier.” » – Rue 89 Sortie française 10 juin 2009 Distributeur Rezo Films Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Bizibi /Transfax Film Production/ Rohfilm Coproduction Arte France Cinéma Producteurs Jérôme Bleitrach, Emmanuel Agneray, Marek Rozenbaum, Benny Drechsel, Karsten Stöter Scénario Keren Yedaya, Ila Ben Porat Image Pierre Aim Décors Avi Fahima Costumes Lee Alembik Son Dominique Delguste, Jörg Theil Montage Assaf Korman Musique Shushan – Avec Dana Ivgy (Mali Wolf), Moni Moshonov (Reuven Wolf), Ronit Elkabetz (Ossi Wolf), Mahmoud Shalaby (Toufik), Roy Assaf (Meir)… Sortie française 2 juillet 2008 Distributeur Les Films du Losange Format 35 mm – 2.35 : 1 Production Thaleia Productions/Zanagar Films/Eliqa /EZ Films/ July August Productions Producteurs Jean-Philippe Reza, Eilon Ratzkovsky, Yochanan Kredo, Yossif Uzard, Guy Jacoel, Éric Cohen, Elie Meirovitz Scénario Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz Image Yaron Scharf Direction artistique Benny Arbitman Costumes Laura Sheim Son Itay Elohev, Hervé Buirette, Aviv Aldema Montage Joelle Alexis Musique Michel Korb, Sergio Leonardi – Avec Ronit Elkabetz (Vivianne), Albert Illiouz (Meir), Yaël Abecassis (Lili), Simon Abkarian (Eliahou), Hana Laszlo (Ita)… 102 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA ISRAËL / PALESTINE Z32 Ajami Avi Mograbi – Israël, 2008, 81 mn, coul Scandar Copti et Yaron Shani – Israël/Allemagne, 2009, 124 mn, coul Un ex-soldat israélien a participé à une mission de représailles dans laquelle deux policiers palestiniens ont été tués. Le soldat témoigne volontairement devant la caméra. Le cinéaste, tout en cherchant la solution adéquate pour préserver l’identité du militaire, s’interroge sur sa propre démarche… Le quartier d’Ajami, à Jaffa, lieu cosmopolite où cohabitent juifs, musulmans et chrétiens. C’est au cœur d’une ville déchirée que vont se croiser les destins de Nasri, Malek, Binj et Dando… « Avi Moghrabi accompagne le soldat Z32 sur les lieux de ses plus rudes combats, mais il le laisse seul face à la caméra, avec sa compagne pour unique interlocuteur, comme seul face à sa propre conscience. La jeune femme incarne, sans le vouloir, la réaction de la communauté humaine, effroyablement choquée malgré toute la bienveillance qu’elle s’efforce d’exprimer. Elle contraint, dans un premier temps, le jeune homme à verbaliser ses actes, puis à en affronter la réalité. Une autre trouvaille inspirée donne une étoffe formelle à l’ensemble du film : le témoin, qui souhaite rester anonyme, est masqué. Mais son masque numérique épouse les traits de son visage, au point de recréer d’autres visages. Ils matérialisent, au premier sens du terme, un masque social ; celui derrière lequel le jeune homme s’est réfugié pour ne pas succomber au poids de la culpabilité. Il raconte comment il a, logiquement obéi à des ordres sans chercher à les remettre en cause. Parce qu’il était formé au combat, habitué à tirer sur des cibles virtuelles, il a tiré et tué des êtres humains comme s’il s’agissait d’un jeu – avant de finalement prendre conscience de la portée de ses actes. Les trucages numériques provoquent un sentiment de malaise, quand une cigarette vient traverser un visage et nous rappelle que nous sommes victimes d’une illusion d’optique, que la vérité est ailleurs. » – Fiches du Cinéma « L’Israélien Yaron Shani et le Palestinien Scandar Copti se sont rencontrés lors d’un festival il y a sept ans. Ils se sont notamment associés pour la réalisation d’Ajami, leur premier long-métrage. Ajami rappelle dans sa construction le film qui révéla Alejandro Gonzáles Iñaritu, Amours Chiennes. La guerre des gangs qu’orchestre le duo de réalisateurs israélo-palestiniens est nettement moins spectaculaire du simple point de vue de la maîtrise cinématographique. Reste que le film est louable pour la solidité de son scénario (plutôt complexe) et l’efficacité de son rythme. La maîtrise des deux cinéastes est réelle, tant le film mélange de manière intelligente non seulement les différentes sous-intrigues, mais aussi les divers registres émotionnels. Ajami est un film dense, captivant et qui ne nous abandonne qu’au moment de l’orchestration finale. Très classiquement, les trajectoires se rejoignent, ou plutôt se confrontent. Mais il faut un certain talent pour que tout finisse par coïncider. Ajami est en plus un premier film. La maîtrise du duo de cinéaste n’en est que plus éloquente. » – Laterna Magica Sortie française 18 février 2009 Distributeur Les Films du Losange Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Les Films d’Ici Coproduction Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains Producteurs Avi Mograbi, Serge Lalou Scénario Avi Mograbi, Noam Enbar Image Philippe Bellaïche Effets spéciaux Eran Feller Effets visuels Avi Mussel Son Dominique Vieillard Montage Avi Mograbi Musique Noam Enbar – Avec les interventions d’Avi Mograbi et du soldat Z32. Sortie française 7 avril 2010 Distributeur Ad Vitam Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Inosan Coproduction ZDF/ARTE Producteurs Mosh Danon, Thanassis Karathanos Producteur délégué Zehava Shekel Coproductrice Talia Kleinhendler Producteurs exécutifs Rupert Preston, Allan Niblo, James Richardson Scénario Scandar Copti et Yaron Shani Image Boaz Yehonatan-Yacov Direction artistique Yoav Sinai Son Kei Tebbel Montage Scandar Copti, Yaron Shani, Burkhard Althoff, Doris Hepp Musique Rabiah Buchari – Avec Shahir Kabaha (Omar), Ibrahim Frege (Malek), Fouad Habash (Nasri), Youssef Sahwani (Abu Elias), Ranin Karim (Hadir)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 103 ISRAËL / PALESTINE Le Temps qu’il reste Le Vagabond Elia Suleiman – France/Palestine/Belgique/Italie, 2009, 105 mn, coul Avishai Sivan – Israël, 2010, 86 mn, coul De la création de l’État d’Israël en 1948 à nos jours, l’histoire d’une famille palestinienne à Nazareth : Fuad, membre de la résistance palestinienne ; sa femme ; leur fils E.S., en quête d’identité, et qui grandira entre les manifestations et la répression… Jeune étudiant en Yeshiva, Isaac est fils unique de parents juifs orthodoxes. Pris en étau entre une famille névrotique et son corps qui le trahit, il trouve refuge dans l’errance. Perturbé par la découverte de sa stérilité, Isaac voudrait trouver des explications dans l’obscur passé de son père… Sans élan patriotique ni démesure nationaliste, Elia Suleiman croise l’expérience cocasse de sa famille avec l’histoire dramatique de la Palestine. Plus que de valoriser l’éternel motif de l’entremêlement des niveaux d’histoire, il formule les évènements de la communauté palestinienne à sa dimension. Dans le champ aride des Palestiniens aux yeux bandés, tenu par le joug des armes israéliennes en plein soleil, résonne l’asservissement absolu de la Palestine au diktat d’Israël. Le point de vue est partial, acerbe, laisse s’ouvrir des instants d’absurde, mais contente un regard subjectif. Distinct des volontés égalitaires d’Amos Gitaï (avec lequel Suleiman a coréalisé Guerre et paix à Vesoul), Le Temps qu’il reste ne s’encombre pas des sagesses de l’âge pour recouvrer, alors que le cinéaste avoisine les 50 ans, les fougues de la jeunesse. La résurrection de Suleiman en jeune homme par lui-même permet, plus encore que de redonner une vigueur à ses idées, de retrouver la jeunesse de son corps. La recherche d’un temps perdu à travers “le temps qu’il reste” est la quête menée par le film. Et la grande réussite cinématographique de Suleiman réside bien là : enregistrer la mobilité des frontières de la Palestine à travers l’évolution intime de ceux qui l’habitent. » – Flavien Poncet « Avishai Sivan décrit le quotidien de Itzhak adolescent fils unique élevé par ses parents dans les plus strictes traditions religieuses. Prières, étude de la Torah, repas frugaux constituent son quotidien grisâtre. Alors Itzhak somatise : il souffre de calculs rénaux, et d’un problème aux testicules ! Avec un humour très pince-sans rire, Sivan invente des scènes où ce jeune religieux doit fournir un échantillon de son sperme aux médecins. Grâce aux tourments de son corps et à la médecine, Itzhak s’échappe de son quotidien morose et part à la découverte de la ville. La mise en scène de Sivan est épurée, minimale, consistant en plans fixes très cadrés et très sobres, des dialogues ténus et pas de musique. C’est à la fois beau, rigoureux, et un peu spartiate. Si Sivan brocarde subtilement la foi extrême, son esthétique est paradoxalement très monastique. » – Les Inrockuptibles « L’austérité toute contemplative (plans fixes, lumière blafarde) de ce premier film colle au quotidien morose et répétitif du héros. Seule soupape dans cette charge contre l’extrémisme religieux : un humour à froid et des fulgurances burlesques dignes de Tati. Comme ce plan sur un frigo immaculé rempli de douzaines d’œufs à coquille blanche, à l’exception de tout autre aliment. Ou comment rendre le trivial anxiogène. » – Télérama [THE TIME THAT REMAINS] Sortie française 12 août 2009 Distributeur Le Pacte Format 35 mm – 1.85 : 1 Production The Film Coproduction Nazira Films/France 3 Cinéma/Artemis Productions/RTBF/Belgacom/Bim Distribuzione Producteurs Michael Gentile, Elia Suleiman Coproducteur Hani Farsi Producteurs associés Maya Sambar, Avi Kleinberger Scénario Elia Suleiman Image Marc-André Batigne Décors Sharif Waked Son Pierre Mertens, Christian Monheim Montage Véronique Lange – Avec Elia Suleiman (E.S.), Saleh Bakri (Fuad), Samar Qudha Tanus (la mère, en 1970-80), Shafika Bajjali (la mère, aujourd’hui), Tarek Qubti (le voisin)… 104 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA [HA’ MESHOTET] Sortie française 30 mars 2011 Distributeur Sophie Dulac Distribution Format 35 mm – 1.85 : 1 Production The Mouth Agape Producteurs Keren Michael, Shai Goldman, Avishai & Redi Sivan Coproducteurs Shmulik Avtalion, Oren Arzoni, Eitan Mansuri Scénario Avishai Sivan Image Shai Goldman Décors Yang Yuval Gilad, Lin Baru Costumes Noa Yallon Son Alex Claude Montage Nili Feller, Avishai Sivan – Avec Omi Fuhrer (Isaac), Ali Nassar (le père), Ronit Peled (la mère), Shani Ben-Haim (Dafna), Tami Barak… ISRAËL / PALESTINE Le Policier [HA-SHOTER] The Gatekeepers [ISRAËL CONFIDENTIAL/ SHOMREI HASAF] Nadav Lapid – Israël, 2011, 107 mn, coul Dror Moreh – France/Israël/Belgique/Allemagne, 2012, 95 mn, coul, doc Yaron intègre un groupe de policiers d’élite, au sein d’une unité antiterroriste israélienne, alors que sa femme est sur le point d’accoucher. Sa rencontre avec un groupe violent et radical le confrontera à la guerre des classes israélienne et à celle qu’il livre contre lui-même… Six anciens chefs du Shin Beth, le service de la sécurité intérieure d’Israël, racontent 30 ans de lutte antiterroriste et d’errements face à la question palestinienne, mais aussi contre l’extrême droite religieuse juive. Une histoire secrète qui débute en 1967 et court jusqu’à fin 2011…… « C’est l’histoire de l’Israël des clivages, des paradoxes, à cheval entre Occident et Proche-Orient, d’une société martelée et paralysée par la peur de ses voisins. Ce film retrace en parallèle deux fragments de vie, d’un côté la police, cette camaraderie, cette force, cette masculinité, cet esprit de corps incarné par Yaron. De l’autre une jeunesse aux visages d’anges, mais révoltée, radicale, prête à tout pour ses idées. Nadav Lapid livre ici sa vision d’Israël, d’un conflit oublié, intrinsèque au pays. Ici, pas de noir, pas de blanc, que du gris, chacun de nous est face à ses contradictions. Les plans-séquences sont longs, bruts, la caméra tourne autour des personnages, les artifices musicaux, effets spéciaux inexistants, les décors austères. Et les personnages, chacun à leur tour, se torturant, se questionnant pour au final se retrouver et se déchirer dans une cave, en somme l’histoire sombre d’Israël. » – J. Volpilhac « Cela faisait longtemps qu’un premier long métrage n’avait démontré une telle maîtrise dans la mise en scène, capable de dialoguer immédiatement avec les films de Godard, Bresson, Fassbinder, Kubrick ou Haneke, et de susciter chez les spectateurs les plus clairvoyants la certitude d’assister à la naissance d’un excellent cinéaste, mais aussi de découvrir un film important, aussi brillant dans sa forme qu’intelligent dans son propos. » – Olivier Père « Dans The Gatekeepers, j’ai réussi à interroger des hommes qui ont le pouvoir de façonner l’histoire depuis ses coulisses. Vivant dans l’ombre, c’est la première fois qu’ils s’expriment devant une caméra. L’idée de ce film m’est venue lors du tournage de mon précédent documentaire, Sharon. En discutant avec le cercle des conseillers du Premier ministre, j’ai appris que les critiques émanant de certains de ces Gatekeepers avaient beaucoup influencé Sharon dans sa décision d’évacuer Gaza. Je suis allé trouver chacun d’eux et je leur ai demandé de me raconter leur histoire. Je voulais qu’ils témoignent sur leur vision unique du conflit israélo-palestinien. J’ai été tout autant stupéfait que ravi quand ils ont accepté. Cela me donnait une occasion unique, d’entrer dans le cercle intime des hommes qui ont conduit le processus de décision israélien depuis près d’un demi-siècle. Ils ont été présents durant toutes les périodes charnières de l’État d’Israël depuis la guerre des Six Jours. Jour après jour, quand je menais ces entretiens, je me voyais poser un regard incrédule sur ces soldats anonymes. Leurs histoires et leurs témoignages étaient souvent accablants. Je ne pouvais m’empêcher de me demander jusqu’à quel point je serais allé moi-même si j’avais été confronté aux dilemmes cruciaux qui constituaient leur quotidien. Je me le demande encore. » – Dror Moreh Sortie française 28 mars 2012 Distributeur Bodega Films Format DCP – 1.85 : 1 Production HOT/Laïla Films/Rabinovich Film Fund Cinema Project Producteur Itai Tamir Scénario Nadav Lapid Image Shai Goldman Direction artistique Avi Fahima Costumes Amit Berlowitz Son Israel David Montage Era Lapid – Avec Yiftach Klein (Yaron), Yaara Pelzig (Shira), Michael Moshonov (Oded), Menashe Noy (Michaël), Michael Aloni (Nathanaël)… Première diffusion française 5 mars 2013 [Arte] Distributeur Les Films du Poisson Format DVD – 1.85 : 1 Production Les Films du Poisson/Dror Moreh productions/Cinephil/Wild Heart Productions/Arte France/NDR /IBA /RTBF Producteurs Dror Moreh, Estelle Fialon, Philippa Kowarsky Image Avner Shahaf Direction artistique et décors Doron Koren Son Alex Claude Montage Oron Adar Musique Régis Baillet, Jerôme Chassagnard LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 105 ISRAËL / PALESTINE Omar Le Procès [GETT] de Viviane Amsalem Hany Abu-Assad – Palestine, 2013, 96 mn, coul Ronit et Shlomi Elkabetz – Israël/France/Allemagne, 2014,115 mn, coul Omar vit en Cisjordanie. Il franchit quotidiennement le mur qui le sépare de Nadia, la fille de ses rêves et de ses deux amis d’enfance, Tarek et Amjad. Les trois garçons ont décidé de créer leur propre cellule de résistance, mais Omar est capturé. Il est relâché contre une promesse de trahison… Viviane Amsalem demande le divorce depuis trois ans, et son mari Elisha le lui refuse. Or en Israël, seuls les rabbins peuvent prononcer le divorce, avec le plein consentement du mari. Se dessinent les contours d’une procédure absurde et tragique où l’on juge de tout, sauf de la requête initiale… « L’objectif de Hany Abu-Assad n’est pas de faire l’apologie des attentats-suicides. Il ne les juge pas non plus. Il essaye de comprendre et d’expliquer le processus à partir de documents fouillés, de dossiers réels sur les mécanismes qui peuvent conduire un homme à se transformer en bombe humaine. Un homme qui vit en Palestine, dans l’injustice extrême de l’occupation et d’une politique de colonisation que la communauté internationale laisse se perpétuer dans une totale impunité. Avec Omar, prix du jury Un certain regard à Cannes en 2013 et récent lauréat des prix du meilleur long métrage et du meilleur réalisateur au Festival du film de Dubaï (décembre 2013), Hany Abu-Assad nous laisse pénétrer au plus profond du mécanisme psychologique des personnages avec une grande maîtrise. Hany Abu-Asaad arrive à tenir tous les fils. Il nous montre une fois de plus comment l’oppression de la société traditionnelle palestinienne finit aussi par piéger les personnages. Car si les Palestiniens endurent collectivement l’oppression de l’occupant, ce qui crée un mouvement solidaire, ils subissent en parallèle le poids du groupe social, de la famille, de la communauté qui empêchent leur individualité de s’émanciper. L’interdit, amoureux autant que politique, brouille les pistes. » – Orient XXI « On retrouve dans Le Procès de Viviane Amsalem les thèmes de prédilection de Ronit et Shlomi Elkabetz, à savoir : la vie en couple face aux traditions religieuses, la pression de la famille, la difficile émancipation féminine dans la société israélienne. Le dispositif dramaturgique est à nouveau resserré et tendu : à savoir un inlassable face à face contraint dans l’espace, dilué dans le temps. Inspiré de faits réels, Le Procès de Viviane Amsalem met sur la place publique des règles concernant le divorce religieux en Israël qui semblent être d’un autre temps et qui, pourtant, s’appliquent. On assiste à un film de procès et à une œuvre de combat. On suit, d’abord avec surprise, puis avec perplexité, et enfin avec un mélange de révolte et de tension, un match judiciaire à armes inégales interprété avec force par Ronit Elkabetz elle-même et l’excellent Simon Abkarian, bien calé dans son rôle de “méchant” inexpugnable dans sa position de mari tout-puissant, indifférent aux sentiments de son épouse. Particulièrement bien écrit, concentré sur l’essentiel, sachant ménager des surprises et quelques pointes d’humour inattendues, le film a, in fine, la force d’un bulldozer. Au fur et à mesure qu’il avance, il balaye toutes les éventuelles contradictions. » – François Aymé Sortie française 16 octobre 2013 Distributeur Pretty Pictures Format DCP – 2.35 : 1 Production ZBROS Producteurs Waleed Zuaiter, David Gerson Producteur exécutif Baher Agbariya Producteurs délégués Abbas Zuaiter, Ahmad Zuaiter, Waleed Al-Ghafari, Zahi Khouri, Farouq Zuaiter, Suhail Sikhtian Scénario Hany Abu-Assad Image Ehab Assal Décors Nael Kanj Costumes Hamada Atallah Son Christian Conrad Montage Martin Brinkler, Eyas Salman – Avec Adam Bakri (Omar), Waleed Zuaiter (l’agent Rami), Leem Lubany (Nadia), Samer Bisharat (Amjad), Eyad Hourani (Tarek)… 106 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Sortie française 26 janvier 2005 Distributeur Les Films du Losange Format DCP – 1.85 : 1 Production Elzévir Films/DBG Films/Riva Filmproduktion Producteurs Marie Masmonteil, Sandrine Brauer, Shlomi Elkabetz Coproducteurs Denis Carot, Michael Eckelt Producteurs exécutifs Efrat Bigger, Annette Unger Scénario Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz Image Jeanne Lapoirie Décors Ehud Gutterman Costumes Li Alembik Son Tully Chen Montage Joelle Alexis Musique Michel Korb – Avec Ronit Elkabetz (Viviane Amsalem), Simon Abkarian (Eliahou), Menashe Noy (Carmel), Sasson Gabay (Shimon), Eli Gorstein (le juge principal)… May in the Summer Cherien Dabis – Jordanie/Qatar/États-Unis, 2013, 100 mn, coul Jordanie May in the Summer May, une jeune jordanienne installée à New York, vient passer l’été en famille à Amman. De confession chrétienne, elle s’apprête à épouser un musulman, au grand dam de sa mère pratiquante. May peut néanmoins compter sur le soutien de ses deux sœurs cadettes, aux mœurs plus libérées… « Cherien Dabis livre une œuvre ambitieuse avec, en toile de fond, une ville méconnue : Amman. May in the Summer a en effet pour lui une fluidité narrative impressionnante. Car Cherien Dabis brasse large, menant de front un scénario qui aborde le métissage, la religion, le couple, la sexualité, la tolérance. Elle slalome entre les écueils en évitant une certaine complaisance. La seule coquetterie qu’elle s’accorde est un plaisir de cinéma : un format Scope qui lui permet de filmer avec ampleur une ville rarement montrée sur grand écran. » – L’Express « Les dialogues rythmés et délicieusement incisifs rendent les personnages à la fois crédibles, drôles et attachants. On croit à leurs histoires, on sourit à leurs maladresses, et on partage leurs souffrances. Bill Pullman est touchant en père indigne face à une Hiam Abbass sublime dans son austérité de mère rigide et de femme blessée. Dans le rôle principal, Cherien Dabis livre une performance saisissante par sa retenue quasi olympienne et pleine de grâce. » – Lioumness Magazine Sortie française 7 mai 2014 Distributeur Memento Films Format DCP – 2.35 : 1 Production Displaced Pictures / Anonymous Content / Durga Entertainment / Whitewater Films Producteurs Cherien Dabis, Alix Madigan, Christopher Tricarico Coproducteurs Beau J. Genot, Joy Goodwin, Sabine Sidawi-Hamdan Producteur exécutif Nick Morton Producteurs associés Tara Moross, Kishori Rajan, Michael J. Urann Scénario Cherien Dabis Image Brian Rigney Hubbard Direction artistique Ola Maslik, Rand Abdel Nour Décors Abed Jarekji Costumes Beatrice Harb Montage Sabine Hoffmann Son Tom Efinger Musique Kareem Roustom – Avec Cherien Dabis (May), Alia Shawkat (Dalia), Nadine Malouf (Yasmine), Hiam Abbass (Nadine), Bill Pullman (Edward Brennan)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 107 Terra Incognita Ghassan Salhab – France/Liban, 2002, 120 mn, coul Liban Terra Incognita Le Cerf-Volant A Perfect Day Caramel Et maintenant on va où ? A World Not Ours Cinq destins perdus dans un Beyrouth en pleine reconstruction. Laminé par dix-sept ans de guerre, la ville et ses habitants tentent de se réinventer, à l’image de Soraya, Leyla, Tarek, Nadim et Haïder... « Dans une ville marquée par la guerre, écartelée entre un passé qui ne passe pas et un futur incertain, Ghassan Salhab dresse le portrait d’une jeunesse aussi fracassée que son environnement. Comment, en effet, se situer dans une ville qui a connu dix-sept ans de guerre ? Comment s’envisager dans un champ d’habitation tant de fois détruit et reconstruit ? Beyrouth demeure difficile à identifier, car peu préhensible comme point de repère. Les personnages que Ghassan Salhab fait se croiser sur ce terrain mouvant sont tous révélateurs de la difficulté de se positionner sur ce sol libanais existant avant tout comme point de détachement plus que comme port d’attache. Plusieurs fois durant le film, le personnage de Soraya observe les dessins des livres de médecine de son frère. L’anatomie d’un corps et celle, impossible, d’une ville éclatée, meurtrie. C’est principalement dans la rue que Ghassan Salhab filme ses personnages. Physique, charnelle, Soraya (Carole Abboud, magnifique) marche, incroyablement là et totalement ailleurs. Peut-on savoir où elle va quand, le visage recouvert de bleus, tabassée par un amant parce qu’elle l’a ignoré dans la rue, elle avance dans Beyrouth, le regard fixe, déterminée ? On ne sait pas, mais on est tenté de voir dans ce visage marqué un mur qui, au milieu de tant d’autres qui se sont écroulés, a décidé coûte que coûte de rester droit. » – Les Inrockuptibles Sortie française 12 février 2003 Distributeur Ad Vitam Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Agat Films & Cie/GH Films Producteur Nicolas Blanc Scénario Ghassan Salhab Image Jacques Bouquin Décors Rouba Asmar Son Patrick Allex Montage Gladys Joujou Musique Toufic Farroukh – Avec Carole Abboud (Soraya), Abla Khoury (Leyla), Rabih Mroueh (Tarek), Walid Sadek (Nadim), Carlos Chahine (Haïdar)… 108 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA LIBAN Le Cerf-Volant [THE KITE] Randal Chahal Sabbag – France/Liban, 2003, 80 mn, coul A Perfect Day Joana Hadjithomas et Khalil Joreige – France/Liban/Allemagne, 2006, 92 mn, coul Lamia, 16 ans, vit au Liban, juste à côté de la frontière avec Israël. Là, aux bords des barbelés et des terrains minés, elle joue avec son petit frère. Elle apprend qu’elle va être mariée avec son cousin. Mais pour cela, il faut qu’elle franchisse la frontière... Quatre heures de la vie de Malek dans le Beyrouth d’aujourd’hui. Et si aujourd’hui était « le jour parfait » pour échapper à ses fantômes et retrouver ceux que l’on a perdus ? « Troisième long métrage de la réalisatrice libanaise Randal Chahal Sabbag, cette fable attachante et cruelle rend compte avec poésie de la douleur des séparations imposées par la politique des armes. En partant du particulier qu’est la situation de ce village du Golan, coupé à vif par l’annexion israélienne, le récit tend à l’universel des déchirures entre les peuples par un traitement onirique et symbolique de l’amour impossible qui unit Lamia et Youssef. La mise en scène allie délicatesse et subtilité, mais n’exclut pas la cocasserie. En témoignent les séquences où les femmes des deux familles, hurlant dans des mégaphones de part et d’autre de la frontière, vantent les mérites respectifs des futurs mariés dans une langue aussi verte qu’imagée. Le scénario, en adéquation avec la réalisation, joue sur des registres variés : émotions aussi impalpables que violentes, drôlerie d’une chronique familiale, amertume d’un amour saccagé. Lion d’Argent au festival de Venise 2003, ce film, qui n’est pas sans évoquer par instant Intervention divine d’Elia Suleiman (en moins combattant), bénéficie de plus d’une splendide photographie et d’une belle distribution. Le beau visage de la jeune Flavia Béchara, sa présence douce et obstinée, tout comme la prestation magnifiquement désabusée de Tamin El Chahal sont inoubliables. » – Fiches du Cinéma « Au-delà de la nationalité de la coproduction et sous un titre anglophone, A Perfect Day est un film profondément libanais dans sa manière d’aborder une situation contemporaine marquée par un passé douloureux. Face à une femme qui n’a jamais touché un seul objet dans la chambre de son mari disparu et qui, contre toute attente, cherche encore à retarder la démarche auprès de l’homme de loi, le fils essaie de vivre, alors même que ses crises de narcolepsie provoquent un endormissement, plus symbolique que somatique, face à la réalité. Dans une ville bruyante qui se projette dans la modernité pour mieux oublier (ou mieux nier) les traumatismes du passé et les menaces du présent, les gens s’agitent dans le chaos automobile, les messages publicitaires de la journée et la cacophonie des boîtes de nuit. Déchiré entre le souvenir du père, les attentes de la mère, les déceptions amoureuses, le protagoniste, Malek, avance à tâtons; il cherche même à brouiller sa perception du monde en glissant des lentilles de contact sur des yeux qui n’en ont pas besoin. Assoupi sur un banc, en bordure de mer, il se lance au petit matin dans une course libératoire. » – Positif Sortie française 18 février 2004 Distributeur Pyramide Format 35 mm – 2.35 : 1 Production Ognon Pictures Coproduction Leil Films / Ulysse Productions / Gimages Films / Soread 2M / Arte France Cinéma Producteur Humbert Balsan Scénario Randal Chahal Sabbag Image Alain Levent Décors Sylvain Chauvelot Son Jérôme Ayasse, Fawzi Tabet, Joël Rangon Montage Marie-Pierre Renaud Musique Ziad Rahbani – Avec Flavia Béchara (Lamia), Maher Bsaibes (Youssef), Randa Asmar (Amira), Renée Dick (Mabrouke), Ziad Rahbani (Ziad)... Sortie française 1er mars 2006 Distributeur Celluloid Dreams Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Mille et Une Productions Coproduction Abbout Productions/Twenty Twenty Vision Producteurs Anne-Cécile Berthomeau, Édouard Mauriat Coproducteurs Georges Schoucair, Thanassis Karathanos Scénario Joana Hadjithomas, Khalil Joreige Image Jeanne Lapoirie Décors et costumes Sophie Khayat Son Guillaume Le Braz, Sylvain Malbrant, Olivier Goinard Montage Tina Baz-Le Gal Musique Scrambled Eggs, Soap Kills – Avec Ziad Saad (Malek), Julia Kassar (Claudia), Alexandra Kahwagi (Zeina), Rabih Mroué (l’homme au téléphone), Carole Schoucair (le médecin)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 109 LIBAN Caramel Et maintenant on va où ? Nadine Labaki – France/Liban, 2007, 96 mn, coul Nadine Labaki – France/Liban/Italie/Égypte, 2011, 100 mn, coul À Beyrouth, cinq femmes se croisent régulièrement dans un institut de beauté, microcosme coloré où plusieurs générations se rencontrent, se parlent et se confient. Au salon, les hommes, le sexe et la maternité sont au cœur de leurs conversations intimes et libérées… En route pour le cimetière du village, une procession de femmes en noir affronte la chaleur. Elles portent le voile ou une croix, mais toutes partagent le même deuil, conséquence d’une guerre funeste. Arrivé à l’entrée du cimetière, le cortège se sépare en deux : l’un musulman, l’autre chrétien. « Aujourd’hui, dans cette partie (orientale) du monde, le Liban apparaît comme un exemple d’ouverture, de libération et d’émancipation. Mais ce n’est pas toujours vrai. Derrière cette façade, nous subissons encore beaucoup de contraintes, la crainte permanente du regard des autres et la hantise de leur jugement. Dans ce contexte, la femme libanaise est minée par les remords et la culpabilité. Dans ce salon de coiffure et d’esthétique, mes héroïnes se sentent en confiance. C’est un lieu où, même si l’on est regardé dans ce qu’on a de plus intime, on n’est jamais jugé. » – Nadine Labaki « D’un film venu du Liban ces jours-ci, on imagine, a priori, une part d’engagement politique. Caramel, premier long métrage d’une cinéaste prometteuse, semble d’abord tout autre chose : une galerie de portraits de femmes, dans un salon de beauté de Beyrouth. Pourtant, cette comédie pleine de charme et de finesse esquisse aussi le dessin d’un Liban en pleine mutation, où le rôle et la place des femmes changent. Les portraits sonnent juste et livrent, comme un écho, toute la tendresse et l’agacement qu’éprouve Nadine Labaki pour son pays. Caramel est une chronique chaleureuse et optimiste, qui respire la vie et l’espoir, la cire et le henné. » – Télérama « Tourner en dérision le malheur qui nous arrive est une manière de survivre et de trouver de l’énergie pour rebondir. En tout cas, pour moi, c’est une nécessité. J’ai voulu que le film soit autant une comédie qu’un drame et qu’il suscite autant le rire que l’émotion. Ce n’est pas une histoire sur la guerre mais, au contraire, sur comment éviter la guerre. On ne peut pas vivre au Liban sans ressentir cette menace qui, finalement, déteint sur ce que l’on fait et sur notre manière de s’exprimer. » – Nadine Labaki En 2007, Nadine Labaki avait enchanté le public avec son film Caramel. Enfin, le Proche-Orient était représenté à l’écran à travers une vision féminine, moderne et chaleureuse. Avec Et maintenant, on va où ? , la cinéaste libanaise continue dans la même voie. Sur le mode de la fable, Nadine Labaki défend avec vigueur et humour la réconciliation, le vivre ensemble. Elle fait sauter les tabous, met les sujets qui fâchent sur la table et transforme les femmes de son village en héroïnes rusées, courageuses et déterminées. Au final, l’auteur nous délivre un opportun message humaniste sans oublier, à aucun moment, de réjouir le spectateur. – François Aymé Sortie française 15 août 2007 Distributeur Bac Films Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Les Films des Tournelles Coproduction Les Films de Beyrouth/ Roissy Films/Sunnyland /ARTE France Cinéma Productrice Anne-Dominique Toussaint Producteur associé Raphaël Berdugo Scénario Nadine Labaki, Jihad Hojeily, Rodney Al Haddad Image Yves Sehnaoui Décors Cynthia Zahar Costumes Caroline Labaki Son Pierre-Yves Lavoué, Emmanuel Croset Montage Laure Gardette Musique Khaled Mouzanar – Avec Nadine Labaki (Layale), Yasmine Al Masri (Nisrine), Gisèle Aouad (Jamale), Joanna Moukarzel (Rima), Adel Karam (Youssef)… 110 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Sortie française 14 septembre 2011 Distributeur Pathé Distribution Format DCP – 2.35 : 1 Production Les Films des Tournelles/ Pathé/Les Films de Beyrouth/ United Artistic Group/Chaocorp/ France 2Cinéma/Prima TV Productrice Anne-Dominique Toussaint Production exécutive Ginger Beirut Productions Scénario Nadine Labaki, Jihad Hojeily, Rodney Al Haddad Image Christophe Offenstein Décors Cynthia Zahar Costumes Caroline Labaki Son Michel Casang, Gwennolé Le Borgne, Dominique Gaborieau Montage Véronique Lange Musique Khaled Mouzanar – Avec Claude Baz Moussawbaa (Takla), Layla Hakim (Ataf), Nadine Labaki (Amale), Yvonne Maalouf (Yvonne)… LIBAN A World Not Ours [ALAM LAYSA LANA] Mahdi Fleifel – Grande-Bretagne/Liban/Danemark/Émirats Arabes Unis, 2012, 93 mn, coul, doc Le portrait de trois générations d’exilés dans le camp de réfugiés d’Ein el-Helweh, dans le sud du Liban... « Les premiers courts métrages de Mahdi Fleifel ont été projetés et primés dans de nombreux festivals à travers le monde, avant qu’il ne passe à la réalisation de son premier long métrage, A World Not Ours. Dans ce journal en images, Mahdi Fleifel dresse avec sensibilité et humour le portrait intimiste de trois générations d’exilés dans le camp d’Ain el-Helweh, dans le sud du Liban, où il a lui-même grandi. Par un kaléidoscope d’enregistrements personnels, d’archives familiales en 8 mm et de séquences historiques, il illustre la vie quotidienne de trois générations palestiniennes, tenues hors du monde. Pour la plupart d’entre nous, l’identité est un acquis : qui nous sommes, d’où l’on vient et ce que nous sommes est rarement remis en question. Mais pas pour les Palestiniens, constamment priés d’apporter la preuve de leur identité, ballottés entre un territoire perdu, la réalité des camps et un avenir contesté. » – Festival des Droits de l’homme « Dans le flux ininterrompu des images tournées en Palestine, dans l’intarissable production des documentaires sur les Palestiniens, voici un film qui sort du lot. A World Not Ours imbrique son histoire, qu’il raconte de sa voix off chantante, avec celle du peuple palestinien, et celle de son clan, les réfugiés d’Ain el-Helweh, lesquels, après avoir longtemps cultivé des espoirs de retour au pays, sont aujourd’hui rongés par une bile noire. » – Le Monde Sortie française 4 décembre 2013 Distributeur Eurozoom Format DCP – 1.85 : 1 et 1.33 : 1 Production Nakba Filmworks /Screen Institute Beirut Producteurs Patrick Campbell, Mahdi Fleifel Producteur associé Ça lar Kimyoncu Scénario Mahdi Fleifel Image Mahdi Fleifel Son Zhe Wu Montage Michael Aaglund Musique Jon Opstad – Avec dans leurs propres rôles Ahmad Mufleh Alaeddine, Said Mufleh Alaeddine, Bassam Taha, Hoda Fleifel, Taleb Fleifel… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 111 Étoiles [NOUJOUM AL NAHAR/STARS IN BROAD DAYLIGHT] de jour Syrie Ossama Mohammed – Syrie, 1988, 105 mn, coul Étoiles de jour La Fiancée syrienne Voyage dans la mémoire Les Chebabs de Yarmouk Eau argentée, Syrie autoportrait Syrie, enfants en guerre Syrie, le crépuscule des Assad Ossama Mohammad aborde la question du patriarcat, et notamment de l’exode rural, phénomène grandissant en Syrie, à travers les péripéties de la célébration d’un double mariage dans une famille rurale alaouite… Avant Eau argentée, le film qui l’a fait mieux connaître au public français, Ossama Mohamed avait réalisé deux longs-métrages : Étoiles de jour, sélectionné et primé à la Quinzaine des réalisateurs en 1990, et Sacrifices, présenté en sélection officielle à Cannes en 2003. Il avait également réalisé un court-métrage, Step by step, sélectionné au festival de Berlin en 2012. Ces films ont été censurés par les autorités syriennes et de fait n’ont jamais été montrés en Syrie. Le réalisateur s’est fait connaître du grand public lors du Festival de Cannes 2011, où il participait à une table ronde sur le thème : « Cinéma et dictature ». Depuis cette intervention fracassante, il n’est jamais rentré en Syrie. « En 1988, Ossama Mohammed réalise un autre film, Noujoum Al Nahar (Étoiles de jour). L’histoire fait froid dans le dos : dans un douar perdu du littoral syrien, une famille alaouite subit le dictat d’un enfant gâté, un jeune despotique qui plonge le clan dans un profond désarroi. Le jeune acteur, qui incarne le rôle du détestable dictateur, ressemble comme deux gouttes d’eau au président Hafez Al-Assad. Les mêmes yeux brillants, le même menton carré, la même coupe de cheveux, la même gestuelle. Les Étoiles du jour ne verront jamais le jour. » – Sept infos Inédit en France – Provenance de la copie Cinéma du Réel Format 35 mm – 1.66 : 1 Production Organisme National du Cinéma (Syrie) Scénario Ossama Mohammed Image Abdulqader Sharbaji Direction artistique Rida Hus-hos Montage Antoinette Azarieh Son Emile Saade, H. Salem, A. Kaook – Avec Zuhair Ramadan (Towfiq), Zuhair Abdulkarim (Kasser), Maha Al Saleh (la femme de Khalil), Saba Al Salem (Sana), Saddin Bakdounes (le grand-père)… 112 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA SYRIE La Fiancée syrienne [HA-KALA HA-SURIT]] Voyage dans la mémoire Eran Riklis – France/Allemagne/Israël, 2004, 96 mn, coul Hala Mohammad – Syrie, 2006, 50 mn, coul C’est aujourd’hui que Mona, jeune fille d’origine druze, doit épouser une vedette de la télévision syrienne. Elle devrait être heureuse, mais elle sait qu’une fois entrée en Syrie, où l’attend son futur mari, elle ne pourra plus jamais revenir chez elle, en Israël. Et qu’elle ne pourra plus revoir sa famille... 2006, avant la révolution syrienne. Trois amis, des prisonniers d’opinion, ont croupi pendant des années dans la prison de Palmyre. Pour la première fois depuis leur libération, ils reviennent vers cette prison où ils ont tant souffert… « Le film, qui évoque tout d’abord la situation des femmes orientales (doublement oppressées) et l’absurdité du tracé des frontières prend progressivement une tournure extravagante, mais hélas bien réelle. D’une situation dramatique, Eran Riklis a su tirer un film bouleversant. Plein de subtilité et mélangeant habilement drame et comédie, La Fiancée syrienne s’inscrit dans la lignée d’Intervention divine, du Cerf-volant ou encore de No man’s land. Sans jamais juger ni accuser, le cinéaste signe une chronique dramatique porteuse d’espoir : qu’un réalisateur israélien et une scénariste palestinienne soient parvenus à faire un film ensemble est déjà, en soi, un grand pas. » – À voir/À lire « Le réalisateur israélien Eran Riklis et la coscénariste Suha Arraf, Palestinienne d’Israël, mettent finement en scène les conséquences humaines de l’absurdité bureaucratique en vigueur sur ce coin de terre magnifique et déchiré. L’officier israélien, les représentants inopérants des organisations internationales ou les douaniers syriens tiennent tous un rôle dans l’entrelacs d’émotions tissé autour de la jeune fiancée. Ils ne sont pas les seuls à incarner l’arbitraire du pouvoir puisque dans cette journée de noces se joue aussi un combat inégal contre la domination masculine. » – ARTE « Le peuple syrien fait cohabiter en son sein les religions et les ethnies dans la confiance et la prospérité depuis des millénaires, les cinéastes, les écrivains, les artistes, les ingénieurs, les femmes au foyer, les garçons, les jeunes filles, les bébés, les sourires, les cordes à linge, les papillons, les fenêtres, les arbres, les seuils des maisons, les tombes des morts. Tous souhaitent que la Syrie sorte de sa prison. Je suis fière de mon peuple, fière de son courage. Il est descendu dans la rue pour réclamer plus de dignité, plus de justice sociale, plus de liberté pendant des jours et des jours. On a quand même le droit de dire à quelqu’un qui règne sur son pays depuis 11 ans qu’on ne veut plus de lui. Le pays appartient à son peuple, c’est à lui de décider. Mais le régime ne l’a pas supporté. Au début, il a mis des snipers en place pour tuer les manifestants, puis quelques mois plus tard, on a vu apparaître des chars, des hélicoptères, etc. Le régime a utilisé toutes les armes possibles contre la population, même des armes chimiques. Jamais, je n’aurais imaginé que Bachar Al-Assad puisse aller aussi loin. Jamais. Lorsque je me suis rendue en France 4 mois après le début de la révolution, je ne m’attendais pas à cela. Pendant une année, tous les jours, j’allais de surprise en surprise, à la fois à cause du courage de mon peuple, mais aussi à cause des réactions violentes du régime. J’étais bouleversée. Aujourd’hui, je ne sais même plus comment je dois réagir. Mon pays a sombré dans une violence inimaginable. » – Hala Mohammad Sortie française 1926 Provenance de la copie Goethe Institut Format 35 mm – 1.33 : 1 Cies de production Gerhard Lamprecht Filmproduktion/National-Film Producteur Gerhard Lamprecht Scénario Luise Heilborn-Körbitz, Gerhard Lamprecht, Eduard Rothauser Image Karl Hasselmann Musique originale Giuseppe Becce – Avec Alfred Abel (Helmuth Köhler), Aud Egede-Nissen (Gertrud Köhler), Eduard Rothauser (Rudloff), Renate Brausewetter (Brigitte Rudloff)… Provenance de la copie Ossama Mohammed Format DVD – 1.85 : 1 Production Hot Spot Films Image Hani Al-Aqrabawi Montage Mohammed Raouf Zaza Musique Musique traditionnelle arménienne – Avec Yassin Haj Saleh (l’écrivain), Ghassan Jbai (l’auteur et metteur en scène), Faraj Beraqdar (le poète) LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 113 SYRIE Les Chebabs de Yarmouk Eau argentée, [MA’A AL-FIDDA] Syrie autoportrait Axel Salvatori-Sinz – France, 2013, 78 mn, coul Ossama Mohammed et Wiam Simav Bedirxan – France/Syrie/ États-Unis/Liban, 2014, 92 mn, coul, doc Dans le plus grand camp de réfugiés palestiniens du Moyen-Orient, créé en Syrie en 1957, des jeunes gens se cherchent un avenir dans un quotidien incertain. Exilés de la troisième génération, ils ne rêvent plus du retour en Palestine. Mais leur désir de révolte se heurte aux murs du camp… « Nés dans ce camp, ces jeunes gens n’ont jamais vu la Palestine. C’est leur origine, leur culture, leur langue, leur idéal peut-être, mais leur fiction aussi. Comment rêvent-ils de ce fantôme ? Comment vivent-ils avec ? De quelle manière les hante-t-il ? Pays fantôme, citoyenneté fantôme, avenir fantôme… C’est ce qu’Axel SalvatoriSinz tente de capter dans un jeu subtil d’alternance entre intérieurs et extérieurs. Pour quiconque n’a jamais vu un camp palestinien, Yarmouk ressemble plus à une cité pauvre dans un pays chaud qu’à des kilomètres de tentes. Du provisoire qui s’est installé et grimpe d’étage en étage. Un quartier de Damas, où ces jeunes ont grandi. Ces garçons, torse nu ou en tee-shirt de sport, ces filles – très belles – discutent cinéma, théâtre, mise en scène et diplômes sans que l’on sache ce qu’il en est de leurs parcours ni de quoi ils vivent. Le documentariste les saisit à un moment de leur existence où ils ne sont pas lancés dans leur vie professionnelle. Étudiants dirait-on, si l’on n’ignorait tout des conditions dans lesquelles ils peuvent faire des études, et s’ils ne les prolongeaient pas indéfiniment pour s’éviter les 18 mois de service. Mais ils repoussent jusqu’à la dernière limite, discutant des heures de la meilleure combine. De l’armée, ils ne parlent pas. Mais plutôt de ce que ce service cristallise de non-sens dans leur vie. Et ils sont là, à lire devant la caméra des poèmes qu’ils ont écrits sur ce que signifie Yarmouk, cet endroit qu’ils ont tant voulu fuir et auquel ils restent tant attachés. » – Politis Distributeur DOCKS 66 Format DCP Production Adalios Coproduction Taswir Films & Maritima TV Productrice Magali Chirouze Auteur Axel Salvatori-Sinz Image Axel Salvatori-Sinz Son Axel Salvatori-Sinz Montage Aurélie Jourdan Musique Reem Kelani & Stormtrap 114 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA La guerre civile syrienne vue à travers des dizaines de vidéos amateurs diffusées sur YouTube. Elles filment via des téléphones mobiles les atrocités commises lors de la guerre. Des séquences combinées avec des plans tournés par Wiam Bedirxan durant le siège de Homs, de 2011 à 2014… « La première partie d’Eau argentée est, comme disent les AngloSaxons, un found footage, un pur film de montage collecté dans les archives aléatoires de YouTube, qui retrace les débuts fervents de la protestation puis le durcissement d’un conflit qui tourne rapidement à la barbarie. Le cinéaste ne s’interdit pas d’y montrer le pire : des images de torture prises par les sbires du pouvoir pour terroriser l’ennemi. Il y a cette pensée profondément enracinée chez Ossama Mohammed que le cinéma peut tout montrer et, partant, tout sauver, jusqu’aux images de l’abjection. Le deuxième temps du film se fixe dans Homs assiégée. Fin de la guerre de mouvement, début de l’enlisement, isolement de la résistance, faim et massacre organisés, bombardements quotidiens, préfiguration du tableau final d’apocalypse. Ici éclate un autre film, nourri des seules images de Wiam Simav Bedirxan. Elle qui “en tant que femme, en tant que non voilée et en tant que Kurde” n’a jamais trouvé sa place dans la société syrienne, n’a cherché qu’à se rendre utile aux victimes. Filmer lui est ainsi devenu essentiel : “Je suis partie à Alep acheter une caméra que j’ai fait entrer clandestinement à Homs, j’ai contacté Ossama, et je me suis mise à filmer sans pouvoir m’arrêter. Même en dormant, je tenais la caméra. Je crois que si j’ai survécu, c’est grâce à cette caméra : elle était comme un cœur qui battait, et Ossama à Paris était le cordon ombilical qui me reliait à la vie.” » – Le Monde Sortie française 17 décembre 2014 Distributeur Potemkine Format DCP – 1.37 : 1 et 1.85 : 1 Production Les Films d’Ici/ Proaction Film Producteur Ossama Mohammed Producteurs éxécutifs Diana El Jeiroudi, Camille Laemlé, Serge Lalou, Orwa Nyrabia Scénario et image Ossama Mohammed, Wiam Simav Bedirxan Montage Maisoun Asaad, Dani Abouloh Son Raphaël Girardot, Jean-Marc Schick Musique Noma Omran SYRIE Syrie, enfants en guerre Syrie, le crépuscule des Assad Yuri Maldavsky – France, 2014, 52 mn, coul, doc Christophe Ayad et Vincent de Cointet – France, 2015, 52 mn, coul, doc À Alep en Syrie, Moatez, treize ans, se prépare à devenir combattant comme son frère Hussein, seize ans. Ce dernier, déjà moudjahidin, a rejoint avec leur père les rebelles du FSA, l’armée libre de Syrie, en lutte contre les forces de Bachar Al-Assad... Lorsqu’il accède au pouvoir en juin 2000, Bachar al-Assad apparaît comme un homme gauche et sans charisme. Nombreux sont ceux qui le jugent inapte à succéder à son père. Mais par une série de manœuvres et d’alliances, il va finir par s’imposer dans son pays comme sur la scène internationale… À travers le regard de ces ados, c’est toute une génération brisée à qui on donne enfin la parole. « La Syrie est détruite mais personne ne s’en soucie. Qu’ils regardent les morceaux de chair humaine sur le sol ! Ils n’ont pas honte en voyant ça ? Qu’ils soient un peu sensibles. Nous continuerons jusqu’à la mort, grâce à Dieu ». À 13 ans, Moatez n’a plus d’illusions. Comme des milliers d’enfants syriens, il est brisé par la guerre. Rien qu’à Alep, sur les 3 millions d’habitants que comptait la ville avant la guerre, ils ne sont plus que 250 000 aujourd’hui. Si beaucoup ont fui vers les pays voisins, 32 000 personnes y auraient été tuées, dont 10 000 enfants. Armés de leur courage et d’un arsenal de fortune, ce sont eux qui se battent désormais face à une armée professionnelle. Les images de Hussein et ses camarades combattant en sandales contre une armée officielle lourdement armée sont impressionnantes. Alors, que restet-il désormais à tous ces enfants dont les rêves ont été brisés par une guerre qui les dépasse ? « Quand je serai grand, je serai un combattant », martèle Moatez qui se dit prêt à mourir en martyr au combat pour venger les morts de sa famille. Quels sont les choix de la population civile à l’heure où le fondamentalisme religieux est si fédérateur ? se demande le documentaire. Peut-on parler d’embrigadement religieux lorsqu’ils décident d’eux-mêmes de mener ce qu’on appelle le djihad, la guerre sainte ? Des questions d’une grande complexité auxquelles Syrie, enfants en guerre tente d’apporter des éléments de réponse. » – Metronews Dévoilant l’histoire et les rouages de ce régime opaque, le film revient sur le règne de Bachar et sur celui de son père, Hafez, et montre à la fois comment cette famille s’est accaparée le pays et les limites d’un gouvernement héréditaire qui ne se maintient que par la terreur, l’intimidation et la corruption. « Christophe Ayad et Vincent de Cointet, qui ont déjà signé pour ARTE un film sur le conflit du Darfour, reviennent ici sur le règne de Bachar et sur celui de son père, et montrent comment cette famille alaouite – courant minoritaire du chiisme – s’est accaparée le pays. Ponctué d’images d’actualité, de nombreux entretiens – avec des opposants, des politologues, Émile Lahoud, ancien président libanais, les ministres Hubert Védrine et Bernard Kouchner, Stephen Hadley, conseiller du président Bush... – dévoilent l’histoire et les rouages de ce régime opaque. On comprend ainsi la position cruciale au Proche-Orient d’un pays suspecté d’être directement impliqué dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, et qui soutient des mouvements terroristes comme le Hezbollah. Débutant et finissant par des images clandestines des émeutes du printemps dernier, le film montre aussi les limites d’un gouvernement autoritaire et corrompu. » – ARTE Première diffusion française 13 janvier 2015 [France 2] Distributeur Compagnie des Phares & Balises Format DVD – 1.85 : 1 Production Compagnie des Phares & Balises – Avec la participation de France Télévisions Producteurs Fanny Glissant, Jean Labib Montage Audrey Maurion Distributeur Andana Films Format DVD Production Bonne Compagnie Coproduction INA/ARTE France Avec la participation de RTBF/RTS/RSI/SRC/RDI Auteurs Christophe Ayad, Vincent de Cointet Commentaire Sylvain RoumetteImage Marc Lavastrou, Denis Leroy, Julien Pradinaud, Benoit Tricot Montage Benoit Tricot LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 115 Yol, la permission [YOL] Turquie Yol, la permission Uzak Yumurta Milk Pour un instant, la liberté Les Trois Singes Miel Il était une fois en Anatolie Winter Sleep Génocide arménien. Le spectre de 1915 Mustang Kurdistan, Kurdistan Yilmaz Güney – Turquie/Suisse/France, 1982, 110 mn, coul – Palme d’or Cannes 1982 Cinq prisonniers turcs bénéficiant d’une permission rejoignent leurs familles. Dans un pays répressif soumis aux coutumes archaïques, cette liberté éphémère va avoir des conséquences dramatiques… « Les cinq récits entrecroisés de Yol mettent en scène l’échec des rêves de chacun des protagonistes, avec pour seul point commun une atmosphère sourde, plombée, une douleur aussi lancinante que le mouvement du train qui relie entre elles les différentes histoires. Dans Yol, c’est l’atmosphère qui exprime le sens, et non pas l’intrigue, qui est morcelée. C’est pourquoi le principe de l’unité du film, l’idée d’enfermement, est diffus, mais directement visible. L’emploi des symboles, les expressions figées de la plupart des personnages, les différents cadrages concourent à imposer cette atmosphère-vérité : l’enfermement est une présence constante, totale et qui ne se manifeste vraiment que lorsqu’on pense s’en être affranchi. En effet, une fois sorti de prison, chacun entrera dans une autre prison, plus vaste, dont les murs ne sont pas tous de pierre et qui ne sont pas à l’extérieur de soi. Le cinéma de Güney est plus descriptif que narratif, il repose sur la puissance des images qui se passent des mots. Ce sont toujours des “visions” que l’on retrouve à l’origine de ses films. Il les intègre à un récit dont elles constituent l’accomplissement : la Turquie tout entière est envisagée comme un vaste bagne dont les pénitenciers ne sont que la forme extérieure et visible. Aucun abri, pourtant, ne peut résister à la violence des mentalités archaïques. » – Manifeste Sortie française 1er septembre 1982 Distributeur Les Films sans frontières Format DVD – 1.37 : 1 Production Güney Film/ Cactus Film/Antenne 2/SRG Producteurs Edi Hubschmid, K.L. Puldi Coproducteur Yilmaz Güney Scénario Yilmaz Güney Image Erdogan Engin Son Loïs Koenigswerther Montage Yilmaz Güney, Elisabeth Waelchli Musique Sebastien Argol, Zülfü Livaneli, Hélène Arnal – Avec Tarik Akan (Seyit Ali), Serif Sezer (Zine), Halil Ergün (Mehmet Salih), Meral Orhonsay (Emine), Necmettin Çobanoglu (Omer)… 116 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA TURQUIE Uzak Yumurta Nuri Bilge Ceylan – Turquie, 2002, 110 mn, coul Semih Kaplanoglu – Turquie, 2007, 97 mn, coul Istanbul, de nos jours. Mahmut, un photographe d’âge mûr, accueille Yusuf, son jeune cousin venu de la campagne pour trouver du travail… La mort de sa mère ramène Yusuf, un bouquiniste d’Istanbul, dans son village natal. Dans la maison familiale l’attend Ayla, une jeune fille qui partageait l’existence de la défunte depuis quelques années et qu’il ne connaît pas. Elle va le pousser à accomplir un rite sacrificiel pour sa mère… Nuri Bilge Ceylan, à la fois scénariste, réalisateur, directeur de la photographie et producteur – signe l’un des plus beaux films de l’année 2002. Aussi fort visuellement qu’émotionnellement, il se construit autour de deux personnages contraires : Yusuf est chômeur et vient chercher chez Mahmut, son ami d’enfance, un travail en ville. Il est proche de sa famille et ne vit que pour elle, Mahmut en est loin. Il cherche les filles, Mahmut les a. À la fois lointains et proches, ils sont ensemble, mais chacun avec leur solitude. Les deux acteurs sont étonnamment crédibles – double prix d’interprétation à Cannes 2002 – et Istanbul enneigé n’a jamais été aussi beau. Les images inoubliables s’enchaînent comme ce cargo échoué sur la neige ou ce magnifique plan d’ouverture sur le village de Yusuf. – François Aymé « Impression rare de deux êtres de fiction qui portent en eux toutes nos contradictions : le regret de tout ce qu’on abandonne en avançant dans la vie, les concessions trop vite acceptées, les proches oubliés, l’égoïsme qui, peu à peu, triomphe. Les acteurs ne sont pas pour rien dans la réussite de ce film subtil. En turc, “uzak” signifie lointain. Grands sont la distance entre les êtres, l’écart entre les rêves et la vie comme elle va, c’est-à-dire coucicouça, sur le Bosphore comme ailleurs. Incroyablement proches sont les héros de Uzak, nos amis, nos frères. » – Télérama Sortie française 14 janvier 2004 Distributeur Pyramide Format 35 mm – 1.85 : 1 Production NBC Ajan Coproduction NBC Film Producteur Nuri Bilge Ceylan Scénario Nuri Bilge Ceylan Image Nuri Bilge Ceylan Direction artistique Ebru Ceylan Décors Ebru Yapici Son Ismail Karadas, Erkan Aktas Montage Ayhan Ergüsel, Nuri Bilge Ceylan – Avec Muzaffer Özdemir (Mahmut), Mehmet Ermin Toprak (Yusuf), Zuhal Gencer Erkaya (Nazan), Nazan Kirilmis (Lovar), Fatma Ceylan (la mère)… « Premier volet d’une trilogie annoncée avec Süt (le lait) et Bal (le miel), Yumurta (l’œuf) a été l’une des révélations de la Quinzaine des réalisateurs 2008. En ouvrant le film sur un long plan-séquence où une vieille paysanne n’est qu’une silhouette vacillante au fond du plan pour ensuite faire face à la caméra puis disparaître dans la brume, Yumurta affiche son ambition de travailler le temps. Pour Yusuf, le retour dans son village natal est une rupture dans sa vie de citadin, une brèche qu’il refuse de considérer. Mais l’environnement de son enfance va agir sur lui de façon inattendue. Dans la maison de sa mère, les plantes et les fleurs sont des stèles végétales, la matérialisation des défunts de la famille. À la vue d’un cordier en pleine action, Yusuf défaille et c’est l’odeur archaïque d’un oignon pelé qui lui redonne connaissance. Le rythme de la nature et de la campagne le ramène à son propre rythme, à celui du poète qu’il fut et qu’il n’est plus. On retrouve dans ce film une ambiance assez proche de Neige du romancier Orhan Pamuk, avec cette sensation de doute qui assaille un pays hésitant entre traditions très ancrées et élans trop rapides du côté de la modernité. C’est la lente et modeste réconciliation entre ces deux temporalités qui fait toute la saveur de Yumurta. » – Positif Sortie française 23 avril 2008 Distributeur Les Acacias Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Kaplan Film Production Coproduction PPV /Inkas Film Production Producteur Semih Kaplanoglou Coproducteurs Lilette Botassi, Panayiotis Papazolu Scénario Semih Kaplanoglu, Orçun Köksal Image Özgür Eken Direction artistique Naz Ereyda Décors Metin Baki Son Ismail Karadas, Yorgos Mikrogiannakis Montage Semih Kaplanoglu, Suzan Hande Güneri – Avec Nejat Isler (Yusuf), Saadet Isil Aksoy (Ayla), Ufuk Bayraktar (Haluk), Tulin Özen (la femme dans la librairie), Gülçin Santircioglu (Gül)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 117 TURQUIE Milk [SÜT] Pour un instant, la liberté [EIN AUGENBLICK FREIHEIT] Semih Kaplanoglu – Turquie/France/Allemagne, 2008, 102 mn, coul Arash T. Riahi – Autriche/France/Turquie, 2008, 110 mn, coul Yusuf, jeune étudiant, est inquiet sur son avenir. Passionné de poésie, certaines de ses œuvres commencent à être publiées. En attendant, Yusuf et sa mère, Zehra, luttent pour gagner leur vie avec le lait qu’ils tirent des vaches. Mais la crise économique met l’avenir de l’exploitation en péril… De nos jours, les destins croisés de plusieurs réfugiés clandestins de l’Iran vers la Turquie et l’Allemagne.... « Milk est le deuxième volet de la « Trilogie de Yusuf », initiée par Semih Kaplanoglu avec Yumurta (« Œuf ») et qui s’achèvera avec Miel. Parce que chaque film met en scène ce personnage-totem à un âge et dans une histoire différents, l’ensemble constitue davantage une chronique poétique de l’Anatolie. D’une grande beauté formelle, porté par des acteurs magnifiques, Milk est de ces films contemplatifs émaillés de parti-pris de mise en scène et de cadrage parfois énigmatiques, mais extrêmement séduisants. À l’image de la superbe séquence d’ouverture, forte et magique, qui place le spectateur en déchiffreur attentif et sensible d’un monde opaque. En poète, en somme. Laissez-vous prendre à ce film dans lequel la nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles... » – Nicolas Milési « J’essaie de filmer les divers aspects de la vie. Ce qu’on ne voit pas, ce qu’on ne connaît pas, aussi bien que ce qu’on voit et qu’on sait. La réalité, mais avec ses vibrations spirituelles qui dépassent notre perception et font la beauté du monde. Je trouve insuffisant, limité, un art où manque la spiritualité. Pour moi, un plan doit rendre sensible l’existence de l’invisible. Et de la beauté. Je souhaite que mes personnages découvrent la beauté et l’âme qui soufflent en eux et les portent en ce monde depuis leur naissance. » – Semih Kaplanoglu Sortie française 22 septembre 2010 Distributeur Les Acacias Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Kaplan Film Production/ Arizona Films/Heimatfilm Producteur Semih Kaplanoglou Coproducteurs Guillaume de Seille, Johannes Rexin Scénario Semih Kaplanoglu, Orçun Köksal Image Özgür Eken Décors Naz Ereyda Son Marc Nouyrigat Montage François Quiquéré – Avec Melih Selcuk (Yusuf), asak Köklükaya (Zehra), Riza Akin (Ali Hoca), Saadet Isil Aksoy (Semra), Tülin Özen (la fille du village)… 118 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA « Premier long-métrage du documentariste d’origine iranienne Arash T. Riahi, Pour un instant, la liberté rend hommage à celles et ceux qui, chaque année, choisissent l’exil, à la poursuite d’un rêve universel : celui d’une vie meilleure. Véritable film-somme sur le sujet de l’immigration, ce premier opus magistral parvient à évoquer toutes les situations possibles à travers le destin tragicomique d’un ensemble de personnages, tous plus attachants les uns que les autres. Voulant donner chair à ces êtres que l’on trimballe comme des marchandises d’un pays à l’autre, Riahi réalise une œuvre sans concession, entre rires et larmes. Du voyage périlleux en passant par l’exploitation des réfugiés par leurs propres compatriotes et jusqu’aux interminables démarches pour obtenir une régularisation, l’auteur ne nous épargne aucun passage obligé, tout en osant quelques commentaires politiques bien ciblés. Ainsi, la République islamique d’Iran est décrite comme une terrible dictature poursuivant ses ressortissants jusque dans les pays étrangers. Autant dire que le cinéaste n’a pas intérêt à remettre un jour un pied à Téhéran. Il dénonce aussi les politiques européennes visant à réduire de manière drastique l’accueil aux réfugiés puisque derrière chaque refus de régularisation se cache sans doute une condamnation à mort pour le demandeur d’asile. » – À voir à lire Sortie française 28 janvier 2009 Distributeur Les Films du Losange Format DCP – 1.85 : 1 Production Wega Films/Les Films du Losange Coproduction Pi Film Producteurs Michael Katz, Veit Heiduschka Coproductrice Margaret Ménégoz Producteur exécutif Michael Katz Scénario Arash T. Riahi Image Michi Riebl Décors Christoph Kanter Costumes Monika Buttinger Son Bernhard Maisch, Mohsan Nasiri Montage Karina Ressler Musique Karuan – Avec Navid Akhavan (Ali), Pourya Mahyari (Merdad), Kamran Rad (Kian), Behi DjanatiAtai (Lale), Payam Madjlessi (Hassan)… TURQUIE Les Trois Singes [ÜÇ MAYMUN] Miel Nuri Bilge Ceylan – Turquie/France/Italie, 2008, 109 mn, coul Semih Kaplanoglu – Turquie/Allemagne, 2010, 103 mn, coul Une famille disloquée à force de petits secrets devenus de gros mensonges tente désespérément de rester unie en refusant d’affronter la vérité. Mais suffit-il de refuser de la voir, de l’entendre ou d’en parler, comme dans la fable des « trois singes », pour effacer toute la vérité ? Yusuf, 6 ans, vit avec ses parents dans un village isolé d’Anatolie. Pour le petit garçon, la forêt environnante est un lieu de mystère et d’aventure où il aime accompagner Yakup, son père apiculteur. Mais un jour, celui-ci disparaît… Nuri Bilge Ceylan, auteur déjà remarqué grâce à Uzak et Les Climats, n’a pas volé son Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes. Le cinéaste déroule une véritable tragédie familiale baignée de couleurs cuivrées sombres et reposant sur une tension de chaque instant. Œuvre profondément morale (le mensonge comme porte de l’enfer), au scénario classique et solide, Les Trois Singes dénonce également la corruption du pays. Quand l’esthétique est au service de l’éthique. Un film magnifiquement noir. – François Aymé « Somptueusement filmé en numérique avec des images longuement retravaillées en postproduction, Les Trois Singes est un film envoûtant sur la jalousie, l’arrogance du pouvoir, la violence et surtout le mensonge, ces accommodements qui permettent d’éviter jusqu’au bout d’avoir à affronter la vérité. “Les gens vont au cinéma pour rire ou pleurer : j’ai voulu les prendre à contre-pied pour les obliger à regarder dans le gris de la vie, là où il n’y a ni héros ni victime, mais où chacun est tout à la fois l’un et l’autre”, explique Nuri Bilge Ceylan. Un film implacable, où chacun feint de ne pas voir, de ne pas entendre, de ne pas savoir. Il n’y a là ni morale ni le moindre espoir de justice. » – Libération « Le choc, quand on voit un film de Kaplanoglu, dépouillé de musique et presque sans paroles, voué aux bruits animaliers, aux échos du vent ou de la pluie, est le défilé d’émotions, le chaos de sensations qui, dans les deux premiers films (Yumurta et Milk), ramènent sans cesse le héros à sa petite enfance, et dans le troisième (Miel) le confrontent à ses rêves. Ce cinéaste a une approche du temps qui nous mène bien au-delà de l’époque où vivent ses personnages, et une façon de les regarder qui nous fait pénétrer dans leur âme. Il parle de son style comme d’un “réalisme spirituel”, de son art comme d’une scrutation de la vie “à la lumière des puissances supérieures”. Chez Kaplanoglu, la mère est aussi tradition. Les films parlent autant d’émancipation que de rupture avec un monde voué à disparaître. Ils dépeignent le choc entre la beauté d’un monde rural, ancestral, une nature inviolée, et la modernité. La modification du paysage, le passage de l’agriculture à l’industrie, de la terre à l’usine. Il regrette un temps où l’œuf était pondu dans le poulailler familial, le lait produit dans une économie domestique, le miel récolté dans le respect de la nature. Limpide, élégiaque, radieux dans sa manière d’évoquer les épreuves de Yusuf, le cinéma de Kaplanoglu apaise, fascine, grandit. » – Le Monde Sortie française 14 janvier 2009 Distributeur Pyramide Format 35 mm – 2.35 : 1 Production Zeyno Film/NBC Film/Pyramide Productions/Bim Distribuzione Productrice Zeynep Özbatur Coproducteurs Fabienne Vonnier, Valerio de Paolis, Cemal Noyan, Nuri Bilge Ceylan Scénario Ebru Ceylan, Ercan Kesal, Nuri Bilge Ceylan Image Gökhan Tiryaki Décors et costumes Ebru Ceylan Son Murat Senürkmez, Olivier Goinard Montage Ayhan Ergüsel, Bora Göksingol, Nuri Bilge Ceylan – Avec Hatice Aslan (Hacer), Yavuz Bingöl (Eyüp), Ahmet Rifat Sungar (Ismail), Ercan Kesal (Servet), Cafer Köse (Bayram)… [BAL] Sortie française 22 septembre 2010 Distributeur Bodega Films Format 35 mm – 1.85 : 1 Production Kaplan Film Production Coproduction Heimatfilm Producteur Semih Kaplanoglu Coproducteurs Johannes Rexin, Bettina Brokemper Scénario Semih Kaplanoglu, Orçun Köksal Image Baris Özbiçer Décors Naz Erayda Costumes Ozge Ozturk Son Matthias Haeb Montage Ayhan Ergüsel, Semih Kaplanoglü, Orçun Köksal – Avec Bora Atlas (Yusuf), Erdal Besikçioglu (Yakup, le père), Tülin Ozen (Zehra, la mère), Alev Uçarer, Ayse Altay… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 119 TURQUIE Il était une fois en Anatolie [BIR ZAMANLAR ANADOLU’DA] Winter Sleep [KIS UYKUSU]] Nuri Bilge Ceylan – Turquie/Bosnie-Herzégovine, 2011, 157 mn, coul Nuri Bilge Ceylan – Turquie/Allemagne/France, 2014, 196 mn, coul Au cœur des steppes d’Anatolie, un meurtrier tente de guider une équipe de policiers vers l’endroit où il a enterré le corps de sa victime. Au cours de ce périple, une série d’indices sur ce qui s’est réellement passé fait progressivement surface… Aydin tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge, mais aussi le théâtre de leurs déchirements… « Après Les Trois singes – tragédie implacable, pétrie d’une plastique sombre, Nuri Bilge Ceylan renoue avec une manière plus proche, notamment, des Climats. Au fil de cette chronique de l’accablement – à quoi rime la résolution d’un crime, pour peu qu’on le rapporte au chaos général ? – il ménage des percées de lumière, de brèves épiphanies, promesses – à moins qu’il ne s’agisse de vœux pieux – de la fin prochaine d’un cycle : celui de la violence. Ceylan scrute les courbes monotones des paysages, la douleur secrète des visages, à la tête de ce qui, autant qu’un convoi de police, paraît une quête de cinéma ; quand les uns cherchent le corps du délit, l’auteur guette, par les mêmes chemins, le décor de sa plus belle scène. Il y sera question, notamment, de la ressemblance entre un procureur et Clark Gable... Si Ceylan est en terrain connu, tout à son formalisme virtuose (lumière splendide, minutie picturale des plans), il y a là, dans cette façon d’augmenter son sens tragique d’accents bouffons, un petit air d’inédit ; il y a surtout – et c’est plus étonnant, dans cette course lente, cet art de sonder les âmes, quelque chose de Simenon. » – Les Fiches du cinéma « Nuri Bilge Ceylan filme un érudit qui a tout loisir pour écrire ses éditos dans la feuille locale en remettant à plus tard la rédaction de sa grande œuvre : une histoire du théâtre turc. Tâche qui lui permet principalement de se réfugier à l’abri du monde dans l’atmosphère rassurante de son bureau : Camus et Shakespeare veillent sur lui. Cependant, il ne parvient pas à éviter les conflits qui le mettent face à ses contradictions. Intellectuel, citoyen du monde, il est sourd aux affres affectives de ses deux compagnes et étranger aux difficultés très terre à terre de ses locataires qui le font cependant vivre… C’est également un homme au soir de sa vie qui ignore tout des questionnements et des angoisses des nouvelles générations. Il ne faut en aucun cas appréhender la durée exceptionnelle du film ; nécessaire, elle lui permet de mener à bien toutes ces lignes narratives qui s’entrecroisent dans une splendide complexité et, ce faisant, de réaliser un grand film répondant à la définition d’Eisenstein : « Une véritable unité de la forme et du contenu exige aussi l’unité dans la perfection qualitative des deux. » (Au-delà des étoiles). » – Jean-Marie Tixier Sortie française 2 novembre 2011 Distributeur Memento Films Format DCP – 2.35 : 1 Production Zeyno Film Coproduction Prod2006/1000 Volt/TRT/Imaj/Fida Film/NBC Film Producteur Zeynep Özbatur Atakan Coproducteurs Mirsad Purivatra, Eda Arikan, Ibrahim Sahin, Müge Kolat, Murat Akdilek, Nuri Bilge Ceylan Producteur exécutif Çagri Erdogan Scénario Ercan Kesal, Ebru et Nuri Bilge Ceylan Image Gïkhan Tiryaki Direction artistique Dilek Yapkuöz Ayaztuna Son Erkan Altinok Montage Bora Göksingol, Nuri Bilge Ceylan – Avec Muhammet Uzuner (le docteur Cemal), Yilmaz Erdogan (le commissaire Naci), Taner Birsel (le procureur Nusret), Ahmet Mümtaz Taylan (Arap Ali)… Sortie française 6 août 2014 Distributeur Memento Films Format DCP – 2.35 : 1 Production Zeyno Film/Bredok Filmproduction/Memento Films Production/Imaj Producteur Zeynep Özbatur Atakan Producteur exécutif Sezgi Üstün Coproducteurs Alexandre Mallet-Guy, Mustafa Dok, Muzaffer Yıldırım, Müge Kolat, Olivier Père, Rémi Burah, Nuri Bilge Ceylan Scénario Ebru Ceylan, Nuri Bilge Ceylan Image Gökhan Tiryaki Décors Gamze Ku Son Andreas Mücke Montage Nuri Bilge Ceylan, Bora Göksingol – Avec Haluk Bilginer (Aydin), Melisa Sözen (Nihal), Demet Akba (Necla), Ayberk Pekcan (Hidayet), Serhat Kiliç (Hamdi)… 120 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA TURQUIE Génocide arménien. Le spectre de 1915 Mustang Nicolas Jallot – France, 2014, 52 mn, doc, NB & coul Deniz Gamze Ergüven – France/Allemagne/Turquie/Qatar, 2015, 97 mn, coul 1915. L’Empire ottoman subit les soubresauts de la Grande Guerre qui entraînera sa chute. Dans ce contexte historique, plus d’un million d’Arméniens sont exterminés par les Turcs. C’est le premier génocide du XXe siècle. En Turquie, son évocation est toujours occultée… Dans un village turc, cinq sœurs déclenchent un scandale aux conséquences imprévisibles. La maison familiale se transforme en prison, on programme des mariages arrangés. Animées par un même désir de liberté, les jeunes filles se rebellent contre l’autorité des parents… « À travers l’histoire personnelle d’un Turc et d’une Arménienne, le documentaire revient sur les traces de ce génocide arménien longtemps occulté. Un siècle après le massacre de ce peuple, et malgré le déni en Turquie, le tabou est enfin levé sur ce pan de l’Histoire. D’une facture classique et très pédagogique, s’appuyant à la fois sur des images d’archives, des entretiens avec des historiens et deux descendants des protagonistes, ce documentaire propose une synthèse de ce sujet toujours brûlant. « Les Turcs Fethiye Çetin et Hasan Cemal n’auraient en principe jamais dû s’accorder. L’une, avocate et militante pour les droits de l’homme, est la petite-fille d’une rescapée du génocide arménien. L’autre, journaliste et écrivain, est le petit-fils de Cemal Pacha, l’un des trois organisateurs des massacres et des déportations qui ont causé la mort de plus d’un million d’Arméniens entre 1915 et 1916. Pourtant, tous deux se battent de concert pour que cette sombre période de l’histoire de la Turquie sorte enfin de l’ombre. C’est le ralliement au tsar d’une poignée de soldats arméniens, au lendemain de la défaite ottomane de janvier 1915 sur le front russe, qui va servir de prétexte pour accuser de trahison une minorité autochtone catholique et exterminer les trois quarts de sa population. L’oubli a suivi le déni. Exorciser les démons familiaux, tel est le sens du combat mené par Fethiye Çetin et Hasan Cemal pour la reconnaissance du premier génocide du XXe siècle. » – L’Obs « L’insouciance du début fait rapidement place à une atmosphère lourde, oppressante que les adolescentes, destinées à être mariées au plus vite, tentent de déjouer ou de s’en accommoder. Tout est étouffant : la maison dont elles ne peuvent sortir, le jardin entouré de murs, la végétation envahissante – autant d’éléments qui les coupent du monde extérieur. Deniz Ergüven entend dénoncer le carcan des traditions dans la société turque contemporaine, empêchant les jeunes filles de faire des études, les étouffant dans des robes « couleur de merde » (comme le dit la plus jeune, celle qui se rebelle le plus ouvertement – et dans laquelle se projette vraisemblablement la réalisatrice elle-même). Les images des sœurs trompant l’ennui comme elles le peuvent, riant, se disputant, leurs longs cheveux jouant sur leur dos dans un torrent de lumière, sont empreintes d’une beauté et d’une sensualité indéniables. À ces moments très esthétiques succèdent des passages trépidants : une virée rocambolesque lors d’un match de foot interdit aux hommes ou la tentative de fuite… Le spectateur est tenu en haleine, tour à tour émerveillé par la beauté des actrices, outré par leur vie rétrécie, ému par leur connivence et leurs moyens dérisoires de résister. » – Hélène Hanusse Distributeur Zed Format DVD – 1.85 : 1 Production Transparences productions Avec la participation de France Télévisions/RTBF Producteurs Charles Gazelle, Hervé Dresen Auteurs Régis Genté, Nicolas Jallot Image Emmanuel Roy Montage Mathieu Zeitindjioglou Musique A-Music – Commentaire dit par Michel Elias Sortie française 17 juin 2015 Distributeur Ad Vitam Format DCP – 2.39 : 1 Production CG Cinéma Coproduction Vistamar /Uhland +/ BAM Films/The Doha Film Institute Producteur Charles Gillibert Coproducteurs Frank Henschke, Anja Uhland, Mine Vargi Producteurs exécutifs Violaine Gillibert, Emre Oskay Scénario Deniz Gamze Ergüven, Alice Winocour Image David Chizallet, Ersin Gök Direction artistique Serdar Yemi çi Costumes Selin Sözen Son Ibrahim Gök, Olivier Goinard Montage Mathilde Van de Moortel Musique Warren Ellis – Avec Güne Nezihe ensoy (Lale), Do a Zeynep Do u lu (Nur), Elit can (Ece), Tu ba Sunguro lu (Selma), layda Akdo an (Sonay)… LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 121 TURQUIE Kurdistan, Kurdistan Bulent Gunduz – France, 2015, 74 mn, coul Delil Dilanar est l’un des plus célèbres chanteur du Kurdistan. Au cours des années 1990, il est forcé de quitter sa patrie pour s’exiler en Europe. Vingt ans plus tard, lors d’un concert à New York, il annonce son retour dans son foyer natal. Mais une fois au Kurdistan, il ressent une profonde solitude... Kurdistan, Kurdistan est le premier long métrage de Bulent Gunduz, né à Karayazi en 1979 (Kurdistan turque). Diplômé de l’Université Kahraman Maras en tant qu’ingénieur en travaux publics, il s’intéresse très vite au monde des medias. Il étudie le cinéma et le journalisme à Istanbul, puis devient journaliste pour la chaîne National 6 pendant deux ans. Pour des raisons politiques, il quitte son pays et s’installe à Paris en 2001. En 2010 il réalise son premier documentaire, pour lequel il obtient de nombreux prix internationaux, notamment le Prix du jury et le Prix du Meilleur réalisateur au New York International Indépendant Film Festival. Depuis 2011, il écrit des articles pour un journal kurde publié en Europe. En 2013, il réalise son deuxième documentaire, Roboski mon amour, sur le drame causé par la mort de trente-quatre personnes (dont 19 enfants) suite au bombardement du village de Roboski par un avion de chasse turc dans le sud-est de la Turquie. Kurdistan, Kurdistan, évoque quant à lui l’exil et le retour vers ses racines d’un musicien kurde, ainsi que ses retrouvailles avec un musicien qui fut autrefois son maître. C’est également l’occasion d’émouvantes retrouvailles avec sa famille, ainsi qu’une redécouverte de son pays natal. Distributeur Cinepotamya Format DCP Scénario Bulent Gunduz Image Savali Aydar, Semih Yldiz Montage Ulas Devrim Karasungur Musique Amed Tabar 122 FILMS - LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA Proche Orient d’hier et d’aujourd’hui Lawrence d’Arabie [LAWRENCE OF ARABIA] David Lean – Grande-Bretagne, 1962, 222 mn, coul En 1916, un jeune officier britannique devient le conseiller militaire des tribus arabes soulevées contre l’Empire ottoman. Faisant taire leurs divisions et bravant le désert, il les mène à la conquête du port d’Aqaba. Le premier d’une série d’exploits qui vont faire de Lawrence une légende vivante… David Lean a su mettre en relief les enjeux de l’accord Sykes-Picot, issu de tractations franco-anglaises menées dès les années 1915-1916, et visant à se partager, une fois la guerre terminée, les possessions de l’Empire ottoman. Le portrait de Lawrence cristallise les multiples ambitions du film. Parmi celles-ci, embrasser, avec ce personnage pétri de contradictions et de paradoxes, non seulement l’itinéraire d’un individu hors du commun, mais plus largement les soubresauts militaires, politiques et stratégiques qui embrasent le MoyenOrient entre 1916 et 1918. Lean trace les lignes de force d’intérêts croisés, parfois convergents, mais toujours teintés de duplicité. Tous (le général Allenby [commandant des forces anglaises en Égypte], Dryden [chef du Bureau des Affaires arabes] ou le prince Fayçal) manipulent Lawrence – à moins qu’ils ne soient occasionnellement, mais toujours pour un temps très bref, manipulés par lui. Pourtant, malgré l’influence durable de son action (une action dont Lean montre qu’après des débuts retentissants – la prise d’Aqaba – elle connaît une trajectoire en demi-teinte), Lawrence est le jouet de forces qui le dépassent. C’est pourquoi son aventure laisse un goût amer : il était écrit dès le départ que de la bonne volonté et de la conscience d’un destin prêt à s’accomplir, surgirait une cruelle désillusion. Sortie française 15 mars 1963 Distributeur Park Circus Format DCP – 2.20 : 1 Production Horizon Pictures Producteur Sam Spielgel Scénario Robert Bolt, Michael Wilson Image Freddie Young Direction artistique John Stoll, Ben Rogers Décors John Box Costumes Phyllis Dalton Son Paddy Cuningham Montage Anne V. Coates Musique Maurice Jarre – Avec Peter O’Toole (T.E. Lawrence), Alec Guiness (le prince Feyçal), Anthony Quinn (Auda Abu Tayi), Jack Hawkins (le général Allenby), Omar Sharif (Sherif Ali)… La Révolution des femmes, un siècle de féminisme arabe Feriel Ben Mahmoud – France, 2014, 52 mn, coul, doc Il y a 50 ans, l’émancipation semblait promise aux femmes arabes. Que s’est-il passé depuis dans des sociétés qui peuvent sembler aujourd’hui cadenassées par le sexisme et le patriarcat ? À travers le Proche-Orient, les témoignages de militantes, d’artistes, de politologues… « Cet excellent documentaire est nécessaire. Il montre que depuis près d’un siècle le mouvement de libération de la femme suivi du reverrouillage de la condition féminine dans les pays arabo-musulmans est soumis aux aléas géopolitiques. Des chercheurs, comme l’historienne Sophie Bessis, expliquent que des esprits éclairés tels le Tunisien Tahar Haddad (1899 – 1935) ou l’Égyptien Qassim Amin (1865 – 1908) voyaient dans l’émancipation de la femme le fer de lance de la modernisation. Des archives rappellent que Bourguiba et Nasser avaient fait leurs ces idées. Des musulmanes, des juives et des chrétiennes purent s’instruire, travailler, se lancer en politique, dans le cinéma… jusqu’à ce que la guerre de 1967 ramène un islam conservateur en politique et que le pétrole mène le jeu. Affaiblies et menacées, les féministes ne désarment pourtant pas ! » – Isabelle Francq, La Vie Première diffusion française 5 mars 2015 [France 3, dans le cadre de la série « Docs interdits »] Distribution Java Films Format Blu-Ray – 1.85 : 1 Production Drôle de Trame Production déléguée Virginie Adoutte Documentalistes Charlotte de Luppé, Hanane Ben Mahmoud, Gwendal LoayeMondeguer Image Thierry Rodon, Jesus Rodriguez Martins, M’Rad Ben Mahmoud, Jad Hatem, Julien Faucher Mixage Amélie Canini, Bruno Lagoarde Montage Josiane Zardoya Musique Kaïs Sellami – Commentaire dit par Rachida Brakni. Avec les voix de Jeanne Carré, Jeanne Cellard, Delphine Haber LE PROCHE-ORIENT AU CINÉMA - FILMS 123 LE PRIX DU FILM D’HISTOIRE DE PESSAC CATÉGORIE FICTION Les jurys de la compétition fiction sont présentés pages 16-17 EN COMPÉTITION : 10 FILMS D’HISTOIRE EN AVANT-PREMIÈRE SÉLECTION : François AYMÉ, commissaire général du Festival A PERFECT DAY de Fernando León de Aranoa ALIAS MARIA de José Luis Rugeles Gracia LES CHEVALIERS BLANCS de Joachim Lafosse LE DERNIER JOUR DE YTZHAK RABIN d’Amos Gitaï LE DOSSIER PETROV de Georgi Balabanov FRITZ BAUER, UN HÉROS ALLEMAND de Lars Kraume MAINTENANT, ILS PEUVENT VENIR de Salem Brahimi MEMORIES ON STONE de Shawkat Amin Korki LA MONTAGNE MAGIQUE d’Anca Damian SOLEIL DE PLOMB de Dalibor Matanic Film de clôture LE PONT DES ESPIONS de Steven Spielberg PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2013 - FICTIONS 125 A Perfect Day (Un jour comme un autre) FERNANDO LEÓN DE ARANOA Espagne, 2015, 1h45, couleur SUJET Un groupe de travailleurs humanitaires est en mission à la fin de la guerre en ex-Yougoslavie : Sophie, nouvelle recrue, veut absolument aider ; Mambrú, désabusé, veut juste rentrer chez lui ; Katya, elle, voulait Mambrú ; Damir veut que le conflit se termine ; et B ne sait pas ce qu’il veut… SORTIE FRANCE : 16 mars 2016 FORMAT DE LA COPIE : DCP / 2.35 – 5.1 – DISTRIBUTEUR : UGC Fernando León de Aranoa, Diego Farias, adapté du roman de Paula IMAGE Alex Catalán – MONTAGE Nacjo Ruiz Capillas – MUSIQUE Arnau Bataller – PRODUCTION Luis Fernández Lago, Patrica de Muns, Javier Méndez SCÉNARIO Farias – Benicio Del Toro (Mambrú), Tim Robbins (B), Olga Kurylenko (Katya), Mélanie Thierry (Sophie), Fedja Stukan (Damir), Sergi López (Goyo)… INTERPRÈTES FERNANDO LEÓN DE ARANOA Réalisateur et scénariste espagnol né en 1968, il commence sa carrière en écrivant plusieurs sketchs pour des humoristes avant de passer à la mise en scène avec plusieurs courts et son premier long-métrage, Familia, sorti en France en 1998 et pour lequel il reçoit le Goya du meilleur réalisateur révélation. Il connaît la consécration en 2002 avec Les Lundis au Soleil où il collabore avec l’acteur Javier Bardem. Il est aujourd’hui considéré comme le chef de file de la veine sociale du cinéma espagnol contemporain. Filmographie : 2010 : Amador 2005 : Princesas 2002 : Les lundis au soleil 1998 : Barrio 1996 : Familia 126 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS Il y a quelques années, j’ai tourné un documentaire dans le nord de l’Ouganda avec des membres de Médecins sans Frontières. Dans ce qu’on peut appeler un bar, situé à une quinzaine de kilomètres de la frontière soudanaise, alors qu’on buvait une bière Nile Special tiède, j’ai entendu notre responsable de la sécurité évoquer le roman de Paula Farias, Dejarse llover, pour la première fois. Paula est médecin, coordinatrice d’urgences pour MSF, et écrivain. D’une certaine manière, elle a deux façons d’aider les autres. J’ai été fasciné par la simplicité de l’intrigue de son roman, et par sa profondeur. Il dépeint avec un humour absurde la cruauté de la guerre. Loin des scénarios habituels du genre, le film s’attache à une autre guerre, une guerre silencieuse, qui va au-delà des lignes de front et des accords de paix. À la frontière entre l’Éthiopie et la Somalie, une experte en logistique australienne nous a un jour raconté que son travail était comparable à celui de ces trois catégories de personnes : les missionnaires, les mercenaires, les martiens. Soit il s’agit de personnes qui viennent de débarquer et qui veulent sauver le monde, soit d’humanitaires professionnels qui sont là depuis des années, soit encore de personnes ballotées d’une guerre à l’autre depuis tellement longtemps qu’elles ne trouvent plus leur place nulle part. Le film les évoque toutes les trois. Ces gens, qui mènent une guerre à l’intérieur d’une autre au quotidien. La guerre entre la volonté et le découragement, entre le bon sens et l’absurde. Leur guerre, et l’espoir et l’humour comme remparts contre la tragédie. Le film n’a d’autre genre que la vie elle-même. Comme une poupée russe, il s’agit d’un drame à l’intérieur d’une comédie, à l’intérieur d’un road-movie, à l’intérieur d’un film de guerre. Mais une chose est sûre. S’il s’agissait de musique, ce serait du rock punk. Rapide, direct, âpre, ce film, comme une course contre la montre, n’a pas de temps à perdre. Il est comme les humanitaires : dur, résistant, intuitif, rapide, direct. Ici, il n’y a pas de temps pour la réflexion, la culpabilité ou le travail de deuil. Il n’y a pas de temps pour la compassion ou les larmes. Il n’y a de temps que pour l’action. – Note d’intention du réalisateur Alias Maria JOSÉ LUIS RUGELES GRACIA Colombie/Argentine/France, 2015, 1h32, couleur SUJET La jungle colombienne, de nos jours. Maria 13 ans, est une enfantsoldat. Son univers : la jungle et la guérilla, pas d’école, pas d’enfance, mais la brutalité, le machisme, les ordres aboyés, l’arbitraire. Et une grossesse qui doit rester secrète... SORTIE FRANCE : Prochainement FORMAT DE LA COPIE SCÉNARIO MUSIQUE : DCP – 2.35 : 1 – DISTRIBUTEUR : Sophie Dulac Distribution DIEGO VIVANCO – IMAGE Sergio Ivan Castano – MONTAGE Delfina Castagnino – Camilo Sanabria – PRODUCTION Federico Duran Carlos Clavijo (Mauricio), Anderson Gomez (Byron), Carmenza Gonzales (épouse du médecin), Lola Lagos (Diana), Julio Pachon (le médecin)… INTERPRÈTES JOSE LUIS RUGELES GARCIA Après avoir tourné son premier longmétrage, Garcia, en 2010, couronné de prix dans plusieurs festivals en Amérique du sud, le cinéaste José Luis Rugeles s’est attelé pendant quatre ans à la préparation de son second film, Alias Maria. Avec une forte expérience dans le domaine de la publicité et du clip, il fut longuement reconnu pour son travail lors de grands festivals de publicités, notamment à Cannes. Il est également le co-fondateur d’une société de production et co-créateur de projets comme Buenaventura mon amour (en développement) et producteur associé sur le film El Paramo. Filmographie : 2010 : Garcia 2007 : El Dragon de Comodo (court-métrage) « Le film a démarré par une réflexion sur le conflit armé en Colombie. Nous avons commencé en réalisant des entretiens avec des femmes soldats et nous avons vite compris qu’elles avaient toutes été recrutées alors qu’elles n’étaient encore que des enfants, pour différentes raisons comme l’absence de gouvernement, la séduction par les armes, la quête de pouvoir, ou la volonté de s’extirper d’un modèle familial violent mais également parce que les familles préfèrent abandonner leur fille plutôt qu’un garçon lorsqu’ils doivent remplir le quota de recrutement. Nous avons pensé que la meilleure manière de raconter cette histoire était en se concentrant sur le regard silencieux de Maria, alors qu’elle observe les dégâts entrainés par la guerre au cœur de notre société. C’est pour cette raison que j’avais besoin d’être au plus près de mes personnages, et plus particulièrement, près d’elle. J’avais besoin de voir la guerre à travers ses yeux. Être capable de vibrer avec elle, sentir le pouls de ses émotions. Je ne voulais pas utiliser de steadycam, les mouvements seraient devenus stériles, trop propres. Mais la caméra au poing aurait également été trop brutale et j’aurais perdu le lien avec l’intimité du personnage. Heureusement, nous avons trouvé le Movi, un équipement de caméra qui nous permettait de nous déplacer sur des terrains sauvages tout en maintenant l’équipe de tournage dans une sorte d’ambiance de guérilla constante, sans lumière et en équipe très réduite. Ce qui fut au final une excellente chose pour le film et a donc permis au directeur de la photographie de se concentrer sur son meilleur outil : son œil. Le résultat est des plus réalistes. Cette épaisse jungle où le vert se répand à perte de vue oppresse non seulement les personnages, mais également le spectateur, d’une certaine manière. Nous n’avions pas pour envie de tourner un film d’action ou de guerre. Nous ne voulions pas montrer la violence, mais plutôt ses dommages collatéraux, du point de vue féminin, d’une jeune fille, une mère aussi, qui se bat pour son futur. » – Note d’intention du réalisateur PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS 127 Les Chevaliers blancs JOACHIM LAFOSSE France, Belgique, 2015, 1h52, couleur SUJET Jacques Arnault, président de l’ONG « Move for kids », a convaincu des familles françaises en mal d’adoption de financer une opération d’exfiltration d’orphelins d’un pays d’Afrique dévasté par la guerre. Entouré d’une équipe de bénévoles dévoués à sa cause, il a un mois pour trouver 300 enfants en bas âge et les ramener en France... SORTIE FRANCE : 27 janvier 2016 DCP – DISTRIBUTEUR : Le Pacte FORMAT DE LA COPIE : Joachim Lafosse, Bulle Decarpentries, Thomas Van Zuylen – IMAGE JeanFrançois Hensgens – MONTAGE Sophie Vercruysse – MUSIQUE Arnau Bataller – PRODUCTION Jacques-Henri Bronckart, Olivier Bronckart, Sylvie Pialat SCÉNARIO : Vincent Lindon (Jacques Arnault), Louise Bourgoin (Laura Turine), Valérie Donzelli (Françoise Dubois), Reda Kateb (Xavier Libert), Stéphane Bissot (Marie Latour), Raphaëlle Lubansu (Nathalie Joris)… INTERPRÈTES JOACHIM LAFOSSE Sorti diplômé de l’Institut des arts de diffusion en 2001, Joachim Lafosse fait parler de lui en remportant la même année le Prix du meilleur court métrage au Festival de Namur pour son film de fin d’études, Tribu. Sa carrière de cinéaste lancée, il réalise en 2004 son premier long, Folie privée puis se consacre à la mise en scène de deux films qui sortiront en France en 2007 : Ça rend heureux, où Joachim Lafosse retrouve son acteur fétiche Kris Cuppens, et Nue Propriété, un drame familial présenté à la Mostra de Venise 2006. En 2008, c’est un autre de ses compatriotes, Jonathan Zaccaï, que le cinéaste belge dirige pour le troublant Élève libre, remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs. À perdre la raison (Prix d’interprétation féminine « Un Certain Regard » à Cannes), sorti en 2012 lui offre une grande notoriété grâce à un travail de mise en scène particulièrement rigoureuse et complexe. Filmographie : 2012 : À perdre la raison 2008 : Élève libre 2006 : Nue propriété 2006 : Ça rend heureux 2004 : Folie privée 128 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS En évoquant l’affaire de l’Arche de Zoé, récit invraisemblable et troublant d’une association humanitaire dont les intentions sont plus que floues, Joachim Lafosse sonde à nouveau les comportements humains les plus complexes. Depuis Nue Propriété, son second-long métrage, le cinéaste belge construit une carrière autour d’un certain malaise : des récits d’hommes et de femmes dont l’inconscient, où l’inconscience, mène systématiquement à une issue dramatique. Joachim Lafosse filme l’indicible : l’avant, l’après, rarement le pendant, laissant toujours son spectateur se positionner sur une scène dont il ne connait pas parfaitement le décor, ni les protagonistes. Les Chevaliers Blancs était déjà pressenti pour concourir en compétition au dernier Festival de Cannes, mais fut seulement dévoilé au public cet été au festival de San Sebastian, en Espagne, dont il est reparti avec le Prix du meilleur réalisateur. C’est loin d’être un hasard, car le style Lafosse commence à se faire remarquer, devient une signature ; celle d’un cinéaste ayant trouvé ses marques, faisant de faits divers de véritables histoires de cinéma. Son sens du cadre et de la coupe est à envisager comme une grammaire lacunaire, où l’absence d’explication permet tout autant à l’intelligence et à l’imaginaire de se développer. Joachim Lafosse déploie ainsi une certaine idée de la mise en scène : montrer ce que l’on souhaite cacher, et dissimuler ce que l’on veut démontrer. En ce sens, les personnages qui habitent cette Arche de Zoé deviennent les véritables ambassadeurs du cinéma de Lafosse : ils n’évoquent jamais leur véritable mission, mais ont l’audace de se faire suivre par une journaliste, caméra au poing. L’opacité, en toute transparence. Et à l’instar de son précédent film, À perdre la raison, l’émotion parvient à se frayer un chemin dans les brèches humaines, individuelles, là où les êtres ne parviennent plus à jouer un rôle trop lourd à endosser. Le cinéaste laisse son spectateur libre d’interpréter, de comprendre, de se faire son opinion et sous cette objectivité factice, c’est tout un discours qui se précise… bien des heures après la projection. Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin [RABIN, THE LAST DAY] AMOS GITAÏ Israël, France, 2015, 2h33, couleur SUJET 4 novembre 1995. Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, l’homme des accords d’Oslo et Prix Nobel de la paix, est assassiné sur la place des Rois d’Israël à Tel-Aviv après un long discours contre la violence et pour la paix. Son assassin : un étudiant juif religieux d’extrême droite... SORTIE FRANCE : 16 décembre 2015 DCP – DISTRIBUTEUR : Sophie Dulac Distribution FORMAT DE LA COPIE : Amos Gitai, Marie-José Sanselme – IMAGE Éric Gautier – MONTAGE Yuval Orr, Tahel Sofer, Isabelle Ingold – MUSIQUE Amit Poznansky – PRODUCTION Sylvie Pialat, Jean-Baptiste Dupont, Amos Gitai, David Kessler, Laurent Truchot SCÉNARIO : Yitzhak Hiskiya (Président de la commission), Pini Mittelman (membre de la commission), Tomer Sisley (le chauffeur de Rabin), Yael Abecassis (Interviewer), Tomer Russo (Directeur de l’hôpital)… INTERPRÈTES AMOS GITAÏ Après avoir commencé à travailler pour la télévision israélienne à la fin des années 70, il réalise plusieurs documentaires dont Journal de campagne, tourné pendant la guerre du Liban, qui se voit rapidement confronté à la censure et oblige son créateur à fuir le pays. Il s’installe alors à Paris et réalise les films Esther et Berlin Jérusalem. Après l’élection d’Yitzhak Rabin comme Premier ministre en 1993, Amos Gitaï rentre en Israël. Il signe alors plusieurs réalisations et entame en 1990 sa trilogie des villes, Devarim, Yom Yom et Kadosh. Il dirigera également plusieurs acteurs de renommée internationale comme Natalie Portman dans Free Zone et Juliette Binoche dans Désengagement. Filmographie sélective : 2014 : Tsili 2009 : Carmel 2007 : Désengagement 2005 : Free Zone 2004 : Terre promise 2000 : Kippour 1999 : Kadosh 1995 : Devarim 1986 : Esther « La difficulté de ce film a été de trouver le bon équilibre entre reconstitution et images d’archives. Nous avons décidé d’inclure des extraits de discours télévisés. Leur force est telle qu’il n’était ni souhaitable ni nécessaire de les recréer. Nous avons aussi inclus des extraits des entretiens que nous avions enregistrés pendant nos recherches pour le film, notamment celui avec Shimon Peres (qui était ministre des Affaires étrangères sous Rabin) et celui avec Leah, la femme de Rabin. Nous avons visionné des archives vidéos en nous demandant comment les transposer dans une forme cinématographique. Nous avons tourné la reconstitution de l’assassinat sur la place même où Rabin a été abattu. Le montage et le travail de Yuval Orr, Tahel Sofer et Isabelle Ingold a été plus long que d’habitude, justement à cause de l’insertion de toutes ces images d’archive. Mon but n’était pas de créer un culte autour de la personnalité de Rabin, ni de le remplacer par un acteur. Rabin avait une réelle aura et j’ai pensé qu’il serait intéressant de construire le film autour de son absence, comme autour d’un trou noir. Il n’est pas présent physiquement dans le film. Ceci étant dit, j’ai également refusé de me concentrer sur l’assassin. En Israël aujourd’hui, nous sommes quotidiennement confrontés à la violence. Je ne pense pas qu’il soit bon d’ériger l’Histoire en mythe. Je préfère mettre en évidence les éléments qui ont mené à l’assassinat de Yitzhak Rabin, et à l’anéantissement de tout l’espoir de paix. J’ai choisi d’en dire peu pour, je l’espère, promouvoir un avenir meilleur. » – Note d’intention du réalisateur PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS 129 PREMIÈRE FRANÇAISE Le Dossier Petrov [DOSIETO PETROV] GEORGI BALABANOV Allemagne/Bulgarie, 2014, 1h30, couleur SUJET À la fin des années 1980, les autorités interdisent à Alexander Petrov, un comédien de renom, de se produire sur scène. Lorsqu’il réapparait, après la chute du régime communiste, alors qu’il doit donner un discours aux funérailles de celui qu’il admirait le plus, son maitre et ami, il apprend que celui-ci est coupable de l’avoir jadis dénoncé. Anéanti il décide de s’éloigner de la vie publique. C’est à ce moment que Markov, une vieille connaissance, lui offre son aide… SORTIE FRANCE : Prochainement DCP / 2.35 – DISTRIBUTEUR : Arsam International FORMAT DE LA COPIE : Georgi Balabanov, Jean-Claude Carrière – IMAGE Stefan Ivanov – MONTAGE Vessela Martschevski – MUSIQUE Mario Scheider – PRODUCTION Dimitar Gotchev SCÉNARIO : Mihail Bilalov, Hristo Shopov, Georgi Novakov, Anjela Ndyalkova, Ana Papadopulu, Radina Kardjilova… INTERPRÈTES GEORGI BALABANOV Né en 1951 à Sofia, Georgi Balabanov est diplômé de de la National Theater Academy de Sofia. De 1976 à 1980, il dirige le théatre de Pazardzhik, en Bulgarie. Il tournera Commemoration, son premier court-métrage, en 1981, gagnant dans divers festivals. Il poursuivra avec une série de documentaires sur les peintres bulgares. Filmographie : 2000 : Les malheurs de Sofia 1987 : Under the Circus Roof 1984 : Solo for an english horn 1983 : People from the stage 130 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS L’intrigue du film est basée sur le vieux mythe de Faust et Méphistophélès. C’est une version mise à jour de l’histoire de l’intellectuel frustré qui vend son âme au diable après avoir perdu foi en ce qui est bon. Plus tard, frappé par le doute, il recule, mais il ne parvient pas à remonter le temps. Le « rôle » de Faust est attribué au fameux comédien Alexander Petrov, et celui du tentateur (et ex-ami) à Victor Markov. La différence importante par rapport au mythe classique est que dans notre version, Méphistophélès ne triomphe pas, mais disparait aussi, sa mort étant une punition pour son arrogance. L’action du film se déroule sur trois couches temporelles différentes – la fin des années 1980, au début des années 1990 et de nos jours. Ce sont trois périodes issues de la même époque : celle de la transition d’une société communiste vers la société bulgare moderne. « C’est véritablement le premier film sur la transition démocratique en Bulgarie », annonce Dimitar Mitovski, co-producteur du film : de l’aube de ces changements à aujourd’hui. On assiste alors dans ce film à une histoire de calomnie, mais également au début d’une brutale accumulation de capital aux dépens de vies humaines, littéralement écrasées. Selon son réalisateur, le film résonne aujourd’hui comme un signal des limites du modèle économique et de civilisation occidental. « Si le film fascine autant, c’est qu’il met en exergue la liberté et l’intelligence des Bulgares, révélant là où nous avons échoué à nous enfoncer complètement dans le paradis des consommateurs » conclut Georgi Balabanov. PREMIÈRE FRANÇAISE Fritz Bauer, un héros allemand [DER STAAT GEGEN FRITZ BAUER] LARS KRAUME Allemagne, 2015, 1h45, couleur SUJET En 1957, le juge Fritz Bauer apprend qu’Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires. Les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que le soutenir. Fritz Bauer décide alors de faire appel au Mossad, les services secrets israéliens… SORTIE FRANCE : 13 Avril 2016 DCP – DISTRIBUTEUR : ARP Sélection FORMAT DE LA COPIE : Lars Kraume, Olivier Guez – IMAGE Jens Harant – MONTAGE Barbara Gies – Christoph M.Kaiser, Julian Maas – PRODUCTION Thomas Kufus, Georg Steinert SCÉNARIO MUSIQUE Burghart Klaußner (Fritz Bauer), Ronald Zehrfeld (Karl Angermann), Sebastian Blomberg (Ulrich Kreidler), Laura Tonke (Fräulein Schütt), Michael Schenk (Adolf Eichmann), Dani Levy (Chaim Cohn)… INTERPRÈTES LARS KRAUME Avant de réaliser 3 : 21 Uhr, son premier court métrage, en 1992, Lars Kraume travaille comme assistant des photographes de publicité Ralf Braun, Bernd Wagner et Fritz Dressler. En 1994, il entre à l’Académie allemande du cinéma et de la télévision à Berlin. En 1998, Lars Kraume tourne Dunkel, son film de fin d’études qui remporte le Prix Adolf Grimme de la meilleure réalisation. À la suite de ce succès, il met en scène le thriller psychologique Der Mörder meiner Mutter pour la chaîne de télévision allemande SAT 1. En 2001, Lars Kraume dirige son premier long métrage, Viktor Vogel, directeur artistique, une comédie sur l’ascension et les désillusions d’un jeune cadre dans une grande agence de publicité. Filmographie : 2010 : Les Jours à venir 2005 : Keine Lieder über Liebe 2001 : Viktor Vogel, directeur artistique Fritz Bauer fait partie de ces hommes qui ont préféré se battre pour les générations futures plus que pour lui-même. Son combat, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, est déterminé par ce désir de construire une nouvelle société, d’ouvrir de nouvelles perspectives à la génération post-Adenauer, premier chancelier fédéral de la RFA. Le réalisateur Lars Kraume s’est attelé à rendre hommage à cet homme ordinaire devenu un héros allemand aux yeux de toute une jeunesse désabusée, complexée et meurtrie. Dans l’intimité autant que dans l’ardeur de sa lutte, le film dessine le portrait d’un homme en voie de rédemption que le cinéaste décrit comme « l’histoire d’un homme brisé et pessimiste qui revient en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale et qui sera transformé grâce à son combat contre l’oubli collectif ». À partir d’un grand travail de recherches et à travers la lecture de plusieurs dizaines d’ouvrages, le réalisateur et son scénariste, Olivier Guez, également auteur du livre L’impossible retour – Une histoire des juifs en Allemagne depuis 1945, ont constitué une somme importante d’informations sur un homme complexe, brillant, également victime d’un certain acharnement : ses détracteurs usant de son homosexualité pour provoquer sa chute… Le choix du comédien Burghart Klaussner s’est imposé de lui-même : « Il a immédiatement saisi la personnalité de Fritz Bauer et l’a interprété de manière incroyablement juste » raconte Lars Kraume. « Il avait le même âge, le même physique, l’esprit vif, la maturité émotionnelle, la rage innée et aussi l’humour… ». La performance est saisissante, mais également toute en nuances, nonchalante, conférant à ce personnage historique une douce humanité, dans la veine de ses convictions. PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS 131 Maintenant, ils peuvent venir SALEM BRAHIMI France/Algérie, 2015, 1h35, couleur SUJET Fin des années 80 en Algérie le socialisme se meurt et l’islamisme d’importation afghane plonge le pays dans le fanatisme. Et bientôt dans l’horreur. Sur injonction de sa mère, Nouredine épouse la belle Yasmina. Avec elle, alors que le pays bascule dans la tragédie, il apprendra l’amour, la famille et la résistance. Mais rien n’échappe à la violence islamiste… SORTIE FRANCE : prochainement DCP / 2.35 – DISTRIBUTEUR : KG Productions FORMAT DE LA COPIE : Salem Brahimi, Arezki Mellal – IMAGE Léonidas Arvanitis – MONTAGE Yorgos Lamprinos – MUSIQUE Eric Neveux – PRODUCTION Michèle Ray-Gavras, Salem Brahimi SCÉNARIO Amazigh Kateb (Nouredine), Rachida Brakni (Yasmina), Farida Saboundji (la mère), Thoraya (la mère de Yasmina), Inès Nouri (Safia), Ilyane Djebbouri (Kamel) … INTERPRÈTES SALEM BRAHIMI Né à Londres en 1972, franco-algérien, producteur et réalisateur, Salem Brahimi co-réalise le documentaire Africa is Back en 2010 avec Chergui Kharroubi puis en 2014, Abd-el-Kader qui allie prises de vue réelles et animation. Il a également collaboré en tant que producteur sur Cartouches Gauloises de Mehdi Charef et Mon Colonel de Laurent Herbiet. Filmographie : 2014 : Abd El Kader 2010 : Africa is Back 132 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS Maintenant, ils peuvent venir c’est d’abord l’histoire d’un homme, Nouredine, qui lutte contre deux femmes : sa mère d’abord, son épouse Yasmina ensuite… Il lutte jusqu’à commencer à apprendre, grandir, grâce à Yasmina. Telle est la Méditerranée : un homme lutte contre les femmes, mais ce sont ces mêmes femmes qui bâtissent cet homme. Ce film est très méditerranéen : à Alger, comme à Athènes ou Beyrouth, on n’échappe pas à la mer. On n’échappe pas à la mère. On n’échappe pas à la politique. Et on trouve la tragédie au coin de la rue. La tragédie c’est cette décennie noire. Comment a-t-on pu devenir ça ? C’est la question que nous pose la barbarie, notre éternel présent. C’est la question que pose Sophie et son choix impossible. Et que pose Nouredine. Quand la violence est là, elle habite tout. Même l’amour d’un père pour sa fille. En tournant ce film, je pensais aux mots de Gramsci : « le vieux monde se meurt. Le monde nouveau tarde à apparaitre. Et dans ce clair-obscur apparaissent les monstres ». Et une caméra permet de regarder les monstres dans les yeux. De la décennie noire à Daech, nous sommes toujours dans ce clair-obscur dont parle Gramsci : la nuit barbare et ses désespérances. Mais l’espoir, têtu, attend le jour. Nous avons tourné ce film en Algérie. Librement. Certains diraient dans l’indifférence. Ce qui n’était pas du tout indifférent, c’était de recréer pour nos besoins de cinéma une période terrible sous les fenêtres des gens qui l’ont vécue. C’était un poids moral. Mais un carburant aussi. Tout d’un coup, quand les passants, les figurants, l’équipe vous disent : « tu sais ce barrage, ce faux barrage, ce voisin assassiné, c’est mon histoire » on mesure d’un coup l’écart entre l’artifice du cinéma et la vérité de ces douleurs. – Note d’intention du réalisateur Memories on Stone [BÎRANÎNEN LI SER KEVIRÎ] SHAWKAT AMIN KORKI Allemagne/Irak, 2014, 1h37, couleur SUJET Hussein et Alan, deux amis d’enfance kurdes décident de tourner un film qui retracerait le génocide perpétré par Saddam Hussein et ses troupes dans les années 80 où près de 200 000 Kurdes furent massacrés. Mais tourner dans l’Irak de l’aprèsguerre ne s’avère pas une chose si facile. La plus grosse difficulté arrive lorsqu’il s’agit de trouver la femme qui devrait jouer le rôle principal… FORMAT DE LA COPIE : DCP – VENTES INTERNATIONALES : Mitos Films Mehmet Akta, Shawkat Amin Korki – IMAGE Salem Salavati – MONTAGE Ebrahim Saeedi – MUSIQUE John Gürtler, Özgür Akgül – PRODUCTION Mehmet Aktas SCÉNARIO Hussein Hassan (Hussein), Nazmi Kirikn (Alan), Shima Molaei (Sinur), Rekesh Shahbaz, Hishyar Ziro… INTERPRÈTES SHAWKAT AMIN KORKI Né au Kurdistan irakien en 1973, il quitte son pays sous la pression de la milice irakienne et rejoint l’Iran où il restera jusqu’en 1999. Durant ses années en Iran et par la suite en Irak, il travaille pour le théâtre, la télévision et le cinéma. Il réalise ainsi ses premiers courtsmétrages entre 1997 et 2005, présentés dans de nombreux festivals internationaux. Il commence alors à se faire connaitre du public et reçoit plusieurs prix pour son travail. En 2002, il collabore à l’organisation du premier Festival du court métrage d’Erbil. Crossing the Dust, son premier long-métrage a été présenté au Festival international du film de Rotterdam en 2007. Filmographie sélective : 2009 : Kick Off 2006 : Crossing The Dust Après Crossing the dust (2006) et Kick Off (2009), Shawkat Amin Korki poursuit son exploration du passé douloureux du peuple kurde irakien. À nouveau, il évite la pose mélodramatique, usant de rebondissements parfois rocambolesques pour adopter un ton tragicomique qui n’enlève rien au sérieux de l’entreprise… En pratiquant l’exercice du film dans le film, le cinéaste irakien construit dans Memories on Stone une mise en abyme sinueuse où les désirs d’un metteur en scène de reconstituer le génocide kurde perpétré par Saddam Hussein dans les années 1980 se mêlent au regard d’un autre cinéaste, le vrai cette fois, dont l’histoire est intrinsèquement liée à celle de son alter ego. Dans cet imbroglio historique, où les questions de société actuelles ressurgissent entre deux claps et interrogent celles du passé, c’est aussi tout le devoir de mémoire d’un art que Memories on Stone questionne et de la capacité de l’exercer dans une région du monde où la libre expression n’a rien d’une évidence. En réalisant un croisement entre une autobiographie, un hommage aux cinéastes qui l’ont précédé et un pamphlet politique, Shawkat Amin Korki s’inscrit dans une tradition engagée du cinéma du Proche-Orient tout en y insufflant une belle dimension esthétique et cinématographique. Ainsi, il n’hésite pas à transformer le format de son œuvre, déployant un superbe Cinémascope quand le ronflement d’une caméra l’impose et engage son film dans un portrait grisant des coulisses d’un tournage. Entre difficultés de casting, jalousie maladive du fiancé de l’actrice principale, caprice de star et anachronismes qui retardent le « Moteur ! », c’est une nuit américaine dans les collines irakiennes à laquelle le réalisateur nous invite. Les déconvenues y sont nombreuses, brutales, inattendues, mais au final il y aura bien un film. Même deux… Et une question : Qui pour les voir ? PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS 133 La Montagne magique ANCA DAMIAN Roumanie/Pologne/France, 2015, 1h25, animation couleur SUJET Polonais réfugié à Paris dans les années 60, la vie aventureuse d’Adam Jacek Winkler prend un tournant radical dans les années 80. Se rêvant chevalier du XXe siècle, Jacek quitte la France pour combattre les Soviétiques aux côtés du commandant Massoud en Afghanistan… SORTIE FRANCE : 23 décembre 2015 DCP / 5.1 – DISTRIBUTEUR : Arizona Distribution FORMAT DE LA COPIE : Anca Damian, Anna Winkler – ANIMATION Theodore Ushev, Sergiu Negulici, Raluca Popa, Tomek Ducki, Dan Panaitescu – MONTAGE Ion Ioachim Stroe – MUSIQUE Alexander Balanescu – PRODUCTION Anca Damian, Joana Ronikier, Guillaume de Seille, Bénédicte Thomas SCÉNARIO AVEC LES VOIX DE Winkler) ANCA DAMIAN Anca Damian a étudié la direction de la photographie à l’Académie de Théâtre et Cinéma de Bucarest ; elle est également diplômée d’un doctorat en Cinéma et Média. Elle a occupé le poste de directrice de la photographie sur deux longs-métrages et plusieurs documentaires. Elle réalise son premier long-métrage Rencontres croisées en 2008. Le voyage de M. Crulic (2011), son second long-métrage, est un documentaire d’animation sélectionné dans plus de 150 festivals internationaux parmi lesquels Locarno, BFI London, Annecy, Copenhague, Pusan et le New Directors/New Films de New York. Le film reçoit plus de 35 prix internationaux, notamment le Cristal du long métrage au Festival du Film d’Animation d’Annecy en 2012. Son troisième film, Un été très troublé (2013) est primé à trois reprises par l’Union des réalisateurs roumains. La Montagne Magique, documentaire d’animation, est son quatrième long-métrage. Filmographie : 2013 : O vara foarte instabila 2011 : Le voyage de Monsieur Crulic 2008 : Intalniri incrucisate 134 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS Christophe Miossec (Adam Jacek Winkler) , Lizzie Brochère (Anna La Montagne Magique est le second opus d’une trilogie consacrée à l’héroïsme, entamée avec Le voyage de M. Crulic. À chaque fois, il est question d’un individu faisant face à sa propre mort, en voulant donner un sens à son existence et à la Vie. Crulic (le héros de Le voyage de M. Crulic) était un quidam, un inconnu devenu célèbre à travers sa mort. Un personnage kafkaïen broyé par la société, qui ne trouva que la mort pour prouver sa vérité. Winkler est au contraire un héros romantique, un de ces chevaliers dont les origines proviennent des racines profondes de l’histoire de l’humanité. Sa vie prend sens dans une lutte contre le mal qui doit être menée jusqu’à la mort. Adam Jacek Winkler peut être considéré tour à tour comme un fou, un marginal ou un aventurier. Si Crulic devient un héros sans jamais ne l’avoir désiré, Winkler ne veut vivre que dans la liberté de choix héroïques. Né peut-être trop tard par rapport à ses modèles du Moyen-Âge, sa vie et sa mort mettent en relation le rapport de l’individu avec l’Histoire. Mais la fin du combat signe également la fin de toute raison de vivre. Winkler choisira de quitter la vie dans les montagnes, entre ciel et terre, dans l’absolu de la nature. Ce film traverse les frontières de l’Europe, d’Est (la Pologne) en Ouest (la France), et le Moyen-Orient : l’Afghanistan, un pays qui semble à la fois au commencement et à la fin du monde. La Montagne Magique associe visuellement, “éléments réels” et dessins, afin de créer une surréalité. Les éléments réels sont en partie constitués des archives personnelles d’Adam Jacek Winkler, des photos où il apparaît, et d’autres qu’il a prises en Afghanistan. Il y a aussi des références à l’histoire du cinéma, notamment des films muets et des films en noir et blanc. La Montagne Magique propose une palette complexe des émotions humaines et une échelle des valeurs archétypales qui sont dans le coeur de l’humanité. – Note d’intention de la réalisatrice Soleil de plomb [ZVIZDAN] DALIBOR MATANIC Croatie/Serbie/Slovénie, 2015, 2h03, couleur SUJET Trois histoires d’amour différentes se déroulant à trois époques différentes, 1991, 2001 et 2011, dans deux villages des Balkans où règne la haine inter-ethnique… SORTIE FRANCE : mars 2016 DCP / 2.35 – 5.1 – FORMAT DE LA COPIE : DISTRIBUTEUR : Bac Films Dalibor Matanic – IMAGE Marko Brdar– MONTAGE Tomislav Pavlic – MUSIQUE Alen Sinkauz, Nenad Sinkauz – PRODUCTION Ankica Juric Tilic, Frenk Celarc, Nenad Dukic, Petra Vidmar, Miroslav Mogorovich SCÉNARIO Tihana Lazovic (Jelena/Natasa/Marija), Goran Markovic (Ivan/Ante/Luka), Nives Ivankovic (Jelenina/Natasina Majka)… INTERPRÈTES DALIBOR MATANIC Réalisateur et scénariste croate né en 1975, Dalibor Matanic se fait connaitre en 2002 avec son film Fine Dead Girls qui remporte le Prix du Jury au Festival de Sochi. Sa filmographie reste méconnue pour le public français, puisque Soleil de Plomb constitue sa première distribution sur le territoire français. Le cinéaste est reparti de la dernière édition du Festival de Cannes avec le Prix du Jury dans la sélection Un Certain Regard. Filmographie : 2013 : Handymen 2011 : Papa 2010 : Mère Asphalte 2008 : Kino Lika 2002 : Fine Dead Girls En tant que réalisateur, j’ai longtemps été intrigué par les haines inter-ethniques omniprésentes dans la région des Balkans, et par les conflits engendrés par la guerre, la religion et la politique. Avec ce film, je souhaitais explorer trois histoires différentes dans lesquelles un garçon croate et une jeune fille issue d’une famille serbe se rencontrent, à travers trois décennies. Les histoires se déroulent au même endroit, dans des villages brûlés par le soleil, et les amants ont toujours une vingtaine d’années. À travers le prisme de ces trois romances, je voulais donner une idée de l’atmosphère de tensions néfastes dans laquelle les communautés outragées vivent dans la région. Je ne suis assurément pas le seul, dans notre jeune siècle, à affirmer que la xénophobie et la haine de « l’autre », sont des problèmes particulièrement sérieux, omniprésents et éminemment dangereux. Il me semble qu’il n’y a pas de moyen plus efficace pour faire un film sur ce sujet que de filmer une histoire d’amour et de confronter l’intolérance à l’acceptation, la peur et la haine à l’espoir, le pardon et l’amour. Mon objectif en tant que réalisateur était d’opposer la nature luxuriante du monde et les certitudes insouciantes de la jeunesse aux actions humaines qui sont le fruit de haines, histoires, traditions, confusions et peurs de longue date, et d’utiliser une narration cinématographique afin de pouvoir observer comment, dans cette région, la vie des jeunes est influencée par les événements historiques. J’ai toujours voulu faire un film qui refléterait les réalités de ces régions ; qui permettrait de nous regarder tels que nous sommes lorsque nous nous autorisons à agir non comme des personnes normales et décentes, mais comme une communauté contrôlée par des besoins sombres et conditionnés. Soleil de Plomb est une célébration de l’altruisme et de l’amour – ce qu’il y a de plus beau dans la nature humaine, mais qui peine à reprendre le pouvoir dans notre région. Car je ne suis sûr que d’une chose : à la fin, les politiques et le nationalisme extrême ne gagnent jamais. Seul l’amour vaincra. – Note d’intention du réalisateur PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS 135 FILM DE CLÔTURE - AVANT-PREMIÈRE Dimanche 22 novembre à 20h30 Le Pont des espions [BRIDGE OF SPIES] Steven Spielberg - États-Unis, 2015, 2h12, couleur SUJET James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion-espion américain U-2 qui a été capturé... décembre 2015 – FORMAT DE LA COPIE : DCP – 2.35 : 1 Coen, Joel Coen, Matt Charman – IMAGE Janusz Kaminski – MONTAGE Michael Kahn – MUSIQUE Thomas Newman PRODUCTION Marc Platt, Kristie Krieger, Steven Spielberg INTERPRÈTES : Tom Hanks (James Donovan), Mark Rylance (Rudolf Abel), Amy Ryan (Mary Donovan), Alan Alda (Thomas Watters), Sebastian Koch (Wolfgang Vogel), Scott Shepherd (Hoffman)… SORTIE FRANCE 2 SCENARIO Ethan Steven Spielberg est un grand cinéaste de la mémoire. L’Histoire, le réalisateur américain la connaît bien. De 1941, comédie sur l’entrée en guerre des américains à Lincoln, biopic sur l’une des plus grandes figures politiques des États-Unis, en passant par La Couleur Pourpre, Empire du Soleil, La Liste de Schindler, Amistad, Il faut sauver le soldat Ryan ou Munich, sa filmographie est ponctuée de grands récits historiques, parfois même souterrains, dissimulés derrière l’apparat du grand spectacle. Car à y regarder de plus près, Spielberg n’a jamais cessé d’écrire l’Histoire : celle d’Hollywood dans un premier temps, mais également celle du monde, entre mythes et réalité. Le personnage d’Indiana Jones, à qui il a consacré quatre films, en est le principal émissaire, mais en mêlant les grandes périodes historiques (et jurassiques) et en empruntant plus facilement le chemin de l’anticipation que de la science-fiction lorsqu’il s’agit d’évoquer le futur, Spielberg a écrit sa propre histoire du monde, déployant discrètement, mais sûrement son discours d’auteur à part entière. La filmographie de Spielberg est ainsi constituée de ponts : l’immigré coincé dans un aéroport dans The Terminal est un cousin éloigné d’E.T, tandis qu’une Guerre des Mondes prend l’apparence d’un génocide déjà filmé quelques années plus tôt, plus sobrement. L’Histoire est partout, sans revendiquer systématiquement la majuscule. Cette cohérence entre ses œuvres, Spielberg fait mine de l’ignorer ou plutôt, il tente de la dissimuler derrière une bonhommie lui permettant de satisfaire autant les amateurs de grand spectacle que les cinéphiles les plus exigeants. Pour ceux qui doutaient encore de son statut de légende du cinéma américain, Steven Spielberg nous livre cette année l’une de ses plus grandes réussites, Le Pont des Espions, qui marque sa première collaboration avec deux des plus grands auteurs 136 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - FICTIONS du grand écran, les frères Coen. Le résultat est à découvrir en clôture de cette 26e édition du Festival international du film d’histoire. STEVEN SPIELBERG Sans doute une des personnalités les plus emblématiques et influentes du Septième Art, Steven Spielberg se montre très précoce. Enfant, il réalise quelques petits films amateurs puis abandonne rapidement ses études pour tenter sa chance à Hollywood. Son talent de mise en scène se révèle au grand jour en 1971 avec le téléfilm Duel, oppressante course-poursuite entre un employé de commerce et un camion fou, qui remporte le Grand Prix du Festival d’Avoriaz. Puis il y aura un avant et un après 1975 pour Steven Spielberg. À cette époque, il terrifie le monde entier avec Les Dents de la mer, une référence dans le cinéma d’épouvante qui le propulse star internationale de la mise en scène à seulement 29 ans. Réalisateur de légende ayant travaillé avec les plus grands acteurs, bénéficiant d’une cote de popularité jamais égalée, Steven Spielberg est également producteur à succès. Filmographie sélective : 2012 : Lincoln 2011 : Cheval de guerre 2005 : Munich 1998 : Il faut sauver le soldat Ryan 1997 : Amistad 1993 : La Liste de Schindler 1987 : Empire du Soleil 1979 : 1941 LE PRIX DU FILM D’HISTOIRE DE PESSAC CATÉGORIE DOCUMENTAIRE Les jurys de la compétition documentaire sont présentés pages 18-19 EN COMPÉTITION : 14 DOCUMENTAIRES D’HISTOIRE INÉDITS SÉLECTION : Pierre-Henri DELEAU, délégué général du Festival 1961, LA ROUTE DE L’ÉGALITÉ de Mathilde Fassin A PLACE FOR EVERYONE de Angelos Rallis et Hans Ulrich Gössl L’ASSASSINAT DE JEAN DE BROGLIE, UNE AFFAIRE D’ÉTAT de Francis Gillery LES BARONS EMPAIN. LA DYNASTIE FRACASSÉE de Alice Gorissen et Tanguy Cortier LA BATAILLE DE FLORANGE de Jean-Claude Poirson LA BATAILLE DU CHARBON 1944-1948 de Frédéric Brunnquell ENTRE DEUX MAI 1968-1981 – LES ARTISTES ET LA POLITIQUE de Yves Riou et Philippe Pouchain ET LE BAL CONTINUE de Gueorgui Balabanov LES FEMMES DE LA LIBÉRATION de Xavier Villetard FRANÇOIS MITTERRAND. QUE RESTE-T-IL DE NOS AMOURS ? de William Karel LA GUERRE DE CORÉE, LES VOLONTAIRES FRANÇAIS OUBLIÉS de Cédric Condon et Jean-Yves Le Naour HOMELAND / IRAK ANNÉE ZÉRO de Abbas Fahdel L’HOMME QUI RÉPARE LES FEMMES - LA COLÈRE D’HIPPOCRATE de Thierry Michel LES MARCHANDS D’HITLER de Stéphane Bentura © AB Productions. 1961, la route de l’égalité Mathilde Fassin – France – 2015 – 52 mn Mathilde Fassin Nicolas Ruffault SON Michèle Moreux MONTAGE Cédric Le Floch PRODUCTION DÉLÉGUÉE AB Productions DISTRIBUTION AB international distribution AVEC LA PARTICIPATION du Centre National du Cinéma et de l’Image animée AUTEURE IMAGE En 1961, aux États-Unis, des hommes et femmes, noirs ou blancs, entendent abolir les dispositions ségrégationnistes qui subsistent largement dans les États du sud, et faire respecter les droits constitutionnels des Noirs américains. En embarquant dans des bus à destination du sud, en investissant pacifiquement les lieux réservés aux blancs, ces « Freedom Riders » vont faire avancer leur cause, au prix d’un engagement sans faille et malgré les violences subies. MATHILDE FASSIN Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille en 2010, Mathilde Fassin s’est spécialisée dans les sujets sur les États-Unis, où elle a grandi jusqu’à l’âge de sept ans. Elle a vécu et travaillé à New York en 20122013, dans la presse écrite, et continue à écrire sur la société américaine depuis Paris. 1961, La route de l’égalité est son premier film. Elle vient de remporter la bourse d’aide à l’écriture « Brouillon d’un rêve », remise par la SCAM, pour un futur projet, toujours ancré aux États-Unis, et tourne actuellement un nouveau documentaire racontant le périple d’une famille Afro-Américaine sur les traces de leurs ancêtres, en Afrique, intitulé Out of America. 138 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - Dès février 1960, de jeunes noirs américains, souvent étudiants, décident de mener des actions non violentes afin de lutter contre la ségrégation : en s’installant dans des lieux publics qui leur sont interdits, ils manifestent de façon pacifique mais active leur volonté de faire tomber les barrières qui les empêchent de jouir de leurs droits. Les sit-ins de Greensboro s’étendent. Des actions sont menées à Nashville, à Atlanta… Une nouvelle forme d’action voit bientôt le jour. Des militants décident de se rendre, en bus, à La Nouvelle-Orléans, en appliquant le même principe : investir les lieux réservés aux blancs, sans céder aux intimidations ou à la violence. On sélectionne les étudiants qui partiront, on les forme. Pour ces jeunes gens bien habillés, polis, mais déterminés, il faut être irréprochable. Dès leur arrivée dans le Sud, les agressions commencent, orchestrées par le Ku Klux Klan, sous l’œil bienveillant de la police. Dans l’Alabama, les bus sont attaqués, parfois brûlés, leurs occupants passés à tabac. Malgré le danger, ces « Freedom Riders » font des émules. Il s’agit pour eux de « combattre la haine par l’amour, la violence par la non-violence ». Et si Martin Luther King se montre réticent à participer directement au mouvement, ce dernier prend de l’ampleur, submergeant bientôt les autorités locales. Kennedy, fraichement élu, aurait bien aimé se passer de cet activisme en faveur des droits civiques. S’il protège désormais les Freedom Rides en les escortant, il laisse les gouverneurs des États du sud juger les militants. Peine perdue : en choisissant l’emprisonnement plutôt qu’une amende, ces militants mettent à l’épreuve les capacités carcérales, et finissent par obtenir le retrait des dispositions ségrégationnistes dans les gares et bus. Aujourd’hui, les acteurs de cette lutte, septuagénaires, n’ont rien perdu de leur engagement. Et s’ils se montrent fiers de ce qu’ils ont accompli, ils savent que l’Amérique d’aujourd’hui n’en a pas fini avec ses vieux démons. DOCUMENTAIRES INÉDITS A Place for Everyone Angelos Rallis et Hans Ulrich Gössl – Belgique – 2014 – 60 mn Angelos Rallis et Hans Ulrich Gössl Joel Bocken, Matthias Förster, Corantin Parmentier, Kayambi Musafiri MONTAGE SON Marie Paulus MONTAGE Matthias Forster, Angelos Rallis PRODUCTION AJC ! - Atelier Jeunes Cinéastes EN ASSOCIATION AVEC Marie-Claire Wiesenhofer, Austria Rwanda Partnership AVEC LE SOUTIEN de Angelos Rallis Documentary Production, Ulrike Lunacek, CineArt Steiermark, Kultursektion Stadt Wien, Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération WallonieBruxelles AUTEURS IMAGE ANGELOS RALLIS Angelos Rallis est cinéaste de film documentaire et photo-journaliste. Il a entamé sa carrière comme metteur en scène de théâtre pour la télévision nationale Grecque et pour l’Université d’Athènes. En Angleterre, il a effectué des recherches en sociologie visuelle au Centre for Urban and Community Research (CUCR). Depuis, il travaille sur un projet à long terme de documentation sur les cultures émergentes et les communautés de l’East End à Londres. Son travail a été publié dans des journaux et est utilisé par des agences de presse et des ONG dans le monde entier. HANS ULRICH GÖSSL Spécialiste en communication et producteur à Bruxelles, il a fait ses études en science de la Communication et Politique Européenne à Vienne, Londres et Bruges. En Italie, il a été Serviteur de la Mémoire de l’Holocauste Autrichien pour lequel il s’est consacré à des travaux de recherche sur la représentation de la Shoah dans le cinéma contemporain. Depuis 2007, il se rend régulièrement au Rwanda avec une organisation de développement autrichienne. Au Rwanda, vingt ans se sont écoulés depuis le massacre d’un million de Tutsis et de Hutus modérés par leurs voisins Hutus en 1994. Aujourd’hui, une nouvelle génération de Rwandais, survivants ou descendants des génocidaires, se retrouve face-à-face. Comment vivre ensemble, se mélanger, quand la défiance subsiste, que les réflexes ethniques n’ont pas disparus, que certains enfants cherchent encore la vérité sur le meurtre de leurs parents ? Un homme parle de son village natal, Mwendo, un village paisible, bien qu’il ait été le théâtre des atrocités du génocide rwandais. Des chants rappellent la tragédie, ces hommes et femmes qui préféraient tuer plutôt que d’avoir un Tutsi pour voisin. Vingt années ont passées. Ont-elles pour autant effacé les traces de cette horreur ? À Mwendo toujours, une jeune femme, Benoîte, cherche à savoir comment a été tuée sa mère, quand elle avait 5 ans. Elle revient pour la première fois sur les lieux, interroge les habitants, a bien du mal à connaître le nom de l’assassin, qui est toujours emprisonné. Personne ne semble vouloir dire la vérité. Tharcisse, lui, essaye de faire tomber les barrières qui semblent toujours séparer les Rwandais, de comprendre comment son peuple en est arrivé là, afin de prévenir toute récidive. Si l’origine ethnique a désormais disparu des documents d’identité, la défiance demeure encore, empêchant les mariages « mixtes ». Les Tutsis se demandent comment « soigner les Hutus de ce mal qui est en eux »… Le pardon est difficile à accorder aux anciens bourreaux, quand on a perdu ses parents à 5 ans. Et les familles ont bien du mal à accorder la main de leur fille à un jeune homme, lorsque celui-ci est fils d’un ancien condamné. Au Rwanda, en 2014, chacun tente de trouver sa place, dans un équilibre plus que fragile. PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - DOCUMENTAIRES INÉDITS 139 © CPB-Amaury Brumeault. L’Assassinat de Jean de Broglie, une affaire d’État Francis Gillery – France – 2015 – 70 mn Francis Gillery Christophe Petit, Éric Turpin, Gaspard Gillery MONTAGE Jean-Christophe Chauvel, Sylvie Bourget DESSINS Amaury Brumault PRODUCTION Compagnie des Phares et Balises AVEC LA PARTICIPATION de Planète+, de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée AUTEUR IMAGE FRANCIS GILLERY Auteur et réalisateur, il signe de nombreux sujets pour des magazine littéraires ou scientifiques à la télévision de 1996 à 2000 (« Nimbus », « Texto », « Qu’est-ce qu’elle dit Zazie ? »). Il a écrit deux ouvrages : Je me suis raconté des histoires très tôt (avec François Rivière, Fleuve Noir, 2011) et Lady Died (Fayard, 2006). Parmi ses réalisations documentaires récentes : 2014 : Vienne, ombres et lumières (125 mn) 2012 : Stalingrad, les héroïnes cachées de l’Armée rouge (52 mn) 2011 : Ils ne savaient pas. Les Français et la Shoah (90 mn) 2010 : La Légende du juge Borrel (90 mn) 2009 : La Vie après la Shoah (90 mn) 2008 : La Double Mort de Pierre Bérégovoy (90 mn) 2007 : Diana et les fantômes de l’Alma (90 mn) 140 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - Le 24 décembre 1976, le prince Jean de Broglie, député de l’Eure et ancien ministre du général de Gaulle est assassiné en pleine rue. Cinq jours plus tard, Michel Poniatowski, alors ministre de l’Intérieur, annonce à la télévision française que les coupables ont été arrêtés : le meurtre de Jean de Broglie a été commandité par ses associés, pour une histoire de prêt non honoré. Un mobile absurde auquel personne ne croit. Mais que cachait cette affaire, pour que le ministre de l’Intérieur viole ainsi le secret de l’instruction et fasse fi de la présomption d’innocence ? Qui était vraiment Jean de Broglie ? Fruit d’une enquête au long cours, le film met en lumière les rapports étroits entre le gouvernement et les services de police de l’époque et questionne le fonctionnement du système judiciaire français dans les années 1970. Il pointe les incohérences de l’instruction et s’appuie sur le récit des journalistes qui en suivirent avec passion les nombreux rebondissements. Il fait surtout le lien entre le financement du parti des Républicains indépendants qui mena Valery Giscard d’Estaing à la présidence de la République et un scandale financier espagnol impliquant la puissante organisation l’Opus Dei. Le récit se construit à partir des entretiens avec des journalistes français (Claude Angeli, Michel-Bôle Richard, Pierre Assouline) qui suivirent avec passion les nombreux rebondissements de cette affaire. Il nous conduit en Espagne auprès des journalistes espagnols du journal La Vanguardia qui mirent à jour les liens entre l’Opus Dei et la famille Giscard d’Estaing. Il s’appuie sur le témoignage des avocats (Roland Dumas, Francis Spizner)… Des politiques (Jean-Pierre Soisson, Gérard Longuet) et des policiers en poste à l’époque (Jean-Bernard Vincent, Jean-Luc Ruiz)… Des proches de Jean de Broglie (son fils, sa secrétaire). Mais aussi du policier désigné et condamné comme organisateur du crime, Guy Simoné, qui continue aujourd’hui de clamer son innocence. Les dessins d’Amaury Brumault restituent l’atmosphère de l’époque et redonnent vie à certains événements racontés par les protagonistes. © Cie des Phares et Balises DOCUMENTAIRES INÉDITS Les Barons Empain. La dynastie fracassée Alice Gorissen et Tanguy Cortier – France – 2015 – 90 mn Alice Gorissen et Tanguy Cortier D’après Les Barons Empain de Yvon Toussaint (éditions Fayard) IMAGE Tanguy Cortier, François Roland, François Schmitt, Laurent Ramamonjiarisoa SON Jean-Christophe Lion, Olivier Ronval MONTAGE Sandrine Deegen MUSIQUE Thierry Durel PRODUCTION Flair Production COPRODUCTION To Do Today Productions, RTBF, ARTE G.E.I.E. AVEC LA PARTICIPATION du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération WallonieBruxelles, de la Wallonie, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée AVEC LE SOUTIEN du Pôle Image de Liège et de Cinéfinance AUTEURS ALICE GORISSEN Directrice de production sur des événements, documentaires, fictions et émissions TV en Belgique, elle a également travaillé comme scénariste et documentaliste sur plusieurs projets documentaires. Elle signe sa première co-réalisation documentaire avec Les Barons Empain, la dynastie fracassée. TANGUY CORTIER Il débute sa carrière à la télévision belge comme réalisateur (journaux, émissions culturelles). Il développe des activités de producteur, scénariste, vidéographe... Depuis 2009, il réalise plusieurs films documentaires, parmi lesquels : Semal nécessaire… (69 mn) 24h au parlement (52 mn) Les Francofolies de Spa (5 x 40mn) Michèle Noiret, à contrechamp (52 mn) Les Francofolies de Kinshasa (90 mn) Les Barons Empain, ou l’histoire chaotique d’une famille passée en une centaine d’années de la fortune à un oubli presque total. Bâtissant un empire industriel et financier gigantesque dès la fin du XIXe siècle, Édouard Empain fut un industriel aventureux, mais atypique. Le dernier baron, Édouard-Jean, victime d’un enlèvement crapuleux, ne se releva jamais de cette épreuve, témoignant aujourd’hui de la destinée peu commune de cette famille... Né en 1852, Édouard Empain, débutant comme simple dessinateur, brûle les étapes et devient administrateur de sociétés, avant de fonder sa propre banque et d’investir avec succès. Dans cette atmosphère de capitalisme belge débridé, ce self-made man, qui n’appartient pas à la bonne société, multiplie les projets, bâtissant rapidement un empire industriel. Il se passionne pour les transports, y voit une activité lucrative et d’avenir, construit le Métropolitain à Paris. Il investit au Congo Belge, développant le réseau ferré et exploitant les ressources minières et forestières. Il crée de toutes pièces une ville en Égypte, Heliopolis. Suivant son instinct, il réussit à transformer des projets risqués en réussites financières, s’attirant jusqu’à la sympathie du roi Léopold II. Anobli, devenu même général au sortir de la Grande Guerre, Édouard Empain semble pourtant fuir les codes de la respectabilité bourgeoise. S’il a deux enfants, il n’est pas marié. En 1921, il régularise sa situation : ses fils pourront lui succéder. Louis semble se désintéresser rapidement des affaires, préférant consacrer sa fortune aux institutions et écrits pédagogiques. Jean, lui, est un flambeur, multipliant les conquêtes féminines, se mariant avec une danseuse qui lui a donné un fils, Édouard-Jean. Mais rien ne semble aller droit dans cette famille. Et les bouleversements au lendemain de la Seconde Guerre mondiale mettent à mal l’empire industriel : nationalisations en France, en Égypte, indépendances en Afrique... Édouard-Jean, surnommé Wado, doit affronter sa famille pour récupérer la présidence d’un immense groupe. Grisé par ses succès en affaires, il ne se relève pas d’une ultime épreuve, celle de son enlèvement en 1978 et des révélations sur sa vie privée. Aujourd’hui, il porte sur son histoire et celle de ses aïeux un regard désabusé et fataliste, comme si une malédiction avait poursuivi cette famille tout au long de son existence. PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - DOCUMENTAIRES INÉDITS 141 La Bataille de Florange Jean-Claude Poirson – France – 2015 – 109 mn Jean-Claude Poirson Jean-Claude Poirson MONTAGE Benjamin Prost, Catherine Mamecier MUSIQUE ORIGINALE Laurent Faessel PRODUCTION Human Doors AVEC LA COLLABORATION DE France Télévisions, Alsace 20, Mirabelle TV AVEC LA PARTICIPATION DU Centre national du Cinéma et de l’Image animée AVEC LE SOUTIEN DU Conseil Régional de Lorraine, de la Région Alsace, de la Communauté urbaine de Strasbourg, de la Communauté d’agglomération du Val de Fensch, du Département de la Moselle AUTEUR IMAGE ET SON JEAN-CLAUDE POIRSON Dans une autre vie, Jean-Claude Poirson, sorti d’un quartier populaire de Nancy à l’âge de 14 ans, a été tour à tour apprenti verrier, imprimeur, chauffagiste, soudeur, sidérurgiste, ouvrier spécialisé chez Peugeot, avant de s’immerger dans Mai 68. Ancien ouvrier maoïste de la Gauche Prolétarienne, il fera 16 mois de prison en 1970 et plusieurs grèves de la faim dans le cadre de La Cause du Peuple, le journal maoïste dont Jean-Paul Sartre prendra la direction avant de devenir l’actuel Libération. En 1978, il part faire la route jusqu’en Inde et une grande partie de l’Asie. Passionné par l’image, il fonde en 1991 Human Doors, société de production basée à Strasbourg. On lui doit plus d’une quarantaine de films documentaires engagés tel que : Sous les ponts de l’Europe, film sur une communauté de clochards ; Armand Gatti, L’Université des Exclus, un film sur l’expérience de réinsertion par le théâtre d’une centaine d’exclus ; Elles rêvaient d’un autre monde, sur la prostitution ; Jusqu’au Bout de la vie et Monsieur Strub, deux films sur la fin de vie et plus récemment ArcelorMittal, à la vie ou la mort ou encore Florange, les damnés de l’acier. 142 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - En février 2012, devant la menace de la fermeture des derniers hauts-fourneaux de leur vallée, les « ArcelorMittal » s’engagent dans un combat pour sauver leurs emplois et leur activité. Pendant de longs mois, ils vont tenter de faire plier l’actionnaire, Lakshmi Mittal, et alerter l’opinion publique sur le sort qui leur est réservé. Une lutte au long cours, où le courage de ces hommes est mis à l’épreuve, face aux fausses promesses, aux trahisons, au découragement... Lorsqu’en 2012 le magnat de l’acier Lakshmi Mittal, après avoir acquis Arcelor en 2006 et supprimé des milliers d’emplois en Europe, s’apprête à fermer deux hautsfourneaux à Florange, les salariés décident de résister. Échaudés par les promesses non tenues de Nicolas Sarkozy en 2008, ils s’accrochent à l’espoir qu’un nouveau gouvernement saura les entendre et s’opposera aux destructions d’emplois. Alors que la campagne présidentielle de 2012 est lancée, ils reçoivent le soutien de François Hollande, qui vient à leur rencontre, s’engage à proposer une loi. Résolus à ne rien céder, les syndicalistes tentent de bloquer l’activité de l’usine, mais sont délogés par la force. S’ils ne peuvent faire plier eux-mêmes Mittal, ils comptent bien gagner la bataille médiatique et peser dans cette élection. Edouard Martin et ses compagnons de lutte vont multiplier les actions. Une « Marche pour l’acier » va réunir ces représentants qui vont rallier Paris en marchant pendant 320 km, essayant de sensibiliser les habitants rencontrés à leur cause. Mais les jours et les mois passent. Sur les piquets de grève, on dort à même le sol, on se serre les coudes, on se remonte le moral. L’élection en mai 2012 de François Hollande redonne un nouvel espoir, les ArcelorMittal sont désormais reçus au Parlement européen, mais le compte à rebours a déjà commencé. Le 30 novembre, le gouvernement annonce qu’il n’y aura pas de «nationalisation transitoire» des hauts-fourneaux. Le 24 avril 2013, c’est l’extinction définitive. Pour ces hommes qui se sont tant battus, la fin est amère. Si certains comme le leader syndicaliste Édouard Martin entament une nouvelle vie, d’autres auront payé chèrement leur engagement pour sauver leur travail et leur région. DOCUMENTAIRES INÉDITS La Bataille du charbon 1944-1948 Frédéric Brunnquell – France – 2015 – 60 mn Frédéric Brunnquell Marc Soupa MONTAGE Laure Matthey MUSIQUE ORIGINALE David Catteloin, Lionel Raepsaet PRODUCTION Morgane AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de la Procirep – Société des producteurs, de l’ANGOA, de France Télévisions AUTEUR SON La « Bataille du charbon », c’est celle que menèrent les mineurs dans une France exsangue et détruite, afin de relever la production de cette énergie alors vitale et de reconstruire économiquement et industriellement le pays au sortir de l’Occupation. Au prix de sacrifices, ces mineurs gagnèrent cette bataille, furent adulés, avant de subir une féroce répression lors de la grande grève de 1948... FRÉDÉRIC BRUNNQUELL Auteur et réalisateur de films documentaires, il a réalisé également comme journaliste de nombreux reportages pour des chaînes françaises. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un consacré à la guerre du Liban. Parmi ses réalisations documentaires récentes : 2015 : Classe moyenne, des vies sur le fil (3 x 52mn) 2013 : Printemps Arabes, la confiscation (80 mn) 2012 : Nos vies discount (52 mn) 2011 : Giscard, l’homme blessé (90 mn) Sélection Prix du film d’histoire catégorie Documentaire, Pessac 2012 2010 : François Mitterrand et la guerre d’Algérie (70 mn) - Sélection Prix du documentaire, Pessac 2010 2008 : Paradis fiscaux, la grande évasion (52 mn) 2007 : Ébola ce n’est pas une maladie pour rire (52 mn) 2006 : La Vraie Vie des mondes virtuels (52 mn) 2006 : New York porte du monde (52 mn) La France en 1945 est un pays dévasté, où l’on manque de tout. Nourriture, logement, matériel font cruellement défaut. La production de charbon, qui a chuté pendant les années d’occupation allemande, est au centre de toutes les attentions : nécessaire pour se chauffer, mais surtout énergie essentielle à l’industrie, aux transports. Sans elle, pas d’acier, de rails, de locomotives, de ciment, de briques... De Gaulle l’a bien compris, lui qui prononce dès juillet 1945 un discours à Béthune, exhortant les mineurs à se retrousser les manches et à retrouver au plus vite les niveaux de production d’avant-guerre. Mais les mineurs sont las. Fatigués par les privations, dégoûtés par l’attitude des dirigeants des compagnies minières pendant l’occupation, alors que eux ont payé un lourd tribut en freinant la production qui partait vers l’Allemagne. Maurice Thorez, secrétaire général du PCF, fils et petitfils de mineur, va débloquer la situation. Galvanisant les travailleurs des mines lors d’un rassemblement à Waziers, il obtient leur adhésion. Rapidement, la production redécolle. Le mineur devient un héros sur les affiches et dans les films de propagande. Avec la hausse de la production, le réseau ferré est remis en état, les marchandises circulent, l’industrie redémarre. La France semble sauvée. En mai 1946, les mines sont nationalisées et un statut du mineur est promulgué, portant sur les salaires et les congés. Mais les risques et la dureté du travail, eux, n’ont pas disparus. Alors, lorsque la conjoncture se retourne, que le gouvernement entend faire baisser les coûts d’extraction, les mineurs décident de passer à la grève. La répression du ministre de l’Intérieur Jules Moch est impitoyable. En décembre 1948, après 7 semaines de grève, les mineurs sont battus. Licenciements, amendes et peines de prison pleuvent sur ces travailleurs, à qui il ne reste que la fierté d’avoir gagné la bataille du charbon et l’amertume d’avoir été trahis. PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - DOCUMENTAIRES INÉDITS 143 © Gaumont Pathé Archives. Entre deux Mai 1968-1981. Les artistes et la politique Yves Riou et Philippe Pouchain – France – 2015 – 52 mn Yves Riou et Philippe Pouchain Wilfrid Sempé SON Yolande Decarsin MONTAGE Catherine Vilpoux PRODUCTION Flach Film Production COPRODUCTION INA AVEC LA PARTICIPATION du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de Planète+, de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN de la Procirep – société des Producteurs et de l’ANGOA AUTEURS IMAGE YVES RIOU et PHILIPPE POUCHAIN Auteurs et réalisateurs, ils ont signé ensemble de très nombreux documentaires pour la télévision, notamment autour du monde du spectacle. Metteurs en scène, acteurs, ils ont joué dans des films pour le cinéma et la télévision, et ont également présenté leurs propres spectacles, joués notamment aux théâtre Fontaine, théâtre d’Edgar, théâtre de l’Espace Gaité, Bobino, à l’Olympia, au Festival d’Avignon, Festival de Cannes, Printemps de Bourges, Sigma de Bordeaux… Parmi leurs récentes réalisations documentaires : 2014 : Chansons du Front Populaire (42 mn) 2014 : Sur la Piste des Indiens des Plaines (52 mn) 2013 : Chansons de la Belle Époque (42 mn) 2013 : Châtelet sur scène, la fabuleuse histoire (52 mn) 2013 : Cocteau Marais, un couple mythique (60 mn) 2012 : Les Artistes et le Parti (52 mn) 2012 : Juliette Gréco, l’insoumise (76 mn) 2011 : Clowns (90 mn) 2010 : L’Occupation sans relâche, les artistes pendant la guerre (90 mn) 2009 : Du côté de chez Vian (52 mn) 144 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - Quels ont été le rôle et la place des artistes dans les changements à l’œuvre dans la société française entre 1968 et 1981, et quels furent leurs rapports à la politique ? Entre un monde artistique qui embrassa le mouvement de Mai 68, fasciné par une possible révolution culturelle, et les désillusions des années 1980, retour sur une période charnière où les artistes furent souvent des acteurs de premier plan... Dans la France de Mai 68, où les propositions de changement sociétal fusent, les artistes sont à leur aise. On s’y apostrophe, on dispute le magistère des Anciens, les idées se croisent, se perdent parfois dans une « théâtralité » des propositions qui fascine. Le Théâtre de l’Odéon, occupé et dont le directeur Jean-Louis Barrault a été démis, symbolise cette nouvelle prise de la Bastille où les artistes jouent un rôle majeur. Si certains artistes se tiennent à l’écart, d’autres font corps avec ce mouvement. Au Festival de Cannes en 1968, on remet en cause l’idée même de compétition, de circuit commercial, et Godard s’insurge contre l’absence de problématiques liées au monde étudiant ou ouvrier dans les films. Le mouvement peut être cruel : au Festival d’Avignon, Jean Vilar, conspué, ne s’en remettra jamais vraiment. La remise en cause est radicale avec le Living Theatre, qui entend démolir les codes du théâtre classique et dénoncer. D’autres fuient les lieux institutionnalisés et fondent de nouveaux espaces. Le cinéma ne semble pas être en reste, avec l’adaptation de L’An 01 ou le scandale de La Grande Bouffe de Marco Ferreri à Cannes en 1973. Si le ministre de la Culture Maurice Druon essaye de siffler la fin de la récréation, et si un chanteur comme Michel Sardou semble lui défendre les valeurs « éternelles » de la France, une chose est sûre : les artistes doivent prendre position. Pourtant, alors que les chanteurs apparaissent dans les meetings politiques lors de la présidentielle de 1974, le débat se déplace. Révolution des mœurs, statut de la femme, sexualité sont désormais à l’agenda des artistes. Certains dénoncent le théâtre engagé « où l’on s’ennuie à mourir ». On cultive plutôt l’humour potache, on court au café théâtre, on se perd dans les nuits du Palace. Et si le Parti socialiste entend développer une « nouvelle politique culturelle » à l’approche des élections de 1981, une parenthèse, où artistique rimait avec politique, semble s’être refermée. DOCUMENTAIRES INÉDITS © Ladybirds Films Et le bal continue Gueorgui Balabanov – France – 2015 – 90 mn Gueorgui Balabanov Stefan Ivanov SON Ivailo Ianev, Vesseline Zografov MONTAGE Vesselka Kiriakova PRODUCTION Ladybirds Films COPRODUCTION ARTE France AVEC LA PARTICIPATION du Centre National du Cinéma et de l’Image animée AVEC LE SOUTIEN de la Région Île-de-France, de la Procirep - Société des Producteurs, de l’ANGOA, de « Brouillon d’un Rêve » de la SCAM AUTEUR IMAGE GEORGI BALABANOV Auteur et réalisateur, Gueorgui Balabanov suit des cours d’art dramatique de 1969 à 1974 à Sofia. Il est metteur en scène au Théâtre de Pasardjik en Bulgarie de 1976 à 1980, puis réalisateur à partir de 1981. De 2000 à 2005, il réalise divers courts métrages pour la télévision bulgare. Parmi ses réalisations : 2014 : Le Dossier Petrov (voir page 130) 1999 : Les Malheurs de Sofia 1996 : La Frontière de nos rêves 1991 : L’Ombre du chasseur 1990 : Le Royaume de Dieu 1989 : Palais du rire 1988 : Pod coupola (Sous le chapiteau) 1986 : Pessenta na Strouma (La Chanson de la Strouma) Comment se porte la société bulgare aujourd’hui ? En suivant quelques personnages, en essayant d’interroger les Bulgares sur ce qu’ils vivent et leur regard sur ce pays, le tableau dressé n’incite guère à l’optimisme. Corruption, mafia, démocratie de façade, communautés dressées entre elles, misère du plus grand nombre et richesse de quelques oligarques. La Bulgarie, passée de l’ère soviétique à l’intégration dans l’Europe, est un pays désabusé, et rares sont ceux qui pensent qu’il peut encore se relever... Dans un hôtel de Sofia se tient une réception pour quelques riches Bulgares. Dans les vieilles cités délabrées, on vit avec quelques centaines d’euros de pension par mois. Des médecins, des enseignants se rassemblent devant le parlement, aux cris de « démission », « mafia »... Dans la rue, une soupe populaire. Un homme se demande où sont passés les espoirs démocratiques nés de la fin de la Bulgarie communiste, de la Marche bleue de l’espoir de 1990... De ces espoirs déçus d’une transition vers une véritable démocratie, les Bulgares veulent bien parler. Ils évoquent les élections truquées, l’achat massif de votes, la corruption. Mais lorsqu’il s’agit de parler de mafia, de crime organisé, de dénoncer ceux qui profitent de ce système, on préfère ne rien dire. Une forme d’omerta s’installe. Azis, chanteur pour le moins excentrique, star dans son pays, en est aussi la mauvaise conscience. Ses chansons et ses clips parlent crument d’homosexualité, et il est d’origine tzigane : deux tares dans un pays de Chrétiens orthodoxes qui ne goute guère ce genre d’orientation, et qui n’a pas de mots assez durs contre les roms, accusés de tous les maux et de conduire le pays à sa perte. Dans les couloirs de l’université de Sofia, les jeunes étudiants eux non plus ne se font guère d’illusion à l’approche des élections. Ici, ce qui compte, ce n’est pas « ceux qui votent, mais ceux qui comptent les votes »... Pourtant, lorsqu’un vieux poète dissident tente de secouer les consciences et en appelle à manifester, personne ou presque ne le suit. Comme si tous les acteurs de cette mascarade étaient las et résignés, incapables de s’accrocher à un quelconque espoir. PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - DOCUMENTAIRES INÉDITS 145 Les Femmes de la Libération Xavier Villetard – France – 2015 – 60 mn Xavier Villetard Inspiré de l’ouvrage What Soldiers Do de Mary Louise Roberts (University of Chicago Press, 2013) IMAGE Christopher Morley-Pegge, Yoann Le Gruiec SON Yolande Decarsin, Frédéric Bouvier MONTAGE Nadia Collot PRODUCTION Maha Productions AVEC LA PARTICIPATION de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN de la Région Basse-Normandie, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de la Maison de l’Image Basse-Normandie, de la Procirep - Société des Producteurs et de l’ANGOA AUTEUR XAVIER VILLETARD Journaliste au service culture de Libération et à « Cinéma Cinémas », puis auteur de documentaires aux côtés de Claude Ventura (Chambre 12, hôtel de Suède et Scott Fitzgerald : retour à Babylone) ou de Guy Girard (La légende de My Way), Xavier Villetard s’est tourné vers la réalisation avec un court métrage sur David Lynch. Depuis, il a réalisé un peu plus d’une vingtaine de films, parmi lesquels : 2014 : Comment nous avons construit le métro de Moscou (52 mn) 2013 : Beat Generation (55 mn) – Sélection Panorama du Documentaire, Pessac 2013 2012 : Cuba année zéro (80 mn) 2011 : L’Énigmatique histoire de B. Traven (62 mn) 2010 : Chez Frida Khalo (52 mn) – Sélection Prix du film d’histoire catégorie Documentaire, Pessac 2011 2008 : Les Filles des ruines (62 mn) – Sélection Prix du film d’histoire catégorie Documentaire, Pessac 2009 2007 : Tu seras un homme, mon fils (52 mn) 2006 : La Campagne de Russie (52 mn) 2005 : Forever Lénine (52 mn) 146 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - La Libération de la France fut pour les femmes une période ambivalente, où joie et craintes se mêlaient. Peur des combats, des pillages, des violences qui leur seraient faites. Absence des hommes encore prisonniers ou déportés, présence à la fois salvatrice et redoutée des GI’s américains. À travers les écrits de ces femmes ou jeunes filles françaises se dessine une mémoire inédite de cette période... Alors que la libération de la France s’engage dès juin 1944, les femmes françaises doivent faire face à une situation nouvelle. Il faut survivre désormais aux combats qui se déroulent autour d’elles, se cacher, mais aussi préserver des ressources qui sont bien souvent convoitées par les soldats libérateurs. Débarquant en masse, les GI’s se montrent généreux, mais arrivent en conquérants. À ces soldats, en guise de motivation, on a vendu l’image de femmes françaises « charnelles » pour ne pas dire faciles. Ils comptent bien en profiter, ne voyant souvent en elles que des biens de consommation que l’on pourra acquérir et troquer. Les viols se multiplient, que l’encadrement s’empresse de mettre sur le compte des seuls soldats noirs, histoire de sauver cyniquement la réputation de l’armée américaine. Dans Paris qui commence à être libéré, comme dans le reste de la France, les hommes encore présents se livrent aux premières épurations sauvages, et réservent un sort particulier aux femmes accusées de collaboration. Violences collectives, femmes tondues et exposées : une forme de reprise en main contrainte du corps des femmes est à l’œuvre, comme si cette violence supplémentaire et spécifique permettrait l’expiation des années d’occupation. Alors que les femmes continuent de s’inquiéter dans leurs lettres du sort des hommes retenus en Allemagne, les premiers convois de rapatriés arrivent à Paris. Comment gérer ces retours, après des années d’absence, d’hommes dont le statut a été mis à mal, que faire de ces enfants qui sont parfois nés en leur absence ? Ces femmes, qui peuvent désormais voter, mais demeurent des mineurs juridiques, devront composer, et tenter de reprendre le cours de leur vie. DOCUMENTAIRES INÉDITS © Guy Le Querrec / Magnum Photos. Cette image a été réalisée lors d’une séance de pose pour le sculpteur Daniel Druet. François Mitterrand. Que reste-t-il de nos amours ? William Karel – France – 2015 – 90 mn William Karel François Reumont SON Emmanuel Milhau, Francesca Faiella MONTAGE Pauline Pallier MUSIQUE Siegfried Canto PRODUCTION Roche Productions COPRODUCTION RTBF, ARTE France AVEC LA PARTICIPATION de Radio Télévision Suisse, Radio-Canada Television, Al Arabiya News Channel AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée AUTEUR IMAGE WILLIAM KAREL Auteur-réalisateur, il a également co-scénarisé trois films de Philippe Faucon : Sabine (1992) ; Mes dix-sept ans (1996) et Dans la vie (2005). Il a publié deux ouvrages : Opération « Vent printanier » (avec Blanche Finger, éditions La Découverte, 1992) et Une terre deux fois promise (éditions du Rocher, 1998). Parmi ses dernières réalisations documentaires : 2014 : Jusqu’au dernier. La destruction des Juifs d’Europe (Co-réalisation Blanche Finger) 2012 : Barack Obama. Au cœur de la maison blanche 2011 : Album(s) d’Auschwitz (co-réalisation Blanche Finger) - Sélection Prix du film d’histoire - catégorie Documentaire, Pessac 2011 2011 : Looking for Nicolas Sarkozy 2011 : Philip Roth, sans complexe 2010 : Gallimard, le Roi Lire 2009 : Mais qui a tué Maggie ? - Sélection Prix du film d’histoire - catégorie Documentaire, Pessac 2009 2008 : Meurtres à l’Empire State Building 2006 : Poison d’avril 2005 : La Fille du juge 2004 : Le Monde selon Bush 2003 : Jean Moulin. Lettre à un inconnu 2003 : CIA – Guerres secrètes 2002 : Opération Lune Vingt ans après la disparition de François Mitterrand, quels souvenirs subsistent de ce personnage hors-norme, célébré par certains, critiqué par bien d’autres. Quel bilan politique tirer de ces deux septennats, après une arrivée au pouvoir en 1981 qui avait suscité tant d’espoirs pour le peuple de gauche ? Et que retenir de cet homme, de ses secrets longtemps bien gardés, de ses arrangements avec l’Histoire, de sa pratique du pouvoir ? Le bilan politique de François Mitterrand, après son élection en mai 1981, a déjà été inventorié : abolition de la peine de mort, hausse du salaire minimum, des allocations familiales, retraite à 60 ans, 5ème semaine de congés payés, nationalisations, politique culturelle... Mais ce programme social et économique est rapidement abandonné, devant les difficultés économiques et industrielles du pays. Confronté au chômage, à une côte de popularité qui dégringole, Mitterrand va chercher ailleurs les moyens de rester au pouvoir. S’intéressant peu aux questions économiques, il voit en l’Europe une planche de salut, pour la France et pour son avenir politique, sans oublier d’encourager sur la scène nationale l’émergence du Front national aux dépens de la droite. Peine perdue : en 1986, la gauche battue aux législatives, il « invente » la cohabitation, retranché à l’Élysée, face à un Jacques Chirac qu’il ne ménage pas. Deux années qu’il passe à préparer sa réélection. Pour certains, ce deuxième mandat est celui de trop : dérives du pouvoir, scandales, révélations, nouvelle cohabitation. Et l’impression que François Mitterrand n’a pas réussi à saisir l’ampleur des changements qui secouaient l’Europe à ce moment là, avec la chute du Mur de Berlin. C’est aussi une période difficile pour un homme qui a longtemps gardé ses secrets. Le livre Une jeunesse française de Péan jette une lumière crue sur sa période vichyste. Sa relation avec Bousquet, responsable de la rafle du Vel’ d’Hiv’, choque. Acculé, Mitterrand s’accroche, nie parfois avec aplomb. Jusqu’à la fin, il sent que ce pouvoir qu’il exerce le maintient en vie, lui qui a si longtemps repoussé la maladie. En mai 1995, il préside son dernier Conseil des ministres. Il meurt le 8 janvier 1996. PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - DOCUMENTAIRES INÉDITS 147 La Guerre de Corée, les volontaires français oubliés Cédric Condon et Jean-Yves Le Naour – France – 2015 – 52 mn Cédric Condon et Jean-Yves Le Naour Cyrille Liberman SON Amaury Arboun MONTAGE Cédric Condon MUSIQUE ORIGINALE David Lassalle et Philippe Charriot DESSINS ORIGINAUX David Chambard PRODUCTION Kilaohm Productions COPRODUCTION ECPAD AVEC LA PARTICIPATION du Ministère de la Défense, Secrétariat Général pour l’Administration, Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de la Procirep - Société des Producteurs et de l’ANGOA, de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN de la Fondation d’entreprise Carac AUTEURS IMAGE CÉDRIC CONDON Auteur-réalisateur, il a notamment réalisé : 2014 : Les Français du Jour J (90 mn) Sélection Panorama du Documentaire, Pessac 2014 2013 : Le Procès du viol (52 mn) - Prix du Public, Pessac 2013 2012 : On a volé le Maréchal ! (52 mn) Sélection Prix du documentaire, Pessac 2012 2012 : Algérie, nos années Pieds-rouges (90 mn) - Sélection Panorama du Documentaire , Pessac 2012 2011 : Notre ami l’empereur Bokassa Ier (52 mn) 2011 : Le Dernier guillotiné (52 mn) 2010 : L’Affaire Rattaire (52 mn) 2009 : L’Île aux cannibales (75 mn) - Sélection Prix du documentaire, Pessac 2010 JEAN-YVES LE NAOUR Jean Yves Le Naour est historien, spécialiste de la Grande Guerre et de l’histoire du XXe siècle, auteur d’une trentaine d’ouvrages parmi lesquels : Les Soldats de la honte (Perrin, 2011), 1916 : L’enfer (Perrin, 2014), 1915 : l’enlisement (Perrin, 2013), 1914 : la grande illusion (Perrin, 2012), Dictionnaire de la Première Guerre mondiale (Larousse, 2008), Le soldat inconnu vivant (Hachette, 2002). Il est également l’auteur de plusieurs documentaires d’histoire, et a co-réalisé les films Quand la Grande Guerre rend fou (avec Gregory Laville, 2014, 52 mn) et Nos salles obscures (avec Nicolas Levy-Beff, 2012, 52 mn). 148 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - Qui se souvient aujourd’hui que la France à participé au conflit le plus violent et le plus meurtrier de la guerre froide : la guerre de Corée ? C’est cette guerre si violente que ce documentaire se propose de raconter grâce aux témoignages d’anciens combattants français qui se sont prêtés au jeu de la mémoire, une mémoire parfois douloureuse. Le film nous fait entrer dans l’émotion d’une guerre à hauteur d’hommes, dans le quotidien marqué par la neige et le froid, la camaraderie et les durs combats dans lesquels les Français se sont engagés avec gloire et courage aux côtés des soldats américains admiratifs de leur bravoure. Le documentaire s’attache également à contextualiser les grands enjeux stratégiques et géopolitiques de cette guerre méconnue qu’est la guerre de Corée, alternant ainsi l’histoire singulière et la grande Histoire. Le fil rouge narratif entrecroise ce qui se passe sur le terrain, parmi les volontaires du bataillon français, comme ce qui se trame à la Maison Blanche, au Kremlin, à Pékin ou dans l’état-major des grands généraux qui ont orchestré cette guerre. Ce film bénéficie d’images d’archives inédites, notamment celles de l’ECPAD sur le bataillon français, jamais sollicitées jusqu’alors, et celles d’archives personnelles des vétérans français. La guerre de Corée, premier affrontement et plus grande crise de la guerre froide, est un trou noir mémoriel en France. La guerre d’Indochine lui a certainement fait écran, et la défaite de Dien Bien Phu a dissimulé les lauriers du bataillon français de l’ONU. Curieusement, le même oubli prévaut aux États-Unis où la guerre de Corée est effacée par le grand drame du Vietnam. © Kilaohm Productions DOCUMENTAIRES INÉDITS Homeland : Irak année zéro Abbas Fahdel – Irak – 2014 – 352 mn 1ère partie : Before the Fall (2h40) - 2ème partie : After the Battle (2h54) AUTEUR, IMAGE, SON, MONTAGE Abbas Fahdel Abbas Fahdel / Stalker Production DISTRIBUTION Nour Films SORTIE EN SALLES 10 février 2016 PRODUCTION Le quotidien d’une famille irakienne, dans les mois qui précèdent l’intervention américaine de 2003, et à la suite de l’invasion de l’Irak par les soldats américains. Pendant un an et demi, Abbas Fahdel a filmé sa famille, ses amis et proches, saisissant l’atmosphère d’attente d’une population face à la guerre qui s’annonce, et les conséquences immédiates de la chute du régime et des destructions sur la vie des Irakiens. ABBAS FAHDEL Réalisateur, scénariste et critique de cinéma, Abbas Fahdel est né en Irak. Installé en France depuis l’âge de 18 ans, il y étudie le cinéma en suivant notamment les cours d’Éric Rohmer, Jean Rouch et Serge Daney. Auteur coup sur coup de deux documentaires (Retour à Babylone, 2002 et Nous les Irakiens, 2004), en 2008, il termine son premier long métrage de fiction, L’Aube du monde, tourné en Égypte et interprété par Hafsia Herzi et Hiam Abbass. Bagdad, février 2002, premier jour de l’Aïd. Dans une maison, une famille se réveille au son des dessins animés de la télévision irakienne. Même si l’atmosphère semble paisible, certains gestes traduisent une tension. Aux actualités, on diffuse des images de Saddam Hussein recevant ses ministres, refusant de répondre aux accusations américaines sur les « armes de destruction massive ». La guerre est déjà dans les esprits. En prévision de cette guerre, on creuse un puits dans le jardin, luxe que toutes les familles ne pourront pas s’offrir. Sur les vitres, le scotch collé lors de la première guerre de 1991 pour éviter que celles-ci ne volent en éclats n’a pas disparu. Les coupures d’électricité sont fréquentes, il faut aller chercher ses rations alimentaires. Depuis des années, les Irakiens vivent dans un pays privé de ressources, sous embargo. La famille séjourne à Hit, sur les rives de l’Euphrate, où les ponts détruits en 1991 n’ont jamais été reconstruits. Dans les palmeraies, au milieu des vergers et des animaux, loin de la promiscuité de la capitale, les enfants jouent. Fatalistes, ils ne se font pas d’illusions sur l’issue du conflit : « bâtons et cocktails molotov contre avions et missiles ». Bagdad, avril 2003, deux semaines après le début de l’invasion. Saddam Hussein ne tardera pas à être capturé. Partout, des immeubles calcinés, des soldats américains, des pillards irakiens qui font régner la terreur, forçant les habitants à s’armer. Si les Irakiens se réjouissent de la chute d’un Saddam Hussein honni, ils savent que la présence américaine, la désorganisation, la violence qui se développe, n’annonce rien de bon pour leur pays. Les meurtres se multiplient. Et une génération de jeunes Irakiens, qui étaient les « enfants de l’embargo », seront désormais les enfants de la guerre. PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - DOCUMENTAIRES INÉDITS 149 © Thierry Michel. L’Homme qui répare les femmes. La colère d’Hippocrate Thierry Michel – Belgique – 2015 – 112 mn Thierry Michel et Colette Braeckman Thierry Michel, Colette Braeckman, Christine Pireaux IMAGE Michel Téchy, Thierry Michel SON Jean-Luc Fichefet MONTAGE Idriss Gabel MUSIQUE ORIGINALE Michel Duprez, Edo Bumba PRODUCTION Les Films de la Passerelle COPRODUCTION Ryva Productions, RTBF, Public Sénat, Lichtpunt AVEC LE SOUTIEN du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération WallonieBruxelles et de Voo, de Wallonie Image Production, de RTS Radio Télévision Suisse, de TV5 Monde AUTEURS SCÉNARIO THIERRY MICHEL Cinéaste, photographe, enseignant et journaliste, Thierry Michel a notamment réalisé : 2013 : L’Irresistible ascension de Moïse Katumbi (83 mn) - Sélection Prix du film d’histoire - catégorie Documentaire, Pessac 2013 2012 : L’Affaire Chebeya , un crime d’État (60 mn) 2010 : Katanga, la guerre du cuivre (90 mn) 2010 : Métamorphose d’une gare (80 mn) 2009 : Sœur Sourire, les coulisses d’un tournage (52 mn) 2009 : Mines de tracas au Katanga (52 mn) 2009 : Fétiches et Minerais (26 mn) 2009 : Katanga Business (120 mn) 2005 : Congo River (120 mn) 2002 : Iran, sous le voile des apparences (90 mn) 1999 : Mobutu, roi du Zaïre (135 mn) Sélection thématique, Pessac 2010 150 PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - Depuis quinze ans, le docteur Denis Mukwege soigne les femmes et filles violées et blessées en République démocratique du Congo. Dans un pays déstabilisé par deux décennies de conflits, où le viol est devenu une arme de guerre utilisée massivement, il se bat, au péril de sa vie, pour que ces femmes retrouvent un espoir de vie, et que ce pays sorte un jour de cette spirale destructrice... Depuis 1996, à la suite du génocide rwandais et la fuite de miliciens hutus au Congo-Zaïre, la région du sud Kivu a connu un déchaînement de violences et d’atrocités sans précédent. Dans un pays confronté à une lutte armée pour le pouvoir, à l’intrusion de combattants du Rwanda voisin, à la présence constante de milices qui se disputent les richesses du sol, les massacres d’une population sans défense se sont multipliés. Cibles privilégiées, les femmes payent un lourd tribut. Enlevées, séquestrées, violées, mutilées, victimes d’atrocités commises par les différents groupes armés, elles sont aussi souvent exclues de leur communauté, de leurs familles. Ces femmes ou fillettes, Denis Mukwege, gynécologue, a décidé de les aider, de les soigner et de leur redonner un espoir. Dans son hôpital de Tanzi, il enchaîne les opérations, offre une aide juridique. Il essaye aussi de prendre en charge et de reconstruire psychologiquement des femmes dont il loue le courage. Victime d’une tentative d’assassinat en 2012, obligé de s’exiler avec sa famille, il revient finalement, touché par la mobilisation d’associations de femmes congolaises. Fils d’un pasteur, ce médecin courageux se désespère pourtant devant l’ampleur des dégâts causés à la population de son pays, touchant des générations entières de femmes. Denis Mukwege essaye de combattre cette spirale des violences sexuelles en utilisant toutes les voies qui peuvent s’offrir à lui. Il multiplie les discours devant les organisations internationales, l’ONU, les grandes universités. Lauréat du prix Sakharov en 2014, il appelle aussi ses concitoyens à s’emparer de ce problème et à protéger leurs femmes et filles. Mais dans un pays marqué par des années de guerre, désorganisé, livré à l’appétit des multinationales, sans volonté gouvernementale de s’attaquer à ces maux, l’espoir d’un homme cède parfois la place à la colère. DOCUMENTAIRES INÉDITS © illustration Ottavio Coffano / Siècle Productions. Les Marchands d’Hitler Stéphane Bentura – France – 2015 – 62 mn Stéphane Bentura Pierre Chautard SON Fabien Blanchard, Peter Kautzsch MONTAGE Frédéric Fournier, assisté de Bertrand Amiot ILLUSTRATIONS Ottavio Coffano MUSIQUE ORIGINALE Thomas Dappelo PRODUCTION Siècle Productions AVEC LA PARTICIPATION de AB Thématiques pour Toute L’Histoire, de TV5 Monde, de la RTBF, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de France Télévisions AUTEUR IMAGE STÉPHANE BENTURA Diplômé en histoire contemporaine à la Sorbonne et à Sciences-Po Paris, spécialiste de l’URSS, il a travaillé dès 1989 à l’AFP, d’abord comme correspondant en Russie puis à Washington. En 1991, il couvre notamment pour cette agence la libération du président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, enfermé dans sa datcha de Foros en Crimée, lors du putsch d’août 1991. Réalisateur depuis une quinzaine d’années, il se spécialise notamment dans les documentaires et les grands reportages d’investigation. Parmi ses récentes réalisations : 2013 : Saint Tropez, histoire secrète d’un petit port de pêche (61 mn) 2013 : Stress scolaire : l’obsession de l’excellence (75 mn) 2013 : Affaire Armstrong, qui sont les complices ? (52 mn) 2012 : Libye : le blogueur et le dictateur (52 mn) 2011 : Les bio du village (52 mn) 2010 : QI : Histoire d’une imposture (52 mn) 2010 : Mexique : au bord de l’overdose (52 mn) 2009 : Africastups (52 mn) 2008 : Trafic d’art : les nouvelles filières (110 mn) En 2013, on découvre par hasard en Allemagne une très importante collection d’œuvres d’art, acquises pour beaucoup grâce aux nazis. Ce « Trésor de Munich », Cornelius Gurlitt le tenait de son père, Hildebrand, marchand d’art très actif dans l’Allemagne nazie. Enquête sur ces réseaux qui ont organisé la spoliation des œuvres détenues par les Juifs, en Allemagne et en France… À Düsseldorf, en 2014, on enterre Cornelius Gurlitt, un homme très discret, vivant reclus. Quelques mois auparavant, on a découvert chez lui plus d’un millier d’œuvres d’art – peintures, dessins – signées Picasso, Matisse, Renoir, Chagall... Ce trésor, Cornelius le tenait de son père, Hildebrand Gurlitt, important marchand d’art. Mais la légalité de cette collection apparaît rapidement suspecte. Dans l’Allemagne nazie, dès 1933, les mesures contre les populations juives et les confiscations se multiplient. Ceux qui détiennent des œuvres d’art sont contraints de s’en séparer, si elles ne sont pas tout simplement confisquées. Ce qui peut relever de l’art officiel nazi est réparti entre quelques dignitaires du parti. Le reste, les œuvres modernes, expressionnistes, ce que les nazis nomment « l’Art dégénéré », n’est pas détruit, mais revendu pour soutenir l’effort de guerre. Amateur et spécialiste de cet « art dégénéré », Hildebrand Gurlitt semble vite comprendre comment tirer parti de cette situation. En 1939, il fait partie des experts désignés par Goebbels pour orchestrer ces ventes aux enchères, où figurent des Picasso, Mondrian, Kandinsky... experts qui ne manquent pas de se servir au passage. Avec la capitulation française, c’est un nouveau « marché » qui s’ouvre : ventes contraintes, saisies, pillages des appartements des personnes déportées, alimentent un réseau que se partagent dignitaires nazis et marchands sans scrupules. À la fin de la guerre, Hildebrand Gurlitt se replie à Dresde, puis dans un petit village de Bavière, emportant avec lui « sa » collection. Interrogé par les équipes américaines chargées de récupérer les œuvres d’art pillées, les fameux « monument men », il réussit à passer entre les gouttes, affirmant n’avoir jamais profité des spoliations. Dans une Allemagne d’après-guerre marquée par le déni et le mensonge, il expose même ces tableaux, sans être inquiété, avant de mourir en 1956. Aujourd’hui, malgré les preuves accumulées, justice allemande, musées et marchands ne semblent pas toujours disposés à faire toute la lumière sur l’étendue des spoliations. PRIX DU FILM D’HISTOIRE 2015 - DOCUMENTAIRES INÉDITS 151 L’ARMÉE SECRÈTE ARMÉNIENNE Audrey Valtille – France – 2015 – 56 mn PANORAMA 2015 DU DOCUMENTAIRE D’HISTOIRE Audrey Valtille Nathanaël Louvet, Samvel Galstyan MONTAGE Aurélie Charlier MUSIQUE ORIGINALE Jérémy Gravier AUTEURE IMAGE ET SON Agat Films & Cie France 3 Corse ViaStella EN ASSOCIATION AVEC SOFITVCINE 2 AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée PRODUCTION COPRODUCTION Séances à l’auditorium de la Médiathèque Jacques Ellul 10 DOCUMENTAIRES D’HISTOIRE RÉCENTS SÉLECTION : Pierre-Henri DELEAU, délégué général du Festival L’ARMÉE SECRÈTE ARMÉNIENNE d’Audrey Valtille AU NOM DU TEMPLE de Charles Enderlin LE COMBATTANT DE LA PAIX, BENJAMIN FERENCZ de Michaël Prazan DAS REICH, UNE DIVISION SS EN FRANCE de Michaël Prazan LA FRANCE EN GUERRE de Martin Blanchard POULIDOR PREMIER de Patrick Jeudy SHOAH, LES OUBLIÉS DE L’HISTOIRE de Véronique Lagoarde-Ségot UNE JEUNESSE ALLEMANDE de Jean Gabriel Périot LA VENGEANCE DES ARMÉNIENS. LE PROCÈS TEHLIRIAN de Bernard George LES VOIX DE SREBRENICA de Nedim Loncarevic 152 PANORAMA 2015 DU DOCUMENTAIRE En 1975, de jeunes Arméniens de la diaspora installés au Liban décident de créer l’ASALA, l’Armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie. Leur objectif est éminemment politique – forcer le gouvernement turc à reconnaître le génocide arménien et à restituer les terres ancestrales –, mais leurs moyens sont ceux de la lutte armée. Fortement inspirée par le mouvement palestinien tout en renouant avec la tradition révolutionnaire arménienne (le modèle du fedayin), l’ASALA commet 80 attentats à travers le monde, visant le plus souvent des diplomates turcs, mais frappant parfois aveuglément et tuant des innocents. Active jusqu’en 1985, l’ASALA a pourtant permis de remettre l’Arménie au cœur de l’agenda politique international et chaque Arménien s’est alors retrouvé partagé entre la gêne d’être assimilé à ces actions terroristes et le constat de leur efficacité médiatique : depuis 1982, de nombreuses reconnaissances du génocide arménien ont été adoptées à travers le monde. Pourtant aujourd’hui, 100 ans après les faits, l’État turc refuse toujours de considérer les massacres arméniens comme un génocide, quitte à entretenir l’une des plus importantes opérations de négationnisme de l’Histoire. Les anciens membres de l’ASALA, eux, sont toujours épris de justice et continuent leur combat. De manière complètement inédite, ils racontent les racines de leur engagement, et surtout, jusqu’où ils ont accepté d’aller (ou de ne pas aller). Charles Enderlin – France – 2014 – 66 mn Charles Enderlin Audrey Horowitz IMAGE Alon Grego, Hovsep Nalbandian SON Ran Grego, Meni Matok, Naor Lévy MONTAGE Nathalie Rose MUSIQUE ORIGINALE Frédéric Chaslin AUTEUR ASSISTANTE RÉALISATION Zadig Productions AVEC LA PARTICIPATION de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée PRODUCTION Au nom du Temple est le premier film documentaire analysant à l’aide de témoignages exclusifs, l’élan messianique du Sionisme religieux depuis la guerre de juin 1967 et l’occupation par des soldats juifs du Mont où se dressait le Temple, le lieu saint du judaïsme détruit par les Romains 2000 ans plus tôt. Pour les rabbins nationalistes, c’était la confirmation de leur vision : le sionisme est annonciateur de la rédemption. Au nom de la conquête de ce qui est pour eux la Terre d’Israël, ils ont envoyé leurs disciples coloniser la Cisjordanie et Gaza. Combattant toutes les initiatives de paix, ils préparent, désormais, la construction d’un nouveau Temple juif à la place d’al Aqsa, les saintes mosquées, le troisième lieu saint de l’Islam. LE COMBATTANT DE LA PAIX, BENJAMIN FERENCZ Michaël Prazan – France – 2015 – 30 mn Michaël Prazan – sur une idée de Noël Mamère IMAGE Stanley Staniski SON Ray Rifice, Robert Sullivan MONTAGE Yvan Gaillard MUSIQUE ORIGINALE Stéphane Haeri AUTEUR Kuiv Productions de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, de la Procirep – Société des Producteurs, de l’ANGOA, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée PRODUCTION AVEC LA PARTICIPATION Le plus jeune procureur en charge de juger les criminels nazis à Nuremberg s’appelle Benjamin Ferencz. Chargé de collecter la documentation nazie qui sera utilisée comme preuves à charge par le Tribunal militaire pénal international, il découvre les rapports des Einsatzgruppen, ces « commandos mobiles de tuerie » qui ont exécuté plus de 1 million de juifs sur le front de l’est à partir de juin 1941. Infatigable combattant de la paix, Benjamin Ferencz consacrera ensuite sa vie à la justice internationale. Son but : créer un tribunal permanent inspiré par celui de Nuremberg, chapeauté par l’ONU, et qui sera chargé de juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide. C’est grâce à son action que seront créés à La Haye, en 1993, le Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie, puis en 1994, le Tribunal pénal international pour le Rwanda. La Cour pénale internationale créée en 2002 est la consécration d’une vie : « ce qui rend cette cour si unique est son objectif premier qui est de prévenir les crimes avant qu’ils ne soient commis, en faisant savoir par avance aux criminels potentiels qu’ils seront appelés à rendre des comptes devant une Cour pénale internationale » déclare-t-il lors du réquisitoire qu’il prononce au premier procès de la CPI en 2009 qui juge le criminel congolais Patrice Lubanga. À travers le récit des progrès réalisés par la justice internationale depuis la Seconde Guerre mondiale se dessine le portrait sensible d’un homme hors du commun, et toujours méconnu. DAS REICH, UNE DIVISION SS EN FRANCE Michaël Prazan – France – 2015 – 90 mn AUTEURS Prazan Christiane Ratiney et Michaël Laurent Chalet Roger Dupuis MONTAGE Yvan Gaillard MUSIQUE ORIGINALE Stéphan Haéri IMAGES COMPLÉMENTAIRES MONTAGE SON Nilaya Productions de ARTE France, de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, du Ministère de la Défense – Secrétariat général pour l’administration, Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, de la Procirep – Société des Producteurs et de l’ANGOA PRODUCTION AVEC LA PARTICIPATION © 17 Mars. AU NOM DU TEMPLE Le 6 juin 1944, alors que le Débarquement débute sur les plages normandes, Hitler comprend qu’il a besoin de renforts. Le leader nazi fait appel à la division blindée SS Das Reich, une unité d’élite basée à Montauban. Quinze mille hommes prennent alors la route avec une double mission : rejoindre au plus vite la Normandie et nettoyer les maquis français des résistants qui ne manqueront pas de s’interposer. Cette unité d’élite, composée de jeunes engagés – dont des Alsaciens – et de vétérans rompus aux méthodes punitives, va multiplier les atrocités, notamment un meurtre de masse à Tulle (98 hommes choisis au hasard et pendus à des balcons ou à des réverbères) puis, plus effroyable encore, le massacre de la population d’Oradour-sur-Glane (642 morts). Soixante-dix ans après, l’histoire retient aussi que la plupart des bourreaux ont été amnistiés ou jamais inquiétés. PANORAMA 2015 DU DOCUMENTAIRE 153 LA FRANCE EN GUERRE POULIDOR PREMIER Martin Blanchard – France – 2015 – 73 mn Patrick Jeudy – France – 2015 – 93 mn Jean-Christophe Notin et Martin Blanchard IMAGE Olivier Raffet, Emmanuelle Collinot, Nicolas Eprendre, Soumaïla Ouedraogo SON Nicolas Schlomoff, Baptiste Charvet, Théo Caradec, Adama Salia Diarra MONTAGE Chantal Le Baron MUSIQUE ORIGINALE Baptiste Charvet AUTEUR Kuiv Productions de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, du ministère de la Défense – Secrétariat général pour l’administration, Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives PRODUCTION AVEC LA PARTICIPATION L’Opération Serval début officiellement le 11 janvier 2013 par un coup de tonnerre : Le Président de la République annonce que des troupes françaises ont été déployées au Mali. S’ensuit une guerre éclair, un rezzou victorieux qui verra les troupes françaises et tchadiennes libérer le nord du Mali des djihadistes. Des images de foules en liesse accueillant les soldats français en libérateurs, des combats loin des caméras au cœur d’un désert hostile, une opération relativement consensuelle, qui a évité le piège de l’enlisement afghan, c’est a priori la trace que laissera Serval. Première guerre contre le terrorisme menée par la France en Afrique, Serval constitue à ce titre un tournant capital dans la gestion des conflits, mais n’est bien que la première opération spectaculaire d’une série d’autres destinées pour la France à lutter contre l’expansion djihadiste en Afrique, avec ses effets de contagion sur le territoire européen. La France en guerre propose une plongée dans les coulisses du lancement de l’Opération Serval, au plus près des opérations des forces spéciales, mais aussi un accès inédit au cœur du pouvoir français, de sa chaîne de décision. La guerre offre en effet aux politiques un exercice rare : celui de voir leurs ordres avoir des répercussions quasi directes sur le terrain. Un exercice qui peut être grisant, au risque d’oublier que la seule solution ne peut être que militaire. Serval n’a en rien résolu la crise de gouvernance malienne, la question touareg. 154 PANORAMA 2015 DU DOCUMENTAIRE Véronique Lagoarde-Ségot – France – 2015 – 52 mn Patrick Jeudy Christine Marier MUSIQUE ORIGINALE Hélène Blazy MONTAGE PRODUCTION et Balises Véronique Lagoarde-Ségot de Valérie Pozner et Alexandre Sumpf SON Amélie Canini MONTAGE Véronique Lagoarde-Ségot MUSIQUE ORIGINALE Marc-Olivier Dupin AUTEURE Compagnie des Phares COPRODUCTION D’APRÈS UNE IDÉE ORIGINALE INA de RTS, de TV5 Monde, de France Télévisions AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de la Procirep – Société des producteurs, de l’ANGOA AVEC LA PARTICIPATION Mélisande films ARTE France AVEC LA PARTICIPATION de Histoire, de la SRC-RDI AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de la Procirep – Société des producteurs, de l’ANGOA PRODUCTION COPRODUCTION Qui ne connaît pas Raymond Poulidor ? Ce champion intègre et attachant, fils d’agriculteur aux plaisirs simples, a figuré parmi les plus grands cyclistes du monde pendant presque deux décennies sans remporter une seule fois le Tour de France ! Tout a concouru à l’empêcher de gagner : coups du sort, rivalité étouffante avec Jacques Anquetil ou l’apparition d’un nouveau champion, comme Eddy Mercks lors du Tour 1969. Ses défaites l’ont paradoxalement fait entrer dans la légende. En effet, s’il y a un terrain sur lequel « Poupou » devançait largement ses adversaires, c’est bien celui de l’amour du public, toujours palpable quarante ans après. © Pressesport. AUTEURS SHOAH, LES OUBLIÉS DE L’HISTOIRE Les archives Soviétiques abritent l’unique mémoire filmique de l’Holocauste. Au lendemain de l’invasion allemande, les Soviétiques décident d’utiliser leur savoir-faire et d’imprimer sur pellicule la redoutable machinerie d’extermination de l’ennemi. Pour cet État totalitaire en guerre, la propagande est essentielle. L’image devient une arme de persuasion efficace dans l’engagement à la grande guerre patriotique. Le cinéma se fait drapeau. Pris dans le prisme de la propagande, les films, les documentaires et les actualités constituent la matière « d’une autre histoire que l’Histoire », il faudra donc retourner dans les rushs. Emboîter notre regard de spectateur dans celui de l’opérateur qui a pris ces images, étudier le montage. Mais dans cette stratégie de guerre par l’image, un trou noir est créé : l’identité des victimes. Les juifs sont oubliés. Les autorités s’emploient à promouvoir un nouveau mythe fondateur de la citoyenneté soviétique, celui de la « grande guerre patriotique », qui n’aurait pas pu acquérir la même force de persuasion si l’extermination des juifs avait fait l’objet d’un traitement séparé. Ces images mises en regard avec les images allemandes, nous ouvrent à une vision de la Shoah à l’est, inédite jusqu’à présent. UNE JEUNESSE ALLEMANDE LA VENGEANCE DES ARMÉNIENS. LE PROCÈS TEHLIRIAN Jean-Gabriel Périot – France – 2015 – 93 mn Jean-Gabriel Périot Anne Paschetta, Pierre Hodgson, Nicole Brenez et Anne Steiner IMAGE Thierry Beaumel MONTAGE SON Étienne Curchod ASSISTANTS MONTAGE Avril Besson, MonaLise Lanfant MUSIQUE ORIGINALE Alan Mumenthaler SCÉNARIO ET MONTAGE COLLABORATION À L’ÉCRITURE AUTEURS Laurence Chassin et Bernard George IMAGE Jean-Louis Laforêt, Serge Dell’Amico SON Florent Ravalec MONTAGE Pierre-Joseph Licidé MUSIQUE ORIGINALE Roberto Baccherini PRODUCTION Cinétévé ARTE France, CNRS Images AVEC LA PARTICIPATION de RSI, du Centre National du Cinéma et de l’Image animée AVEC LE SOUTIEN de la Procirep – Société des Producteurs, de l’ANGOA, de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, de la Région ProvenceAlpes-Côte d’Azur PRODUCTION Local Films DISTRIBUTION UFO Distribution COPRODUCTION © W-film Distribution / Local Films. La Fraction Armée Rouge (RAF), organisation terroriste d’extrême gauche, également surnommée « la bande à Baader » ou « groupe Baader-Meinhof », opère en Allemagne dans les années 70. Ses membres, qui croient en la force de l’image, expriment pourtant d’abord leur militantisme dans des actions artistiques, médiatiques et cinématographiques. Mais devant l’échec de leur portée, ils se radicalisent dans une lutte armée, jusqu’à commettre des attentats meurtriers qui contribueront au climat de violence sociale et politique durant « les années de plomb ». Nedim Loncarevic – France – 2015 – 52 mn Bernard George – France – 2014 – 52 mn AUTEURS PRODUCTION LES VOIX DE SREBRENICA Le 15 mars 1921, Talaat Pacha, ancien chef du gouvernement turc en exil à Berlin, est abattu en pleine rue par Soghomon Tehlirian, un jeune Arménien. « J’ai tué un homme, mais je ne suis pas un meurtrier… » Lors de son procès devant la justice allemande, quelques mois plus tard, l’assassin se pose en victime et renverse la situation. Il conduit le tribunal à s’interroger sur la culpabilité de Talaat Pacha dans les massacres des Arméniens de 1915. Au terme d’un procès expédié en seulement deux journées, il est acquitté. Ce procès incroyable remet en lumière le génocide et offre une tribune à la cause arménienne. Appelés à la barre, des rescapés témoignent en détail des déportations et des massacres auxquels ils ont survécu, révélant toute l’ampleur du système d’extermination du gouvernement Jeune-Turc. En s’appuyant sur les minutes du procès, le film restitue toute l’ambiguïté entourant l’affaire. Il montre comment le sentiment d’injustice a poussé des hommes à venger leur peuple… Car Soghomon Tehlirian n’a pas agi seul et sans plan d’action. Il est le premier des vengeurs de l’opération Némésis qui a perpétré entre 1921 et 1922 les assassinats de cinq autres dignitaires turcs. À l’heure des commémorations du centenaire du génocide arménien, le film explore les ressorts du premier crime contre l’humanité du XXe siècle, et pose la question de sa reconnaissance internationale, qui fait encore débat un siècle après les faits. Nedim Loncarevic et FrançoisXavier Destors IMAGE Nedim Loncarevic SON Frederique Dhavernas MONTAGE Cécile Fernandez MUSIQUE ORIGINALE Adnan Dado Musanovic 13 Productions France Télévisions AVEC LA PARTICIPATION de BHT1 AVEC LE SOUTIEN du Centre National du Cinéma et de l’Image animée, de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la Procirep – Société des Producteurs et de l’ANGOA COPRODUCTION Il est presque 14 heures, ce jour du 11 juillet 1995. Le drapeau serbe flotte à l’entrée de Srebrenica. La ville bosniaque, pourtant protégée par l’ONU, est tombée aux mains des armées serbes. La communauté internationale ne réagit pas. En quelques jours, dans cette région de Bosnie, est perpétré le plus grand massacre qu’ait connu l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Plus de 8000 hommes, lancés dans une course contre la mort à travers les montagnes, vont être capturés et massacrés. 30 000 autres, vieillards, femmes et enfants seront déportés avec l’aide des Casques bleus. Symbole de la guerre de purification ethnique, le martyr de Srebrenica a plusieurs fois été raconté, mais en partie seulement. Vingt ans après, grâce à des archives inédites et de nouveaux témoignages, Les Voix de Srebrenica raconte l’histoire d’une faillite collective qui nous concerne tous. PANORAMA 2015 DU DOCUMENTAIRE 155 PROGRAMME PÉDAGOGIQUE CLASSES PASSEPORT Les classes passeport rencontrent un vif succès - plus d’une centaine de classes d’écoles, de collèges et de lycées passeront une journée sur le festival. Ils assisteront à la projection de deux films, visiteront les expositions et rencontreront soit un professionnel du cinéma, soit un historien spécialiste de la thématique ou un journaliste. Grandir au Proche-Orient — Primaire et collège Wadjda de Haïfa Al Mansour et Où est la maison de mon ami ? d’Abbas Kiarostami. : Mario Castelli, Marie-Annick Cluzan, enseignants, Nathalie Vard, conseillère pédagogique en arts visuels. INTERVENANTS L’Égypte antique racontée par Hollywood — Collège et lycée Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz. INTERVENANT Nouvelle. Les Femmes du bus 678 de Mohamed Diab : Claude Aziza, professeur honoraire à la Sorbonne La décennie qui ébranla le Proche-Orient — Collège et lycée Lawrence d’Arabie de David Lean. INTERVENANTS EDITO Guerre civile en Syrie, conflit israélo-palestinien, suite des révolutions arabes, tensions en Iran, en Turquie, entre communautés religieuses, centenaire du génocide arménien… Rarement le thème de notre Festival, choisi en novembre 2014, aura autant été au cœur d’une actualité si brûlante. Tous les sujets cités concentrent l’attention des médias, des politiques et de l’opinion, mais sont bien trop souvent reçus avec un déficit de connaissances et un surcroît de préjugés. Cette 26e édition revêt donc un enjeu particulièrement crucial dans la formation historique, civique et culturelle des élèves. Nous avons veillé, quand cela était possible d’un point de vue cinématographique, à offrir une longue perspective historique : de l’antiquité égyptienne (Cléopâtre) au génocide arménien (Génocide arménien : le spectre de 1915) en passant par les relations entre juifs et musulmans (Juifs et musulmans, si loin si proches) et le conflit israélo-palestinien (The Gatekeepers, Le Temps qu’il reste). La majorité des sujets et des titres proposés sont néanmoins contemporains, traitant à la fois de questions de société (la place des femmes notamment, la censure artistique), de religion (Iranien), adoptant à plusieurs reprises le point de vue des enfants (Où est la maison de mon ami ?, Wadjda) ou de la jeunesse (Les Chats persans, Hors-jeu). Face à ces sujets complexes et délicats, nous avons pris le parti d’une sélection aux styles et aux genres variés bâtis sur des narrations solides et accessibles, du classique à grand spectacle (Lawrence d’Arabie) au film d’animation Art et Essai (Persepolis, Valse avec Bachir), du documentaire (La Vierge, les Coptes et moi, Tahrir) aux chefs-d’œuvre des cinéastes du Proche-Orient de renommée internationale tels que Asghar Farhadi, Abbas Kiarostami, Jafar Panahi, Elia Suleiman, en passant par la production hollywoodienne qui a su allier efficacité et regard critique (Green Zone). François Aymé, commissaire général du Festival 156 : Patrick Richet, enseignant honoraire d’histoire. Religion et révolution : filmer l’Égypte d’aujourd’hui — Lycée Tahrir, place de la révolution de Stefano Savona et La Vierge, les Coptes et moi de Namir Abdel Messeeh. : Jean-Philippe Cimetière, professeur de lettres modernes et Jean Laurenti, documentaliste, auteur, professeur de cinéma. INTERVENANTS La jeunesse face aux révolutions iranniennes — Lycée Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud et Les Chats persans de Bahman Ghobadi. : Edith Yildizoglu, professeure documentaliste et Assal Bagheri, sémiologue et spécialiste du cinéma iranien. INTERVENANTS Juifs et musulmans, si loin si proches — Collège et Lycée Juifs et musulmans, si loin si proches de Karim Miske et Jaffa de Keren Yedaya. : Jean-Michel Gaillard, professeur honoraire d’histoire-géographie. INTERVENANTS Israël-Palestine : histoires croisées — Lycée Le Temps qu’il reste d’Elia Suleiman et The Gatekeepers de Drorh Moreh . : Virginie Courrèges, professeure de lettres, coordinatrice de « Collège au cinéma », Eli Barnavi, historien et ex-ambassadeur d’Israël en France, Charles Enderlin, grand reporter, correspondant de France en Israël depuis 1981. INTERVENANTS La guerre d’Irak vue par Hollywood — Collège et Lycée Green Zone de Paul Greengrass et Dans la Vallée d’Elah de Paul Haggis. INTERVENANTS : Martial Durand, professeur d’histoire-géographie. Femmes arabes en lutte — Collège et Lycée Les Femmes du bus 678 de Mohamed Diab et La Révolution des femmes. Un siècle de féminisme arabe de Feriel Ben Mahmoud. : Michèle Hédin, administratrice du Cinéma Jean Eustache et du FIFH, Feriel Ben Mahmoud, réalisatrice et Leïla Dakhli, chercheure au CNRS.. INTERVENANTS PROGRAMME PÉDAGOGIQUE CLASSES CITOYENNES LA DÉCENTRALISATION Projection d’un film sur le thème, suivi d’une conférence par une personnalité sensible aux questions de citoyenneté. Cette année encore, le festival propose des séances dans toute l’Aquitaine et permet ainsi aux élèves éloignés de Pessac de profiter de la programmation et de rencontrer à l’issue de la séance un intervenant sur la thématique. L’édition 2015 investira donc les 17 villes suivantes : Bergerac (24), Périgueux (24), Andernos-les-Bains (33), Bazas (33), Blanquefort (33), Blaye (33), Cadillac (33), Coutras (33), Créon (33), Gujan-Mestras (33), Pauillac (33), Biscarrosse (40), Aiguillon (47), Marmande (47), Monsempron-Libos (47), Agen (47), Bayonne (64). La place des filles dans la société saoudienne — Primaire et collège Wadjda d’Haïfa Al Mansour. : Marie-Annick Cluzan, Mario Castelli, enseignants, Nathalie Vard, conseillère pédagogique en arts visuels. INTERVENANT Le conflit israélo-palestinien vu par les enfants — Collège et lycée Promesses de Justine Shapiro, B. Z. Goldberg et Carlos Bolado. INTERVENANTS : Patrick Richet, enseignant honoraire d’histoire. Les enfants dans la guerre — Collège et lycée Syrie, enfants en guerre de Yuri Maldavsky. : Jean-Jacques Issouli, professeur de lettres et d’histoire de l’art et Yuri Maldavsky, réalisateur. INTERVENANTS L’étranger, entre fantasme et réalité — Lycée Derrière la colline d’Emin Alper. : Jean-François Cazeaux, responsable cinéma au Rectorat de l’Académie de Bordeaux et Sandra Mourad, professeure de lettres et chargée de mission en cinéma au rectorat. INTERVENANTS CLASSES HISTOIRE ET MÉMOIRE Le conflit au Liban : mémoire et traumatisme Valse avec Bachir d’Ari Folman. : Cathy Rousset, professeure de lettres classiques et Yann Bouyrat, docteur en histoire et chercheur au Centre d’études des mondes moderne et contemporain. INTERVENANTS Le génocide arménien Génocide arménien, le spectre de 1915 de Nicolas Jallot. : Christian Salles, professeur d’histoire-géographie et d’histoire de l’art et Michel Marian, maître de conférences à l’IEP de Paris et Nicolas Jallot, réalisateur. INTERVENANTS CLASSES CINÉMA Cinéma et société en Iran — Lycée Une séparation de Asghar Farhadi et Hors jeu de Jafar Panahi. : Élisabeth Rhodas, professeure d’allemand et de cinéma et Mamad Haghighat, cinéaste et critique. INTERVENANTS CLASSES PHILO Rhétorique, laïcité et religion — Terminale Iranien de Mehran Tamadon. INTERVENANTS : Dominique Jobard, professeure de philosophie. SÉANCE DÉCOUVERTE Contes persans en papiers et tissus — Maternelle et primaire Les contes de la Mère Poule de V. Fard-e-Moghadam, F. Torabi, M.A. Sarkani INTERVENANTS visuels. : Nathalie Vard, conseillère pédagogique en arts LES DOSSIERS 19 dossiers pédagogiques ou documentaires sont proposés sur les différents dispositifs du programme pédagogique. Ils sont consultables au bureau du Festival. Les dossiers pédagogiques ont été préparés cette année par : Mario Castelli, Marie-Annick Cluzan, Jean-François Cazeaux, Jean-Philippe Cimetière, Virginie Courrèges, Martial Durand, Jean-Michel Gaillard, Dominique Jobard, Catherine Lafon-Tallet, Jean Laurenti, Sandra Mourad, Patrick Richet, Élisabeth Rhodas, Cathy Rousset, Nathalie Vard, Edith Yildizoglu, Claude Aziza, Christian Salles, Michèle Hédin et Jean-Jacques Issouli. Un grand merci au groupe pédagogique qui établit la programmation, développe les dispositifs, rédige les dossiers pédagogiques du festival et intervient auprès des élèves. LE GROUPE PÉDAGOGIQUE François Aymé, commissaire général du Festival, Boris Barbiéri, chargé d’édition et rédacteur du catalogue du Festival, Michèle Hédin, membre du conseil d’administration du cinéma et du Festival, Mario Castelli, enseignant, Marie-Annick Cluzan, enseignant, Jean-François Cazeaux, responsable cinéma au Rectorat de l’Académie de Bordeaux, Jean-Philippe Cimetière, professeur de lettres modernes, Virginie Courrèges, professeure de lettres, coordinatrice de « Collège au cinéma », Martial Durand, professeur d’histoire-géographie, Frédéric Fièvre, professeur d’histoire-géographie, Anne-Claire Gascoin, chargée du jeune public au cinéma Jean Eustache, Jean-Michel Gaillard, professeur honoraire d’histoire-géographie, Dominique Jobard, professeure de philosophie, Catherine Lafon-Tallet, conseillère pédagogique circonscription de Pessac, Jean Laurenti, documentaliste, écrivain, professeur de cinéma, Sandra Mourad, professeure de lettres, chargée de mission en cinéma au rectorat de Bordeaux, Julia Pereira, chargée de mission sur la programmation et le protocole au Festival, détachée sur la mission scolaire, Sylvie Perpignan, professeure d’histoire-géographie, Patrick Richet, enseignant honoraire d’histoire, Élisabeth Rhodas, professeure d’allemand et de cinéma, Cathy Rousset, professeure de lettres classiques, Nathalie Vard, conseillère pédagogique en arts visuels, Edith Yildizoglu, professeure documentaliste, Christian Salles, professeur d’histoire-géographie et d’histoire de l’art, Jean-Jacques Issouli, professeur de lettres et d’histoire de l’art. A côté des membres du groupe pédagogique, interviendront également sur les séances décentralisées : Florence Beaulieu, conseillère pédagogique en arts visuels, coordonnatrice Ecole et Cinéma, Romain Bondonneau, professeur de cinéma, Alain Charlier, professeur d’histoire Préparation et coordination du programme pédagogique : Julia Pereira, Frédérique Ballion, Françoise Alaerts. Nous remercions l’équipe du cinéma Jean Eustache, Esther Cuenot (Association des cinémas de proximité en Aquitaine) et Vanessa Tribes (Association des cinémas de proximité en Gironde). Grâce au soutien de l’association des Cinémas de proximité de la Gironde, de l’association des Cinémas de proximité en Aquitaine, du Conseil régional d’Aquitaine, du Conseil général de la Gironde, de l’Action culturelle du Rectorat de Bordeaux, du CDDP de la Gironde, de l’Inspection académique et de la Ville de Pessac. Contes des Mille et Une Nuits — Primaire Le Voleur de Bagdad de Ludwig Berger, Michael Powell et Tim Whelan. : Catherine Lafon-Tallet, conseillère pédagogique, circonscription de Pessac et Nathalie Vard, conseillère pédagogique en arts visuels. INTERVENANTS Le Prix Bernard-Landier du jury lycéen (catégorie documentaires inédits) 9 lycéens se prêtent à l’exercice de jurés, le temps d’une compétition, celle du Prix du film d’histoire, catégorie documentaire. Ils sont encadrés dans leur réflexion, leur analyse, et leurs délibérations par Frédéric Fièvre, enseignant, membre du groupe pédagogique. Ce jury sera présidé par Guy Séligmann, écrivain et cinéaste. Présentation du jury page 19. Valse avec Bachir d’Ari Folman 157 158 PARTENAIRES * * * * * * * * * A consommer avec modération. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. PARTENAIRES 159 REMERCIEMENTS GÉNÉRIQUE Le 26e Festival international du film d’histoire est réalisé grâce au soutien de Ville de Pessac, Bordeaux Métropole, Département de la Gironde, Conseil Régional d’Aquitaine, Centre National du Cinéma et de l’Image Animée, Ministère de la Culture et de la Communication, Ministère de la Défense - Secrétariat Général pour l’Administration - Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives, Rectorat de Bordeaux, Caisse des Dépôts et Consignations, Audiens ASSOCIATION DU FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM D’HISTOIRE Président d’honneur Jean-Noël Jeanneney Président Alain Rousset Vice-président Jean Labib Secrétaire général Claude Aziza Trésorier Allain Glykos avec la participation de ARTE actions culturelles, France Télévisions, France 3 Aquitaine, France 5, France Culture, France Bleu Gironde, FIP, L’Histoire, La Croix, Sud Ouest, Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie, Café économique de Pessac, Canopé, Central Dupon Images, Cinéma Jean-Eustache, Cinémas de proximité de la Gironde, Cinémas de proximité en Aquitaine, Collectif Pessac SSI, ECPAD, IJBA, INA, Les Amis du Monde diplomatique, Librairie Encre Blanche, Librairie Mollat, Lycée Pape-Clément, Médiathèque Jacques-Ellul, SCAM, Sciences-Po Bordeaux, Université de Bordeaux, Université Bordeaux Montaigne et avec le soutien de Air France, Aquitanis, Château Pape Clément, Château Smith Haut Lafitte, CIJA, Cofely Services-GDF Suez, Crédit Mutuel du Sud-Ouest, Dév Conseils, Domaine Clarence Dillon : Château Haut-Brion et Château La Mission Haut-Brion, Domofrance, éditions Cambourakis, Galerie Arts & Regards, Gaz de Bordeaux, Géant Casino Pessac, Groupe Arom Traiteur, Holiday Inn, iConcept, La Maison de la Syrie, Peugeot SIASO Bordeaux, PROCIREP Société des Producteurs, SNCF, Syndicat Viticole de Pessac-Léognan, TBC - tram et bus de Bordeaux Métropole, Thales, Triaxe, Vignobles Michel Gonet : Château Haut Bacalan et Château Haut-L’Evêque, Vignobles André Lurton : Château La Louvière, Château Coucheroy, Château Couhins-Lurton Nous tenons à remercier toutes les personnes et organismes qui nous ont aidés à construire cette 26e édition, et notamment Association La Fraternité et M. Le Roy, Bruno Konrad, Lycée Pape-Clément et Jean-Michel Martinez, Hélène Lamberty et Élisabeth Lajoie, Maison de l’Aquitaine à Paris, librairie Encre blanche à Pessac et Bertrand Frouin, Paroisse Saint-Martin, Sud Ouest Publicité ainsi que l’ensemble des services de la ville de Pessac. Les services Communication de la Ville de Pessac, de Bordeaux Métropole et du Conseil Régional d’Aquitaine Les cinémas participant à la décentralisation Le Grand Écran Cyrano - Bergerac (24), Cap Cinéma - Périgueux (24), Le Rex - Andernos-les-Bains (33), Le Vog - Bazas (33), Les Colonnes Blanquefort (33), Le Zoetrope - Blaye (33), Le Lux - Cadillac (33), L’Espace culturel Maurice Druon - Coutras (33), Le Cinemax Linder Créon (33), Le Gérard-Philipe - Gujan-Mestras (33), L’Eden - Pauillac (33), Le Renoir - Biscarrosse (40), Les Montreurs d’Images - Agen (47), Le Confluent - Aiguillon (47), Le Plaza - Marmande (47), Le Liberty Monsempron-Libos (47), L’Atalante - Bayonne (64). Les intervenants du programme pédagogique, les rédacteurs des dossiers et l’ensemble du groupe pédagogique du Festival sans oublier Triaxe, Jean Pascal Judalet et son équipe Imprimerie BLF et Florence Duprat Antonin Dubuisson et Allain Glykos Virginie Franceschinis Philippe Roure Jérôme Lopez Urbs CATALOGUE DU FESTIVAL Directeur de publication François Aymé Secrétaire de rédaction Boris Barbiéri Conception graphique Philippe Roure Documentation et rédaction : - programmation thématique Boris Barbiéri - compétitions documentaires Bruno Scheurer - débats, compétition fiction, expositions Kevin Dutot - débats L’Histoire Claire Wallet - séances spéciales Julia Pereira - invités et jurys Marie-Laure Sagardiluz - programme pédagogique Frédérique Ballion et Françoise DurieuxAlaerts 160 Membres Anne-Marie Cocula (professeur émérite à l’université Bordeaux Montaigne), Marcel Desvergne (ancien président d’Aquitaine Europe Communication), Isabelle Dulaurens (adjointe déléguée à la culture de la ville de Pessac), Jean-Marie Dupont (ancien président de Biarritz Festivals), Alexandre Fernandez (professeur d’histoire contemporaine à l’université Bordeaux Montaigne), Valérie Hannin (directrice de la rédaction et rédactrice en chef de la revue L’Histoire), Michèle Hédin (membre du groupe pédagogique du Festival), Stéphane Khémis (fondateur de la revue L’Histoire), Danielle Le Roy (ancienne adjointe déléguée à la culture de la ville de Pessac), Séverine Nikel (Directrice des Sciences humaines aux éditions du Seuil), Pierre Pommier (réalisateur, auteur), Jean Rozat (ancien directeur général d’ARTE), Jean-Marie Tixier (président de l’association du Cinéma Jean Eustache), Thomas Wieder (rédacteur en chef au journal Le Monde), Michel Winock (historien et membre fondateur de la revue L’Histoire). Délégué général Pierre-Henri Deleau Catégorie Fiction : Présidente du jury du Prix du Film d’histoire de Pessac 2015 Chahdortt Djavann Président du jury étudiant Laurent Heynemann Catégorie Documentaires inédits : Président du jury du Prix du Film d’histoire de Pessac 2015 Yuri Maldavsky Président du jury lycéen Guy Seligmann Président du jury des jeunes journalistes IJBA Hugues Le Paige Panorama du Documentaire 2015 : Président du jury du Prix de la Ville de Pessac Karel Prokop ORGANISATION Association du Festival international du film d’histoire Commissaire général et sélection du Prix du film d’histoire - catégorie Fiction François Aymé Adjointe au Commissaire général Julia Pereira Organisation générale Bruno Scheurer Coordination des débats et de l’exposition « Syian eyes of the world » Kevin Dutot Régie générale : François Daguisé, assisté de Pauline Rouchaléou Relations invités Marie-Laure Sagardiluz, assistée de Mirentxu Epherre-Iriart Mission scolaire et décentralisation Frédérique Ballion, Françoise Durieux-Alaerts, Julia Pereira, Anne-Charlotte Girault Relations presse, site internet et communication Julie Fauchie Documents de communication, créations graphiques Boris Barbiéri Relations publiques Anne-Marie Recurt et Julia Pereira, assistées de Chloé Versini Responsable « Beyrouth Café 3ème étage » Kevin Dutot, assisté de Violette Aymé, Clémence Debizet et Tom Peltriaux Logistique chauffeurs Isabelle Pauly et Flora Couhault Stagiaire Victor Courgeon Accueil des groupes scolaires Mélissandre Cazanobe, Laurie Durand, Stéphanie Gariteau, Cathy Onno, Mayara Siridiwe Rencontres d’histoire et cahier histoire du catalogue Valérie Hannin (directrice de la rédaction et rédactrice en chef de la revue L’Histoire), Olivier Thomas, Claire Wallet Photographe Alain Birocheau CINÉMA JEAN-EUSTACHE François Aymé, Nicolas Milesi, Valérie Galin-Chené, Anne-Claire Gascoin, Audrey Pailhes, Raphaëlle Ringeade Caisse, accueil Agnieszka Bogaczyk, Victor Courgeon, Rosita Coustes, Nadia Hadouch, Zane Lukina, Vanessa Petitjean, Madenn Preti, Emeline Roche, Sébastien Visor Graphisme Jérôme Lopez Responsables hall du cinéma Marie Castagné et Jean Le Maître Opérateurs projectionnistes Nathalie Cazenave, Nicolas Gardien, Aurélie Lavergne, Lucas Perrinet, Séverine Valentin, Eric Altenburger Merci à Joanna Visor, Marie-Anne Boutet, Nelly Degueil Association des cinémas de proximité de la Gironde Cathy Gery et Vanessa Tribes Association des cinémas de proximité en Aquitaine Rafaël Maestro et Esther Cuenot INDEX DES FILMS 8 jours 77 Les 112 jours de Khomeyni en France 92 1961, la route de l’égalité 138 A Perfect Day 109 A Perfect Day (un jour comme un autre) 126 A Place for Everyone 139 À propos d’Elly 90 A World Not Ours 111 Adieu Bonaparte 73 Ajami 103 Alias Maria 127 L’Armée secrète arménienne 152 L’Assassinat de Jean de Broglie, une affaire d’État 140 Au nom du temple 153 Au revoir 91 L’Autre 74 Le Ballon blanc 84 Les Barons Empain. La dynastie fracassée 141 La Bataille de Florange 142 La Bataille du charbon 1944-1948 143 Beaufort 97 Caramel 110 Le Cercle 86 Le Cerf-volant 109 Le Chaos 76 Les Chats persans 90 Les Chebabs de Yarmouk 114 Les Chevaliers blancs 128 Les Citronniers 98 Clemenceau 9 Cléopâtre 71 Le Combattant de la paix, Benjamin Ferencz 153 Le Cycle 83 Daech : naissance d’un État terroriste 81 Dan et Aaron 101 Das Reich, une division SS en France 153 Le Dernier Jour de Ytzhak Rabin 129 Désengagement 98 Le Destin 73 Deux Anges 86 Dol ou la vallée des tambours 79 Le Dossier Petrov 130 Dunia 75 Eau argentée 114 Elizabeth II, la révolution d’une reine 5 Les Enfants de Belle Ville 87 Entre deux mai 1968-1981 – Les artistes et la politique 144 Et le bal continue 145 Et maintenant, on va où ? 110 INDEX DES FILMS Étoiles de jour 112 Le Facteur 83 Les Femmes de la Libération 146 Les Femmes du bus 678 77 Femmes du Caire 76 La Fête du feu 89 La Fiancée syrienne 113 La Fin des Ottomans 7 La France en geurre 154 François Mitterrand, que reste-t-il de nos amours ? 147 Fritz Bauer, un héros allemand 131 Gare centrale 70 The Gatekeepers 105 Génocide arménien, le spectre de 1915 121 Le Goût de la cerise 85 La Guerre de Corée, les volontaires français oubliés 148 Homeland. Irak année zéro 149 L’Homme qui répare les femmes – La colère d’Hippocrate 150 Hors jeu 88 Il était une fois en Anatolie 120 L’Immeuble Yacoubian 75 Intervention divine 95 Jaffa 102 Jean Lacouture ou la position du biographe 10 Kilomètre zéro 79 Kurdistan, Kurdistan 122 Lawrence d’Arabie 123 Le Caire raconté par Youssef Chahine 70 Maintenant ils peuvent venir 132 Les Marchands d’Hitler 151 May in the Summer 107 Les Méduses 99 Memories on Stone 133 Miel 119 Milk 118 Le Miroir 85 Le Moineau 72 Mon trésor 96 La Montagne magique 134 Les Murmures du vent 80 Mustang 121 My Father, My Lord 99 My Sweet Pepper Land 80 Nahid 92 Noce en Galilée 94 Omar 106 Où est la maison de mon ami ? 84 Persepolis 89 Pharaon 71 Le Policier 105 Le Pont des espions 136 La Porte du soleil 95 Les Portes fermées 74 Poulidor premier 154 Pour un instant, la liberté 118 Prendre femme 96 Le Procès de Viviane Amsalem 106 Protestants de France 5 La Révolution des femmes, un siècle de féminisme arabe 123 Sang et or 87 La Section « White » Bagdad 2004 81 Les Sept Jours 102 Shoah, les oubliés de l’Histoire 154 Soleil de plomb 135 Syrie, le crépuscule des Assad 115 Syrie, enfants en guerre 115 Taxi Téhéran 93 Le Temps qu’il reste 104 Terra incognita 108 La Terre 72 Terre promise 97 Les Tortues volent aussi 78 Les Trois Singes 119 Une jeunesse allemande 155 Une jeunesse israélienne 100 Une nuit 88 Une séparation 91 Uzak 117 La Vache 82 Le Vagabond 104 Valse avec Bachir 100 La Vengeance des Arméniens. Le procès Tehlirian 155 La Visite de la fanfare 101 Les Voix de Srebrenica 155 Voyage dans la mémoire 113 Wadjda 69 Winter Sleep 120 Les Yeux brûlés 9 Yol, la permission 116 Yumurta 117 Z32 103 Achevé d’imprimer le 10 novembre 2015 sur les presses de BLF Impression, Le Haillan - Photogravure : BLF, Le Haillan Coordination : association du Festival international du film d’histoire : 7 rue des Poilus – 33600 Pessac – Téléphone : 05 56 46 25 43 Site internet : www.cinema-histoire-pessac.com Prix de vente : 10 - Dépôt légal 4e trimestre 2015 163 Dunia de Jocelyne Saab.