F - Le serveur des thèses en ligne de l`INSA de Toulouse
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%0$503"5%&-6/*7&34*5²%&506-064& Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse (INSA Toulouse) Ingénieries microbienne et enzymatique Florence Bordes lundi 29 septembre 2008 INGENIERIE DU SYSTEME D’EXPRESSION YARROWIA LIPOLYTICA POUR L’EVOLUTION DIRIGEE ET L’ETUDE STRUCTURALE DE LA LIPASE LIP2 DE YARROWIA LIPOLYTICA Université de La Rochelle - Rapporteur Marianne GRABER - Maître De Conférences, Jürgen PLEISS - Professeur, Université de Stuttgart- Rapporteur Jean-Marc NICAUD - Directeur de recherche CNRS, INRA de Grignon - Examinateur Samuel TRANIER- Maître De Conférences, Université Paul Sabatier, Toulouse - Examinateur Pierre MONSAN - Professeur, INSA Toulouse - Président Sciences Ecologiques, Vétérinaires, Agronomiques et Bioingénieries (SEVAB) Laboratoire d'Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés (LISBP) Alain Marty - Professeur, INSA Toulouse Marianne GRABER Jürgen PLEISS %0$503"5%&-6/*7&34*5²%&506-064& Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse (INSA Toulouse) Ingénieries microbienne et enzymatique Florence Bordes lundi 29 septembre 2008 INGENIERIE DU SYSTEME D’EXPRESSION YARROWIA LIPOLYTICA POUR L’EVOLUTION DIRIGEE ET L’ETUDE STRUCTURALE DE LA LIPASE LIP2 DE YARROWIA LIPOLYTICA Université de La Rochelle - Rapporteur Marianne GRABER - Maître De Conférences, Jürgen PLEISS - Professeur, Université de Stuttgart- Rapporteur Jean-Marc NICAUD - Directeur de recherche CNRS, INRA de Grignon - Examinateur Samuel TRANIER- Maître De Conférences, Université Paul Sabatier, Toulouse - Examinateur Pierre MONSAN - Professeur, INSA Toulouse - Président Sciences Ecologiques, Vétérinaires, Agronomiques et Bioingénieries (SEVAB) Laboratoire d'Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés (LISBP) Alain Marty - Professeur, INSA Toulouse Marianne GRABER Jürgen PLEISS NOM : BORDES Prénom : Florence Titre : Ingénierie du système d’expression Yarrowia lipolytica pour l’évolution dirigée et l’étude structurale de la lipase Lip2 de Yarrowia lipolytica Spécialité: Sciences Ecologiques, Vétérinaires, Agronomiques et Bioingénieries, Filière : Microbiologie et Biocatalyse industrielle Année : 2008 Lieu : INSA de Toulouse RESUME : La lipase Lip2 de Y. lipolytica est un biocatalyseur prometteur d’un point de vue biotechnologique. Elle est déjà utilisée dans l’industrie pour sa capacité à hydrolyser les lipides et présente d’autre part une sélectivité intéressante envers différents types de substrats (résolution de mélanges racémiques, ester de DHA, …). Cependant, du fait de sa faible thermostabilité et d’une sélectivité encore insuffisante, les applications industrielles ne sont pas encore développées pour ses capacités de bioconversion à forte valeur ajoutée. Dans le but d’améliorer les propriétés de cette lipase, nous avons développé au cours de ce travail de thèse deux outils permettant de faire évoluer ce biocatalyseur d’intérêt par évolution dirigée d’une part et par évolution rationnelle d’autre part. La première partie de la thèse a donc consisté à mettre au point un système d’expression pour le criblage haut débit d’activités enzymatiques chez la levure Yarrowia lipolytica. Le principal apport réside dans la construction de la souche JMY1212, qui contient une plate-forme d’intégration génomique où la cassette d’expression va s’intégrer de manière ciblée. Ainsi, les taux de transformation, le niveau d’expression, et la répétabilité du système ont été rendus compatibles avec le criblage haut-débit. La reproductibilité du système a également été assurée par l’utilisation d’outils robotisés et l’optimisation de la croissance et de l’expression protéique en microplaque. Ces travaux ont permis d’obtenir le premier système d’expression eucaryote dédié à l’évolution dirigée d’enzymes. Ce système d’expression a été utilisé pour construire une banque de variants de la lipase Lip2. Un crible sur la thermostabilité a permis d’obtenir un variant de thermostabilité améliorée. Les temps de demi-vie ont été améliorés d’un facteur 21 à 127 selon les températures. Cette caractérisation a permis de mettre en évidence que l’agrégation de l’enzyme et l’interchange des ponts disulfures étaient les principaux mécanismes impliqués dans la dénaturation thermique de Lip2. L’étude des relations structure-fonction d’une enzyme passe par la connaissance de sa structure. Des essais de cristallisation de l’enzyme ont donc été initiés. L’obtention de cristaux utilisables pour la détermination de la structure 3D a nécessité la déglycosylation de l’enzyme par voie enzymatique. Plusieurs conditions de cristallisation ont été obtenues. L’une d’entre elle a permis l’enregistrement d’un jeu de données à 1,7 Å. Différentes méthodes pour recouvrer l’information de phase ont été expérimentées. Le phasage des données par remplacement moléculaire n’a pas permis de donner de solution. Les techniques de phasage ab initio (remplacement isomorphe ou MAD) sont en cours ; à ce jour cependant aucun des métaux lourds testés n’est fixé dans l’édifice cristallin. La méthode de bioincorporation de sélénométhionines directement dans la lipase, qui paraît la plus prometteuse, a été initiée. Ce type de production n’a encore jamais été réalisé chez Y. lipolytica et les premiers résultats, bien qu’encourageants, demandent encore des mises au point. Par ailleurs, un modèle de la structure 3D a pu être généré par homologie avec des enzymes de structure tridimensionnelle connue. Celui-ci a permis de cibler avec succès des acides aminés à modifier pour améliorer la résolution de mélanges racémiques d’intérêt pharmaceutiques. MOTS CLES : Lipase, Yarrowia lipolytica, évolution dirigée, système d’expression, mutagenèse, criblage à haut-débit, thermostabilité, agrégation, études cristallographiques, modélisation moléculaire. Cette thèse a été préparée au laboratoire d'Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés (UMR CNRS 5504, UMR INRA 792) de l'INSA de Toulouse 7 SUMMARY: Yarrowia lipolytica Lip 2 lipase is a promising lipase from a biotechnological point of view. It has already been used in industrial applications for its ability to hydrolyse lipids and because of its interesting selectivity towards different types of substrates (racemic mixtures resolution, DHA ester, … ). However, the low thermostability and insufficient selectivity of this enzyme have prevented the development of industrial applications for high value added bioconversion products. In order to improve its properties, we have followed a double approach to engineer this enzyme using directed evolution and rational design. The first part of the work describes the set up of an expression system for the high throughput screening of enzymatic activities in the yeast Yarrowia lipolytica. The main novelty of this method lies in the use of JMY1212 strain which was constructed on purpose. It contains a genomic docking platform, in which the insertion of the expression cassette was done in a targeted way. Thus, transformation efficiency, expression level, and reproductibility of the full process were then compatible with high-throughput screening in the yeast Yarrowia lipolytica. Furthermore, the reproducibily of the full process was ensured by using robots and optimizing growth and protein expression in 96-well microplates. This work led to the obtention of the first eukaryotic expression system devoted to directed evolution. This expression system was used to create a library of Lip2 variants which was subsequently screened on thermostability to isolate a variant with improved thermostability. Mutant’s halflives were 21 to 127 times higher than wild type lipase depending on the temperature. The characterisation of this variant required the optimisation of the expression system and the set up of the lipase purification method. The variant characterisation permitted to reveal that aggregation and disulfide interchange were the main mechanisms involved in Lip 2 thermal denaturation. To gain a deeper insight of structure-activity relationships, crystallographic studies have been undertaken. Crystallisation trials have been set up using the deglycosylated enzyme. Crystals obtained led the recording of a 1.7 Å data set. Different methods have been attempted to retrieve the phase information without success. Data phasing by molecular replacement failed to resolve the structure. Although ab initio phasing by isomorphous replacement is still in progress, none of the heavy metals tested has been fixed in crystals to date. The method of selenomethionine bio-incorporation directly into the lipase for Multiple Anomalous Diffraction (MAD) phasing, has been initiated. This kind of production in Y. lipolytica has never been reported yet. It gave some promising preliminary results although, it still requires adjustments. A 3D model of Lip2 has also been generated by homology with enzymes of known structure. This model allowed the identification of amino acids which were changed sucessfully to improve the racemic resolution of important class of pharmaceuticals. 9 Publications A new recombinant protein expression system for high-throughput screening in the yeast Yarrowia lipolytica. Bordes F., Fudalej F., Dossat V., Nicaud J.M., Marty A. (2007). Journal of Microbiological Methods, 70 : 493-502. Analysis of Yarrowia lipolytica extracellular lipase Lip2p glycosylation. Jolivet P., Bordes F., Fudalej F., Cancino M., Vignaud C., Dossat V., Burghoffer C., Marty A., Chardot T., Nicaud J.M. (2007). FEMS Yeast Research, 7 : 1317-27 Improvement of Yarrowia lipolytica lipase enantioselectivity by site-directed mutagenesis targeted at the substrate binding site Bordes F., Letisse V., Cancino, M., André, I., Croux, C., Nicaud, J.M., Marty A. Soumise à ChemBioChem Communications par affiche Evolution of the lipase from Yarrowia lipolytica for resolution of 2-substituted carboxylic esters. BIOTRANS 2005, Delft, Pays Bas : Bordes F., Cancino M., Roncalli L., Fudalej F., Dossat V., Nicaud J.M., Marty A. Un nouveau système d’expression de protéines recombinantes pour le criblage à haut débit chez la levure Yarrowia lipolytica. GENOTOUL 2006, Toulouse, France : Bordes F., Cancino M., Roncalli L., Fudalej F., Dossat V., Nicaud J.M. et Marty A. Yarrowia lipolytica, a complete expression system : From high throughput screening at the microscale to enzyme production by fermentation. BIOCAT 2006, Hambourg, Allemagne : Bordes F., Cancino M., Roncalli L., Fudalej F., Dossat V., Nicaud J.M., Marty A. Evolution of the lipase from Yarrowia lipolytica for resolution of 2-substituted carboxylic esters. CBSO 2006, Ax-Les-Thermes, France : Bordes F., Cancino M., Roncalli L., Fudalej F., Dossat V.,. Nicaud J.M, Marty A. Optimization of wheat straw pre-treatment via directed evolution of hemicellulases. Workshop 2008 "Directed Evolution Approaches in Structural Biology" Grenoble, France : Fabre E., Bordes F., Marmuse L., Harisson D., Bozonnet S., Driguez H., Nicaud J.M., Marty A., O’Donohue M. 11 « En science, la phrase la plus excitante que l'on peut entendre, celle qui annonce des nouvelles découvertes, ce n'est pas "Eurêka" mais c'est "drôle".» Isaac Asimov 13 Remerciements Il est venu le temps des remerciements. C’est une tâche délicate, car il est difficile de trouver les mots justes pour dire merci à toutes les personnes qui ont contribué de plus ou moins près à l’élaboration de cette thèse. Pour commencer, ces quatre années de thèse ont été une de mes plus belles aventures tant sur le plan scientifique que humain, tant sur le plan professionnel que personnel. Je tiens en premier lieu à remercier mon directeur de thèse, Alain Marty. Merci Alain, tout d’abord, pour m’avoir donné la chance de travailler sur un sujet aussi fascinant et pour m’avoir communiqué ta passion pour l’ingénierie des protéines. Merci ensuite de m’avoir laissé prendre petit à petit possession du sujet, tout en recadrant. Finalement, merci pour ta confiance sans cesse renouvelée. Merci ensuite à tous les membres de la grande EAD1. Si, ça a été un plaisir de venir travailler (presque) tous les matins c’est un peu grâce à chacun d’entre vous. Merci d’abord aux chefs : Pierre et Magalie. Merci pour votre ouverture scientifique qui fait de l’équipe CIMES une équipe passionnante et toujours novatrice d’un point de vue scientifique. Un grand merci à Valérie (Dossat) pour son aide au début de cette thèse. Merci pour ton enthousiasme communicatif et ton organisation carrée. Tu m’as convertie aux « plan de manip ». Merci Etienne et Olivier (les Mc Gyver du labo lipase) pour votre esprit pratique et vos toujours innovantes et étonnantes solutions techniques ; merci pour vos « coups de mains » (ou de tournevis) au quotidien. Merci Ann pour ton immense gentillesse, ta douceur et tes petites attentions qui regonflent le moral dans les moments difficiles. Merci Miguel : mon co-thésard, pour ta gentillesse et ta bonne humeur. Merci à Elise et Stéphane d’avoir souvent été mes compagnons du soir et pour les discussions scientifiques (ou pas) que nous avons partagées. Merci ensuite à tous mes collègues de paillasse, de couloirs et de cafet’ : Emeline, Claire, Gaetan, Sandra, Laurence, Péco, Sophie(s), Yoan, Vincent, Marine, Romain, Faten, Nelly, Manue, Mathieu … (J’en oublie forcément, vous êtes tellement nombreux). Merci également à tous ceux qui de près ou de loin m’ont donné l’opportunité de découvrir le monde merveilleux de l’enseignement avec en particulier un immense merci à Claude. Merci également à tous les enseignants du GBA. Merci pour tous vos conseils ; enseigner à vos côtés a été non seulement très formateur mais aussi un plaisir. Je n’oublie pas non plus Yves, Sylvie et Eugénie pour leur organisation 15 sans faille. Enfin, un grand merci tout à Sandrine qui m’a donné l’opportunité d’encadrer avec elle un groupe de norvégiens « autrement ». Merci également à tous les membres du LISBP croisés dans les couloirs, à la cafet, ou dans les labos avec qui j’ai partagé un café, échangé des idées ou même juste un regard plein de compassion après une longue journée. Merci ensuite à Jean-Marc Nicaud et Samuel Tranier pour avoir accepté d’être les examinateurs de cette thèse. Merci pour tout ce que j’ai pu apprendre en travaillant à vos côtés dans des domaines très différents. Jean-Marc, tes connaissances en ce qui concerne Y. lipolytica ne semblent pas avoir de limites et tes idées pour l’adapter à ce dont on a besoin non plus. Merci de m’avoir montré ô combien cette levure était modulable et communiqué ta passion. Merci Samuel pour ta gentillesse et ta disponibilité. Merci de m’avoir fait découvrir le merveilleux monde de la cristallographie et d’avoir partagé mon intérêt pour cette protéine récalcitrante. Ca a été (et c’est toujours) un plaisir de travailler avec toi. Merci également à toute l’équipe de cristallographie de Lionel Mourey de l’IPBS pour leur vraie gentillesse et leur disponibilité (Lionel, Valérie, Fred, Sylviane, Romain, Laurent et Jean-Denis). Merci à Marianne Graber et Jurgen Pleiss d’avoir accepté d’être les rapporteurs de cette thèse. Merci pour leur lecture attentive et l’intérêt minutieux qu’ils ont porté à ce manuscrit ainsi que pour la discussion constructive qui a suivi le jour de la soutenance. Merci aussi à tous mes amis de l’impro (Estelle, Ramzy, Yves, Vincent, Nono, Morad, …) qui m’ont régulièrement demandé des nouvelles de mon enzyme et de mes cristaux … Merci surtout pour tout le reste, pour toutes ces histoires réelles ou imaginaires que nous avons construites ensemble et pour celles que nous construirons encore. Finalement Merci papa, maman, Isabelle et Valérie. Merci d’avoir cherché des solutions avec moi, même si vous n’y compreniez pas grand-chose. Merci d’avoir toujours cru en moi et d’avoir été là tout le temps tout simplement. Merci finalement à Sébastien. Merci pour tes « remontages » de moral en règle, pour ton soutien dans les moments de doute, pour ton indéfectible confiance en moi, et enfin, merci pour tous les bons petits plats qui m’ont permis de tenir la distance avec plein d’énergie et de baume au cœur. 16 Sommaire 17 Sommaire SOMMAIRE.............................................................................................................. 17 INTRODUCTION ...................................................................................................... 25 CHAPITRE I : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE ........................................................... 31 Première partie - Yarrowia lipolytica : un système d’expression performant. .............................................. 33 1. La levure non conventionnelle Yarrowia lipolytica................................................................................ 33 1.1. Physiologie et caractéristiques de la levure Yarrowia lipolytica................................................... 33 1.1.1. Taxonomie................................................................................................................................ 33 1.1.2. Caractéristiques physiologiques ............................................................................................... 33 1.1.3. Caractéristiques génomiques .................................................................................................... 34 1.2. Intérêt académique et industriel .................................................................................................... 35 1.2.1. Historique ................................................................................................................................. 35 1.2.2. Capacités de sécrétion .............................................................................................................. 35 1.2.3. Utilisations industrielles avérées ou potentielles ...................................................................... 36 1.3. Outils génétiques ........................................................................................................................... 37 1.3.1. Vecteurs.................................................................................................................................... 37 1.3.2. Marqueurs de sélection............................................................................................................. 38 1.3.3. Des promoteurs forts ................................................................................................................ 39 1.3.4. Signaux d’adressage ................................................................................................................. 39 1.3.5. Systèmes d’amplification ......................................................................................................... 40 1.3.6. Les souches............................................................................................................................... 41 1.3.7. Le système cré-lox recombinase............................................................................................... 41 2. Comparaison avec d’autres systèmes d’expression ................................................................................ 42 2.1. Les levures comme système d’expression..................................................................................... 42 2.2. Saccharomyces cerevisiae et les levures non conventionnelles - Description des systèmes d’expression levures les plus utilisés ........................................................................................................... 44 2.3. Quel système d’expression pour les glycoprotéines ? ................................................................... 47 2.3.1. Composition des chaînes de glycosylation des protéines ......................................................... 47 2.3.2. Importance de la glycosylation dans les protéines médicamenteuses....................................... 48 2.3.3. Quel système d’expression pour l’évolution dirigée ?.............................................................. 49 Deuxième partie - Améliorer la thermostabilité par ingénierie enzymatique : Approche rationnelle ou/et évolution dirigée. ................................................................................................................................................. 51 1. Définition de la thermostabilité : ............................................................................................................ 52 1.1. Stabilité thermodynamique, cinétique et thermoactivité ............................................................... 52 1.1.1. Thermostabilité thermodynamique........................................................................................... 52 1.1.2. Thermostabilité cinétique ......................................................................................................... 53 1.2. Comment détermine-t-on la thermostabilité ? ............................................................................... 55 2. Comprendre pour améliorer ou ingénierie rationnelle ............................................................................ 55 2.1. Apprendre des thermophiles.......................................................................................................... 56 2.1.1. Les thermophiles ...................................................................................................................... 56 2.1.2. Les bases moléculaires impliquées dans la stabilité des thermophiles ..................................... 56 2.2. Améliorer la stabilité thermodynamique de protéines................................................................... 57 2.2.1. Réduire l’entropie de l’état dénaturé ........................................................................................ 58 2.2.2. Effet hydrophobe ...................................................................................................................... 59 2.2.3. Effet enthalpique : les interactions électrostatiques.................................................................. 61 2.2.4. Autres sources de thermostabilisation ...................................................................................... 64 2.2.5. Conclusion................................................................................................................................ 65 2.3. Les mécanismes impliqués dans la dénaturation irréversible des protéines .................................. 66 2.3.1. L’agrégation ............................................................................................................................. 67 2.3.2. L’hydrolyse des liaisons peptidiques au niveau des résidus acides aspartiques ....................... 67 2.3.3. La déamidation des glutamines et des asparagines :................................................................. 67 2.3.4. La β-élimination des ponts disulfures, destruction des cystéines et interchange de ponts disulfures ................................................................................................................................................ 68 2.3.5. Oxydation des cystéines : ......................................................................................................... 70 19 Sommaire 2.4. Conclusion..................................................................................................................................... 71 Evolution dirigée .................................................................................................................................... 72 3.1. Définition évolution dirigée .......................................................................................................... 72 3.2. Les méthodes pour générer de la diversité génétique.................................................................... 74 3.2.1. Techniques de mutagenèse ....................................................................................................... 75 a) PCR à erreurs............................................................................................................................ 75 b) La mutagénèse de saturation..................................................................................................... 77 c) Introduction de délétions et insertions au hasard (RID mutagenesis)....................................... 78 d) Conclusion et synthèse des méthodes de mutations ponctuelles (cf. Tableau I-7) ................... 79 3.2.2. Techniques de recombinaison .................................................................................................. 80 a) Techniques de recombinaison avec homologie ........................................................................ 80 b) Recombinaison sans homologie ............................................................................................... 82 Conclusion .............................................................................................................................................. 84 3.2.3. CONCLUSION ........................................................................................................................ 84 3.3. Le criblage de la thermostabilité ................................................................................................... 84 3.3.1. Criblage .................................................................................................................................... 85 3.3.2. Criblage facilité ........................................................................................................................ 86 3.3.3. Sélection ................................................................................................................................... 87 3.4. Conclusion..................................................................................................................................... 89 4. Lipases et thermostabilité : Exemples de lipases dont la thermostabilité a été améliorée ...................... 90 5. CONCLUSION GENERALE THERMOSTABILITE........................................................................... 91 3. Troisième partie - Les lipases : les bases structurales de leur selectivité........................................................ 93 1. Généralité lipases.................................................................................................................................... 93 1.1. Réactions catalysées par les lipases............................................................................................... 93 1.2. Applications .................................................................................................................................. 95 2. Structure.................................................................................................................................................. 96 2.1. Le repliement α/β.......................................................................................................................... 97 2.2. La triade catalytique ...................................................................................................................... 99 2.3. Le volet amphiphile..................................................................................................................... 100 2.4. Le trou oxyanion ......................................................................................................................... 102 2.5. Mécanisme catalytique (cf. Figure I-19) ..................................................................................... 103 3. Les bases structurales de leur sélectivité............................................................................................... 105 3.1. La sélectivité des lipases : ........................................................................................................... 105 3.2. Typosélectivité (sélectivité vis à vis des différents acides gras) et topologie du site actif .......... 106 3.3. Régiosélectivité envers les triglycérides ..................................................................................... 108 3.4. Enantiosélectivité : ...................................................................................................................... 110 3.4.1. Intérêt des réactions énantiosélectives.................................................................................... 110 3.4.2. Des règles empiriques............................................................................................................. 110 3.4.3. Structures cristallographiques................................................................................................. 111 3.4.4. Modélisation par mécanique moléculaire. .............................................................................. 111 4. La lipase Lip2 de Yarrowia lipolytica................................................................................................... 116 4.1. Applications ................................................................................................................................ 116 4.2. Systèmes de production............................................................................................................... 117 4.3. Caractérisation............................................................................................................................. 118 4.4. Conclusion : ................................................................................................................................ 119 Quatrième partie : Introduction à la résolution de la structure des protéines par cristallographie aux rayons X. ............................................................................................................................................................ 121 1. Description géométrique d’un cristal.................................................................................................... 122 1.1. Description d’un cristal (voir figure I-29) ................................................................................... 122 1.2. Equations de Laue et loi de Bragg : deux visions du phénomène de diffraction......................... 124 1.3. Facteur de structure et densité électronique ................................................................................ 126 1.4. Le problème des phases............................................................................................................... 127 1.5. Périodicité et résolution cristallographique ................................................................................. 128 2. Etapes dans l’obtention d’une structure tridimensionnelle par diffraction rayons X. ........................... 129 2.1. Obtention d’un cristal.................................................................................................................. 129 2.2. Acquisition et traitement de données de diffraction des rayons X par un cristal......................... 131 2.2.1. Collecte des données .............................................................................................................. 131 2.2.2. Traitement des données .......................................................................................................... 131 20 Sommaire 2.2.3. Evaluation de la qualité des données. ..................................................................................... 133 2.2.4. Calcul du facteur de structure ................................................................................................. 133 2.3. Méthodes d’obtention des phases................................................................................................ 134 2.3.1. Remplacement isomorphe. ..................................................................................................... 134 2.3.2. MAD (Hendrickson et al., 1985; Karle, 1980) ....................................................................... 137 2.3.3. Le remplacement moléculaire ................................................................................................ 139 2.4. Construction des premières cartes et amélioration de l’information de phases........................... 141 2.5. Affinement cristallographique..................................................................................................... 141 CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES .......................................................... 143 1. Techniques microbiologiques ............................................................................................................... 145 1.1. Souches ....................................................................................................................................... 145 1.2. Plasmides..................................................................................................................................... 145 1.3. Milieux de culture ....................................................................................................................... 147 1.3.1. Milieux de culture pour E.coli : milieu Luria Bertani ............................................................ 147 1.3.2. Milieux de culture pour Y. lipolytica ...................................................................................... 147 a) Milieu riche YPD (préculture)................................................................................................ 147 b) Milieux de sélection des transformants de Y. lipolytica ......................................................... 147 c) Milieux riche de croissance et de production ......................................................................... 148 2. Techniques de biologie moléculaire ..................................................................................................... 149 2.1. Techniques de préparation et de manipulation des acides nucléiques......................................... 149 2.1.1. Préparation d’ADN plasmidique bactérien............................................................................. 149 2.1.2. Préparation d’ADN génomique de levure .............................................................................. 149 2.1.3. Amplification par réaction de polymérisation en chaîne (PCR) ............................................. 150 2.1.4. Digestions enzymatiques ........................................................................................................ 152 2.1.5. Déphosphorylation de l’ADN................................................................................................. 152 2.1.6. Ligation de l’ADN.................................................................................................................. 152 2.1.7. Electrophorèse d’ADN ........................................................................................................... 153 2.1.8. Purification des fragments d’ADN ......................................................................................... 153 2.1.9. Southern-blot .......................................................................................................................... 153 2.2. Techniques de transformation ..................................................................................................... 153 2.2.1. Transformation d’E. coli......................................................................................................... 153 2.2.2. Transformation Yarrowia lipolytica ....................................................................................... 154 2.3. Construction de souches disruptées de la levure Y. lipolytica ..................................................... 154 3. Production et conditionnement enzyme................................................................................................ 156 3.1. Production de l’enzyme............................................................................................................... 156 3.1.1. Production en microplaque..................................................................................................... 156 3.1.2. Production en erlenmeyer ....................................................................................................... 156 3.1.3. Production en fermenteur ....................................................................................................... 156 3.1.4. Suivi de la croissance des levures........................................................................................... 157 3.2. Conditionnement de l’enzyme..................................................................................................... 157 3.2.1. Récupération du surnageant.................................................................................................... 157 3.2.2. Concentration ......................................................................................................................... 158 3.3. Purification de l’enzyme ............................................................................................................. 158 3.3.1. Purification par chromatographie d’échange d’anions sur colonne Q sepharose Fast Flow... 158 3.3.2. Purification par chromatographie d’interactions hydrophobes sur butyl sépharose ............... 158 3.4. Déglycosylation enzymatique ..................................................................................................... 159 4. Caractérisation de l’enzyme.................................................................................................................. 159 4.1. Détermination de l’activité hydrolytique des lipases par spectrophotométrie............................. 159 4.2. Thermostabilité : mesure de l’activité résiduelle......................................................................... 159 4.2.1. Crible microplaque ................................................................................................................. 159 4.2.2. Evaluation de la thermostabilité ............................................................................................. 160 4.3. Dosage de protéines .................................................................................................................... 160 4.3.1. La méthode de Bradford (1976) ............................................................................................. 160 4.3.2. La méthode de Lowry (1951) ................................................................................................. 160 4.4. Electrophorèse SDS-Page............................................................................................................ 161 4.4.1. Electrophorèse en conditions dénaturantes............................................................................. 161 4.4.2. Electrophorèse en conditions natives...................................................................................... 161 4.5. Etat d’agrégation de la protéine................................................................................................... 161 4.5.1. Chromatographie de gel d’exclusion ...................................................................................... 161 21 Sommaire 4.5.2. DLS : dynamic light scattering ............................................................................................... 161 4.6. Analyse protéomique................................................................................................................... 162 4.6.1. Analyse de la glycosylation de l’enzyme ............................................................................... 162 4.6.2. Analyse de l’incorporation de la sélénométhionine................................................................ 162 5. Construction du modèle de la structure tridimensionnelle de la structure de la lipase de Y. lipolytica. 163 6. Détermination de structure de protéine par cristallographie et diffraction aux rayons X ..................... 164 6.1. Méthodes de cristallisation.......................................................................................................... 164 6.1.1. Méthode de cristallisation par diffusion de vapeur................................................................. 164 6.1.2. Criblage haut-débit des conditions de cristallisation. ............................................................. 164 6.1.3. Technique de l’ensemencement.............................................................................................. 165 6.1.4. Conditions de cristallisation de Lip2 ...................................................................................... 165 6.2. Trempages ................................................................................................................................... 165 6.3. Acquisition des données de diffraction ....................................................................................... 166 6.4. Traitement des données de diffraction et phasage....................................................................... 166 CHAPITRE III : RESULTATS................................................................................. 167 Première partie : Développement d’un système d’expression pour criblage haut débit chez la levure Yarrowia lipolytica. ............................................................................................................................................ 169 1. Mise au point du système de criblage pour l’évolution dirigée d’enzyme............................................ 171 1.1. Quantification de la reproductibilité du test enzymatique ........................................................... 171 1.2. Optimisation de la croissance et de la production de protéines................................................... 172 1.2.1. Eviter les contaminations croisées.......................................................................................... 172 1.2.2. Optimisation de la croissance et de la production en microplaque......................................... 173 1.2.3. Optimisation du piquage des colonies .................................................................................... 173 1.2.4. Optimisation du milieu de production et de la conduite de production .................................. 174 1.3. Optimisation de l’étape de transformation de la cassette d’expression ....................................... 175 1.3.1. Quantification de la variabilité apportée par la transformation de la souche JMY1165......... 176 1.3.2. Optimisation de l’intégration de la cassette d’expression....................................................... 178 a) Obtention de la zone zéta par PCR (Figure III-5)................................................................... 178 b) Obtention du plasmide KS LEU2 zéta tronqué permettant l’intégration de zéta dans le génome de Yarrowia lipolytica...................................................................................................................... 179 c) Obtention de la souche Zéta (Figure III-7) ............................................................................. 179 1.3.3. Optimisation de l’intégration de la cassette d’expression et quantification de la variabilité apportée par la transformation dans la nouvelle souche JMY1212....................................................... 180 a) Comparaison des taux de transformation des souches JMY1165 et JMY1212 ...................... 180 b) Comparaison de la variabilité apportée par la transformation de la souche JMY1165 et JMY1212.......................................................................................................................................... 182 c) Analyse de l’intégration de la cassette d’expression par Southern blot.................................. 183 d) Prédiction du nombre de faux positifs .................................................................................... 186 1.4. Conclusion................................................................................................................................... 189 1.4.1. Synthèse des résultats obtenus................................................................................................ 189 1.4.2. Avantages de Y. lipolytica en tant que système d’expression pour l’évolution dirigée d’enzyme par rapport aux autres systèmes d’expression levuriens existants ........................................................ 190 a) Saccharomyces cerevisiae ...................................................................................................... 190 b) Pichia pastoris........................................................................................................................ 191 c) Hansenula polymorpha .......................................................................................................... 192 d) Conclusion.............................................................................................................................. 192 1.4.3. Voies d’amélioration du système d’expression Y.lipolytica ................................................... 193 2. Intérêt du système développé pour l’ingénierie rationnelle ou semi-rationnelle de la lipase Lip2 de Y. lipolytica......................................................................................................................................................... 194 2.1. Intérêt de la souche JMY1212 pour l’évolution rationnelle de la lipase Lip2 de Y. lipolytica .... 195 2.2. Evolution semi-rationnelle de la lipase Lip2 de Y. lipolytica ...................................................... 199 2.3. Conclusion................................................................................................................................... 201 Deuxième partie - Amélioration de la thermostabilité de la lipase Lip2 par évolution dirigée et mise en évidence du mécanisme de dénaturation thermique. ..................................................................................... 203 1. Evolution dirigée de la lipase Lip2 de Y. lipolytica .............................................................................. 204 1.1. Stratégie d’obtention de la banque de mutants............................................................................ 204 1.2. Premier tour de mutagenèse ........................................................................................................ 206 22 Sommaire 2. 3. 4. 5. 1.2.1. Obtention de la banque et crible ............................................................................................. 206 1.2.2. Résultat du premier tour d’évolution dirigée.......................................................................... 207 1.3. Deuxième tour de mutagenèse .................................................................................................... 209 1.4. Caractéristiques des banques criblées (tableau III-10) ................................................................ 210 Obtention d’une enzyme non agrégée pour sa caractérisation .............................................................. 211 2.1. Problèmes de reproductibilité...................................................................................................... 211 2.2. Mise en évidence du phénomène d’agrégation............................................................................ 212 2.2.1. Mise en évidence .................................................................................................................... 212 2.2.2. Phénomène d’agrégation des lipases en général et le cas de Lip2.......................................... 214 2.3. Comment s’affranchir de l’agrégation ?...................................................................................... 217 2.3.1. Dissolution des agrégats par l’utilisation de détergents et alcools.......................................... 217 2.3.2. Ingénierie du système d’expression........................................................................................ 218 Caractérisation de la thermostabilité de Lip2 sauvage et du variant 244 A .......................................... 221 3.1. Influence de la concentration en protéine.................................................................................... 221 3.2. Purification de l’enzyme ............................................................................................................. 222 3.3. Caractérisation de la thermostabilité de la lipase sauvage et du variant 244A. ........................... 223 Etude détaillée des mécanismes de dénaturation thermiques................................................................ 227 4.1. Mutagenèse de saturation ............................................................................................................ 227 4.2. Mise en évidence de l’agrégation et de l’échange des ponts disulfures. ..................................... 230 4.3. Perspectives................................................................................................................................. 232 4.3.1. Discussion sur le système d’expression.................................................................................. 232 4.3.2. Discussion sur le réarrangement des ponts disulfures ............................................................ 234 Conclusion générale :............................................................................................................................ 238 Troisième partie : Vers la résolution de la structure tridimensionnelle de la lipase Lip2 .......................... 239 1. De la production de la lipase aux premiers essais de cristallisation...................................................... 241 1.1. Production d’enzyme utilisable pour les essais de cristallisation. ............................................... 241 1.1.1. Site de glycosylation et cystéine libre .................................................................................... 241 1.1.2. Développement d’un système d’expression pour produire de la lipase non agrégée.............. 245 1.1.3. Purification de l’enzyme......................................................................................................... 246 1.2. Etude de cristallisation avec la lipase native ............................................................................... 246 1.2.1. Criblage automatisé des conditions de cristallisation ............................................................. 246 1.2.2. Affinement des conditions de cristallisation........................................................................... 248 1.2.3. Traitement des clichés de diffraction...................................................................................... 248 1.2.4. Tentatives d’amélioration de la structure des cristaux............................................................ 249 1.3. Etude de cristallisation avec la lipase déglycosylée .................................................................... 252 1.3.1. Recherche des conditions optimales de cristallisation............................................................ 252 1.3.2. Enregistrement des données ................................................................................................... 253 2. Résoudre le problème des phases pour résoudre la structure de Lip2................................................... 254 2.1. Remplacement moléculaire ......................................................................................................... 255 2.1.1. Modèle de la structure tridimensionnelle de Lip2 .................................................................. 255 a) Alignement avec des protéines de structure tridimensionnelle connues................................. 255 b) Prédiction de la structure secondaire ...................................................................................... 257 c) Identification des éléments structuraux .................................................................................. 259 d) Construction du modèle.......................................................................................................... 263 e) Description du site actif de la lipase Lip2............................................................................... 265 f) Conclusion :............................................................................................................................ 266 2.1.2. Remplacement moléculaire avec le jeu de données à 1,7 Å. .................................................. 267 2.2. Dérivés lourds et diffuseurs anomaux ......................................................................................... 269 2.3. Protéine Sélénométhionylée ........................................................................................................ 273 2.3.1. Essai de production en fermenteur ......................................................................................... 274 2.3.2. Ingénierie de la voie métabolique de biosynthèse de la méthionine chez Y.lipolytica ........... 277 a) Gène MET6 ............................................................................................................................ 277 b) Gène MET2 ............................................................................................................................ 278 c) Gène SAM .............................................................................................................................. 280 d) Conclusion et Perspectives ..................................................................................................... 281 2.4. Conclusion................................................................................................................................... 283 3. Recherche conditions de cristallisation avec maille plus petite. ........................................................... 283 3.1. Ancien crible ............................................................................................................................... 283 3.2. Nouvelles pistes de cristallisation ............................................................................................... 284 23 Sommaire 4. Conclusion : .......................................................................................................................................... 286 CONCLUSION GENERALE................................................................................... 287 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................. 295 ANNEXE ................................................................................................................319 Composition de kits de criblage commerciaux. Abréviations utilisées 24 Introduction 25 Introduction Introduction Les biocatalyseurs interviennent depuis des millénaires dans la vie des hommes pour améliorer leur quotidien. Les premiers biocatalyseurs utilisés avaient une vocation alimentaire, puis peu à peu leur utilisation s’est étendue à de nombreux domaines de la vie quotidienne (santé, environnement, … ). Parallèlement à la diversification de leur champ d’application, les biologistes ont peu à peu appris la maîtrise de ces outils moléculaires. Ils ont d’abord appris à les identifier et à les caractériser, puis à les produire soit de manière homologue, soit avec des systèmes d’expression hétérologues spécialement mis au point pour leur production. Enfin, de par la compréhension de leur mode de fonctionnement, ils ont appris à maximiser leurs performances en jouant sur leurs conditions d’utilisation. La dernière étape dans la maîtrise des biocatalyseurs réside dans la compréhension fine des mécanismes se déroulant au niveau moléculaire, et se situe donc au niveau de la structure même de ces outils moléculaires. L’amélioration de leurs propriétés passe alors par l’ingénierie enzymatique c’est à dire la modulation de la structure de ces biocatalyseurs. Les améliorations peuvent se baser sur une approche rationnelle à travers l’étude des relations structure-fonction du biocatalyseur d’intérêt ou sur une approche par évolution dirigée qui consiste à sélectionner un biocatalyseur aux propriétés améliorées dans un ensemble de variants générés aléatoirement par génie génétique. Ce projet de thèse s’inscrit modestement dans ce cadre d’étude et se propose d’étudier plus particulièrement la lipase Lip2 de Yarrowia lipolytica. Ce biocatalyseur produit de manière recombinante par la levure Y. lipolytica présente de nombreux intérêts biotechnologiques. Sa capacité à hydrolyser les triglycérides est déjà exploitée industriellement pour le traitement d’effluents chargés en graisse. Sa résistance aux pH acides en fait également un substitut de choix pour la lipase pancréatique humaine pour les malades atteints par cette déficience (mucoviscidose entre autres) ; elle est actuellement en cours d’évaluation clinique pour ce type d’application. Elle présente par ailleurs des sélectivités intéressantes envers des substrats à forte valeur ajoutée aussi différents que les acides de types 2-bromo-arylacétiques (précurseurs chiraux utilisés dans l’industrie pharmaceutique), les esters de DHA (acide gras faisant partie de la famille des omégas 3) et les esters de 2-éthylhexanol (plastifiant, lubrifiant…). Cependant sa faible thermostabilité et son manque de sélectivité font que l’emploi de cette lipase dans le domaine des biotransformations n’est pas encore développé sur un plan industriel. L’objectif de cette thèse était d’améliorer les propriétés de cette lipase 27 Introduction par ingénierie enzymatique en utilisant, d’une part, les techniques d’évolution dirigée et, d’autre part, l’évolution rationnelle et l’étude des relations structure-fonction de l’enzyme. Mon travail de thèse s’est articulé autour de ces deux thématiques et a consisté à développer les outils nécessaires à l’amélioration de ce biocatalyseur d’intérêt via ces deux approches. Dans un premier temps, dans le cadre de l’évolution dirigée, une limitation provenait du fait qu’aucun système d’expression levurien n’était disponible pour réaliser l’évolution d’enzymes. Mon premier travail a donc été de développer un système d’expression chez la levure Y. lipolytica, à partir duquel l’évolution dirigée d’enzyme pourrait être réalisé. Ce système d’expression a été utilisé pour l’amélioration de la thermostabilité de la lipase Lip2 de Y. lipolytica. Dans un second temps, dans le cadre de l’évolution rationnelle de l’enzyme, l’accès à la structure tridimensionnelle de l’enzyme est primordial ; la résolution de la structure de la lipase Lip2 de Y. lipolytica a donc été envisagée par la méthode de cristallisation et diffraction aux rayons X Ce manuscrit de thèse s’organise en trois chapitres. Le premier chapitre fait état des connaissances existantes concernant les divers domaines de notre étude. Dans un premier temps, le système d’expression utilisé dans ces travaux : la levure Yarrowia lipolytica, est examiné. Après un descriptif de cette levure et de ses nombreux outils génétiques disponibles, ce système d’expression est comparé sur divers aspects aux autres systèmes d’expression levuriens les plus utilisés pour la production recombinante d’enzymes. Dans un deuxième temps, les bases de la thermostabilité des enzymes sont étudiées et les méthodes d’évolution rationnelle et dirigée sont décrites. La troisième partie de ce chapitre traite des lipases et se focalise plus particulièrement sur les relations entre la spécificité et la structure tridimensionnelle de ces biocatalyseurs. Une dernière partie détaille le principe de la résolution de structure par cristallographie aux rayons X. Le chapitre deux présente l’ensemble des méthodes mises en œuvre au cours de ces travaux de thèse comprenant les techniques microbiologiques, les techniques de biologie moléculaire, les techniques de production, purification et caractérisation de la lipase étudiée, les techniques de bioinformatique et les techniques de cristallographie aux rayons X. Le chapitre trois retrace les résultats obtenus au cours de cette étude. La première partie est composée de trois sous-parties. La première détaille la construction et la validation du 28 Introduction système d’expression pour l’évolution dirigée d’enzymes chez la levure Y. lipolytica. La deuxième traite des avantages de ce système d’expression à travers d’autres applications possibles. La troisième illustre l’utilisation de ce système d’expression à travers l’amélioration de la thermostabilité de la lipase Lip2 de Y. lipolytica via l’évolution dirigée. La seconde partie quant à elle est focalisée sur la détermination de la structure tridimensionnelle de la lipase de Y. lipolytica par cristallographie aux rayons X. Elle traite des divers aspects, de la préparation de l’enzyme pour les essais de cristallisation, jusqu’aux tentatives de résolution des phases. Bonne lecture 29 Chapitre I : Etude bibliographique 31 Chapitre I : Etude bibliographique Première partie - Yarrowia lipolytica : un système d’expression performant. 1. La levure non conventionnelle Yarrowia lipolytica 1.1. Physiologie et caractéristiques de la levure Yarrowia lipolytica La levure Yarrowia lipolytica (anciennement Candida, Mycotorula, Endomycopsis ou Saccharomyces lipolytica) est une levure non conventionnelle des plus étudiées. C’est une levure non pathogène (Holzschu, et al., 1979) qui a été approuvée dans plusieurs procédés industriels GRAS (Generally Recognized As Safe ; FDA). Elle est retrouvée naturellement dans les produits riches en lipides comme les fromages, les produits laitiers, les huiles végétales ainsi que dans les eaux d’égouts. 1.1.1. Taxonomie Yarrowia lipolytica est un ascomycète de la famille des Saccharomycetaceae (sous famille des Saccharomycetoideae). Elle a d’abord été classée comme Candida lipolytica, jusqu’à ce que la forme parfaite soit identifiée à la fin des années soixante par Wickerman. Elle a été reclassée comme Endomycopsis lipolytica (Wickerham, et al., 1970) puis comme Saccharomycopsis lipolytica, (Yarrow, 1972) et finalement Yarrowia lipolytica (van der Walt and von Arx, 1980). Deux types sexuels ont été identifiés chez cette levure : le type A et le type B (MAT A et MAT B), mais la plupart des isolats sont haploïdes. La fusion entre deux cellules haploïdes de type différent conduit à la formation d’un zygote diploïde se développant sous forme de mycélium et aboutissant à la formation d’ascospores haploïdes. Chez cette levure, la reproduction sexuée est limitée du fait de grandes divergences chromosomiques entre les souches. 1.1.2. Caractéristiques physiologiques Yarrowia lipolytica est une levure dimorphique (voir Figure I-1) qui existe sous forme de cellules bourgeonnantes, d’hyphes ou de pseudo-hyphes selon différents facteurs du milieu de culture. Les colonies sur milieu solide peuvent avoir différents aspects, allant de la colonie lisse et brillante à des colonies plissées et mates. C’est une levure aérobie stricte qui pousse à des températures allant de 5°C à 30°C et qui n’est pas capable de croître à des températures supérieures à 37°C (Kreger van Rij, 1984). Y. lipolytica présente la particularité de pouvoir pousser sur des substrats hydrophobes comme les acides gras et les triglycérides (Kreger Van 33 Chapitre I : Etude bibliographique Rij , 1984)., les alcanes et les 1-alcènes (Klug and Markovetz, 1967). Elle est aussi capable de croître sur des sucres comme le glucose, mais pas sur saccharose car elle ne possède pas d’invertase ; elle pousse également sur l’acétate. Yarrowia lipolytica ne produit pas d’éthanol mais peut utiliser celui-ci ainsi que d’autres alcools comme source de carbone grâce à des alcool déshydrogénases (Barth and Kunkel, 1979) jusqu’à des concentrations ne dépassant pas les 3%. Figure I-1 : Levure Yarrowia lipolytica, forme bourgeonnante à gauche – forme mycélium à droite 1.1.3. Caractéristiques génomiques Le génome de la souche E150 de la levure Yarrowia lipolytica a été séquencé lors du consortium génolevures en 2000 (Casaregola, et al., 2000; Dujon, et al., 2004). Le choix de cette levure a été basé sur le fait qu’elle est taxonomiquement éloignée de Saccaromyces cerevisiae, qu’elle a développé un métabolisme lipidique original et qu’elle présente de fortes capacités de sécrétion. Le génome de cette levure s’organise en six chromosomes qui totalisent 20,5 Mb (bien plus que celui de Saccharomyces cerevisiae et Schizosaccharomyces pombe avec 13 Mb). La taille des chromosomes varie entre 2,6 et 4,9 Mb. Aucun ADN de type plasmidique extrachromosomique n’a été identifié. Plusieurs observations suggèrent que Y. lipolytica a divergé considérablement par rapport aux autres levures ascomycètes : (1) son contenu en GC élevé (environ 50 % contre environ 38 % pour les autres ascomycètes) (2) sa densité de gène (un pour 3,3 kb pour Y. lipolytica contre un pour 2 kb pour S. cerevisiae) (3) sa haute fréquence en introns (13 % des gènes ont au moins un intron contre 4,8 % chez Saccharomyces cerevisiae) (4) la répartition de son ADN ribosomique (ADNr) dans sept loci situés dans les régions subtélomériques (contre un seul locus chez Saccharomyces cerevisiae) (5) le faible niveau de similarité de ses gènes avec les autres levures (6) un nombre particulièrement élevé d’ARN de transfert (ARNt) : 510 avec certaines classes typiquement eucaryotes qui sont absentes chez les autres levures hémiascomycètes (Marck, et al., 2006). 34 Chapitre I : Etude bibliographique D’autre part, on retrouve chez cette levure une augmentation des familles protéiques impliquées dans l’utilisation des substrats hydrophobes (De Hertogh, et al., 2006; Theveniau, 2006), ainsi qu’une grande diversité dans les éléments transposables (Neuveglise, et al., 2005; Neuveglise, et al., 2002). Par ailleurs, de nombreuses différences ont été observées entre les souches ; elle diffèrent par la taille des chromosomes, (Casaregola, et al., 1997), le nombre de répétitions des ADN ribosomiques (Fournier, et al., 1986) et la présence du rétrotransposon Ylt1 présent dans la souche américaine CBS6142-2 mais absent dans les souches françaises W29 et allemande H222 (Schmid-Berger, et al., 1994). 1.2. Intérêt académique et industriel 1.2.1. Historique C’est une levure qui a été utilisée largement dans les années soixante pour sa capacité de production de « single cell protein » (protéines issues d’organismes unicellulaires) et de sécrétion d’acides organiques (acide citrique en particulier) à partir d’alcanes comme seule source de carbone. Par la suite, elle a été étudiée pour sa capacité à sécréter de nombreuses protéines avec une grande efficacité et pour la régulation de la sécrétion de ces protéines (voir partie suivante), pour la biogenèse des péroxisomes (Titorenko, et al., 2000), pour l’étude du contrôle de la transition dimorphique (Dominguez, et al., 2000), et pour la biogenèse des complexes I mitochondriaux (Kerscher, et al., 2002). Cette levure est actuellement étudiée comme organisme modèle dans le métabolisme des alcanes et des acides gras (Fickers, et al., 2005a; Thevenieau, et al., 2007). L’étude de ces mécanismes, chez cette levure, est facilitée par la récente mise sur le marché d’une puce à ADN commercialisée par Eurogentec. 1.2.2. Capacités de sécrétion Yarrowia lipolytica se distingue par sa capacité à sécréter, spécifiquement selon le milieu de culture, diverses protéines hydrolytiques, certaines au niveau du g/L. Ces protéines incluent deux protéases l’une induite dans des conditions alcalines (Ogrydziak and Mortimer, 1977), l’autre à pH acide (Yamada and Ogrydziak, 1983), une RNase (Cheng and Ogrydziak, 1986), une phosphatase (Moran, et al., 1989), et plusieurs lipases (Peters and Nelson, 1948a; Peters and Nelson, 1948b). D’autre part, elle secrète aussi de nombreux métabolites à de très fortes concentrations (l’acide citrique, l’α-kétoglutarate, lysine). Il est à noter que la voie de sécrétion des protéines utilisées chez Y. lipolytica est une voie de translocation co35 Chapitre I : Etude bibliographique traductionnelle (et non post-traductionnelle) qui est plus proche de la voie utilisée par des eucaryotes supérieurs (Boisrame, et al., 1998). 1.2.3. Utilisations industrielles avérées ou potentielles La levure Y. lipolytica, d’abord utilisée pour la production de protéines issues d’organismes unicellulaires à partir d’alcanes, a depuis été utilisée pour diverses applications industrielles. Nous avons essayé de les synthétiser dans le tableau I-1. Utilisation Rôle prouvé dans la maturation de mombreux produits laitiers et l'industrie agroalimentaire. Auteurs Guerzoni et al., 1993 - Carreira et al., 1998, 2001, 2002 - Suzzi et al., 2001 - Ferreira et Viljoen - 2003 Patrignani et al., 2006 ... Applications industrielles Maturation de nombreux fromages et produits laitiers. Production de protéines issues d’organismes unicellulaires à partir d'alcanes (single cell protein). Barth et Gaillardin, 1996 Commercialisation d'un complément alimentaire Toprina. Scioli et Vollaro, 1997- Oswald et al., 2002 Lanciotti et al., 2005 - Papanikolaou et al., 2007 Commercialisation par Artechno d'un mélange composé de cellules lyophilisées de Y. lipolytica et de lipase extracellulaire. Glazunova et al.,1973 - Illarionova et al., 1975 Franke-Rinker et al., 1983 - Arzumanov et al., 2000 - Il'chenko et al., 2003 - Crolla et al., 2004 - Venter et al., 2004 - Lanciotti et al., 2005 - Forster et al., 2007 -Papanikolaou et al., 2007 Production d'acide citrique par Yarrowia lipolytica à partir d'huile de colza par la société Archer Daniels Midland. Production d'huiles issues d’organismes unicellulaires (single cell oils) alternatives aux sources agricoles et animales. Procédés de dépollution (déchets d'huiles végétales). Bioconversion Production d'acides organiques (acide citrique, acide isocitrique, acide alpha kétoglutarique) à partir de sources de carbone peu coûteuses (alcanes, huiles végétales, graisses, éthanol, molasses, hydrolysats d'amidon, glycérol). Production de lactones (composé aromatique aux odeurs de pêche, noix de coco, champignon). Révisé dans Wache et al., 2003 Production d'acides dicarboxyliques (Plastifiants, lubrifiants, polyamides, polyesters, résines, …). Théveniau et al., 2006 Brevet déposé par l'Institut Français du Pétrole : Nicaud et al., 2006. Production d'acides gras spéfiques (dochexanoique, arachidonique, écosapenténoique). Guo et al., 1999 - Guo et Ota, 2000 Brevets déposés par Du Pont de Nemours : Damude et al., 2006a,b, et c. Chimie fine Résolution de cétones et alcools à partir de différentes souches de Y. lipolytica . Fantin et al., 1996, 2000 Résolution d'ester à partir de différentes souches de Y. lipolytica ou de la lipase extracellulaire. Fantin et al., 2001- Guieysse et al., 2004 Résolution d'époxydes à partir de souches de Y. lipolytica exprimant des époxydes hydrolases d'autres organismes (d'origine fongiques, végétales ou animales). Labuschagne et Albertyn, 2007 Tableau I-1 : Applications industrielles de la levure Y. lipolytica 36 Souches de Y. lipolytica exploitées par la société Oxyrane pour l'expression de diverses époxydes hydrolases Brevets : Botes et al., 2005a, b et c, 2007a et b. Chapitre I : Etude bibliographique Yarrowia lipolytica est donc une levure ascomycète atypique qui partage des caractéristiques communes avec les champignons filamenteux et présente certaines caractéristiques proches de celles des eucaryotes supérieurs (la dispersion à travers le génome de clusters d’ADNr et des gènes codant pour l’ARN 5S, le procédé de sécrétion de protéines). D’autre part, ses capacités de sécrétion importantes en ont fait rapidement un organisme de choix pour la production de protéines recombinantes. Dans le prochain chapitre nous détaillerons les outils génétiques développés chez cette levure pour en faire un système d’expression perfectionné. 1.3. Outils génétiques De nombreux outils génétiques ont été mis au point chez cette levure pour l’expression de protéines homologues et hétérologues (Barth and Gaillardin, 1996; Barth and Gaillardin, 1997). Une technique de transformation par la méthode à l’acétate de lithium (Xuan, et al., 1988) permet d’obtenir une bonne efficacité de transformation. 1.3.1. Vecteurs Les vecteurs utilisés sont des vecteurs navettes permettant à la fois une réplication chez la bactérie et une expression chez la levure. Pour le passage chez la bactérie, ils possèdent un gène de résistance à la kanamycine, l’ampicilline ou à la tétracycline. Pour l’expression chez Y. lipolytica, ils contiennent un marqueur de sélection (détaillé au paragraphe 1.3.2), la cassette d’expression (promoteur - séquence d’adressage - gène - région terminatrice) et les éléments nécessaires à la maintenance dans la levure. La liste de ces éléments a été récapitulée dans le Tableau I-2 d’après une revue (Madzak, et al., 2004). Deux grands types de vecteurs peuvent être utilisés : - des vecteurs réplicatifs : Les souches de Y. lipolytica ne contiennent pas de plasmides réplicatifs naturels. Des vecteurs synthétiques réplicatifs ont pu être construits pour cette levure, ils nécessitent à la fois une origine de réplication et un centromère (Fournier, et al., 1993; Vernis, et al., 1997). Malheureusement, le nombre de vecteurs par cellule est limité (1 à 3) et leur maintien nécessite une pression de sélection, ce qui limite leur utilisation. - des vecteurs intégratifs. L’intégration peut-être réalisée : de manière homologue par insertion à un locus cible par simple crossing-over (au site LEU2, URA3, dans l’ADN ribosomique ou dans une plate-forme d’intégration chromosomique comme pBR322 ou la LTR de Ylt1 zéta). Les souches obtenues présentent 37 Chapitre I : Etude bibliographique l’avantage d’être stables sur au moins 100 générations sans avoir besoin d’une pression de sélection (Hamsa and Chattoo, 1994). par insertion au hasard dans le génome de manière non homologue et dispersée. Les zones zéta qui bordent la cassette d’expression permettent l’intégration non homologue de cette dernière de manière dispersée dans la levure. Cette méthode permet de se débarrasser de la partie bactérienne du plasmide et d’obtenir des vecteurs dits « autoclonants » (Nicaud, et al., 1998; Pignede, et al., 2000b). Tableau I-2 : Tableau représentant les différents composants existants chez Yarrowia lipolytica pour l’expression de protéines recombinantes d’après (Madzak, et al., 2004) 1.3.2. Marqueurs de sélection La levure Yarrowia lipolytica est sensible à quelques rares antibiotiques comme ceux du groupe de la bléomycine/phléomycine (Gaillardin and Ribet, 1987) et à l’hygromycine B (Cordero Otero and Gaillardin, 1996). Les systèmes de sélection reposant sur la complémentation d’auxotrophie (LEU2 et URA3 majoritairement) restent les plus utilisés (Barth and Gaillardin, 1996). Très récemment deux autres marqueurs de sélections GUT2 et 38 Chapitre I : Etude bibliographique ADE2 ont été développés au laboratoire de microbiologie de Grignon, pour compléter la batterie d’outils disponibles chez Y. lipolytica. 1.3.3. Des promoteurs forts Historiquement, c’est le promoteur fort du gène XPR2 codant pour la protéase alcaline extracellulaire de Yarrowia lipolytica qui a été le plus utilisé, mais sa régulation complexe (pH>6, présence obligatoire de peptones dans le milieu…) rend son utilisation industrielle compliquée. D’autre part, à partir d’une séquence activatrice (UAS1) (Blanchin-Roland, et al., 1994) faiblement affectée par les conditions du milieu, un promoteur hybride a été obtenu : hp4d (hybrid promot 4 direct repeat) qui correspond à 4 copies UAS1 en tandem direct (Madzak, et al., 2000). Ce promoteur est considéré comme semi-constitutif, car son induction est dépendante de la phase de croissance, mais les éléments régulant cette expression n’ont pas encore été déterminés. Deux autres promoteurs constitutifs forts : TEF (translation elongation factor-1 alpha) et RPS7 (protéine ribosomale S7) ont été décrits par Muller et al. (1998), le promoteur TEF étant le plus actif. Des promoteurs inductibles et forts sont aussi utilisés : il s’agit des promoteurs des gènes POX2 (gène codant pour l’acyl-CoA-oxydase 2) (Pignede, et al., 2000b), ICL1 (Isocitrate lyase) (Juretzek, et al., 2001) et POT1 (3-oxo-acylCoA thiolase). Ces promoteurs sont issus d’enzymes intervenant dans le métabolisme des substrats hydrophobes de Y. lipolytica et sont donc inductibles par les alcanes et les acides gras. Ceci peut poser des problèmes dans les étapes de purification de l’enzyme. 1.3.4. Signaux d’adressage Parmi les signaux d’adressage utilisés chez Y. lipolytica on retrouve les signaux de sécrétion des principales protéines sécrétées par les souches sauvages. Les séquences signal les plus utilisées sont les régions prépro du gène XPR2 codant pour la protéase alcaline extracellulaire, et la régio prépro du gène LIP2 (les régions pré ou pro pouvant également être utilisées séparément). Quelquefois les propres signaux de sécrétion des protéines d’intérêt sont utilisés avec succès. C’est le cas pour les six protéines fongiques exprimées dans l’étude de Muller et al. (1998) mais aussi pour des protéines d’autres origines comme l’α- amylase de riz (Park, et al., 1997), où la sécrétion et la maturation sont plus précises avec sa propre séquence signal qu’avec les signaux d’adressage de Y. lipolytica. Aucune règle générale ne permet à ce jour de prédire quelle séquence signal doit être utilisée pour une protéine donnée. 39 Chapitre I : Etude bibliographique 1.3.5. Systèmes d’amplification Des systèmes d’amplification ont été mis au point chez Y. lipolytica. Ceux-ci se basent sur l’utilisation d’un marqueur de sélection défectif, un allèle muté du gène URA3 dont une partie du promoteur a été délétée : ura3d4 (Le Dall, et al., 1994). Pour complémenter l’auxotrophie à l’uracile celui-ci devra être présent en plusieurs copies. Deux stratégies majeures d’amplification sont utilisées chez Yarrowia lipolytica : - L’intégration homologue multiple : Des séquences répétées peuvent être ciblées comme les clusters d’ADN ribosomique ou les zones zéta (Juretzek, et al., 2001). Les zones zéta sont les LTR (Long Terminal Repeats) du rétrotransposon Ylt1 (Schmid-Berger, et al., 1994) et sont présentes en plusieurs copies chez certaines souches. Des séquences uniques peuvent aussi être ciblées comme XPR2. Dans tous les cas, une intégration en tandem des cassettes d’expression et un grand nombre d’intégrations sont observées (60-100 copies). Cependant, de nombreuses copies sont perdues en conditions d’induction et le nombre de copies se stabilise autour de 10 à 13 copies ura3d4 (Le Dall, et al., 1994). - L’intégration non homologue : Quand les zones zétas sont utilisées pour l’intégration dans des souches ne possédant pas les zones zétas, on observe une recombinaison non homologue, multiple et dispersée. Ce type d’intégration même s’il ne permet pas un aussi grand nombre de copies, évite la formation en tandem et permet d’avoir des souches très stables. Des souches avec 16 copies et stables sur 120 générations ont été observées (Pignede, et al., 2000b). D’autres voies ont été développées pour améliorer la production des protéines. Des souches surproductrices obtenues par mutagenèse chimique ont aussi été isolées et peuvent servir d’hôte pour la production de protéines hétérologues (Fickers, et al., 2005d; Fickers, et al., 2003b). Par ailleurs, une stratégie originale a été développée pour améliorer la production de protéines. La levure Y. lipolytica étant aérobie stricte, sa croissance peut être limitée par l’apport en oxygène, notamment dans les cas de productions de protéines recombinantes lorsque les densités cellulaires sont importantes. Ainsi, Bhave et Chattoo, (2003) ont exprimé une hémoglobine de Vitreoscilla chez Y. lipolytica ; celle-ci permet une meilleure utilisation de l’oxygène, une meilleure croissance et une augmentation de la quantité de protéines extracellulaires sécrétées. Ces caractéristiques rendent cette souche intéressante pour la production de protéines recombinantes. 40 Chapitre I : Etude bibliographique 1.3.6. Les souches La souche utilisée peut être un élément important dans le niveau de sécrétion des protéines recombinantes : De Baetselier et al. (1991) ont reporté des niveaux de sécrétion différents (pouvant aller jusqu’à un facteur 100) pour l’expression d’une glucose oxydase d’Aspergillus niger selon la souche de S. cerevisiae utilisée. Ces différences n’ont pu être expliquées par aucun marqueur génétique particulier. Chez Yarrowia lipolytica aucune étude n’a été réalisée sur les différences de sécrétion entre les souches, cependant divers éléments doivent être pris en compte dans le choix de la souche utilisée. La présence des zones zéta (LTR du rétrotransposon Ylt1) dans les différentes souches permettra deux types d’intégration différents lorsque la cassette d’expression est bordée par ces mêmes zones zéta : une intégration homologue et multicopies dans la souche américaine CBS6142-2 possédant les zones zéta en grand nombre ou une intégration non homologue pour les souches française W29 et allemande H222 qui ne possèdent pas de zones zéta (Schmid-Berger, et al., 1994). La souche po1d (dérivé de la souche française W29) présente certaines caractéristiques intéressantes pour la production de protéines recombinantes : - elle permet de hauts niveaux de sécrétion de protéines - la protéase extracellulaire alcaline (AEP) a été délétée pour éviter l’hydrolyse des protéines d’intérêt sécrétées. - une invertase a été ajoutée, ce qui permet à la levure de pousser sur saccharose et sur des substrats abondants et peu onéreux comme les mélasses (Nicaud, et al., 1989). 1.3.7. Le système cré-lox recombinase Le système cré-lox recombinase (Sauer, 1987) permet la réutilisation des marqueurs de sélection chez Yarrowia lipolytica. Les régions lox (Lox P et Lox r) doivent être situées de part et d’autre du marqueur de sélection, ces zones sont reconnues par la recombinase Cré. L’expression de cette recombinase (dans un vecteur réplicatif) permet l’excision du marqueur par recombinaison aux sites lox avec une fréquence de 98%. Le marqueur peut donc être réutilisé pour d’autres sélections. Ce système est utilisé pour la délétion de gènes chez Yarrowia lipolytica (Fickers, et al., 2003a). Récemment ce système a été mis en œuvre pour la délétion de familles multigéniques et leur analyse fonctionnelle dans le but de réaliser l’ingénierie métabolique des acides dicarboxyliques chez cette levure (Theveniau, 2006). 41 Chapitre I : Etude bibliographique 2. Comparaison avec d’autres systèmes d’expression 2.1. Les levures comme système d’expression Une protéine recombinante est une protéine produite par des cellules dont l’ADN a été modifié par génie génétique. Depuis l’obtention de la première protéine recombinante en 1977 (la somatostatine produite dans la bactérie Escherichia coli), (Itakura, et al., 1977), l’utilisation des protéines recombinantes en biotechnologie n’a cessé de croître. Actuellement, pour caractériser une protéine (fonction / propriétés physiques / structure), la protéine sera presque toujours exprimée de façon recombinante. De même, aujourd’hui, la plupart des protéines mises sur le marché (protéines médicamenteuses / enzymes) sont produites de manière recombinante. Les protéines peuvent être produites de manière homologue (dans leur organisme d’origine) ou hétérologue (dans un autre organisme). La quantité de protéines nécessaire dépendra de l’application de celle-ci, et peut aller de quelques milligrammes de protéines pour une caractérisation fonctionnelle ou structurale jusqu’au kilogramme pour des applications pharmaceutiques. Ainsi, de nombreux systèmes d’expression ont été développés pour obtenir une production de protéines suffisante pour l’application désirée. De par sa facilité d’utilisation, son faible coût de production et la disponibilité de nombreux vecteurs commerciaux, E .coli est devenu l’hôte le plus utilisé pour la production de protéines recombinantes. Cependant, cette bactérie présente des limitations importantes quant à la qualité des protéines obtenues, et notamment lorsqu’il s’agit de protéines d’origine eucaryote. En effet, à cause des différences entre la machinerie cellulaire procaryote et eucaryote, les protéines produites peuvent présenter certaines différences notamment au niveau des modifications post-traductionnelles (pont disulfures et glycosylation majoritairement); de telles différences peuvent conduire à une modification de l’activité biologique de la protéine considérée. D’autre part, les protéines sont souvent produites sous forme de corps d’inclusion et sont rarement excrétées ce qui complique leur purification. Le développement de systèmes de production eucaryotes (levures, champignons, système bacullovirus/cellules d’insectes, cellules de mammifères, plantes et animaux transgéniques) permet de pallier ces limitations (dans une certaine mesure). Cependant plus les cellules sont « évoluées » plus le procédé sera coûteux et difficile à mettre en œuvre (Tableau I-3). 42 Chapitre I : Etude bibliographique Tableau I-3 : Principaux avantages et inconvénients des différents systèmes de production de protéines recombinantes (Fernandez and Hoeffler, 1999) Complexité et coût du procédé Rapidité et facilité de mise en œuvre du procédé Système d'expression Rapide Cellules d'insectes Lente Cellules de mammifères Lente Simple Simple Complexe Complexe Faible Faible Haut Haut Haut Faible à Haut Faible à Haut Faible à modéré Non. Sécrétion périplasmique Renaturation usuellement requise Sécrétion dans le milieu Sécrétion dans le milieu Sécrétion dans le milieu Caractéristiques Bactéries Levures Croissance cellulaire Complexité du milieu de croissance Coût du milieu de croissance Rapide Niveau d'expression Sécrétion Repliement de la protéine Renaturation Repliement rarement requise correct Repliement correct Modifications posttraductionelles N-glycosylation Aucune Hautement manosylée Simple, pas d'acide sialique Complexe O-glycosylation Phosphorylation Acétylation Acylation γ-Carboxylation non non non non non oui oui oui oui non oui oui oui oui non oui oui oui oui oui Le choix d’un système d’expression dépendra donc du cahier des charges pour l’utilisation de la protéine que l’on veut avoir et se basera, par conséquent, sur différents paramètres : - le niveau de production nécessaire - la qualité de la protéine nécessaire (présence de modifications post-traductionnelles et leur influence sur les propriétés de la protéine) - la facilité et le coût de mise en œuvre du procédé. Dans ce cadre, les levures présentent un intérêt majeur car elles possèdent à la fois les avantages des bactéries en terme de facilité de mise en œuvre et de coût de production, et les avantages des cellules eucaryotes en terme de qualité de protéine (nombreuses modifications 43 Chapitre I : Etude bibliographique post-traductionnelles) et de sécrétion de la protéine d’intérêt. En outre, de nombreuses levures sont classées GRAS (Generally recognised as safe) par la Food and Drug Administration, et leur utilisation permet d’éviter toute sorte de contamination par des virus issus de cellules de mammifères. Toutes ces caractéristiques permettent une utilisation industrielle sans encombre. Dans le chapitre suivant nous détaillerons l’utilisation des levures comme système de production de protéines recombinantes. 2.2. Saccharomyces cerevisiae et les levures non conventionnelles Description des systèmes d’expression levures les plus utilisés La levure Saccharomyces cerevisiae, la mieux connue car utilisée depuis des siècles pour des applications biotechnologiques, a été le premier système eucaryote à être utilisé. En 1984, cette levure a permis de produire le premier vaccin recombinant contre le virus de l'hépatite B (McAleer, et al., 1984). Cependant, cette levure présente elle aussi des limitations : la protéine est produite à des niveaux généralement faibles et pas toujours sécrétée et une hyperglycosylation des protéines est souvent observée. De ce fait, l’utilisation de levures non conventionnelles s’est fortement développée, les plus utilisées étant Pichia pastoris, Kluyveromyces lactis, Hansenula polymorpha et Yarrowia lipolytica (Dominguez, et al., 1998). Toutes ces levures possèdent des vecteurs épisomiques, des vecteurs intégratifs, des promoteurs forts constitutifs et régulés, des signaux de sécrétion favorisant la sécrétion dans le milieu de culture. Néanmoins chacun de ces systèmes d’expression présente des particularités. Rapidement nous allons essayer de voir ce qui différencie ces levures, leurs atouts et leurs limitations. Levures méthylotrophes : Pichia pastoris et Hansenula polymorpha Ces levures sont capables de pousser sur méthanol comme seule source de carbone et possèdent un métabolisme permettant l’utilisation du méthanol et faisant intervenir des enzymes comme une alcool ou méthanol oxydase. La régulation de ces enzymes fait intervenir des promoteurs forts finement régulés (promoteur du gène AOX1 pour l’alcool oxydase chez Pichia pastoris et promoteur du gène MOX pour la méthanol oxydase de Hansenula polymorpha) qui peuvent induire des productions en protéines allant jusqu’à 30 % des protéines totales. Hansenula polymorpha est très utilisée dans l’industrie car le procédé de fermentation ne nécessite pas de méthanol (MOX est dérépressible par le glycérol) et cet organisme est plus thermotolérant que la levure Pichia pastoris (30-43°C contre 30°C pour la levure Pichia Pastoris). Le système d’expression dans Pichia pastoris quant à lui, a été initialement développé par la société Phillips Petroleum pour la production de protéines issues 44 Chapitre I : Etude bibliographique d’organismes unicellulaires sur méthanol. Aujourd’hui c’est la levure non conventionnelle la plus largement utilisée par la communauté scientifique car un kit d’expression est disponible chez la société Invitrogen. Kluyveromyces lactis Kluyveromyces lactis est classée GRAS (Generally recognised as safe) par la FDA (Food ans drug administration). Elle est actuellement utilisée dans plusieurs pays (États-Unis, GrandeBretagne, Japon...) pour produire industriellement et de manière hétérologue de la chymosine A (un des composants actifs de la présure de veau utilisée en fromagerie) et ainsi résoudre le problème de pénurie de présure de veau (van den Berg, et al., 1990). Aujourd’hui plus de 40 protéines de diverses origines ont été exprimées avec succès dans cet hôte (révisé dans (van Ooyen, et al., 2006)). Une des particularités de Kluyveromyces lactis réside dans le fait que cette levure est capable de sécréter des protéines de hauts poids moléculaires (WesolowskiLouvel, et al., 1996). Une autre de ses caractéristiques est l’utilisation d’un système de sélection original qui permet d’enlever le marqueur de sélection une fois le gène introduit, il peut ainsi être réutilisé pour d’autres gènes (Selten, et al., 1995). D’autre part, il existe chez K. lactis de nombreux mutants qui présentent une sécrétion améliorée (Bartkeviciute and Sasnauskas, 2003; Bartkeviciute and Sasnauskas, 2004; Donnini, et al., 2004; Uccelletti, et al., 2004). L’amélioration de la sécrétion a aussi été envisagée dans une étude alliant protéomique et génomique (van Ooyen, et al., 2006). Dans cette étude, les protéines cellulaires produites par une souche produisant une protéine chymotrypsisne hétérologue et celles de la souche native ont été comparées par gel de protéine bidimentionnel. Ceci a permis d’identifier les goulots d’étranglement de la sécrétion de protéines hétérologues chez cette levure. A partir de cette première identification, l’amélioration de la sécrétion des protéines recombinantes peut être envisagée par des techniques génétiques variées. Un kit pour l’expression de protéines est commercialisé par New England Biolabs. Yarrowia lipolytica Nous avons décrit précédemment les nombreux outils génétiques qui ont été développés chez la levure Yarrowia lipolytica. Plus de quarante protéines de diverses origines (révisé dans Madzak et coll, 2004) ont été exprimées avec succès chez cette levure. Soulignons que la surexpression des protéines peut se faire par un système original basé sur l’intégration non homologue des zones zéta à l’intérieur du génome, ceci conduisant, dans le cas d’une intégration multicopie, à une dispersion des copies à l’intérieur du génome et à une meilleure stabilité des souches obtenues. De plus, comme pour la levure K. lactis, le système cré-lox 45 Chapitre I : Etude bibliographique recombinase permet la réutilisation des marqueurs de sélection. D’autre part, l’intégration homologue chez Yarrowia lipolytica offre de sérieux avantages par rapport aux autres systèmes d’expression comme Pichia pastoris, notamment une très forte efficacité de transformation et une intégration ciblée du gène intégré dans le génome (Gellissen, et al., 2005), ainsi, seulement un petit nombre de transformant est nécessaire pour sélectionner un mutant avec une intégration correcte. Un kit commercial pour l’expression de protéines a été mis sur le marché récemment par la société Yeastern biotech. Peu d’études permettent de comparer les systèmes d’expression ; une étude cependant a permis de comparer différentes levures alternatives à la levure S. cerevisiae (Muller, et al., 1998). La comparaison a été effectuée sur 6 enzymes différentes et cinq hôtes d’expression (Hansenula polymorpha, Kluyveromyces lactis, Schizosaccharomyces pombe, Yarrowia lipolytica et Saccharromyces cerevisiae) et se base sur différents critères : la quantité d’enzyme sécrétée, le profil de glycosylation, l’efficacité de transformation, et la stabilité du plasmide. Y. lipolytica possède à la fois une bonne efficacité de transformation, des plasmides stables et une croissance correcte. Par ailleurs, elle ne présente pas de problèmes d’hyperglycosylation (Tableau I-4). Toutes les levures testées présentent une meilleure sécrétion que S .cerevisiae et Y. lipolytica a été jugée particulièrement intéressante pour ses capacités de sécrétion. (Figure I-2 A et B). Tableau I-4 : Comparaison des levures comme hôte d’expression. L’efficacité de transformation sont illustrées par des + où + est le minimum relatif et + + + + + le maximum relatif (d’après Muller et al., 1998). S. cerevisiae S. pombe K. lactis H. polymorpha Y. lipolytica Efficacité de transformation +++++ + ++++ +++ +++ Problèmes de glycosylation Apparemment aucun Apparemment aucun Apparemment aucun Augmentation de plus de 20 kDa Apparemment aucun Stabilité des plasmides Satisfaisante Satisfaisante Satisfaisante Satisfaisante Satisfaisante +++ + +++ +++++ +++ Croissance 46 Chapitre I : Etude bibliographique Figure I-2 : Activité relative par volume et par rapport à la biomasse (divisée par la DO 600 nm de la culture de levure correspondante) pour cinq levures exprimant 6 enzymes (d’après Muller et al., 1998). Les échantillons pour la mesure d’activité enzymatique ont été pris au maximum d’activité enzymatique par volume. Pour tous les transformants, ce maximum a été atteint dans la phase stationnaire de croissance. Pour chaque enzyme, les plus hautes activités obtenues par volume (A) ou par unité de DO (B) ont été portées à 100. Cel I cellulase d’Aspergillus aculeatus, Cel II : cellulase d’Humicola insolens, Gal I : galactanase d’Aspergillus aculeatus, Xyl I : xylanase d’Humicola insolens , PG I : polygalacturonase d’Aspergillus aculeatus, Lip I : lipase d’Humicola lanuginosa. 2.3. Quel système d’expression pour les glycoprotéines ? 2.3.1. Composition des chaînes de glycosylation des protéines Chez tous les êtres vivants, les chaînes glycosylées sont composées de deux parties : - un cœur interne dont la structure oligosaccharidique est commune à tous les êtres vivants (Figure I-3) - une ou plusieurs ramifications attachées à ce cœur interne dont la composition varie (Montreuil, 1980). Les chaînes glycosylées sont composées de quatre classes de sucre : les 47 Chapitre I : Etude bibliographique oses (D-galactose, D-mannose, D-glucose, D-xylose), les déoxyoses (L-fucose), les hexosamines (o-galactosamine and o-glucosamine) et les acides sialiques (acides Nacétylneuraminique et N-glycolylneuraminique). Figure I-3 : Structure du cœur interne des chaînes glycosylées des protéines chez tous les êtres vivants (Montreuil, 1980) 2.3.2. Importance de la glycosylation dans les protéines médicamenteuses En 2006, 165 protéines étaient approuvées par la FDA et l’EMEA (Agence européenne pour l’évaluation des médicaments) en tant que médicaments (Walsh, 2006) ; ces protéines représentaient en 2004 un marché de 33 milliards de dollars. Les principaux systèmes de production sont E. coli et les cellules de mammifères, et environ un sixième des protéines médicamenteuses sont exprimées chez les levures. Environ 60 % des protéines thérapeutiques sont des protéines glycosylées (Gerngross, 2004). Pour que ces protéines puissent être utilisées en tant que médicament, la FDA demande maintenant à ce que les protéines soient parfaitement caractérisées du point de vue de leur glycosylation (Liu, 1992). En effet, la glycosylation des glycoprotéines peut affecter leur solubilité, leur repliement, la reconnaissance et la liaison aux ligands, la stabilité à la protéolyse et à la thermo-inactivation, ainsi que l’activité biologique, l’antigénicité et le temps de demi-vie des protéines concernées (révisé dans (Walsh and Jefferis, 2006)). Seuls les systèmes d’expression eucaryotes seront capables de réaliser la glycosylation, cependant, les motifs de glycosylation sont différents selon le système d’expression utilisé. Ainsi, chez les mammifères, les oligosaccharides de la chaîne de glycosylation sont composés d’une grande variété de sucres N-acétylgalactosamine, galactose et acide sialique (leur composition pouvant varier selon le type de cellules utilisées). Les cellules d’insectes infectées par les bacullovirus sont incapables d’ajouter des acides sialiques, alors que chez les levures, les oligosaccharides sont seulement composés de mannoses. Le nombre de mannoses par chaîne et le type de liaisons dépendront de la levure utilisée (révisé dans Dominguez et coll, 1998). Lorsqu’elle produit des protéines hétérologues, la levure S. cerevisiae a souvent tendance à produire des protéines hyperglycosylées, alors que les levures P. pastoris et H. polymorpha sont moins sujettes à l’hyperglycosylation. La chaîne glycosylée des protéines produites dans ces hôtes comprend environ 8 à 14 unités de mannose (contre 50 à 100 chez S. cerevisiae). La levure Y. lipolytica quant à elle, semble ajouter en 48 Chapitre I : Etude bibliographique moyenne seulement 8-10 unités, cependant de l’hyperglycosylation peut parfois avoir lieu (Madzak, et al., 2005). A ce jour, toutes les glycoprotéines thérapeutiques sont donc produites par des cellules de mammifères, ce qui implique de faibles taux de production à des coûts élevés et le risque de contaminations virales. L’utilisation de levures en tant que système de production peut s’envisager dans le cadre de l’ingénierie des voies de glycosylation chez ces organismes. Les premières tentatives ont permis d’éliminer l’hyper-glycosylation, et la sécrétion d’intermédiaires de glycosylation humains Man8GlcNac2 a pu être obtenue (NakanishiShindo, et al., 1993; Nakayama, et al., 1992). Mais, c’est l’équipe de Gerngoss en 2003, qui a humanisé la voie de glycosylation chez la levure P. pastoris en éliminant la voie de glycosylation endogène à la levure, et en exprimant différentes protéines eucaryotes de glycosylation (Choi, et al., 2003; Hamilton, et al., 2003). Ceci a permis l’introduction de sucres divers comme les galactoses (Bobrowicz, et al., 2004) et les acides sialiques (Hamilton, et al., 2006). Un des avantages majeurs de ce nouveau système d’expression réside dans l’uniformité des glycanes synthéthisés par les levures (contrairement au mélange de glycoformes obtenu lorsque les protéines sont synthétisées par les cellules de mammifères). Chez la levure Yarrowia lipolytica, l’étude des voies de glycosylation (Barnay-Verdier, et al., 2004; Jaafar, et al., 2003) a permis le début de l’ingénierie métabolique de ces voies (Song, et al., 2007). 2.3.3. Quel système d’expression pour l’évolution dirigée ? Un système d’expression pour le criblage haut-débit pour l’évolution dirigée doit satisfaire plusieurs points : - les taux de transformation doivent être suffisamment élevés pour pouvoir réaliser des banques. - le criblage de l’activité enzymatique doit pouvoir être rapidement mesuré. - la croissance des variants et l’expression protéique doivent être identiques entre les variants de façon à identifier rapidement les protéines sortant du lot. Aujourd’hui, bien que de nombreuses limitations existent, l’hôte d’expression le plus utilisé est E. coli. Cependant, la protéine à faire évoluer n’est pas toujours fonctionnelle lorsqu’elle est exprimée chez les procaryotes et est exprimée de manière intra-cellulaire ; ensuite, même si l’efficacité de transformation est élevée chez cet hôte, les obstacles majeurs pour obtenir un nombre suffisant de transformants par plaque sont l’efficacité de l’étape de ligation et le faible taux de transformation des produits ligués (généralement 10 à 1000 fois moins de 49 Chapitre I : Etude bibliographique transformants obtenus qu’avec un plasmide super enroulé). Là encore, les levures semblent être des hôtes alternatifs intéressants pour ce type d’application. En effet, elles possèdent les avantages d’E. coli en terme de facilité d’utilisation (culture rapide et facile à mettre en œuvre, milieu simple et peu coûteux), d’efficacité de transformation, et de nombreux outils génétiques sont disponibles. Par ailleurs, elles présentent l’avantage des eucaryotes en termes de modifications post-traductionnelles et peuvent souvent sécréter les protéines. Au début de cette thèse, seules les levures, S. cerevisiae (Bulter and Alcalde, 2003; Cherry, et al., 1999), P. pastoris (Boettner, et al., 2002; Weis, et al., 2004) avaient été utilisées pour faire évoluer des enzymes. Notons aussi une unique tentative avec la levure Hansenula polymorpha (Kim, et al., 2003). Saccharomyces cerevisiae présente une efficacité de transformation élevée (jusqu’à 1013 transformants par microgramme d’ADN) ; mais elle a tendance à hyperglycosyler les protéines (risque de non-fonctionnalité) et présente souvent des problèmes de sécrétion. P. pastoris présente plusieurs désavantages, une faible efficacité de transformation, un fort taux de conversion du marqueur de sélection sans intégration de la cassette d’expression (ainsi 10 à 50 % des transformants n’exprimeront pas la protéine d’intérêt à cause de la recombinaison du marqueur de sélection seul) et un nombre de copies variable. D’autre part, la culture en microplaque nécessite de fortes concentrations en oxygène (utilisation de microplaques à puits profonds) et des mécanismes d’apoptose engendrent une faible reproductibilité entre les différents puits (Weis, et al., 2004). Un autre avantage des levures, en ce qui concerne l’évolution dirigée, est la possibilité d’introduire de la diversité génétique directement lors des événements de recombinaison « in vivo ». (Abecassis, et al., 2000; Cherry, et al., 1999; Pompon and Nicolas, 1989). Conclusion : Yarrowia lipolytica est une levure atypique. Elle présente naturellement des capacités de sécrétion élevées et de nombreux outils génétiques sont disponibles pour l’expression de protéines recombinantes. Ces caractéristiques en font un hôte de choix avéré dans la production de protéines recombinantes. Cependant, à ce jour, cette levure n’a jamais été utilisée pour réaliser de l’évolution dirigée sur une protéine. Le développement de ce système d’expression (miniaturisation des cultures et de la production d’enzyme et optimisation de la reproductibilité du système) sera le premier objectif de notre étude. 50 Chapitre I : Etude bibliographique Deuxième partie - Améliorer la thermostabilité par ingénierie enzymatique : Approche rationnelle ou/et évolution dirigée. Dans les procédés industriels la thermostabilité est considérée comme un avantage sinon comme une condition sine qua none pour qu’un procédé soit considéré comme économiquement rentable. En effet, d’une part, en utilisant des enzymes thermostables on réduit le « turn over – roulement » d’enzyme à utiliser permettant d’importantes économies. D’autre part, l’utilisation d’enzymes thermostables permet de travailler à haute température et ainsi d’augmenter la vitesse de réaction des enzymes (selon la loi d’Arrhenius la vitesse d’une réaction est approximativement doublée par tranche de 10°C). Les hautes températures permettent aussi d’avoir un effet bénéfique sur la viscosité, sur la solubilité des réactifs et permettent donc de travailler à des concentrations plus élevées. De plus, le risque de contamination biologique se trouve diminué. D’autre part, la thermostabilité s’accompagne souvent d’une stabilité plus globale aux agents chimiques, aux oxydants ou aux solvants organiques. Cependant, les conditions industrielles dans lesquelles sont utilisées les enzymes sont souvent très différentes de l’environnement dans lequel leur fonction a évolué ; une limitation majeure de l’utilisation des enzymes dans des procédés industriels provient donc de leur faible stabilité. De nombreuses voies ont donc été étudiées pour améliorer la thermostabilité des enzymes, parmi elles nous citerons : • l’utilisation d’additifs comme des polyols (Noel, et al., 2005), des sucres (tréhalose, saccharose, maltose…), des espèces ioniques (Ca2+, Cu2+…) ou des polymères. Certains surfactants ont aussi des propriétés de thermostabilisation. • les modifications chimiques des enzymes (Longo and Combes, 1997). • l’immobilisation d’enzyme (Klibanov, 1989). Sur un point de vue industriel, le bénéfice est double, l’enzyme est plus stable et peut être facilement récupérée pour être réutilisée. Ainsi, même si de nombreuses méthodes permettent d’avoir des effets stabilisateurs, aucune n’a un rôle de stabilisateur universel et la stabilisation dépend d’interactions spécifiques entre un couple enzyme/additif et doit être étudiée au cas par cas. 51 Chapitre I : Etude bibliographique Au cours de la dernière décennie, une méthode de choix est venue compléter ce panel : l’ingénierie enzymatique. Ce type d’approche consiste à créer des variants plus stables de l’enzyme en utilisant les techniques du génie génétique et de la biologie moléculaire. Dans les paragraphes suivants, nous nous bornerons à l’étude de l’ingénierie des protéines pour améliorer les enzymes. On distingue deux grands courants dans cette approche. Le premier est l’ingénierie des protéines par évolution rationnelle. Les modifications introduites sont ciblées et raisonnées et se basent sur la connaissance de la structure de l’enzyme et des mécanismes de dénaturation de celle-ci. Le deuxième est l’évolution dirigée. Cette méthode se base sur des techniques de mutations aléatoires et de recombinaison au hasard pour créer de la diversité, s’ensuit un crible sur la propriété à améliorer. Avant de déterminer les paramètres responsables de la stabilité des protéines, il faut définir ce que l’on entend exactement par thermostabilité. Ce sera l’objet du premier chapitre de cette partie. Dans le second chapitre, nous nous intéresserons plus en détail aux bases structurales de la stabilité des protéines et à la compréhension des mécanismes de dénaturation des enzymes. Ceci ayant pour objectif de pouvoir améliorer par ingénierie rationnelle la thermostabilité des protéines. Par la suite dans le dernier chapitre, nous aborderons une autre stratégie pour améliorer la thermostabilité des enzymes: celle de l’évolution dirigée. 1. Définition de la thermostabilité : 1.1. Stabilité thermodynamique, cinétique et thermoactivité 1.1.1. Thermostabilité thermodynamique Lors du chauffage d’une enzyme, l’agitation des molécules et le gain d’entropie provoqué par le chauffage conduisent à la perte d’une partie de la structure tertiaire et même secondaire de la protéine. Les interactions non covalentes (liaisons hydrogène, interactions hydrophobes et ioniques et les forces de van der Walls) qui maintiennent la structure native de la protéine sont d’abord affaiblies puis cassées, détruites par l’augmentation de la température (Creighton, 1983) ; l’enzyme est alors dénaturée au moins partiellement. Les modifications au niveau du site actif de l’enzyme qui accompagnent cette étape provoquent une inactivation de l’enzyme (Figure I-4). 52 Chapitre I : Etude bibliographique k1 k-1 N U Figure I-4 : Représentation schématique de l’inactivation réversible (première étape de l’inactivation irréversible) d’une enzyme. La région enflée, gonflée en gras représente le site actif de l’enzyme d’après Volkin et Klibanov (1989) Ce processus est totalement réversible : après un refroidissement rapide de l’enzyme, l’activité enzymatique ainsi que la conformation native de celle-ci sont totalement restaurées. Cette dénaturation réversible est la première étape dans le processus d’inactivation. On parle de thermostabilité thermodynamique, plus la protéine sera stable thermodynamiquement plus il faudra des conditions drastiques (temps- température) pour que celle-ci passe à l’état déplié. Par la suite pour qualifier une protéine réversiblement dénaturée, nous emploierons le terme protéine ou enzyme dépliée. La stabilité thermodynamique d’une protéine est mesurée par la variation d’énergie libre de Gibbs entre la forme native et la forme dépliée (∆GU). Plus ∆GU est grand plus la protéine sera stable thermodynamiquement. En outre, ∆GU = -RT ln KU avec KU= k-1/k1 la constante d’inactivation globale caractérisée par les constantes de vitesse de dépliement k1 et de repliement k-1. La stabilité thermodynamique d’une protéine dépendra donc des constantes de dépliement et de repliement de la protéine. D’autre part ∆G = ∆H -T∆S ou ∆H est la variation d’enthalpie et ∆S la variation d’entropie entre les états natifs et dénaturés de la protéine. La stabilité thermodynamique d’une protéine est donc mesurée à la fois par des contributions enthalpiques et par des contributions entropiques. 1.1.2. Thermostabilité cinétique Si le chauffage de l’enzyme est prolongé, une fraction de l’activité enzymatique n’est pas restaurée après refroidissement indiquant qu’un autre processus, irréversible celui-ci, a eu lieu. Ainsi le phénomène global d’inactivation peut se décrire selon le schéma classique de Lumry et Eyring (1954) : k1 N k2 U I k-1 53 Chapitre I : Etude bibliographique où N est l’enzyme native catalytiquement active, U la forme réversiblement dénaturée (enzyme dépliée) et I la forme dénaturée irréversiblement. Il est à noter que par des étapes de renaturation (hautes concentrations en dénaturant comme urée et guanidine et dans le cas d’échange de ponts disulfure étapes de réductions puis d’oxydation), il est souvent possible (mais pas toujours) de restaurer l’activité catalytique d’une enzyme. Ce type de dénaturation est tout de même par définition une dénaturation irréversible car le refroidissement seul de l’enzyme ne permet pas de retrouver une activité catalytique (Ahern and Klibanov, 1988). Les mécanismes intervenant dans la dénaturation irréversible sont présentés de façon schématique dans la Figure I-5 et seront approfondis dans le paragraphe 2.3 de cette partie. Agrégation Modifications irréversibles de l’enzyme Renaturation possible N Echange de ponts disulfures intermoléculaires Modifications structurales non covalentes de l’enzyme Modifications covalentes échange de ponts disulfures de l’enzyme U Modifications irréversibles de l’enzyme Renaturation impossible Enzyme coupée ou dont les acides aminés ont été modifiés Figure I-5 : Mécanismes intervenant dans la dénaturation irréversible des protéines d’après Ahern et Klibanov (1988). Pour la plupart des enzymes industrielles le seul paramètre pertinent et évaluable est la thermostabilité cinétique (Eijsink, et al., 2004), c’est à dire que l’enzyme doit avoir une durée de vie assez longue pour réaliser la réaction voulue dans un environnement donné. Mais seulement 6 % des études sur la stabilité des protéines mesurent cette thermostabilité cinétique (Polizzi, et al., 2007). La relation entre thermostabilité et activité à haute température est une autre question intéressante. Beaucoup d’enzymes stabilisées par évolution dirigée ont un optimum de température amélioré mais pas toutes. Donc améliorer la stabilité n’est pas une garantie pour améliorer la thermoactivité d’une enzyme même si c’est un pré-requis. 54 Chapitre I : Etude bibliographique 1.2. Comment détermine-t-on la thermostabilité ? La dénaturation réversible caractéristique de la thermostabilité thermodynamique peut être mesurée par : - l’énergie libre de Gibbs de dénaturation (∆GU) et les facteurs enthalpiques et entropiques qui la composent : ∆GU = ∆HU -T∆SU - une constante d’inactivation d’équilibre KU caractérisée par les constante de vitesse de dénaturation k1 et de renaturation k-1 avec KU = k-1/k1 et ∆G = -RTln KU - la température de fusion de la protéine Tm (∆G = 0) Les méthodes pour mesurer la thermostabilité thermodynamique sont la calorimétrie différentielle à balayage, le dichroïsme circulaire, la fluorescence des tryptophanes ou des changements dans l’absorbance des tyrosines. Les méthodes spectrales permettent une caractérisation plus fine des modifications qui ont lieu au niveau de la perte de structure. La stabilité cinétique mesure la dénaturation irréversible des protéines, elle est fonction du temps où une protéine reste active jusqu’à ce qu’elle se dénature irréversiblement. Les paramètres servant à quantifier la thermostabilité cinétique, sont : - le temps de demi-vie de l’enzyme à une température donnée (le temps nécessaire à ce que l’activité de l’enzyme soit divisée par deux à température donnée). - une constante de vitesse d’inactivation kdobs qui mesure l’inactivation totale de la protéine observée : N I - la température de demi -vie T50 à laquelle pour un temps donné l’activité de l’enzyme est divisée par deux. Les mesures de stabilité cinétique sont souvent basées sur des mesures de l’activité enzymatique. 2. Comprendre pour améliorer ou ingénierie rationnelle Nous avons vu dans le chapitre précédent deux types de thermostabilité, la thermostabilité thermodynamique et la thermostabilité cinétique. Nous verrons comment rationnellement, à partir de la connaissance de la structure de l’enzyme et des mécanismes de dénaturation de 55 Chapitre I : Etude bibliographique celle-ci, on peut améliorer ces deux types de thermostabilité. Les processus de dénaturation ont souvent un caractère local. De ce fait les modifications introduites n’amélioreront la thermostabilité que si elles affectent les régions des protéines qui sont soumises à ces processus de dénaturation. Pour notre étude, nous nous baserons sur les mécanismes de dénaturation décrits dans le précédent chapitre ainsi que sur les caractéristiques structurales d’enzyme issues des organismes thermophiles. Cette dernière approche est très largement décrite dans la littérature pour déterminer les caractéristiques structurales qui expliquent la thermostabilité de ces protéines. 2.1. Apprendre des thermophiles 2.1.1. Les thermophiles Les enzymes issues d’organismes thermophiles (ou hyperthermophiles) sont plus stables que les protéines thermophiles à haute température, c’est à dire moins susceptibles de se déplier, plus résistantes à l’inactivation irréversible, et plus actives à hautes températures. Leur stabilité est à la fois thermodynamique et cinétique 2.1.2. Les bases moléculaires impliquées dans la stabilité des thermophiles Les bases de la thermostabilité des protéines thermophiles sont variées et dépendent de l’enzyme étudiée. Cependant des caractéristiques structurales communes ont été identifiées pour expliquer la thermostabilité des thermophiles (revu dans Sterner et Liebl 2001 et Vieille et Zeikus, 2001). Parmi elles, on retrouve presque toujours la stabilisation des α-hélices, l’augmentation du nombre de prolines et d’acides aminés β branchés (diminuant l’entropie de l’état déplié), une diminution dans le nombre de résidu polaire non chargé : Gln- Asn- ThrSer (évitant la dégradation de la chaîne polypeptidique à haute température), un nombre plus élevé d’interactions électrostatiques et leur optimisation (pont salin) ceci allant de pair avec une augmentation des acides aminés Glu-Lys-Arg. D’autres explications comme l’augmentation du nombre de liaisons hydrogène, des interactions hydrophobes améliorées, des surfaces améliorées, de plus petits volumes, un raccourcissement de la chaîne polypeptidique, de plus petites cavités avec une meilleure compacité « packing », un état d’oligomérisation plus élevé ont aussi été avancées, mais ces caractéristiques ne sont pas uniformément retrouvées au sein des différentes familles de thermophiles. 56 Chapitre I : Etude bibliographique Nous noterons tout de même, que chaque organisme thermophile possède des stratégies de stabilisation qui lui sont propres et que souvent plusieurs stratégies sont utilisées au sein d’une même protéine. On peut aussi souligner que les organismes thermophiles possèdent des systèmes de réparations de protéines plus développés que les organismes mésophiles (chaperonnes – enzyme de réparation) qui engendrent une plus grande thermostabilité. Nous ne nous intéressons pas à cet aspect de la thermostabilité car celui-ci ne présente aucun intérêt pour la stabilité intrinsèque des protéines. Dans le prochain chapitre, nous tenterons de comprendre comment ces particularités structurales stabilisent les protéines. Nous ne dresserons pas une liste exhaustive des stratégies utilisées mais nous détaillerons les stratégies de stabilisation les plus fréquemment retrouvées dans la littérature. Nous diviserons notre étude en deux parties, les modifications structurales améliorant la stabilité thermodynamique de l’enzyme et celles liées aux altérations chimiques irréversibles intervenant dans la dénaturation des protéines. 2.2. Améliorer la stabilité thermodynamique de protéines k1 Rappelons le modèle : N U k-1 Ainsi pour stabiliser (thermodynamiquement) une enzyme on pourra stabiliser l’état natif, déstabiliser l’état déplié (∆GU sera augmenté) ou jouer sur les cinétiques de dépliement repliement k1 et k-1. Les formes natives des protéines sont généralement plus stables de seulement 5 à 10 kcal/mol par rapport aux protéines dépliées. Ce faible gain de stabilité est le résultat d’importantes forces de stabilisation et de déstabilisation des protéines. La plus grande force déstabilisatrice étant l’entropie conformationnelle. La stabilité dépendant des contributions enthalpiques et entropiques (∆GU = ∆HU-T∆SU), il y a donc 2 façons pour stabiliser une protéine par voie enthalpique (augmenter ∆HU) ou/et par voie entropique (diminuer ∆SU). Pour schématiser, la stabilisation par voie entropique jouera sur la structure conformationnelle de la protéine (rigidification) et sur l’effet hydrophobe. La stabilisation par voie enthalpique (ce qui correspond aux énergies de liaisons) consiste à ajouter des interactions favorables contribuant à la stabilité de la protéine comme des liaisons hydrogène, des interactions électrostatiques et de van der Walls (cf. Figure I-6). 57 Chapitre I : Etude bibliographique Figure I-6 : Quelques déterminants moléculaires impliqués dans la stabilisation des protéines Il faut garder en mémoire cependant que toute modification de la structure de l’enzyme aura des répercussions à la fois sur l’entropie et sur l’enthalpie de la protéine (native mais aussi dépliée). Ainsi le gain en stabilité met en jeu un équilibre complexe entre les forces de stabilisation et de déstabilisation enthalpiques et entropiques amenées par la modification de structure à la fois dans l’état natif mais aussi dans l’état déplié de la protéine. 2.2.1. Réduire l’entropie de l’état dénaturé Glycine et proline Lorsque la protéine est dépliée, la glycine (Gly), qui ne possède pas de carbone β, est l’acide aminé qui a la plus forte entropie : dans le processus de repliement de la protéine, il faut plus d’énergie pour restreindre la configuration de Gly que pour aucun autre résidu. Au contraire la proline (Pro) est l’acide aminé qui a l’entropie la plus faible : avec son cycle pyrolidine, cet acide aminé peut seulement adopter un nombre limité de conformations. De ce fait les mutations Gly → X et X →Pro (X étant n’importe quel acide aminé) diminuent l’entropie de la forme dépliée de la protéine et diminuent ∆SU. Cette diminution va de pair avec une augmentation de la thermostabilité (augmentation de ∆GU). Il faut cependant vérifier que les mutations introduites n’introduisent pas de contraintes stériques nouvelles à la protéine. Cette technique a été utilisée pour améliorer la thermostabilité de nombreuses protéines. Ainsi, les mutants G77A et A82P du lyzosyme t4 présentent une thermostabilité améliorée par rapport à l’enzyme sauvage (Matthews, et al., 1987) De même, chez une oligo-1,6 glycosidase de 58 Chapitre I : Etude bibliographique Bacillus cereus 9 résidus ont été remplacés par des prolines, pour chaque proline ajoutée la thermostabilité a été améliorée, et les mutations ont eu un effet additif sur la thermostabilité. (Watanabe, et al., 1994). Ponts disulfures L’introduction des ponts disulfures dans la protéine a très souvent un effet positif sur la thermostabilité de la protéine par un effet entropique. En effet, lors de la dénaturation thermique les ponts disulfures diminuent l’entropie de l’état dénaturé. De très nombreux exemples existent dans la littérature (Li, et al., 1998; Matsumura, et al., 1989; Yang, et al., 2007). Ainsi le Tm de la lipase de Penicillium camembertii a été amélioré de 12°C par introduction d’un pont disulfure. Le positionnement du pont disulfure a été déterminé par homologie avec la lipase thermostable de Thermomyces lanuginosa (Yamaguchi, et al., 1996) (voir Figure I-7). Nous verrons dans le chapitre suivant que les ponts disulfures, sont aussi largement impliqués dans la stabilité cinétique des enzymes. Figure I-7: Représentation schématique en ruban des lipases de P. camembertii (A) et H. lanuginosa (B). d’après Yamaguchi et al. (1996) Les résidus du site actif et les ponts disulfures sont identifiés et schématisés par des balles. 2.2.2. Effet hydrophobe Hydrophobicité et hydratation de la protéine. Une molécule hydrophobe est non polaire et est incapable de réaliser des liaisons hydrogène, notamment avec l’eau. Ainsi, lorsqu’un acide aminé hydrophobe entre dans le réseau de liaisons hydrogène de l'eau, elle va le rompre localement. Ce réseau va se reconstituer en se 59 Chapitre I : Etude bibliographique séparant des molécules hydrophobes qui vont avoir tendance à se regrouper entre elles pour diminuer la surface de contact avec l’eau : c'est l'interaction hydrophobe. Les molécules hydrophobes, formeront alors une phase distincte de l’eau. Ce phénomène est responsable de la structure globulaire des protéines solubles. Ainsi, lors du repliement des protéines, les acides aminés hydrophobes ont tendance à éviter l'eau et à se regrouper entre eux au centre de la molécule, formant un cœur hydrophobe. Inversement les résidus polaires vont chercher à réaliser des interactions avec le solvant aqueux et resteront en surface. L’effet hydrophobe est donc un des moteurs dans le repliement des protéines et l’acquisition de leur structure 3D mais c’est aussi un des éléments déterminant dans la stabilité des enzymes (Pack and Yoo, 2005). Pour améliorer la stabilité via l’effet hydrophobe, deux grandes stratégies sont possibles : dans tous les cas, il s’agit de diminuer les surfaces de contact entre l’eau et les résidus hydrophobes. -diminuer l’hydrophobicité à l’extérieur de la molécule : La diminution des surfaces hydrophobes accessibles au solvant est la base de la thermostabilité de certains organismes thermophiles. Ainsi, Delbonni et al. ont comparé la structure d’une triosephosphate isomerase de Bacillus stearothermophilus (thermophile) à six autres structures de triosephosphate isomerase (Delboni, et al., 1995). Parmi les différents facteurs structuraux mis en jeu, le gain de thermostabilité le plus important est attribué à la stabilisation hydrophobe réalisée par la formation d’un dimère qui enfouit la plus grande partie de la surface hydrophobe accessible au solvant. Ainsi, la dimérisation est une voie de thermostabilisation suivie par d’autres enzymes thermophiles (Byun, et al., 2007). -augmenter l’hydrophobicité à l’intérieur de la molécule : L’hydrophobicité d’une protéine est exprimée comme le ratio de la surface enfouie non polaire sur la surface totale non polaire de la protéine. Ainsi, un lien direct entre thermostabilité et hydrophobicité a été mis en évidence (Pace, 1992) : pour chaque groupe méthyle introduit dans une protéine le gain en stabilité est de 1,3 (+/- 0,5) kcal/mol en moyenne. Souvent, cependant, le gain en thermostabilité peut être moindre si les résidus insérés introduisent aussi des contraintes stériques qui ont un effet négatif sur la thermostabilité (Eijsink, et al., 1992). L’augmentation de la densité hydrophobe « hydrophobic packing » au cœur de la protéine, passe aussi par la suppression de cavités non nécessaires à l’activité enzymatique dans la protéine qui s’accompagne d’une disparition des molécules d’eau, et d’une augmentation des interactions hydrophobes, ainsi, la stabilité des protéines est améliorée. A partir de la structure de la protéine, il est possible de localiser la présence de ces cavités et de les modifier par 60 Chapitre I : Etude bibliographique mutagenèse dirigée (Vriend, et al., 1991). Ainsi, le Tm de 2 mutants de la ribonucléase HI de E.coli a ainsi été amélioré de 2,1°C (mutant V74L) et 3,7°C (mutant V74I) par remplissage des cavités avec des résidus hydrophobes (Ishikawa, et al., 1993) Entropie , hydratation et effet hydrophobe Pour comprendre comment l’effet hydrophobe peut influencer la stabilité d’une protéine, il faut tenir compte d’un facteur souvent oublié, l’hydratation de la protéine. D’un point de vue thermodynamique, la variation d’entropie totale ∆S, lors de la dénaturation est en fait la résultante de l’entropie dite conformationnelle ∆Sconf et de l’entropie d’hydratation de la molécule ∆S hydr. (Makhatadze and Privalov, 1996). Lors d’une dénaturation réversible, l’entropie conformationnelle de l’état déplié est plus grande que celle de l’état natif de la protéine plus compact et qui possède un espace conformationnel restreint. ∆Sconf est donc positif et stabilise l’état déplié. Par contre l’entropie d’hydratation stabilise l’état natif. En effet, ne pouvant former de liaisons hydrogène avec les résidus hydrophobes, les molécules d’eau s’organisent autour des groupements hydrophobes pour former des cages de solvatation (structures en clathrate). Cette organisation réduit le désordre. Ces interactions sont bien plus fortes dans l’état déplié de la protéine (entropie plus faible) car les groupements hydrophobes sont exposés. Ainsi, si on mute un résidu en remplaçant une molécule d’eau par un résidu hydrophobe, la disparition des molécules d’eau (organisées) dans les cavités des protéines, ou à l’interface de la protéine (par diminution surfaces hydrophobes accessibles au solvant) conduit donc à une augmentation de l’entropie de la structure native et une stabilisation de la protéine (∆GU). Ce qui a pour conséquence, en l’absence de toute autre contribution d’origine enthalpique, d’augmenter la stabilité de la protéine. La stabilisation des protéines via l’effet hydrophobe est donc principalement d’origine entropique. Le rôle de l’eau dans ce cadre est donc un élément primordial dans la stabilité des protéines (Pechkova, et al., 2007; Vriend, et al., 1991). 2.2.3. Effet enthalpique : les interactions électrostatiques Parmi les différents facteurs établis par Querol et al. (1996) pour expliquer les gains de thermostabilité thermodynamique des protéines, Vogt et al. (1997) mettent en évidence que la majorité d’entre elles sont dues au moins en partie à des interactions électrostatiques (liaisons hydrogène, ponts salins…) (cf. Tableau I-5) 61 Chapitre I : Etude bibliographique Tableau I-5 : Explications trouvées dans la littérature pour l’augmentation de la thermostabilité de différentes protéines d’après Vogt et al (1997) Il existe 3 grands types d’interactions électrostatiques qui peuvent contribuer à la stabilité de la structure de la protéine : - Les interactions charge-charge sont des interactions longue distance qui ont lieu entre des groupes chargés de charges inverses (Lys Arg NH3+ / Asp Glu COO-) même si ils sont distants de plusieurs angströms. Ce type d’interaction est appelé pont salin. - Les interactions charge-dipôle quand un résidu chargé interagit avec un dipôle comme celui d’une molécule d’eau. - Les interactions dipôle-dipôle : interaction entre un hydrogène et des atomes électronégatifs comme O ou N. Ce type d’interaction est appelée liaison hydrogène. Nous détaillerons plus particulièrement l’étude des liaisons hydrogène et des ponts salins car ces 2 types d’interactions sont bien connus pour stabiliser la structure des protéines. Liaisons hydrogène Il s’agit d’une interaction électrostatique particulière (interaction dipôle-dipôle) entre l’hydrogène et un atome électronégatif. Dans les protéines, les atomes les plus électronégatifs sont l’azote N et l’oxygène O et les liaisons hydrogène de la plus grande importance sont celles qui se forment entre les oxygènes des chaînes carbonées et les hydrogènes des fonctions amides. Elles représentent 68 % des liaisons hydrogène qui sont présentes dans les protéines 62 Chapitre I : Etude bibliographique globulaires (Stickle, et al., 1992). Dans l’état déplié, toutes les liaisons hydrogène potentielles de la chaîne polypeptidique peuvent être satisfaites avec l’eau du solvant environnant, ce qui a un effet stabilisateur sur la forme dépliée de la protéine. Quand la protéine est native par contre, beaucoup de liaisons hydrogène ne sont pas satisfaites. McDonald et Thornton (1994) ont montré que 1,3 % des groupes N-H et 1,8 % des groupes C=O, n’établissent pas de liaisons hydrogène (sans aucune interaction pour compenser) et que 80 % des groupes carbonyles n’établissaient pas de deuxième liaison hydrogène. Ces liaisons hydrogène non satisfaites déstabilisent la forme native de la protéine et ainsi, toute mutation permettant d’introduire des liaisons hydrogène aux endroits où celles-ci ne sont pas satisfaites stabilisera la protéine. Dans cette optique, Pace et al 1996 ont tenté d’évaluer la contribution des liaisons H à la stabilisation des protéines. Ils ont établi que chaque liaison H participait pour environ 0,6 kcal/mol à la stabilisation de la RNase T1. Cette étude prend en compte que chaque liaison hydrogène est aussi responsable d’un enfouissement de groupes peptidiques et polaires à l’intérieur de la protéine ce qui a un effet déstabilisateur. Pour expliquer la thermostabilité des thermophiles, l’augmentation du nombre de liaisons hydrogène est un facteur abondamment retrouvé dans la littérature (Pack and Yoo, 2004; Vogt, et al., 1997). Vogt et al. (1997) ont comparé 16 familles de protéines (chaque famille contenant des enzymes avec des stabilités différentes). Dans 80% des familles un lien a été trouvé entre l’amélioration de la thermostabilité et le nombre de liaisons hydrogène. D’autre part, la thermostabilité a aussi été corrélée avec une augmentation de la surface polaire de la protéine ; ceci s’explique par une stabilisation par des liaisons hydrogène supplémentaires avec le solvant environnant, l’eau. Ainsi, une étude récente a permis d’améliorer la thermostabilité de la phytase d’Aspergillus niger en ajoutant des liaisons hydrogène supplémentaires présentes chez une phytase homologue thermophile (Zhang, et al., 2007). Les ponts salins Dès 1975, Perutz et Raidt suggèrent que la thermostabilité des protéines peut être due à des ponts salins à la surface des protéines. Depuis, de nombreuses études ont mis en évidence une augmentation du nombre des ponts salins dans les protéines thermophiles par rapport à leurs homologues mésophiles et les invoquent comme base structurale à la thermostabilité des protéines thermophiles et hyperthermophiles (Hennig, et al., 1995; Jaenicke, 1996). Certains auteurs soulignent l’importance du positionnement du pont salin dans la protéine : les ponts salins situés à la surface de la protéine stabiliseraient mieux (Pack and Yoo, 2004). L’énergie électrostatique fournie par le pont salin explique le gain de stabilité : à haute température cette 63 Chapitre I : Etude bibliographique énergie électrostatique est plus importante que l’effet défavorable dû à la désolvatation des résidus chargés (de Bakker, et al., 1999; Elcock, 1998). D’autre part les réseaux de ponts salins sont énergétiquement plus favorables qu’un même nombre de ponts salins isolés. En effet, l’énergie de désolvatation pour réaliser ces 2 ponts salins sera diminuée de moitié si un résidu chargé participe à 2 ponts (un seul résidu ne pourra pas réaliser d’interaction avec l’eau). Ainsi l’utilisation de réseau de pont salin est une stratégie de stabilisation des protéines thermophiles. Un des exemples les plus marquants concerne les réseaux de ponts salins existants chez la glutamate déhydrogénase du thermophile Pyrococcus fusorius, alors que ces réseaux sont absents ou de moindre ampleur chez ses homologues mésophiles (Rice, et al., 1996; Yip, et al., 1998). 2.2.4. Autres sources de thermostabilisation Structures secondaires Les structures secondaires (hélices α et les brins β) stabilisent les protéines car elles sont une mine d’interactions entre les acides aminés de la protéine ; par exemple, la majorité des liaisons hydrogène à l’intérieur de la protéine sont satisfaites par la formation de structures secondaires. Facchiano et al (1998) ont mis en évidence 10 facteurs de stabilisation apportés par les hélices α dans les protéines thermophiles. L’absence de résidus β branchés (val, thr, Ile) déstabilisant les hélices α, est le facteur communément retrouvé pour toutes les protéines thermophiles. Les hélices α sont aussi stabilisées par l’orientation dans le même sens des dipôles de la liaison peptidique (Richardson et Richardson 1988). Ce moment dipôlaire peut être stabilisé par des résidus chargés négativement à l’extrémité N-terminale (Glu) de l’α hélice et par des résidus chargés positivement (Lys) à son extrémité C terminale. Les hélices présentant ce type de stabilisation sont retrouvées plus fréquemment chez les protéines thermophiles par comparaison à leurs homologues mésophiles (Hennig, et al., 1995). Ainsi, il est possible par évolution rationnelle, de jouer sur ces facteurs de stabilisation. Eijsink et al (1992b) ont amélioré la thermostabilité d’une protéase en remplaçant des lysines (déstabilisants) à l’extrémité N-terminale de deux hélices α par des sérines. Stabilisation des boucles et des parties N et C terminales Les boucles ainsi que les extrémités N et C terminales sont souvent les régions possédant les plus hauts facteurs d’agitation thermique dans une structure. Ce sont donc les structures qui vont se déplier en premier lors la dénaturation. Chez les protéines issues d’organismes 64 Chapitre I : Etude bibliographique thermophiles, elles sont souvent raccourcies ou mieux ancrées au reste de la protéine et considérées comme étant une des bases de leur thermostabilité (Van Boxstael, et al., 2003; Yamagata, et al., 2001). Ainsi on peut améliorer la thermostabilité des protéines, en raccourcissant des boucles flexibles (Pan, et al., 2006), la protéine (Mandrich, et al., 2005) ou en ancrant mieux les boucles et les parties N et C terminales au reste de la protéine (Goihberg, et al., 2007; Nagao, et al., 2000). Thermostabilité dépendante des cations Les métaux et le calcium sont connus pour améliorer la stabilité des enzymes possédant un site de liaison à ces cations (Kojoh, et al., 1999; Smith, et al., 1999). Ainsi, l’introduction de nouveaux sites de liaison ou l’amélioration des forces de liaisons existantes peut être un moyen d’augmenter la stabilité d’enzyme. La localisation des sites à introduire est déterminée par comparaison à des homologues de stabilité plus élevée. Modifications post-traductionnelles Depuis longtemps, les protéines glycosylées sont connues pour être plus solubles et plus résistantes à la température que la forme déglycosylée (Chu, et al., 1978). En général la glycosylation confère à la protéine une rigidité et limite la flexibilité du squelette carboné et ce sur de larges régions (Joao and Dwek, 1993). En plus de cet effet stabilisateur, la glycosylation peut éviter l’agrégation des protéines dépliées (dénaturation irréversible). Aucun exemple d’amélioration de la thermostabilité par l’introduction de site de glycosylation n’a été référencé, cependant ce phénomène a été largement vérifié par modifications chimiques covalentes des enzymes. 2.2.5. Conclusion La stabilité d’une protéine résulte donc d’un équilibre complexe et délicat entre différentes forces de stabilisation et de déstabilisation. Les incohérences que l’on peut relever dans la littérature sur le rôle et l’importance des différents facteurs impliqués dans la thermostabilité des protéines soulignent le fait que la stabilité résulte d’une combinaison de différentes interactions moléculaires qui sont dosées différemment dans chaque cas étudié. Toute modification sur la structure d’une enzyme pourra avoir des effets (positifs ou négatifs) sur plusieurs facteurs de stabilisation à la fois ; ces effets pouvant, stabiliser ou déstabiliser la 65 Chapitre I : Etude bibliographique protéine, s’additionner ou se contrebalancer. De ce fait il n’existe pas de mécanisme de stabilisation universel des protéines, il faut considérer la protéine dans son ensemble. Malgré cette complexité, on peut dégager certains traits généraux quant à la thermostabilisation des enzymes, l’amélioration de la thermostabilité passe souvent par une augmentation des interactions entre les résidus (liaisons hydrogène, interactions, électrostatiques, interactions hydrophobes, liaison à des métaux ou à des cations) et par l’acquisition d’une structure conformationnelle supérieure (plus rigide, entropie de dénaturation diminuée, diminutions de cavités, diminution des contraintes conformationnelles, stabilisation des hélices alpha, des boucles et des parties N et C terminales… ). Les deux forces principales régissant la stabilité des protéines étant principalement l’effet hydrophobe (essentiellement d’origine entropique) et les interactions électrostatiques (essentiellement d’origine enthalpiques). 2.3. Les mécanismes impliqués dans la dénaturation irréversible des protéines En 1985, Ahern et Klibanov (Ahern and Klibanov, 1985) mettent en évidence certains mécanismes de la dénaturation irréversible du lysozyme de blanc d’œuf : la déamidation des résidus asparagine et/ou glutamine, l’hydrolyse des liaisons peptidiques au niveau des résidus acide aspartique, la destruction des ponts disulfures et la formation de structures incorrectes (« scrambled » ou « mélangées »). Leurs contributions relatives dépendent du pH et de la protéine (Tableau I-6). De même en 1986, une étude similaire est réalisée par la même équipe sur la ribonucléase pancréatique bovine pour vérifier si les mécanismes identifiés étaient généralisables à d’autres enzymes (Zale and Klibanov, 1986). Les mêmes mécanismes sont responsables de la dénaturation irréversible de ces deux enzymes. Dans les prochains paragraphes, nous caractériserons plus en détail ces mécanismes ainsi qu’un autre mécanisme très important dans la dénaturation irréversible : l’agrégation. D’autres types de réactions irréversibles moins courantes peuvent avoir lieu dans les protéines. Nous ne les détaillerons pas mais en voici une liste. Les méthionines peuvent être oxydées en sulfoxide et certains résidus (Asp et Ser en particulier) peuvent être racémisés en leur forme D. La lysine, si elle est chauffée en présence de sucres réducteurs, peut réagir via des réactions de Maillard. 66 Chapitre I : Etude bibliographique Tableau I-6 : Mécanismes intervenant dans la thermoinactivation irréversible de deux enzymes (Volkin and Klibanov, 1992). -1 Inactivation thermique irréversible de 2 protéines modèles Mesure directe du processus entier : Lysozyme de Mécanismes individuels: blanc d’œuf de -Déamidation des résidus Asn/Gln poule 100°C -Hydrolyse de la liaison peptidique Asp-X (Ahern et -Destruction des résidus cystéines Klibanov, 1985) -Formation de structure incorrectes Mesure directe du processus entier : Ribonucléase Mécanismes individuels: pancréatique -Déamidation des résidus Asn/Gln bovine 90°C -Hydrolyse de la liaison peptidique Asp-X (Zale et -Destruction des résidus cystéines Klibanov, 1986) -Formation de structure incorrectes (interchange ponts disulfures) 2.3.1. Vitesses (h ) pH4 pH6 pH8 0,49 4,1 50 0,45 0,12 4,1 18 6 32 0,13 0,56 23,4 0,02 0,10 0,15 0,8 0,05 0,31 2,8 19,4 L’agrégation L’agrégation est un terme qui regroupe plusieurs types d’interaction. Les agrégats proviennent de différents mécanismes de dénaturation et sont de natures diverses (covalents ou non covalents, solubles ou non solubles). Lorsque les protéines sont chauffées, elles commencent par se déplier. Les résidus hydrophobes normalement enfouis sont alors exposés au solvant aqueux. Pour minimiser cette exposition défavorable des résidus hydrophobes avec l’eau, les régions hydrophobes ont tendance à se regrouper, à s’agréger. Une fois agrégée si le chauffage continue, d’autres réactions chimiques peuvent avoir lieu, comme l’échange de ponts disulfures intermoléculaires. 2.3.2. L’hydrolyse des liaisons peptidiques au niveau des résidus acides aspartiques L’hydrolyse des liaisons peptidiques, a lieu le plus souvent du côté N terminal de l’acide aspartique, la liaison Asp-Pro étant particulièrement labile (Marcus, 1985). Le remplacement des résidus acides aspartique par mutagenèse dirigée est une stratégie employée pour améliorer la stabilité des protéines(George-Nascimento, et al., 1990). 2.3.3. La déamidation des glutamines et des asparagines : De nombreuses études mettent en évidence la déamidation des résidus asparagine et glutamine dans les protéines. Ce phénomène est quantifié par le dosage de l’ammoniac libéré. Il est à noter que deux études comparant la composition en acides aminés de protéines mésophiles et thermophiles mettent en évidence la plus faible proportion de glutamine et 67 Chapitre I : Etude bibliographique d’asparagines dans les protéines issues d’organismes thermophiles (Haney, et al., 1999; Vieille and Zeikus, 2001). Ce mécanisme est connu depuis longtemps. Dès la fin des années 1980, des expériences de mutagenèse dirigée (Ahern, et al., 1987; Ahern and Klibanov, 1988; Casal, et al., 1987) visant au remplacement de deux asparagines dans la triosephosphate de Saccharromyces cerevisiae ont permis de doubler le temps de demi-vie de cette enzyme à 100°C. 2.3.4. La β-élimination des ponts disulfures, destruction des cystéines et interchange de ponts disulfures β-élimination et destruction des résidus cystéines La réaction (catalysée par une base) consiste en l’enlèvement d’un proton en position β par rapport à une liaison S-S et conduit au clivage du pont disulfure et à la formation de dehydroalanine et de thiocystéine. La déhydroalanine peut alors réagir avec le groupement amine d’une lysine pour former la lysinoalanine avec un nouveau pont intramoléculaire. La thiocystéine relativement instable peut continuer à se dégrader pour former des ions hydrosulfides (HS-) et du souffre, (Florence, 1980; Whitaker and Feeney, 1983). Ces mécanismes sont responsables de la destruction des résidus cystéine au sein de la protéine (cf. Figure I-8) Figure I-8 : β -élimination catalysée par une base d’après Volkin et al. (1997) Interchange de ponts disulfures Les nouveaux thiols générés par ce procédé favorisent l’interchange de ponts disulfures (cf. Figure I-9). Dès 1955, Ryle et Sanger découvrent que à pH neutre et alcalin, à 35°C, de petits 68 Chapitre I : Etude bibliographique peptides peuvent réaliser des échanges de ponts disulfure, cette réaction étant catalysée par des thiols (Ryle and Sanger, 1955). D’autre part, les protéines peuvent aussi contenir des groupements sulfhydryl (cystéine libre) qui lors de la dénaturation thermique peuvent devenir réactifs. Figure I-9 : Interchange de pont disulfure catalysé par un thiol d’après Volkin et al. (1997) Cette réaction est initiée par une attaque nucléophile d’un ion thiolate sur une liaison S-S existante et conduit au ré-arrangement des ponts disulfures au sein de la protéine. Ainsi cette réaction est rapide à pH alcalin (car le pKa du thiol des cystéines dans les protéines est d’environ 8 à 9,5) et n’existe pratiquement plus à pH acide (le temps de demi-destruction des ponts disulfures à 100°C sont de 5,6 et 6,1 jours pour la ribonucléase et l’inuline à pH 4). Volkin et Klibanov (1987) ont analysé 12 protéines différentes et ont montré que tous les ponts disulfures de toutes les protéines analysées présentent la même stabilité quant à ce processus de destruction des cystéines. Thiol acide et pKa (Gilbert, 1990) Effet sur le nucléophile Le pKa des groupements thiols libres des cystéines se situe généralement entre 8 et 9,5, il dépend cependant de l’environnement local du thiol dans la structure de la protéine, et si des charges positives à proximité viennent stabiliser le thiolate il peut atteindre des valeurs très basses jusqu’à 5,5 pour le thiol de la lipoamide dehydrogénase (Matthews and Williams, 1976). L’effet du changement de pKa sur la concentration de l’ion thiolate et sur la réactivité de celui-ci a des effets opposés. En effet plus le pKa de l’ion thiolate sera petit, plus la proportion d’ion thiolate sera importante à pH acide. Cependant un pKa plus faible signifie aussi un thiol moins basique donc moins nucléophile et moins réactif. Effet sur le groupe partant Autant une diminution du pKa aura un effet limité sur l’augmentation de la réactivité du thiol en tant que nucléophile, autant cette diminution aura un plus large effet sur le groupe partant lors des réarrangements des ponts disulfures et des groupements thiols. Quand un thiolate 69 Chapitre I : Etude bibliographique attaque un pont disulfure, le thiol qui reste libre est celui avec le pKa le plus bas (le meilleur groupement partant). A partir de ces observations des tentatives de remplacement des cystéines libres ont été menées afin d’améliorer la thermostabilité des protéines (Amaki, et al., 1994). Ainsi en mutant les deux cystéines libres de deux enzymes, deux superoxydes dismutases (humaines et bovines) (Lepock, et al., 1990) la thermostabilité de ces enzymes est améliorée et ce malgré une diminution de la thermostabilité conformationnelle de la protéine. A noter tout de même que les deux cystéines n’ont pas le même effet sur la thermostabilité cinétique, cela impliquant que l’une d’entre elle est plus réactive. Conclusion La destruction des cystéines passe donc par deux mécanismes différents : d’abord une β élimination et un interchange de ponts disulfures catalysé par les thiols issus de la β élimination. On peut noter aussi que ce type de dégradation enzymatique peut avoir lieu avec des éléments autres que la protéine native. Dans ce cas on parlera de ponts disulfures mélangés. In vivo ce type de réaction peut être responsable de lésions. Ainsi, la formation de ponts disulfures mélangés avec du glutathion entre les protéines du cristallin et le glutathion est à l’origine de la cataracte humaine (Lou, 2000; Lou, 2003). Et l’interchange des ponts disulfures entre les protéines pourrait être une des bases de la conversion de la forme normale du prion PrPC à la forme aberrante scrapie (Welker, et al., 2001). Ainsi, la thermostabilisation des enzymes via l’introduction de nouveaux ponts disulfures demande à être raisonnée car même si ceux-ci améliorent la stabilité, ils peuvent aussi être la source de réactions de type irréversible. La nature ne s’y est pas trompée, ainsi, aucune étude n’a montré à ce jour l’utilisation des ponts disulfures comme une stratégie générale pour la thermostabilisation des protéines thermophiles. De même, le remplacement de cystéines libres dans de nombreuses protéines conduit à une amélioration de leur thermostabilité (Amaki, et al., 1994; Jayat, et al., 2004). 2.3.5. Oxydation des cystéines : Les cystéines sont les acides aminés les plus réactifs dans les protéines. Leur autooxydation est généralement catalysée par des ions métalliques (généralement le cuivre) qui conduit à la formation de ponts disulfures intra ou inter moléculaires ou des produits d’oxydation (cf. Figure I-10) comme l’acide sulfénique (R-SOH), l’acide sulfinique (R-SO2H) et l’acide 70 Chapitre I : Etude bibliographique sulfonique (R-SO3H). Elles peuvent aussi catalyser l’interchange de ponts disulfures conduisant à la redistribution des ponts disulfures et à d’importantes variations structurales. Ainsi, l’inactivation irréversible de l’α-amylase est partiellement due à l’autooxydation de la cystéine libre, cette réaction conduisant à 30% d’acide sulfénique et 70% de pont disulfures intramoléculaires (Tomazic and Klibanov, 1988). Figure I-10 : Conversion de la cystéine en cystine, acide sulfénique, acide sulfonique (ou acide cystéique) d’après Volkin et al.(1997) Il est intéressant de noter à nouveau le rôle de l’eau dans les processus de dénaturation irréversibles. Celle-ci intervient en tant que réactif dans l’hydrolyse des liaisons peptidiques et la déamidation, elle est aussi le médiateur de la destruction alcaline des cystines et cystéines. De ce fait, il n’est pas étonnant que l’utilisation de solvants autre que l’eau, des solvants organiques par exemple, et d’enzymes lyophilisées réduisent les réactions irréversibles (Gupta, 1992). Non seulement l’absence d’eau va jouer sur la thermostabilité cinétique mais nous avons aussi vu dans le chapitre précédent l’influence de l’eau sur la thermostabilité thermodynamique. Ceci explique le fait que des lipases lyophilisées soient actives à 100°C lorsqu’elles réagissent en solvant organique (Zaks and Klibanov, 1984). 2.4. Conclusion L’évolution rationnelle a donné de bons résultats pour l’amélioration de la thermostabilité ; dans un grand nombre de cas, la comparaison entre des enzymes thermophiles et leurs homologues mésophiles a permis de dégager des caractéristiques structurales responsables de la thermostabilité (plus particulièrement la thermostabilité dynamique) et de les modifier chez les protéines mésophiles. Cependant, il est important de noter que la stabilité d’une protéine 71 Chapitre I : Etude bibliographique est multi-factorielle, la séparation des différentes composantes est pratiquement impossible puisque le changement d’un paramètre, fait varier invariablement les conditions pour un autre. Ainsi, toute modification de la structure doit s’envisager comme un tout et non par petits morceaux considérés isolément. D’autre part, les prédictions par comparaison avec des homologues thermophiles ne sont pas toujours vérifiées expérimentalement et peu de données existent dans la littérature lorsque ces stratégies ont échoué. De plus, même si le caractère désiré est amélioré, on ne peut pas prédire le coût sur d’autres propriétés de l’enzyme comme son activité ou sa sélectivité (Santarossa, et al., 2005). Ainsi, même si de nombreuses enzymes ont pu être améliorées par l’introduction de 1 ou 2 mutations, et malgré de nombreux efforts pour comprendre les mécanismes de stabilisation des enzymes, il n’existe pas aujourd’hui de stratégie rationnelle universelle pour stabiliser les protéines. Une autre stratégie pour améliorer les propriétés des enzymes est l’évolution dirigée. Cette stratégie devient même la seule envisageable lorsqu’aucune information structurale n’est disponible. Dans le chapitre suivant nous commencerons par introduire la notion d’évolution dirigée et relaterons les premières expériences dans ce domaine. Puis nous nous intéresserons aux différentes techniques pour créer de la diversité génétique et au criblage de la thermostabilité. 3. Evolution dirigée 3.1. Définition évolution dirigée Il est communément admis que le mécanisme de base de l’évolution des espèces est la sélection naturelle : la sélection d’un caractère au sein d’une population est accomplie en réponse à une pression de sélection. Pour un ensemble d’organismes présentant une diversité génétique, celui qui possède un caractère avantageux (dans des conditions données) aura alors plus de probabilité de survivre et donc de se reproduire (transmette le caractère). Dans la nature, la diversité génétique passe par des mutations spontanées ou des événements de recombinaison. L’objectif de l’évolution dirigée est de mimer le processus d’évolution naturelle en créant de la diversité génétique dans un premier temps puis en sélectionnant les mutants intéressants sur le caractère à améliorer. 72 Chapitre I : Etude bibliographique Historiquement, le terme évolution dirigée a été introduit pour la première fois en 1972 par Hansche (Francis and Hansche, 1972) qui a criblé 109 mutants spontanés d’une phosphatase sur 100 générations de manière continue pour améliorer l’activité enzymatique. Malgré quelques autres tentatives jusqu’au milieu des années 1980 (Matsumura and Aiba, 1985) l’évolution dirigée n’a vraiment pris son essor que lorsque les techniques de la biologie moléculaire et du génie génétique ont été utilisées pour créer de la diversité génétique et que le procédé de sélection a été réalisé de manière itérative. Les pionniers dans ce domaine sont l’équipe de F. Arnold qui a utilisé plusieurs « tours » de mutagenèse aléatoire pour améliorer l’activité enzymatique de la subtilisine en présence de diméthylformamide (Chen and Arnold, 1993), et l’équipe de Stemmer (Stemmer, 1994) qui a introduit de la diversité à travers la recombinaison d’enzymes améliorées par mutagénèse aléatoire . La première étape d’une stratégie d’évolution dirigée, consiste à générer une librairie de mutants par des méthodes de mutations ponctuelles et / ou de recombinaison génétique. Le point essentiel ici est que la librairie de variants doit être de taille importante et que la diversité génétique introduite doit être la plus grande et la moins biaisée possible. La deuxième étape consiste, par des techniques à haut débit, à cribler ou sélectionner les mutants possédant la propriété désirée. Un pré-requis à cela sera la nécessité de posséder un système d’expression compatible (taux de transformation élevé – activité reproductible dans les conditions du criblage- activité suffisante) : cet aspect a été traité dans la première partie. La puissance d’une telle technique repose sur le fait que le processus est itératif, la répétition de plusieurs tours à partir des mutants sélectionnés permettra d’améliorer à chaque tour, la propriété de l’enzyme à faire évoluer (voir figure I-11). D’autre part, l’évolution dirigée présente l’avantage qu’aucune connaissance de la structure ou du fonctionnement de l’enzyme n’est nécessaire pour améliorer celle-ci. Nous nous attacherons dans le paragraphe suivant à référencer les techniques les plus couramment utilisées pour créer de la diversité génétique. Puis, dans une troisième partie, nous aborderons les techniques de criblage et de sélection. Dans les deux cas nous donnerons des exemples d’amélioration de la thermostabilité des enzymes et plus particulièrement des lipases lorsque cela sera possible. 73 Chapitre I : Etude bibliographique 1) Génération de diversité génétique Mutagenèse aléatoire Gènes parentaux 4) Itération du processus à partir du meilleur variant Identification d’un variant sur une propriété améliorée Recombinaison 3) Crible Sélection 2) Expression du gène d’intérêt dans un hôte approprié Criblage facilité Criblage Mise en culture, expression et test d’activité miniaturisés Figure I-11 : Schéma du principe général de l’évolution dirigée 3.2. Les méthodes pour générer de la diversité génétique Les premières méthodes utilisées pour générer de la diversité génétique consistaient à utiliser des souches mutagènes d’E. coli (Bornscheuer, et al., 1998; Coia, et al., 2001; Henke and Bornscheuer, 1999; Lu, et al., 2001; Selifonova, et al., 2001) ou bien d’endommager l’ADN en l’exposant aux UV ou à des agents chimiques mutagènes (hydroxylamine, acide nitreux, sodium bisulfite, …) (Botstein and Shortle, 1985; Shortle and Botstein, 1983). Ces techniques sont encore utilisées mais comme il n’est pas facile de contrôler de tels processus, aujourd’hui, on a majoritairement recours aux techniques de biologie moléculaire. Parmi les techniques génétiques modernes pour générer de la diversité, on peut discerner 2 grands types de méthodes. Premièrement, il existe des méthodes basées sur des mutations ponctuelles, des insertions ou des délétions (les mutations pouvant se faire au hasard ou être ciblées sur des régions précises du gène d’intérêt), et celles basées sur la recombinaison génétique (avec ou 74 Chapitre I : Etude bibliographique sans homologie de séquence). Ces méthodes sont largement décrites dans la littérature et la figure I-12 donne un aperçu des différentes techniques existantes. Mutagénèse aléatoire Recombinaison Homologue • Mutagénèse chimique Non Homologue • Irradiation UV • DNA shuffling •Souche mutagène • Familly shuffling • ITCHY thioITCHY SCRATCHY • Error prone PCR • RACHITT • SHIPREC • RID • RPR • Mutagénèse de saturation • StEp Figure I-12 : Schéma récapitulant les techniques décrites dans ce manuscrit pour introduire de la diversité génétique. 3.2.1. a) Techniques de mutagenèse PCR à erreurs Leung et al., en 1989, ont développé une méthode pour la mutagenèse d’un fragment d’ADN par PCR (Polymérase Chain Reaction). Cette méthode nommée PCR à erreurs a été par la suite améliorée par Cadwell et Joyce (Cadwell and Joyce, 1992). La technique consiste à réaliser une PCR sur le gène d’intérêt en utilisant une polymérase peu fidèle. Pour augmenter le taux d’erreur des polymérases, une des méthodes consiste à ajouter de petites quantités de MnCl2 et d’augmenter la concentration en MgCl2 (stabilise les bases non complémentaires) et d’introduire les dNTP en proportions différentes. Communément la Taq polymérase est utilisée à cause de son fort taux d’erreur naturel. Cette technique est l’une des plus utilisées car facile à mettre en œuvre. Des kits commerciaux existent (Diversify PCR random mutagenesis kit de chez Clontech et GeneMorph system de chez Stratagène). Sa limitation principale réside dans le fait qu’il n’est pas possible d’obtenir une librairie idéale avec cette 75 Chapitre I : Etude bibliographique méthode : c'est-à-dire une librairie où toutes les mutations possibles seraient représentées de manière égale car de nombreux biais sont introduits : - un biais introduit par la polymérase : Selon la polymérase utilisée certains types d’erreurs seront plus probables que d’autres (caractéristiques inhérentes à la polymérase) ce qui va causer un biais dans la composition de la librairie. Par exemple, la Taq polymérase introduira préférentiellement des mutations des bases A et T, plutôt que les bases G et C. D’autre part, les mutations les plus souvent observées sont des transitions et non des transversions. Les conditions d’utilisation des polymérases auront aussi une influence sur le biais introduit (Cadwell and Joyce, 1992). Ainsi en jouant sur les conditions d’utilisation et en combinant différentes polymérases, on peut essayer d’amenuiser ce type de biais. Par exemple le kit Genemorph 2 de chez Statagène utilise la combinaison de 2 enzymes : un mutant de la Taq polymérase moins fidèle que la Taq native et Mutazyme une polymérase présentant un biais inverse à celui de la taq (G et C plutôt que A et T) - un biais introduit par l’amplification : Ce biais de mutation apparaît lorsqu’on utilise l’amplification de l’ADN par PCR. Si une mutation se produit dans les premiers cycles d’amplification alors elle sera sur-représentée dans le mélange final. Un des moyens pour diminuer ce biais est de réaliser plusieurs PCR indépendantes sur le même fragment d’ADN et de les mélanger pour construire la librairie finale, de diminuer le nombre de cycles par PCR et de jouer sur la concentration de la matrice initiale. - un biais dit biais de codon dû à la nature du code génétique : Il existe un deuxième biais introduit par les codons qui découle du code génétique. En effet à partir d’un acide aminé codé par un codon, il est peu probable d’obtenir tous les autres acides aminés. Ainsi, pour une alanine codée par GCC, avec une mutation sur le codon à n’importe quelle position on pourra obtenir seulement 6 acides aminés différents (Thr, Ser, Pro, Asp, Val, Gly). Pour que tous les acides aminés soient représentés, il faudrait que 2 (Phe, Leu, Ile, Tyr, His, Asn, Glu, Cys, Arg) ou même 3 (Tryp, Met, Lys, Gln) mutations ponctuelles aient lieu sur le même codon (probabilité quasi nulle). S’il est possible de jouer sur le biais introduit par les polymérases et sur celui introduit par l’amplification, il n’est en revanche pas possible de moduler celuiinhérent au code génétique. Ainsi, l’obtention d’une librairie idéale où toutes les mutations potentielles seraient également représentées est impossible. Autant les biais introduits par la polymérase et par le système d’amplification par PCR peuvent être diminués par les techniques que nous venons de décrire, autant, il n’est pas 76 Chapitre I : Etude bibliographique possible en utilisant la PCR à erreurs de diminuer le biais dû au code génétique. Pour avoir accès au 20 acides aminés à une position donnée : la mutagénèse de saturation sera utilisée. Malgré cela la PCR à erreurs reste une technique de choix pour faire évoluer les enzymes, nous citerons le cas de la lipase de Bacillus subtilis qui, après deux tours d’évolution dirigée et trois mutations ponctuelles a vu sa demi-vie multipliée 300 fois par rapport à l’enzyme sauvage (Acharya, et al., 2004). b) La mutagénèse de saturation Cette technique consiste à amplifier le gène d’intérêt à partir d’un oligonucléotide contenant un codon dégénéré à une position déterminée. L’ADN synthétique est randomisé à certaines positions et est ensuite incorporé au gène cible (Myers, et al., 1985; Wells, et al., 1985). Deux éléments sont à prendre en compte dans cette technique : premièrement la randomisation de la séquence et deuxièmement la méthode d’insertion de l’oligonucléotide synthétique. Synthèse d’oligonucléotide : La synthèse d’oligonucléotide dégénéré peut être commandée à de nombreux fournisseurs. On notera que si un codon est totalement randomisé, certains acides aminés seront sur-représentés : on aura un total de 64 séquences pour 20 acides aminés, ce qui introduira un biais. Des techniques existent pour limiter ce biais (voir Figure I-13) A B 3’ A, T, C, G N A, T, C, G NN A, T, C, G NNN C 3’ G, T 3’ Ala Cys Asp . . . Trp G/T A, T, C, G NG/T Ala Cys Asp A, T, C, G Trp NNG/T . . . 64 séquences 32 séquences 20 séquences 20 acides aminés 20 acides aminés 20 acides aminés 3 codons STOP 1 codon STOP Pas de codon STOP Figure I-13 : Méthodes pour randomiser l’ADN synthétique d’après revue de Neylon (2004) A) Ajout à l’extrémité 3’ des 4 oligonucléotides aux 3 positions. NNN ; B) Ajout à l’extrémité 3’ des nucléotides G et T en position 3’ puis les 4 autres nucléotides aux 2 autres positions : NNG/T C) Utilisation d’un mélange de chacun des codons codant pour chaque acide aminé. Introduction de l’ADN : L’utilisation d’ADN synthétique comme oligonucléotide requiert un passage par une amplification, le problème du biais d’amplification se pose donc aussi. Mais, un autre problème de biais vient s’ajouter : les séquences qui ressembleront le plus à 77 Chapitre I : Etude bibliographique l’ADN matrice s’hybrideront plus facilement limitant ainsi la diversité introduite par cette méthode. L’utilisation d’oligonucléotide qui possède une taille suffisante d’hybridation complète à ses extrémités, ou l’utilisation de nucléotide de composition particulière (Airaksinen and Hovi, 1998) peut réduire cet effet. L’introduction d’une seule région où l’ADN est randomisé, ne pose pas de problème particulier. Des techniques classiques de mutagenèse dirigée peuvent être utilisées. Par contre, introduire plusieurs zones ou l’ADN est randomisé est plus complexe. Des méthodologies basées sur l’amplification de fragments (présentant une zone d’hybridation commune) avec des amorces dégénérées puis de reconstruction du gène entier par PCR de fusion ou la construction de mégaprimers dégénérés sont les techniques les plus couramment utilisées (Tseng, et al., 2008). c) Introduction de délétions et insertions au hasard (RID mutagenesis). L’introduction de mutations par PCR à erreurs est efficace pour convertir un nucléotide en un autre. Cependant l’introduction d’insertions ou de délétions dans le gène d’intérêt permet une exploration des séquences différente de celle obtenue par la PCR à erreurs et peut aboutir à des propriétés améliorées. Dans le passé, les insertions au hasard se faisaient en utilisant les transposons disponibles dans la nature (Hallet, et al., 1997; Kang, et al., 2004) ou bien par mutagenèse d’élongation au hasard (des queues peptidiques étaient fusionnées à un gène) (Matsuura, et al., 1999). L’introduction d’insertions ou de délétions dans la séquence du gène se faisant au hasard, de nombreuses protéines non fonctionnelles sont obtenues à cause du décalage du cadre de lecture. Une nouvelle méthode développée par Murakami (Murakami, et al., 2002) permet à la fois d’introduire des délétions et des insertions à une position aléatoire dans un gène. Elle permet la délétion d’un nombre déterminé de bases (jusqu’à 16 bases) à des positions aléatoires et en même temps l’introduction d’une séquence spécifique ou aléatoire à la même position. Une telle méthode permet de définir le nombre de bases délétées et insérées et permet de s’affranchir du nombre de protéines tronquées dues à un décalage du cadre de lecture. D’autre part, elle permet d’obtenir des séquences qui n’auraient pas pu être obtenues par PCR à erreurs à cause du biais de codon. Une limitation cependant réside dans la difficulté de mise en œuvre d’une telle méthode et dans l’introduction de délétions supplémentaires non désirées (qui conduisent à un décalage du cadre de lecture et à des protéines tronquées). 78 Chapitre I : Etude bibliographique d) Conclusion et synthèse des méthodes de mutations ponctuelles (cf. Tableau I-7) Tableau I-7 : Tableau récapitulatif des avantages et inconvénients des différentes techniques de mutagenèse ponctuelles. Méthodes Avantages Inconvénients Mutagénèse chimique Simplicité Accumulation de mutations délétères Faible niveau de mutation (≈ 1/1000 bases) Substitution limitée des acides aminés Difficulté à contrôler le taux de mutation Souches mutagènes Simplicité Faible niveau de mutation Nécessité de transférer l’ADN dans une nouvelle souche pour le criblage Substitution limitée des acides aminés Difficulté à contrôler le taux de mutation PCR à erreurs Simplicité Contrôle du taux de mutations Accumulation de mutations délétères Nombreux biais (Substitution limitée des acides aminés, biais d’amplification biais polymérase) Méthodes basées sur l’insertion d’oligonucléotides dans un gène Simplicité (+/- selon technique utilisée) Mutation de site spécifique Accès aux 20 acides aminés Diversité générée limitée à des régions spécifiques Séquence du gène nécessaire Possibilité de biais de codon Délétion insertion au hasard (RID) Flexible Insère ou enlève un nombre déterminé d’acides aminés au hasard Accès aux 20 acides aminés Pas de biais. Mutations ponctuelles possibles Techniques difficiles à mettre en oeuvre et peu rapides La PCR à erreurs est une des techniques les plus utilisées pour générer des banques de mutants pour l’évolution dirigée. La facilité de mise en œuvre en fait une méthode attractive pour de nombreux laboratoires. Cependant l’espace des séquences n’est pas exploré totalement du fait du biais introduit par les polymérases dans l’utilisation de certains nucléotides, du biais d’amplification introduit par la technique d’amplification par PCR et du biais introduit par le code génétique. Les méthodes basées sur l’introduction de nucléotides (la mutagénèse de saturation étant la plus largement utilisée) permettent de s’affranchir presque totalement de ce type de biais mais se cantonnent à l’exploration de la diversité des acides aminés à une/des positions spécifiques. La PCR à erreurs et la mutagénèse de saturation se complètent donc efficacement. En pratique, des points chauds sont souvent préalablement identifiés par PCR à erreurs, puis mutés à saturation pour tester l’effet des différents acides 79 Chapitre I : Etude bibliographique aminés et leur combinaison entre eux (Miyazaki, et al., 2006). La méthodologie d’introduction de délétions et insertions au hasard permet de s’affranchir de ce type de biais, d’accéder à d’autres types de mutations comme les insertions et les délétions et en font une méthode attractive bien que largement inexplorée ; une explication à cela est certainement la difficulté à la mettre en œuvre. 3.2.2. Techniques de recombinaison Les techniques de recombinaison ne créent pas de diversité mais combinent la diversité existante d’une manière nouvelle. Elles permettent d’associer des mutations avantageuses et d’enlever les mutations délétères. On peut différencier deux types de recombinaison, les recombinaisons basées sur l’homologie (dite recombinaison sexuelle) et les recombinaisons sans homologie. Ces dernières méthodes sont souvent dépendantes d’une étape finale de reconstruction par PCR qui peut être à erreurs et de nouvelles mutations ponctuelles sont souvent produites par de tels processus. On notera aussi que l’on peut réaliser cette étape in vivo en exploitant les mécanismes de recombinaison des levures (Abecassis, et al., 2000; Cherry, et al., 1999; Pompon and Nicolas, 1989) a) Techniques de recombinaison avec homologie La recombinaison homologue mime la recombinaison sexuelle qui a lieu lors du réarrangement chromosomique dans les cellules sexuelles. Ces techniques permettent de recombiner des gènes similaires de différentes origines ; ou de mélanger des mutations ponctuelles sélectionnées dans de nouvelles combinaisons. Les principales techniques, leurs avantages et leurs inconvénients sont récapitulés dans le tableau I-8. Pour recombiner les mutations introduites par des techniques de mutation ponctuelles, ces techniques sont idéales. Par contre pour réaliser du family shuffling (recombinaison entre plusieurs gènes issus d’organismes différents), seules les régions où l’homologie de séquence est forte pourront être recombinées, alors, toutes les recombinaisons possibles ne seront pas exploitées 80 Tableau I-8 : Récapitulatif des principales techniques de recombinaison par homologie : description- Avantages et Inconvénients Technique Description Avantages Désavantages Référence DNA Shuffling Recombinaison homologue entre les mutants ponctuels d'un même gène. Digestion des gènes par la DNase I Ré-assemblage des fragments obtenus par une PCR sans amorces. L’hybridation des fragments les uns aux autres est basée sur leur homologie de séquence Méthode puissante permettant de s'affranchir des mutations neutres et négatives Biais au niveau des sites de digestion (recombinaison) dus à la DNaseI Stemmer, 1994 Family Shuffling Recombinaison de gènes homologues issus d’une même famille Méthode puissante permettant la recombinaison entre une enzyme et ses homologues thermophiles 70 % d'homologie nécessaire pour réaliser la méthode. Crameri et al., 1998 Joern et al., 2002 La recombinaison aura lieu aux zones présentant la plus forte homologie RPR - Random Priming in vitro Recombination Synthèse de courts fragment d'ADN à partir d'amorces non spécifiques (Elimination des brins matrice) Réassamblage des fragments sur la base de leur homologie et amplification par PCR Shao et al, 1998 StEP - Staggered Extension Process Hybridation d’amorces au début des séquences parentales suivie de cycle rapide de dénaturation/ hybridation/élongation => Obtention de fragments de petite taille pouvant s’hybrider sur d’autres séquences parentales. Fin de processus lorsque des gènes de taille parentales sont générés. Zhao et al., 1998 RACHITT Random Chimeragenesis on Transient Template Création d’une matrice « transitoire » simple brin contenant de l’uracile à partir d’un des brins parentaux. Fragmentation des autres brins parentaux, hybridation à la matrice transitoire et élongation par la polymérase. Digestion de la matrice mère par PCR Fort taux de recombinaison avec une moyenne de 14 recombinaisons par gène contre 1 à 4 avec les autres techniques. Technique délicate à mettre en oeuvre Coco, 2003 Chapitre I : Etude bibliographique b) Recombinaison sans homologie Dans le cadre du family shuffling, les méthodes de recombinaison par homologie sont limitées par la nécessité d’une forte identité de séquences entre les gènes à recombiner. Cependant de nombreuses données structurales indiquent qu’il n’y a pas forcément besoin d’une forte homologie de séquence pour que les structures soient homologues. Il peut donc être intéressant de recombiner de telles protéines entre elles. Ceci a conduit à créer des méthodes qui ne nécessitaient pas d’hybridation à une matrice. Les principales techniques sont récapitulées dans le tableau I-9 et le détail des méthodes ITCHY et SHIPREC est illustré dans la figure I-14. Ces techniques ne seront pas utilisées pour la recombinaison de mutations ponctuelles car les matrices sont suffisamment homologues. Figure I-14 : d’après Lutz et Benkovic (2002) Techniques de permutations de fragments indépendantes de l’homologie. Méthodes ITCHY et SHIPREC A) ITCHY : les 2 gènes parentaux sont tronqués indépendamment ce qui crée deux banques distinctes qui correspondent aux fragments N et C terminaux. La ligation de ces deux banques génère des séquences hybrides et B) SHIPREC : la partie N terminale d’un gène est fusionnée avec la partie C terminale d’un autre, un site de restriction unique est inséré à ce domaine de liaison. Une digestion limitée par la DNase I permet d’obtenir des séquences de tailles diverses qui son circularisées puis re-linéarisées au site de restriction introduit. 82 Tableau I-9 : Récapitulatif des principales techniques de recombinaison sans homologie : Description- Avantages et Inconvénients Technique Description ITCHY Incremental truncation for the creation of hybrid enzyme librairies. Troncature de 2 gènes parentaux par l’exonucléase III initialement par les bouts opposés puis ligation des fragments des deux populations. Comme il n’est pas possible de prédire la position la plus favorable du site de recombinaison des deux protéines, il est nécessaire d’obtenir des fragments de toute taille ce qui requiert un contrôle fin de l’activité de digestion de l’exonucléase III. thio-ITCHY Il s’agit d’introduire le long des gènes parentaux des liaisons phophothioates résistantes à la nucléase. Avantages Désavantages Référence Etape de digestion à l'endonucléase Ostermeier et délicate à mettre en œuvre al., 1999 Gènes de toute taille, recombinés en tout endroit et souvent avec des cadres de lectures décalés. Très peu de recombinaisons ont lieu à des endroits structuralement apparentés Un seul évènement de recombinaison à chaque fois La digestion par l’endonucléase est moins délicate et non dépendante du temps d’action de l’enzyme Lutz et al., 2001 Seules les séquences hybrides de la taille parentale sont sélectionnées SCRATCHY Le shuffling de deux banques ITCHY . Cette technique permet de générer des hybrides avec plus d’un événement de recombinaison SHIPREC Sequence Homology Independant Protein Recombination Fusion de deux gènes parentaux avec un unique site de restriction au niveau de leur liaison et digestion par la DNase I => obtention de fragments de tailles différentes et digestion à la nucléase S1 (obtention de bouts francs). Circularisation par ligation, et relinéarisation au site de restriction unique introduit précédemment. Sélectionner les chimères pour qu’elles aient la taille parentale Probabilité de créer des hybrides avec un alignement de séquences conservé (et donc de recombiner des zones structuralement apparentées) est améliorée Lutz et Ostermeier, 2003 Un seul évènement de recombinaison à chaque fois Sieber et al., 2001 Chapitre I : Etude bibliographique Conclusion Depuis la description du shuffling par Stemmer de nombreuses techniques ont été développées pour recombiner diverses séquences. Le DNA shuflling même s’il n’est pas totalement aléatoire (la recombinaison n’aura lieu que dans les zones présentant une forte homologie et la DNAse aura des sites de digestion préférentiels) reste la technique la plus populaire. Il est surtout utilisé pour recombiner les mutations ponctuelles sélectionnées lors d’un ou plusieurs tours de mutagenèse aléatoire. Dans ce cas, la nécessité d’une grande homologie n’est pas limitante et il permet non seulement d’associer les mutations avantageuses entre elles, mais aussi de se débarrasser des mutations délétères ou neutres. Les nouvelles techniques dérivées du shuffling ou basées sur des recombinaisons sans homologie sont plus délicates à mettre en œuvre. 3.2.3. CONCLUSION La stratégie la plus communément utilisée pour l’évolution dirigée est la combinaison de la PCR à erreurs suivie par une recombinaison des mutations ponctuelles par DNA shuffling. Souvent aussi, la mutagénèse de saturation est réalisée sur les cibles identifiées par PCR à erreurs. Citons pour exemple l’amélioration de la thermostabilité d’une xylanase de Bacillus subtilis qui est passée par la combinaison de mutations aléatoires ponctuelles, de mutagénèse de saturation et de DNA shuffling pour améliorer la température optimale de l’enzyme de 10°C (Miyazaki, et al., 2006). Malgré les biais introduits, ces trois techniques sont largement utilisées et ont souvent été appliquées avec succès pour l’optimisation de diverses propriétés des enzymes (stabilité, sélectivité). D’autres techniques ont été développées qui diminuent ces biais cependant elles sont moins utilisées car plus complexes à mettre en œuvre. Elles sont tout de même utilisées là où les techniques « faciles » ont échoué. 3.3. Le criblage de la thermostabilité L’étape cruciale lors d’un processus d’évolution dirigée réside dans l’identification du ou des variant(s) possédant les propriétés désirées. Celle-ci se fait par 2 techniques souvent confondues : le criblage et la sélection. D’autre part, il est important que la pression de sélection qui est appliquée sur la banque de mutants à tester reflète les propriétés que l’on veut faire évoluer. En particulier lorsque l’on parle de stabilité des enzymes, il faut savoir ce que l’on cherche à améliorer : est-ce seulement la stabilité ? c’est à dire leur résistance à des 84 Chapitre I : Etude bibliographique passages à haute température ou bien leur activité à haute température ? Ces deux propriétés nécessitent des protocoles de criblage différents. Dans de nombreux cas cependant, nous verrons que le criblage se base sur la mesure de l’activité résiduelle après passage à haute température. 3.3.1. Criblage Le criblage consiste à tester tous les mutants individuellement sur la propriété recherchée pour pouvoir les différencier. La plupart des tests de criblage impliquent les transferts de colonies dans des microplaques contenant le milieu de culture, puis une induction de l’expression de la protéine. Si celle-ci est intracellulaire, alors une étape de lyse sera nécessaire, et les débris cellulaires devront être éliminés. Puis l’activité enzymatique recherchée sera testée. Les tests sont presque toujours basés sur des dosages colorimétriques ou fluorométriques rapides et faciles à mettre en œuvre avec un lecteur de microplaque. Ce criblage est le moins performant en termes de débit (la taille de la librairie testée sera limitée). L’augmentation du débit de criblage passe par une miniaturisation des étapes de celui-ci (culture des hôtes, expression protéique, détermination d’activité…) en microplaque 96 puits. De plus en plus, le criblage est réalisé en microplaque 384 puits voire 1024 puits pour augmenter la capacité de criblage. La majorité des criblages de stabilité d’enzymes sont basés sur la mesure de l’activité résiduelle après un temps de dénaturation à une température donnée. Comme la propriété criblée est l’activité résiduelle, cette technique ne permettra pas forcément d’isoler des mutants actifs à haute température. Pour être sûr d’obtenir des mutants avec une température optimale plus haute, il faudrait cribler l’activité à haute température. La mise en œuvre d’un tel crible est cependant limitée par des considérations d’ordre pratique. En effet, les lecteurs de microplaques actuels ne fonctionnent qu’à des températures maximales de l’ordre de 50°C. Chauffer pendant la réaction, expose aussi aux problèmes de l’instabilité des substrats à haute température. Quelques cas existent tout de même, où l’activité à haute température et non l’activité résiduelle est criblée. Berk et Lebbink (2003) ont mis un protocole au point pour des plaques 384 puits : les mutants de l’alpha amylase réagissent avec de l’amidon à 129°C pendant 10 minutes. Après refroidissement, un dosage colorimétrique des sucres réducteurs libérés est réalisé. 85 Chapitre I : Etude bibliographique 3.3.2. Criblage facilité Un criblage dit facilité sera possible lorsque les mutants possédant la propriété à améliorer seront différentiables directement sur le milieu solide par un phénotype particulier et par simple visualisation (souvent cette technique est utilisée comme une pré-identification et permet de diminuer le nombre de clones à tester avec un criblage plus fin classique). Dans ce cas un test colorimétrique suffisamment sensible devra être disponible ou développé. Tests sur milieu solide Comme nous l’avons vu précédemment, si les mutants possédant la propriété à améliorer peuvent être sélectionnés sur leur aspect phénotypique, l’étape de criblage sera facilitée. Dès 1986 (Bryan, et al., 1986), un criblage sur milieu solide a permis d’isoler un mutant thermostable de la subtilisine de Bacillus amyloliquefaciens. La procédure consiste à cribler l’activité estérase transférée sur membrane de nitrocellulose après incubation à des températures élevées. D’autres cribles sur boîtes ont été développés pour différentes activités enzymatiques. Toutes discriminent sur l’activité résiduelle (Hild, et al., 2007; Minagawa, et al., 2007). Par exemple, la lipase de R. niveus a vu son optimum de température amélioré de 15°C grâce à un criblage facilité sur milieu solide à 55°C. (Kohno, et al., 2001). Quelquefois aussi, si aucun test sur milieu solide n’est possible pour améliorer la thermostabilité, une simple sélection des variants actifs sur milieu solide permet de diminuer la taille de la banque à cribler. On notera que pour les enzymes de type estérolytique, les réactions d’hydrolyse d’esters conduisent à la formation d’un acide. L’utilisation d’indicateurs colorés sensibles au pH représente un test d’activité universel pour ce type d’enzyme. Utilisation de phages et thermostabilité. La technique du phage display, consiste à utiliser un phage qui va présenter à sa surface la protéine correspondant à l’ADN introduit (Smith, 1985). Le phénotype et le génotype sont donc reliés physiquement. Cette technique est utilisée majoritairement pour cribler la sélectivité ou l’affinité d’une enzyme envers un substrat. Cependant, l’utilisation de phages pour réaliser un crible sur la thermostabilité a été développée (Martin, et al., 2001) et se nomme Proside (Protein stability increased by directed evolution.). Le principe de base de cette méthode est que l’amélioration de la stabilité va de pair avec une plus grande résistance à la protéolyse. L’infection d’E. coli par le phage est dépendante de la protéine g3p et plus particulièrement du lien entre les domaines de la protéine g3p. Le gène de la protéine d’intérêt 86 Chapitre I : Etude bibliographique est introduit entre les domaines N2 et C de la protéine g3p. Le lien entre N2 et C est possible seulement lorsque la protéine reste intacte en présence de protéase (stable). Les phages qui portent des protéines non fonctionnelles (qui ne se plient pas correctement) ne se propagent pas (ne sont pas infectieux). Après traitement à la protéase les phages contenant une protéine dépliée à cause du traitement seront détruits. Une pression de sélection supplémentaire (exposition à des températures élevées) peut être appliquée avant le traitement à la protéase. Cette méthode est limitée car elle prend comme postulat que la stabilité/rigidité d’une enzyme est liée à sa sensibilité à la protéolyse. Ce n’est pas toujours le cas (Pedersen, et al., 2002). D’autre part, les températures maximales qui peuvent être appliquées doivent être compatibles avec la survie des phages : 60°C (Martin, et al., 2003). Une étude intéressante a été réalisée par cette méthode (Martin, et al., 2001). Elle a permis d’identifier des variants thermostables d’une « cold shock » protéine issue de Bacillus subtilis. Le crible a été réalisé de deux manières différentes. Dans les 2 cas, des protéines plus stables ont été obtenues chacune utilisant une voie de thermostabilisation différente. Lorsque le crible a été réalisé dans un dénaturant ionique non polaire, les interactions de surface ont été améliorées. Lorsque le crible a été réalisé à haute température, ce sont les interactions électrostatiques qui ont permis de stabiliser la protéine. La thermostabilisation sera fortement dépendante des conditions de criblage utilisées (de la pression de sélection imposée). Cela illustre l’importance du choix du crible utilisé et montre aussi qu’il est parfois difficile de rationaliser la thermostabilisation des protéines puisque plusieurs voies de stabilisation peuvent exister. 3.3.3. Sélection Dans le cas de la sélection, seuls les mutants possédant la propriété voulue survivront. Il est donc nécessaire que l’activité de l’enzyme à améliorer soit vitale pour le développement de l’organisme qui l’exprime. Comme les variants inintéressants ne seront jamais vus, cette technique permet d’augmenter la taille des librairies testées et par conséquent le débit de criblage. Pour pouvoir réaliser une sélection basée sur l’acquisition d’une plus grande thermostabilité, il est nécessaire que le système d’expression soit adapté aux températures élevées. Ainsi, l’utilisation d’E. coli comme système d’expression (dont la température maximale de développement est 50°C), nivellera le maximum de thermostabilité que l’on pourra atteindre. Ainsi, si une sélection sur l’amélioration de la thermostabilité doit être réalisée pour des 87 Chapitre I : Etude bibliographique température supérieures à 50°C, il faudra utiliser un système d’expression permettant de produire les protéines d’intérêt à haute température : les organismes thermophiles (et notamment Thermus thermophilus (Tamakoshi, et al., 1995) apparaissent dans ce cas comme des hôtes particulièrement adaptés. Ainsi, la thermostabilité de la 3-isopropylmalate déshydrogénase de Bacillus subtilis a été améliorée en introduisant le gène leuB codant cette enzyme dans l’hôte thermophile Thermus thermophilus, auxotrophe pour la leucine. En l’absence de leucine, la souche transformée pousse à 56°C mais pas à 61°C (température restrictive pour l’activité de la 3-isopropylmalate déshydrogénase et la biosynthèse de leucine). En étalant 107 cellules de cette souche à 61°C, des colonies capables de pousser à 61°C mais pas à 66°C on été obtenues. L’apparition de mutations spontanées et l’introduction d’une pression de sélection a suffi pour faire apparaître des mutants améliorés. L’opération a été répétée une 2ème fois à 66°C et une 3ème fois à 70°C avec les colonies obtenues au tour précédent (Akanuma, et al., 1998) On notera tout de même que cette technique de sélection avait été réalisée plus de 10 ans plus tôt dans le thermophile Bacillus stearothermophilus pour améliorer la thermostabilité d’une kanamycine nucléotidyl transférase, soit par mutagenèse chimique (Matsumura and Aiba, 1985), soit en introduisant le gène au préalable dans une souche mutagène (Liao, et al., 1986). De fait, l’utilisation des méthodes vues précédemment pour créer de la diversité génétique pourrait largement améliorer le procédé, permettre une évolution plus rapide de l’enzyme (introduction de plus d’une mutation par tour) et d’introduire une diversité non explorée dans ce cas (méthode RID, méthodes de familly shuffling …). Une des limitations cependant est l’efficacité de transformation des hôtes thermophiles. Pour Thermus thermophilus, de forts taux de transformation peuvent être obtenus mais c’est une opération délicate qui nécessite de l’expertise. La société Biotool a développé à cet effet deux kits (THERMOTOOLS cloning kit et THERMOTOOLS cloning kit - HB27::nar strain) permettant la sélection directe des mutants thermostables dans cet hôte. La sélection dans ce cas ne se fait pas sur l’activité résiduelle mais sur l’activité de l’enzyme à haute température. Cette technique permet donc de sélectionner des enzymes dont la température optimale est plus haute. Cependant, une limitation de ce système de sélection provient du fait que Thermus thermophilus est un organisme procaryote et que par conséquent il se limite à l’amélioration de protéines qui seront fonctionnelles avec ce système d’expression. 88 Chapitre I : Etude bibliographique 3.4. Conclusion Le succès d’une campagne d’évolution dirigée repose : - sur la qualité de la banque de mutants obtenue : une banque idéale sera une banque où toutes les mutations ou combinaisons sont possibles et équiprobables. Nous avons détaillé dans le chapitre précédent les techniques de mutagenèse ponctuelle et de recombinaison permettant de générer de la diversité génétique ainsi que les biais introduits par ces différentes techniques. L’objectif est d’explorer un maximum de la diversité des séquences possibles pour un gène d’intérêt donné en essayant de réduire au maximum les biais. Les techniques les plus utilisées (souvent en combinaison) sont la PCR à erreurs, le DNA shuffling et la mutagenèse de saturation - sur la taille de la banque : plus le nombre de mutants obtenu est grand plus la chance de trouver un variant avec la propriété désirée est grande aussi. La taille de cette banque sera limitée à la fois par l’efficacité de transformation de l’hôte considéré et la capacité de criblage. Des méthodes de criblage haut débit appropriées doivent être développées pour la propriété à améliorer. Les techniques de criblage facilité ou de sélection doivent être mises en œuvre quand cela est possible car cela permet d’augmenter de manière importante le débit du criblage. Finalement, le succès dépend aussi grandement de la pression de sélection appliquée à l’enzyme à faire évoluer ; celle-ci doit être en adéquation avec la ou les propriétés que l’on souhaite améliorer. La phrase « you get what you screen for » illustre parfaitement cette idée. Pour ce qui est de l’évolution de la thermostabilité, nous avons vu que la thermostabilité d’une enzyme était presque toujours évaluée à partir de l’activité résiduelle après passage à haute température. Cette approche est utile dans le cas ou on veut augmenter la stabilité des enzymes sur des temps longs de stockage. Par contre, dans le cas où on veut améliorer l’activité à haute température d’une enzyme, un tel crible n’est pas le plus approprié. L’utilisation de cribles plus appropriés est limitée par des problèmes d’ordre technique. Cependant des enzymes à la fois stabilisées et dans certains cas plus actives à hautes températures ont été obtenues par cette voie. D’autre part, réaliser plusieurs tours d’évolution est primordial et présente un double avantage : non seulement on augmente le nombre de mutants criblés mais de plus chaque nouvelle banque créée est réalisée à partir des mutants les plus performants identifiés au tour d’avant. 89 Chapitre I : Etude bibliographique 4. Lipases et thermostabilité : Exemples de lipases dont la thermostabilité a été améliorée Le tableau I-10 donne un récapitulatif d’exemples où la thermostabilité de lipase a été améliorée. Tableau I-10 : Exemples d’amélioration de la thermostabilité de lipases Evolution dirigée Evolution rationnelle Origine lipase Voies de stabilisation et amélioration Références Humicola lanuginosa Introduction de Proline => Amélioration Tm de 2°C Svedsen et al., 1992 Pseudomonas fragi Des mutations dans la paupière de la lipase conduisent non seulement à un changement de spécificité de l'enzyme mais à aussi une amélioration de la thermostabilité Santarossa et al., 2005 Pennicillium camembertii Introduction de ponts disulfures par homologie avec la lipase de H. lanuginosa => Topt améliorée de 10°C Yamaguchi et al., 1996 Fusarium heterosporum Ingénierie de la partie C- terminale et de ses interactions avec la partie N-Terminale Nagao et al., 1998 et 2000. Candida antartica Mutations à l'intérieur de la séquence consensus GXSXT => Amélioration de 4°C de la thermostabilité mais diminution de moitié de l'activité spécifique Partkar et al., 1998 Bacillus subtilis Mutagénèse de saturation itérative sur les zones présentant le plus haut facteur d'agitation thermique => Température de demi-vie améliorée de 45°C Reetz et al., 2007. Pseudomonas aeruginosa PCR à erreurs => Amélioration de la température de demivie de 3°C Shinkai et al., 1996 Candida antartica (lipase B) DNA shuffling avec deux homologue thermophiles => temps de demi-vie multiplié par 11 à 45°C et son Tm augmenté de 6,4°C Suen et al., 2004 Bacillus subtilis PCR à erreurs => Temps de dénaturation multiplié par 300 Acharya et al. 2004 Rhizopus niveus PCR à erreurs => T opt améliorée de 15°C Kohno et al., 2001 Si on regarde plus en détail l’évolution de la thermostabilité chez les lipases, on notera : - l’introduction d’un pont disulfure chez la lipase de P. camembertii a permis d’améliorer l’optimum de 10°C. Ce pont disulfure a été construit par homologie avec la lipase de Humicola lanuginosa et a permis de relier entre elles les parties N et C terminales (Yamaguchi, et al., 1996). - Chez la lipase de Fusarium heterosporum, la partie C-terminale de la lipase semble avoir un rôle majeur dans la thermostabilité (Nagao, et al., 1998). La thermostabilité 90 Chapitre I : Etude bibliographique ici encore est due à des interactions ioniques entre les parties N et C-terminales (Nagao, et al., 2000). - Un mutant amélioré par évolution dirigée de la lipase de Rhizopus niveus (Kohno, et al., 2001) a permis d’augmenter la température de l’enzyme de 15°C. Parmi les deux hypothèses avancées par les auteurs pour expliquer l’amélioration de la thermostabilité, l’un est la stabilisation de la partie C-terminale de l’enzyme. - Le mutant de la lipase de Bacillus subtilis présente plusieurs mutations, l’une d’entre elle est responsable de l’amélioration d’un facteur trois cent du temps de dénaturation de l’enzyme à cause d’un meilleur ancrage de la partie N-terminale de la lipase A de B. subtilis (Acharya, et al., 2004). Sur 10 exemples d’amélioration de la thermostabilité des lipases par ingénierie enzymatique la thermostabilisation, la moitié a lieu via une stabilisation des parties N et C terminales des lipases. D’autre part, en ce qui concerne les estérases thermophiles (des enzymes possédant des similarités structurales importantes avec les lipases mais qui hydrolysent seulement les esters à courte chaîne carbonée) la partie N-terminale semble aussi jouer un rôle important dans leur stabilité par rapport à leurs homologues mésophiles (Mandrich, et al., 2005). D’autre part, une pNP estérase dont la thermostabilité a été améliorée par 6 tours d’évolution dirigée présente toutes ses mutations localisés dans la partie C-terminale de la protéine (Giver, et al., 1998). On peut se demander si le point faible de la thermostabilité des lipases n’est pas une instabilité dans l’ancrage des parties N et C terminales. Faut-il y voir une stratégie de stabilisation à utiliser préférentiellement chez les lipases ? 5. CONCLUSION GENERALE THERMOSTABILITE L’ingénierie de la thermostabilité d’une enzyme peut être réalisée par ingénierie rationnelle ou par évolution dirigée. La voie de l’ingénierie rationnelle, pour qu’elle réussisse, doit aller de pair avec une connaissance approfondie de la structure de l’enzyme et de la comparaison de celle-ci avec celle de ses homologues thermophiles, des mécanismes de stabilisation et des processus impliqués dans la dénaturation de l’enzyme. De nombreux exemples de réussite de cette voie ont été donnés dans le chapitre correspondant. Malgré tout, des échecs ont été enregistrés, car trop souvent la structure de l’enzyme est envisagée par « petits morceaux » indépendants et non comme un tout. D’autre part, cette voie nécessite une connaissance de la structure de l’enzyme, ce qui n’est pas toujours le cas. Dans ces cas, la voie de l’évolution dirigée est la voie privilégiée. Celle-ci consiste à explorer la diversité génétique du gène 91 Chapitre I : Etude bibliographique d’intérêt par les techniques de mutagenèse ponctuelle et/ou de recombinaison et de sélectionner les enzymes obtenues en appliquant une pression de sélection appropriée. Le processus étant répété à partir des meilleurs mutants sélectionnés à chaque tour jusqu’à obtention de la propriété désirée. Le succès d’une campagne d’évolution rationnelle dépend de la qualité de la banque créée, de la taille de la banque criblée et de la pression de sélection appliquée. Souvent les stratégies de stabilisation les plus réussies sont une combinaison entre évolution rationnelle et évolution dirigée. Citons l’exemple de la lipase A de B. subtilis (Reetz and Carballeira, 2007) : 10 acides aminés ciblés en fonction de leur facteur d’agitation thermique (approche dirigée) ont été modifiés en même temps par une technique de mutagenèse de saturation itérative. Le criblage de seulement 8000 transformants a permis d’améliorer la température de demi-vie de la lipase de 45°C. D’autre part, les études d’évolution dirigée et rationnelle ont montré que les mutations avaient tendance à se grouper dans des zones spécifiques des enzymes, ces zones devant être impliquées dans le démarrage des processus qui mènent à la dénaturation thermique (Giver, et al., 1998; Palackal, et al., 2004). L’identification de tels clusters peut être utilisée pour réduire l’espace des séquences explorées par évolution dirigée. 92 Chapitre I : Etude bibliographique Troisième partie - Les lipases : les bases structurales de leur selectivité 1. Généralité lipases Les lipases sont des enzymes ubiquitaires, distribuées très largement dans la nature aussi bien chez les végétaux que chez les animaux ou les microorganismes. Selon la nomenclature internationale, les lipases (E.C 3.1.1.3 ou triacylglycérol acylhydrolases) sont des hydrolases capables d’hydrolyser une liaison ester dans un triglycéride. Elles réalisent des réactions d’hydrolyse sur une large gamme de substrats, pouvant être très différents de leurs substrats naturels : les triglycérides. Mises dans des conditions thermodynamiques favorables, elles sont également capables de réaliser des réactions de synthèse telles que des estérifications, transestérifications, amidations, et sont donc très largement utilisées en synthèse organique.... Elles représentent à ce jour les enzymes les plus étudiées avec des milliers d’articles chaque année décrivant leur structure, leur réactivité, et leur spécificité. D’autre part, de nombreux auteurs se sont intéressés à l’ingénierie de ces enzymes, c'est-à-dire à l’optimisation de ces catalyseurs, en jouant directement sur celles-ci par ingénierie génétique, ou bien en optimisant leurs conditions de mise en œuvre. Cette première partie bibliographique a pour objet de faire une synthèse de cette « iconographie» pléthorique. 1.1. Réactions catalysées par les lipases - Les réactions d’hydrolyse : Les substrats naturels des lipases sont donc les triacylglycérols, cependant d’autres esters de glycérol ou d’alcool peuvent être aussi hydrolysés par ces enzymes. Elles catalysent préférentiellement l’hydrolyse d’esters insolubles à longue chaîne carbonée (C>10, l’acide oléique C18 :1 étant la référence). Cette spécificité pour les esters à longue chaîne est ce qui les différencie des estérases qui agissent sur les esters solubles à courte chaîne carbonée (C<10, la tributyrine C4 étant la référence). Cependant, les lipases sont aussi capables d’hydrolyser les substrats solubles des estérases (l’inverse n’étant pas vrai), mais souvent de manière moins efficace. Les substrats à longue chaîne carbonée des lipases sont le plus souvent insolubles, ce qui fait des lipases des enzymes particulières, capables d’agir en milieu biphasique, à l’interface entre les substrats hydrophobes et le milieu aqueux. 93 Chapitre I : Etude bibliographique -Les réactions de synthèse : Lorsque les lipases sont mises en œuvre dans des milieux à faible activité de l’eau et en présence des substrats appropriés, elles réalisent des réactions de synthèse (Zaks and Klibanov, 1985) : - des estérifications. De telles réactions libèreront de l’eau qu’il faudra piéger pour éviter qu’un équilibre se mette en place avec la réaction d’hydrolyse correspondante. - des transestérifications, (Alcoolyse, Acidolyse, Interestérification), des aminolyses, des thiotransestérifications. La mise en œuvre de réactions de synthèse nécessite un solvant anhydre : un solvant organique par exemple. Les avantages de la catalyse enzymatique en milieu organique ont été largement décrits dans la littérature (Zaks and Klibanov, 1985) : - le déplacement de l’équilibre réactionnel dans le sens de la synthèse et la diminution des réactions secondaires - augmentation de la stabilité thermique des enzymes (Zaks and Klibanov, 1984) - amélioration (ou du moins le changement) de sélectivité de l’enzyme qui est fortement lié à la nature du solvant utilisé (Zaks and Klibanov, 1984) - récupération aisée de l’enzyme insoluble - facilité de récupération des produits formés par simple évaporation du solvant, celui-ci ayant souvent une température d’ébullition inférieure à celle de l’eau. - augmentation de la solubilité des substrats et produits organiques apolaires - limitation des contaminations microbiennes Les solvants organiques présentent cependant des désavantages comme leur inflammabilité et leur toxicité. D’autre part, ceux-ci peuvent dénaturer l’enzyme, notamment si l’activité de l’eau est trop faible et que l’eau liée à l’enzyme n’est pas maintenue. Pour mettre en œuvre ces enzymes, d’autres types de milieux originaux ont donc été développés : - les liquides ioniques (pour une revue, voir van Rantwijk et al., 2003). Les avantages de la catalyse en milieu non aqueux sont gardés, mais ces solvants sont moins toxiques et inflammables que les solvants organiques. Cependant leur utilisation industrielle reste limitée de par leur coût et les difficultés à récupérer les produits et l’enzyme. - les milieux gazeux où les substrats se trouvent en phase gazeuse (Graber, et al., 2003; Letisse, et al., 2003) 94 Chapitre I : Etude bibliographique - les fluides supercritiques qui présentent des caractéristiques de viscosité, de densité et de diffusivité intéressantes car intermédiaires entre les fluides et les gaz (Ikushima, 1997) - les milieux biphasiques - les micelles inverses 1.2. Applications Les lipases (et principalement les lipases microbiennes) présentent de nombreux avantages sur un plan biotechnologique. Elles 1) sont stables dans les solvants organiques 2) ne nécessitent pas de cofacteur 3) possèdent une large gamme de spécificité de substrats 4) montrent une grande sélectivité dans les réactions mises en œuvre. Ces caractéristiques en font des biocatalyseurs particulièrement intéressants pour des applications industrielles. Voici quelques-unes de leurs plus importantes applications (Pandey, et al., 1999) : - dans l’industrie des détergents, comme additifs dans les lessives. Les lipases utilisées doivent être à la fois actives et stables à hautes températures et à pH alcalin et en présence des autres composants de la lessive. Depuis les premières lipases (lipolase- Novozyme) commercialisées, des enzymes plus performantes ont été mises sur le marché (lipexNovozyme). - dans l’industrie alimentaire. Dans l’industrie des produits laitiers, elles servent à augmenter la note aromatique des fromages, et à accélérer leur maturation. Dans la fabrication du pain, elles sont utilisées comme émulsifiant de la pâte à pain (lipopan F -Novozyme). - dans l’industrie du papier pour enlever les triglycérides et les cires de la pulpe. - dans l’industrie du cuir, pour enlever les graisses sous cutanées. - dans des procédés environnementaux, pour traiter les boues de stations d’épuration ou des déchets riches en huiles. - dans l’industrie des parfums et des cosmétiques : les lipases sont utilisées dans deux applications majeures : la production de surfactant (avec les mono- et di-acylglycérols produits de réaction des lipases) et la production d’arômes. - dans les industries chimiques, pour obtenir des composés purs optiquement actifs (notamment dans l’industrie pharmaceutique et la production de pesticides). Ainsi, de nombreuses molécules chirales médicamenteuses sont synthétisées avec des lipases à partir de mélanges racémiques. C’est le cas des prostaglandines, des céphalosporines, des antiinflammatoires non stéroïdiens (naproxène, ibuprofène, kétoprofène), des hydantoïnes, et des pénicillines. 95 Chapitre I : Etude bibliographique - dans le domaine de l’énergie, elles sont utilisées pour l’obtention de bio-diesel à partir de ressources renouvelables comme les huiles végétales. 2. Structure La suite de notre étude concernera la structure tridimensionnelle des lipases. Au cours de notre étude, nous nous intéresserons donc aux motifs structuraux caractéristiques des lipases et plus particulièrement aux lipases d’origine fongiques de la famille de Rhizomucor miehei. En effet, la lipase de Yarrowia lipolytica à laquelle nous nous intéressons fait partie de cette famille. De plus, de nombreuses structures de lipases ont été résolues dans cette famille. Les données structurales existant à ce jour pour ces différentes lipases sont récapitulées dans le tableau I-11. Tableau I-11: Données structurales existantes pour les lipases fongiques. Lipase Rhizomucor miehei Auteurs Résolution code PDB Substrat/inhibiteur Brady et al., 1990 1,90 Å (Cα seulement) 1TGL fermée Brady et al., 1992 1,90 Å 3TGL fermée Derewenda et al., 1992a 2,60 Å 4TGL ouverte + diethyl phosphonate 3,00 Å (Cα seulement) 5 TGL ouverte + n-hexylphosphonate éthyl ester 1,84 Å 1TIB fermée 2,60 Å 1 DT3 2,35 Å 1DTE 3,00 Å 1EIN 2,50 Å 1DU4 2,40 Å 1DT5 2,20 Å 1GT6 2,60 Å (Cα seulement) TIC 2,20 Å 1LGY 2,10 Å (Cα seulement) 1TIA Brzozowski et al., 1991 Derewenda et al., 1994b Humicola (Thermomyces) Brzozowski et al., 2000 lanuginosa Yapoudjan et al., 2002 Rhizopus delemar (oryzae, niveus) Derewenda et al., 1994a Kohno et al., 1996 Penicillium camembertii Derewenda et al., 1994a Di-undecylphosphatidyl choline ouverte + Acide oléique (sérine catalytique mutée) 1 forme fermée + 1 forme ouverte dans le même cristal Les premières structures de lipases ont été élucidées au début des années 1990. Il s’agissait de la lipase de Rhizomucor miehei (Brady, et al., 1990) et de la lipase pancréatique humaine 96 Chapitre I : Etude bibliographique (Winkler, et al., 1990). Par la suite, de nombreuses autres lipases ont été cristallisées. Dès l’apparition des premières structures, une organisation structurale est mise en évidence et notamment un repliement de type α/β (Brady, et al., 1990). 2.1. Le repliement α/β β Le repliement α/β a été mis en évidence pour la première fois par Ollis et al. en 1992 (cf. Figure I-5). C’est un motif qui est commun à de nombreuses enzymes hydrolytiques (protéases à sérines et à cystéines, subtilisine, et les hydrolases à repliement α/β). Il se compose d’un feuillet β central à 8 brins majoritairement parallèles avec le brin β 2 antiparallèle. Ces brins sont connectés par 6 hélices α (A à F) de part et d’autre de ce feuillet β. Les hélices A et F sont positionnées du côté concave du feuillet, les autres du côté convexe. Les enzymes possédant ce type de repliement ont toutes une triade catalytique de type : nucléophile – histidine – acide, les résidus catalytiques étant les éléments structuraux les mieux conservés (Ollis, et al., 1992). Figure I-15 : Image simplifiée du repliement 3D des hydrolases d’après le schéma de Jaeger et al., (1999). Les hélices α sont représentées par des cylindres, les brins β sont indiqués par des flèches grisées. La position des résidus du site actif est représentée par un point noir, la serine catalytique est positionnée après le brin 5, le résidu Asp/Glu après le brin 7, et l’histidine est dans la boucle entre le brin 8 et l’hélice αF. Les lipases possèdent un repliement α/β. Le motif minimum de cette structure commun à toutes les lipases est composé de 5 brins β parallèles dans le feuillet β central et deux hélices α (B et C) (Schrag and Cygler, 1997) mais il y a des variations structurales au sein des différentes familles de lipases (voir Figure I-16 ci-après). 97 Chapitre I : Etude bibliographique a b c d e Figure I-16 : Schéma d’après Schrag et Cygler (1997) du repliement α/β β et de la structure de quatre lipases représentatives de quatre familles de lipases. La numérotation des hélices et brin béta est conforme à celle de Ollis et al. (1992) Sur la gauche, représentation schématique du repliement. Les résidus de la triade catalytique sont représentés par des lettres S (pour sérine), H (pour histidine) et D ou E (pour acide aspartique ou glutamique). A droite, une représentation de la structure tridimensionnelle. Seuls les brins β appartenant au repliement α/β classique sont montrés sur cette représentation. Une lettre jouxte les hélices α appartenant au repliement α/β classique. On notera que le brin β10 présent chez la lipase de Thermomyces lanuginosa, n’est pas présent dans toutes les lipases de cette famille (lipases de R. miehei par exemple). 98 Chapitre I : Etude bibliographique La topologie des lipases de type R. miehei (R. delemar et H. lanuginosa, P. camembertii) présente des variations par rapport au repliement α/β des autres lipases (Schrag and Cygler, 1997): - Le feuillet β est toujours composé de 9 brins et si on se réfère à la nomenclature du repliement α/β proposé par Ollis, le brin β4 n’est pas présent chez ce type de lipases. - Les hélices B, C et D sont conservées mais il leur manque l’équivalent des hélices A, E et F. Normalement, les hélices A et F sont situées sur la même face du feuillet. Il semble dans ces lipases que ces hélices aient été remplacées par une longue hélice placée de ce même côté du feuillet avec l’axe de l’hélice presque perpendiculaire au feuillet. - L’histidine catalytique n’est pas placée directement après le brin β8 mais après un brin β9 antiparallèle. 2.2. La triade catalytique La triade catalytique est un élément très conservé dans la structure des lipases. Elle a été mise en évidence lorsque la première structure de lipase a été résolue en 1990 (Brady, et al., 1990). Elle est invariablement composée d’une sérine, d’un acide aspartique (ou plus rarement chez Géotrichum candidum et Candida rugosa d’un acide glutamique) et d’une histidine dans cet ordre dans la séquence primaire de la protéine. Dans le repliement α/β, la sérine catalytique est placée après le brin β5, l’histidine après β8 et l’acide après β7. Cependant, de légères variations peuvent être observées selon les enzymes. La sérine catalytique est localisée dans un motif structural appelé coude nucléophile (un γ like turn) et se trouve dans une séquence consensus Gly-x-Ser-x-Gly (Ollis et al., 1992). Cette structure permet à la sérine d’être d’une part proche de l’histidine catalytique, et d’autre part bien positionnée pour l’attaque nucléophile du substrat. Il est à noter cependant que récemment une autre famille de lipases a été mise en évidence : la famille « GDSL », chez qui la sérine catalytique est placée dans une séquence consensus GDSL (Akoh, et al., 2004) (c’est par exemple le cas des lipases d’ Aeromonas hydrophilia, Xenorhabdus luminescens et Streptmyces rimosus). Cette triade catalytique avait déjà été mise en évidence chez d’autres enzymes : les protéases à sérine. Cependant, contrairement à ces dernières, le site actif de l’enzyme n’est pas en surface mais enfoui et couvert par des boucles qui le rendent inaccessible au substrat. Les éléments structuraux communs à toutes les lipases sont : - une triade catalytique Ser-Asp/Glu-His (linéaire dans la séquence). la sérine catalytique est placée dans un coude nucléophile après le brin β5. au moins 5 brins β parallèles dans le feuillet β central. 99 Chapitre I : Etude bibliographique 2.3. Le volet amphiphile. En 1990, lorsque les premières structures de lipases ont été élucidées (Brady, et al., 1990; Winkler, et al., 1990), il est immédiatement observé qu’une boucle couvre le site actif. Cette boucle amphiphile est appelée paupière ou volet amphiphile. Il est alors supposé que le contact avec le substrat permet un changement conformationnel qui va permettre à cette paupière de découvrir le site actif pour laisser entrer le substrat. Le mouvement de la paupière est clairement mis en évidence lorsque les lipases sont cristallisées en présence d’inhibiteurs mimant les substrats à l’intérieur du site actif (Brzozowski, et al., 1991; Derewenda, et al., 1992b). On distingue donc deux isomères conformationnels des lipases : une forme ouverte et une forme fermée. Le mouvement de la paupière ne fait pas qu’ouvrir le site actif, il s’accompagne aussi d’une augmentation de la surface hydrophobe et d’une diminution de la surface hydrophile autour du site actif de l’enzyme. Chez la lipase de Rhizomucor miehei, l’augmentation de la surface hydrophobe est de 700 Å2 (Derewenda, et al., 1992a) soit 7 % de la surface totale et une diminution de 450 Å2 de la surface hydrophile. Paupière et activation interfaciale Le phénomène d’activation interfaciale des lipases a été observé pour la première fois en 1936 (Holwerda, et al., 1936) puis en 1945 (Schonheyder and Volqvartz, 1945): l’activité des lipases est augmentée quand celles-ci agissent à une interface, c'est-à-dire sur le substrat insoluble (émulsion) plutôt que sur le même substrat en-dessous de sa limite de solubilité. En 1958, Sarda et Desnuelles (Sarda and Desnuelle, 1958) définissent une lipase en terme cinétique sur la base de ce phénomène d’activation interfaciale (voir Figure I-17). En effet, les estérases ne présentent pas cette particularité. Figure I-17 : Graphique d’après Sarda et Desnuelle représentant le taux d’hydrolyse en fonction d’un ester partiellement soluble dans l’eau. Les lignes verticales en pointillés représentent la limite de solubilité de l’ester utilisé. De telles cinétiques ont été utilisées pour discriminer les estérases (à gauche) des lipases (à droite) 100 Chapitre I : Etude bibliographique La découverte de la paupière donne les bases structurales à l’explication de ce phénomène. Lorsque les substrats sont sous forme soluble, la paupière est refermée et l’enzyme est peu active. Lorsqu’une interface est présente, la paupière est ouverte et cela augmente alors brutalement l’activité de l’enzyme. Toutes les lipases ne présentent pas ce phénomène. Par exemple la lipase B de Candida antarctica ne possède pas de paupière et ne présente pas d’activation interfaciale (Martinelle, et al., 1995). Par la suite, cependant, il a été prouvé que la présence d’une paupière n’était pas nécessairement corrélée avec le phénomène d’activation interfaciale. En effet, malgré la présence d’une paupière amphiphile recouvrant leur site actif, certaines lipases : les lipases de Pseudomonas glumae, Pseudomonas aeruginosa (Jaeger, et al., 1993), et une lipase pancréatique de ragondin et de cobaye (présence d’une mini paupière) (Thirstrup, et al., 1994) ne montrent pas d’activation interfaciale. D’autre part, la phospholipase pancréatique A2 ne possède pas de paupière (van den Berg, et al., 1995) mais présente un haut degré d’activation interfaciale avec la di-heptanoylphophatidyl-choline comme substrat (Pieterson, et al., 1974). L’activation interfaciale n’est donc pas présente chez toutes les lipases (Martinelle, et al., 1995; Thirstrup, et al., 1994) et ce phénomène est substrat-dépendant. Cela remet en cause la définition des lipases en terme cinétique introduite par Sarda et Desnuelles (1958). Une lipase ne peut donc se définir que par les substrats qu’elle est capable d’hydrolyser : les triglycérides et esters à longues chaînes (Ferrato, et al., 1997). La paupière dans les structures cristallographiques La structure des lipases obtenue peut donc être ouverte, fermée, ou dans un état intermédiaire. Lorsque qu’un substrat ou un inhibiteur est présent dans le site actif des lipases, elles sont cristallisées sous forme ouverte. De même, dans le cristal de la lipase de Rhizopus delemar (Derewenda, et al., 1994b), il y a deux molécules d’enzyme par unité asymétrique : l’une sous forme fermée l’autre sous forme partiellement ouverte. Un détergent utilisé dans la solution de cristallisation (le N, N diméthyl-octadecylamine N oxyde) est responsable de cette seconde forme. Cependant, il existe des cas où des lipases sont cristallisées sous forme ouverte sans substrat ou inhibiteur. Ainsi, chez la lipase de Thermomyces lanuginosa (Derewenda, et al., 1994b), la paupière présente un fort degré de mobilité (cristal sans contrainte sur la paupière) : la labilité conformationnelle de la paupière est une propriété intrinsèque de la protéine. De même, la lipase de Pseudomonas cepacia a été cristallisée sous forme ouverte alors qu’aucun inhibiteur suicide n’était présent dans le site actif (Schrag, et al., 1997). Les auteurs supposent 101 Chapitre I : Etude bibliographique que la conformation de la protéine serait déterminée par les conditions de cristallisation (présence d’isopropanol) et notamment par la constante diélectrique. Le rôle prédominant de la force ionique et de la constante diélectrique est mis en évidence par d’autres auteurs (Brzozowski, et al., 2000) qui ont cristallisé la lipase de Thermomyces lanuginosa dans différentes conditions de cristallisation et qui ont obtenu trois formes différentes : une forme « faiblement activée », une forme activée, et une forme pleinement active. Les différences entre ces formes se situent au niveau du positionnement de la paupière. En effet, depuis, d’autres structures ouvertes ont été obtenues sans inhibiteur et la majorité a été obtenue en présence de solvant organique (Cygler and Schrag, 1997). Cette structure ouverte de la paupière en présence de solvants organiques est à mettre en relation avec le fait que les lipases sont des enzymes très actives en solvant organique. 2.4. Le trou oxyanion L’intermédiaire tétraédrique formé au cours de la réaction catalytique (voir partie 2.5 mécanisme catalytique) est stabilisé par au moins deux liaisons hydrogène formées avec les groupes amides de la chaîne carbonée. Ces deux acides aminés participant à la stabilisation de l’intermédiaire tétraédrique forment le trou oxyanion. Le premier résidu du trou oxyanion est situé dans la région N-terminale des lipases et est bien conservé à l’intérieur des différentes familles de lipases. Il est situé dans une boucle entre le brin β3 et l’hélice αA. Pleiss et al. (2000a) ont identifié deux types de trou oxyanion GX et GGGX (représentés en Figure I-18). Le type de trou oxyanion semble être corrélé avec la spécificité de substrats des lipases : les lipases de type GX auront une spécificité marquée pour les substrats à longues chaînes carbonées alors que les trous oxyanion de type GGGX seront plutôt retrouvés chez les carboxylestérases et les lipases spécifiques des courtes chaînes carbonées. Les lipases de types fongiques ont un trou oxyanion de type GX (X étant une sérine ou une thréonine), la chaîne latérale participant peut être à une troisième liaison hydrogène stabilisant l’intermédiaire tétraédrique. L’équipe de Pleiss a aussi mis en évidence, chez les lipases de type GX un résidu d’amarrage qui interagit avec la chaîne latérale du résidu du trou oxyanion, chez les lipases de type fongique il s’agit d’un résidu généralement hydrophile (acide aspartique ou asparagine). 102 Chapitre I : Etude bibliographique Le deuxième résidu du trou oxyanion est le résidu X2 de la séquence consensus G-X1-S-X2G, où se trouve la sérine catalytique. Pour les lipases de type R. miehei dont la séquence consensus est GHSLG, il s’agit donc d’une leucine. Elle est positionnée dans le coude nucléophile et sa position est par conséquent très conservée chez les lipases. Figure I-18 : Illustration des deux types de trous oxyanions retrouvés chez les lipases, (a) type GX dans la lipase de R. miehei : Stabilisation d’un analogue de substrat (diethylphosphonate) par une liaison hydrogène avec le X du premier résidu du trou oxyanion (S82), et stabilisation de ce résidu par le résidu « ancre » D91. (b) Type GGGX dans la lipase de C. rugosa. Stabilisation d’un analogue de substrat (1R-menthyl-hexyl phosphonate) par le G du premier résidu du trou oxyanion (G124), stabilisation par blocage de la chaîne latérale de l’autre résidu du trou oxyanion (A210) entre G et la chaîne latérale de X (F125) Interaction entre paupière et trou oxyanion Le trou oxyanion peut être déjà formé dans la forme fermée de la lipase (chez Candida rugosa, (Grochulski, et al., 1994) ou peut se former parallèlement à l’ouverture du volet (Pseudomonas cepacia. Schrag et al., 1997). Pour les lipases de type R. miehei, le trou oxyanion est pré-formé dans la forme fermée mais l’interaction avec le résidu d’amarrage qui stabilise le trou oxyanion n’a pas lieu, cette interaction n’étant possible que lorsque la lipase est sous forme ouverte (Pleiss, et al., 2000a). 2.5. Mécanisme catalytique (cf. Figure I-19) Le mécanisme catalytique des lipases (Cygler, et al., 1994) est semblable à celui observé chez les protéases à sérine. La première étape est une étape d’acylation. Le transfert de proton entre l’acide aspartique (ou acide glutamique), l’histidine et la sérine catalytique, entraîne 103 Chapitre I : Etude bibliographique l’attaque nucléophile de l’hydroxyle de la sérine sur le carbonyle du substrat. Un premier intermédiaire tétraédrique est alors formé qui porte une charge négative sur l’oxygène de l’ex-fonction carbonyle. L’intermédiaire tétraédrique est stabilisé par 5 liaisons hydrogène dont au moins deux entre l’oxygène chargé négativement (l’oxyanion) et les groupes amides NH du trou oxyanion de la chaîne principale. Par retour du doublet de l’oxygène et le transfert de proton de l’histidine, une molécule d’eau (R’= H) ou d’alcool est libérée. Le complexe covalent enzyme-substrat formé est appelé acyl-enzyme. La deuxième étape est une étape de dé-acylation et fait intervenir une attaque nucléophile qui peut être exercée par une molécule d’eau (hydrolyse) ou par un alcool (synthèse – estérification) sur le carbonyle de l’acylenzyme. Un deuxième intermédiaire tétraédrique est formé selon un processus analogue à celui de l’étape d’acylation et conduit à la formation du second produit de la réaction (acide carboxylique ou ester) avec régénération de l’enzyme native. His His Ser Ser H-N N -O + N-H -- O ---- H-N H-O - Asp --- O- O Asp R'-O O R R' Intermédiaire tétraédrique O His ---- O R O---- - NH NH His Ser Ser R''-OH O O- H-N O N O- R Asp NH N R H O O R'' oxyanion O- ---- - NH trou ---- + R'-OH H-N Asp O --- O trou oxyanion --NH NH Acyl-enzyme trou oxyanion His His Ser Ser + --- O ---- H-N O -N-H -O Asp R'' Intermédiaire tétraédrique R O---- ---- O O- NH Asp - NH O R''-O R trou oxyanion O Figure I-19 : Mécanisme catalytique des lipases 104 H-N N H-O Chapitre I : Etude bibliographique 3. Les bases structurales de leur sélectivité 3.1. La sélectivité des lipases : La sélectivité des lipases comprend plusieurs types de sélectivités différentes : - la sélectivité par rapport à la position préférentielle d’hydrolyse sur les triglycérides ou régiosélectivité (positions sn1, sn2 et sn3) - la sélectivité vis-à-vis du substrat (mono-di-triglycérides) - la sélectivité vis-à-vis des acides gras (par rapport à la longueur de la chaîne carbonée, de ses substituants et du degré d’insaturation) ou typosélectivité , - la stéréosélectivité (sélectivité entre deux énantiomères ou deux molécules prochirales) Les bases de ces sélectivités ont (presque) toujours été reliées à un positionnement préférentiel du substrat (énergétiquement - stériquement) au niveau du site actif des enzymes. Ce positionnement préférentiel est déterminé par deux grands types d’approches : - la co-cristallisation de la lipase avec des analogues de substrat. Ces analogues sont le plus souvent des phosphonates ou des sulfonates qui se lient covalemment avec la sérine catalytique de l’enzyme et qui miment l’intermédiaire tétraédrique de l’état de transition. Le positionnement de ce substrat dans le site actif de l’enzyme permet de déterminer les paramètres structuraux intervenant dans la sélectivité. Cette méthode n’est pas la plus couramment utilisée car elle nécessite de passer par une étape de cristallisation souvent difficile. Cette méthode est la méthode de choix pour ce qui est de la compréhension de la sélectivité des substrats. Cependant, dans le cas de la co-cristallisation d’un mutant inactif de la lipase de Thermomyces lanuginosa (sérine catalytique mutée) avec de l’acide oléique, il a été montré que la mutation de la sérine catalytique en alanine permettait un positionnement de l’acide oléique impossible dans le cas où l’hydroxyle de la sérine était présent (Yapoudjian, et al., 2002). - la modélisation moléculaire : Cette méthode consiste à déterminer la structure d’une molécule dont la probabilité d’existence est déterminée selon un critère énergétique. Plus l’énergie d’une conformation sera faible, plus la conformation sera considérée comme stable et probable. Il existe deux catégories de méthodes de modélisation moléculaire : - les méthodes quantiques : Ces méthodes sont basées sur la distribution des électrons (en orbitales moléculaires). Leur complexité augmente rapidement avec le nombre d'électrons et 105 Chapitre I : Etude bibliographique ces méthodes sont donc peu utilisées pour les protéines car limitées par la puissance actuelle des ordinateurs. - la mécanique moléculaire : la modélisation moléculaire est une méthode empirique modélisant les intéractions répulsives et attractives entre atomes par un système purement mécanique de forces, sans prendre en compte la nature quantique des interactions entre les électrons et les noyaux. La structure moléculaire est alors représentée par des sphères (les atomes) reliées entre elles par des ressorts (liaisons). L’énergie potentielle est décomposée en la somme des énergies de déformation des liaisons (torsion, tension et flexion principalement) et des énergies dues aux interactions entre atomes (énergie de van der Walls et énergie électrostatique). E = E liaison + E torsion + E déformation + E van der walls+ E électrostatique Chacun de ces termes ayant une valeur d’équilibre préférentielle (longueur de liaison, angle de liaison, …), l’énergie minimale sera recherchée par optimisation de la géométrie de la structure. Pour étudier la sélectivité dans ce cadre, la structure de l’enzyme doit être connue (structure cristallographique/RMN ou modèle in silico par homologie). La mécanique moléculaire peut servir à l’affinement des modèles de structure d’enzyme construite par homologie (lorsqu’aucune structure n’est disponible) et/ou à positionner les substrats dans les sites actifs d’enzyme. Dans le prochain chapitre, nous nous intéresserons à déterminer les éléments structuraux responsables des différents types de sélectivité des lipases. 3.2. Typosélectivité (sélectivité vis à vis des différents acides gras) et topologie du site actif Pour comprendre les bases moléculaires de la spécificité de substrat des lipases vis-à-vis de la longueur de la chaîne carbonée, Pleiss et al., (1998) ont comparé la géométrie et les sites de fixation de la partie alcool et acide des esters. Les auteurs ont ainsi classé les lipases en trois groupes en fonction de la topologie de leur site actif (cf. Figure I-20) : - celles avec une cavité hydrophobe proche de la surface. Les lipases fongiques de type Rhizomucor miehei font partie de cette famille. - celles avec un site actif situé au fond d’un entonnoir (les lipases de Candida antacrtica, Pseudomonas, la lipase pancréatique et la cutinase de mammifères) - celles avec un site actif en forme de tunnel (lipase de Candida rugosa) 106 Chapitre I : Etude bibliographique La spécificité de longueur de chaîne est attribuée à la longueur et aux propriétés du site de fixation de la partie acyle. Figure I-20 : Représentation schématique des sites actifs des lipases de Candida antarctica (CALB), de Burkholderia cepacia (BCL=PCL), de Rhizomucor miehei (RML), et de Candida rugosa (CRL). (a) la direction des vues est indiquée par une flèche. D, Asp; H, His; S, Ser représentent les acides aminés de la triade catalytique. (b-e) Représentations des sites actifs : vue de côté, de face et de dessus (Pleiss, et al., 1998). Les nombres indiquent la longueur des acides gras qui peuvent lier complètement à l’intérieur du site actif. 107 Chapitre I : Etude bibliographique 3.3. Régiosélectivité envers les triglycérides La cristallisation de la lipase de Bulkolderia cepacia (Lang, et al., 1998) révèle la présence de quatre poches ou cavités, l’une étant celle du trou oxyanion, les trois autres accueillant les chaînes carbonées des acides gras en position sn1, sn2 et sn3 (voir Figure I-21). La sérine catalytique se trouve au niveau de la poche où se positionne la chaîne sn3. Les différences de taille et d’hydrophobicité entre les différents sites d’arrimage, déterminent la régiosélectivité de la lipase. Les interactions les plus étroites entre l’enzyme et le substrat ont lieu au niveau de la chaîne en position sn2 et de l’histidine catalytique ce qui laisse supposer que cette cavité est un déterminant clef de la stéréopréférence de la lipase. Figure I-21 : Site actif de la lipase de Bulkholderia cepacia d’après Jaeger et al. (1999). Les poches où se lient les groupements sn1, sn2 et sn3 sont indiquées ainsi que les acides aminés bordant ces poches. Une étude portant sur quatre lipases (celles de Rhizopus oryzae, Rhizomucor miehei, Candida rugosa, et la lipase B de Candida antarctica) met en évidence l’importance de l’histidine catalytique et de la position sn2 du triglycéride dans la stéréosélectivité des lipases (Pleiss, et al., 2000b). La majorité des lipases présentent une stéréosélectivité de type sn1 ou sn3. Les auteurs mettent en évidence un motif structural appelé « fossé histidine » formé par l’histidine catalytique et un autre acide aminé qui diffère selon la classe de lipase utilisée. La stéréosélectivité des quatre lipases a pu s’expliquer par la forme de ce motif et la flexibilité du substrat. Le substituant sn2 vient se positionner dans le fossé histidine et est directement en contact avec cet acide aminé. Plus les interactions stériques seront fortes, plus la sélectivité sera orientée vers la position sn3. Ainsi, la stéréosélectivité pourra être affectée soit par la 108 Chapitre I : Etude bibliographique rigidité du substituant sn2 soit par la forme du fossé histidine. Un fossé histidine étroit implique une stéréopréférence sn3 pour tous les types de substrats (Figure I-22B) ; un fossé histidine de taille moyenne implique une stéréopréférence sn1 pour les substrats flexibles et sn3 pour les substrats rigides (Figure I-22A) ; un fossé histidine large implique une stéréopréférence de type sn1 (Figure I-22C) pour tous les substrats. La forme du site actif et notamment le positionnement de certaines boucles aura aussi un rôle dans la stéréopréférence. Lipase de C. rugosa (gris clair) en complexe avec la trioctanoïne en orientation sn1. Le fossé histidine est large, les interactions stériques entre le substituant en sn2 et la phénylalanine 344 sont faibles. La position sn1 sera préférentiellement hydrolysée. . Lipase B de C. antarctica (gris clair) en complexe avec la trioctanoïne en orientation sn1. Le fossé histidine étroit entraîne des interactions stériques très importantes entre le substituant en sn2 et l’isoleucine 189. La position sn3 sera préférentiellement hydrolysée. Lipase de R. miehei (gris clair) et R. oryzae en complexe avec la trioctanoine en orientation sn1. Des contraintes stériques existent entre le groupement fonctionnel de la position sn2 et la leucine 258. La lipase de R. miehei favorisera la position sn1 quelque soit le substrat utilisé. Par contre la lipase de R. oryzae favorisera la position sn1 si le substituant porté par la position sn2 est flexible et sn3 si celui-ci est rigide Figure I-22 : Représentation des différents types de fossés histidine d’après Pleiss et al., 2000b 109 Chapitre I : Etude bibliographique 3.4. Enantiosélectivité : 3.4.1. Intérêt des réactions énantiosélectives L’obtention de molécules chirales pour l’industrie pharmarceutique représentait un marché de 225 milliards d’euros en 2005, soit 37 % des ventes totales de médicaments. C’est un marché en constante évolution (11 % par an entre 2000 et 2005) (Erb, 2006). Dans ce cadre, les lipases sont utilisées dans l’industrie pharmaceutique et dans l’industrie des pesticides pour réaliser la résolution de mélanges racémiques. L’énantiosélectivité peut être mesurée par le ratio énantiomérique E qui représente le rapport des vitesses initiales de conversion des deux énantiomères. Pour une application pharmaceutique, le ratio doit être supérieur à 200 pour une séparation efficace de deux énantiomères ce qui signifie que l’un des énantiomères réagit 200 fois plus vite que l’autre. 3.4.2. Des règles empiriques Avant la connaissance de la structure des lipases, des règles empiriques prédisaient l’énantiosélectivité en fonction de la géométrie des substrats. Ces règles se basaient sur des criblages systématiques de nombreux substrats. Les plus usitées étaient connues sous le nom de « règles de Kazlaukas », et prédisaient quel énantiomère d’un alcool secondaire réagirait préférentiellement (Kazlauskas, et al., 1991). Cette règle est représentée sur la figure I-23 et est applicable à des réactions d’hydrolyse (le substrat étant un ester) et de transestérification (le substrat étant l’alcool) pour de nombreuses hydrolases. Elle suppose que la base de l’énantiosélectivité repose sur la différence de taille entre les deux substituants d’un alcool secondaire. Cette règle présume des poches de tailles différentes autour du site actif de l’enzyme où vont se loger les différents substituants de l’alcool secondaire. Figure I-23 : Régle de Kaslauskas présant la sélectivité des lipasespour les alcools secondaires. Quand l’alcool est dessiné avec le groupe hydroxyle pointant vers l’avant, M représentant un substituant de taille moyenne et L un substituant de taille large, alors, l’énantiomère préférentiel est celui possédant le substituant large vers la droite. 110 Chapitre I : Etude bibliographique 3.4.3. Structures cristallographiques La résolution des structures cristallographiques de diverses lipases en présence des énantiomères a permis de mieux comprendre la sélectivité des lipases. Ainsi, la cristallisation de la lipase de Candida rugosa en présence d’homologues de substrats pour chacun des deux énantiomères, révèle deux poches qui ressemblent à celles prédites par les règles empiriques de Kaslauskas : l’une hydrophobe et de taille large, et l’autre plus petite qui peut acueillir le substituant de taille moyenne. Cependant, les seules interactions stériques (forme des poches) ne suffisent pas pour quantifier la sélectivité. Celle-ci est basée sur d’autre types d’interactions moléculaires entre l’enzyme et chacun des énantiomères. Une comparaison des modes de liaison des intermédiaires tétraédriques pour chacun des énantiomères, montre que la discrimination entre les deux énantiomères semble se faire via une liaison hydrogène supplémentaire pour l’énantiomère préférentiel (Cygler, et al., 1994). 3.4.4. Modélisation par mécanique moléculaire. Si la co-cristallisation de l’enzyme et de son substrat n’est pas disponible (ce qui est souvent le cas), on a recours à la mécanique moléculaire pour placer le substrat à l’intérieur de l’enzyme dans la position la plus énergétiquement probable. La connaissance de la structure de l’enzyme est indispensable (structure cristallographique ou modèle in silico réalisée par homologie avec les structures déjà existantes). Deux types d’approches sont communément utilisés : la modélisation de l’état de transition, et le simple docking du substrat à l’intérieur du site actif de l’enzyme. Ces deux approches sont basées sur des calculs d’optimisation de la conformation par minimisation d’énergie et peuvent être accompagnées de procédures de dynamique moléculaire. La modélisation de l’état de transition. L’état de transition est modélisé pour chacun des deux énantiomères, l’intermédiaire tétraédrique étant considéré comme le meilleur modèle de l’état de transition (Warshel, et al., 1989). Le positionnement initial des intermédiaires tétraédriques dans le site actif de l’enzyme est guidé par les structures de lipases complexées avec les analogues de substrats (si elles existent), de manière à ce qu’ils soient placés dans une position catalytiquement active (liaisons hydrogène essentielles établies). L’énergie des intermédiaires tétraédriques est alors minimisée pour chacun des deux énantiomères et l’intermédiaire tétraédrique possédant l’énergie la plus faible, c’est-à-dire le plus stable, sera l’énantiomère préférentiel (voir schéma Figure I-24). 111 Chapitre I : Etude bibliographique [ER]# +R [ER] E+PR [ES]# E +S [ES] E+PS E+ R ou S E+PR E+P S Figure I-24 : E enzyme, R et S substrats énantiomériques, PR et PS produits énantiomériques, [ER] et [ES], le sigle # représente l’état de transition, ∆∆G≠ la différence d’énergie libre entre les états de transition des deux énantiomères. La théorie des états de transition donne une relation entre l’énantiosélectivité et l’énergie libre de gibbs des états de transition des énantiomères. ∆∆G# R-S = ∆G#R- ∆G#S= -RT lnE avec ∆G# = ∆H#-T ∆S#. Pour les calculs de modélisation moléculaire, l’entropie est négligée et la différence d’énergie potentielle entre les états de transition des deux énantiomères (∆Ep#) est approximée par la relation suivante : ∆Ep# ≈ ∆∆G#R-S ≈ ∆∆H#R-S ≈ - RTln E Ce type de calcul a permis d’évaluer l’énantiosélectivité de nombreuses lipases (Norin, et al., 1994). Il est à noter que dans les réactions de transestérification, les étapes d’acylation et de dé-acylation peuvent conduire à la formation d’un intermédiaire tétraédrique chacun pouvant contribuer à l’énantiosélectivité de la lipase. Docking Des manipulations qui ne modélisent pas l’état de transition mais qui regardent seulement le positionnement des deux énantiomères dans le site actif de la lipase ont aussi permis d’expliquer l’énantiosélectivité de nombreuses lipases. Citons l’exemple de la lipase de Thermomyces lanuginosa dont l’énantiosélectivité a été expliquée par différents modes d’arrimage des substrats étudiés dans le site actif de l’enzyme (Berglund, et al., 1999). Les substrats étudiés sont des esters d’acide 2-phénoxyalcanoïques présentant une chaîne alkyle plus ou moins longue. La partie alcool des substrats (éthyl) est de petite taille et se place sans difficulté dans la poche alcool de l’enzyme. La partie acyle du substrat est composée de trois groupements, un hydrogène, un groupe phénoxy et une chaîne carbonée alkyle qui peut être plus ou moins longue. Le site actif de la lipase est en forme de crevasse. Le fond de la crevasse étant trop étroit pour accueillir un autre substituant que l’hydrogène, celui-ci pointera toujours vers le fond de la crevasse, les groupements phénoxy et alkyle se logeront dans la crevasse. Ceci conduit à quatre positionnements théoriquement possibles dans le site actif de la lipase. Ces quatre positionnements sont illustrés dans la figure I-25. 112 Chapitre I : Etude bibliographique Figure I-25 : Les quatre positionnements théoriquement possibles des substrats (esters d’acide 2phénoxyalcanoiques) à l’intérieur du site actif de la lipase de Thermomyces lanuginosa (Berglund, 2001). Les positionnements non possibles sont barrés avec des pointillés. Ce nombre est restreint à deux positionnements possibles Rdown et Sup car la conformation du site actif rend le positionnement du substrat S impossible en position down ; et le positionnement Rup conduit à la formation d’une liaison hydrogène non favorable avec l’histidine catalytique. La différence d’énantiosélectivité observée avec les différents substrats s’explique par l’utilisation optimale de l’énergie de liaison avec la crevasse. Si le substrat de la chaîne alkyle est de petite taille alors, le groupement phénoxy se placera préférentiellement dans la crevasse impliquant une énantiosélectivité de type R (Rdown) ; si la chaîne alkyle est de longue taille, c’est elle qui se positionnera dans la crevasse, l’énergie d’interaction entre la chaîne alkyle et la crevasse sera mieux utilisée. Cette théorie est vérifiée par des calculs d’énergie potentielle avec les différents substrats. Introduction de la composante entropique dans l’énantiosélectivité Nous avons vu précédemment que l’énantiosélectivité était reliée à la différence d’énergie libre entre les états de transition des deux énantiomères par la relation. ∆∆G#R-S = ∆∆H#R-S -T ∆∆S#R = RTln E Théoriquement pour améliorer l’énantiosélectivité, augmenter∆∆G#R-S, il faut augmenter ∆∆H#R-S ou diminuer T ∆∆S#R. (Figure I-26). Figure I-26 : Profils énergétiques pour la catalyse enzymatique d’un substrat chiral dont les énantiomères sont R et S d’après Ottosson (2001). G : énergie de Gibbs, H entalpie et S entropie 113 Chapitre I : Etude bibliographique Les calculs de modélisation moléculaire considèrent la différence d’entropie entre les états de transition des deux énantiomères comme négligeable devant l’effet enthalpique et approximent donc l’énergie potentielle à la seule composante enthalpique. Cependant, certaines études montrent que l’entropie contribue de manière significative à l’énantiosélectivité (Overbeeke, et al., 2000; Raza, et al., 2001). Une étude portant sur l’effet de l’entropie du substrat dans l’énantiosélectivité de la lipase B de C. antartica (Ottosson, et al., 2002a) montre que la composante entropique représente environ 25 à 60% de la composante enthalpique. Celle-ci ne peut donc être négligée. Les expériences de modélisation moléculaire ne prenant pas en compte ce facteur sont donc incomplètes. D’autre part, les auteurs soulignent que les facteurs stériques seuls ne suffisent pas à expliquer la contribution de l’entropie à l’énantiosélectivité. La composante entropique peut se représenter par un nombre plus ou moins élevé de conformations possibles pour l’état de transition. Une autre étude montre que l’état de solvatation de l’enzyme et des substrats dans leur état de transition a aussi une influence non négligeable sur l’entropie et l’énantiosélectivité de l’enzyme (Ottosson, et al., 2002b). Ces études définissent la composante entropique comme une composante du degré de liberté du substrat dans le site actif de l’enzyme, du degré de liberté des chaînes latérales des acides aminés du site actif, et de la différence de solvatation entre les deux énantiomères. Une étude récente sur cette même lipase (Leonard, et al., 2007) montre comment l’activité de l’eau peut modifier l’énantiosélectivité : le positionnement d’une molécule d’eau dans le site actif de l’enzyme est responsable d’une stabilisation entropique du substrat et améliore l’énantiosélectivité. Nouvelles approches Nous avons vu que couramment, l’étude de l’énantiosélectivité se fait par des approches de docking ou de différence d’énergie entre les états de transition des deux énantiomères. Cependant, ce type d’approche ne permet pas toujours d’expliquer l’énantiosélectivité. Une approche originale a été développée par Guieysse et al. pour les lipases à tunnel (Guieysse, et al., 2003). Cette approche se base sur les trajets des énantiomères dans le tunnel d’accès au site actif. Les auteurs ont tenté d’élucider les bases de l’énantiosélectivité de la lipase de Pseudomonas cepacia présentant une forte énantiosélectivité pour les esters d’acide 2-bromophenyl acétique (E=57). En effet, la première approche basée sur le calcul des énergies d’interaction entre les intermédiaires tétraédriques et le site actif de la lipase ne permet pas d’expliquer l’énantiosélectivité observée : l’énergie potentielle est la même pour 114 Chapitre I : Etude bibliographique les deux énantiomères. La deuxième approche est basée sur la pseudo dynamique en environnement contraint et mime le trajet de chacun des énantiomères dans le tunnel d’accès au site actif. Par cette méthode, l’énergie d’interaction du substrat avec l’enzyme est toujours la plus faible pour l’énantiomère préférentiel. D’autre part, cette méthode permet d’identifier les résidus qui vont perturber le trajet dans le site actif de l’enzyme et ainsi, la mutation de ces résidus clefs permettra de moduler l’énantiosélectivité de la lipase. Cette approche étant coûteuse en temps de calcul, une autre méthode basée cette fois-ci non pas sur de la pseudo-dynamique moléculaire mais sur de la robotique (le substrat étant un robot qui explore l’espace géométrique du tunnel du site actif) donne des résultats similaires. (Cortes, et al., 2005; Guieysse, et al., 2003). Dans cette approche robotique, les atomes du substrat et de l’enzyme sont représentés par des sphères reliées. Le substrat est considéré comme un robot articulé se déplaçant dans un environnement également articulé : le site actif de la protéine. Un algorithme de planification de mouvements permet de prendre en compte la flexibilité du substrat et la plasticité de l’enzyme (Cortes, et al., 2005). La recherche des trajectoires du substrat dans le site actif de l’enzyme se fait de façon aléatoire. L’algorithme construit par incrémentation une structure arborescente qui étend ses branches vers des régions inconnues de l’espace de recherche. Ceci permet une exploration complète de l’espace géométrique contraint et enfoui du site actif (figure I-27), tout en réduisant les temps de calcul à seulement quelques minutes. Le rapport de temps de calcul moyen nécessaire pour obtenir 50 trajectoires avec les énantiomères (R) et (S) a pu être corrélé avec la valeur expérimentale de l’énantiosélectivité (Eexp) (Cortés et coll., 2005). De plus, l’utilisation d’un détecteur de collisions ((Ruiz de Angulo, et al., 2005)), intégré à l’algorithme de planification de mouvements, peut permettre d’identifier les acides aminés contraignant le déplacement des énantiomères le long du site actif de la lipase. Figure I-27 : Représentation schématique de l’exploration complète de l’espace géométrique du site actif de BCL via l’algorithme de planification de mouvements. 115 Chapitre I : Etude bibliographique Conclusion : Les bases structurales de la sélectivité des lipases sont intimement liées à leur structure et à l’adéquation qui existe entre le site actif de l’enzyme et son substrat. Les études structurales menées à ce jour ont permis d’identifier plusieurs « poches » où viennent se positionner les différents substituant des substrats. Leur forme, leur positionnement, leur hydrophobicité et leur adéquation avec le substrat sont les déterminants de la sélectivité des lipases. L’approche de la co-cristallisation est la méthode permettant le mieux de comprendre les bases de la sélectivité. Cependant, si aucune structure de l’enzyme co-cristallisée avec son substrat n’est disponible, les expériences de modélisation moléculaire (modélisation de l’intermédiaire tétraédrique ou simple docking) permettent de comprendre l’adéquation entre le substrat et le site actif de l’enzyme. Ces techniques sont cependant parfois limitées, car la sélectivité ne dépend pas seulement du positionnement du substrat dans le site actif de l’enzyme (Cortes, et al., 2005; Guieysse, et al., 2008; Guieysse, et al., 2003), mais dépend aussi de facteurs entropiques souvent ignorés dans les calculs de minimisation d’énergie. 4. La lipase Lip2 de Yarrowia lipolytica Depuis longtemps, la levure Yarrowia lipolytica est étudiée pour son activité lipase extracellulaire (Peters and Nelson, 1948a; Peters and Nelson, 1948b). La lipase responsable de cette activité, la lipase Lip2, a été depuis caractérisée plus finement par différentes équipes (Aloulou, et al., 2007b; Pignede, et al., 2000a; Yu, et al., 2007a; Yu, et al., 2007b). Il est à noter que la lipase de Candida sp 99-125 et lipase Lip2 de Y. lipolytica ne font qu’une et même lipase car cette espèce appartient en fait au genre Y. lipolytica. 4.1. Applications La lipase de Yarrowia lipolytica présente de nombreux intérêts industriels (tableau I-12). Une application particulièrement prometteuse réside dans sa capacité à résoudre des mélanges racémiques d’acides carboxyliques 2-substitués. C’est dans ce cadre que nous nous intéressons à la lipase Lip2 de Yarrowia lipolytica. Il a récemment été montré que la lipase de Yarrowia lipolytica présentait une activité et une énantiosélectivité supérieures aux lipases testées précédemment pour la résolution de dérivés d'acides 2-bromo-arylacétiques (Guieysse, et al., 2004). Ces composés présentent un grand intérêt pour l’industrie pharmaceutique car ils sont utilisés comme base pour la synthèse de médicaments (précurseurs d’analgésiques, de 116 Chapitre I : Etude bibliographique prostaglandines et de pénicillines semi-synthétiques). Cependant, à l’origine de ce travail, l’énantiosélectivité n’était pas encore suffisante pour une application pharmaceutique. Tableau I-12 : Applications industrielles et potentielles de la lipase Lip2 de Y. lipolytica APPLICATIONS INDUSTRIELLES EN COURS Domaine d'application Utilisation Exploitant Pharmacie Traitement de l'insuffisance pancréatique Substitution de la lipase pancréatique humaine Essais cliniques Laboratoire Mayoli Spindler Nutraceutique Complément alimentaires dans le but de réduire les quantités de graisses assimilées Commercialisé par la société Artechno Environnement Traitement d'effluents chargés en matière grasse Commercialisé par la société Artechno APPLICATIONS POTENTIELLES Domaine d'application Energétique Utilisation Auteurs Production de Biodiesel (ester méthyliques) à partir Nie et al., 2006 ; Lu et al., de triglycérides(huiles) ou d'acide gras. 2007 ; Li Deng et al., 2003 Chimie fine Résolution d'esters d'acides 2-bromo-arylacétiques Guieysse et al., 2004 (importants intermédiaires dans l'industrie Cancino et al., 2008 pharmaceutique) Chimie fine Synthèse d'acides gras de 2-ethylhexanol (esters) : He etal., 2002 ; Tan et al., plastifiants, lubrifiants... utilisés dans les industries 2006 cosmétique, pharmaceutique, chimique et alimentaire. Pharmacie Concentration du DHA éthyl ester à partir d'huile de Marty communication thon personnelle 4.2. Systèmes de production L’intérêt industriel qu’elle offre (tableau I-12) explique les différentes tentatives pour la surproduire par des systèmes d’amplification géniques (Pignede, et al., 2000b), d’ingénierie de la souche (Fickers, et al., 2005d; Fickers, et al., 2003b; Tan, et al., 2003), d’expression par d’autres organismes, ou d’optimisation du milieu et de la conduite de production (Destain, 1998; Destain, et al., 2005; Faure, 2002; Fickers, et al., 2005b; Fickers, et al., 2004; Peters and Nelson, 1948a; Peters and Nelson, 1951; Tan, et al., 2003) La lipase est conventionnellement produite de façon homologue dans des souches des Y. lipolytica modifiées pour améliorer la production (Fickers, et al., 2003b; Pignede, et al., 2000b). Dans la souche sauvage, la lipase est sécrétée dans des milieux nécessitant une huile (huile d’olive- trioléine) ou un acide gras (acide oléique). La souche LGx 64,81 mise au point 117 Chapitre I : Etude bibliographique par mutagenèse chimique sur la souche sauvage dans l’équipe du professeur Thonart est capable de produire de grandes quantités de lipase sur milieu sans huile contenant du glucose. Dans ce cas, le système de régulation de la lipase semble avoir été modifié (Fickers, et al., 2005e). Dans les souches recombinantes, la production de lipase est dépendante du promoteur utilisé. Le promoteur POX2 permet de fortes productions de lipase et est le plus utilisé, c’est dans ce cas la présence d’acide oléique ou même de méthyl oléate (Fickers, et al., 2005b) qui induira la production de lipase. On notera aussi que récemment, la lipase de Y. lipolytica a été produite de manière hétérologue dans la levure Pichia pastoris (Aloulou, et al., 2007a; Yu, et al., 2007a). En effet, la lipase produite par Y. lipolytica se présentait de manière agrégée avec des lipides (Aloulou, et al., 2007b) car l’acide oléique était utilisé comme source de carbone pour la croissance de la souche et pour l’induction de la lipase. 4.3. Caractérisation La lipase Lip2 mature est une protéine glycosylée de 38 kDa codée par le gène LIP2 de Yarrowia lipolytica (301 acides aminés). La protéine est d’abord produite sous forme d’une pré-pro-enzyme de 334 acides aminés qui présente une séquence signal avec quatre motifs XAla, X-Pro (substrats d’une diaminopeptidase), une région Pro de 12 acides aminés et un site Lys-Arg (substrat de l’endoprotéase codée par le gène XPR6). Certains auteurs notent la présence de différentes isoformes. Ainsi, trois à quatre isoformes présentant des points isolélectriques allant de 5,0 à 5,4 ont été identifiées par IEF (Aloulou, et al., 2007b; Destain, et al., 1997), ces isoformes étant probablement des isoformes de glycosylation (Aloulou, et al., 2007b). L’enzyme a été caractérisée par de nombreuses équipes sur sa thermostabilité et sa gamme de résistance au pH, (Aloulou, et al., 2007b; Destain, et al., 1997; Peters and Nelson, 1948b; Yu, et al., 2007b). La lipase est active à basse température (jusqu’à 5°C) et est rapidement inactivée au delà de 50°C, l’optimum de température se situe entre 30°C et 40°C selon les auteurs. Elle est active dans une gamme de pH allant de 4,0 à 8,0 avec un optimum donné entre pH 6.0 et 8.0 selon les substrats. La comparaison récente à la lipase de Thermomyces lanuginosa (Aloulou, et al., 2007a) a mis en évidence que Lip2 présentait une trop faible thermostabilité pour des applications industrielles à haute température. Les auteurs recommandent son utilisation comme substitut à la lipase pancréatique humaine (activité à la température de 37°C - activité sur les triglycérides à longues chaînes carbonées à pH acide) 118 Chapitre I : Etude bibliographique 4.4. Conclusion : La lipase de Yarrowia lipolytica présente des propriétés intéressantes pour de nombreux types d’applications (Tableau I-12). Cependant, malgré ses spécificités, un biocatalyseur n’est jamais parfaitement adapté à un procédé industriel (spécificité insuffisante, faible thermostabilité). Dans le cadre de la résolution de mélange racémique d'acides 2-bromoarylacétiques par exemple, l’énantiosélectivité (bien que supérieure à celle des autres lipases existantes) n’est pas suffisante pour une application industrielle. Une autre limitation de l’enzyme est sa faible thermostabilité (Aloulou, et al., 2007a). 119 Chapitre I : Etude bibliographique Quatrième partie : Introduction à la résolution de la structure des protéines par cristallographie aux rayons X. Introduction Pour avoir accès à la structure de macromolécules par un système optique avec une résolution atomique, il est nécessaire de disposer d’une source de rayonnement de longueur d’onde compatible avec les dimensions de l’objet à observer. Les distances inter-atomiques étant de l’ordre de l’angström, le rayonnement le plus approprié est le rayonnement X (0,1 à 100 Å). Plusieurs problèmes se posent alors. Premièrement, l’interaction entre le rayonnement X et une macromolécule isolée est trop faible pour pouvoir être mesurée, il faut donc qu’un grand nombre de molécules diffusent les rayons X pour pouvoir additionner leurs contributions. Pour avoir une diffusion cohérente de toutes les molécules dans l’espace, celles-ci doivent être organisées de façon périodique dans l’espace. Ceci correspond à la définition d’un cristal, c’est pourquoi la première étape consiste en l’obtention de cristaux de protéines (cristallogenèse). Cette étape est souvent l’étape limitante car les conditions conduisant à l’obtention de cristaux ne peuvent être déterminées qu’empiriquement. Les protéines organisées en cristal seront alors soumises à un rayonnement X. L’interaction entre les électrons de la matière (organisés de façon périodique dans le cristal) et le rayonnement X (onde électromagnétique caractérisée par son amplitude et par sa phase) donnera lieu à un phénomène de diffraction des rayons X. Cependant, aucune lentille n’est appropriée à cette source de rayonnement. En effet lorsqu’un objet est soumis à un rayonnement, l’interaction entre la lumière et l’objet peut se comparer à la transformée de Fourier de l’objet. Pour reconstituer l’image, une lentille est nécessaire pour réaliser la transformée de Fourier inverse (c’est le rôle de notre œil), comme aucun type de lentille n’est adapté à ce type de rayonnement, c’est à partir des images de diffraction et de calculs que l’image de la molécule ou plus exactement de sa densité électronique pourra être reconstituée. C’est là que se pose le second problème, le calcul de la densité électronique de l’objet nécessite deux types d’informations. La permière est une information relative à l’amplitude de l’onde diffractée (proportionnelle à l’intensité des taches de diffraction) ; celle-ci est directement accessible expérimentalement. La seconde est une information dite de phase correspondant au déphasage de l’onde diffractée par rapport à l’onde incidente. C’est dans la 121 Chapitre I : Etude bibliographique détermination de cette phase que réside le second problème. Cette partie vise donc à introduire les notions nécessaires à la compréhension des résultats obtenus au cours de ces travaux. Dans un premier temps nous introduirons des notions géométriques concernant l’organisation d’un cristal et le principe de la diffraction des rayons X par un cristal organisé. Dans un second temps nous détaillerons les étapes nécessaires à la résolution de la structure tridimensionnelle des protéines, de la cristallisation au traitement des données, et jusqu’à l’affinement de la structure. h,k,l λ RX x,y,z Cristal Pas de lentille RX ⇒ pas de refocalisation possible ⇒ calcul de l’image par Transformée de Fourier inverse ρ ( x, y , z ) = ∞ 1 ∞ ∞ ∑ ∑ ∑mF hkl maille h = −∞ k = −∞ l = −∞ V hkl eiφhkl e − 2iπ ( hx + ky +lz ) Module du facteur de structure : relié à amplitude des intensités mesurées Information de phase perdue Figure I-28 : Représentation schématique des deux principaux problèmes rencontrés dans une expérience de diffraction d’un cristal de protéine aux rayons X (les explications quant aux termes de l’équation sont fournies par la suite) 1. Description géométrique d’un cristal Par convention dans la suite de cet exposé, les vecteurs seront écrits en gras. 1.1. Description d’un cristal (voir figure I-29) Un cristal est un arrangement périodique d’un motif dans les trois directions de l’espace, c’est-à-dire disposé selon un réseau. Le réseau ponctuel est construit à partir des 3 vecteurs de base a, b, c. Ces trois vecteurs définissent la maille (plus petit élément permettant la reconstruction du cristal par les translations du réseau), le motif de chaque maille étant identique. Un motif peut être composé d’un arrangement d’éléments plus petits. Ainsi, l’unité 122 Chapitre I : Etude bibliographique asymétrique est le plus petit élément permettant de générer tout le cristal par les opérations de symétrie du cristal. Opérations du groupe ponctuel unité asymétrique Plus petit élément permettant la reconstruction de la maille par les symétries du cristal Translations du réseau maille Plus petit élément permettant la reconstruction du cristal par les translations du réseau . . . . ➙ b a➙ . . . . . . . . cristal . . . . Répétition d’une maille : un motif à chaque nœud du réseau Figure I-29 : Représentation des éléments constitutifs d’un empilement cristallin Cette maille élémentaire est caractérisée par six valeurs : la longueur des vecteurs a, b, et c et trois angles uniques α, β, et γ (angles respectivement formés par les vecteur b et c, a et c et a et b). Les caractéristiques de ces six paramètres permettent de décrire sept systèmes cristallins différents (Figure I-30). D’autre part, l’arrangement des nœuds à l’intérieur de ces systèmes cristallins peut se faire selon quatre types de réseaux : de type primitif (P), faces centrées (F), corps centré (I) ou bases centrées (C). L’ensemble des combinaisons « types de réseau » « système cristallin » possible est représenté par 14 réseaux appelés réseaux de Bravais (Figure I-30). Un empilement 3D périodique est décrit par un groupe d’espace. Il existe 230 façons périodiques d’empiler des objets en 3D c’est à dire 230 groupes d’espace. Chaque groupe d’espace décrit : - la géométrie de la maille - les éléments de symétrie dans la maille (nature et positions) On en déduit l’organisation des molécules dans la maille et donc dans le cristal. Du fait de la nature chirale des protéines, toutes les opérations de symétrie qui entraînent une inversion de la chiralité ne seront pas applicables (miroir, plan de glissement et centre de symétrie), ce qui 123 Chapitre I : Etude bibliographique réduit le nombre de groupes d’espace à 65. On parle alors de groupes d’espace énantiomorphes. Cubique a= b=c α = β = γ = 90° Quadratique (tétragonal) a= b P α = β = γ = 90° Orthorhombique α = β = γ = 90° P Hexagonal/trigonal a= b α = β = 90° γ = 120° P Triclinique P F I P 4 types de réseau (P,I,F,C) 7 systèmes cristallins = 14 réseaux de BRAVAIS I C I Rhomboèdrique a= b=c F P Monoclinique α = γ = 90° P C Figure I-30 : Représentation des 14 réseaux de Bravais P : Primitif – F : Faces centrées – I : centré – C : Bases centrées. 1.2. Equations de Laue et loi de Bragg : deux visions du phénomène de diffraction Lorsqu’un cristal est illuminé par un faisceau de rayons X, il se produit un phénomène de diffraction : les interférences des ondes diffusées ne seront constructives que sous certaines conditions et par conséquent les ondes diffractées ne seront visibles que dans certaines directions de l’espace. Les équations de Laue définissent dans quelles directions de l’espace le phénomène de diffraction sera visible. Soit u0 le vecteur d’onde incident et u le vecteur d’onde diffusé. L’angle que fait u avec u0 est de 2θ. Le vecteur de diffusion est défini comme S=u-u0. La diffraction par un réseau dont les vecteurs de base sont a, b, et c ne sera observée que dans les directions de l’espace vérifiant les équation de Laue. a.S = h (⇔ tous les plans de type h seront orthogonaux à a et équidistants de 1/a) 124 Chapitre I : Etude bibliographique b.S = k (⇔ tous les plans de type k seront orthogonaux à b et équidistants de 1/b) c.S = l (⇔ tous les plans de type l seront orthogonaux à c et équidistants de 1/c) où h, k et l sont des entiers Les plans réticulaires h, k et l définissent alors le réseau réciproque. Ainsi, plus les paramètres de maille (définis par les vecteurs a, b, et c) seront grands, plus les plans réticulaires h, k et l formeront un réseau réciproque dense (car les plans de type h distants de 1/a seront d’autant plus rapprochés que a est grand). La loi de Bragg formule de manière différente les conditions de Laue mais permet d’introduire la construction d’Ewald qui permet de schématiser de manière pratique les conditions de diffraction. Les taches de diffraction sont souvent appelées réflexions car tout se passe comme si le cristal était formé d’une multitude de miroirs (nommés plans de « Bragg ») réfléchissant les rayons X. Soit d la distance entre deux plans réticulaires, alors, les conditions de diffraction dans ce cas sont vérifiées pour l’équation suivante : 2d sin (θ) = nλ, où λ est la longueur d’onde incidente. Seuls les nœuds du réseau réciproque qui vérifieront la relation de Bragg seront sur la sphère dite d’Ewald (Figure I-31), une sphère ayant pour centre l’origine du réseau direct et pour rayon 1/λ, et seront en condition de diffraction. Pour une orientation donnée du cristal, il n’y a que certains nœuds du réseau réciproque qui se trouvent sur la surface de la sphère d’Ewald. u1 S Faisceau incident θ u0 O r =1/λ Réseau réciproque Cristal au centre de la sphère de rayon 1/λ u0 : rayons X incidents u1 : faisceau diffracté O : origine du réseau réciproque Distance cristal détecteur Figure I-31 : Construction de la sphère d’Ewald. 125 Chapitre I : Etude bibliographique 1.3. Facteur de structure et densité électronique Le facteur de structure représente l’onde diffractée résultant de l’interaction entre l’onde incidente et le cristal ce qui signifie que c’est une grandeur complexe qui peut être caractérisée par son amplitude et par sa phase. Pour un atome à une position r : le facteur de structure est défini par F(S) = f(S) e(2iπ r.S) avec f(S) représentant le facteur de diffusion atomique (dépend du nombre d’électrons de l’atome et de l’angle de diffusion θ). Pour une molécule contenant plusieurs atomes le facteur de structure F(S) sera défini par la somme des facteurs de diffusion atomique de chacun des atomes contenus dans la maille, pondérés par leur position dans cette dernière, c’est à dire: F(S) = ∑ fj e(2iπ r.S) j =1, n Il est alors possible d’écrire de deux manières l’onde diffractée : - somme des contribution électroniques des n atomes de coordonnées fractionnaires (xj,yj,zj) F ( h, k , l ) = ∑f j =1, N - j e 2 iπ ( hx j + ky j + lz j ) sommes des densités électroniques sur l’ensemble du volume de la maille (V) F (h,k,l) = ∫ρ V (2iπ hx+ky+lz) (x,y,z) e .dV avec ρ (x,y,z) la densité électronique au point (x,y,z) Cette relation est intéressante puisqu’elle permet de relier la densité électronique en tout point de la maille avec le facteur de structure par une relation bien connue des mathématiciens, la transformée de Fourier. ρ ( x, y , z ) = 1 ∞ ∞ ∞ ∑ ∑ ∑ Fm Vmaille h = −∞ k = −∞ l = −∞ hkl e − 2iπ ( hx+ ky +lz ) 126 Chapitre I : Etude bibliographique 1.4. Le problème des phases Les protéines organisées en cristal vont entraîner la diffraction des rayons X dans des directions particulières de l’espace, l’analyse des données se fera donc à partir des diffractogrammes obtenus. L'objet (le cristal) peut être représenté comme le produit de convolution d'un motif (la macromolécule ou une association de macromolécules) par un réseau (caractérisé par la maille et le groupe d'espace du cristal). Le cliché de diffraction est la transformée de Fourier de la densité électronique de l'objet : ρ (x,y,z) et est donc le produit des transformées de Fourier du motif par celle du réseau. La transformée de Fourier du réseau est un réseau, le réseau réciproque. Il vient donc que le cliché de diffraction représente la transformée de Fourier de la densité électronique échantillonnée aux nœuds du réseau réciproque. (cf. Figure I-32). Amplitude = saturation Phase = couleur • * = TF-1 TF x = Figure I-32 : Transformées de Fourier d’un motif d’un réseau et d’un cristal La densité électronique de l’objet peut être reconstituée à partir des taches de diffraction selon la formule suivante : ρ ( x, y , z ) = 1 ∞ ∞ ∞ ∑ ∑ ∑ Fm Vmaille h = −∞ k = −∞ l = −∞ hkl e − 2iπ ( hx+ ky +lz ) Rappelons que le facteur de structure Fhkl est le vecteur caractérisant chacune des ondes diffractées (taches de diffraction) ; c’est une grandeur complexe caractérisée par son module│Fhkl│ et sa phase Ф. ρ ( x, y , z ) = 1 ∞ ∞ ∞ ∑ ∑ ∑mF hkl maille h = −∞ k = −∞ l = −∞ V 127 hkl e iφhkl e − 2iπ ( hx + ky +lz ) Chapitre I : Etude bibliographique Chaque tache de diffraction contient donc plusieurs informations nécessaires au calcul de la densité électronique : - sa position traduite par les indices de Miller (h, k, l) dans le réseau réciproque - Le module du facteur de structure │Fhkl│, celui-ci peut être relié à l’intensité (Ihkl) de la tache mesurée par la relation Fhkl = I hkl - sa phase Ф (la lumière étant une onde électromagnétique toutes les taches arriveront sur le détecteur avec un certain déphasage). Et c’est ici que se pose le problème du cristallographe, le calcul de la densité électronique en tout point de la maille ne peut se faire que si l’on a accès à ces trois données. Or l’information de phase est perdue lors de l’acquisition des diffractogrammes (seules les intensités des ondes diffractées sont mesurées et l’information de déphasage des ondes entre elles est perdue). Il est toutefois possible de retrouver cette information de manière indirecte. Il existe deux grandes méthodes pour retrouver cette information : - le remplacement moléculaire : cette méthode consiste à appliquer les phases obtenues pour les structures de protéines homologues déjà identifiées - le phasage ab initio : La phase doit être déterminée expérimentalement en utilisant des méthodes basées sur la détermination des positions d’atomes spéciaux : des atomes riches en électrons (atomes lourds). La détermination de la phase reste une étape déterminante dans la résolution de structures par diffraction aux rayons X. Grâce à cette information, la carte de densité électronique peut être calculée. A partir de cette carte, la construction du modèle initial pourra être réalisée. Il sera ensuite affiné et complété de manière à traduire au mieux les données expérimentales. 1.5. Périodicité et résolution cristallographique La résolution traduit la précision avec laquelle la densité électronique sera observée. Plus le cristal sera périodique à longue distance (plus il sera parfait) et plus la résolution sera importante (valeur algébrique faible) (Figure I-33). 128 Chapitre I : Etude bibliographique 4,0 Å Difficile de construire le modèle 3,0 Å On commence a reconnaitre les acides aminés 2,0 Å A cette résolution on peut voir les molécules d’eau 1,0 Å Résolution atomique On voit chaque atome séparément Figure I-33 : Résolution cristallographique et enregistrement de jeu de données 2. Etapes dans l’obtention d’une structure tridimensionnelle par diffraction rayons X. 2.1. Obtention d’un cristal Pour cristalliser une protéine, la concentration en protéine en solution doit dépasser son seuil de solubilité et atteindre un état de sursaturation métastable sans pour autant précipiter. (Voir figure I-34). Cet état peut être atteint par « concentration » progressive de la protéine dans la solution de cristallisation par différentes méthodes (méthode de diffusion de vapeur, méthode de diffusion de liquide, …). De même l’agent précipitant contenu dans la solution de cristallisation a pour rôle de diminuer la solubilité de la protéine. Pour la méthode de diffusion de vapeur, le système est clos hermétiquement, et c’est la composition du réservoir contenant la solution de cristallisation (dont le volume est considéré comme infini par rapport à celui de la goutte) qui impose les conditions d’équilibre.. Ainsi, une partie de l’eau contenue dans la goutte s’évapore vers le réservoir de façon à ce que les activités thermodynamiques soient les mêmes dans la goutte et dans le réservoir. Ainsi la 129 Chapitre I : Etude bibliographique concentration en protéine et la concentration en agent précipitant dans la goutte vont peu à peu augmenter jusqu’à atteindre la zone de nucléation. De petits cristaux apparaissent, ceci a pour effet de diminuer la concentration en protéine localement et d’atteindre la zone de croissance cristalline. A mesure que le cristal croît, la concentration en protéine diminue. La croissance cristalline est arrêtée lorsque la concentration en protéine atteint la phase de soussaturation ou lorsque des irrégularités apparaissent sur les faces du cristal. Du choix du précipitant (sels, polyéthylène glycols, solvant organique) et des conditions physicochimiques (pH, température, additifs…) de cristallisation dépendra la réussite de l’étape de cristallogenèse. A B Technique de la goutte suspendue Technique de la goutte assise Solution protéique + Solution de cristallisation Joint hermétique C Réservoir : Solution de cristallisation Figure I-34: Principe de cristallogenèse. A) Diagramme de phase. B) Méthode de cristallisation par diffusion de vapeur : technique de la goutte suspendue et de la goutte assise- Schéma des dispositifs expérimentaux– C) Exemple de plaques dans lesquelles sont réalisés les essais. Un volume de solution protéique est mélangé avec un volume de solution de cristallisation contenue dans le réservoir. Dans le cas de la technique de la goutte suspendue, les gouttes sont déposées sur une lamelle de verre rendue hydrophobe par silanisation, la lamelle est alors retournée au dessus du réservoir, l’étanchéité du système est assurée par un joint de graisse. Dans le cas de la technique de la goutte assise, la goutte est déposée sur un promontoire et le système est rendu hermétique par un film plastique étanche. 130 Chapitre I : Etude bibliographique 2.2. Acquisition et traitement de données de diffraction des rayons X par un cristal. 2.2.1. Collecte des données Des rayons X monochromatiques frappent le cristal et sont diffractés en un ensemble de taches uniques appelées réflexions. Chaque réflexion est caractérisée par les trois indices de Miller h, k, et l. Leur détermination nécessite de déterminer avec exactitude l’orientation du cristal, le mouvement du cristal lors de l’expérience et l’angle de Bragg (2θ) associé à chaque réflexion. L’intensité et la localisation des réflexions sont enregistrées par des détecteurs CCD (Charged Coupled Device). Pour amener les différents nœuds du réseau réciproque en condition de réflexion (à traverser la sphère d’Ewald) une méthode consiste à faire tourner le cristal (et donc le réseau réciproque) suivant un axe perpendiculaire au faisceau de rayons X incident. La rotation du cristal est assurée par un goniomètre (permettant au cristal de décrire des oscillations avec une précision de 0,01°). La rotation du cristal et l’enregistrement des données est poursuivi jusqu’à ce que toutes les réflexions aient été enregistrées (l’espace angulaire à explorer dépend des symétries du cristal). Dans le cas des macromolécules biologiques, de par la taille des molécules, les paramètres de mailles des cristaux sont grands : de ce fait les plans réticulaires h, k et l forment un réseau réciproque dense et le nombre de réflexions à enregistrer est grand. De plus, les intensités à mesurer sont soumises à des imprécisions expérimentales et sont souvent faibles. Il est donc nécessaire d’enregistrer plusieurs fois la même réflexion. Cependant les cristaux sont généralement sensibles aux dommages radiatifs provoqués par les rayons X (formation de radicaux libres + effets thermiques). Même si la collecte des données se fait dans des conditions cryogéniques (réduisant les dommages dus aux rayons X) et améliore grandement la qualité de l’enregistrement, il s’agit de trouver le meilleurs compromis entre temps d’exposition réduit et qualité optimale du jeu de données (intensité des taches de diffraction et multiplicité des enregistrements des taches équivalentes). 2.2.2. Traitement des données A l’issue de l’enregistrement, nous disposons d’un ensemble de clichés de diffraction sous forme d’images bidimensionnelles digitalisées. Une valeur numérique proportionnelle au nombre de photons enregistrés est associée à chaque pixel. Le traitement des données s’effectue en trois étapes, qui sont l’indexation, l’intégration et la mise à l’échelle du jeu de 131 Chapitre I : Etude bibliographique données. Ces trois étapes ont pour but final de déterminer avec précision le module du facteur de structure (paragraphe1-3) correspondant à chaque tache observée. Indexation L’indexation correspond à la localisation précise des taches de diffraction et à l’attribution d’un triplet h,k,l représentant la position d’un nœud correspondant du réseau réciproque. Un programme d’auto-indexation détermine les paramètres de maille du cristal et attribue un score pour chacun des 14 réseaux de Bravais (par comparaison entre les taches prédites et les taches réelles), orientant ainsi l’expérimentateur vers le choix du réseau de Bravais du cristal. La discrimination entre les groupes d’espace ne pourra se faire que par la suite lors de la mise à l’échelle. Cette première étape peut se faire à partir de seulement un cliché de diffraction. Les données sont alors indexées image par image, les profils de diffraction prédits sont ajustés aux taches observées en affinant un certain nombre de paramètres liés au cristal (l’orientation du cristal, les paramètres de maille, la mosaïcité), ou aux conditions expérimentales d’enregistrement des données (distance cristal-détecteur, la position du centre du détecteur…). Un index h, k, l est alors attribué à chacune des taches. Intégration L’intégration consiste à mesurer l’intensité de chaque réflexion. La première étape consiste à définir une boîte de mesure placée à la position de chaque tache. La zone centrale de cette boîte doit contenir les pixels constituant la tache à intégrer, la zone périphérique servira à évaluer le bruit de fond autour de la tache. L’intensité intégrée peut alors être calculée par sommation de tous les pixels de la zone centrale à laquelle est retranchée une estimation du bruit de fond de la zone périphérique. Mise à l’échelle et réduction du jeu de données La dernière étape du traitement des données expérimentales consiste à réduire l’ensemble des données mesurées à un jeu de réflexions indépendantes. Ceci consiste à moyenner toutes les observations d’une même réflexion ou de ses réflexions équivalentes par les symétries cristallographiques. Une étape préalable à ceci est la mise à l’échelle des données enregistrées sur les différents clichés. En effet, au cours d’un enregistrement chaque image diffère par la dose de rayons X reçue (variation de l’intensité du faisceau incident), et un affaiblissement du signal dû à la baisse du pouvoir de diffraction du cristal (dommages radiatifs) est souvent 132 Chapitre I : Etude bibliographique observé. Les réflexions équivalentes mises à l’échelle sont analysées, les mesures suspectes rejetées et les réflexions équivalentes restantes sont alors moyennées. 2.2.3. Evaluation de la qualité des données. Plusieurs paramètres servent à déterminer la qualité du jeu de données. - La multiplicité des données (nombre de fois ou chaque réflexion indépendante a été mesurée) : plus cette valeur est élevée, et meilleure est l’estimation de l’intensité Ihkl et de l’erreur systématique associée σhkl. - La complétude : ce n’est pas à proprement parler un indice de la qualité des données mais elle constitue néanmoins un critère important. Elle exprime les rapports entre le nombre de réflexions indépendantes mesurées et le nombre total théorique. Elle doit être aussi élevée que possible car chaque réflexion manquante est un terme omis dans la synthèse de Fourier qui sert à calculer les cartes de densité électronique et ceci peut entraîner des distorsions plus ou moins importantes dans ces dernières. La valeur moyenne I/σ (rapport signal/bruit) permet d’estimer la qualité des mesures par rapport au bruit statistique. Le Rsym aussi appelé Rmerge dans le cas de l’utilisation de plusieurs cristaux est défini par : ∑∑ I (hkl ) − I (hkl ) Rsym = ∑ I (hkl i hkl i hkl où Ii(hkl) est la i-ème mesure et <I(hkl)> la moyenne pondérée de toutes les mesures Ii(hkl) des réflexions équivalentes. Cet indicateur représente la dispersion entre les différentes observations pour une réflexion indépendante. 2.2.4. Calcul du facteur de structure Comme nous l’avons déjà expliqué le calcul de la densité électronique se fait à partir du facteur de structure qui est un vecteur caractérisant les ondes diffractées. Ce vecteur peut être assimilé à un nombre complexe de module Fhkl et de phase φ hkl. Le module du facteur de structure a pu être calculé à partir des intensités mesurées, Fhkl = I hkl par contre, l’obtention de la phase est problématique car cette information de déphasage des ondes les unes par rapport aux autres est perdue lors de l’enregistrement des données. Dans le chapitre suivant nous détaillerons le principe des trois grandes familles de méthodes permettant d’accéder à l’acquisition de phase : le remplacement moléculaire, le remplacement isomorphe et la diffusion anomale multi-longueur d’onde (MAD). 133 Chapitre I : Etude bibliographique 2.3. Méthodes d’obtention des phases Toutes ces méthodes utilisent la fonction de Patterson définie par l’équation ci dessous. P(u) = ∫ ρ(r) x ρ(r + u) dV = ∑| F hkl | 2 exp 2πi u·S hkl avec u vecteur interatomique Cette fonction est essentielle puis qu’à partir des intensités des taches diffractées seulement, elle est capable de déterminer tous les vecteurs interatomiques. S’il y a N atomes dans la maille, il y aura N2 pics dans la fonction de Patterson. Elle permet d’orienter le modèle dans la maille dans le cas du remplacement moléculaire, et, dans le cas des méthodes de phasage expérimentales, d’identifier la position des atomes lourds ou de diffuseurs anomaux 2.3.1. Remplacement isomorphe. SIR et MIR Le remplacement isomorphe consiste à ajouter de manière isomorphe (sans perturber l’édifice cristallin) un atome lourd dans le cristal. Dans ces conditions, les seules différences observées au niveau des intensités seront dues à la présence d’atomes lourds. Dans les cas où le cristal natif et le cristal dérivé sont isomorphes, la relation vectorielle suivante entre les facteurs de structure est : FPH = FP + FH où FPH représente les facteurs de structure du cristal dérivé, FP les facteurs de structure du cristal natif et FH les facteurs de structure de l’atome lourd. Les amplitudes de |FPH|, |FP| sont directement accessibles expérimentalement. Grâce à la fonction de Patterson, on peut retrouver la position de l’atome lourd dans la maille et avoir accès au facteur de structure FH. On aura alors accès à deux valeurs de phases possibles pour FP qui satisfont la relation FH = FPH – FP (voir construction géométrique figure III-35). Ainsi, un remplacement isomorphe avec un seul dérivé contenant un atome lourd (SIR : Single Isomorphous Replacement) donnera deux valeurs de phase possibles (définies par les intersections des cercles de rayon FP et de rayon FPH en A et B) dont une seule est juste et cela pour toutes les réflexions du jeu de données (de l’ordre de la dizaine de milliers). Le remplacement isomorphe SIR ne suffira donc pas pour déterminer la valeur de phase de l’onde diffractée de la protéine native. Il est nécessaire pour cela de réaliser au moins un deuxième dérivé lourd (dont le facteur de structure sera FPH2 et le facteur de structure de l’atome lourd associé FH2), qui permettra de discriminer entre les deux phases possibles (en 134 Chapitre I : Etude bibliographique B). La méthode utilisée est alors appelée remplacement isomorphe multiple (MIR : Multiple Isomorphous Replacement). FPH(hkl) (hkl) = FP(hkl) (hkl) + FH(hkl) (hkl) B FPH FPH FH A FP FPH2(hkl) = FP(hkl) (hkl) + FH(hkl) (hkl) FPH 2 FP FPH et FP sont mesurés, FH est calculé FH2 Figure I-35 : Détermination de la phase par remplacement isomorphe multiple- Construction du triangle des phases. Si l'on connaît vectoriellement FH, on peut tracer à partir du vecteur FH le cercle de rayon |FPH|. Le cercle centré à l'origine et de rayon |FP| le coupe en deux points donnant deux valeurs possibles au vecteur FP. Avec un deuxième dérivé, un autre cercle de rayon |FPH2| peut être tracé sur le même diagramme, levant alors l'indétermination sur FP. Les dérivés lourds sont classiquement obtenus par trempage dans des solutions d’atomes lourds. Pour que les techniques de remplacement isomorphes puissent être réalisées, il faut que les atomes lourds diffusent dans le cristal et aillent se positionner sur des sites précis et donc périodiques de la protéine. En pratique les mesures d’intensités sont entachées d’erreurs : il existe des défauts d’isomorphisme et les atomes lourds ne sont pas toujours parfaitement positionnés. Ceci aboutit à des défauts de fermeture de triangle des phases entraînant une erreur sur la valeur de la phase. SIRAS et MIRAS Les propriétés de diffusion anomale de certains atomes peuvent être utilisées pour résoudre plus facilement le problème de phase. La diffusion anomale c’est la diffusion d’un atome lorsque la radiation incidente est d’énergie suffisante pour entraîner une transition électronique : cet atome diffusera les photons “anomalement”. (Figure I-36). Son facteur de structure s’en trouvera alors modifié. En effet, le facteur de structure est défini par la somme des facteurs de diffusion atomique de chacun des atomes contenus dans la maille, pondérés par leur position dans la maille. Puisque le facteur de structure de l’atome lourd FH n’est lié qu’à la contribution d’un type d’atome (l’atome lourd), une autre façon d’écrire le facteur de structure FH est donc : FH=[facteur de diffusion atomique] e2πi(hxH+kyH+lzH) 135 Chapitre I : Etude bibliographique A cause de l’absorption d’énergie et de sa réémission sous forme de fluorescence par le diffuseur anomal, la valeur du facteur de diffusion atomique (et par conséquent celle du facteur de structure) est modifiée et peut s’écrire de la sorte : f = fo + ∆f’(λ) + i∆f”(λ) où f’ et f’’ représentent respectivement les composantes réelles et imaginaires de la dispersion anomale et sont dépendantes de la longueur d’onde du faisceau incident. ∆f” imaginaire fo ∆f’ φH(hkl) réel φH (-h-k-l) fo ∆f” ∆f’ FH(hkl) FH(-h-k-l) FH(hkl)=[fo + ∆f’(λ λ) + i∆ ∆f”(λ λ)] e2ππi(+hxH+kyH+lzH) FH(-h-k-l)=[fo + ∆f’(λ λ) + i∆ ∆f”(λ λ)] e2ππi(-hxH-kyH-lzH) φH(hkl) ≠ -φ φH(-h-k-l) Figure I-36 : Effet de la diffusion anomale sur les facteurs de structure de deux réflexions en h, k, l et -h, -k, -l La diffusion anomale entraîne des différences d’intensité, faibles mais mesurables, entre les réflexions h,k,l et -h,-k,-l normalement équivalentes. Dans la gamme d’énergie des rayons X, seuls quelques rares atomes présenteront cette particularité de diffusion anomale, et pour des longueurs d’ondes bien particulières. Le jeu de données enregistré avec un diffuseur anomal sera en fait composé de deux jeux de données l’un contenant les données h,k,l et l’autre contenant les données -h,-k,-l. Ainsi, si le jeu de donnée correspondant au cristal natif a été enregistré, on dispose des modules des facteurs de structures |FP|, |FPH(hkl)| et |FPH(-h-k-l)|. Les amplitudes et les phases des facteurs de structure FH(hkl) et FH(-h-k-l) peuvent être calculées à 136 Chapitre I : Etude bibliographique partir de la fonction de Patterson et de l’estimation de |FH| ≈ |FPH|-|FP|, ce qui permet d’avoir comme dans le cas du MIR, un triangle de phase permettant le calcul de du facteur de structure de la protéine native FP. ) FPH(hkl hkl)) = FP(hkl hkl)) + FH(hkl hkl)) (H K | FP(HKL) | FPH(-h-k- l)* = FP(hkl hkl)) + FH(-h-k- l) * FH L) FH(-H-K-L |FPH(-h-k-l)| |FPH(hkl)| Figure I-37 : Détermination de la phase par remplacement isomorphe et diffusion anomale: construction du triangle des phases. Si on connaît vectoriellement FH (h,k,l) on peut tracer à partir du vecteur FH le cercle de rayon |FPH (h,k,l)|. Le cercle centré à l'origine et de rayon |FP| le coupe en deux points donnant deux valeurs possibles au vecteur FP. Avec les réflexions non équivalentes FH (-h ,-k,-l)*, un autre cercle de rayon |FPH (-h,-k,-l)| peut être tracé sur le même diagramme, levant alors l'indétermination sur FP. 2.3.2. MAD (Hendrickson et al., 1985; Karle, 1980) Le problème du remplacement isomorphe réside dans la nécessité de travailler sur des cristaux parfaitement isomorphes de la protéine native et d’un ou plusieurs dérivés lourds et sur plusieurs jeux de données enregistrés dans des conditions différentes. En utilisant les intensités diffractées mesurées sur un même cristal avec un diffuseur anomal à plusieurs longueurs d’onde autour du seuil d’absorption (là où les différences seront les plus marquées cf. Figure III-38-C), il sera alors possible de déterminer la position de l’atome lourd puis la phase de chaque réflexion (Figure I-39). La position du pic est déterminée à partir d’un spectre de fluorescence (figure I-38-A) (réalisé avec une précision au 1/1000ème d’Angström). La figure I-38-B représente les variations des coefficients f' et f'' pour un diffuseur anomal en fonction de la longueur d’onde. Les variations de f' et f'' sont brutales au niveau du seuil d’absorption situé autour de 1,00 Å. 137 Chapitre I : Etude bibliographique Spectre de fluorescence 3 Fluorescence A 4 2 1 E B 5 ∆f” 2.5 Déconvolution du Spectre de fluorescence 0 ∆f’ -2.5 -5 -7.5 2.8 2.5 2.2 1.9 FH(hkl)=[fo + ∆f’(λ λ) C 1 Effet sur le facteur de structure FH (low remote) 1.3 1 fo 0.7 H 2 FH ∆ f” fo ∆ f’ 1.6 0.4 0.1 Longueur d'onde (Å) + i∆ ∆f”(λ λ)] e2ππ i(+hx +ky +lz ) ∆ f” ∆ f’ H 3 4 FH (high remote) FH fo H ∆ f” ∆ f’ fo ∆ f” ∆ f’ Figure I-38 : A) Spectre de fluorescence d’une protéine contenant un diffuseur anomal B) Composantes f' et f'' du coefficient de diffusion atomique en fonction de la longueur d’onde C) Effet de la longueur d’onde sur le facteur de structure FH(h,k,l). Trois longueurs d'onde sont utilisées pour maximiser les différences dans les valeurs de f' et de f'': la longueur d’onde où f' est minimum, celle où f'' est maximum et une longueur d'onde de référence éloignée de ce seuil. Pour chaque longueur d’onde le facteur de structure FH est différent (et par conséquent le facteur de structure FPH l’est aussi). On pourra alors facilement retrouver l’information de phase d’après la construction ci-après (Figure I-39). Comme la diffusion anomale est modifiée par l'environnement chimique du diffuseur, les valeurs de f' et f'' autour du seuil d'absorption doivent être déterminées au préalable à partir d'un spectre de fluorescence X. Les différences anomales entre les réflexions hkl et -h-k-l peuvent aussi être estimées et utilisées comme cercles de phase additionnels. En principe, on peut obtenir 2 triangles de phases pour chaque longueur d’onde utilisée. La mise à l'échelle entre les jeux de données reste une étape délicate du fait de la perte du signal due à la dégradation du cristal. 138 Chapitre I : Etude bibliographique Axe imaginaire Axe réel FPH(λl) = FP + FH (λl) FPH(λ2) = FP + FH (λ2) FPH(λ3) = FP + FH (λ3) Figure I-39 : Détermination de la phase par la méthode MAD. On connaît vectoriellement FH (λi) pour chaque longueur d’onde et les modules des facteurs de structures |FPH (λi)| sont connus. A partir du vecteur FH (λi), on trace le rayon de cercle |FPH (λi)|. A partir de l’intersection des différents cercles correspondant aux différentes longueurs d’ondes et de l’origine on peut calculer FP. Si on connaît vectoriellement FH (h,k,l) on peut tracer à partir du vecteur FH le cercle de rayon |FPH (h,k,l)|. Le cercle centré à l'origine et de rayon |FP| le coupe en deux points donnant deux valeurs possibles au vecteur FP. Avec les réflexions non équivalentes FH (-h ,-k,-l)*, un autre cercle de rayon |FPH (-h,-k,-l)| peut être tracé sur le même diagramme, levant alors l'indétermination sur FP. 2.3.3. Le remplacement moléculaire Le problème des phases peut être en général, facilement résolu si on dispose de la structure tridimensionnelle d’une protéine homologue. Si l'identité de séquence est supérieure à 30% on peut supposer que les 2 structures auront un repliement similaire. Connaissant la position des atomes, il est possible de calculer un jeu de données de diffraction théorique. Le remplacement moléculaire consiste à placer la molécule modèle dans la maille expérimentale. Dans cette approche “simpliste”, le remplacement moléculaire correspond à une recherche à 6 dimensions (3 rotations et 3 translations). Cette recherche est décomposée en deux opérations successives à 3 paramètres : le modèle est dans un premier temps orienté dans la maille par une fonction de rotation puis positionné dans un deuxième temps dans la maille par une fonction de translation (Lattman, 1985). La fonction de Patterson (représentant les vecteurs interatomiques) est calculée pour la protéine modèle et pour la protéine de structure indéterminée. Le but étant d’obtenir des fonctions de Patterson observée et calculée similaires, ce qui est le cas lorsque le modèle est correctement orienté et placé à la bonne position dans la maille cristalline. 139 Chapitre I : Etude bibliographique Dans la fonction de Patterson on pourra discriminer en fonction des distances interatomiques : - les vecteurs intramoléculaires : ils ne sont sensibles qu’à l'orientation de la molécule dans la maille c’est donc à partir d’eux que l’on cherchera l’orientation de la protéine dans le cristal. Ceci se fera avec la fonction de rotation. Pour plusieurs orientations possibles du modèle, la fonction de rotation évalue l'accord entre les fonctions de Patterson du modèle et de la structure à déterminer en fonction de leur orientation l'une par rapport à l'autre. Normalement la rotation qui a la meilleure corrélation donne l'orientation du modèle dans la maille. - Les vecteurs intermoléculaires : ils ne sont sensibles qu’à la position de la molécule dans la maille sans tenir compte de leurs orientations c’est donc à partir d’eux que l’on déterminera la position du modèle dans la maille du cristal. La fonction de translation teste différentes positions du modèle dans la maille et retient celle qui présente le maximum de corrélation entre les fonctions de Patterson expérimentales et calculées. La qualité de la solution de remplacement moléculaire est évaluée par deux paramètres ∑ F −k F R= ∑F obs • Le facteur R : calc hkl obs hkl avec Fobs : facteur de structure observé et Fcalc : Facteur de structure calculé à partir du modèle correctement orienté dans la maille Celui ci doit être minimisé c’est à dire que les facteurs de structures calculés doivent être aussi proche que possible des facteurs de structures expérimentaux. Des valeurs de R inférieures à 55 % sont usuellement considérées comme correctes. ∑ F obs Le coefficient de Corrélation C C= hkl 2 2 2 2 − Fobs × Fcalc − Fcalc F 2 − F 2 ∑ obs obs hkl 2 F 2 − F 2 ∑ calc calc hkl 2 Celui-ci doit être maximisé c’est à dire que lorsque Fobs est beaucoup plus grand que la moyenne, Fcalc doit aussi être beaucoup plus grand que la moyenne. Les valeurs de C sont usuellement considérées correctes pour C supérieur à 30 %. 140 Chapitre I : Etude bibliographique 2.4. Construction des premières cartes et amélioration de l’information de phases Le calcul des phases de chaque réflexion étant résolu par l'une des méthodes précédentes, il est possible de calculer une première carte de densité électronique. Dans la plupart des cas, du fait de l’imprécision de l’information de phase, ces cartes sont de faible qualité. Pour améliorer les cartes de densité électroniques, il faut donc diminuer l'erreur commise sur chaque phase. C’est en imposant à la densité électronique des contraintes physico-chimiques (comme le nivellement de solvant, la positivité de la densité électronique, sa connectivité, les histogrammes de densité, la symétrie non cristallographique) que les cartes sont peu à peu améliorées. L'utilisation de ces contraintes sur la densité est réalisée par un processus itératif jusqu'à ce que la convergence soit atteinte. A l’issue de cette étape, on peut construire le modèle c’est-à-dire placer la chaîne polypeptidique principale, puis les chaînes latérales dans la densité électronique obtenue. 2.5. Affinement cristallographique L’objectif de l’affinement cristallographique est de modifier le modèle pour améliorer l’accord entre les amplitudes calculées à partir de celui-ci et les amplitudes expérimentales tout en minimisant l’énergie de la molécule (lui assurer une stéréochimie correcte). Le problème n’est pas simple car chaque atome est décrit par au moins quatre paramètres : - les paramètres x, y, z, déterminent la position de l’atome, - le facteur d’agitation thermique B qui représente un paramètre de déplacement atomique. Dans certains cas, le nombre d’amplitudes observées lors de la diffraction n’est pas suffisant pour affiner tous ces paramètres. Afin de contourner le problème du manque d’observations par rapport au nombre de paramètres, une solution est, soit d’augmenter le nombre d’observations, soit de diminuer le nombre de paramètres. La première méthode ajoute des restrictions en apportant une information externe de stéréochimie. Les angles et les longueurs de liaison standards sont connus pour les petites molécules. Ces valeurs standards seront imposées au modèle, en définissant une valeur idéale pour un paramètre avec une certaine déviation standard. Ces informations supplémentaires permettront de compléter le nombre d’observations. La seconde méthode diminue le nombre de paramètres en imposant des 141 Chapitre I : Etude bibliographique contraintes géométriques. Par exemple les longueurs de liaison et les angles de valence sont imposés ce qui permet d’affiner les angles de torsion. La validation de l’affinement La précision du modèle peut être évaluée par le facteur R et le facteur R libre ∑ F −k F R= ∑F obs calc hkl obs hkl Le facteur R n’est cependant pas complètement objectif car il fait partie de la fonction à minimiser, sa valeur diminuera donc au cours de l’affinement. En revanche l’utilisation du facteur Rlibre permet d’avoir une évaluation plus objective du protocole d’affinement. En effet, ce facteur est calculé à partir d’observation Fobs non intégrées dans la procédure d’affinement. La diminution concomitante du R et du Rlibre valide donc le protocole d’affinement. D'autre part, les paramètres stéréochimiques non restreints/contraints dans l’affinement seront également un critère validant la qualité de l'affinement. Par exemple la distribution des angles dièdres dans le diagramme de Ramachandran donnera un critère supplémentaire de qualité du modèle affiné. Ce diagramme dont les axes représentent les angles dièdres Φ et Ψ de part et d’autre d’un carbone α (figure I-40) permet de définir des zones autorisées et des zones non autorisées pour ces angles. Ces zones ont été définies à partir de l’analyse conformationnelle de nombreuses protéines : un classement des conformations les plus stables pour les angles dièdres Φ et Ψ de la chaîne principale a été réalisé. Figure I-40 : Représentation des angles dièdres Φ et Ψ pour une liaison peptidique 142 Chapitre II : Matériel et méthodes 143 Chapitre II : Matériel et méthodes 1. Techniques microbiologiques 1.1. Souches Les différentes souches d’E. coli et de Y. lipolytica utilisées dans cette étude sont présentées dans le tableau II-1. Tableau II-1 : Souches d’E. coli et de Y. lipolytica utilisées pour l’étude Souche Référence ou source Génotype Souches E. coli F80dlac Z∆m15, rec A1, end A1, gyr A96, thi -1, hsd R17 (rk-, mk+), sup E44, rel A1, DH5α deo R, ∆(lac ZYA-arg F)U169 Souches Y. lipolytica MTLY60 MatA, ura 3-302, leu 2-270, xpr 2-322, ∆ lip2 ∆ lip7 ∆ lip8 - - Souche délétée pour les lipases extracellulaires Leu , Ura . JMY1165 MatA ,ura 3-302, leu 2-270, xpr 2-322, lip2 ::LEU2, ∆ lip2 ∆ lip7 ∆ lip8 + Souche délétée pour les lipases extracellulaires Leu , Ura - Invitrogen (Fickers et al., 2005c) (Fickers et al., 2005c) (Barth et Gaillardin, 1996) Po1d MatA ura 3-302 leu 2-270 xpr 2-322 JMY1212 MatA ,ura 3-302, leu 2-270-LEU2 -zeta, xpr 2-322, lip2 ::LEU2, ∆ lip2 ∆ lip7 ∆ lip8 + Souche délétée pour les lipases extracellulaires Leu , Ura Ces travaux - 1.2. Plasmides Le plasmide pCR®4-TOPO® (Invitrogen) a été utilisé pour réaliser le clonage de fragments PCR. Il contient à la fois les gènes de résistance à l’ampicilline et à la kanamycine. La sélection directe des plasmides recombinants est assurée par la disruption du gène ccdB lors du clonage, ce gène étant létal pour E. coli. Les vecteurs navettes, JMP8, JMP60 et JMP61 sont des vecteurs navettes entre E. coli et Y. lipolytica. Ils contiennent, l’origine de réplication Col E1 de E. coli, et le gène de résistance à la kanamycine. Ce sont des vecteurs de type intégratif, comportant les séquences zéta, le marqueur d’auxotrophie URA3d1 et la lipase Lip2 sous contrôle de promoteurs différents : POX2 pour JMP8, hp4d pour JMP60 et Tef pour JMP61. Les cartes de restriction de ces plasmides sont présentées dans la figure II-1. 145 Chapitre II : Matériel et méthodes HindIII (7522) hp4d Ura3d1 Ura3d1 HindIII (557) pPOX2 entier LIP2 zéta HindIII (1494) NotI (5843) JMP8 JMP60 jmp60 lip2 zéta 5934 bp 7 528 bp NotI (4245) EcoRI (1637) HindIII (2155) zéta LIP2 KanR NotI (2035) EcoRI (3235) Kan R zéta NotI (3633) TEF AmpR I-SceI (3941 ) Ura3d1 LoxR LIP2 EcoRI (3886) pKS LPR Hygro rc jmp61 JMP61 zéta 4651 bp 5898 bp HygR zéta NotI (4204) NotI (1994) I-SceI (2239) KanR LoxP EcoRI (2283) AmpR SacII SacII AmpR LoxP LoxP Zéta BamHI KS LPR LEU2corrigé KS-LEU2-zétatronque 4830 bp 51 36 bp BamHI HincII LEU2 LEU2 tronqué , StuI , LoxR LoxR , StuI Figure II-1 : Schéma des différents vecteurs (réplicatifs et d’expression) utilisés au cours de l’étude Le vecteur pKS LPR hygro Rc est un vecteur de type réplicatif excisable. Il contient l’origine de réplication Col E1 de E. coli et le gène de résistance à l’ampicilline, le gène de résistance à l’hygromycine et les séquences lox. Sa carte de restriction est présentée figure II-I. 146 Chapitre II : Matériel et méthodes Les plasmides KS LPR LEU2 corrigé et KS LPR LEU2 zéta tronqué (construit pendant l’étude) sont des vecteurs de type réplicatif excisables. Ils contiennent l’origine de réplication Col E1 de E. coli et le gène de résistance à l’ampicilline, ainsi que les séquences lox qui bordent le gène LEU2 pour le plasmide KS LPR LEU2 corrigé et le gène LEU2 tronqué + la zone zéta pour le plasmide KS LPR LEU2 zétatronqué. Leurs cartes de restriction sont présentées figure II-1. 1.3. Milieux de culture Les milieux de culture sont stérilisés 20 minutes à 121°C. Les milieux décrits sont des milieux liquides. Pour obtenir des milieux solides de l’agar à 15 g/L est ajouté. 1.3.1. Milieux de culture pour E.coli : milieu Luria Bertani - 10 g/L de Bactériotryptone. - 5 g/L d’extrait de levure. - 10 g/L de NaCl. Pour la sélection des transformants 40 µg/mL de kanamycine ou ampicilline (100 µg/mL) sont ajoutés. 1.3.2. a) b) Milieux de culture pour Y. lipolytica Milieu riche YPD (préculture) - 10 g/L de Bactopeptone - 10 g/L extrait de levure - 10 g/L glucose Milieux de sélection des transformants de Y. lipolytica YNBcasa : milieu permettant de cribler les souches Ura + - Yeast Nitrogen Base sans acides aminés ni sulfate d’ammonium : 1,7 g/L (stérilisé par filtration) - Glucose : 10 g/L - NH4Cl : 5 g/L - Tampon phosphate Na-K pH=6,8 50 mM - Casamino acids 2 g/L (stérilisé par filtration) YPD Hyg : milieu permettant de cribler les souche Hyg+ Milieu riche YPD auquel est ajouté de l’hygromycine (0,2 g/L) 147 Chapitre II : Matériel et méthodes c) Milieux riche de croissance et de production Par convention un milieu de type YT2 sera un milieu contenant de l’extrait de levure (10 g/L), de la Tryptone (20 g/L)et du tampon phosphate Na-K pH=6,8 50 mM. Il pourra lui être ajouté de l’acide oléique (à partir d’une solution mère à 200 g/L) ou du glucose (à partir d’une solution mère à 500 g/L). L’émulsion mère d’acide oléique est réalisée par sonication (trois fois une minute) avec 0,5 % de Tween 40. - Milieu de production en erlenmeyer YT2O2 lorsque l’enzyme est sous contrôle du promoteur POX2 : Milieu YT2 + Emulsion d’acide oléique 20 g/L - Milieu de production en erlenmeyer YT2D5 lorsque l’enzyme est sous contrôle du promoteur TEF : Milieu YT2 + Glucose 50 g/L - Milieu de croissance en microplaque YT2D0,25 : Milieu YT2 + Glucose 2,5 g/L - Milieu de production en microplaque YTO0,125 : Milieu YT2 + Acide oléique 1,25 g/L - Milieu minimum de production : − Sels principaux : − Complément azoté : KH2PO4 : (NH4)2SO4 : Na2HPO4, 12H2O : MgSO4, 7H2O: Glutamate de sodium : 3,0 g/L 3,0 g/L 3,0 g/L 2,0 g/L 1,0 g/L Le pH est ajusté à 4,5 avec de l’acide orthophosphorique avant stérilisation. Après stérilisation le pH est réajusté à 6 avec de l’ammoniaque à 14 %. − Oligo-éléments : ZnSO4, 7H2O: MnSO4, H2O: CoCl2, 6H2O: CuSO4, 5H2O: Na2MoSO4, 2H2O: CaCl2, 2H2O: (NH4)2Fe(SO4)6, 6H2O: H3BO3 : − Vitamines : 4,0.10-2 g/L 3,8.10-3 g/L 5,0.10-4 g/L 9,0.10-4 g/L 6,0.10-5 g/L 2,3.10-2 g/L 2,3.10-2 g/L 3,0.10-3 g/L Acide pantothénique : 5,0.10-3 g/L Acide nicotinique : 5,0.10-3 g/L Mésoinositol : 125,0.10-3 g/L Thiamine : 5,0.10-3 g/L Pyridoxine : 5,0.10-3 g/L Acide para-aminobenzoïque : 1,0.10-3 g/L Biotine : 1,2.10-5 g/L Les oligo-éléments et les vitamines sont stérilisés par filtration. 148 Chapitre II : Matériel et méthodes Du glucose est additionné (10 à 100 g/L) pour les phases de production de biomasse ou de lipase (lorsque le gène de celle-ci est sous contrôle du promoteur TEF). De l’acide oléique (10 à 40 g/L) est ajouté pour la production de lipase (lorsque celle-ci est sous contrôle du promoteur POX2). A 5 g/L de biomasse on ajoute 5 mL/L de sels, et tous les 20 g/L, 1 mL de solution de vitamines par litre est ajoutée. 2. Techniques de biologie moléculaire 2.1. Techniques de préparation et de manipulation des acides nucléiques 2.1.1. Préparation d’ADN plasmidique bactérien L’extraction et la purification des plasmides sont réalisées en utilisant le kit QIAprep commercialisé par Qiagen en suivant le protocole fourni par Qiagen. La méthode est basée sur la méthode de la lyse alcaline (Sambrook et al., 1989). 2.1.2. Préparation d’ADN génomique de levure Un culot de culture cellulaire de levure (24 à 48 heures de culture dans 3 mL YPD) est remis en suspension dans 500 µL de tampon sorbitol (Sorbitol 1M - Tris-HCl 0,1 M pH 8 -EDTA 0,1M). 50 µl de zymolyase 100 T (3 mg/mL) et 50 µL de β-mercaptoéthanol 0,28 M sont ajoutés. Le mélange est incubé 1 h à 37°C. Après centrifugation 5 minutes à 13 000 rpm, le culot est remis en suspension dans 500 µL de TE et 50 µL de SDS 10% sont ajoutés. Après une incubation de 20 min à 65°C, 200 µL d’acétate de potassium 5 M sont ajoutés et le mélange est laissé 30 min dans la glace. Le surnageant est récupéré et 700 µL d’isopropanol sont ajoutés ; après 10 minutes le mélange est centrifugé et le culot est lavé avec 500 µL d’éthanol 70%, puis séché partiellement, et ensuite repris dans 400 µL de TE-RNAse A (100 µg/mL) et incubé 1 h à 37°C. Après ajout de 40 µL d’acétate de sodium 2,5 M pH 5,2, l’ADN est précipité avec 1 mL d’éthanol absolu puis lavé avec 700 µL d’éthanol 70%. Après centrifugation, le culot d’ADN est repris dans 100 µL d’eau. 149 Chapitre II : Matériel et méthodes 2.1.3. Amplification par réaction de polymérisation en chaîne (PCR) Le principe de la PCR consiste à amplifier de manière exponentielle un fragment d’ADN en utilisant une ADN polymérase. La PCR se déroule en plusieurs cycles successifs de température (environ 25) au cours desquels la quantité d’ADN est doublée à chaque cycle. Chaque cycle comprend : - une étape de dénaturation de l’ADN : 30 s à 95°C - une étape d’hybridation des oligonucléotides : 30 s à la température d’hybridation de l’amorce - une étape d’élongation, dont la durée dépend de la polymérase utilisée et de la taille du fragment à amplifier. Le milieu réactionnel d’un volume final de 50µl comprend : - 5 à 50 ng d’ADN parental - l’enzyme en quantité suffisante (voir tableau II-2 pour le choix de la polymérase) - les oligonucléotides 100 pmol (la liste de toutes les amorces utilisées est fournie dans le tableau II-3) - des désoxyribonucléotides (dNTP) : 250 µM chacun - le tampon correspondant à l’enzyme commerciale dans les proportions recommandées par le fournisseur Pour la PCR à erreurs, 2 µl d’un mélange contenant 8 mM dTTP, 8 mM dCTP, 96 mM MgCl2, 10 mM MnCl2 est ajouté à la PCR, pour favoriser les erreurs de la Taq polymérase. Tableau II-2 : Polymérases utilisées pour les amplifications par PCR - Conditions d’utilisation Enzyme Fournisseur Quantité Vitesse Utilisation et remarques 0,5 U 0,5 kb/min polymérase peu fidèle utilisée pour la PCR à erreurs Taq polymérase Biolabs pfu turbo Stratagène 2,5 U 1 kb/min polymérase fidèle utilisée pour les amplifications fidèles de l’ADN Expand high fidelity Roche Boehringer Mannheim 2,5 U (0,7µl) 1 kb/min polymérase fidèle utilisée pour réaliser des PCR chevauchantes. Température d'élongation 68°C pour les fragments <3 kb et 72°C pour les fragments > 3 kb 150 Chapitre II : Matériel et méthodes Tableau II-3 : Liste des amorces utilisées pour les amplifications d’ADN par PCR au cours de l’étude – Séquence et température d’hybridation Amorces Séquence 5' =>3' Température d’hybridation Lip amont CCCCAGAGTATACTTATATACCAAAGGG 55°C Lip aval CGGATGACTAACTCTCCAGAGCG 55°C Tef amont CCACCGTCCCCGAATTACCTTTCC 55°C C30A CTCGCAAACATTGGATATGCTGTTGGTCCCGGC 55°C C299A CCGAGGGTGTCGCTGGTATCTAAGC 50°C C244A GGTTACCAGCACGCCTCTGGTGAGGTC 55°C 244 Sat GGTTACCAGCACNNCTCTGGTGAGGTC 55°C 115V GCTGCTAACATCGTCTCTACTGCTACTTGTG 55°C N134Q GGCTTCATCCAGTCCTACCAGAACACC 50°C T136V GTCCTACAACAACGTCTACAATCAGATCGG 50°C PCR1d GATCCCCACCGGAATTGC 50°C PCR1rT GGAGAACTGCGGCCTCAGAAGGAGTGATGG 50°C PCR2dT CCATCACTCCTTCTGAGGCCGCAGTTCTCC 50°C PCR2r GGAGTTCTTCGCCCACCC 50°C PCR1dL CCGCTGTCGGGAACCGCGTTCAGGTGGAACAGGACACC 68°C ZetaF1 AATTCCGCGGGTAACACTCGCTCTGGAGAGTTAG ZetaF2 AAAGCCCTCAGTGCGGCCGCTGTCGGGAACCGCG ZetaR1 ZetaR2 P1 Met6 GGTCCCGACAGCGGCCGCACTGAGGGCTTTGTG CCTGGATCCAGCAAAGTGCTTTGTGCGTACC GGAGACGTTGAGCACGGACTCC 55°C P2 Met6 CGATTACCCTGTTATCCCTACCCTCTACATGCGTACTCGGATTTCACG 55°C T1 Met6 GGTAGGGATAACAGGGTAATCGGCCGTTAGATCTTCATGCAGCGC 55°C T2 Met6 GCTGATATCCACGCAGAGACACG 55°C Ver1 Met6 GGTGGGATCCTTTTCACCCCAGCTTCAATGG 60°C Ver2 Met6 CGTGTAACTGCAGGTGTGGCTCCTGTGG 60°C P1 Met2 GCATCTCGTCTGAAGGAGTCTTCG 55°C P2 Met2 CGATTACCCTGTTATCCCTACCGGTTTACCAGTGGAGAATAACAGATGACC 55°C T1 Met2 GGTAGGGATAACAGGGTAATCGCGTGACTTGCATGAGGCCAACTAATTGG 55°C T2 Met2 CCATAGGCTGAAGTGGTATCAGTAGC 55°C Ver1 Met2 GGTACTGGTAGCTACAAGTGCGAGTACAAGAAATTATTCG 60°C Ver2 Met2 CGTCTCAGTCTTTCGATGATTGACCTCGAGAGC 60°C P1 Met2 CGTTCATAGTTGCAACTCTTCGGTGC 55°C P2 Met2 CGATTACCCTGTTATCCCTACCCCAAATCAAGGTCTCCCTATGCTTTTACG 55°C T1 Met2 55°C T2 Met2 GGTAGGGATAACAGGGTAATCGCGATTTGGAACACTTGACTGGATCC CCACAATGCTCCCATGAGACACG Ver1 Met2 CGTTATTTCCACACCCGCCGGAGATCC 60°C Ver2 Met2 CCACGCATATTCGAAACCAAGCCTCCAGG 60°C Pour séquençage Pour mutagenèse dirigée Pour PCR à erreurs Pour la construction de la souche JMY1212 Pour construction de la cassette de délétion d'un gène 55°C Mutagenèse dirigée. Le plasmide (JMP8 ou JMP60), est amplifié avec des amorces complémentaires reverses contenant la mutation à introduire. Après digestion par DPN1 (pour se débarrasser des plasmides initiaux), le plasmide amplifié est transformé dans E. coli. Le plasmide utilisé pour réaliser la transformation chez Y. lipolytica est vérifié par séquençage (Cogenics) avec les amorces lip_amont (dans POX2) ou Tef_amont (dans TEF) et lip_aval (dans la deuxième zone zéta). 151 Chapitre II : Matériel et méthodes Mutagenèse aléatoire du gène LIP2 Pour la mutagenèse aléatoire sur le gène LIP2, la stratégie mise au point consiste à amplifier la cassette d’expression par PCR, et à transformer directement celle-ci chez la levure. Une première étape consiste à amplifier d’une part le gène de la lipase LIP2 et la deuxième zone zéta (avec les amorces PCR2_dT et PCR2_r) par PCR à erreurs avec la Taq polymérase dans des conditions destinées à favoriser les erreurs, et, d’autre part, le reste de la cassette d’expression (zone zéta + marqueur Ura3 + promoteur POX avec les amorces PCR1_d et PCR1_rT), par une polymérase fidèle : la pfu turbo (Stratagène). Les deux fragments obtenus comprennent une région d’homologie et une fusion est réalisée par PCR chevauchante avec l’Expand High fidelity(Roche). Une première étape consiste à réaliser 10 cycles de PCR sans amorces à la température d’hybridation de la zone de recouvrement des deux fragments. Par la suite, les amorces des extrémités (PCR1_dL et PCR2_dL) sont ajoutées, et 15 cycles PCR supplémentaires sont réalisés à la température d’hybridation des amorces. Pour vérifier la séquence des transformants obtenus chez Y. lipolytica, l’ADN génomique du clone d’intérêt est extrait de la levure. A partir de celui-ci le gène de la lipase est amplifié par PCR avec les amorces lip amont (dans POX2) ou Tef amont (dans TEF) et lip aval (dans la deuxième zone zéta). Ce fragment PCR est vérifié par séquençage (Cogenics). 2.1.4. Digestions enzymatiques Les digestions sont réalisées par des enzymes de restriction selon les recommandations des fournisseurs (New England Biolabs). 2.1.5. Déphosphorylation de l’ADN Lors des étapes d’insertion d’un fragment d’ADN dans un vecteur linéaire, pour éviter la recircularisation de celui-ci, il est recommandé de déphosphoryler les extrémités 5’ de celuici. La phosphatase alcaline intestinale de veau (CIP : New England Biolabs) est utilisée pour la déphosphorylation à raison de 1 unité pour 10 µg de vecteur. Après 45 minutes à 37°C, la phosphatase est inactivée par un chauffage de 10 minutes à 75°C en présence de 5 mM d’EDTA. L’ADN est purifié sur colonne avant ligation. 2.1.6. Ligation de l’ADN La ligation de fragments d’ADN à bouts cohésifs s’effectue sur la nuit à 16°C en présence de 400 unités de T4 DNA ligase (Biolabs) dans le tampon préconisé par le fournisseur. Généralement, l’insert est ajouté dans des concentrations molaires 3 à 5 fois supérieures au vecteur. 152 Chapitre II : Matériel et méthodes 2.1.7. Electrophorèse d’ADN La séparation des fragments d’ADN est effectuée par électrophorèse (migration 30 minutes – 135V) sur gel d’agarose (0,8 % m/v pour une séparation de fragments >1 kb ou 3 % pour des fragments < 1kb) dans du tampon TAE (Tris acétate 40 mM – EDTA 1 mM pH 8,0). Le tampon de charge est ajouté aux échantillons avant leur dépôt. Le marqueur de taille utilisé est le marqueur 1kb (New England Biolabs). Les fragments d’ADN sont visualisés aux ultraviolets (λ=254 nm) après une incubation de 15 minutes dans une solution de bromure d’éthidium (0,5 µg/mL). La composition du tampon de charge (6X) est la suivante : - 15 g de glycérol à 98% - 125 mg de bleu de bromophénol - 125 mg de xylène cyanol - Qsp 50 mL d'eau. 2.1.8. Purification des fragments d’ADN Après migration sur gel d’agarose, les fragments issus des restrictions enzymatiques sont purifiés selon leur taille à l’aide du kit Qiaquick gel extraction kit (Qiagen). Pour la visualisation des fragments, le bromure d’éthidium n’est pas utilisé, mais du Sybr safe (Invitrogen) est inséré directement dans le gel d’agarose. Ceci permet une révélation des fragments directement sous un transilluminateur en lumière bleue (Safe imager Invitrogen) et non sous UV pour éviter d’endommager l’ADN. 2.1.9. Southern-blot L’ADN génomique de la souche est digéré par PvuI puis soumis à une migration sur gel d’agarose 0,8 %. Après transfert sur membrane de nitrocellulose, (Hybond-N) l’hybridation est réalisée avec une sonde obtenue par amplification PCR de la zone zéta marquée à l’α-P32 dCTP (kit Megaprime –Amersham). 2.2. Techniques de transformation 2.2.1. Transformation d’E. coli Les cellules DH5α sont achetées chimiocompétentes (Invitrogen) et transformées par choc thermique. Pour 10 à 15 µL d’ADN, 50 à 100 µL de bactéries compétentes sont ajoutées. Après 30 minutes à 4°C, un choc thermique d’une minute à 42°C est réalisé suivi de 5 153 Chapitre II : Matériel et méthodes minutes à 4°C. Sont alors ajoutés, 900 µL de milieu SOC et les cellules sont incubées 1 heure à 37°C et étalées sur milieu sélectif. 2.2.2. Transformation Yarrowia lipolytica Préparation de cellules compétentes A partir d’une pré-culture de Y. lipolytica en YPD + 50 mM citrate pH 4 sur la journée, deux cultures sont ensemencées à 1.105 et 5.105 cellules/mL dans ce même milieu et cultivées à 28°C. Lorsqu’une culture atteint une concentration cellulaire comprise entre 8.107 et 1,5.108 cellules/mL (12 à 16 h), elle est centrifugée 5 minutes à 5000 rpm. Les cellules sont lavées deux fois avec 10 mL de TE (Tris 50 mM-EDTA 5mM pH 8) et la compétence est acquise par incubation à 28°C des cellules dans 20 mL d’acétate de lithium (LiAc) 0,1 M pH 6. La solution est alors centrifugée 2 minutes à 2000 rpm et le culot est doucement re-suspendu dans du LiAc pour avoir 5.108 cellules/mL. Transformation Dans un tube stérile, on mélange 5 µL d’ADN entraîneur (ADN de saumon soniqué à 5 mg/ml dans du TE), 1 à 10 µL d’ADN à transformer (1 µg) et 100 µL de cellules compétentes. Le mélange est incubé 15 minutes à 28°C au bain-marie sans agitation, puis 700 µL de PEG 4000 (40% dans LiAc 0,1 M pH 6,0) sont ajoutés. Le mélange est agité à 200 rpm à 28°C pendant 1 heure. 80 µL de DMSO (diméthyl-sulfoxyde – 10 % final) peuvent être ajoutés dans le cas d’une recombinaison non homologue et un choc thermique est réalisé 10 minutes à 39°C. Après ajout de 1,2 ml de LiAc, les cellules sont étalées sur le milieu de sélection. 2.3. Construction de souches disruptées de la levure Y. lipolytica La cassette PT (promoteur terminateur) est obtenue par deux étapes d’amplification PCR. Elle est schématisée dans la figure II-2. Le promoteur et le terminateur sont situés respectivement en amont et aval de l’ORF du gène d’intérêt. Ces deux régions sont amplifiées à partir de l’ADN génomique de la souche Po1d de Y. lipolytica, avec respectivement les amorces P1/P2 (fragment P) et T1/T2 (fragment T). Les amorces P2 et T1 sont des amorces à queue flanquante contenant le site rare de reconnaissance de la méganucléase I-SceI. Une PCR de fusion est alors réalisée à partir des fragments P et T avec les amorces P1 et T2 dans la deuxième phase d’amplification. Cette cassette est ensuite clonée dans le vecteur pCR®4- 154 Chapitre II : Matériel et méthodes TOPO® (Invitrogen) et l’intégration est vérifiée par PCR avec les amorces P1 et T2. Ce plasmide et le plasmide portant le marqueur de résistance à l’hygromycine (pKS LPR hygro Rc) sont alors digérés par I-SceI. Après déphosphorylation du produit de digestion du plasmide PT, une ligation entre celui-ci et le marqueur de sélection est réalisée. Le plasmide résultant P-hph-T est vérifié par restriction enzymatique à l’aide de l’enzyme EcoRI. La cassette de disruption est alors générée par amplification PCR avec les amorces P1 et T2, et est ensuite transformée dans la souche à disrupter. Pour vérifier la disruption, une amplification est réalisée avec des amorces en amont et aval de la cassette de délétion (Ver2 et Ver1). P1 CDS P2 T2 I-SceI PCR amorces T1 T2 PCR amorces P1 P2 I-SceI P I-SceI T PCR amorces P1 T2 P T Intégration dans plasmide pCR4-TOPO plasmide PT I-SceI Digestion du plasmide PT par I-SceI et ligation avec le module hph du plasmide pKS LPR hygro Rc P ADN génomique Transformation : Recombinaison par double crossing over CDS ADN génomique Ver1 T hph GENE DISRUPTE P T hph Ver2 Vérification par amplification avec Ver1 et Ver2 Figure II-2 : Technique de disruption d’un gène chez Y. lipolytica. Les séquences en amont et en aval du gène d’intérêt sont amplifiées par PCR. Les fragments PCR P et T obtenus présentent un site de restriction rare (I-SceI) et sont fusionnés par PCR. Le fragment PT obtenu est cloné dans le plasmide PCR4 TOPO. Le plasmide PT obtenu est digéré par I-SceI afin d’y introduire le marqueur de sélection hph (obtenu par digestion du vecteur pKS LPR hygro Rc par la même enzyme). La cassette ainsi obtenue est utilisée pour la disruption du gène d’intérêt. Celle-ci est vérifiée par PCR. 155 Chapitre II : Matériel et méthodes 3. Production et conditionnement enzyme 3.1. Production de l’enzyme 3.1.1. Production en microplaque L’inoculation se fait par le robot de piquage des colonies (Qpix), avec des aiguilles de type cuillère à miel dans des microplaques contenant 200 µL de milieu YT2D0,25. Après 24 heures d’incubation à 28°C sous agitation horizontale (200 rpm), les levures sont transférées dans un milieu de production YT2O0,125 avec la même tête de piquage et remises à incuber 24 heures à 28°C sous agitation horizontale (200 rpm). Après centrifugation des microplaques de culture (3500 rpm 10 minutes), le surnageant peut être prélevé pour la lecture d’activité lipase. 3.1.2. Production en erlenmeyer Les cultures sont ensemencées au 1/10ème à partir d’une pré-culture en tube en milieu YPD. Elles sont réalisées dans des erlenmeyers bafflés remplis au maximum au 1/5ème de leur volume total avec un milieu de production. Ils sont placés sous agitation à 28°C jusqu’à consommation totale de l’acide oléique ou du glucose. Une centrifugation (5 minutes 5000 rpm) permet de récupérer le surnageant de culture. Production en fermenteur Arrivée d’air Entrée pour inoculation Prise d’échantillon Agitation Moteur Condensateur 3.1.3. Entrées Sondes Température pH Acide PO2 Base Niveau de mousse Anti-mousse Acide oléique Eau de refroidissement Système d’acquisition et de traitement des données Figure II-3 : Représentation schématique de l’unité de fermentation utilisée 156 Chapitre II : Matériel et méthodes Les fermentations ont été réalisées dans un fermenteur de paillasse stérilisable BIOSTAT® Bplus (Sartorius) de 5L permettant un contrôle automatique de la température, du pH du milieu, du niveau de mousse et de la pression en oxygène (voir schéma Figure II-3). L’antimousse utilisé est le Struktol J673 (des esters d’acides gras d’origine végétale), le pH est régulé à l’aide d’acide orthophosphorique 20 %, et d’ammoniaque à 14 %. La PO2 est régulée par l’agitation (agitation maximale de 1000 rpm), le débit d’air, et l’ajout d’oxygène pur. La culture est conduite en réacteur alimenté, avec une première phase de croissance des levures sur glucose (100 g/l initial), puis une phase d’expression sur acide oléique. 3.1.4. Suivi de la croissance des levures Turbidimétrie La concentration en biomasse est déterminée par mesure de l’absorbance à 600 nm du milieu de culture. L’absorbance et la concentration en biomasse suivent une relation linéaire pour les valeurs d’absorbances comprises entre 0 et 0,8 unités d’absorbance. Des dilutions sont réalisées pour rester dans cette zone de linéarité. Un étalonnage DO-fonction de la masse sèche a été réalisé. Dosage du glucose résiduel au DNS L’acide–3,5-dinitrosalycilique (DNS) permet de doser les sucres réducteurs (Sumner et Howell, 1935) en milieu alcalin et à chaud. Un volume d’échantillon est mélangé à un volume de réactif (voir composition). Après 5 minutes à 95°C, 10 volumes d’eau sont ajoutés et l’absorbance est lue à 540 nm. La gamme étalon de glucose est comprise entre 0 et 2 g/L. Le réactif du dosage au DNS (à conserver à l’abri de la lumière) est réalisé comme suit : - acide-3,5-dinitrosalycilique : 10 g/L - tartrate double de sodium et potassium : 300 g/L - NaOH : 16 g/L 3.2. Conditionnement de l’enzyme 3.2.1. Récupération du surnageant Le surnageant de culture contenant la lipase est récupéré par centrifugation. Pour des conservations longues durées, il est filtré sur filtre 0,2µm. 157 Chapitre II : Matériel et méthodes 3.2.2. Concentration La concentration de l’enzyme est réalisée sur membrane 10 kDa : - avec des unités d’ultrafiltration par centrifugation type Amicon (Millipore) pour les volumes inférieurs à 500 mL. - avec une unité d’ultrafiltration sous vide type Filtron (Pall) pour les volumes supérieurs à 500 mL. 3.3. Purification de l’enzyme L’enzyme est purifiée par deux étapes de chromatographie. 3.3.1. Purification par chromatographie d’échange d’anions sur colonne Q sepharose Fast Flow. La première étape est une purification par chromatographie d’échange d’ions. La phase stationnaire utilisée (Q sépharose fast flow) est chargée positivement et pourra fixer toutes les molécules de charge opposée. Dans un premier temps, le débit est fixé à 8 mL/min et la résine est équilibrée dans un tampon Tris 20mM pH 7,8. A ce pH, l’enzyme est chargée négativement et se fixe sur la résine. La résine est alors lavée avec ce même tampon et toutes les protéines et molécules non chargées ou chargées positivement sont éluées. Ensuite, les molécules fixées sur la résine sont éluées en fonction de leur charge, en modifiant la force ionique de la phase mobile par paliers. Le débit est alors de 13 mL/min. Un premier palier, à 50 mM de NaCl, est réalisé pour décrocher un premier lot de molécules. Le second palier, à 150 mM de NaCl, permet de récupérer la fraction contenant l’activité enzymatique. Finalement, le reste des protéines est décroché avec un dernier palier à 1 M de NaCl. 3.3.2. Purification par chromatographie d’interactions hydrophobes sur butyl sépharose La fraction contenant l’activité lipase est concentrée et reprise dans un tampon Tris 20 mM pH 7,8 + 1 M de sulfate d’ammonium. Le débit est fixé à 0,5 mL/min et la lipase est injectée sur la colonne de butyl sépharose préalablement équilibrée dans un tampon Tris 20mM pH 7.8 + sulfate d’ammonium 1M. A cette force ionique, les interactions hydrophobes sont favorisées et les protéines se fixent sur la phase stationnaire. La désorption des protéines est réalisée en diminuant l'interaction protéine/support par un gradient de force ionique 158 Chapitre II : Matériel et méthodes décroissant. Celui-ci est réalisé sur cinq volumes de colonne en faisant passer la concentration en sulfate d’ammonium de 1 M à 0 M. La lipase étant de nature très hydrophobe, elle est éluée tardivement. 3.4. Déglycosylation enzymatique La déglycosylation enzymatique s’effectue à 30°C sur 36 heures à partir de 5 mg de lipase purifiée à 15 g/L avec 5000 unités d’endoglycosydase Hf (New England Biolabs). L’enzyme est utilisée en excès car les conditions d’activité de l’enzyme ne sont pas optimales. L’endo Hf contenant un tag MBP (maltose binding protein) est facilement enlevée sur résine d’amylose (New England Biolabs). 4. Caractérisation de l’enzyme 4.1. Détermination de l’activité hydrolytique des lipases par spectrophotométrie Le principe de la mesure repose sur le suivi par spectrophotométrie à 405 nm de l’apparition du para-nitrophénol (pNP), produit de l’hydrolyse du para-nitrophényl butyrate (pNPB) sous l’action de la lipase (Quinn, et al., 1982). Le milieu réactionnel est composé de 20 µL de solution enzymatique additionné de 175 µL de tampon d’activité (100 mM Tampon phosphate de sodium + 100 mM NaCl pH 7,2) et de 5µL d’une solution de pNPB à 40mM dans du 2méthyl-2-butanol (2M2B). La réaction est réalisée sous agitation à 30°C pendant 10 minutes. L’activité (µmoL de pNP libéré par minute) est déterminée par suivi de l’absorbance à 405 nm avec un spectrophotomètre microplaque (Versamax). La gamme étalon du pNP est réalisée entre 0 et 2,5 mM. 4.2. Thermostabilité : mesure de l’activité résiduelle 4.2.1. Crible microplaque Le crible se déroule de la façon suivante : une microplaque est centrifugée, 20 µL de son surnageant est prélevé pour une lecture d’activité pNPB. Cette même microplaque est mise à incuber dans un bain marie. Le temps et la température du crible ont été préalablement ajustés pour que la lipase à faire évoluer garde environ 20% de son activité résiduelle. Le criblage du premier tour d’évolution dirigé a été effectué à 60°C pendant 7,5 minutes. Le criblage du 159 Chapitre II : Matériel et méthodes second tour a été effectué à 90°C pendant 20 minutes. 20µL de surnageant de culture sont alors prélevés pour une nouvelle lecture d’activité. Le rapport activité résiduelle/activité initiale est calculé. 4.2.2. Evaluation de la thermostabilité L’enzyme à tester est incubée à différentes températures et, à intervalles de temps déterminés. Des échantillons sont prélevés et testés sur leur activité lipase (à 30°C). 4.3. Dosage de protéines Le dosage des protéines a été effectué selon 2 méthodes : 4.3.1. La méthode de Bradford (1976) Le principe du dosage des protéines par le bleu de Coomassie repose sur une absorption différentielle de ce colorant selon qu’il est lié ou pas aux protéines (liaisons aux acides aminés basiques et aromatiques des protéines). Le test dit du micro-Bradford est utilisé. Le milieu réactionnel comprend 0,4 mL d’échantillon à doser et 0,1 mL de réactif de Bradford (Biorad). L’absorbance est lue à 595 nm. La gamme étalon est composée d’albumine bovine sérique (BSA) entre 0 et 25 mg/L. 4.3.2. La méthode de Lowry (1951) Le principe du dosage des protéines par la méthode de Lowry repose sur l’apparition d’une coloration bleue du réactif de Folin-Ciocalteu lorsqu’il réagit avec les tyrosines et les tryptophanes des protéines. Le milieu réactionnel est composé de 1 mL de solution à doser et 3 ml de réactif A+B (obtenu en mélangeant 50 ml de réactif A avec 1 ml de réactif B) et est laissé 10 minutes à obscurité. Un volume de 0,3 mL de réactif de Folin et Ciocalteu (dilué 2 fois) est ajouté, et le mélange est laissé 30 minutes à l’obscurité. L’absorbance à 750 nm est lue. La gamme étalon est composée d’albumine bovine sérique BSA entre 0 et 100 mg/L. Réactif A : 2 g de Na2CO3 + 0,02g de sodium tartrate double (Na/K) dans 100 mL de soude 0,1 M Réactif B : 0,5g de CuSO4, 5H2O, H2SO4 (une goutte) dans 100 mL d’eau Réactif de Folin et Ciocalteu : Préparation commerciale à diluer 2 fois avant utilisation 160 Chapitre II : Matériel et méthodes 4.4. Electrophorèse SDS-Page 4.4.1. Electrophorèse en conditions dénaturantes Les protéines sont dénaturées (10 minutes à 70°C en présence de LDS et d’agent réducteur) et sont analysées par une électrophorèse SDS-Page sur un gel à 10 % d’acrylamide (Gel 10% bis-tris NuPAGE®). La migration se fait dans du tampon MOPS, à 200 V, pendant 50 minutes. Après migration des protéines, le gel est coloré selon le protocole de coloration au bleu colloïdal (NuPAGE®- Invitrogen) ou au nitrate d’Argent (SilverXpress Silver Staining Kit- Invitrogen). 4.4.2. Electrophorèse en conditions natives Les électrophorèses en condition native ont été réalisées avec le système PHAST (Pharmacia). La migration est réalisée à 400V pendant 30 minutes avec des gels de type PHAST (20% homogeneous). 4.5. Etat d’agrégation de la protéine 4.5.1. Chromatographie de gel d’exclusion La chromatographie d’exclusion stérique permet de séparer les molécules selon leur taille. Elle peut servir de technique de purification, mais dans notre cas, nous l’utilisons comme vérification de l’état d’agrégation de la lipase. L’appareil utilisé est un système FPLC de type ÄKTA purifier. La colonne de perméation de gel utilisée est une Superdex 200 (24 mL) dont la gamme de séparation s’étend de 10 à 600 kDa. Le tampon d’élution se compose d’une solution de Tris à 20 mM additionnée de 500 mM de NaCl. Le débit est fixé à 0,5 mL/min. Un volume de 0,5 mL de solution protéique est injecté. Des fractions de 1 mL sont collectées. La gamme étalon est réalisée avec des protéines globulaires de tailles différentes : chymotrypsinogen A (25 kDa) ovalbumin (43 kDa), albumin (67kDa), aldolase (158 kDa) thyroglobulin (669 kDa). 4.5.2. DLS : dynamic light scattering Les expériences de DLS ont été réalisées sur un Dynapro Titan (Wyatt Technology, France). Environ 20 µL d’échantillon sont placés dans une microcuve en quartz et sont soumis à un rayonnement laser (825,7 nm puissance réglable de 0 à 50 W). Les variations d’intensité de la lumière diffusée au cours du temps ont été enregistrées 20 fois sur des temps d’acquisition de 161 Chapitre II : Matériel et méthodes 10 secondes, pour un angle de diffusion de 90°. A partir de la fonction d’auto-corrélation, le rayon hydrodynamique moyen des protéines en solution a été déterminé à l’aide du logiciel Dynamics. 4.6. Analyse protéomique 4.6.1. Analyse de la glycosylation de l’enzyme L’analyse de la glycosylation de l’enzyme a été réalisée par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (electrospray ionization MS). Un aliquot 1 mg de lipase est dissous 30 min à 37°C dans un tampon contenant 0,2 M TrisHCl, 6 M chlorure de guanidine, et 2 mM EDTA à pH 8,5. L’échantillon peut être réduit en présence de 0,06M de dithiothréitol (DTT) à l’obscurité. Des réactions d’alkylation des cystéines ont lieu avec 0,18 M de vinyl pyridine (90 min) à 37 °C dans le noir. Ces réactions sont stoppées par acidification à pH 2 avec de l’acide formique. L’échantillon est alors dialysé avec 0,1 M HCOOH. Après séchage sous vide, l’échantillon est dissous dans 0,2 M de tampon NH4HCO3 (pH 8,7) pour la digestion par la trypsine ou l’endoprotéase Asp-N (Roche Diagnostics, Meylan, France). Les digestions se font soit avec 2 mg de trypsine, soit avec 0,8 mg endoprotéase Asp-N à 37°C sur la nuit. Après séchage sous vide, les échantillons sont dissous dans 5% d’acétonitrile (v/v) contenant 0,1% d’acide formique pour une analyse en chromatographie liquide. Des volumes de 10 µL sont chargés sur une colonne phase inverse Vydac C18 (3,2 x 250 mm, taille des pores 30 nm, épaissuer des billes de silice 5 mm). L’élution est réalisée à température ambiante, avec 5% de solvant B (acétonitrile + 0.1% HCOOH) dans A (H2O+0.1% HCOOH), pendant 2 minutes. Ensuite un gradient linéaire de B dans A de 5% à 45% est réalisé sur 40 minutes, puis de 45% à 90% sur 5 minutes avant ré-équilibration. Le débit est fixé à 0,5 mL/min. Après élution dans la colonne, une partie (1/5ème) est introduite dans la source ESI de la trappe ionique à un débit de 100 µL/min. 4.6.2. Analyse de l’incorporation de la sélénométhionine Pour analyser l’incorporation de sélénométhionine dans la protéine Lip2, une analyse par spectrométrie de masse a été réalisée par NanoElectrospray-MS (Q-Star). L’enzyme a été préalablement précipitée au TCA (acide trichloroacétique) et dissoute dans un mélange H2O/Méthanol/Acide formique (50:50:1), 162 Chapitre II : Matériel et méthodes 5. Construction du modèle de la structure tridimensionnelle de la structure de la lipase de Y. lipolytica. Les alignements de structure primaire ont été réalisés avec le logiciel PSI-BLAST (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/blast/Blast.cgi) contre les protéines de la PDB. Les éléments de structure secondaire ont été prédits à l’aide du logiciel PSIPRED, disponible gratuitement sur Internet (http://bioinf.cs.ucl.ac.uk/psipred/) (McGuffin, et al., 2000). Le modèle de la structure tridimensionnelle de Lip2 a été construit avec le logiciel Modeler disponible dans le module HOMOLOGY du logiciel Insight II (Accelrys, USA) avec les alignements de séquences réalisés précédemment. L’affinement de la structure de plus basse énergie a été réalisé en utilisant le champ de force CFF91 disponible dans le module DISCOVER du logiciel insight II (Accelrys, USA). Pour la minimisation, les termes croisés du champ de force CFF91, un potentiel de liaison harmonique, et une constante diélectrique de 1,0 ont été utilisés. Une première minimisation avec une contrainte sur les carbones α a été réalisée en utilisant un algorithme de type plus grande descente, suivi par des étapes de minimisation par gradient conjugué, jusqu'à ce que le RMS maximum soit inférieur à 0,5. L’étape suivante a consisté à relâcher complètement le système. Ces calculs ont été réalisés sur une station de modélisation de type Silicon Graphic O2. Le modèle ainsi réalisé a été vérifié à l’aide du logiciel PROCHEK, disponible sur la plateforme Biotech de validation des structures protéiques. Ce logiciel permet de vérifier la qualité stéréochimique du modèle. Ainsi, plusieurs paramètres stéréochimiques ont été examinés : les angles Φ et Ψ de la chaîne principale, la planarité des chaînes latérales, les longueurs et les angles de liaisons. Il a été vérifié que les valeurs étaient dans la gamme des valeurs standards attendues. Le logiciel WHATIF quant à lui, disponible sur la plate-forme biotech de validation des structures protéiques, a permis de vérifier les rotamères. 163 Chapitre II : Matériel et méthodes 6. Détermination de structure de protéine par cristallographie et diffraction aux rayons X 6.1. Méthodes de cristallisation 6.1.1. Méthode de cristallisation par diffusion de vapeur La méthode de cristallisation par diffusion de vapeur a été utilisée selon 2 variantes : la technique de la goutte assise a été utilisée pour le criblage à haut débit de conditions de cristallisation sur plaques 96 puits, et la technique de la goutte suspendue a été utilisée pour l’affinement des conditions de cristallisation retenues en plaque 24 puits. 6.1.2. Criblage haut-débit des conditions de cristallisation. Les tests de criblage haut débit sont réalisés avec un robot de type Nanodrop ExtY (Innovadyne), sur des plaques de marque Greiner. Des volumes de 0,1 µL de solution protéique et de 0,1 µL de réservoir sont distribués automatiquement dans des cupules. Le volume du réservoir est de 80 µL. Plusieurs screens commerciaux ont été utilisés (voir liste tableau II-4). Le suivi de la cristallisation est assuré par la prise de vue à intervalles de temps réguliers de chacune des gouttes de cristallisation par un robot de type CrystalPro (Tritek). Tableau II-4 : Liste des Kits de criblage commerciaux de solution de cristallisation Nom du screen Fournisseur Classics Suite Qiagen PEG suite Qiagen PEG II suite Qiagen AmSO4 suite Qiagen pH clear suite Qiagen pH clear II suite Qiagen Low Ionic Strength Kit Sigma Aldrich JCSG Core Suite I Qiagen JCSG Core Suite II Qiagen JCSG Core Suite III Qiagen JCSG Core Suite IV Qiagen 164 Chapitre II : Matériel et méthodes 6.1.3. Technique de l’ensemencement Cette technique a été employée pour tenter d’améliorer la qualité de cristaux en évitant la polynucléation. Elle consiste à travailler à une concentration inférieure à la concentration de nucléation mais permettant quand même la croissance cristalline, et à ensemencer avec des microcristaux déjà obtenus dans ces mêmes conditions. Les cristaux sont prélevés et distribués avec une moustache de chat dans les gouttes. 6.1.4. Conditions de cristallisation de Lip2 Les conditions de cristallisation étudiées sont récapitulées dans le tableau II-5 Tableau II-5 : Différentes conditions de cristallisation de la lipase Lip2 de Y. lipolytica. Conditions de cristallisation Forme de la lipase Concentration de la lipase Conditionnement de la lipase Solution de cristallisation native déglycosylée déglycosylée 15 g/l 14 g/L 14 g/L Tris 20 mM pH7,8 + 500 mM NaCl 27-28 % PEG 3350 0,1M HEPES pH 7-7,5 Tris 20 mM pH7,8 Tris 20 mM pH7,8 4 M formate Forme cristaux Triangles très fins Formation en feuillets 29-32% MPD 100 mM MES pH 5,5 20 mM CaCl2 200 mM NaCl Petits rectangles ou bipyramides Cryoprotection Glycérol 15% Aucune Ovales Glycérol 15% 6.2. Trempages Pour permettre l’intégration de métaux lourds dans le système cristallin, des trempages des cristaux sont réalisés dans la solution de cristallisation additionnée du métal lourd à une concentration de 10 mM. La fixation des métaux lourds dans le cristal entraîne souvent une dégradation du cristal. Le compromis entre la meilleure fixation possible et un état du cristal suffisamment bon pour pouvoir enregistrer des diffractogrammes de qualité doit être trouvé en jouant sur les temps d’incubation et la concentration en métal lourd. 165 Chapitre II : Matériel et méthodes 6.3. Acquisition des données de diffraction Les cristaux sont prélevés dans la solution de cristallisation à l’aide d’une boucle de nylon. Les premiers tests de diffraction ont été réalisés au laboratoire de l’IPBS avec un appareil de type Xcalibur Nova (Oxford diffraction) pour l’analyse des cristaux montés sur boucle de nylon. L’enregistrement se fait à une température de 100°K. La source de rayonnement X est un tube scellé avec une anode en cuivre. La longueur d’onde sélectionnée est la raie Kα du cuivre à 1,54 Å. Les données sont collectées sur un détecteur CDD (Controlled Drift Detector) de type Onyx. Les données sont traitées avec le logiciel CrysAlis. Les jeux de données finaux sont collectés à l’ESRF de Grenoble, sur les lignes id14 ou id23. L’enregistrement des données de diffraction a été réalisé selon la méthode du cristal tournant en mode oscillation. 6.4. Traitement des données de diffraction et phasage Tous les programmes ayant servi au traitement des données de diffraction sont listés dans le tableau II-6. L’ensemble de ces programmes (à l’exception de MOSFLM) est disponible gratuitement sur le web (www.ccp4.ac.uk), et fourni par CCP4 (Collaborative Computational Project Number 4) suite de logiciels dédiés à la cristallographie des macromolécules aux rayons X (CCP4, 1994). Tableau II-6 : Liste et fonction des logiciels utilisés pour le traitement des données cristallographiques Programme Fonction MOSFLM Indexation et intégration des intensités diffractées SCALA Mise à l'echelle des différentes images d'un jeu de données SCALEIT Mise à l'echelle des données entre différents jeux de données MLPHARE Cacule les phases et affine les paramètres des atomes lourds AMORE, MOLREP et PHASER POINTLESS Matthews coef Programmes de remplacement moleculaire. (Phaser est basé sur le maximum de vraisemblance) Détermine le groupe d'espace à partir d'un jeu de données Estime le nombre de molecule dans l'unité asymétrique à partir du calcul du Coefficient de Matthews 166 Chapitre III : Résultats 167 Chapitre III : Résultats Première partie : Développement d’un système d’expression pour criblage haut débit chez la levure Yarrowia lipolytica. Nous avons vu dans la partie bibliographique l’intérêt biotechnologique de la lipase Lip2 de Yarrowia lipolytica. Son utilisation à l’échelle industrielle reste cependant limitée, car comme tout biocatalyseur, elle n’est pas forcément totalement adaptée aux conditions d’utilisations industrielles. Une des voies pour adapter l’enzyme à des procédés industriels est la voie de l’évolution moléculaire dirigée. Une telle voie nécessite plusieurs pré-requis, l’un d’entre eux, est la nécessité d’avoir un système d’expression compatible avec un criblage haut débit de l’enzyme. Un tel système doit satisfaire plusieurs critères : - un nombre de transformants suffisant doit pouvoir être obtenu facilement ; - l’activité de la protéine désirée doit pouvoir être facilement mesurée ; - la croissance des variants et l’expression protéique doivent être identiques entre les variants de façon à rapidement voir si une protéine a des propriétés améliorées. Aujourd’hui, la grande majorité des améliorations d’enzyme par évolution dirigée ont été obtenues avec E. coli comme système d’expression. Cependant, ce système d’expression procaryote, malgré sa facilité de mise en œuvre présente des limites, notamment lorsqu’il s’agit de l’expression de protéines d’origine eucaryote. En effet, les bactéries ne possèdent pas l’artillerie enzymatique pour réaliser les modifications post-traductionnelles nécessaires au bon repliement et à l’activité de certaines enzymes eucaryotes. Entre autres, elles ne sont pas capables de réaliser la glycosylation parfois nécessaire à l’activité de certaines protéines, ni de former correctement les ponts disulfures, surtout s’ils sont présents en grande quantité dans les protéines. D’autre part, les protéines sont rarement sécrétées et souvent exprimées de manière inactive sous forme de corps d’inclusion. La lipase Lip2 qui nous intéresse est une protéine eucaryote possédant 4 ponts disulfures ; par conséquent, une expression dans un système procaryote pour réaliser l’évolution de cette enzyme ne paraît pas être un bon choix. Actuellement, cependant, peu de systèmes d’expression eucaryotes sont disponibles pour l’évolution moléculaire des enzymes. Dans ce cadre, les systèmes d’expression levuriens, en particulier les levures Saccharomyces cerevisiae et Pichia pastoris sont prometteurs, de par leur simplicité d’utilisation, leur rapidité de croissance, et les nombreux outils génétiques développés. Ce sont déjà des outils efficaces 169 Chapitre III : Résultats en ce qui concerne l’expression de protéines hétérologues, malgré les problèmes classiques d’expression hétérologue de protéines (par exemple, chez Saccharomyces cerevisiae, l’hyperglycosylation peut être à l’origine d’une production d’enzyme non active). Cependant, en ce qui concerne l’utilisation de ces hôtes en vue de l’évolution dirigée des protéines, ils sont encore peu développés et présentent de nombreuses limitations. Ainsi, la miniaturisation des conditions de culture et d’expression protéique peuvent poser des problèmes, comme c’est le cas pour la levure Pichia pastoris, pour laquelle, la composition du milieu de culture en microplaque doit être finement optimisée pour éviter le phénomène de mort cellulaire (Boettner, et al., 2002; Weis, et al., 2004). Par ailleurs des problèmes de standardisation de l’expression protéique se posent souvent. Ils se traduisent par l’identification de nombreux faux positifs pour la levure Saccharomyces cerevisiae (Butler, et al., 2003; Festa, et al., 2008). En outre, chez la levure Pichia pastoris, le taux transformant n’ayant pas intégré la cassette d’expression (recombinaison du marqueur de sélection seul) est souvent assez élevé et peut aller au delà de 50%. Parmi les levures, un autre candidat : la levure Yarrowia lipolytica pourrait être une alternative intéressante. Cette levure est déjà un hôte reconnu pour l’expression hétérologue de protéines. De nombreuses protéines (plus de quarante à ce jour) issues de différents types d’organismes (virus, bactéries, levures, homme) et de tailles variables (de 6 à 116 kDa) ont ainsi été exprimées avec succès chez cette levure (Madzak, et al., 2004). De plus, celle-ci est souvent appréciée dans le cadre de la production de protéines recombinantes pour des capacités de sécrétion importantes et les outils génétiques sont bien développés. D’autre part, l’hyperglycosylation est modérée chez cette levure (Muller, et al., 1998). Tous ces avantages nous ont conduit à tenter de développer un système permettant d’utiliser cette levure comme plate-forme d’expression pour l’évolution dirigée d’enzymes. Nous avons choisi comme protéine rapporteur la lipase Lip2 de Y. lipolytica. Cette lipase d’intérêt biotechnologique présente aussi l’avantage d’être sécrétée dans le milieu de culture, ce qui permet un criblage facilité de l’activité enzymatique. Pour ce faire, les variabilités de chaque étape du criblage ont été quantifiées et optimisées séparément. Notre analyse s’est donc d’abord basée sur la quantification de la reproductibilité du test d’activité enzymatique, puis sur l’optimisation des conditions de croissance et de production de protéines, et, dans un dernier temps, nous nous sommes intéressés à la variabilité apportée par l’étape de transformation. 170 Chapitre III : Résultats 1. Mise au point du système de criblage pour l’évolution dirigée d’enzyme 1.1. Quantification de la reproductibilité du test enzymatique Une étape préliminaire de production en microplaque de la lipase Lip2 par Y. lipolytica a permis de vérifier que le niveau de production était suffisamment élevé pour un dosage enzymatique direct du surnageant de culture par la méthode du pNPB et sans dilution préalable. Une quantification de la reproductibilité du test d’activité enzymatique a été réalisée dans les conditions prévues pour le criblage haut débit des variants de l’enzyme. Le remplissage des microplaques (20 µL de surnageant de culture +175 µL de tampon d’activité + 5 µL de pNPB à 40 mM dans du 2M2B) est réalisé par un robot TECAN (liquid handling station) à partir d’un surnageant de culture de la lipase native produite en erlenmeyer et correctement dilué. Le pNPB a priori peut sembler un mauvais choix de substrat pour les lipases, qui sont plus spécifiques des longues chaînes carbonées. Cependant, elles sont aussi capables d’hydrolyser les substrats à courtes chaînes carbonées. L’avantage d’utiliser ce type de substrat dans ce cas réside dans sa solubilité plus grande en phase aqueuse, ce qui permet une émulsion fine et augmente la reproductibilité du test enzymatique. Le choix du 2-méthyl-2-butanol (2M2B) comme solvant pour la solution stock de pNPB a été basé sur la stabilité de celle-ci. En effet, avec d’autres solvants comme l’acétonitrile, l'hydrolyse spontanée de la solution stock a lieu après seulement quelques heures, et, lors d'une cinétique, l'eau utilisé comme blanc hydrolyse le pNPB dans l’acétonitrile en quelques minutes (Sandoval, 2002). Avec le 2M2B, l’hydrolyse spontanée du pNPB est négligeable par rapport à l’activité de la lipase sauvage (environ 2%). L’analyse statistique de la reproductibilité du test enzymatique a été réalisée à partir de deux microplaques (192 puits). L’activité lipase des 192 puits présente une distribution gaussienne avec une activité moyenne de 1,19 +/- 0,14 U/mL (voir figure III-1), c'est-à-dire un coefficient de variation de 11,7% pour le test enzymatique. 171 Chapitre III : Résultats B 60 Activité lipase U/mL Nombre de puits A 50 40 30 20 10 0 0.8 1.0 1.2 1.4 1.8 1.6 1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0 1.6 0 25 Activité Lipase (U/mL) 50 75 100 125 150 175 200 Numéro Nombre de de puits puits Figure III-1 : Reproductibilité du test d’activité lipase. La distribution (A) représente le nombre de puits présentant une activité donnée. La dispersion (B) représente l’activité lipase pour chaque puits ; l’activité lipase ayant été triée par ordre croissant. 1.2. Optimisation de la croissance et de la production de protéines. Pour étudier la reproductibilité de la production de protéines pour un même clone dans les conditions du criblage, la souche JMY1165 a été transformée par le plasmide JMP8 digéré par NotI. Un clone (JMY1165-JMP8-1) a été cultivé, puis dilué correctement pour obtenir des colonies isolées sur milieu solide. C’est à partir de cet unique clone que la variance de la production de protéines a pu être évaluée. Les clones sont visualisés, puis piqués et transférés dans des microplaques préalablement remplies de milieu de production (YPDO de manière automatique par un robot (QPix). De même, le remplissage des microplaques avec du milieu de production est réalisé par un robot (TECAN). L’utilisation d’automates engendre non seulement à un gain de temps nécessaire pour réaliser le criblage haut-débit des variants de l’enzyme (par exemple, 1000 colonies pourront ainsi être mises en culture en moins de ½ heure), mais permet d’autre part d’augmenter la reproductibilité du système en s’affranchissant des variations dues à des interventions humaines. 1.2.1. Eviter les contaminations croisées Le premier travail a consisté à éviter les contaminations croisées (un variant par puits seulement). De telles contaminations peuvent avoir lieu lors de la culture en microplaque des levures (lors de débordements de puits par exemple) ou être dues à un mauvais nettoyage de 172 Chapitre III : Résultats la tête de piquage. Un mode de culture et une procédure de nettoyage de la tête de piquage ont donc été développés pour éviter ces problèmes. Le mode de culture retenu est une agitation horizontale des microplaques de cultures contenant 200 µL de milieu de culture. L’ensemencement d’une ligne sur deux a permis de vérifier qu’il n’existait pas de contaminations croisées entre les puits. La procédure de nettoyage mise au point consiste en une première étape de nettoyage de la tête de piquage dans un bain de détergent contenant une brosse pour se débarrasser des levures résiduelles, suivie d’une étape de rinçage dans un bac contenant de l’eau et une brosse, puis d’une dernière étape consistant en un trempage dans l’éthanol qui permet le séchage rapide de la tête par passage sous un flux d’air stérile. L’ensemencement d’une microplaque sur deux et leur mise en culture a permis de montrer que cette procédure évite toute contamination croisée entre deux microplaques. 1.2.2. Optimisation de la croissance et de la production en microplaque Les premières tentatives d’inoculation des colonies par le robot et de production de lipase en milieu YPDO se sont soldées par des échecs : une inoculation et une croissance non homogènes étaient observées et de acide oléique résiduel était présent dans le surnageant de culture (+/- selon les puits). Ces problèmes conduisaient à un haut coefficient de variation (30%) pour l’ensemble du procédé (croissance et expression protéique + test d’activité lipase). L’inoculation ainsi que le milieu de production ont donc dû être améliorés pour diminuer la variance de cette étape. 1.2.3. Optimisation du piquage des colonies En utilisant des aiguilles d’inoculation standards, aucune croissance n’est observée dans environ 10 % des puits et la consommation d’acide oléique est différente selon les puits, ce qui traduit une inoculation non homogène. Différents types d’aiguilles ont donc été testés pour tenter d’améliorer l’inoculation : des aiguilles spécialement adaptées aux levures et des aiguilles de type « cuillère à miel ». Ce sont ces dernières qui ont été retenues car elles permettent d’obtenir une inoculation reproductible. 173 Chapitre III : Résultats 1.2.4. Optimisation du milieu de production et de la conduite de production Dans un premier temps, l’inoculation des levures a été directement réalisée dans un milieu YPDO (glucose et acide oléique à 10 g/L) mais de l’acide oléique résiduel était présent dans les puits en fin de culture, ce qui était dommageable pour le test spectrophotométrique d’activité lipase. Ce type de milieu n’est pas le plus adapté pour la production de lipase en microplaque. En effet, le gène LIP2 est sous contrôle du promoteur POX2, ce promoteur est inductible à l’acide oléique mais est aussi réprimé par le glucose. Pour améliorer la reproductibilité de l’expression protéique nous avons décidé : - d’adapter les concentrations en glucose et acide oléique à une culture microplaque en les diminuant. - de réaliser une première étape de croissance des levures sur glucose puis une deuxième étape d’expression des protéines (sur acide oléique) à partir de cet inoculum standardisé. De cette manière le glucose ne peut pas réprimer l’expression de la lipase. Une première phase de croissance a donc été réalisée en présence de glucose (2,5 g/L) pour assurer une croissance homogène. L’inoculation de la seconde microplaque pour la phase d’expression des protéines a d’abord été réalisée par un ensemencement au 1/10ème avec la microplaque de croissance avec un automate de transfert de liquides en conditions stériles (Biomek 2000, Beckman). Cette méthode a permis d’obtenir une bonne reproductibilité, mais a été écartée pour des raisons économiques (1 cône utilisé par variant). L’ensemencement par trempage de la tête de piquage de la plaque mère à la plaque fille conduit à d’aussi bons résultats et a donc été la méthode retenue. La concentration d’acide oléique a été optimisée en testant différentes concentrations entre 0,16 et 10 g/L ; 48 puits ont été testés pour chaque concentration. Après 20 heures d’induction à 28°C, l’activité lipase et le coefficient de variance ont été déterminés pour chaque concentration. Une courbe en cloche concave est obtenue en ce qui concerne le coefficient de variation et les meilleures activités sont obtenues pour des concentrations d’acide oléique comprises entre 0,625 et 2,5 g/L (Figure III-2). Le meilleur compromis entre activité et coefficient de variation consiste en une concentration de 1,25 g/L d’acide oléique pour la phase d’expression des protéines. D’autre part, aucune trace d’acide oléique résiduel n’est présente dans ces conditions après les 20 heures de culture. 174 Activité lipase (U/mL) A B 1 0.8 0.6 0.4 0.2 0 0.16 0.31 0.62 1.25 2.5 5 10 Coefficient de variance(%) Chapitre III : Résultats 30 25 20 15 10 5 0 0.16 0.31 0.62 1.25 2.5 5 10 Concentration en acide oléique (g/L) Concentration en acide oléique (g/L) Figure III-2 : Effet de la concentration d’acide oléique sur l’activité lipase et le coefficient de variation. Des clones de la souche JMY1165-JMP8-1 sont transférés à partir de plaque YTD (glucose 2,5 g/L) mère avec la tête de piquage, puis cultivées 20 heures à 28°C avec différentes concentration d’acide oléique (entre 0,16 et 10 g/L). Après centrifugation des microplaques, le surnageant de culture est testé (48 puits testés par concentration d’acide oléique). L’activité lipase (A) et le coefficient de variance (B) sont représentés en fonction de la concentration en acide oléique. En utilisant les conditions définies pour standardiser l’expression protéique : 1) inoculation avec tête de piquage type « cuillère à miel », 2) standardisation de l’inoculum (par une phase de croissance sur glucose à 2,5 g/L) 3) phase de production sur acide oléique de concentration optimisée à 1,25 g/L, nous avons évalué la reproductibilité de l’expression protéique à partir de 4 microplaques (384 puits). Une activité de 0,863 +/-0,112 U/mL a été obtenue, ce qui correspond à un coefficient de variance de 13% pour le procédé entier. Si on prend en compte que le test d’activité lipase représente à lui seul 11,7% de variabilité, cela indique que l’étape correspondant au piquage, à la croissance des levures et à l’expression protéique représente une variabilité de seulement 1,3%, ce qui est un excellent résultat. 1.3. Optimisation de l’étape de transformation de la cassette d’expression La souche utilisée au laboratoire pour la production recombinante de la lipase de Y. lipolytica est issue de la souche française W29 ; elle ne possède pas le transposon Ytl1, ni les zones zétas (Long Terminal Repeat) qui lui sont associées (Schmid-Berger, et al., 1994). Par ailleurs la protéase extracellulaire alcaline a été délétée, ainsi que trois autres lipases. En effet, le séquençage du génome de Y. lipolytica a mis en évidence de grandes familles de gènes codant pour l’utilisation des substrats hydrophobes, et 16 gènes codent potentiellement pour des lipases (et 2 pour des estérases lip1 et lip3). Pignède et al. (2000a) ont mis en évidence qu’au 175 Chapitre III : Résultats moins 95 % de l’activité lipase extracellulaire était due à Lip2, les 5 % restant étant dus aux lipases Lip7 et Lip8 : lipases partiellement extracellulaires et certainement liées à la paroi de la levure (Fickers, et al., 2005c). La souche utilisée est une souche délétée pour ces trois lipases ; aussi aucune activité lipase n’est-elle détectée dans le surnageant de culture 1.3.1. Quantification de la variabilité apportée par la transformation de la souche JMY1165 La cassette d’expression contenant le gène LIP2 est bordée par les zones zéta. Ces zones permettent une intégration au hasard dans une souche dépourvue deYlt1 (Mauersberger, et al., 2001). La transformation de la souche JMY1165 avec le plasmide JPM8 digéré par NotI avec 50 ou 250 ng d’ADN a été réalisée en présence de DMSO. Il favorise la recombinaison non homologue et permet d’augmenter le taux de transformation d’un facteur 4,6 ce qui permet d’atteindre environ 4000 transformants par µg d’ADN (contre 850 sans DMSO). L’activité lipase et le coefficient de variance ont été mesurés sur 384 transformants. Une activité moyenne de 1U/ml et un coefficient de variance de 36,3 % ont été obtenus. La figure III-3 Activité lipase Normalisée permet de visualiser la variabilité introduite par l’étape de transformation. 2.5 2 2 1.5 1 0.5 1 0 0 100 200 300 400 Numéro de puits Nombre de puits Figure III-3 : Comparaison de la dispersion pour les transformants de la souche JMY1165 et pour la variabilité de l’expression protéique pour un même clone. L’activité lipase a été mesurée pour 384 transformants individuels en utilisant les conditions optimales mises au point (inoculation, croissance en YTD et expression en YTO). La dispersion de l’activité lipase pour chaque transformant est comparée à la dispersion de l’activité lipase pour l’étape consistant à l’expression de la lipase. Environ 8% des transformants (30 des 384 transformants) présentent moins de 50% de l’activité moyenne et 22 clones présentent une activité nulle (partie 1 de la Figure III-3). Ils représentent des clones avec une conversion du gène URA3 ou des clones ayant intégré la cassette d’expression à des locus faiblement exprimés. D’autre part, 10 clones présentent une 176 Chapitre III : Résultats activité deux fois supérieure à la moyenne, ce qui peut correspondre à des clones ayant inséré deux copies de la cassette d’expression, et 40 clones (11%) présentent des activités 1,3 fois supérieures à la moyenne. Ce sont probablement des clones ayant inséré la cassette d’expression à des locus hautement exprimés. Seulement 38% des clones présentent une activité variant autour de +/-10% par rapport à la moyenne. Cette forte variabilité est un inconvénient majeur pour le criblage de mutants avec une haute probabilité de sélectionner des faux positifs (lipase peu active insérée en plusieurs copies ou à un hot spot) et des faux négatifs (lipase très active peu ou pas exprimée). Ainsi, cette souche ne peut être utilisée pour le criblage haut débit d’activités enzymatiques améliorées. Ainsi, en supposant que les données suivent une répartition gaussienne (Figure III-4), le taux de faux positifs est déterminé par l’équation suivante : Taux de faux positif = 1 –F[(x-x0)/(moyenne . CV)] où le taux de faux positifs est dépendant de la valeur moyenne de l’activité pour la population sauvage(x0), du coefficient de variation CV, de la loi normale F qui représente la probabilité de trouver une valeur de x inférieure ou égale à x0 (Salazar and Sun, 2003). Le taux de faux positifs dépendra du coefficient de variance et du niveau d’amélioration décidé par l’expérimentateur. Ainsi pour un niveau d’amélioration déterminé, plus le coefficient de variance sera élevé, plus le taux de faux positif sera important (tableau III-1). Tableau III-1 : Nombre théorique de faux positifs obtenus pour une distribution gaussienne des activités lipases pour 10 000 clones testés selon le coefficient de variation de la population initiale et le niveau d’amélioration recherché CV Nombre de faux positifs pour une amélioration de 1,5 fois la moyenne Nombre de faux positifs pour une amélioration de 2 fois la moyenne 0,1 0 0 0,15 4 0 0,189 41 0 0,2 62 0 0,25 228 0 0,3 478 4 0,363 842 29 Ainsi, si l’objectif est d’isoler un mutant avec une activité 50 % supérieure à l’activité moyenne de la population de la lipase sauvage (dans ce cas le niveau d’amélioration à atteindre est x =1,5 x0) avec un coefficient de variance de 36,3 %, et si 10 000 clones sont testés, alors, 842 faux positifs peuvent être attendus ! De même si le but est d’isoler un mutant avec une activité deux fois supérieure à la lipase sauvage, cela conduira à 29 faux positifs. 177 Chapitre III : Résultats 1,2 probabilité 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 0 0,5 1 1,5 2 Activité Figure III-4 : Répartition gaussienne de l’activité enzymatique pour une activité moyenne de 1 U/mL et un coefficient de variation de 36,3%. Les faux positifs identifiés lors d’une recherche d’activité enzymatique améliorée de 1,5 fois sont hachurés 1.3.2. Optimisation de l’intégration de la cassette d’expression Le fort coefficient de variation observé précédemment s’explique par une intégration de la cassette d’expression à différents locii (locii fortement ou faiblement exprimés), ainsi que par des conversions du gène URA3 ou à une multi intégration du gène dans le génome de Y. lipolytica. Pour favoriser l’intégration du gène à un locus donné, et s’affranchir des problèmes dus à la variation d’expression en fonction du site d’insertion, la stratégie suivie sera d’intégrer une région zéta dans le génome de Yarrowia lipolytica. Les cassettes d’expression (contenant le gène d’intérêt bordé par deux régions zétas) s’intégreront alors préférentiellement à ce site zéta par recombinaison homologue. Les paragraphes suivants s’attachent à décrire la construction de cette souche. a) Obtention de la zone zéta par PCR (Figure III-5) Quatre amorces ont été utilisées pour amplifier les zones zéta par PCR à partir du plasmide JMP8 : zétaF1 AATTCCGCGGGTAACACTCGCTCTGGAGAGTTAG introduction d’un site de restriction Sac II zétaF2 AAAGCCCTCAGTGCGGCCGCTGTCGGGAACCGCG site Not I présent zétaR1 GGTCCCGACAGCGGCCGCACTGAGGGCTTTGTG site Not I présent zétaR2 CCTGGATCCAGCAAAGTGCTTTGTGCGTACC introduction d’un site de restriction BamHI. Avec Zéta F2 et ZétaR1 : amorces complémentaires réverses. Les zones Zéta1 (amorces ZétaF1/ZétaR1) et Zéta2 (amorces ZétaF2/ZétaR2) sont amplifiées par PCR et deux fragments de 400 bp et 320 bp sont obtenus. A partir de ces deux fragments 178 Chapitre III : Résultats (Zéta1 et Zéta 2) purifiés sur colonne, une autre PCR est réalisée (PCR de fusion) avec les amorces zétaF1 et zétaR2 : un fragment de 720 bp correspondant à la fusion de Zéta 1 et Zéta 2 est obtenue. Ce fragment est digéré par Sac II et BamHI. SacII zétaF1 Zéta1 zétaR1 zétaF2 Zéta2 zétaR2 BamHI SacII zétaF1 Zéta1 Zéta2 zétaR2 BamHI Zéta Figure III-5 : Obtention de la zone Zéta. Le fragment Zéta est obtenu en deux étapes de PCR. La première étape consiste à obtenir les fragments Zéta 1 (Amorces ZétaF1/ZétaR1) et Zéta 2 (Amorces zétaF2/zétaR2) en utilisant le plasmide JMP8 comme matrice. La seconde étape est une PCR de fusion entre les fragments Zéta1 et Zéta 2 (amorces zétaF1/zétaR2) b) Obtention du plasmide KS LEU2 zéta tronqué permettant l’intégration de zéta dans le génome de Yarrowia lipolytica Une ligation est réalisée entre le plasmide KS LPR LEU2 corrigé et la bande Zéta (tous deux ayant été digérés par Sac II et BamHI) : le plasmide KS-LEU2-zeta tronqué est obtenu, il possède la zone Zéta et un gène LEU2 tronqué (Figure III-6). AmpR SacII SacII AmpR LoxP LoxP Zéta BamHI KS LPR LEU2corrigé KS-LEU2-zétatronque 4830 b p 51 36 bp BamHI HincII LEU2 LEU2 tronqué , StuI , LoxR LoxR , StuI Figure III-6 : Représentation des plasmides KS LPR LEU2 corrigé et KS-LEU2-zéta tronqué , c) Obtention de la souche Zéta (Figure III-7) La souche MTLY60 est rendue LEU- par transformation avec un plasmide contenant un gène LEU2 inactif digéré par StuI (délétion StuI) (recombinaison homologue). La souche JMY1165 est alors transformée par le plasmide KS-LEU2-zétatronqué digéré par HincII ; les 179 Chapitre III : Résultats transformants sont LEU+ et contiennent la zone Zéta. Cette nouvelle souche contenant une zone Zéta et un gène LEU2 reconstitué au locus leu2-270 est vérifiée par Southern blot et appelée JMY1212 JMY1165 locus LEU2 HincII leu2-t JMY1212 Zéta Leu-2-270-t Zéta LEU2 Figure III-7 : Représentation schématique de l’obtention de la souche JMY1212 à partir de la souche MTLY60 et du plasmide KS-LEU2-zéta tronqué 1.3.3. Optimisation de l’intégration de la cassette d’expression et quantification de la variabilité apportée par la transformation dans la nouvelle souche JMY1212 a) Comparaison des taux de transformation des souches JMY1165 et JMY1212 Pour comparer l’efficacité de transformation des souches JMY1165 et JM1212, une manipulation de vérification de la transformabilité des cellules compétentes est préalablement réalisée. Pour cela, une transformation avec le plasmide JMP8 digéré par BSPEII (site unique situé dans le gène POX2) a été réalisée avec les deux souches. La transformation avec cette cassette d’expression permettra une intégration homologue au même site d’intégration POX2 pour les deux souches. Les transformations ont été réalisées avec 250 ng d’ADN en l’absence de DMSO pour favoriser l’intégration homologue. Des taux de transformation équivalents ont été obtenus pour les deux souches : environ 8000 transformants par µg d’ADN. Cette étape préliminaire permet de vérifier que les deux souches utilisées ont le même taux de compétence et que leur taux de transformation pourra être comparé avec certitude. La cassette d’expression contenant LIP2 (digestion du plasmide JMP8 par NotI) est transformée dans cette nouvelle souche en l’absence de DMSO pour favoriser l’intégration homologue à la plateforme Zéta. Les transformants Ura+ sont sélectionnés sur milieu YNBcasa. Les taux de transformation, l’activité lipase et le coefficient de variation sont présentés sur le tableau III-2. Quelle que soit la quantité d’ADN utilisée (entre 50 et 500 ng 180 Chapitre III : Résultats d’ADN), les taux de transformation restent les mêmes, c’est à dire environ 8000 transformants / µg d’ADN, et sont identiques à ceux de la manipulation précédente (intégration homologue). Cette efficacité de transformation est deux fois supérieure à celle obtenue pour la transformation avec la souche JMY1165 en présence de DMSO. Tableau III-2 : Efficacité de transformation, activité lipase, coefficient de variance, nombre de clones sans activité selon la souche receveuse. Souche ADN (ng) 50 Clones / µg ADN 4640 Clones testés 192 Activité (U/mL) 0,90 avec DMSO 250 3328 192 1,00 36% 11 JMY1212 50 8440 192 1,12 18% 1 125 8000 192 1,15 20% 0 250 6224 288 1,10 17% 1 500 7984 192 0,89 21% 0 JMY1165 Coefficient Clones sans de variance activité 34% 11 La recombinaison homologue par simple crossing over est donc plus efficace que la double recombinaison non homologue, d’un facteur deux si on utilise du DMSO pour favoriser l’intégration non homologue. Cependant dans le cas où le DMSO n’est pas utilisé, les taux de transformation de la souche par double recombinaison non homologue sont encore plus faibles (850 transformants par µg d’ADN). Ainsi entre la recombinaison homologue et la double recombinaison non homologue réalisées dans les mêmes conditions (sans DMSO), le facteur d’amélioration est de 10. Les taux de transformation sont cependant plus faibles que ceux qui peuvent être obtenus chez E.coli. Les auteurs s’accordent à dire que généralement, un taux de 106 transformants est nécessaire pour obtenir un nombre suffisant de transformants (Tobias, 2003). Néanmoins, si ce taux de transformation doit être si élevé c’est parce que chez E. coli, les obstacles majeurs pour obtenir un nombre suffisant de transformants par plaque sont l’efficacité de l’étape de ligation et le faible taux de transformation des produits ligués (généralement 10 à 1000 X moins de transformants obtenus qu’avec un plasmide super enroulé). Pour le système d’expression développé avec Y. lipolytica aucune étape de ligation n’est nécessaire (voir partie obtention des banques) ce qui permet de travailler avec des taux de transformation plus faibles. Ces efficacités de transformations sont compatibles avec la construction d’une banque de mutants et une banque de 100 000 transformants pourra être obtenue facilement. En effet sur une boîte de Pétri de taille 20 cm X 20 cm, 5000 clones 181 Chapitre III : Résultats peuvent être facilement obtenus (ce qui est un maximum pour la résolution de la caméra de picking du robot), 20 boîtes sont alors nécessaires. b) Comparaison de la variabilité apportée par la transformation de la souche JMY1165 et JMY1212 La comparaison de l’activité lipase pour 384 transformants de chacune des deux souches est Activité lipase Normalisée représentée sur la figure III-8. 2.5 2 2 1.5 1 0.5 1 0 0 100 200 300 400 Nombre de transformants Numéro de puits Figure III-8 : Comparaison de la dispersion de l’activité lipase pour les transformants de la souche JMY1165 (intégration au hasard carré blanc) et de la souche JMY1212 (intégration à la plateforme d’intégration zéta- triangle noir). La cassette d’expression contenant LIP2 est introduite par transformation dans les souches JMY1165 et JMY1212 Cette représentation permet de mettre en évidence que le nombre de transformants avec une faible activité est considérablement diminué (région 1 Figure III-8) et n’est pas dépendant de la quantité d’ADN utilisée pour la transformation. Sur toutes les transformations réalisées avec la souche JMY1212, seulement 0,23 % des transformants ne présentent pas d’activité (2 sur 864) contre 5,8 % pour la souche JMY1165. Cela correspond à une augmentation de l’intégration de la cassette d’expression au locus zéta par rapport aux conversions du gène URA3. D’autre part, le nombre de transformants de la souche JMY1212 avec une forte activité est lui aussi considérablement diminué par rapport à ceux de la souche JMY1165 (région 2 Figure III-8). Avec la nouvelle souche, 62% des transformants se trouvent à +/- 10% de l’activité lipase moyenne (contre seulement 38% avec la souche JMY1165). Le coefficient de variation pour le procédé total (transformation + expression protéique + test d’activité) s’élève à 18,9 %, c’est à dire deux fois plus faible que les 36,3% obtenus pour la souche JMY1165. 182 Chapitre III : Résultats Ainsi, si on cherche un mutant avec une activité 50% supérieure à la lipase sauvage, en criblant 10 000 mutants, seulement 41 faux positifs seront détectés (contre 842 avec la souche JMY1165) et aucun si on cherche une lipase avec une activité deux fois supérieure à celle de la lipase sauvage (Figure III-9 et Tableau III-1). 2,5 CV = 18,9% probabilité 2 1,5 CV = 36,3% 1 0,5 0 0 0,5 1 1,5 2 Activité Figure III-9 : Représentation gaussienne de la distribution des activités enzymatiques obtenues pour les transformants issus de la souche JMY1165 (noir CV = 36,3 %) et pour les transformants obtenus avec la souche JMY1212 (gris CV =18,9 %). Les faux positifs identifiés lors d’une recherche d’activité enzymatique améliorée 1,5 fois sont hachurés c) Analyse de l’intégration de la cassette d’expression par Southern blot. L’ADN génomique de 12 transformants pris au hasard a été analysé par Southern Blot avec des sondes radioactives au 32P de la région zéta après digestion par PvuI. Ce site de restriction est aussi un site unique de la cassette d’expression (Figure III-10). On pourra ainsi voir à quel évènement génétique correspondent les transformants Ura + obtenus avec la souche JMY1212 et si l’intégration de la cassette d’expression est réalisée au locus voulu. Trois événements génétiques sont susceptibles de se produire avec pour chacun un profil caractéristique détaillé sur la figure III-10 : - une conversion du gène ura3-302 en URA3. Dans ces cas une seule bande de 1828 bp est attendue correspondant à la zone zéta non modifiée dans la souche JMY1212. Aucune bande supplémentaire (correspondant à l’intégration des zones zéta avec la cassette d’expression ne sera attendue). Ce type de profil est obtenu pour le clone 2 (Figure III-10 B). - l’insertion de la cassette d’expression à la plate-forme d’intégration Zéta. Deux bandes l’une à 4961 bp, l’autre à 2242 bp sont attendues. Ce type de profil est obtenu pour tous les clones sauf le 2 et le 10 (Figure III-10 B). - l’intégration au hasard de la cassette d’expression dans le génome. Dans ce cas trois bandes seront attendues, une première de 1828 bp correspondant à la plate-forme zéta non modifiée et deux autres bandes de tailles supérieures à 3,6 kb et 1,7 kb. Ce type de profil est obtenu pour le clone 10 (Figure III-10 B). 183 Chapitre III : Résultats A B 1 : locus zéta 1828 bp PvuII PvuII 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Z2 Z1 4961 bp > 3.6 kb and > 1.7 kb 2 : Intégration à la plate-forme Zéta LIP2 pPOX2 ura3d1 Z2 Z1 Z2 Z1 PvuII PvuII PvuII 4961 bp 2242 bp 1828 bp 2242 bp 3 : Intégration au hasard LIP2 Z1 PvuII pPOX2 ura3d1 Z2 PvuII PvuII > 3.6 kb > 1.7 kb Figure III-10. Analyse de l’intégration de la cassette d’expression dans les transformants issus de la souche JMY1212 par Southern Blot. A) Cartes génomiques schématiques de l’intégration au locus Zéta (A1) pour la souche JMY1212 ou pour les transformants correspondant à des conversions du gène ura3-302 en URA3 (1 seule bande à 1828 bp), (A2) pour l’intégration de la cassette d’expression à la plate-forme Zéta par recombinaison homologue (2 bandes à 2242 bp et 4961 bp), (A3) pour une intégration de la cassette d’expression au hasard dans le génome. La bande correspondant à la zone zéta chromosomique est détectée à 1828 bp ainsi que deux autres bandes supplémentaires de tailles supérieures à 1,7 et 3,6 kb. B) Southern blot de 12 transformants de la souche JMY1212. L’ADN génomique a été digéré par PvuII et hybridé avec la région Zéta marquée au 32P. La taille des bandes est indiquée sur la droite. Trois profils sont obtenus : un profil à une bande (1828 bp), un profil à deux bandes (2242 bp et 4961 bp) et un profil à trois bandes (1828 bp, 3,6 kb and 4,5 kb). Une analyse complémentaire par Southern Blot a été réalisée sur 26 transformants ayant une activité supérieure à la moyenne (clones 1 à 26), et 9 transformants ayant une activité inférieure à la moyenne (clones 27 à 36). Ceux-ci ont été choisis à partir de 864 transformants (dont font partie les 384 transformants précédemment testés). Les résultats de leur activité par rapport à la moyenne et l’analyse du Southern Blot est donné dans le tableau III-3 et la figure III-11. Le coefficient de variation de ces 864 transformants est de 18,5 % ce qui correspond au coefficient de variation calculé pour le procédé entier pour les 384 transformants analysés précédemment. 184 Chapitre III : Résultats PM1 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 PM2 PM1 19 20 21 22 23 24 25 26 PM2 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 21.2 8.4 7.2 6.3 5.7 4.8 4.3 3.6 5.1 4.2 2.3 2.1 1.9 1.9 1.6 1.3 1.2 Figure III-11. Analyse par Southern Blot de l’intégration de la cassette d’expression dans les transformants issus de la souche JMY1212 possédant des activités initiales significativement différentes de la moyenne. Les profils obtenus sont détaillés dans le tableau III-3 Tableau III-3. Analyse de l’intégration de la cassette d’expression dans les transformants issus de la souche JMY1212 par Southern Blot. Les clones avec intégration unique à la zone zéta sont en blanc les autres sont en grisés n° Locus d'intégration 25 Intégration unique à la zone zéta Clones ayant une activité supérieure à la moyenne 1,9 15 Pas d'intégration à la zone zéta + une copie supplémentaire 1,8 7 Pas d'intégration à la zone zéta + une copie supplémentaire 1,7 16 Intégration unique à la zone zéta 1,7 1 Intégration unique à la zone zéta 1,7 22 intégration à la zone zéta + 1 copie supplémentaire 1,6 17 Intégration unique à la zone zéta 1,6 21 Intégration unique à la zone zéta 1,6 19 Intégration unique à la zone zéta 1,5 20 Intégration unique à la zone zéta 1,5 12 Pas d'intégration à la zone zéta + deux copies supplémentaires 1,5 18 Intégration unique à la zone zéta 1,5 3 Intégration unique à la zone zéta 1,5 23 Pas d'intégration à la zone zéta + deux copies supplémentaires 1,5 24 Pas d'intégration à la zone zéta + une copie supplémentaire 1,4 8 Intégration unique à la zone zéta 1,4 5 Intégration unique à la zone zéta 1,4 26 Intégration unique à la zone zéta 1,4 4 Intégration unique à la zone zéta 1,4 11 Intégration unique à la zone zéta 1,4 2 Intégration unique à la zone zéta 1,3 13 Intégration unique à la zone zéta 1,3 14 Intégration unique à la zone zéta 1,3 6 Intégrationà la zone zéta + 1 copie supplémentaire 1,3 10 Intégration unique à la zone zéta 1,2 9 Intégration unique à la zone zéta 1,1 30 intégration à la zone zéta + 1 copie supplémentaire ? Clones ayant une activité inférieure à la moyenne Activité clone / Activité moyenne 0,7 29 Intégration unique à la zone zéta 0,6 31 Pas d'intégration dans la zone zéta et une copie supplémentaire 0,3 35 Pas d'intégration dans la zone zéta et deux copies 0,2 34 Pas d'intégration dans la zone zéta et une copie supplémentaire 0,2 27 Pas d'intégration dans la zone zéta 0,1 28 Pas d'intégration dans la zone zéta et pas de copie 0,0 33 Pas d'intégration dans la zone zéta 0,0 32 Pas d'intégration dans la zone zéta 0,0 185 Chapitre III : Résultats Parmi les 26 transformants présentant une activité supérieure à la moyenne seulement sept n’ont pas le profil attendu et sont le résultat d’intégrations aléatoires de la cassette d’expression dans le génome en une ou plusieurs copies. Leurs activités sont plus particulièrement distribuées parmi les plus fortes activités enzymatiques mais on retrouve aussi certains transformants avec une intégration correcte dans ces gammes d’activités. Parmi les transformants possédant une activité lipase faible, 4 ont une activité nulle (27-28-32-33), ils correspondent à des conversions du gène Ura 3 puisque qu’aucune intégration n’est observée dans le génome. Parmi les autres transformants possédant une activité enzymatique faible seul un (le 29) a une intégration correcte de la cassette d’expression d) Prédiction du nombre de faux positifs Sur les 864 clones testés, 12 ont une activité supérieure à 1,5 fois la moyenne. Ce résultat semble en contradiction avec les 4 transformants que nous devrions obtenir si la répartition des activités suivait une loi gaussienne. Cependant ce n’est pas le cas (voir figure III-12 A). En effet la majorité des activités des transformants semblent plutôt se répartir selon une loi gaussienne d’écart type 13 % (Figure III-12 B), cet écart type correspond à la variabilité pour l’expression enzymatique et pour le test d’activité lipase. Les transformants présentant des activités extrêmes font monter l’écart type global à 18,5%. En effet, bien que le locus d’insertion soit préférentiellement ciblé, ces transformants correspondent à de rares événements d’intégration à d’autres locus, des intégrations multicopies et des conversions du marqueur de sélection. Cependant, ce type de distribution n’explique pas du tout les 12 faux positifs puisque la loi gaussienne théorique d’écart type 13 % ne prédit aucun clone d’activité supérieure à 1,5 fois l’activité moyenne. Pour essayer de mieux prédire le nombre de faux positifs attendus, nous avons essayé de modéliser la répartition des transformants selon une somme de deux lois gaussiennes pondérées. En effet, si tous les transformants issus de la transformation avec la souche JMY1212 étaient identiques (intégration unique au locus zéta) alors l’écart type obtenu pour l’ensemble du processus de criblage serait de 13,0 %. Or une partie des transformants ont une intégration aléatoire de la cassette d’expression comme dans le cas de la souche JMY1165, et nous avons vu que l’écart type obtenu pour l’ensemble du processus de criblage serait alors de 36,3 % si tous les transformants avaient une intégration aléatoire. Comme l’écart type obtenu pour l’ensemble du processus de criblage est de 18,3 % et représente à la fois l’ensemble des clones ayant eu une intégration à la zone zéta et ceux ayant eu une intégration aléatoire, on 186 Chapitre III : Résultats peut donc prédire le taux de transformants qui ont eu une intégration ciblée (x %) et ceux qui ont eu une intégration aléatoire (1-x%) à partir de l’équation suivante : 0,13 x + 0,363(1 − x) = 0,185 . On trouve alors que 77,3 % ont une intégration unique à la zone zéta et que 22,7 % sont issus d’autres types d’événements de recombinaison. On peut donc alors modéliser la répartition des transformants selon une somme de deux lois gaussiennes l’une comptant pour 77,3 % des transformants avec pour écart type 13%, et l’autre comptant pour 22,7% des transformants et d’écart type 36,3% (Figure III-12 C). Dans ce cas, le nombre de faux positifs prédits est de 18 (contre 12 observés réellement). On notera que nous avons pris pour hypothèse que les événements de recombinaison étaient aléatoires comme dans le cas de la souche JMY1165, cependant, en réalité les événements ne sont pas aléatoires de la même façon dans la souche JMY1212 et dans la souche JMY1165. en effet, dans la souche JMY1212, on a vu que les événements de recombinaison peuvent être de type intégration à la zone zéta avec une copie supplémentaire. En observant plus attentivement la distribution de nos données, il apparaît clairement que leur répartition est dissymétrique (peu de transformants avec une faible activité et beaucoup de transformants avec une forte activité). Peu de lois mathématiques permettent de modéliser ce type de comportement. La loi de Gumbel de paramètres µ et β (avec moyenne = µ+ βγ = 1 et γ = constante d’Euler-Mascheroni = 0,57721 et écart type = πβ/6) le permet. Nous avons donc essayé de voir si nos données suivaient une loi de Gumbel de paramètres µ =0,918 et β =0,143 (Figure III-12 D). Même si le nombre de faux positifs est prédit avec plus de précision (14 faux positifs prédits contre 12 réellement observés), cette loi ne semble pas convenir pour la description des données dans leur totalité. En effet, les transformants ne possédant pas d’activité de sont pas prédits et un décalage entre nos données et la loi est observé (Figure III12 D). Conclusion Les deux dernières lois (somme de deux gaussiennes pondérées et loi de Gumbel) prédisent avec plus de fiabilité le nombre de faux positifs, cependant nos données ne suivent aucune de ces deux lois. En effet un décalage important existe entre les données observées et la loi. Ceci a été vérifié mathématiquement par un test d’hypothèse de Kolmogorov-Smirnov, l’hypothèse étant H0 : les données suivent une loi de répartition donnée (de Gumbell ou la somme de deux gaussiennes). Ce test qui permet de vérifier si des données suivent une loi de répartition donnée à conduit à rejeter H0 dans les deux cas avec 5 % comme valeur de risque de première espèce α (risque de rejeter H0, H0 étant vrai). 187 Chapitre III : Résultats A Nombre de transformants 250 Gaussienne 4 faux positifs CV = 18,5% prédits 200 150 Gaussienne CV = 18,5 % 100 50 0 9 1, 81, 8 1, 71, 7 1, 61, 6 1, 51, 5 1, 41, 4 1, 31, 3 1, 21, 2 1, 11, 1 1, 01, 0 1, 90, 9 0, 80, 8 0, 70, 7 0, 60, 6 0, 50, 5 0, 40, 4 0, 30, 3 0, 20, 2 0, 10, 1 0, 0- Nombre de transformants B Activité centrée 250 Gaussienne Aucun faux CV = 13,0% positif prédit 200 150 100 50 0 9 1, 81, 8 1, 71, 7 1, 61, 6 1, 51, 5 1, 41, 4 1, 31, 3 1, 21, 2 1, 11, 1 1, 01, 0 1, 90, 9 0, 80, 8 0, 70, 7 0, 60, 6 0, 50, 5 0, 40, 4 0, 30, 3 0, 20, 2 0, 10, 1 0, 0- Nombre de transformants C Activité centrée 250 Somme de deux Somme de deux gaussiennes gaussiennes 18 faux positifs d’écart type d’écart type prédits 13,0% et 36,3% 18,5% et 36,3% 200 150 100 50 0 Nombre de transformants 1 2, 02, 0 2, 91, 9 1, 81, 8 1, 71, 7 1, 61, 6 1, 51, 5 1, 41, 4 1, 31, 3 1, 21, 2 1, 11, 1 1, 01, 0 1, 90, 9 0, 80, 8 0, 70, 7 0, 60, 6 0, 50, 5 0, 40, 4 0, 30, 3 0, 20, 2 0, 10, 1 0, 0250 D Activité centrée Gumbell Loi de Gumbell (paramètres 14 faux positifs µ =0,918 et prédits β =0,143) 200 150 100 50 0 9 1, 81, 8 1, 71, 7 1, 61, ,6 1 51, 5 1, 41, 4 1, 31, ,3 1 21, 2 1, 11, 1 1, 01, ,0 1 90, 9 0, 80, 8 0, 70, ,7 0 60, 6 0, 50, 5 0, 40, ,4 0 30, 3 0, 20, 2 0, 10, 1 0, 0- Activité centrée Figure III-12 : Répartition de l’activité des 864 transformants issus de la transformation de la cassette d’expression dans la souche JMY1212 sous forme d’histogramme (le nombre de 188 Chapitre III : Résultats transformants par tranche d'activité a été cumulé) et représentation de différentes lois théoriques (trait plein). A) Représentation de loi gaussienne théorique de moyenne 1 et d’écart type 18,5% B) Représentation de loi gaussienne théorique de moyenne 1 et d’écart type 13,0% C) Représentation de la somme de deux lois gaussiennes(trait plein) l’une comptant pour 77,3 % des transformants et d’écart type 13% l’autre comptant pour 22,7% des transformants et d’écart type 36,3%. Dans ce cas le nombre de faux positifs prédits est de 17 contre 12 réellement observés. D) Représentation d’une loi de Gumbel. Dans ce cas le nombre de faux positifs prédits est de 17 contre 12 réellement observés. 1.4. Conclusion 1.4.1. Synthèse des résultats obtenus Nous avons présenté ici l’analyse de la variabilité apportée par chaque étape d’un criblage haut débit d’activité lipase pour deux souches différentes de Y. lipolytica et tenté d’optimiser celle-ci. Finalement nous avons obtenu un coefficient de variance de 11,7 % pour le test d’activité enzymatique, une variabilité de 13 % pour les étapes d’expression enzymatique et la lecture de l’activité et une variabilité pour le procédé entier (transformation + expression enzymatique + lecture d’activité) de 36,3 % avec la souche JMY1165 et 18,9 % avec la souche JMY1212. L’utilisation de cette nouvelle souche permet de minimiser les taux de faux positifs et la variabilité est alors compatible avec le criblage d’une banque de variants de la lipase (Figure III-13). Obtention de la banque Intégration dans un système d’expression Expression enzymatique Cro issance cellu laire Exp ression protéique Dosage d’activité 11,7 % 13,0 % 18,9 % Figure III-13 : Récapitulatif de la variabilité apportée par chaque étape d’un criblage haut débit en utilisant Y. lipolytica (souche JMY1212) comme système d’expression après optimisation de chacune des étapes individuellement. 189 Chapitre III : Résultats La variabilité apportée par le test enzymatique en lui-même est très élevée (11,7% sur les 18,9% du procédé entier) et représente près des 2/3 de la variabilité du procédé total. Cette forte variabilité est intrinsèque à l’activité enzymatique testée : l’activité lipase. En effet, les lipases sont des enzymes qui catalysent des réactions aux interfaces : un milieu biphasique est donc nécessaire pour réaliser de telles réactions. Cependant, la qualité et la reproductibilité d’une émulsion sont des paramètres difficiles à maîtriser. Ici, nous avons tenté d’améliorer celle-ci en utilisant un solvant organique : le 2M2B pour favoriser la dissolution du substrat et en utilisant un substrat peu hydrophobe (le pNP-butyrate). Cependant, la variabilité reste élevée. Il est à noter que si ce système d’expression est utilisé pour tester d’autres activités enzymatiques, alors la variabilité apportée par le test d’activité sera en général beaucoup plus faible et le criblage haut débit plus performant. La variabilité pour l’expression enzymatique a pu être minimisée par l’amélioration des conditions repiquage et l’optimisation de la concentration en glucose pour la phase de croissance et de la concentration en acide oléique pour l’induction. Après optimisation, elle ne représente plus que 1,3 % de la variabilité totale. Nous avons montré que la variabilité apportée par l’étape de transformation était fortement dépendante de la méthode d’intégration de la cassette d’expression dans le génome. C’est ici que nos travaux apportent un gain notable par rapport aux autres systèmes d’expression levuriens. Des travaux antérieurs montraient que l’intégration homologue améliorait à la fois l’intégration à un locus donné et le taux de transformation (Barth and Gaillardin, 1996; Barth and Gaillardin, 1997). Ainsi, en utilisant Y. lipolytica comme système d’expression et en construisant une nouvelle souche : JMY1212 contenant une plate-forme d’intégration nous avons pu minimiser la variabilité introduite par l’étape de transformation. Celle-ci est passée de 23,3% à 5,9% en utilisant cette nouvelle souche. 1.4.2. Avantages de Y. lipolytica en tant que système d’expression pour l’évolution dirigée d’enzyme par rapport aux autres systèmes d’expression levuriens existants a) Saccharomyces cerevisiae L’utilisation de levures comme système d’expression pour le criblage haut débit d’activité enzymatiques reste peu utilisée. Peu de références en font état dans la littérature. S. cerevisiae reste la levure la plus utilisée pour ce type d’applications (Bulter, et al., 2003; Cherry, et al., 1999; Morawski, et al., 2001). Cependant aucune étude quantifiant la reproductibilité du 190 Chapitre III : Résultats procédé entier de criblage n’existe pour cette levure. Morawski et al. (2001) font état d’une variance de 14 à 17 % pour le système d’expression d’une péroxidase mais sans prendre en compte la variabilité apportée par l’étape de transformation des levures. Butler et al. (2003) et Alcalde et al., (2005) ont utilisé S. cerevisiae pour faire évoluer une laccase. Ils avancent un coefficient de variation de 10 % pour le test d’activité, mentionnent une croissance homogène mais ne quantifient pas la reproductibilité du procédé dans son ensemble. Cependant, ils précisent aussi la nécessité de deux re-criblages pour éviter les faux positifs, le deuxième nécessitant l’extraction du plasmide, son amplification dans E. coli et sa re-transformation dans S. cerevisiae. En effet, l’ADN est porté par un plasmide dans la levure, et certains transformants peuvent présenter plusieurs copies. Au final, si, pour cette levure, on prend en compte l’apparition lente des transformants, la durée des temps de culture (au moins 3 jours) et les étapes supplémentaires dues à la vérification des mutants sélectionnés (extraction ADN plasmidique levurien, retransformation chez E. coli, retransformation chez la levure), la procédure est longue (jusqu’à plus de 15 jours pour l’évolution sur la laccase) et lourde à mettre en œuvre et diminue le débit de la capacité de criblage. Le système développé chez la levure Y. lipolytica, est quant à lui, beaucoup moins long à mettre en œuvre. Un exemple d’évolution chez la levure S. cerevisiae est également décrit dans la littérature (Festa et al., 2008). Il fait état d’un fort taux de faux positifs (31 mutants sur 38 sélectionnés sur leur activité améliorée et cela bien que l’intégration soit chromosomique). Chez Y. lipolytica, en travaillant avec une intégration génomique ciblée de la cassette d’expression, on s’affranchit des problèmes dus aux intégrations multicopie. En outre, cette levure a une croissance rapide, les transformants sont obtenus en moins de 36 heures et les étapes de croissance et d’expression de la protéine ne durent que 24 heures chacune. En 5 jours, une banque peut être construite et criblée. b) Pichia pastoris Pour ce qui est des levures non conventionnelles, des essais ont été réalisés avec la levure Pichia pastoris (Boettner, et al., 2002; Weis, et al., 2004). Cependant deux limitations majeures existent pour cette levure. La première est le phénomène de mort cellulaire de la levure en conditions de cultures en microplaque. Ces auteurs ont pu le minimiser en jouant sur la concentration en glucose lors de la culture de la levure. Ce phénomène n’a pas été observé chez la levure Y. lipolytica. La deuxième est le phénomène de conversion du marqueur de sélection. En effet, lors de la transformation des levures, certains transformants peuvent ne posséder que le marqueur de sélection sans avoir introduit la cassette d’expression et le gène 191 Chapitre III : Résultats d’intérêt. Ceci s’explique par l’homologie existant entre le marqueur de sélection utilisé dans la cassette d’expression et le marqueur de sélection délété présent dans l’hôte d’origine. Chez P. pastoris le nombre de conversions est très élevé et représente environ 10 à 50 % des transformants (Boettner, et al., 2002; Weis, et al., 2004). Ainsi, une étape de criblage par PCR sur colonie est nécessaire pour sélectionner les transformants ayant intégré la cassette d’expression. Chez Y. lipolytica une telle étape de sélection n’est pas nécessaire en effet, dans la souche JMY1165 seul 5,3% des clones ne présentent pas d’activité (représentant la somme de conversion et d’insertion de la cassette d’expression à un locus non exprimé). Ce chiffre est diminué à 0,23 % lorsque la souche JMY1212 est utilisée. Ce faible taux de conversion chez la levure Y. lipolytica s’explique par le fait que l’allèle de délétion ura3-302 présent dans la levure présente seulement un faible taux d’homologie avec le marqueur URA3 présent dans la cassette d’expression (Mauersberger, et al., 2001). Un autre système d’expression basé sur un vecteur épisomique chez P. pastoris (Lee, et al., 2005) permet d’éviter les problèmes de conversion de marqueur et a permis de cribler une banque de xylanase et obtenir des mutants avec une activité améliorée. Bien que cette approche ait donné des résultats positifs, aucune étude de la variabilité n’a été réalisée et les faux positifs (multiple intégration) n’ont pas été mentionnés. c) Hansenula polymorpha Chez la levure Hansenula polymorpha, un système d’expression original a été développé (Kim, et al., 2003), qui combine la recombinaison in vivo avec l’intégration de la cassette d’expression dans le génome. Les zones télomériques sont visées, cependant l’intégration peut avoir lieu sur n’importe quel chromosome. Les auteurs mettent en évidence une intégration en simple copie de la cassette d’expression à l’extrémité des chromosomes par Southern blot mais leur analyse de la reproductibilité du système est succincte car basée sur la taille des halos obtenus en milieu solide. La même équipe a amélioré l’activité de la lipase B de Candida antarctica par un système d’expression de type surface display chez cette même levure (Kim, et al., 2007). d) Conclusion Le contrôle de l’intégration de la cassette d’expression dans la souche JMY1212 fait de Y. lipolytica un système d’expression très avantageux pour l’évolution moléculaire dirigée car la reproductibilité de l’expression des différents transformants permet d’éviter les faux positifs. De plus, l’utilisation de cette souche a permis d’améliorer les taux de transformation 192 Chapitre III : Résultats des cellules (8000 transformants/µg d’ADN) compatibles avec l’obtention d’une banque. D’autre part, ce système d’expression présente de nombreux autres avantages pour ce type d’application : - C’est un système d’expression eucaryote qui peut s’accommoder de protéines d’origines diverses - Il présente de fortes capacités de sécrétion permettant un criblage facilité de l’activité enzymatique. - Il n’y a pas de nécessité d’étape de clonage (voir partie création des banques) - La procédure est très rapide, les transformants apparaissent en 36 heures et les cultures durent 24 heures chacune. Les tests d’activité lipase en microplaques durent à peine 10 minutes pour mesurer l’activité de 96 clones. Au final en 5 jours, le procédé total est terminé et environ 400 clones peuvent être criblés en moins d’une heure (soit près de 10 000 clones par jour). L’ensemble de ces travaux a donné lieu à publication dans Journal of Microbiological Methods sous le titre de « A new recombinant protein expression system for highthroughput screening in the yeast Yarrowia lipolytica. ». 1.4.3. Voies d’amélioration du système d’expression Y.lipolytica Une des voies d’amélioration possible pour augmenter le débit du criblage chez cette levure serait de pouvoir réaliser une sélection ou un criblage facilité permettant de sélectionner directement sur milieu solide, seulement les transformants ayant une activité lipase suffisante. Pour le crible de l’activité lipase cette technique n’a pas été envisagée car Y. lipolytica possède un arsenal d’enzymes pour dégrader les lipides (dont 15 lipases) qui permettent à la souche JMY1212 non transformée avec la lipase de pousser quand même sur milieu contenant un triglycéride comme seule source de carbone (sélection impossible). Un criblage facilité pose les mêmes problèmes car cette même souche réceptrice produit des halos d’hydrolyse lorsqu’elle pousse sur ce type de milieux. Pour pouvoir réaliser ce type de pré-sélection, il faudrait déléter les 16 lipases du génome de Y. lipolytica. Par contre, un système de sélection ou de criblage facilité peut être envisageable sur d’autres types d’activités enzymatiques. De même, si d’autres types d’activités enzymatiques étaient testés, la variabilité sur le test enzymatique en milieu liquide serait alors beaucoup plus faible. En effet, nous avons vu que comme le test enzymatique était hétérogène (substrats des lipases non miscibles à l’eau) la variabilité du test enzymatique était importante. Comme celui-ci représente près des 2/3 de la 193 Chapitre III : Résultats variabilité du système de criblage total, la reproductibilité du criblage dans son ensemble s’en trouverait alors également améliorée. D’autre part la variabilité apportée par l’étape de transformation (5,3%) pourrait être encore diminuée. Celle-ci est due à des conversions du marqueur de sélection (seulement 0,8 % des transformants) et à des intégrations de la cassette d’expression à d’autres locii d’insertion. Les intégrations non ciblées pourraient probablement être diminuées en utilisant d’autres zones que les zones zéta comme plate-forme d’intégration. En effet, ces zones sont les parties terminales de retrotransposon et favorisent la recombinaison non homologue. Ainsi avec une quelconque autre plate-forme d’intégration on pourrait certainement s’affranchir de ces intégrations multiples ou à des locii non ciblés. D’autre part, nous avons vu précédemment que la transformation par recombinaison homologue était aussi efficace avec ces zones zéta qu’avec une recombinaison au niveau du promoteur POX2. On ne peut cependant pas envisager directement cette technique dans le cas de l’obtention d’une banque. En effet, en utilisant le système mis au point la cassette d’expression peut être directement intégrée dans le génome sans étape de clonage, alors que si on utilise le promoteur POX2 comme plate-forme d’intégration, cela suppose une étape de clonage supplémentaire pour intégrer le gène muté dans le vecteur JMP8. Les étapes de clonages sont souvent limitantes dans l’obtention des banques. Ainsi, une solution intéressante serait de combiner les deux approches et de construire un nouveau plasmide qui posséderait aux extrémités de la cassette d’expression une région quelconque autre que zéta qui pourrait être insérée dans le génome de la même façon que la zone zéta y a été insérée. Dans tous les cas, l’amélioration apportée ne serait pas spectaculaire car la variabilité imputable à l’étape de transformation est déjà très faible (5,3 %) 2. Intérêt du système développé pour l’ingénierie rationnelle ou semi-rationnelle de la lipase Lip2 de Y. lipolytica La souche JMY1212 développée présente un avantage non négligeable, elle permet la reproductibilité de l’expression d’un clone à l’autre. Cet avantage peut être exploité dans le cadre de l’ingénierie rationnelle ou semi-rationnelle d’enzymes exprimées chez Y. lipolytica. Nous nous en sommes servis pour l’évolution rationnelle de la lipase Lip2. Les transformations de variants de la lipase Lip2 de Y. lipolytica étaient jusque là réalisées dans la 194 Chapitre III : Résultats souche JMY1165 et donnaient lieu à un criblage d’une dizaine de transformants avant de sélectionner le transformant possédant la plus forte activité ; ceci conduisant quelquefois à la sélection de mutants double copies. Au vu de la variabilité obtenue avec la souche JMY1165, la comparaison directe de l’activité spécifique d’un variant par rapport à lipase sauvage ou de deux variants entre eux ne peut être réalisée. 2.1. Intérêt de la souche JMY1212 pour l’évolution rationnelle de la lipase Lip2 de Y. lipolytica Nous avons transformé la souche JMY1212 et la souche JMY1165 avec le plasmide JMP8 contenant la lipase Lip2 portant la mutation T88S (une mutation de la thréonine du trou oxyanion en sérine). L’activité des transformants a été analysée selon le protocole en microplaque mis au point précédemment sur 48 transformants par souche et en erlenmeyer en présence de 20 g/L d’acide oléique sur 8 transformants par souche. Les résultats sont consignés dans la figure III-14 pour l’analyse en microplaque et dans les tableaux III-4 et III-5 1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0 Activité (U/mL) Activité (U/mL) pour l’analyse en erlenmeyer. 0 10 20 30 40 50 1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0,0 0 10 20 30 40 Nombre transformants Numéro du transformant Nombre transformants Numéro du transformant JMY1212 JMY1165 moyenne (U/mL) 0,535 moyenne (U/mL) 0,495 écart type 0,096 écart type 0,183 CV % 18,0% CV % 37,1% Figure III-14 : Représentation de la dispersion de l’activité pour 48 transformants de la lipase Lip2-88S cultivés en microplaque A) dans la souche JMY1212 B) dans la souche JMY1165. Sous les graphes, un tableau récapitule la moyenne et la variabilité de l’activité lipase. L’analyse en microplaque 96 puits de 48 mutants de chacune des deux souches a permis de confirmer l’analyse de la reproductibilité effectuée précédemment (Figure III-14). Les transformants issus de la souche JMY1212 présentent une activité moyenne de 0,535 U/mL avec un coefficient de variabilité de 18,0 % proche de celui déjà déterminé pour ce type de 195 50 Chapitre III : Résultats crible. Les transformants issus de la souche MTLY60 présentent une activité moyenne du même ordre de grandeur d’environ 0,495 U/mL avec un coefficient de variabilité important de 37,1 % similaire à celui déjà observé pour cette souche. On retrouve à la fois des mutants n’ayant pas d’activité (trois), ainsi que des mutants semblant posséder une activité bien supérieure à l’activité moyenne (deux). L’analyse des activités obtenues lors des cultures en erlemeyers pour 8 transformants pour chaque souche est donnée dans le tableau III-4 pour la souche JMY1212 et dans le tableau III5 pour la souche JMY1165. Chaque transformant a été cultivé en erlenmeyer en présence de 20 g/L d’acide oléique. Trois répétitions de lecture pour chaque culture ont été réalisées à partir de trois dilutions différentes. La variabilité observée pour un même mutant correspond donc à la variabilité du test enzymatique. La moyenne de cette variabilité (5,4 %) est inférieure de 6,3 % à celle observée lors du criblage réalisé avec les robots (11,7 %). Ceci tient au matériel utilisé. En effet, lors du criblage par les robots, le volume minimal que l’appareil est capable de dispenser est de 5 µL. Ainsi, lorsque les 5 µL de pNPB sont rajoutés, la précision n’est pas optimale. Par contre, dans le cas des cultures en erlenmeyer, le pNPB a été rajouté avec une pipette de volume nominal de 10 µL, l’erreur sur les 5 µL distribués est donc moins importante. Pour augmenter la reproductibilité du test enzymatique dans les conditions de criblage haut débit, il pourrait paraître ingénieux de travailler avec de plus grands volumes de solution stock de pNPB (solution à 40 mM dans 2M2B soit 2,5 % de 2M2B final). Cependant, en plus d’être confronté à des problèmes de solubilité, on observe alors une importante perte d’activité de l’enzyme (Figure III-15) à mettre en relation avec une dénaturation partielle de l’enzyme par le solvant. Tableau III-4 : Tableau des activités (U/mL) d’hydrolyse du pNPB des transformants de la souche JMY1212 avec le plasmide JMP8-T88S cultivés en erlenmeyer en présence de 20 g/L d’acide oléique. Variabilité sur le test d'activité répétition1 répétition2 répétition3 Moyenne CV par ligne mutant 1 23,4 22,6 24,6 23,5 4,4% mutant 2 18,9 20,5 21,3 20,2 6,2% mutant 3 23,0 22,4 23,8 23,0 3,0% mutant 4 20,6 24,7 22,6 22,6 9,1% mutant 5 23,3 28,5 25,4 25,7 10,1% mutant 6 27,1 27,6 29,5 28,1 4,6% mutant 7 27,0 26,8 28,7 27,5 3,8% mutant 8 23,9 24,1 23,4 23,8 1,6% Moyenne 23,4 24,6 24,9 CV par colonne 12,0% 11,4% 11,6% CV TOTAL 11,5% 196 Moyenne CV 5,3% Chapitre III : Résultats Tableau III-5 : Tableau des activités (U/mL) d’hydrolyse du pNPB des transformants de la souche JMY1165 avec le plasmide JMP8-T88S cultivés en erlenmeyer en présence de 20 g/L d’acide oléique. Variabilité sur le test d'activité répétition1 répétition2 répétition3 Moyenne CV par ligne mutant 1 24,3 23,4 26,0 24,6 5,4% mutant 2 20,1 20,3 19,1 19,8 3,2% mutant 3 28,3 30,0 32,0 30,1 6,2% mutant 4 38,5 41,8 40,7 40,3 4,2% mutant 5 25,0 22,2 23,0 23,4 6,2% mutant 6 23,0 19,6 19,0 20,5 10,5% mutant 7 22,9 23,8 23,4 23,4 1,9% mutant 8 24,1 24,8 22,3 23,7 5,4% Moyenne 25,8 25,7 25,7 CV par colonne 21,9% 28,1% 28,6% Moyenne CV 5,4% 25,2% % activité résiduelle CV TOTAL 100% 80% 60% 40% 20% 0% 2,5 5 7,5 % 2M2B Figure III-15 : Activité de l’enzyme en fonction du % de 2M2B. La concentration finale de pNPB n’a pas variée au cours de l’expérience. La variabilité entre les différents transformants pour la souche JMY1212 est de 11,5 % alors que la variabilité pour la souche JMY1165 est de 25,2 %. La variabilité apportée par la transformation dans la souche réceptrice + la variabilité sur la croissance et l’expression protéique est globalement la même que celle obtenue avec le procédé de criblage microplaque pour la souche JMY1212 : 7,2 % pour le procédé de criblage microplaque contre 6,4 % pour les productions en erlenmeyer (tableau III-6). Pour la souche JMY1165, la variabilité apportée par la transformation dans la souche réceptrice + la variabilité sur la croissance et l’expression protéique semble plus faible lors du crible en erlenmeyer : 19,8 % contre 24,6 % pour le crible microplaque, mais cela est dû au fait que seulement 8 transformants ont été 197 Chapitre III : Résultats criblés. Ainsi, par exemple, aucun transformant avec une faible activité n’est observée. Dans les deux types de cribles cependant, la variabilité apportée par l’étape de transformation est bien plus importante pour la souche JMY1165 que pour la souche JMY1212. On notera tout de même que le crible, lorsqu’il n’est pas réalisé à haut débit avec les robots, est bien plus reproductible à cause du type d’appareillage plus adapté. Cette amélioration dans la reproductibilité permet d’avoir une variabilité totale de l’ordre de 11,5 % ce qui permet une comparaison plus fine des activités spécifiques des mutants entre eux. Tableau III-6 : Comparaison des variabilités apportées par la transformation dans la souche réceptrice + la variabilité sur la croissance et l’expression protéique pour les souches JMY1212 et JMY1165 dans le cas d’un criblage haut débit microplaque et dans le cas d’un criblage en erlenmeyer Souche JMY1212 Souche JMY1165 Microplaque 18,9 % - 11,7 % = 7,2 % 18,3 % - 11,7 % = 24,6 % Erlenmeyer 11,5 % - 5,4 % = 6,4 % 25,2 % - 5,4 % =19,8 % Pour vérifier que la souche zéta permettait une comparaison fiable de l’activité spécifique de différents mutants de la lipase Lip2 de Y. lipolytica dans des conditions de production standard, des transformations ont été réalisées avec cinq mutants différents (232M, 232Y, 232S, 232P, 232I) de la lipase dans la souche JMY1212. Trois transformants pour chaque mutant ont été sélectionnés au hasard et mis en culture en erlenmeyer en présence de 20 g/L d’acide oléique. Les lectures d’activités ont ensuite été réalisées, les résultats sont synthétisés dans le tableau III-7. Tableau III-7 : Activités spécifiques de 5 variants de la lipase Lip2 de Y. lipolytica transformés dans la souche JMY1212 cultivés en erlenmeyer en présence de 20 g/L d’acide oléique. 232M 232Y 232S 232P 232I Répétition culture n°1 12,8 13,8 8,2 3,4 30,3 Répétition culture n°2 13,8 12,8 8,6 2,1 30,1 Répétition culture n°3 14,1 13,4 8,2 2,6 31,4 Activité moyenne 13,5 13,3 8,3 2,7 30,6 CV % 5,1% 4,0% 2,4% 24,2% 2,3% Les valeurs de variabilité obtenues pour les différents transformants d’un même mutant sont particulièrement basses (beaucoup plus que les 11,5 % précédemment identifiés pour les 8 mutants testés et même plus basses que le test d’activité en lui même). Ceci signifie que la variabilité apportée par l’étape de transformation et par les étapes de culture et d’expression 198 Chapitre III : Résultats protéique est quasi nulle. En réalité ce n’est pas étonnant, car sur trois mutants testés, la probabilité d’en avoir un qui n’a pas intégré la cassette d’expression à la plate-forme zéta est très faible. Ainsi, c’est comme si nous avions testé trois fois le même clone. On notera tout de même, que pour le variant 232P, une variabilité très importante est obtenue : 24 %, ceci est due au fait que sur les trois transformants testés, l’un possède une activité 1,5 fois supérieure aux deux autres. Ce transformant a certainement une intégration de la cassette d’expression particulière (locus fortement exprimé, plusieurs copies…). Auparavant, pour les transformations réalisées avec la souche JMY1165, environ une dizaine de transformants étaient criblés sur leur activité et celui présentant la plus forte activité était retenu. Comme l’intégration de la cassette d’expression est réalisée au hasard dans le génome, la variabilité de l’expression de la lipase ne permettait pas une comparaison des activités spécifiques des différents mutants obtenus directement après production. L’utilisation de la souche JMY1212 permet de pallier ces problèmes. Ainsi, là où avec la souche JMY1165, le criblage d’environ 10 transformants était réalisé sans possibilité de comparaison directe des activités spécifiques, la souche JMY1212 permet après un criblage rapide de seulement 3 transformants la comparaison de l’activité spécifique de différents variants. 2.2. Evolution semi-rationnelle de la lipase Lip2 de Y. lipolytica La valine 232 s’est avéré être une position clef dans la discrimination énantiomérique de la lipase Lip2 de Y. lipolytica envers les esters d’acides α bromo-acétiques (Cancino, et al., 2008). Pour étudier totalement le champ de toutes les mutations possibles, la méthode de mutagenèse de saturation a été réalisée sur ces deux positions. Le plasmide JMP8 portant la lipase Lip2 a été amplifié par PCR avec des amorces dégénérées sur la position 232. Après digestion par dPNI, les produits PCR ont été transformés dans E. coli. Tous les transformants (>200) ont été rassemblés et une extraction plasmidique a été réalisée. Après digestion par NotI, l’ADN a été transformé dans la souche JMY1212. La production de lipase des transformants obtenus a été réalisée en microplaque selon le protocole précédemment mis au point. Le dosage de l’activité lipase a été réalisé avec le robot. Une extraction génomique de transformants choisis au hasard a été réalisée pour procéder au séquençage. Sur les 27 mutants séquencés (tableau III-8), 9 acides aminés différents ont été obtenus. Certains acides aminés ont été retrouvés une seule fois, comme l’isoleucine, la méthionine et, la cystéine, d’autres l’ont été plusieurs fois : c’est le cas de la valine (3 transformants), 199 Chapitre III : Résultats l’alanine (2 transformants), l’arginine (6 transformants), l’acide aspartique (2 transformants), la glycine (2 transformants) et de la thréonine (9 transformants). A cause du trop faible nombre de transformants, la variabilité de l’activité pour un même acide aminé n’est pas significative. En effet, ceci peut conduire à une sous-estimation de la variabilité réelle (comme c’est le cas pour l’alanine et la glycine) ou à une surestimation (pour l’acide aspartique). Les variabilités mesurées restent cependant compatibles avec les 18,9 % obtenus lors d’un criblage microplaque avec robots sauf pour les cas de la mutation 232T. Ceci s’explique probablement par le mutant 232T le plus actif, celui-ci est vraisemblablement issu d’une intégration en plusieurs copies. Il présente en effet une activité 2,1 fois supérieure à la moyenne des autres mutants. S’il n’était pas présent, on obtiendrait une variabilité de 20 % pour l’activité des autres variants portant cette mutation. Tableau III-8 : Récapitulatif des mutations obtenues pour le séquençage des 27 mutants issus de la mutagenèse de saturation de la position 232 Acide aminé Ala Ala Arg Arg Arg Arg Arg Arg Asp Asp Gly Gly Thr Thr Thr Thr Thr Thr Thr Thr Thr Val Val Val Ile Met Cys codon GCC GCC AGG CGG AGG CGC CGG CGG GAC GAC GGG GGG ACC ACC ACC ACC ACG ACC ACG ACC ACG GTC GTC GTC ATC ATG TGC 200 Activité U/mL 0,051 0,049 0,041 0,039 0,034 0,033 0,028 0,026 0,051 0,036 0,074 0,064 0,249 0,169 0,128 0,118 0,115 0,108 0,107 0,098 0,097 0,354 0,285 0,259 0,162 0,154 0,034 CV 2% 18% 24% 10% 37% 16% Chapitre III : Résultats Les avantages déjà mis en évidence pour la mutagenèse dirigée ont donc été confirmés, ainsi le séquençage de plusieurs variants a mis en évidence que les transformants portant les mêmes mutations avaient la même activité. 2.3. Conclusion Nous avons construit la souche JMY1212 dans le but de disposer d’un système d’expression eucaryote pour l’évolution dirigée d’enzyme. Dans la première partie de cette étude nous avons présenté l’intérêt de cette souche dans le cadre de l’évolution dirigée. La variabilité de 18,9 % obtenue sur l’ensemble du procédé de criblage est compatible avec une campagne de criblage et fait de Yarrowia lipolytica un organisme de choix pour l’expression d’enzyme dans un but l’évolution dirigée. Dans la seconde partie, nous avons montré l’intérêt que présente une telle souche pour la mutagenèse dirigée et l’évolution semi rationnelle. Elle permet en effet une comparaison rapide des activités enzymatiques de différents variants d’une même enzyme. Les avantages que présentent la souche zéta en termes de reproductibilité de l’expression protéique permet donc de l’utiliser aussi bien dans des études d’évolution dirigée que dans des études d’évolution rationnelle ou semi-rationnelle. Cette souche est actuellement la souche dans laquelle se font toutes les transformations du gène Lip2. Seules les constructions des souches multicopies qui requièrent des mécanismes de recombinaison non homologue nécessitent l’utilisation de la souche JM1165. 201 Chapitre III : Résultats Deuxième partie - Amélioration de la thermostabilité de la lipase Lip2 par évolution dirigée et mise en évidence du mécanisme de dénaturation thermique. De nombreux brevets et publications relatent pour la lipase Lip2 de Y. lipolytica des propriétés intéressantes dans divers domaines. A ce jour, elle n’est commercialisée que pour des procédés l’employant dans des conditions d’utilisations douces (traitement d’effluents, complément alimentaire…). Malgré un potentiel intéressant, aucune de ses applications industrielles actuelles ne concerne ses capacités de biotransformation (voir tableau Tableau I12) pour l’obtention de molécules à forte valeur ajoutée. En effet, cette lipase possède un inconvénient majeur pour être utilisée dans de tels procédés : sa faible thermostabilité. En effet, elle est stable plusieurs mois à 4°C, plusieurs semaines à température ambiante et sur 48 heures à 40°C. Au-delà de cette température, Lip2 perd très rapidement toute son activité Activité résiduelle % (Figure III-16). 100% 80% 60% 40% 20% 0% 0 25 50 75 100 125 Temps inactivation (min) 40°C 50°C 60°C Figure III-16 : Courbes de dénaturation thermique de la lipase Lip2 de Y. lipolytica à différentes températures En deux heures à 50°C, elle perd toute son activité alors que la lipase de Thermomyces lanuginosa conserve la sienne totalement (Aloulou, et al., 2007a). Cette faible thermostabilité est un inconvénient majeur pour son utilisation industrielle. 203 Chapitre III : Résultats Pour améliorer cette propriété nous avons appliqué une stratégie d’évolution dirigée. C’est l’objet de la première partie de ce chapitre. L’identification d’un variant amélioré a permis de mieux comprendre les mécanismes de dénaturation de cette lipase et ouvre la voie à d’autres améliorations par ingénierie rationnelle. 1. Evolution dirigée de la lipase Lip2 de Y. lipolytica 1.1. Stratégie d’obtention de la banque de mutants La transformation de Y. lipolytica se fait par l’intégration d’une cassette d’expression contenant : - Les zones zéta (à chacune des extrémités de la cassette d’expression) qui permettent l’intégration de la cassette d’expression. Cette intégration se fera de manière ciblée si la cassette d’expression est intégrée dans la souche JMY1212 spécialement construite pour l’évolution d’enzyme. - Le marqueur de sélection ura3d1 qui permet de sélectionner les transformants ayant intégré la cassette d’expression. - Le promoteur POX2 inductible à l’acide oléique. - Le gène de la lipase Lip2 à faire évoluer. Cette cassette d’expression est présente dans le plasmide Jmp8, qui peut être amplifié dans E. coli. Classiquement, la cassette d’expression est libérée par digestion par NotI et la transformation est réalisée chez Y. lipolytica. Pour l’obtention de la banque par PCR à erreurs, une première solution serait de réaliser une PCR à erreurs sur le gène Lip2, de le réintégrer par ligation dans le plasmide Jmp8, de transformer E. coli avec celui-ci, de récupérer les transformants et d’extraire le plasmide puis de le digérer par NotI et finalement de transformer la cassette d’expression ainsi libérée chez Y. lipolytica. Un tel protocole présente des désavantages, il est non seulement long à mettre en œuvre, mais fait intervenir, en plus, une étape de ligation qui est limitante dans l’obtention d’un grand nombre de transformants chez E. coli. Or, la taille de la banque criblée est une des clefs de la réussite d’une campagne d’évolution dirigée. 204 Chapitre III : Résultats Une autre stratégie a donc été envisagée. Elle consiste à amplifier la cassette d’expression par PCR et à transformer directement celle-ci chez la levure. Une telle étape ne peut cependant pas se réaliser en une seule fois, car si la PCR à erreurs doit être réalisée sur le gène Lip2, aucune mutation ne doit intervenir sur le marqueur de sélection ura3d1 ni sur le promoteur POX2. En effet, si l’un de ces deux éléments était muté, ceci pourrait se traduire dans le cas du promoteur POX2 par une expression différentielle selon les transformants, et, dans le cas du promoteur ura3d1 par des problèmes de croissance sur milieu de sélection (qui pourraient conduire à passer à côté de transformants ne poussant pas ou peu). Ainsi, la stratégie mise au point (Figure III-17) consiste à amplifier d’une part le gène LIP2 avec la deuxième zone zéta (Fragment PCR2 1,5 kb) par PCR à erreurs avec les amorces PCR2_dT et PCR2_r (température d’hybridration 50°C), et d’autre part le reste de la cassette d’expression contenant la première zone zéta, le marqueur de sélection ura3d1 et le promoteur POX2 (Fragment PCR1 3,9 kb) par PCR fidèle avec les amorces PCR1_d et PCR1_rT (température d’hybridation 50°C). Une zone de recouvrement entre les deux fragments est assurée par l’utilisation d’amorces complémentaires reverses (PCR1_rT et PCR2_dT). A partir des deux fragments, une PCR de fusion est réalisée en deux étapes. Une première étape consiste à réaliser 10 cycles de PCR sans amorces à la température d’hybridation de la zone de recouvrement des deux fragments. Par la suite les amorces des extrémités PCR1_dL et PCR2_dL sont ajoutées et 15 cycles PCR supplémentaires sont réalisés à la température d’hybridation des amorces. Comme ces amorces sont plus longues, leur température d’hybridation est plus élevée 68°C et on évite ainsi la ré-amplification des fragments PCR1 et PCR2. La cassette d’expression ainsi reconstituée est prête à être transformée dans la souche JMY1212 chez Y. lipolytica. Une telle méthode permet de réduire grandement le temps d’obtention de la banque et évite l’étape de ligation souvent limitante pour l’obtention d’un grand nombre de clones chez E. coli. 205 Chapitre III : Résultats zeta 1 ura3d1 pPOX2 LIP2 zeta 2 PCR fidèle PCR à erreurs Fragment PCR1 Fragment PCR2 PCR1_rT PCR2_r PCR1_d PCR2_dT PCR1_dL PCR de fusion PCR2_rL Souche JMY1212 : plate-forme d’intégration zéta Figure III-17 : Stratégie pour la construction par PCR de la cassette d’expression avec la lipase Lip2 mutée par mutagenèse aléatoire. 1.2. Premier tour de mutagenèse 1.2.1. Obtention de la banque et crible Pour l’obtention du fragment PCR2, la Taq polymérase a été utilisée dans des conditions destinées à accroître son taux d’erreurs en présence de 3,84 mM de MgCl2 (en plus des 2 mM apportés par le tampon de la polymérase) et 400 µM de MnCl2. Les dNTP sont présents en proportions non équivalentes dans les quantités suivantes : 250 µM dATP et dGTP, 570 µM dCTP et dTTP. Une première banque de taille modeste, de 740 transformants, a été entièrement traitée avec les robots de la plate-forme de criblage haut-débit, selon la méthode mise au point précédemment (partie 1 du chapitre résultat). Le criblage des variants sur leur thermostabilité a été réalisé sur le ratio activité initiale/activité résiduelle après passage à haute température. La condition retenue pour le crible est une incubation de 7,5 min à 60°C. Dans ces conditions, sur 48 clones cultivés en microplaque et produisant la lipase sauvage, l’activité initiale moyenne est de 0,882 U/mL (CV = 17,3 %) et l’activité résiduelle mesurée a pour moyenne 0,040 U/mL (CV : 27,3%). La lipase sauvage perd donc 83% de son activité avec une variabilité de 27,3% et aucun effet de 206 Chapitre III : Résultats bord au sein des microplaques n’est observé (Figure III-18). Cette forte variabilité est due aux très faibles niveaux d’activité résiduelle. Activité lipase U/mL 1,4 1,2 1,0 Activité moyenne initiale : 0,882 U/mL Ecart type 0,121 U/mL (13,7 %) 0,8 0,6 0,4 Activité moyenne résiduelle : 0,146 U/mL Ecart type 0,040 U/mL (27,3 %) 0,2 0,0 0 10 20 30 40 50 Numéro du puits Figure III-18 : Activité initiale (■) et activité résiduelle (□) après passage 7,5 minutes à 60°C sur 48 clones pour la mise au point du crible sur la thermostabilité. 1.2.2. Résultat du premier tour d’évolution dirigée Sur les 740 transformants, l’activité moyenne observée est de 0,61 U/mL (371 mU DO/min). Cependant 72 % présentaient une activité lipase très faible (pente inférieure à 0,16 U/mL soit moins de 20% de l’activité de la lipase sauvage), dont 47 % avec une activité quasi nulle similaire à celle observée pour l’hydrolyse spontanée du pNPB (pente de 0 à 0,02 mUDO/min). La répartition de l’activité des 740 transformants et de leur activité résiduelle (ratio activité après inactivation/ activité initiale) peut être visualisée sur la figure III-19-A. L’activité résiduelle de ces mutants à faible activité initiale paraît élevée mais ce n’est qu’une apparence. Ceci est dû à hydrolyse spontanée du pNPB (que nous n’avons pas soustraite) qui donne une pente d’environ 9 mUDO/min. Ainsi, l’activité résiduelle d’un mutant de faible activité initiale paraît très élevée par rapport à un mutant possédant une activité normale. Si on écarte 72% de mutants à très faible activité, alors on observe une répartition homogène de l’activité résiduelle (Figure III-19-B). Ainsi les 533 mutants présentant une pente inférieure à 0,16 U/mL (100 mUDO/min) ont été écartés. Sur les 207 mutants restants, 8 ont été sélectionnés pour leur ratio activité résiduelle / activité initiale supérieur à 25% (ratio compris entre 27 et 40 % -Figure III-19-C). La moyenne de ce ratio chez les mutants actifs est de 10 % contre 17 % pour la lipase sauvage. 207 Chapitre III : Résultats Pente (mU DO/min) 1400 250% 1200 200% 1000 800 150% 600 100% 400 50% 200 0 0 200 400 % activité résiduelle A 0% 800 600 B Pente (mU DO/min) 1400 45% 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% 1200 1000 800 600 400 200 0 0 50 100 150 % activité résiduelle Numéro transformant Nombredu transformants 200 Numéro transformant Nombredutransformants % d'activité résiduelle C 45% 40% 35% 30% 25% 20% 15% 10% 5% 0% 8 mutants sélectionnés pour un criblage complémentaire. 0 50 100 150 200 250 Numéro dutransformants transformant Nombre Figure III-19 : Répartition de l’activité initiale () et de l’activité résiduelle ( ) pour les différents mutants obtenus. A) sur la totalité des 740 mutants de la banque, classés selon leur activité initiale B) sur les 207 transformants possédant une activité initiale supérieure à 0,16 U/mL, classés selon leur activité initiale C) sur les 207 transformants possédant une activité initiale supérieure à 0,16 U/mL, classés selon leur activité résiduelle. Un criblage complémentaire a été effectué sur ces 8 mutants. Celui-ci a été réalisé dans les mêmes conditions que le criblage de la banque, les mutants ont été cultivés en microplaques et inactivés 7,5 min à 60°C. Bizarrement, presque tous (7 sur les 8) présentent une activité résiduelle bien en-dessous des 25 % trouvés lors du premier crible et également en dessous de l’activité résiduelle de la lipase sauvage (Tableau III-9). Seul le mutant n°3 garde une activité résiduelle bien plus importante que la lipase sauvage, 63,2 % contre 10,4 %, et bien plus 208 Chapitre III : Résultats importante que l’activité résiduelle mesurée lors du premier crible de 29,2%. Il présente une activité identique à la lipase sauvage (environ 1,1 U/mL). Ce mutant a été séquencé et portait la mutation C244 S. Tableau III-9 : Criblage complémentaire des 8 mutants sélectionnés sur leur thermostabilité. Mutants testés Activité Pente initiale Activité résiduelle (mUDo/min) initiale (U/mL) % Lipase sauvage 678,5 1,11 10,4% Mutant 1 574,0 0,94 3,4% Mutant 2 512,5 0,84 5,7% Mutant 3 663,7 1,09 63,2% Mutant 4 177,7 0,29 9,2% Mutant 5 336,7 0,55 5,1% Mutant 6 540,6 0,89 4,4% Mutant 7 702,6 1,15 7,7% Mutant 8 587,1 0,96 9,0% Nous possédions déjà dans la souchothèque des variants de Lip2, le plasmide Jmp8 portant la lipase avec la mutation C244A sous contrôle du promoteur POX2 (voir troisième partie du chapitre Résultats paragraphe 1.1.1) ainsi qu’une souche de Y. lipolytica produisant ce mutant. L’activité de ce variant est du même ordre de grandeur que la lipase sauvage et des tests de thermostabilité ont montré que ce variant présentait lui aussi une thermostabilité améliorée identique à celle obtenue avec le mutant 244S. Nous sommes donc repartis de ce plasmide Jmp8-244A déjà construit pour créer une nouvelle banque correspondant au deuxième tour de mutagenèse dirigée. 1.3. Deuxième tour de mutagenèse A partir de ce plasmide, un nouveau fragment PCR2 a été amplifié par PCR à erreurs et une nouvelle cassette d’expression a été construite selon la même technique que précédemment et transformée dans la souche JMY1212. Une banque de 5500 transformants a été criblée. Pour les mêmes raisons que précédemment, les mutants possédant une activité inférieure à 0,164 U/mL ont été écartés car ils présentaient une activité lipase trop faible, soit 42 % des mutants obtenus. Les conditions du criblage ont été adaptées et consistent en une inactivation de 20 minutes à 90°C. Dans ces conditions le mutant 244A garde une activité résiduelle de 34% (avec un coefficient de variation de 22%). Un grand nombre de mutants paraissent avoir une thermostabilité améliorée par rapport au mutant 244A de la lipase. En tout, 46 clones ont 209 Chapitre III : Résultats été sélectionnés pour un second criblage. Pour les variants pré-sélectionnés, aucun clone n’a finalement montré de thermostabilité améliorée par rapport au variant 244A. En effet, malgré de nombreux tests complémentaires une grande variabilité est obtenue selon les essais. 1.4. Caractéristiques des banques criblées (tableau III-10) Tableau III-10 : Récapitulatif des banques du premier et du deuxième tour d’évolution dirigée. Banque 1ère génération Banque 2ème génération Nombre de mutants criblés 740 5500 % actifs (pente < 100 mUDO/min 28% 58% Nombre de mutants séquencés 6 10 3,2 2,0 dont silencieuses 37% 25% % Transition 74% 85% % Transversion 26% 15% Nombre de mutations /kb La première banque obtenue de toute petite taille, contient un faible nombre de mutants actifs (28%), signe que la mutagenèse aléatoire a fonctionné. Sur les 28% de transformants actifs, 6 d’entre eux ont été retenus pour un séquençage (dont 244S). Le taux de mutation est de 3,2 mutations par kb, il peut à première vue paraître assez faible compte tenu du nombre très important de mutants inactif, cependant, il convient de souligner que seuls les mutants actifs ont été séquencés, il est donc hautement probable que les mutant inactifs présente un taux de mutation plus important et donc que le taux de mutation moyen soit également plus fort. Comme on pouvait s’y attendre, l’utilisation de la Taq polymérase a favorisé les transitions par rapport aux transversions (74% contre 26%). Malgré cela et malgré la taille de la banque de mutants criblés, le mutant 244S de thermostabilité améliorée a pu être isolé avec succès de ce premier tour de mutagenèse aléatoire. La seconde banque de taille plus conséquente présente un plus faible taux de mutation et par conséquent un plus grand nombre de mutants actifs. Malgré une première pré-selection de clones sur leur thermostabilité, aucun mutant de thermostabilité améliorée n’a pu être identifié clairement. Pour avoir une chance d’identifier un mutant de thermostabilité améliorée, et avant de se lancer dans un criblage d’une banque de plus grande taille, il s’agit en premier lieu de trouver une solution au problème du fort taux de faux positifs, car il s’accompagne d’une importante perte de temps en criblages complémentaires. 210 Chapitre III : Résultats 2. Obtention d’une enzyme non agrégée pour sa caractérisation 2.1. Problèmes de reproductibilité. Comme nous l’avons vu un grand nombre de transformants ressortent lors du criblage hautdébit sur la thermostabilité, environ 1% des transformants semblent posséder une thermostabilité améliorée. Cependant, si on soumet ces clones à un criblage complémentaire (dans les mêmes conditions, en microplaque), ils ne tiennent pas toujours leurs promesses. On pourrait penser que ceci vient d’un manque de reproductibilité du crible. Pourtant, ce n’est pas le cas. En effet, comme on peut le voir sur le tableau III-11, le crible microplaque mis au point est très reproductible. Sur une même microplaque, nous avons cultivé 48 clones de lipase sauvage et 48 clones du variant 244A. Les étapes de croissance et d’expression protéique ont été calquées sur celles utilisées pour la réalisation des cribles. Après lecture des activités initiales, la microplaque a été inactivée 20 minutes à 70 °C. La lipase sauvage et son variant ont la même activité initiale (environ 0,73 U/mL) avec un coefficient de variation de 15 %. Après inactivation la lipase sauvage ne conserve plus que 4% de son activité initiale alors que le variant 244 A conserve 78% de son activité. Les coefficients de variation après inactivation sont d’environ 10%. Ceci confirme la reproductibilité du crible mis au point ainsi que la grande thermostabilité du variant 244A. Tableau III-11 : Inactivation de la lipase native (rose) et du mutant 244A (vert) après 20 minutes à 70°C lors d’un crible en microplaque. La ligne F n’a pas été représentée pour cause de mauvais fonctionnement du robot lors de l’expérience. lipase sauvage Pente initiale (mUDO/min) mutant 244 A 441 +/-15% 452 +/-15% 16 +/- 8% 353 +/- 11% Pente après inactivation (mUDO/min) % Activité résiduelle 4% +/- 8% relatif 211 78% +/- 11% relatif Chapitre III : Résultats Par contre, d’une culture à l’autre, une grande variabilité est obtenue sur la thermostabilité. Ainsi, sur les résultats présentés dans ce manuscrit, le variant 244 A présente des activités résiduelles variables selon le lot criblé : 29,2% d’activité résiduelle après passage 10 minutes à 60°C pour le crible sur la banque, 63 % d’activité résiduelle pour le crible complémentaire dans les mêmes conditions, et 78 % d’activité résiduelle après passage 20 minutes à 70°C. De même, lors du changement d’échelle, lorsque le mutant 244A a été produit en plus grande quantité pour une meilleure caractérisation, les mêmes problèmes de variabilité entre les lots de production se sont posés. Comme la variabilité observée n’est pas dépendante de la reproductibilité du crible (Tableau III-11), c’est au niveau des conditions de culture que la variabilité doit être introduite. Un des acteurs dans ces problèmes de reproductibilité a rapidement été identifié : l’acide oléique. En effet, de petites quantités d’acide oléique résiduelles présentes (trouble visualisable à l’œil nu) en fin de culture ont un effet drastique sur la thermostabilité. Cependant, ce n’est pas le seul ; il semble que la concentration en protéines ait également son rôle à jouer, car la thermostabilité du mutant 244A semble bien moins importante lorsque celui-ci est produit en grande quantité. 2.2. Mise en évidence du phénomène d’agrégation 2.2.1. Mise en évidence Deux types d’analyses complémentaires, la chromatographie d’exclusion stérique et l’analyse par diffusion dynamique de la lumière (DLS : Dynamic Light Scattering), ont permis de mettre en évidence que l’enzyme Lip2 n’était pas présente sous forme libre mais sous forme d’agrégats. Ces formes de hauts poids moléculaires sont à la fois solubles et actives. L’analyse par chromatographie d’exclusion stérique. L’analyse d’un surnageant de culture brut par chromatographie d’exclusion stérique (Figure III-20) montre un pic majoritaire présentant l’activité lipase, et un deuxième ensemble de pics correspondant à tous les fragments peptidiques présents dans le milieu riche utilisé (peptones, extrait de levure). Le pic contenant l’activité enzymatique sort dans le volume mort de la colonne ; le volume d’élution correspondant à ce pic représente une taille de molécule de plus de 1300 kDa. La masse des agrégats évaluée par la chromatographie d’exclusion stérique représente donc plus de 35 fois la masse de la lipase libre. La colonne utilisée ici (une Superdex S200) ne permet pas une caractérisation précise de la taille de ces formes de hauts poids moléculaires. Une analyse complémentaire par DLS à donc été réalisée. 212 Chapitre III : Résultats Composés du milieu de culture de faibles poids moléculaires Activité lipase Taille > 1300 kDa Figure III-20 : Analyse par chromatographie d’exclusion stérique d’un surnageant de culture de lipase produite en erlenmeyer en milieu riche en présence d’acide oléique. L’analyse par DLS des tailles obtenues. Des tests de DLS ont été réalisés à l’Institut de Pharmacologie et Biologie Structurale de Toulouse en collaboration avec le groupe de biophysique structurale dirigé par Lionel Mourey. Cette technique consiste à étudier la diffusion émise par une solution contenant de petites particules lorsqu’elle est soumise à une source de lumière monochromatique et cohérente comme un laser. L’intensité diffusée fluctue sur des échelles de temps très courtes (micro à milli seconde). Cette variation d’intensité est fonction de la taille des particules et une information sur le rayon hydrodynamique des particules peut être obtenue. Pour vérifier l’effet de la force ionique et du pH sur l’agrégation de l’enzyme, plusieurs conditionnements de l’enzyme ont été testés, Ainsi, une solution à 1 mg/mL de lipase a été conditionnée dans trois tampon différents à 50 mM : Acétate pH 4, MES pH 6, et Tris pH 8 et 2 forces ioniques différentes ont été testées en additionnant du NaCl à 100 mM ou à 500 mM. Les résultats obtenus révèlent la présence d’agrégats dont le rayon hydrodynamique est proche de 100 nm alors que la lipase devrait avoir un rayon hydrodynamique proche de 2,5-3 nm. Dans aucune des conditions de pH et de force ionique testées, on n’observe de dissolution des agrégats. Cet état d’agrégation de la protéine (agrégat soluble) est un problème pour la caractérisation de la thermostabilité, car un des mécanismes majeur dans la dénaturation thermique des protéines est lié aux problèmes d’agrégation. Ainsi, si les protéines se trouvent déjà très rapprochées les unes des autres dans des agrégats, ce mécanisme ne peut être qu’amplifié. Il convient donc de s’affranchir de ce problème avant de pouvoir réaliser la caractérisation de la thermostabilité de la lipase sauvage et du variant 244A. Pour solutionner un problème, il convient d’abord d’en comprendre les raisons. C’est pourquoi la partie suivante s’attache à décrire l’agrégation chez les lipases et chez la lipase Lip2 en particulier. 213 Chapitre III : Résultats 2.2.2. Phénomène d’agrégation des lipases en général et le cas de Lip2 Ce phénomène d’agrégation est bien connu chez les lipases. En effet, des agrégats de hauts poids moléculaires ont été trouvés chez de nombreuses lipases produites en présence de lipides, comme celles de Chromobacterium viscosum : 120 kDa (Taipa, et al., 1992), Bacillus Thermocatenulatus : 295 kDa (Rua, et al., 1997) et Pseudomonas cepacia : plus de 1000 kDa (Dünhaupt, et al., 1992). Dans certains cas, ce phénomène a été mieux caractérisé. Ainsi, l’agrégation des lipases peut se faire via des complexes lipides-protéines (Roberts, et al., 1984; Tyski, et al., 1983). Ces lipides (huile d’olive et acide oléique), proviennent souvent du milieu de culture (Taipa, et al., 1992) car ces substrats sont utilisés pour induire la production de lipase dans les organismes qui les produisent de manière homologue. Pour la lipase de Y. lipolytica, c’est ce qui semble être le cas. L’équipe de F.Carrière (Aloulou, et al., 2007b) a obtenu des résultats similaires en terme d’agrégation pour la production de cette même lipase par Y. lipolytica. Cependant, dans leur cas, deux formes de lipases sont présentes dans le milieu de culture, une lipase présente sous forme de composés de hauts poids moléculaires et une lipase de poids moléculaire attendu. Ils reportent que plus la quantité d’enzyme produite est importante, plus la proportion de lipase non agrégée augmente ; et concluent que la lipase est produite de manière libre une fois que les lipides présents dans le milieu de culture sont saturés avec la lipase, ainsi de la lipase libre peut être obtenue. Dans notre cas, nous n’avons jamais observé ce phénomène lors de production de lipase de routine (en erlenmeyer). Cependant, un extrait de lipase issue d’une production en fermenteur présentait les mêmes caractéristiques que l’échantillon de l’équipe de Verger : deux formes de lipase étaient présentes, l’une libre, l’autre agrégée (Figure III-21). Activité lipase Taille = 39 kDa Composés du milieu de culture de faibles poids moléculaires Activité lipase Taille > 1300 kDa Figure III-21 : Analyse par chromatographie d’exclusion stérique d’un surnageant de culture issu d’une production de lipase produite en fermenteur en milieu minimum en présence d’acide oléique. 214 Chapitre III : Résultats De plus, la lipase issue de cette fermentation présentait un profil d’activité très inhabituel. Ainsi, pour les lectures d’activité pNPB, les dilutions les plus concentrées présentaient une faible pente, alors que plus on diluait la solution, plus la pente était élevée (Figure III-22-A). Cette particularité s’accompagnait d’une pente non linéaire pour les concentrations les plus élevées (voir figure III-22-B), et d’un trouble qui apparaissait à température de 4°C. A B dilution pur profil des profil pentes pente (mUDO/min) 15 1/10 ème 77 1/50 ème 215 1/100 ème 290 Figure III-22 : Effet de l’antimousse sur l’activité lipase. A ) Profil d’activité obtenu à partir d’un surnageant de culture de fermentation pour différentes dilutions. B) Profil d’activité zoomé obtenu pour la dilution 1/10ème Ce type de profil n’a jamais été obtenu pour une production en erlenmeyer, quel que soit le milieu de production. Nous avons attribué ce comportement particulier au seul composé intervenant uniquement pour la production en fermenteur : l’antimousse, le Struktol J673 (des esters d’acides gras d’origine végétale). L’ajout d’antimousse est régulé automatiquement en fonction du niveau de mousse dans le fermenteur. En effet, Y. lipolytica est une levure réputée pour sa capacité à former de la mousse en fermenteur, un ajout d’antimousse est donc nécessaire pour éviter les débordements. Ces composés hautement insolubles dans l’eau sont des agents de surface qui font partie de la classe des détergents. Or, ce type de composé a un effet reconnu sur l’activité enzymatique des lipases. En effet, les lipases étant des enzymes interfaciales elles interagissent fortement avec ces composés d’interface. L’inhibition enzymatique observée (Figure III-22) est d’autant plus faible que la dilution est élevée et donc que la concentration du composé est faible. Cette observation est probablement à mettre en relation avec la CMC (Concentration micellaire critique) du composé. A forte concentration, le composé s’organise en micelles qui inactivent fortement l’enzyme. A faible concentration, il est présent sous forme monodisperse et inactive peu ou pas l’enzyme. Comme l’ajout se fait de manière automatique, les quantités d’antimousse ajoutées dans le fermenteur sont assez importantes (de l’ordre de 10 à 20 mL). L’apparition d’un trouble à 4°C est également à 215 Chapitre III : Résultats mettre en relation avec les grandes quantités d’antimousse ajoutées pendant la fermentation, car le point de trouble ou température de trouble a été atteint. Un autre antimousse, le polypropylèneglycol 2000 a été essayé comme substitut et le même effet a été observé. Ainsi par la suite pour toute fermentation, les fermentations ont été réalisées avec un minimum d’antimousse (ajout manuel et non pas automatique). Comme on obtient de l’enzyme non agrégée seulement dans ces conditions, il se peut que ce composé soit aussi à l’origine de la fraction non agrégée observée lors des productions en fermenteur. Il se peut qu’il ait un effet sur la formation des complexes lipides-protéines ou leur dissolution. On notera que l’enzyme non agrégée obtenue par l’équipe de F.Carrière avait été produite avec le même antimousse, et bien qu’aucun effet sur l’activité n’ait été reporté, de l’enzyme agrégée et non agrégée était produite dans ce cas. Si la lipase non agrégée est récupérée après une étape de chromatographie d’exclusion stérique, alors, l’effet sur l’activité reste le même ce qui suppose des interactions fortes entre le détergent et la lipase. Une désagrégation de l’enzyme par cette voie ne sera donc pas retenue à cause des difficultés à se débarrasser du détergent. En effet, il a visiblement un effet négatif sur l’activité de l’enzyme et donc potentiellement sur sa structure tridimensionnelle. Ainsi, la caractérisation de la thermostabilité en présence de ce détergent n’est pas envisageable. Par chromatographie d’exclusion stérique nous avons montré que ce phénomène avait aussi lieu dans le cas de production de lipase en microplaque avec de très faibles quantités d’acide oléique et que même si aucun acide oléique résiduel ne semblait être présent, les complexes étaient quand même formés. Ainsi, il est possible que, selon les lots de culture, la qualité de l’émulsion d’acide oléique et la quantité de protéines formées soient différentes et que les complexes formés n’aient pas exactement les mêmes caractéristiques (quantité de protéines, arrangement des protéines entre elles et avec l’acide oléique résiduel…). Ceci explique certainement les problèmes de reproductibilité observés. D’autre part, ces complexes lipidesprotéines favorisent la proximité des protéines entre elles, ce qui peut avoir un rôle sur la dénaturation thermique où des phénomènes d’agrégation sont fréquemment observés. De plus, l’acide oléique peut favoriser un dépliement des protéines, ce qui peut être un facteur de déstabilisation de celles-ci (Sah, 1999). Comme il n’est pas possible de contrôler de tels complexes (quantité de protéines, arrangement…), la caractérisation plus fine de la thermostabilité de la lipase native et du mutant 244A ne peut se faire qu’avec de la lipase non agrégée. 216 Chapitre III : Résultats 2.3. Comment s’affranchir de l’agrégation ? 2.3.1. Dissolution des agrégats par l’utilisation de détergents et alcools Dans de nombreux cas, des détergents comme le triton, ou des alcools comme l’isopropanol sont utilisés pour désagréger ces complexes de hauts poids moléculaires retrouvés chez les lipases. Nous venons de voir que le Struktol, (malgré certains effets négatifs qui se traduisent par une inactivation de la lipase) a un effet notable sur l’état d’agrégation de Lip2. Une étude concernant l’état d’agrégation de la lipase en présence de détergent et d’alcool a été réalisée. A partir d’une production de lipase en erlenmeyer, l’étude de l’effet de différents composés (voir liste tableau III-12) a été réalisée. Les composés solides ont été utilisés à une concentration de 1% (P/V). L’isopropanol a été utilisé à une concentration finale de 10 % (V/V). Après une nuit d’incubation sous agitation à température ambiante, les activités pNPB ont été mesurées (avant et après dilution) et les échantillons ont été analysés par chromatographie d’exclusion stérique. En sortie de chromatographie l’activité lipase a été mesurée, ce qui permet de voir si l’enzyme reste active en fonction de son état d’agrégation. Traitements Aucun Détergents ioniques Détergents Non ioniques Composés testés Activité résiduelle Témoin 100% Forme agrégée Non Oui CTAB 0% Faible Faible SDS 0% Non Oui Sodium cholate 81% Non Oui Struktol * 4% Oui Quasi nulle Polypropylène glycol 2000 * 20 % Oui Quasi nulle octyl alphaD glucopyranoside 208% Oui (très faible) Oui Triton 100 X 0% Pas d'activité Oui Brij 30 0% Pas d'activité Oui Brij 58 * 1% Pas d'activité Oui Tween 20 (polyéthylène glycol sorbitan monoléate) 136% Non Oui Tween 40 ( Polyéthylène sorbitan palmitate) 81% Oui (faible) Oui Tween 85 252% Non Oui 140% Non Oui 100% Non Oui Détergent CHAPS Zwitterionique Alcool Enzyme libre Isopropanol Tableau III-12 : Effets de différents détergents et d’un alcool sur l’activité et sur l’agrégation de Lip2. Les effets négatifs sur l’activité résiduelle sont colorés en gris. Les effets positifs sur l’état d’agrégation de l’enzyme sont mis en évidence en bleu. Les profils d’activité particuliers (inactivation de l’enzyme à forte concentration) sont notés avec un astérisque. 217 Chapitre III : Résultats Tous les composés n’ont pas le même effet sur l’activité enzymatique. Certains détergents inactivent complètement l’enzyme, c’est le cas du CTAB, du triton 100X, des Brij 30 et du SDS, alors que d’autres n’inactivent que partiellement l’enzyme, c’est le cas du Brij 58, du PPG2000 et du Struktol. Pour ces trois composés, on retrouve une inhibition similaire à celle observée précédemment pour l’activité lipase en sortie de fermentation (Figure III-22), le PPG2000 est également un antimousse. Certains détergents, au contraire, permettent une augmentation de l’activité enzymatique. (C’est le cas du CTAB, de l’octyl α-D glucopyranoside et des Tween 20 et 85). Pour ce qui est de la désagrégation de l’enzyme, de l’enzyme libre active est formée avec : - les deux antimousses testés : Struktol et PPG2000. Dans ce cas il ne reste plus de lipase agrégée. Cependant, nous avons vu précédemment que ces deux composés restaient fortement liés à l’enzyme même après une étape de chromatographie d’exclusion stérique. - deux détergents non ioniques : l’octyl α-D glucopyranoside et le tween 40. Avec ces deux détergents, on obtient à la fois de la lipase agrégée et de la lipase non agrégée. Cependant les quantités d’enzyme libérée sont faibles. A cause de l’effet de traîne toujours observé en chromatographie d’exclusion stérique une purification d’enzyme en grande quantité n’est pas envisageable par cette méthode. D’autres solutions doivent donc être trouvées. 2.3.2. Ingénierie du système d’expression Plutôt que d’envisager leur dissolution, il nous a paru judicieux d’empêcher la formation des complexes lipides-protéines de hauts poids moléculaires. Ainsi, en n’utilisant pas (ou peu) d’acide oléique pour produire la lipase, on pourrait peut-être éviter ce phénomène. Or, le promoteur POX2 est inductible à l’acide oléique et les tentatives de diminution de l’acide oléique dans le milieu de culture se sont soldées par une très faible production de lipase. Ainsi, nous avons décidé de changer de promoteur et d’utiliser un promoteur non inductible à l’acide oléique. Deux plasmides avec de nouveaux promoteurs forts et constitutifs (Figure III23) nous ont été fournis par l’équipe du Docteur Jean-Marc Nicaud de l’INRA de Grignon : - Le plasmide JMP60 contenant Lip2 sous contrôle du promoteur hp4d. - Le plasmide JMP61-TEF Lip2 contenant Lip2 sous contrôle du promoteur TEF. 218 Chapitre III : Résultats hp4d TEF Ura3d1 Ura3d1 HindIII (557) LIP2 LIP2 jmp60 lip2 zéta jmp61 zéta 5934 bp NotI (4245) 5898 bp EcoRI (1637) zéta NotI (4204) zéta NotI (2035) NotI (1994) Kan R KanR Figure III-23 : Représentation des plasmides JMP60 contenant Lip2 sous contrôle du promoteur hp4d et JMP61-TEF Lip2 contenant Lip2 sous contrôle du promoteur TEF. La souche JMY1212 a été transformée avec ces deux plasmides digérés par NotI et les essais de production de lipase sur YT2 contenant 50g/L de glucose sont représentés en figure III-24. 50 200 50 160 40 160 40 120 30 120 30 80 20 80 20 40 10 40 10 0 0 20 40 60 80 0 100 DO 600 nm 200 0 0 Tem ps culture (h) 20 40 60 80 0 100 Tem ps culture (h) Figure III-24 : Suivi de la croissance () et de l’activité lipase () en milieu riche en présence de glucose pour la souche exprimant Lip2 sous contrôle du promoteur hp4d (A) et pour la souche exprimant Lip2 sous contrôle du promoteur TEF (B) Aucune production de lipase n’a été obtenue lorsque Lip2 est sous contrôle du promoteur hp4d. Lorsque la lipase est produite sur glucose sous contrôle du promoteur TEF, les mêmes niveaux d’activités sont obtenus que lorsque celle-ci est produite sous contrôle du promoteur POX2 et s’élèvent à environ 50 U/mL (Figures III-24-B et III-25). Le promoteur TEF semble cependant induit par la présence d’acide oléique. En effet, lorsque le gène de la lipase est sous contrôle du promoteur TEF et que celle-ci est produite en présence d’acide oléique, les niveaux d’activité sont supérieurs à ceux obtenus lorsque la production a lieu en présence de glucose, et dans ce cas, surpassent aussi les niveaux de production obtenus lorsque le gène de la lipase se trouve sous contrôle du promoteur POX2. On obtient environ 2 fois plus d’activité 219 Activité (U/mL) B Activité (U/mL) DO 600 nm A Chapitre III : Résultats lipase dans ce cas (72 U/mL avec TEF contre environ 38 U/mL avec POX2). Bien que cela n’ait pas d’intérêt dans le cadre de la production de lipase pour la caractérisation de la thermostabilité, cette activité importante mérite d’être soulignée. On notera qu’après avoir atteint un maximum d’activité (après 24 heures pour les productions sur acide oléique 20 g/L et après 48 heures pour les productions sur 50 g/L), l’activité lipase chute (données non montrées sur le graphique). 80 Activité U/ml 70 60 50 40 30 20 10 0 0 10 Tef sur glucose 50 g/L 20 30 Temps culture (heures) Tef sur acide oléique 10 g/L 40 50 Pox sur acide oléique 10 g/L Figure III-25 : Evolution de l’activité de la lipase Lip2 produite lorsque le gène LIP2 est sous contrôle du promoteur TEF en milieu riche en présence de glucose () ou en présence d’acide oléique ( ). Comparaison à la production de la lipase lorsque produite lorsque le gène LIP2 est sous contrôle du promoteur POX2 () en présence d’acide oléique. On notera cependant que toutes les tentatives pour produire la lipase en erlenmeyer sous contrôle de ce promoteur en milieu minimum, n’ont pas permis de produire de lipase. Chez Y. lipolytica, les promoteurs sont assez sensibles à la source d’azote utilisée. Le phénomène a été bien caractérisé dans le cas du promoteur POX2 (Fickers, et al., 2004) et du promoteur XPR2 (Blanchin-Roland, et al., 1994). Pour le promoteur TEF, un exemple dans la littérature montre que celui-ci s’exprime parfaitement sur milieu synthétique composé d’acides aminés (Muller, et al., 1998), cependant il se peut que l’environnement génétique de ce promoteur joue un rôle sur ses conditions d’induction. L’état d’agrégation de la lipase produite en milieu riche sous contrôle du promoteur TEF a été contrôlé par chromatographie d’exclusion stérique (Figure III-26). Comme prévu, la lipase est produite totalement sous forme non agrégée et peut être purifiée pour la caractérisation de la thermostabilité. 220 Chapitre III : Résultats Lip2 produite sous contrôle du promoteur POX2 en présence d’acide oléique Lip2 produite sous > 1200 kDa contrôle du promoteur TEF sans acide oléique 39 kDa Figure III-26 : Contrôle de l’agrégation de la lipase produite avec (rouge) ou sans (bleu) acide oléique par chromatographie d’exclusion stérique. 3. Caractérisation de la thermostabilité de Lip2 sauvage et du variant 244 A Le variant 244A a été construit par mutagenèse dirigée à partir du plasmide JMP60 Tef Lip2 transformé dans la souche JM1212. Le variant 244A présente un niveau d’activité légèrement inférieur (76%) à celui de la lipase sauvage (Figure III-27). Activité U/mL 60 50 40 30 20 10 0 0 20 40 60 80 100 Temps culture (heures) wt 244 Figure III-27 : Activité lipase au cours du temps de culture pour les souches exprimant le gène de la lipase sauvage (wt) et du mutant 244A sous contrôle du promoteur TEF. Production en milieu riche en présence de glucose 50 g/L. 3.1. Influence de la concentration en protéine Les premiers tests réalisés avec l’enzyme en sortie de purification montrent une inactivation drastique de la lipase sauvage et du mutant 244A. En effet, après seulement 10 minutes à 50°C, tous deux présentaient une activité résiduelle inférieure à 1%. Comme l’effet de la concentration de l’enzyme sur la dénaturation thermique avait déjà été soupçonné lors des changements d’échelle de production, des tests complémentaires ont été réalisés avec ces 221 Chapitre III : Résultats mêmes enzymes diluées 50 fois. A cette concentration, proche de la concentration de l’enzyme lors du criblage, l’activité résiduelle de la lipase sauvage est de 25% et le variant 244A garde 95% de son activité dans ces conditions. Ceci confirme l’amélioration de la thermostabilité de ce variant et souligne l’importance de la concentration de l’enzyme dans la dénaturation thermique. En outre, la production de la lipase sauvage et du variant 244A se font en milieu riche ; dans ces conditions, étant donné les quantités d’extrait de levure et de peptone présentes dans le milieu de culture (initialement 10 et 20 g/L), une quantification fiable de la concentration de l’enzyme n’est pas possible, il est donc nécessaire de purifier et de quantifier l’enzyme avant tout test de dénaturation. 3.2. Purification de l’enzyme La purification de l’enzyme a été mise au point au laboratoire. Nous avons retenu une purification en deux étapes : une étape de chromatographie ionique suivie d’une étape de chromatographie d’interaction hydrophobe. La lipase produite de manière extracellulaire est déjà très pure avant purification, sur le puits 1 du gel coloré au nitrate d’argent, on peut voir que la lipase est majoritaire (bande à 37 kDa). Cependant, on note aussi la présence protéines contaminantes entre 55,4 et 36,5 kDa ainsi que de protéines de tailles inférieures à 21,5 kDa. La première étape de purification par chromatographie ionique permet de se débarrasser des composés colorés qui sont sécrétés par la souche au cours de la fermentation. La deuxième étape de purification quant à elle permet de ne récupérer que la lipase d’intérêt. A l’issue de cette étape, la protéine est extrêmement pure et ne contient plus de contaminants comme l’atteste le gel SDS PAGE coloré au nitrate d’argent montré sur la figure III-28. Masse moléculaire (kDa) 1 2 3 97,4 66,3 55,4 36,5 31,0 21,5 14,4 Figure III-28 : Suivi de la purification sur Gel SDS PAGE colorés au nitrate d’argent. 1) lipase avant purification 2) lipase après étape de purification d’interaction anionique 3) fractions récupérées après l’étape de purification d’interaction hydrophobe. La vérification de l’état d’agrégation a été réalisée par chromatographie d’exclusion stérique (Figure III-29). Celle-ci confirme que l’enzyme est produite de façon non agrégée. 222 Chapitre III : Résultats Lipase pure 39 kDa Figure III-29 : Chromatographie d’exclusion stérique de la lipase Lip2 en sortie de purification L’enzyme et son variant ont donc été purifiés par ces deux étapes de chromatographie, l’une ionique, l’autre d’interaction hydrophobe et leur concentration a été ajustée à 750 mg/L dans le tampon d’activité lipase (pH 7,2). 3.3. Caractérisation de la thermostabilité de la lipase sauvage et du variant 244A. Les tests de caractérisation ont été réalisés avec une faible concentration d’enzyme (15 mg/L pour chaque enzyme) et ce afin de pouvoir suivre dans le temps l’activité résiduelle. A 30°C et 40°C l’enzyme sauvage et son variant sont stables sur 48 heures. Les courbes de dénaturation thermique obtenues à plusieurs températures (50°C, 60°C, 75°C et 90°C) sont données sur la figure III-30. On notera que même si la lipase sauvage est très stable à 30°C et 40°C, passé 40°C, sa vitesse de dénaturation thermique est très rapide. Pour la lipase sauvage, une perte d’activité très rapide (au moins 80%) a lieu dès les premières minutes pour toutes les températures. Cette première étape de dénaturation est suivie d’une dénaturation plus lente par la suite. Deux mécanismes semblent donc intervenir dans la dénaturation de la lipase sauvage. Ceci est confirmé par la rupture de pente observée sur le tracé des courbes ln (% Activité résiduelle) en fonction du temps (Figures III-31 et III-32). Cette première étape de dénaturation très rapide n’est pas présente pour le mutant de thermostabilité améliorée. Si on regarde les courbes ln (% Activité résiduelle) en fonction du temps, on observe une dénaturation plus lente et d’ordre 1. D’autre part, la deuxième étape de dénaturation de l’enzyme sauvage (l’étape lente), reste plus rapide que la dénaturation observée pour le mutant 244A. 223 Chapitre III : Résultats Activité résiduelle 50°C 100% 75% 50% 25% 0% 0 250 500 750 1000 1250 Activité résiduelle Temps inactivation (min) 60°C 100% 75% 50% 25% 0% 0 250 500 750 1000 1250 200 250 80 100 Activité résiduelle Temps inactivation (min) 75°C 100% 75% 50% 25% 0% 0 50 100 150 Activité résiduelle Temps inactivation (min) 90°C 100% 75% 50% 25% 0% 0 20 40 60 Temps inactivation (min) Figure III-30 : Courbe de dénaturation thermique de la lipase sauvage ( ) à différentes températures 50°C, 60°C, 75°C et 90°C. 224 ( ) et du variant 244A Chapitre III : Résultats 50°C ln (%Activité résiduelle) 0 -2 y = -0,0023x -4 R2 = 0,9402 -6 -8 0 250 500 750 1000 1250 Temps inactivation (min) 60°C ln (% Activité résiduelle) 0 -2 -4 y = -0,0036x -6 R2 = 0,9839 -8 0 250 500 750 1000 1250 Temps inactivation (min) 75°C ln (% Activité résiduelle) 0 y = -0,0193x R2 = 0,9254 -2 -4 -6 -8 0 50 100 150 200 250 Temps inactivation (min) 90°C ln (% Activité résiduelle) 0 -2 y = -0,0466x R2 = 0,9926 -4 -6 -8 0 20 40 60 80 Temps inactivation (min) Figure III-31: Représentation de courbes ln (% activité résiduelle) en fonction du temps pour différentes températures 50°C, 60°C, 75°C et 90°C pour la lipase sauvage () et le variant 244A ( ). Calcul de pentes pour le variant 244A. 225 Chapitre III : Résultats 50°C ln (%Activité résiduelle) 0 y = -0,1284x -1 R2 = 0,9953 -2 -3 -4 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 16 18 20 Temps inactivation (min) 60°C ln (% Activité résiduelle) 0 -1 -2 y = -0,4948x R2 = 0,9695 -3 -4 0 2 4 6 8 10 12 14 Temps inactivation (min) 75°C ln (% Activité résiduelle) 0 -1 -2 y = -1,2168x R2 = 0,9183 -3 -4 0 2 4 6 8 10 Temps inactivation (min) 90°C ln (Activité résiduelle) 0 -1 y = -0,9607x R2 = 0,9679 -2 -3 -4 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 Temps inactivation (min) Figure III-32 : Représentation de courbes ln (% activité résiduelle) en fonction du temps pour différentes températures 50°C, 60°C, 75°C et 90°C pour la lipase sauvage () et le variant 244A ( ). Calcul de pentes pour la lipase sauvage. 226 Chapitre III : Résultats La constante de dénaturation kd a été obtenue à partir des pentes des courbes ln (% Activité résiduelle) en fonction du temps (première partie de la courbe pour la lipase sauvage), et les temps de demi-vie calculés (t1/2 = (ln 2) / kd) sont récapitulés dans le tableau III-13. Tableau III-13: Temps de demi-vie de l’enzyme sauvage et du variant 244A à différentes températures. Température t1/2 wt t1/2 244 Facteur d'amélioration 50°C 5,4 min 301 min 56 60°C 1,4 min 178 min 127 75°C 0,6 min 36 min 63 90°C 0,7 min 15 min 21 A toutes les températures, le temps de demi-vie du mutant 244 est grandement amélioré par rapport au temps de demi-vie de la lipase sauvage. Le facteur d’amélioration est d’un à deux ordres de grandeur. A 60°C, le facteur d’amélioration est le plus important (127) : le temps de demi-vie pour la lipase sauvage de seulement 1,4 min passe à presque 3 heures pour le mutant obtenu par évolution dirigée. 4. Etude détaillée des mécanismes de dénaturation thermiques 4.1. Mutagenèse de saturation Le mutant 244S isolé lors du premier tour d’évolution dirigée ainsi que le mutant 244A présentent tous deux des thermostabilités améliorées par rapport à la lipase sauvage. La position 244 semble donc fortement impliquée dans la thermostabilité de Lip2. Pour caractériser plus finement le phénomène mis en jeu, la technique de mutagenèse de saturation a été utilisée sur la position 244 à partir du plasmide JMP8, portant le gène de la lipase sauvage sous contrôle du promoteur POX2. Un crible sur la thermostabilité a été réalisé sur 288 transformants. Parmi eux, 60% sont actifs (pente supérieure à 85 mUDO/min). Après passage à 60°C pendant 20 minutes, 55% présentent une activité résiduelle inférieure à 4%. La répartition de l’activité initiale de tous les mutants et leur activité résiduelle sont montrées sur la figure III-33A. Les mêmes informations sur les mutants actifs sont reportées sur les figures III-33 B et C. 227 1000 100% 800 80% 600 60% 400 40% 200 20% 0 0 50 100 150 200 % Activité résiduelle pente mUDO/min Chapitre III : Résultats 0% 300 250 1000 50% 800 40% 600 30% 400 20% 200 10% 0 Activité résiduelle % Pente mUDO/min Nombre transformants 0% 0 40 80 120 160 1000 50% 800 40% 600 30% 400 20% 200 10% 0 Activité résiduelle % Pente mUDO/min Nombre transformants 0% 0 40 80 120 160 Nombre transformants Figure III-33 : Répartition de l’activité initiale et de l’activité résiduelle après passage 20 minutes à 60°C des mutants obtenus par mutagenèse de saturation de la position 244. A) Tous les mutants classés par activité initiale, B) Tous les mutants actifs classés par activité initiale C) Tous les mutants actifs classés par activité résiduelle. Parmi les mutants ne possédant pas de thermostabilité, 3 clones ont été choisis au hasard pour un séquençage. Parmi les clones actifs présentant une thermostabilité importante, sept ont été séquencés. Les résultats concernant l’activité initiale, la thermostabilité, et les mutations introduites sont reportés dans le tableau III-14. 228 Chapitre III : Résultats Mutant Activité % d'activité initiale U/mL résiduelle Mutation gène Mutation protéine sauvage 244 A 2,30 2,02 1% 35% TGC GCC Cys Ala n°1 n°2 n°3 n°4 n°5 n°6 n°7 n°8 n°9 n°10 0,62 1,92 1,69 0,73 0,39 1,78 0,29 2,39 2,38 2,44 42% 41% 36% 34% 32% 26% 11% 3% 3% 3% GAC CCC GTC GAC GAC TAC CTC TGC TGC TGC Asp Pro Val Asp Asp Tyr Leu Cys Cys Cys Tableau III-14 : Activité initiale et activité résiduelle en microplaque après 15 min à 60°C pour 10 mutants obtenus par mutagenèse de saturation sur la position 244. Parmi les variants qui possèdent une bonne activité et une bonne thermostabilité, le variant 244A est celui possédant la plus forte activité après la lipase sauvage. On notera que les variant 244V et 244P possèdent eux aussi à la fois une bonne thermostabilité et une bonne activité. Les autres mutants séquencés présentent des activités variables. Par ailleurs, parmi les mutants obtenus, 40% ne possèdent pas du tout d’activité. Ceci laisse penser que la position 244 a un rôle important dans l’activité de la protéine. Parmi les trois mutants sélectionnés ne présentant pas de thermostabilité, tous correspondent à la lipase native, ce qui laisse supposer que c’est la cystéine qui est responsable de la faible thermostabilité. Nous noterons tout de même que 55% des clones actifs ne présentent pas de thermostabilité (soit 33% de la population totale), ceci signifierait donc une sur-représentation de la cystéine dans cette banque de saturation sur la position 244. Ceci semble possible, en effet, si on s’intéresse aux mutations introduites, on s’aperçoit que tous les mutants portent une cytosine comme dernier codon (comme le codon de la matrice initiale), alors que la position 244 était codée par un codon dégénéré de type NNS (S étant un C ou G). On aurait donc dû obtenir autant de G que de C à cette position. Ainsi, on peut s’imaginer que les amorces portant le codon d’origine se sont hybridées plus facilement. Une autre possibilité est une digestion incomplète de la matrice initiale par Dpn1. Quoi qu’il en soit, sur 3 mutants non thermostables séquencés tous portent une cystéine à la position 244, ce qui laisse supposer un rôle de cet acide aminé dans le mécanisme de dénaturation thermique. Il est à noter que les cystéines peuvent jouer un rôle dans l’agrégation des protéines par la formation de ponts disulfures intermoléculaires. En effet, les cystéines sont des acides aminés très réactifs dans les protéines. Leur auto-oxydation peut conduire à la formation de produits 229 Chapitre III : Résultats d’oxydation comme l’acide sulfénique (R-SOH), l’acide sulfinique (R-SO2H) et l’acide sulfonique (R-SO3H) ou à la formation de ponts disulfures intra ou inter moléculaires. Par exemple, dans le cas de la dénaturation thermique de l’α-amylase, c’est l’autooxydation de la cystéine libre en 30% d’acide sulfénique et 70% de pont disulfures intramoléculaires qui est responsable de l’inactivation de la protéine (Tomazic and Klibanov, 1988). 4.2. Mise en évidence de l’agrégation et de l’échange des ponts disulfures. Pour vérifier si ce mécanisme intervient dans la dénaturation thermique de l’enzyme, la lipase sauvage et le mutant 244A produits sous contrôle du promoteur TEF (non agrégés) en milieu riche et purifiés ont été chauffés à 60°C. Des prélèvements ont été réalisés à différents temps et analysés en chromatographie d’exclusion stérique (Figure III-34) WT 244A Lipase agrégée Lipase agrégée Temps d’incubation à 60°C 0 min 0,5 min 1 min 5 min 4h Temps d’incubation à 60°C Lipase non agrégée 0 min 0,5 min 1 min 5 min 4h Lipase non agrégée Figure III-34 : Profil d’agrégation de la lipase sauvage et du mutant 244A après différents temps d’incubation à 60°C. Analyse par chromatographie d’exclusion stérique Dès les premières minutes de chauffage, la lipase sauvage et le mutant 244A s’agrègent. On notera que pour 1 minute de dénaturation, il reste encore de la lipase 244A non agrégée alors que toute la lipase sauvage est agrégée. Il est cependant difficile de suivre précisément cette cinétique d’agrégation, car la concentration d’enzyme inactivée n’est pas assez élevée pour que les protéines soient détectées clairement en sortie de chromatographie d’exclusion stérique. Deux principaux mécanismes sont responsables de l’agrégation observée lors de la dénaturation thermique ; la cinétique et l’importance relative de chacun d’eux varient selon les protéines et les conditions de dénaturation (force ionique, pH…). Le premier mécanisme d’agrégation peut avoir lieu pour diminuer l’exposition des parties hydrophobes dues à la perte de la conformation de la protéine. Dans un deuxième mécanisme, les cystéines (libres ou impliquées dans un pont disulfure) qui ne sont pas accessibles dans la forme native de la 230 Chapitre III : Résultats protéine peuvent devenir réactives suite à leur exposition due à la perte de la conformation de la protéine, et ainsi des réarrangements de ponts disulfures peuvent avoir lieu. Dans le but de mieux comprendre le mécanisme mis en jeu, les fractions agrégées ont été récupérées en sortie de chromatographie d’exclusion stérique et des analyses ont été réalisées par gel SDS page (Figure III-35), les échantillons ayant été préalablement traités avec ou sans 4h WT 244A 5 min 1 min 4h WT 244A WT 244A WT 244A 5 min WT 244A 0 min 1 min WT 244A Masse moléculaire (kDa) WT 244A 0 min WT 244A agent réducteur. La lipase non agrégée a aussi été déposée comme contrôle. 97,4 66,3 55,4 36,5 31,0 21,5 14,4 sans agent réducteur avec agent réducteur Figure III-35 : Gel SDS Page des fractions agrégées collectées sortie de chromatographie d’exclusion stérique obtenues pour différents temps d’incubation à 60°C pour la lipase native et le mutant 244A. La lipase non agrégée (0 minute) a aussi été déposée sur le gel pour contrôle. A droite le gel des échantillons traités sans agent réducteur, à gauche le gel des échantillons traités avec agent réducteur. Si on ne met pas d’agent réducteur, la lipase non agrégée sort à la taille attendue, par contre la lipase agrégée laisse un smear sur le gel et ne sort pas à la taille attendue mais sous différentes formes de tailles supérieures. La lipase reste donc agrégée même après dénaturation en présence de SDS. Ceci met en évidence que les agrégats sont reliés entre eux par des liaisons covalentes ; en effet de simples interactions hydrophobes sont détruites par ce type de dénaturant. Généralement, pour les gels SDS page, un agent réducteur est utilisé pour réduire les ponts disulfures. Ici, l’utilisation d’un agent réducteur sur les fractions agrégées permet de retrouver la taille attendue de la lipase. Ceci signifie donc que ces agrégats sont très probablement reliés entre eux par des ponts disulfures intermoléculaires. Ceci n’exclue pas pour autant d’autres interactions de type hydrophobe dans ces agrégats. 231 Chapitre III : Résultats 4.3. Perspectives 4.3.1. Discussion sur le système d’expression Le problème de l’acide oléique Le système de criblage mis au point a permis d’identifier le mutant 244A comme ayant une thermostabilité améliorée. Cependant, de nombreux faux positifs ont été obtenus, et les étapes de vérification ont été coûteuses en temps, pour finalement ne pas réussir à identifier avec certitude des variants améliorés de deuxième génération. De plus, la caractérisation du variant isolé lors du premier tour d’évolution dirigée a nécessité le changement du système d’expression. Ainsi, pour réaliser des banques destinées au criblage de la thermostabilité, le système mis au point précédemment présente encore quelques inconvénients. L’acide oléique utilisé pour l’induction de l’expression protéique est en grande partie à l’origine de ces troubles car il semble être la source de la variabilité importante entre les cribles. Deux solutions sont envisageables pour améliorer le système. La première consisterait à utiliser TEF et non POX2 comme promoteur pour la réalisation de la banque. Cependant les transformations réalisées avec TEF comme promoteur donnent des transformants avec une grande hétérogénéité de tailles, ce qui semble signifier que l’intégration n’a pas lieu (seulement) à la plate-forme d’intégration. Une explication possible est qu’à proximité du promoteur TEF, l’expression du gène Ura3d1 ne soit pas très bonne. Ceci conduit à des intégrations multicopies et explique la différence de taille entre les transformants. Une vérification du nombre de copies par Southern sur différents transformants pourrait être réalisée pour confirmer cette hypothèse. L’utilisation de ce promoteur rend donc inefficaces les améliorations apportées par la souche zéta, car la reproductibilité de l’expression n’est plus possible à cause de la variabilité génétique des transformants. Cependant, une complémentation avec d’autres marqueurs de sélection qui ne seraient pas affectés par la proximité du promoteur TEF reste tout à fait envisageable. L’autre solution serait de continuer d’utiliser le système déjà en cours mais sans acide oléique. A partir d’un clone possédant Lip2 sous contrôle du promoteur POX2, plusieurs cultures ont été réalisées en microplaques dans des milieux différents avec ou sans acide oléique et avec ou sans glucose (48 puits par conditions). Les résultats préliminaires sont donnés dans le tableau III-5. Cette manipulation n’a pas été réalisée avec les robots de la plate-forme de criblage. 232 Chapitre III : Résultats Tableau III-15 : Activité et coefficient de variation obtenus pour 48 puits à partir du même clone dans différents milieux de culture. Milieux pente (mUDO/min) CV % YTO0,25 YTD0,025O0,25 YT YTD0,1 333 319 301 103 14% 21% 6% 14% L’activité la plus faible est mesurée pour les clones ayant poussé en présence de glucose à 1 g/L. Ceci confirme que le glucose a un effet répresseur sur le promoteur POX2. Les plus fortes activités quant à elles sont trouvées pour les milieux contenant de l’acide oléique. La présence de glucose ne semble pas avoir d’effet répresseur sur la quantité de lipase produite. Ceci s’explique par le fait qu’il a été introduit dans des quantités très faibles (0,25 g/L) dans le but d’aider au démarrage de la croissance. Pour le milieu ne contenant ni acide oléique, ni glucose, une activité quasi identique aux activités obtenues en présence d’acide oléique est observée. Ces résultats préliminaires permettent d’envisager une expression de lipase en microplaque avec le promoteur POX2 sans l’utilisation d’acide oléique. Le système devra être validé par une analyse statistique sur un plus grand nombre de clones. Les banques de mutants ont été conservées et pourraient être soumises à ce système de criblage. L’effet de la concentration en protéine Nous venons de voir que la concentration en protéine était un facteur prépondérant dans l’agrégation de Lip2 lors de sa dénaturation thermique. Ceci met en évidence l’intérêt du système d’expression mis au point. En effet, la standardisation de l’expression protéique évite l’apparition de faux positifs qui ressortiraient plus thermostables à cause d’un niveau d’expression bas et donc d’une concentration plus faible en solution. Cependant, une des limites de notre système de criblage repose sur la concentration de protéine produite, bien plus faible que la concentration visée de l’enzyme. A de faibles concentrations, la mutation de la cystéine libre a un effet sur la cinétique d’agrégation, et la thermostabilité est largement améliorée, toutefois à des concentrations plus importantes, l’amélioration de la thermostabilité est bien moindre. Cet inconvénient n’est pas spécifique au système de criblage développé avec la levure Y. lipolytica, mais est retrouvé dans tous les systèmes de criblage haut-débit qui nécessitent la miniaturisation des conditions de culture et d’expression protéique. D’autre part, cet inconvénient ne sera un problème que si la caractéristique à améliorer est dépendante de la concentration en protéine, comme dans notre 233 Chapitre III : Résultats cas où la dénaturation thermique est dépendante de l’agrégation (donc de la concentration) des protéines. Conclusion Le système de criblage mis au point présente des imperfections, notamment à cause de la présence d’acide oléique ; nous avons discuté plusieurs méthodes pour remédier à ce problème (changement du promoteur et du système de sélection et expression protéique sans acide oléique avec le système existant). D’autre part, la miniaturisation de toutes les étapes (croissance et expression protéique), nécessaire au maintien d’un haut débit de criblage, a pour conséquence d’avoir une production faible de lipase et a conduit à isoler un mutant, qui une fois exprimé à plus grande échelle, ne présentait pas l’amélioration de la thermostabilité attendue. Ce type de problème n’est pas spécifique de l’expression des protéines dans la levure de Y. lipolytica et s’applique à tous les systèmes de criblage où la miniaturisation est nécessaire. En outre, il est spécifique de phénomènes où la concentration en protéine va moduler la caractéristique à améliorer, c’est le cas des mécanismes d’agrégation intervenant dans la dénaturation thermique des protéines. Dans notre cas, ce mécanisme de dénaturation pourrait peut-être être atténué en travaillant à pH acide car le phénomène de réarrangement des ponts disulfures à pH acide est de faible ampleur (voir partie suivante). Si l’agrégation par ce biais peut être annihilée, alors un crible à pH acide permettant de mettre en évidence d’autres moyens d’améliorer la thermostabilité de Lip2 peut être envisagé. 4.3.2. Discussion sur le réarrangement des ponts disulfures Nous avons montré que l’un des mécanismes prépondérants intervenant dans la dénaturation de Lip2 était son agrégation rapide sous forme d’agrégats reliés entre eux par des ponts disulfure intermoléculaires. Ce phénomène d’interchange des ponts disulfures est bien documenté dans la littérature (Volkin and Klibanov, 1987). Ce mécanisme est initié par une attaque nucléophile des ions thiolates sur un pont disulfure existant. Ainsi, la présence d’une cystéine libre dans la protéine qui représente un groupement thiol potentiellement réactif peut initier ce réarrangement des ponts disulfures. L’amélioration de la thermostabilité observée lorsque la cystéine 244A est mutée par n’importe quel autre acide aminé va dans ce sens. Un tel phénomène a déjà été observé dans la littérature. Ainsi, pour la β-lactoglobuline qui contient une cystéine libre et deux ponts disulfures, si la cystéine libre est complexée avec du N-éthylmaleimide (Kitabatake, et al., 2001), ou si elle est remplacée par une sérine (Jayat, et al., 2004), alors, les phénomènes d’agrégation intermoléculaires qui ont lieu avec la protéine 234 Chapitre III : Résultats native sont totalement annihilés. Dans notre cas, la mutation de la cystéine libre 244 a permis de diminuer la rapidité de ce phénomène (aux faibles concentrations) sans pour autant le stopper. En effet, des ions thiolates peuvent être générés sans qu’il y ait besoin d’avoir une cystéine libre dans la protéine initiale, ils sont issus de la β-élimination des ponts disulfures et catalysent le réarrangement des ponts disulfures. Ainsi, la réaction est rapide à pH basique (car le pKa des thiols dans les protéines varie généralement entre 8 et 9,5 et que la βélimination est favorisée à ces pH) et quasi inexistante à pH acide. De la réactivité des cystéines et des conditions de dénaturation (pH, force ionique, présence d’autres composés dans le milieu) dépendra l’importance de ce mécanisme. Ce mécanisme d’interchanges de ponts disulfures est exploité dans certains cas ; en effet le contrôle des conditions de dénaturation peut aboutir à une polymérisation contrôlée pour la fabrication de gels alimentaires aux propriétés rhéologiques intéressantes (Alting, et al., 2004). Ce mécanisme est compatible avec le positionnement des cystéines dans le modèle de la structure 3D de Lip2 (Figure III-36) dont la construction est détaillée dans la troisième partie de ce manuscript, celles-ci sont reparties en deux groupes. Le premier groupe est composé par les cystéines 30 et 299 d’une part, et les cystéines 43 et 47 d’autre part. Le deuxième groupe est constitué par la cystéine 244 et les deux ponts disulfures restants Cys 120-123 et Cys 265273. Ce positionnement des cystéines à proximité les unes des autres rend possible les mécanismes de réarrangement de ponts disulfures intramoléculaires. Par ailleurs, tous les ponts disulfures se situent à la surface de la protéine, ce qui rend possible les réarrangements intermoléculaires. On notera que même si la cystéine libre 244 est assez enfouie, cela n’exclue pas le fait qu’elle soit capable de réaliser des ponts disulfures intermoléculaires, car les premières étapes de la dénaturation thermique peuvent conduire à un dépliement de la protéine qui peut rapprocher certaines zones a priori éloignées. Cys 120-123 Cys 120-123 Cys 43-47 Cys 43-47 Cys 244 Cys 244 Cys 30-299 Cys 30-299 Cys 265-273 Cys 265-273 Figure III-36 : Modèle de la structure tridimensionnelle de la lipase Lip2. Les cystéines impliquées dans des ponts disulfures sont colorées en vert, la cystéine libre 244 en rose. A) Forme ruban. Les cystéines ont été représentées en mode CPK. B) Mode surface. 235 Chapitre III : Résultats La compréhension de ce mécanisme de dénaturation ouvre la voie à de nombreuses possibilités pour améliorer la thermostabilité de Lip2 et permet de comprendre des phénomènes observés au cours de cette thèse : • Pour expliquer le rôle de l’acide oléique dans la thermostabilité de Lip2, on notera que la présence d’une interface peut changer la structure tridimensionnelle de la protéine et exposer les groupements sulfhydryl et les cystéines dans une conformation qui les rend plus réactifs (Visschers and de Jongh, 2005). Ainsi, un groupement sulfhydryl est responsable de la polymérisation de protéines en présence d’une interface eau/chlorure de méthylène (Sah, 1999). • Comme le mécanisme d’interchange des ponts disulfures est quasi inexistant à pH acide, une étude de la thermostabilité de Lip2 dans ces conditions serait intéressante ; jusque là aucune étude n’a étudiée la thermostabilité de la lipase dans ces conditions. Or, Lip2 est également étudiée pour sa stabilité à pH acide. On peut espérer une thermostabilité améliorée si le phénomène d’agrégation était enrayé à ces pH acides. Rappelons que la composante « interchange des ponts disulfures » n’est pas le seul phénomène impliqué dans l’agrégation des protéines qui peuvent aussi s’agréger pour éviter l’exposition de zones hydrophobes. De même, un crible de la thermostabilité dans des conditions de pH acides sur les banques déjà obtenues permettrait peut être d’améliore, non pas la thermostabilité cinétique de Lip2 (phénomène d’agrégation) mais la thermostabilité thermodynamique de la lipase. • Nous avons vu que l’agrégation était responsable de la dénaturation thermique de Lip2. Une des techniques pour éviter l’agrégation est d’immobiliser la lipase sur un support inerte ainsi, le phénomène d’agrégation et la formation de ponts disulfures intermoléculaires ne peuvent avoir lieu et la stabilité de la lipase s’en trouvera très certainement améliorée. Une procédure d’immobilisation est actuellement en cours au laboratoire. Cette immobilisation de l’enzyme permettrait par ailleurs de pouvoir travailler dans des conditions non aqueuses (en solvant organique), ce qui a pour effet empêcher les mécanismes de dénaturation liés à l’eau. • Si on s’intéresse maintenant aux autres lipases de la famille de Y. lipolytica et que l’on considère l’hypothèse selon laquelle l’interchange de ponts disulfures est une cause majeure dans la dénaturation thermique de Lip2, on s’aperçoit que la lipase Lip2 de Y. lipolytica possède trois cystéines supplémentaires par rapport aux lipases homologues 236 Chapitre III : Résultats et que la cystéine libre 244 n’est présente chez aucune de ses homologues (Figure III-37). Cette représentation surnuméraire des cystéines (dont une cystéine libre) explique probablement la sensibilité de Lip2 aux mécanismes de réarrangement de ponts disulfures. Lipase de R. miehei C30 C40 C43 C235 C244 C268 Lipase de R. niveus C29 C40 C43 C235 C244 C 268 Lipase de T. lanuginosa C22 C36 C41 C104 C107 Lipase de Y. lipolytica C30 C43 C47 C120 C123 C 268 C244 C265 C273 C 299 Figure III-37 : Arrangement des ponts disulfures chez la lipase Lip2 (prédictions) et chez les lipases homologues de structures connues. Une des voies pour améliorer la thermostabilité de cette lipase passe peut être par l’ingénierie des ponts disulfures. Les ponts disulfures conservés pour toutes ces lipases sont les pont C4347 et C30-C299. La délétion de ce dernier chez la lipase de Y. lipolytica entraîne une lipase très peu active (voir pagraphe 2.1.1.c de la troisème partie du chapitre résultat) et la construction de ce pont dans la lipase de P. camembertii a pour effet d’améliorer la thermostabilité de cette lipase. Par contre, les lipases homologues possèdent soit les homologues des cystéines 120-123 (c’est le cas pour la lipase de T. lanuginosa), soit les homologues des cystéines 265-273 (c’est le cas pour les lipases de R. miehei et R. niveus), alors que la lipase Lip2 possède ces deux ponts disulfures. La délétion des ponts disulfures 120-123 et 265-273, qui ne sont pas unanimement conservés dans toutes les protéines homologues nous semble une stratégie judicieuse et plus particulièrement, la délétion du pont disulfure 265-273 car celui-ci est absent de la lipase de T. lanuginosa réputée pour sa thermostabilité. 237 Chapitre III : Résultats 5. Conclusion générale : Le système d’expression mis au point pour l’évolution dirigée d’enzymes chez la levure Y. lipolytica a permis d’isoler un mutant thermostable. Ce mutant présente des temps de demi-vie améliorés de un à deux ordres de grandeur par rapport à la lipase native. A 60°C le temps de demi-vie du variant amélioré est 127 fois plus important que celui de la lipase native ! La caractérisation de ce mutant a nécessité un changement de système d’expression. En effet, le promoteur POX utilisé était induit par les acides gras, ce qui conduisait à la formation de lipase dans des complexes lipides-enzymes de hauts poids moléculaires. Ceci nous a amenés à utiliser et caractériser un promoteur rarement utilisé chez cette levure : le promoteur TEF. Ce promoteur présente un avantage dans le cadre de notre étude car il est constitutif et permet d’exprimer la lipase au fur et à mesure de la croissance en l’absence d’acide gras. La lipase produite dans ces conditions est alors sous forme non agrégée. Par ailleurs, c’est un promoteur fort qui permet en présence d’acide gras d’obtenir des productions d’enzyme deux fois plus importantes qu’avec le promoteur POX. Pour la caractérisation de ce mutant, nous avons été également amenés à développer un système efficace de purification de la lipase Lip2 qui conduit à une monobande sur gel d’électrophorèse coloré au nitrate d’argent. La caractérisation de la thermostabilité de ce mutant nous a par ailleurs permis de mettre en évidence que les mécanismes prépondérants intervenant dans la dénaturation de Lip2 étaient l’agrégation et l’interchange de ponts disulfures. La compréhension fine de ce mécanisme de dénaturation a permis de proposer des améliorations possibles de la thermostabilité de Lip2, soit en jouant sur l’enzyme elle-même (ingénierie rationnelle des ponts disulfures), soit en modulant les conditions de mise en œuvre (milieu à pH acide, immobilisation de l’enzyme et mise en œuvre en solvants organiques). Ainsi, des tests complémentaires restent à réaliser, non seulement pour continuer la caractérisation du variant amélioré (et notamment étudier l’effet de la mutation sur l’optimum d’activité de l’enzyme) mais aussi pour mieux comprendre les mécanismes de dénaturation de l’enzyme selon les conditions d’utilisation (pH, milieux non aqueux…). En outre, le criblage de la banque des 5500 mutants de deuxième génération dans de nouvelles conditions (sans acide oléique ou à pH acide) reste une voie de choix pour continuer d’améliorer la thermostabilité de Lip2. 238 Chapitre III : Résultats Troisième partie : Vers la résolution de la structure tridimensionnelle de la lipase Lip2 La lipase Lip2 a déjà de nombreuses applications sur un plan biotechnologique, elle est déjà utilisée dans la dépollution des effluents chargés en matière grasse et le maintien de son activité à pH acide sur les substrats à longue chaîne carbonée en font un candidat de choix pour le traitement de l’insuffisance pancréatique exocrine humaine (Aloulou et al., 2007). Cette maladie, due à une déficience en lipase pancréatique, se traduit par une incapacité à digérer les lipides. La lipase Lip2 est actuellement en cours d’évaluation clinique pour son utilisation en tant que substitut à la lipase pancréatique humaine, et pourrait donc être prescrite auprès de patients souffrant de cette déficience (malades souffrant de la mucoviscidose entre autres). Ce biocatalyseur possède par ailleurs des intérêts dans le domaine des biotransformations de par sa sélectivité envers différentes classes de substrats d’intérêt industriel (Tableau I-12). Ainsi, la lipase Lip2 possède une énantiosélectivité envers les esters d’acides bromo-phénylacétiques (Figure III-38) (Guieysse, et al., 2004). Ces composés sont d’un grand intérêt dans l’industrie pharmaceutique, car ce sont des précurseurs à de nombreuses classes de médicaments comme la prostaglandine, la protacycline, les pénicillines semi-synthétiques, et les sels de thiazolium. La lipase Lip2 présente notamment une énantiosélectivité très marquée (et jusque là jamais observée pour les autres lipases énantiosélectives sur ce type de composés) envers les esters d’acides bromo-phényl-acétiques substitués en position ortho par un groupe méthyle. Ces composés interviennent dans la synthèse d’analgésiques et d’antagonistes non peptidiques au récepteur II de l’angiotensine. Bien que la lipase Lip2 montre une énantiosélectivité plus importante que celles auparavant décrites dans la littérature pour ce type de composés (E=27 en faveur du composé S contre E =11 pour la lipase de R. miehei immobilisée sur polypropylène dans le cas d’une transestérification entre l’ester éthylique de cet acide et l’octanol), l’énantiosélectivité obtenue reste insuffisante pour une application pharmaceutique où une énantiosélectivité supérieure à 200 est requise. 239 Chapitre III : Résultats Br Br O-Eth O CH3 Lipase O + Octanol R, S Br O-Oct CH3 RS O-Eth + O CH3 + Ethanol SR Figure III-38 : Exemple de réaction de transestérification entre un ester éthylique d’acide bromo phényl acétique et l’octanol catalysé de manière énantiosélective par la lipase Lip2 de Y. lipolytica. La lipase Lip2 de Y. lipolytica présente par ailleurs une sélectivité intéressante envers le DHA (l’Acide DocosaHexaènoïque voir figure III-39). Cet acide gras de la famille des Oméga 3 est retrouvé dans les poissons gras (saumon, thon, hareng, sardine, maquereau…). Il possède un grand nombre de vertus, il a notamment des effets bénéfiques sur la prévention des risques de maladies cardiovasculaires, et joue un rôle important dans la vision, le système nerveux, le cerveau. Ses propriétés nutraceutiques sont exploitées dans le cadre de commercialisation de compléments alimentaires enrichis en DHA. Lip2 est capable de concentrer les esters éthyliques de DHA à 85 % à partir d’un mélange d’esters éthyliques issus d’huile de thon contenant 25% d’ester de DHA. Figure III-39 : Molécule de DHA Dans de nombreux cas, bien que la sélectivité de la lipase soit intéressante, elle n’est pas suffisante pour une application industrielle et demande à être améliorée. La compréhension des mécanismes de sélectivité de la lipase et l’étude des relations structure-fonction pourrait permettre d’améliorer par évolution rationnelle la sélectivité de cette lipase envers les différents substrats d’intérêt industriel. Cependant, pour que de telles études soient possibles, il faut avoir accès à la structure tridimensionnelle de l’enzyme. A ce jour la structure de cette lipase d’intérêt n’a pas été résolue C’est pourquoi nous nous sommes lancés dans l’étude structurale de cette lipase d’intérêt. La méthode la plus utilisée pour la résolution de structure des protéines est la méthode de cristallographie des protéines et la diffraction aux rayons X. Pour ce type d’expérience, il est nécessaire de disposer d’enzyme purifiée en grande quantité. Ce chapitre présentera donc les différentes étapes que nous avons suivies pour tenter de résoudre la structure de cette lipase d’intérêt. 240 Chapitre III : Résultats 1. De la production de la lipase aux premiers essais de cristallisation 1.1. Production d’enzyme utilisable pour les essais de cristallisation. La lipase de Y. lipolytica est naturellement sécrétée par la levure sauvage. Cependant, les souches sauvages ne sont pas adaptées pour la production de protéines notamment à cause de la sécrétion de protéases. La lipase a donc été exprimée de manière homologue dans une souche de Y. lipolytica modifiée, plus appropriée à la production de protéines recombinantes : la souche JMY1165. Cette souche est issue de la souche po1d qui comme nous l’avons vu dans le chapitre bibliographique présente de nombreux avantages ; elle permet notamment de hauts niveaux de production de protéines et la protéase extracellulaire alcaline a été délétée. Cette souche ne possède pas de zone Zéta. D’autre part, elle est auxotrophe à l’uracile et les gènes de la lipase sauvage, ainsi que de deux autres lipases (Lip7 et Lip8) ont été délétés. Une cassette d’expression contenant la lipase sous contrôle du promoteur POX2 inductible à l’acide oléique a été insérée dans cette souche : la nouvelle souche est la souche que nous avons communément utilisée pour produire la lipase. Pour produire la lipase dans ce système d’expression, une première phase de croissance est réalisée sur glucose et une seconde phase d’expression a lieu en présence d’acide oléique. Celui-ci joue à la fois le rôle d’inducteur et de source de carbone. La production de lipase dans ces conditions conduit à la formation d’une enzyme très pure comme on peut le voir par analyse SDS page (voir figure III-42) : 1.1.1. Site de glycosylation et cystéine libre Pour les essais de cristallogenèse, il a été décidé de réaliser les premiers tests avec l’enzyme sauvage et plusieurs variants de l’enzyme. Il a tout d’abord été décidé de travailler avec un variant non glycosylé de Lip2 car la glycosylation des enzymes peut gêner leur cristallisation. En effet, même si certaines protéines ont pu être cristallisées en présence d’une chaîne de glycosylation (Imberty and Perez, 1995), il est communément admis que des cristaux de bonne qualité sont souvent difficiles à obtenir à cause de l’hétérogénéité, la flexibilité, et la mobilité des chaînes de glycosylation. Il est donc nécessaire d’étudier plus en détail la glycosylation de la lipase Lip2. La N-glycosylation se fait au niveau des asparagines situées dans les séquences consensus Asn-X-Ser ou Asn-X-Thr, où X est un acide aminé quelconque. On notera que la O241 Chapitre III : Résultats glycosylation des protéines est aussi possible mais que, à ce jour, les déterminants de cette glycosylation n’ont pas encore été totalement élucidés. La lipase Lip2 de Y. lipolytica est une lipase glycosylée (Pignede, et al., 2000a). L’analyse de la séquence primaire de la lipase de Y. lipolytica a permis d’identifier deux sites potentiels de N-glycosylation Asn113-Ile114Ser115 et Asn134-Asn135-Thr136. Pour vérifier ces prédictions, nous avons, en collaboration avec l’INRA de Grignon (Laboratoire de Chimie Biologique et Laboratoire de Microbiologie et Génétique Moléculaire), tenté d’analyser plus en détail la structure de la protéine par Spectrométrie de masse couplée avec la chromatographie liquide. Plusieurs analyses ont été réalisées. La protéine a été digérée par différentes protéases, la trypsine qui coupe les protéines après une lysine (K) ou une arginine (R) ou l’endoprotéase Asp-N qui coupe avant un acide aspartique (D). Après digestion de la protéine par les protéases, les fragments sont alors séparés en fonction de leur masse par HPLC et leur masse déterminée à l’aide d’un spectromètre de masse. Ainsi l’analyse de la digestion trypsique de la protéine après réduction au DTT et alkylation par la 4 vinyl pyridine des cystéines, permet de retrouver tous les fragments à la taille attendue sauf le fragment correspondant au peptide Ile100-Lys143 (Figure III-40). Ce peptide contient les deux sites de glycosylation potentiels. D’autre part des peptides de taille moléculaire plus élevée sont observés. La lipase Lip2 est donc glycosylée sur au moins un des deux sites. Pour affiner ce résultat et identifier précisément la position des sites de glycosylation, la protéine réduite au DTT et alkylée par la 4 vinyl pyridine a été digérée par l’endoprotéase Asp-N qui coupe entre les deux sites de glycosylation potentiels (Figure III41). A nouveau l’analyse HPLC/MS permet d’identifier tous les fragments à la taille attendue sauf les deux fragments Leu110-Asp121 et Cys123-Asp245 contenant respectivement les sites de glycosylation Asn113-Ile114-Ser115 et Asn134-Asn135-Thr136. De même, des peptides de taille moléculaire plus élevée sont observés. De cette analyse, on déduit que la lipase Lip2 est glycosylée sur les deux sites de glycosylation. La déglycosylation de l’enzyme par endoglycosydase endoHf (NEB), conduit à l’obtention des peptides de taille attendue et les peptides de masse moléculaire plus élevée disparaissent. 242 Chapitre III : Résultats 18 FEK / YAR / LANIGYCVGPGTK / IFK / PFNCGLQCAHFPNVELIEEFHDPR / LIFDVSGYLAV 74 75 DHASK / QIYLVIR / GTHSLEDVITDIR / IMQAPLTNFDLAANISSTATCDDCLVHNGFIQSYNNTYNQIGPK / 143 144 LDSVIEQYPDYQIAVTGHSLGGAAALLFGINLK / VNGHDPLVVTLGQ 189 190 PIVGNAGFANWVDK / LFFGQENPDVSK / VSK / DR / K / LYR / ITHR / GDIVPQVPFWDGYQHCSGEV 248 249 FIDWPLIHPPLSNVVMCQGQSNK / QCSAGNTLLQQVNVIGNHLQYFVTEGVCGI 301 Figure III-40 : Profil de digestion de la lipase Lip2 de Y. lipolytica par la trypsine, (après les résidus lysine et arginine). Si la digestion a lieu après réduction au DTT et alkylation par la 4 vinyl pyridine des cystéines, tous les fragments sont à la taille attendue sauf le fragment Ile100-Lys143 (entouré en gras) contenant les deux sites potentiels de glycosylation (surlignés en gris). 18 FEKYARLANIGYCVGPGTKIFKPFNCGLQCAHFPNVELIEEFH /DPRLIF / DVSGYLAV / DHASKQIYLVI 85 86 RGTHSLE / DVIT / DIRIMQAPLTNF / DLAANISSTATC / D / DCLVHNGFIQSYNNTYNQIGPKL / 144 145 DSVIEQYP /DYQIAVTGHSLGGAAALLFGINLKVNGH / DPLVVTLGQ 189 190 PIVGNAGFANWV / DKLFFGQENP / DVSKVSK / DRKLYRITHRG / DIVPQVPFW / DGYQHCSGEV 248 249 FI / DWPLIHPPLSNVVMCQGQSNKQCSAGNTLLQQVNVIGNHLQYFVTEGVCGI 301 Figure III-41 : Profil de digestion de la lipase Lip2 de Y. lipolytica par l’endoprotéase Asp-N, (coupure avant les acides aspartiques). Si la digestion a lieu après réduction au DTT et alkylation par la 4 vinyl pyridine des cystéines, tous les fragments sont à la taille attendue sauf les fragments Leu110-Asp121 et Cys123-Asp245 (entouré en gras) contenant respectivement les sites de glycosylation Asn113-Ile114-Ser115 et Asn134-Asn135-Thr136 glycosylation (surlignés en gris). Comme la glycosylation peut être un frein à la cristallisation, nous avons décidé de déléter les deux sites de glycosylation identifiés. La sérine 115 et la thréonine 136 ont été nos premières cibles de mutagenèse dirigée, toutes deux ont été changées par une valine. Les deux variants sont correctement excrétés chez Y. lipolytica (voir gel d’électrophorèse Figure III-42), cependant, le variant T136V ne présente pas d’activité enzymatique (voir tableau III-16 pour les activités pNPB mesurées pour la lipase sauvage et les mutants). La suppression de ce site de glycosylation a donc été obtenue par la mutagenèse de l’asparagine 134 en glutamine. Celui-ci présente une activité presque trois fois supérieure à la lipase sauvage. Le double mutant 115-134 a aussi été construit et exprimé chez Y. lipolytica, la lipase sécrétée est active, elle aussi présente une activité légèrement supérieure par rapport à la lipase sauvage. On notera cependant que l’augmentation de l’activité hydrolytique par unité de volume des variants est peut-être due à des quantités d’enzyme sécrétées plus ou moins importantes. En 243 Chapitre III : Résultats effet, dans ce cas la lipase Lip2 et ses variants n’ont pas été construits dans la souche JMY1212. Une analyse plus fine des activités ne peut se faire qu’à partir d’un dosage de protéine et la détermination des activités spécifiques. La différence de taille observée sur les gels d’électrophorèse (Figure III-42) entre la lipase sauvage et les mutants de simple et double déglycosylation (Figure X), montre que les deux sites précédemment identifiés sont effectivement glycosylés. Un traitement avec une endoglycosidase permet d’atteindre la même taille que pour le double mutant déglycosylé. Ainsi la lipase Lip2 possède deux sites de glycosylation en position 113 et 134, mais la glycosylation n’est pas nécessaire pour le maintien de l’activité catalytique. De tels résultats avaient déjà été obtenus par d’autres équipes (Aloulou, et al., 2007b; Pignede, et al., 2000a; Yu, et al., 2007b), mais les mutants de glycosylation permettent de s’affranchir d’une étape supplémentaire. 1 2 3 4 5 6 M2 Masse moléculaire (kDa) 100 75 50 37 25 20 15 Figure III-42 : Gel d’électrophorèse de Lip2 sauvage (puits 1) et des variants de glycosylation. Lipase sauvage (puits 1), 115 V (puits2), 134Q (puits 3), 136V (puits 4), 115-134 (puits 5) et 115-136 (puits 6). Tableau III-16 : Récapitulatif des activités pNPB de la lipase sauvage et des variants de glycosylation. Variant Activité U/mL Sauvage 21,6 115 V 36,1 134Q 58,9 136V 0,5 115V-134 Q 27,9 115V-136V 1,0 244A 18,2 115V-134Q-244A 11,0 244 Chapitre III : Résultats Ces résultats ont donné lieu à une publication « Analysis of Yarrowia lipolytica extracellular lipase Lip2p glycosylation » (2007) dans FEMS Yeast Reseach. La présence de cystéine libre quant à elle, peut favoriser la formation de ponts disulfures intermoléculaires, et être un inconvénient pour les expériences de cristallisation (Koch, et al., 2006). D’après les conclusions concernant l’arrangement des ponts disulfures (paragraphe 2.1.1.c de cette partie), la lipase Lip2 de Y. lipolytica possède une cystéine libre en position 244. Cet acide aminé a donc été muté en alanine par mutagenèse dirigée et le triple mutant 115-134-244 a été construit. 1.1.2. Développement d’un système d’expression pour produire de la lipase non agrégée Avant de se lancer dans des essais de cristallisation, plusieurs point doivent être vérifiés : la protéine doit être pure (95% étant un minimum) et doit être sous forme monodisperse, c’est à dire qu’elle doit exister sous une seule forme oligomérique, et pas sous forme agrégée. En effet, il est généralement admis que l’homogénéité conformationnelle d’un échantillon protéique lui donne de meilleures chances de former des cristaux qui diffractent bien (FerréD'Amaré and Burley, 1994). Des résultats obtenus par ailleurs (paragraphe 2.2.2 de la première partie du chapitre Résultats) montrent que la lipase Lip2 produite en présence d’acide oléique est formée sous forme de complexes lipides-protéines. Deux types d’analyses complémentaires, la chromatographie d’exclusion stérique, et l’analyse par diffusion dynamique de la lumière (DLS : Dynamic Light Scattering), ont permis de vérifier que l’enzyme produite dans ces conditions était formée sous forme de complexes lipides-protéines lorsqu’elle était produite en présence d’acide oléique (Figure III 21). Un tel comportement peut être un frein pour des expériences de cristallisation ; au vu de la taille des agrégats, il ne peut s’agir d’un état oligomérique organisé car ces agrégats représentent plus de 35 fois la masse de la lipase. Par conséquent, l’état agrégé de l’enzyme est un réel problème, aucun essai de cristallisation ne peut être lancé avec de l’enzyme sous cette forme. Ainsi tout comme pour la caractérisation de la thermostabilité, la production de lipase utilisable pour des essais de cristallisation a nécessité une production de l’enzyme de manière non agrégée. Pour produire la lipase de manière non agrégée, le gène de la lipase a été mis sous contrôle d’un nouveau promoteur : le promoteur du gène TEF (facteur 1α d’élongation 245 Chapitre III : Résultats de la traduction). Ce promoteur fort permet une expression constitutive de la lipase en milieu riche et permet une production de lipase sans acide oléique. Dans ces conditions la lipase est produite en présence de glucose et de manière non agrégée. 1.1.3. Purification de l’enzyme La purification de l’enzyme a été réalisée selon le protocole mis au point au laboratoire. Celui-ci est composé de deux étapes : une étape de chromatographie ionique suivie d’une étape de chromatographie d’interaction hydrophobe. En sortie de purification la lipase est très pure comme l’atteste le gel SDS PAGE coloré au nitrate d’argent montré sur la figure III-28. La vérification de l’état d’agrégation a été réalisée par chromatographie d’exclusion stérique (Figure III-43) et des analyses complémentaires en DLS ont confirmé que l’enzyme était produite de façon non agrégée (rayon hydrodynamique 3 Å) et avec une faible polydispersité Lipase pure 39 kDa Figure III-43 : Chromatographie d’exclusion stérique de la lipase Lip2 en sortie de purification Nous possédons donc maintenant de l’enzyme pure sous forme monomérique et monodisperse, à partir de laquelle des essais de cristallogenèse peuvent être envisagés. 1.2. Etude de cristallisation avec la lipase native 1.2.1. Criblage automatisé des conditions de cristallisation L’étape de cristallisation est souvent l’étape limitante dans l’obtention d’une structure tridimensionnelle de protéine. En effet, la composition de la solution de cristallisation est dépendante de la protéine étudiée mais ne peut être prédite a priori. C’est donc par l’expérience et de nombreux essais que l’on peut se rapprocher des conditions optimales de 246 Chapitre III : Résultats cristallisation. Cette étape nécessite de tester de nombreuses combinaisons entre les différents composants de la solution de cristallisation, où vont intervenir la nature et la concentration de l’agent précipitant, la nature, la concentration et le pH du tampon de cristallisation, la présence d’additif, la température et la concentration en protéine. Un premier criblage de conditions de cristallisation a été réalisé sur la plate-forme de biocristallisation de l’IPBS. Cette plate-forme permet de cribler rapidement un grand nombre de conditions de cristallisation à partir de cribles commerciaux. La méthode de cristallisation utilisée est la méthode par diffusion de vapeur en goutte assise. Un robot se charge de dispenser la solution protéique et la solution de cristallisation. L’utilisation de cette plateforme a trois avantages majeurs : - Le nombre de conditions de cristallisation qui peuvent être testées : un crible commercial correspond à 96 conditions de cristallisation différentes. - La rapidité avec laquelle sont réalisés les essais. En moins de 20 minutes, 96 conditions de cristallisation peuvent être réalisées. - La quantité de protéine nécessaire. En effet, l’utilisation de robot permet de dispenser de très petits volumes de solution protéique (jusqu’à 0,1 µL) de façon reproductible. Pour tester les 96 conditions de cristallisation d’un crible commercial moins de 15 µL de solution protéique seront nécessaires (contre environ 100 µL pour des essais manuels en plaque 24 puits). Les premiers essais ont été réalisés à partir de 5 cribles commerciaux : Classic, PEG, PEG II, sulfate d’ammonium (Qiagen) et Low ionic (Sigma Aldrich). Chaque crible comprend 96 conditions de cristallisations différentes (voir liste en annexe). L’utilisation de plaques de type Greiner avec 3 puits a permis de tester 3 conditionnements différents pour la lipase : - Conditionnement à 11,7 g/L en Tris 20 mM pH 7,8 - Conditionnement à 17,1 g/l en Tris 20 mM pH 7,8 + 500 mM NaCl - Conditionnement à 16,8 g/l en sortie de purification par interaction hydrophobe (Tris 20 mM pH 7,8 + ≈ 250 mM de sulfate d’ammonium). Des images de chaque puits sont enregistrées par un robot de visualisation et analysées. Après deux semaines, les premières formes cristallines apparaissent dans de nombreuses conditions. Dans un premier temps les conditions contenant du CaCl2 ou du MgCl2 sont écartées, car des cristaux inorganiques se forment assez facilement avec ces deux composés. Les conditions de cristallisation les plus souvent observées contiennent soit du PEG 3350, soit du PEG MME 247 Chapitre III : Résultats 550 comme agents précipitants. Les formes cristallines sont loin d’être parfaites mais constituent une bonne base de départ à améliorer. Un criblage en plaque 24 puits avec ces deux précipitants est donc réalisé. 1.2.2. Affinement des conditions de cristallisation La concentration et le type d’agent précipitant (PEG 3350 20 à 35% p/v et PEG MME 550 25 à 35% p/v), le pH (4,6 à 9,0) et le tampon de cristallisation, ainsi que le conditionnement de la protéine sont affinés par des criblages sur plaque 24 puits, par la méthode de diffusion de vapeur en goutte suspendue. Les conditions de cristallisation retenues sont un mélange volume à volume d’enzyme à 15 g/L conditionnée dans du tampon Tris 20 mM + 500 mM NaCl avec une solution de cristallisation composée d’un tampon 100 mM HEPES pH 7,0 ou pH 7,5 et de 27 % à 28 % p/v de PEG 3350. Les cristaux obtenus apparaissent en moins d’une semaine, les plus gros mesurent 400 µm par 300 µm. Cependant, ils sont très fins (environ 10 à 20 µm), et présentent souvent des irrégularités et une formation en feuillets. La structure en feuillet est problématique car il s’agit d’une superposition de plusieurs structures cristallines qui peut rendre les clichés de diffraction ininterprétables puisque les taches sont issues de la contribution de tous les réseaux cristallins (Figure III-44). 100 µm Figure III-44 : Photos de cristaux obtenus avec la lipase native – Cas extrêmes de structure en feuillet et irrégularités. 1.2.3. Traitement des clichés de diffraction. Cependant, certains cristaux apparaissent comme étant monocristallins (ou les feuillets n’apparaissaient pas à l’œil nu), et plusieurs clichés de diffraction ont été enregistrés à partir de ces cristaux. Les plus intéressants présentent des taches de diffraction utilisables jusqu’à 3 Ǻ. Cependant l’indexation des données est impossible. Une inspection plus approfondie des cristaux montre des irisations dans leur épaisseur prouvant l’existence d’une superposition de réseaux avec des orientations différentes (structure en feuillet voir figure III-44). Le cliché ne 248 Chapitre III : Résultats correspond donc pas à un seul cristal mais à plusieurs cristaux dans des orientations différentes. L’indexation n’est pas possible car il est impossible de savoir quelle tache de diffraction correspond à quel réseau cristallin. Notre travail suivant a donc consisté à améliorer la qualité de ces cristaux. 1.2.4. Tentatives d’amélioration de la structure des cristaux La formation en feuillets des cristaux peut être due à plusieurs phénomènes : - Soit la cristallisation est trop rapide et se fait de manière désordonnée. - Soit la présence d’une cystéine libre en l’absence d’agent réducteur explique une hétérogénéité dans l’empilement cristallin. - Soit la formation en feuillet est due à une hétérogénéité de glycosylation et empêche la formation de monocristaux parfaits Agir sur la concentration de la protéine. Pour obtenir des cristaux plus épais et moins nombreux, une des techniques peut être de diminuer la concentration de la protéine ; l’état de sursaturation est plus faible et plus favorable pour l’obtention d’un empilement cristallin de meilleure qualité. Dans cette optique deux techniques ont été employées - la diminution de la concentration d’enzyme. Des concentrations de 8, 10 et 12 g/L ont été testées. Des cristaux apparaissent jusqu’à une concentration de 10 g/L, mais la structure en feuillets est toujours présente. - la technique de l’ensemencement a été réalisée avec des concentrations d’enzyme allant de 6 à 9 g/L pour éviter la formation de trop nombreux points de nucléation. Les cristaux obtenus présentent à nouveau la structure en feuillets. Agir sur la vitesse de cristallisation Une autre façon d’améliorer la qualité des cristaux peut consister à jouer sur la vitesse de cristallisation par : - la modification du rapport enzyme / solution de cristallisation dans la goutte de cristallisation. Le volume de réservoir ajouté à la solution de protéine est augmenté (rapport 1 volume de protéine pour 2 et 3 volumes de réservoir testé). - l’utilisation d’huile sur le réservoir : l’huile va freiner les échanges de vapeur entre la goutte et le réservoir. L’équilibrage sera donc plus lent à s’établir. Les cristaux obtenus dans ces deux cas présentent tout de même la structure en feuillets. 249 Chapitre III : Résultats Ajout d’additifs pour favoriser une bonne cristallisation De nombreux additifs ont été testés à une concentration de 3 % de façon à estimer leur impact sur la cristallisation : l’éthylène glycol, le glycérol, le PEG 400, le DMSO, l’isopropanol, le (±)-2-Méthyl-2,4-Pentanediol (MPD), l’éthanol et l’acétone. Des cristaux sont obtenus à chaque fois mais aucun de ces composés ne permet d’éviter la formation en feuillets des cristaux de la lipase. D’autre part un détergent souvent utilisé pour la cristallisation d’autres lipases a été testé : le β-octyl glucopyranoside (BOG). Cependant lors de l’échange de tampon sur centricon 10 kDa de la lipase purifiée avec du tampon contenant ce composé à 0,5 %, il n’a pas été possible de récupérer l’enzyme. Celle-ci ayant précipité, les essais de cristallisation n’ont donc pas donné de résultats. Eviter l’oxydation de la cystéine libre Pour éviter l’oxydation de la cystéine libre deux stratégies sont utilisées, la première consiste à travailler avec un agent réducteur (nous avons utilisé le TCEP à une concentration de 1 mM), la deuxième consiste à utiliser un variant de l’enzyme : le mutant C244A, où la cystéine libre a été changée en alanine. Dans les deux cas, des cristaux présentant une structure en feuillet ont été obtenus. Travailler avec l’enzyme déglycosylée Les mutants de déglycosylation 115V-134Q et 115V-134Q-244A ont été construits sous contrôle du promoteur TEF ainsi que le mutant 244A. Ces mutants avaient déjà été construits par mutagenèse dirigée dans le plasmide JMP8, où le gène de la lipase était sous le contrôle du promoteur POX2. Pour une obtention rapide de ces mutants, la lipase mutée a été récupérée du plasmide JMP8 pour être clonée dans le vecteur JMP61-tef débarrassé de Lip2. Le clonage est réalisé avec les enzymes HindIII et EcoRI, après purification sur gel des fragments d’intérêt. Malheureusement, pour les mutants de glycosylation, les transformants chez Y. lipolytica ne présentent qu’une très faible activité : la lipase non glycosylée est très peu exprimée (voir figure III-45). Ce point reste à éclaircir car ces mêmes mutants sous contrôle du promoteur POX2 produits en présence d’acide oléique permettaient d’obtenir des niveaux d’activité comparables à ceux obtenus avec la lipase native (voir tableaux III-42 du début) ; d’autant plus que le mutant 244A présente une activité similaire à la lipase sauvage et présente le même niveau d’expression. 250 Chapitre III : Résultats M 1 2 3 4 5 6 97,4 66,3 55,4 36,5 31,0 21,5 Figure III-45 : Production de différents mutants de la lipase Lip2 sous contrôle du promoteur TEF. 1-lipase sauvage, 2-mutant 244A, 3-mutant 115-134, 4-mutant 115-134-244, 5-mutant 115-134 concentré 10 X, 6-mutant 115-134-244 concentré 10 X. Même en concentrant 10 fois la protéine (gel figure III-45), les niveaux d’activité sont encore loin de ceux obtenus avec la lipase native. Considérant ce faible taux d’expression, une quantité d’enzyme suffisante ne peut donc être obtenue pour des essais de cristallisation. Par conséquent une autre stratégie a été envisagée : la lipase native, produite sous contrôle du promoteur TEF, et purifiée a été déglycosylée après purification par voie enzymatique avec l’endo Hf. Cette enzyme possède un domaine de liaison au maltose et peut donc facilement être éliminée sur colonne dans une dernière étape de purification (Figure III-46). Masse moléculaire (kDa) 100 75 50 37 25 20 15 Figure III-46 : Gel électrophorèse de la lipase native purifiée (puits 1) et de la lipase déglycosylée par l’endo Hf. Après reprise dans du tampon de cristallisation, des tests de cristallisation ont été réalisés avec de l’enzyme déglycosylée à 17 g/L. Ces essais de cristallisation n’ont conduit à la formation d’aucun cristal. L’enzyme déglycosylée ne cristallise pas dans les conditions de cristallisation de la lipase native. Ceci confirme que les chaînes de glycosylation interviennent dans le maintien de l’édifice cristallin et leur hétérogénéité nuit à l’organisation du cristal. Malgré les nombreuses tentatives pour obtenir des cristaux monocristallins, aucune n’a permis de se débarrasser de la formation des feuillets. Par conséquent cette piste de cristallisation est abandonnée. D’autre part, ces irrégularités sont probablement dues aux chaînes de 251 Chapitre III : Résultats glycosylation de la chaîne polypeptidique, par conséquent, de nouveaux tests de recherche de nouvelles conditions de cristallisation sont réalisés avec l’enzyme déglycosylée. 1.3. Etude de cristallisation avec la lipase déglycosylée 1.3.1. Recherche des conditions optimales de cristallisation Les premiers tests de cristallisation ont été réalisés sur la plate-forme de biocristallographie avec les 6 screens commerciaux suivants : Classic, PEG, PEG II, pH clear I , pH clear II (Qiagen) et Low ionic (Sigma Aldrich). De la lipase déglycosylée par voie enzymatique à une concentration de 11 g/L a été testée avec trois conditionnements différents : - Tris 20 mM pH 7,8 - Tris 20 mM pH 7,8 + Nacl 500 mM -Tris 20 mM pH 7,8 + acide ortho-bromophényl acétique à 4 mM (dans DMSO 2,5% final). Ce dernier conditionnement est réalisé avec l’un des substrats utilisé pour les réactions d’intérêt (voir partie bibliographie) dans le but d’une co-cristallisation de l’enzyme avec son substrat. Si ce substrat venait à co-cristalliser dans le site actif de l’enzyme, on serait assuré d’avoir la structure de la forme ouverte de l’enzyme et les déterminants moléculaires de la sélectivité de la lipase seraient plus facilement mis en évidence. Après deux semaines, de jolis cristaux parallélépipédiques apparaissent dans les conditions suivantes : 0,1 M acétate de sodium pH 4,6, 30% MPD et soit 20 mM de CaCl2, soit 200 mM de NaCl. On notera que les cristaux ne sont obtenus que lorsque l’enzyme est conditionnée à faible force ionique. Les cristaux obtenus avec l’acide ortho-bromophényl acétique sont plus réguliers et de taille plus grosse que ceux observés sans le substrat. Ce qui laisse supposer une stabilisation de la lipase par le composé (Figure III-47). A B 100 µm 100 µm Figure III-47 : Images de cristaux obtenus lors du criblage haut débit des conditions de cristallisation. Conditions de cristallisation : 0,1 M acétate de sodium, 30% MPD et 20 mM de CaCl2 A) lipase déglycosylée B) lipase déglycosylée + acide ortho-bromophényl acétique à 4 mM (dans DMSO 2,5% final) 252 Chapitre III : Résultats Des tests pour reproduire et améliorer les conditions de cristallisation en plaque 24 puits ont été réalisés. De nombreux paramètres ont été optimisés : -L’affinement des conditions de pH nous a amené à tester différents tampons et différents pH (4,6 à 8,0). Le MES à pH 6,0 ayant donné les meilleurs résultats, nous avons ensuite affiné les conditions de pH avec ce tampon. Parmi les trois pH testés (pH 5,5 pH 6,0 pH 6,5), c’est à pH 5,5 que les cristaux de plus grande taille sont obtenus. - La concentration optimale en MPD a été recherchée, c’est autour de 30% (+/- 3%) que les cristaux obtenus ont la taille la plus importante. - Un affinement sur la concentration en NaCl et la concentration en CaCl2 a aussi été réalisé. Les conditions optimales retenues sont 20 mM CaCl2 et 200 mM NaCl. Les conditions finalement retenues sont un mélange volume à volume de lipase déglycosylée à 12 g/L conditionnée en Tris 20 mM pH 7,8 en présence d’acide ortho-bromophényl acétique 8 mM dans 5% DMSO final, avec la solution de cristallisation composée de MPD à 30 %, de CaCl2 à 20 mM et de NaCl à 200 mM dans du Tampon MES 0,1 M pH 5,5. La présence d’acide ortho-bromophényl acétique semble améliorer la qualité des cristaux obtenus. Après avoir vérifié que cet effet n’était pas dû au DMSO destiné à solubiliser le substrat, ceci laisse espérer un positionnement du substrat dans le site actif de l’enzyme. Dans ces conditions des cristaux parallélépipédiques de 200 x 80 x 50 µm sont obtenus. On notera que des cristaux de forme bipyramidale apparaissent dans ces mêmes conditions (Figure 48). 100 µm Figure III-48 : Image de cristaux de formes bipyramidales obtenus dans les conditions de cristallisation optimisées. 1.3.2. Enregistrement des données Après des tests préliminaires avec la source de rayons X en tube scellé du laboratoire, un cristal (parallélépipédique) a été sélectionné pour être irradié sur la ligne id14eh4 de l’ESRF et a permis l’enregistrement d’un jeu de données à 1,7 Å. Le tableau III-17 récapitule les données sur toute la gamme de résolution (20,0 -1,79 Å) et sur la dernière couronne de résolution (1,79-1,70 Å). Certaines taches de diffraction ont été mesurées au-delà de 1,70 Å, cependant elles ont été écartées à cause de leurs faibles intensités (rapport signal sur bruit inférieur à 2). Ainsi, la qualité du jeu de données (estimée à partir des valeurs de multiplicité, complétude et rapport signal sur bruit I /σ > 2) est correcte jusque dans la dernière couronne de résolution ce qui permet d’affirmer que la résolution est effectivement de 1,7 Å 253 Chapitre III : Résultats 68,7-1,70 Å 1,79 -1,70 Å Nombre d'observations 947008 139312 Nombre d'observations indépendantes 228475 33232 4,1 4,2 Complétude 99,5% 99,9% R sym 7,3% 34,3% 6,7 2,2 Multiplicité I/σ (signal sur bruit) Tableau III-17 : Récapitulatif du jeu de données enregistré à 1,7 Å Dans ce jeu de données les paramètres de maille sont a = 115 Å, b = 132 Å, c = 138,5 Å et α = β= γ= 90°. Cependant la détermination du groupe d’espace est problématique. En effet, d’après l’indexation, il s’agit d’un orthorhombique (α = β = γ = 90°) avec trois axes de rotation de 90° selon les axes a, b, et c de la maille, ces axes de rotation pouvant être des axes d’ordre 2 (rotation simple) ou d’ordre 21 (axe hélicoïdal). La présence d’axes hélicoïdaux se traduit par des extinctions systématiques sur des plans particuliers (h,0,0), (0,k,0) et (0,0,l). pour le jeu de données enregistré, des extinctions systématiques sont retrouvées sur les plans (0,k,0) et (0,0,l), mais aucune donnée n’a été enregistrée sur le plan de type (h,0,0). L’enregistrement d’autres jeux de données avec des dérivés lourds (Hg et Au) ont permis de lever l’incertitude sur la symétrie selon l’axe a, il s’agit aussi d’un axe hélicoïdal. Le groupe d’espace est donc un P212121. Le programme Pointless de la chaîne de programmes CCP4 destiné à la détermination des groupes d’espace a permis de confirmer cette analyse (Tableau III-18). L’enregistrement d’un jeu de données sur des cristaux de forme bipyramidale a aussi été réalisé. La structure cristalline des cristaux est la même. . Tableau III-18 : Probabilité d’existence de l’opération de symétrie selon les axes à, b, et c selon différents jeux de données enregistrés d’après le programme Pointless a b c Pas de données 21 à 97% 21 à 98% Dérivé Hg à 1,9 Å 21 à 87% 21 à 77% 21 à 90% Dérivé Au à 2,3 Å 21 à 83% 21 à 89% 21 à 89% Lipase native à 1,7 Å 2. Résoudre le problème des phases pour résoudre la structure de Lip2 A partir de ce simple jeu de données la structure de la lipase Lip2 ne peut être directement résolue. En effet, pour avoir accès à la densité électronique en tout point de la maille : ρ(x,y,z) 1 ∞ ∞ ∞ m Fhkl e iφhkl e − 2iπ ( hx + ky + lz ) ). deux informations sont nécessaires (avec ρ ( x, y, z ) = ∑ ∑ ∑ hkl Vmaille h = −∞ k = −∞ l = −∞ 254 Chapitre III : Résultats La première est le module du facteur de structure │Fhkl│qui peut être calculé à partir des intensités mesurées des taches de diffraction : Fhkl = I hkl . La seconde est l’information de phase Фhkl. La lumière étant une onde électromagnétique toutes les taches arriveront sur le détecteur avec un certain déphasage. Cette information est perdue lors de l’enregistrement des jeux de données. Pour résoudre la structure tridimensionnelle de la lipase Lip2 de Y. lipolytica, l’information de phase doit donc être retrouvée. 2.1. Remplacement moléculaire Une des méthodes permettant de résoudre la structure tridimensionnelle des protéines consiste à appliquer à chaque tache de diffraction les phases obtenues à partir d’une structure modèle. Le remplacement moléculaire consiste à placer la molécule modèle dans la maille du cristal expérimental de façon à ce que le profil de diffraction de la protéine modèle concorde avec le profil de diffraction enregistré. Plus les structures entre la protéine et son modèle sont proches, plus les chances de trouver une solution de remplacement moléculaires sont grandes. Ainsi, pour améliorer nos chances de trouver des solutions un modèle de la structure tridimensionnelle de la lipase Lip2 a été généré in silico. 2.1.1. a) Modèle de la structure tridimensionnelle de Lip2 Alignement avec des protéines de structure tridimensionnelle connues Le point crucial dans la construction d’un modèle par homologie de structure réside dans l’identification de protéines homologues qui serviront de matrice et dont la structure est disponible dans la PDB (Protein Data Bank). La séquence de la protéine Lip2 a été soumise à un algorithme PSI-BLAST contre les protéines de la PDB. Trois lipases (de la famille des lipases fongiques) et une féruloyl estérase de structures connues et ayant une homologie significative (Tableau III-19) avec la lipase Lip2 ont été sélectionnées comme matrice pour la construction du modèle. Tableau III-19 : Résultats de la comparaison de la protéine Lip2 avec les protéines de la PDB. Identité de séquences Homologie de séquences Gap code PDB Lipase de Rhizomucor miehei 29% 46% 16% 3TGL - 4TGL Lipase de Rhizopus niveus 33% 47% 17% 1TIC Lipase de Thermomyces lanuginosa 31% 47% 14% 1GT6 Féruloyl estérase d'Aspergillus Niger 30% 46% 10% 1USW Origine 255 Chapitre III : Résultats L’alignement de la séquence de Lip2 avec chacune de ces enzymes est présenté sur les figures III-49 à III-52. LIP2 : 16 R.m : 15 LIP2 : 74 R.m : 68 NFFEKYARLANIGYC--VGPGTKIFKPFNCGLQCAHFPNVELIEEFHDPRLIFDVSGYLA 73 N Y L+ YC V PG ++C + C ++++I+ + LI+D + +A NELTYYTTLSANSYCRTVIPGAT----WDC-IHCDATEDLKIIKTWS--TLIYDTNAMVA 67 VDHASKQIYLVIRGTHSLEDVITDIRIMQAPLTNFDLAANISSTATCDDCLVHNGFIQSY 133 + K IY+V RG+ S+ + I D+ + S VH GF+ SY RGDSEKTIYIVFRGSSSIRNWIADLTFVPV------------SYPPVSGTKVHKGFLDSY 115 LIP2 : 134 NNTYNQIGPKLDSVIEQYPDYQIAVTGHSLGGAAALLFGINL-----KVNGHDPLVVTLG 188 N++ + +QYP Y++AVTGHSLGGA ALL ++L ++ + + T G R.m : 116 GEVQNELVATVLDQFKQYPSYKVAVTGHSLGGATALLCALDLYQREEGLSSSNLFLYTQG 175 LIP2 : 189 QPIVGNAGFANWVDKLFFGQENPDVSKVSKDRKLYRITHRGDIVPQVPFWD-GYQHCSGE 247 QP VGN FAN+V VS R + DIVP +P G+ H E R.m : 176 QPRVGNPAFANYV--------------VSTGIPYRRTVNERDIVPHLPPAAFGFLHAGSE 221 LIP2 : 248 VFIDWPLIHPPLSNVVMCQGQSNKQCSAGNTLLQQVNVIGNHLQYF-VTEGVC W + P + V CS N+++ +V+ +HL YF + G+C R.m : 222 Y---WITDNSPETVQVCTSDLETSDCS--NSIVPFTSVL-DHLSYFGINTGLC 299 268 Figure III-49 : Alignement de la séquence de Lip2 de Y. lipolytica avec celle de la lipase de Rhizomucor miehei. Les 3 acides aminés catalytiques sont en rouge, les 2 acides aminés du trou oxyanion sont en vert et les cystéines en violet. LIP2 :10 T.l. :24 LIP2 :63 T.l.: 81 IDQESYNFFEKYARLANIGYCVGPGTKIF----KPFNCGL-QCA-HFPNVE-LIEEFHDP 62 + Q+ +N F +A+ + YC G P + C C P VE + F D VSQDLFNQFNLFAQYSAAAYC---GKNNDAPAGTNITCTGNACPEVEKADATFLYSFEDS 80 RLIFDVSGYLAVDHASKQIYLVIRGTHSLEDVITDIRIMQAPLTNFDLAANISSTATCDDC 122 + DV+G+LA+D+ +K I L RG+ S+E+ I ++ NFDL C C G-VGDVTGFLALDNTNKLIVLSFRGSRSIENWIGNL--------NFDLK---EINDICSGC 128 LIP2 :123 LVHNGFIQSYNNTYNQIGPKLDSVIEQYPDYQIAVTGHSLGGAAALLFGINLKVNGHDP 182 H+GF S+ + + + K++ + ++PDY++ TGHSLGGA A + G +L+ NG+D T.l. :129 RGHDGFTSSWRSVADTLRQKVEDAVREHPDYRVVFTGHSLGGALATVAGADLRGNGYDI 188 LIP2 :183 LVVTLGQPIVGNAGFANWVDKLFFGQENPDVSKVSKDRKLYRITHRGDIVPQVPFWD-GY 241 V + G P VGN FA ++ V LYRITH DIVP++P + GY T.l. :189 DVFSYGAPRVGNRAFAEFL-------------TVQTGGTLYRITHTNDIVPRLPPREFGY 235 LIP2 :242 QHCSGEVFIDWPLIHPPLSN-VVMCQGQSNKQCSAGNTLLQQVNV--IGNHLQYFVTEGVC 299 H S E +I + P N +V +G + G + I HL YF G C T.l. :236 SHSSPEYWIKSGTLVPVTRNDIVKIEG---IDATGGN---NQPNIPDIPAHLWYFGLIGTC 290 Figure III-50 : Alignement de la séquence de Lip2 de Y. lipolytica avec celle de la lipase de Thermomyces lanuginosa. Les 3 acides aminés catalytiques sont en rouge, les 2 acides aminés du trou oxyanion sont en vert et les cystéines en violet. 256 Chapitre III : Résultats LIP2 : 18 R.n. : 13 LIP2 : 75 R.n. : 66 FEKYARLANIGYC--VGPGTKIFKPFNCGLQCAHF-PNVELIEEFHDPRLIFDVSGYLAV 74 F KYA +A YC V PG K ++C +QC + P+ ++I F L+ D +GY+ FTKYAGIAATAYCRSVVPGNK----WDC-VQCQKWVPDGKIITTFTS--LLSDTNGYVLR 65 DHASKQIYLVIRGTHSLEDVITDIRIMQAPLTNFDLAANISSTATCDDCLVHNGFIQSYN 134 K IYLV RGT+S ITDI N S VH GF+ SY SDKQKTIYLVFRGTNSFRSAITDI------------VFNFSDYKPVKGAKVHAGFLSSYE 113 LIP2 : 135 NTYNQIGPKLDSVIEQYPDYQIAVTGHSLGGAAALLFGINL-----KVNGHDPLVVTLGQ 189 N P + + +P Y++ VTGHSLGGA ALL G++L +++ + + T+G R.n. : 114 QVVNDYFPVVQEQLTAHPTYKVIVTGHSLGGAQALLAGMDLYQREPRLSPKNLSIFTVGG 173 LIP2 : 190 PIVGNAGFANWVDKLFFGQENPDVSKVSKDRKLYRITHRGDIVPQVPFWD-GYQHCSGEV 248 P VGN FA +V+ S R H+ DIVP VP G+ H E R.n. : 174 PRVGNPTFAYYVE--------------STGIPFQRTVHKRDIVPHVPPQSFGFLHPGVE- 218 LIP2 : 249 FIDWPLIHPPLSNVVMCQGQ-SNKQCSAGNTLLQQVNVIGNHLQYF-VTEGVC 299 W I SNV +C + K CS N+++ +++ +HL YF + EG C R.n. : 219 --SW--IKSGTSNVQICTSEIETKDCS--NSIVPFTSIL-DHLSYFDINEGSC 264 Figure III-51 : Alignement de la séquence de Lip2 de Y. lipolytica avec celle de la lipase de Rhyzopus niveus. Les 3 acides aminés catalytiques sont en rouge, les 2 acides aminés du trou oxyanion sont en vert et les cystéines en violet. LIP2 : 67 DVSGYLAVDHASKQIYLVIRGTHSLEDVITDIRIMQAPLTNFDLAANISSTATCDDCLVH 126 D++G++ D SK+I V RGT S ++ D LT FD + C+DC VH f.e. : 47 DINGWILRDDTSKEIITVFRGTGSDTNLQLDTNYT---LTPFD------TLPQCNDCEVH 97 LIP2 :127 NGFIQSYNNTYNQIGPKLDSVIEQYPDYQIAVTGHSLGGAAALLFGINLKVNGHDPLVVT 186 G+ + + +Q+ + QYPDY + VTGHSLG + A L L + + T f.e. :98 GGYYIGWISVQDQVESLVKQQASQYPDYALTVTGHSLGASMAALTAAQLSATYDNVRLYT 157 LIP2 :187 LGQPIVGNAGFANWVDKLFFGQENPDVSKVSKDRKLYRITHRGDIVPQVPFWD-GYQHCS 245 G+P GN FA++++ F +P+ + + +R+TH D +P +P D GY H f.e. :158 FGEPRSGNQAFASYMNDA-FQVSSPETT------QYFRVTHSNDGIPNLPPADEGYAHGG 210 LIP2 :246 GEVFIDWPLIHPPLSNVVMCQGQSNKQCSAGNTLLQQVNVIGNHLQYF-VTEGVC 299 E W + N +C G + C A Q VN H YF +T G C f.e. :211 VEY---WSVDPYSAQNTFVCTGDEVQCCEAQGG--QGVN--DAHTTYFGMTSGAC 258 Figure III-52 : Alignement de la séquence de Lip de Y. lipolytica avec celle de la féruloyl estérase d’Aspergillus niger. Les 3 acides aminés catalytiques sont en rouge, les 2 acides aminés du trou oxyanion sont en vert et les cystéines en violet. b) Prédiction de la structure secondaire Dans un premier temps, les éléments de structure secondaire ont été prédits à l’aide du logiciel PSIPRED disponible gratuitement sur Internet (http://bioinf.cs.ucl.ac.uk/psipred/) (McGuffin, et al., 2000). Le résultat est donné sur la figure III-53. 257 Chapitre III : Résultats 922454445588999999999999988753267877776303565557788722677412 CCCCCCCCCCCHHHHHHHHHHHHHHHHHHHCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCEEEEEEC VYTSTETSHIDQESYNFFEKYARLANIGYCVGPGTKIFKPFNCGLQCAHFPNVELIEEFH 552111340899997899989999833898788885222122666655576521455555 CCCCCCCCEEEEEEECCCCEEEEEEECCCCHHHHHHHCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCCC DPRLIFDVSGYLAVDHASKQIYLVIRGTHSLEDVITDIRIMQAPLTNFDLAANISSTATC 2 660220799999999999999999999974798279998406578999999986406888 CCCEEEHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHCCCEEEEEEEECHHHHHHHHHHHHHCCCCC DDCLVHNGFIQSYNNTYNQIGPKLDSVIEQYPDYQIAVTGHSLGGAAALLFGINLKVNGH 637998069986888999998752156432100124478738999868987564885346 CCEEEECCCCCCCCHHHHHHHHHHCCCCCCCCCCCCCCCCCEEEEECCCCCCCCCCCCCC DPLVVTLGQPIVGNAGFANWVDKLFFGQENPDVSKVSKDRKLYRITHRGDIVPQVPFWDG 536632687558656888864689827888766654212456643566542220014557 CCCCCEEEEECCCCCCCCCCCEEEECCCCCCCCCCCCCCCCCCCCHHHHHHHHEECCCCC YQHCSGEVFIDWPLIHPPLSNVVMCQGQSNKQCSAGNTLLQQVNVIGNHLQYFVTEGVCG Figure III-53 : Prédiction des éléments de structure secondaire de la lipase Lip2 de Y.lipolytica obtenue avec le logiciel PSIPRED (H pour hélice α, E pour feuillet β, C pour boucle, la valeur indique la confiance entre 0 et 9). Par la suite, les structures secondaires des 4 protéines servant de matrice à la construction du modèle ont été récupérées à la PDB et un alignement avec les structures secondaires prédites pour Lip2 a pu être réalisé. Un exemple d’alignement avec la lipase de Rhizomucor Miehei est montré sur la figure III-54. LIP2 : 18 FEKYARLANIGYC—-VGPGTKIFKPFNCGLQCAHF-PNVELIEEFHDPRLIFDVSGYLAV 74 M.mie: 17 FTKYAGIAATAYCRSVVPGNK----WDC-VQCQKWVPDGKIITTF--TSLLSDTNGYVLR 69 LIP2 : 75 DHASKQIYLVIRGTHSLEDVITDIRIMQAPLTNFDLAANISSTATCDDCLVHNGFIQSYN 134 M.mie: 70 SDKQKTIYLVFRGTNSFRSAITDI------------VFNFSDYKPVKGAKVHAGFLSSYE 117 LIP2 : 135 NTYNQIGPKLDSVIEQYPDYQIAVTGHSLGGAAALLFGINL-----KVNGHDPLVVTLGQ 189 M.mie: 118 QVVNDYFPVVQEQLTAHPTYKVIVTGHSLGGAQALLAGMDLYQREPRLSPKNLSIFTVGG 177 LIP2 : 190 PIVGNAGFANWVDKLFFGQENPDVSKVSKDRKLYRITHRGDIVPQVPFWD-GYQHCSGEV 248 M.mie: 178 PRVGNPTFAYYVE--------------STGIPFQRTVHKRDIVPHVPPQSFGFLHPGVE- 222 LIP2 : 249 FIDWPLIHPPLSNVVMCQGQ-SNKQCSAGNTLLQQVNVIGNHLQYF-VTEGVC 299 M.mie: 223 --SW--IKSGTSNVQICTSEIETKDCS--NSIVPFTSIL-DHLSYFDINEGSC 268 Figure III-54 : Alignement des structures secondaires de la lipase Lip2 (prédites) et de la lipase de Rhizomucor miehei (observées). Les feuillets β sont représentés en vert, les hélices α en rose, les cystéines en bleu et les acides aminés de la triade catalytique en rouge. Les gaps qui brisent une structure secondaire ont été entourés 258 Chapitre III : Résultats La position des gap qui brisent des séquences secondaires ont été ajustés manuellement (zones modifiées entourées). L’alignement optimisé est montré sur la figure III-55. Y.l: T.l: R.m: R.n: USW 1 3 1 1 VYTSTETSHIDQESY-NFFEKYARLANIGY---C--VGPGTKIFKPFNC-GLQCAH--FPNVELIEEFHDPRLIF SQDLFNQFNLFAQYSAAAY---CGKNNDAPAG-TNITCTGNACPEVEKADATFLYSFED-SGVG SINGGIRAATSQEI-NELTYYTTLSANSY---CRTVIPGAT----WDC--IHCDA--TEDLKIIKTWST--LIY SDGGKVVAATTAQI-QEFTKYAGIAATAY---CRSVVPGNK----WDC--VQCQKWVPDGKIITTFTS---LLS ASTQGISEDLYNRLVEMATISQAAYADLCNIPST--------IIKGEKIYNAQT------------- 66 61 60 60 46 Y.l: T.l: R.m: R.n: USW 1put 67 62 61 61 DVSGYLAVDHASKQIYLVIRGTHSLEDVITDIRIMQAPLTN--FDLAANISSTATCDDCLVHNGFIQSYNNTYN DVTGFLALDNTNKLIVLSFRGSRSIENWIGNLNFDLKEIND-------------ICSGCRGHDGFTSSWRSVAD DTNAMVARGDSEKTIYIVFRGSSSIRNWIADLTFVPVSYPP--------------VSGTKVHKGFLDSYGEVQN DTNGYVLRSDKQKTIYLVFRGTNSFRSAITDIVFNFSDYKP--------------VKGAKVHAGFLSSYEQVVN DINGWILRDDTSKEIITVFRGTGSDTNLQLDTNYTLTPFDT-----------LPQCNDCEVHGGYYIGWISVQD SKVVYVSHDGTRRQLDVADGVSLMQAAVSNGIYDIVGDCGGSASCATCHVY 138 122 120 121 Y.l: T.l: R.m: R.n: USW 139 123 121 122 QIGPKLDSVIEQYPDYQIAVTGHSLGGAAALLFGINLK-----VNGHDPLVVTLGQPIVG TLRQKVEDAVREHPDYRVVFTGHSLGGALATVAGADLR-----GNGYDIDVFSYYAPRVG ELVATVLDQFKQYPSYKVAVTGHSLGGATALLCALDLYQREEGLSSSNLFLYTQGQPRVG DYFPVVQEQLTAHPTYKVIVTGHSLGGAQALLAGMDLYQREPRLSPKNLSIFTVGGPRVG QVESLVKQQASQYPDYALTVTGHSLGASMAALTAAQLS--ATYD---NVRLYTFGEPRSG Y.l: T.l: R.m: R.n: USW 194 178 181 182 NAGFANWVDKLFFGQENPDVSKVSKDRKLYRITHRGDIVPQV-PFWDGYQHCSGEVFIDWPLIHPP-LSNVVMCQ NRAFAEFLTV-------------QTGGTLYRITHTNDIVPRLPPREFGYSHSSPEYWIKSGTLVPVTRNDIVKIE NPAFANYVVST--------------GIPYRRTVNERDIVPHLPPAAFGFLHAGSEYWITDN---SP--ETVQVCT NPTFAYYVEST--------------GIPFQRTVHKRDIVPHVPPQSFGFLHPGVESWI---KSGTS---NVQICT NQAFASYMNDAFQVSS-------PETTQYFRVTHSNDGIPNLPPADEGYAHGGVEYWSVD----PYSAQNTFVCT Y.l :267 T.l: 240 R.m: 237 R.n: 240 USW 193 177 180 181 266 239 236 238 GQ-SNKQCSAGNTLLQQVNVIGNHLQYF-VTEGVC 299 GI-DATGGNNQPNI---PDIP-AHLWYFGL-IGTC 268 SDLETSDCS--NSIVPFTSVL-DHLSYFGINTGLC 268 SEIETKDCS--NSIVPFTSIL-DHLSYFDINEGSC 268 GD-EVQCCEAQGGQ---GVND-AHTTYFGMTSGACTW Figure III-55 : Alignement optimisé entre la structure secondaire prédite pour la lipase Lip2 de Y. lipolytica et les structures secondaires observées pour les lipases de T. lanuginosa, R. miehei, R. niveus et la féruloyl estérase d’A. niger. Les feuillets β sont représentés en vert, les hélices α en rose, les cystéines en bleu et les acides aminés de la triade catalytique en rouge et gras. c) Identification des éléments structuraux Dans un premier temps, cet alignement montre que, malgré le faible pourcentage d’homologie de séquence existant entre ces enzymes, les éléments de structures secondaires sont très bien conservés. De plus, d’après les prédictions de ces mêmes éléments pour Lip2, ceux-ci semblent très bien s’aligner avec les enzymes sélectionnées comme matrice. Cette première observation laisse présager de la qualité du modèle. Notons tout de même que la lipase Lip2 semble différer des autres lipases en deux endroits : deux zones, l’une entre l’asparagine 107 et la thréonine 119, l’autre entre la phényalanine 207 et la valine 218 sont absentes des autres lipases. Ces zones sont prédites comme étant des boucles et n’ont donc pas de repliement facilement prédictible par le logiciel de modélisation. De ce fait, un fragment de la putidarédoxine (1PUT) qui présente une homologie de séquence avec les acides aminés 107 à 119 a aussi été aligné avec cette zone de la lipase Lip2 pour permettre une meilleure construction du modèle dans cette zone. 259 Chapitre III : Résultats Conservation de la machinerie catalytique Parmi les éléments parfaitement conservés, on retrouve les acides aminés de la triade catalytique et ceux du trou oxyanion. Ceci permet d’identifier avec précision la position des acides aminés catalytiques de la lipase Lip2 : la sérine 162, l’acide aspartique 230 et l’histidine 289. Notons que la sérine catalytique est située dans la séquence consensus GXSXG caractéristique des lipases (X étant un acide aminé quelconque). Dans le cas de Lip2, la signature est GHSLG comme pour les lipases fongiques. La position des deux acides aminés composant le trou oxyanion est également très conservée. Cela souligne l’importance de cet élément structural dont le rôle est de stabiliser (via des liaisons hydrogène) l’intermédiaire tétraédrique formé pendant la catalyse. Chez les lipases, le trou oxyanion est composé de deux acides aminés. La position du premier résidu ne varie pas selon les lipases : il s’agit de l’acide aminé situé juste après la sérine catalytique. Pour Lip2, comme pour les lipases de type fongique il s’agit d’une leucine, la leucine 163. Le deuxième résidu formant le trou oxyanion varie selon le type de lipases. L’équipe de Pleiss a classifié les lipases en deux grandes familles selon ce critère et Lip2 appartient à la famille de lipases de type GX, X étant le deuxième acide aminé composant le trou oxyanion (Pleiss, et al., 2000a). Chez les lipases de type fongique, ce résidu est toujours un acide aminé hydrophile hydroxylé de type Sérine ou Thréonine (Ser82, Ser83 et Thr82 chez R. miehei, T. lanuginosa et R. niveus respectivement). La lipase Lip2 ne déroge pas à la règle, dans son cas il s’agit de la Thréonine 88. Les lipases de type GX présentent une spécificité marquée pour les substrats à longue chaîne carbonée, c’est effectivement le cas pour Lip2 (Guieysse, et al., 2004). D’autre part, chez ce type de lipase, on retrouve un élément structural particulier appelé : « résidu d’ancrage », qui interagit avec les chaînes latérales de l’acide aminé hydrophile du trou oxyanion. Il est généralement situé à la fin de l’hélice α composant le volet amphiphile de la lipase, pour Lip2, il s’agirait de l’acide aspartique 97. La paupière Dans la majorité des lipases, un élément mobile appelée paupière ou volet amphiphile peut recouvrir le site actif. Cette paupière bloquant l’accès au site actif dans la conformation fermée de l’enzyme peut s’écarter du site actif en présence d’une interface hydrophobe, pour adopter une conformation ouverte où l’accès au site actif est libéré pour les substrats. Cet élément structural est généralement composé d’une hélice α et a été identifié chez les trois lipases : il s’agit des acides aminés Ile86-Leu93 pour la lipase de T. lanuginosa, Ile 85-Asp91 pour la lipase de R. miehei, et Phe85-Asp91 pour la lipase de R. niveus. D’après les 260 Chapitre III : Résultats alignements de structure primaire et les prédictions de structures secondaires, il pourrait s’agir des acides aminés Leu 91-Ile 100 pour la lipase de Y. lipolytica. Les ponts disulfures Vis à vis de l’alignement de séquence Les ponts disulfures sont des éléments essentiels dans l’acquisition de la structure tertiaire des protéines. Chez les protéines eucaryotes extracellulaires, ils sont souvent présents en grand nombre. La lipase Lip2 est extracellulaire et contient 9 cystéines (Figure III-56). Il est donc capital de déterminer les arrangements corrects des ponts disulfures chez la lipase Lip2. Parmi les 9 cystéines : - Les cystéines C30 et C299 sont retrouvées chez toutes les autres protéines matrices et dans tous les cas forment un pont disulfure. On peut donc supposer que les cystéines 30 et 299 forment un premier pont disulfure chez la lipase de Y. lipolytica. - Les cystéines C43 et C47 trouvent des homologues chez toutes les lipases mais pas chez la ferruloyl estérase d’Aspergillus niger. Dans les enzymes où elles sont présentes elles forment dans tous les cas un pont disulfure. On peut donc supposer que les cystéines 43 et 47 forment un pont disulfure chez la lipase de Y. lipolytica. - Les cystéines C120 et C123 trouvent des homologues chez la lipase de T. lanuginosa et chez la ferruloyl estérase d’Aspergillus niger chez lesquels elles forment un pont disulfure. On peut donc supposer que les cystéines 120 et 123 forment un pont disulfure chez la lipase de Y. lipolytica. - Les cystéines C265 et C273 trouvent des homologues chez toutes les enzymes ayant servi de matrice sauf la lipase de T. lanuginosa, on retrouve dans toutes ces enzymes un pont disulfure entre ces deux cystéines. On peut donc supposer que les cystéines 265 et 273 forment un pont disulfure chez la lipase de Y. lipolytica. L’alignement des séquences (Figure III-56) laisse à penser que quatre ponts disulfures: C43-C47, C120-C123, C265-C273, C30-C299 et une cystéine libre C244 sont présents dans la lipase Lip2 de Y. lipolytica. Nous noterons qu’aucune des enzymes matrice ne possède un homologue de cette cystéine libre. 261 Chapitre III : Résultats Lipase de R. miehei C30 C40 C43 C235 C244 C268 Lipase de R. niveus C29 C40 C43 C235 C244 C 268 Lipase de T.lanuginosa C22 C36 C41 Féruloyl estérase d’A.niger Lipase de Y. lipolytica C 268 C91 C94 C29 C30 C104 C107 C43 C47 C120 C123 C227 C234 C244 C265 C273 C 258 C 299 Figure III-56. Vue schématique des séquences protéiques alignées des lipases de T. lanuginosa, R. miehei, R. niveus et la féruloyl estérase d’A. niger avec la lipase Lip2 de Y. lipolytica. Mise en évidence de l’alignement des cystéines. Les ponts disulfures des protéines de structure connue sont représentés par des traits pleins, l’arrangement des ponts disulfures de la lipase Lip2 de Y. lipolytica déduit de cet alignement est représenté par des pointillés. Analyse par mutagenèse dirigée Pour vérifier en partie les hypothèses émises de par l’observation de l’alignement de séquence, des expériences de mutagenèse dirigée ont été réalisées. La cystéine 244 a été mutée en alanine pour vérifier qu’elle ne participait pas à un pont disulfure obligatoire pour le bon repliement de l’enzyme. D’autre part, les homologues des cystéines 30 et 299 forment un pont disulfure retrouvé dans toutes les enzymes homologues qui ont servi à réaliser le modèle. Ce pont disulfure permet un ancrage des parties N et C terminales. Il est présent chez toutes les lipases de la famille des lipases fongiques sauf la lipase de Pennicillium camembertii. Cependant l’ajout de ce pont disulfure par mutagenèse dirigée chez cette lipase permet d’améliorer sa stabilité (Yamaguchi, et al., 1996). Ces cystéines 30 et 299 ont donc également été mutées en alanines. Les activités des variants obtenus sont consignées dans le tableau III-20. Le variant C244A, déjà etudié par ailleurs, présente une activité du même ordre de grandeur que la lipase sauvage (environ 80% de l’activité de la lipase sauvage), elle n’est donc pas impliquée dans 262 Chapitre III : Résultats un pont disulfure essentiel au bon repliement de l’enzyme. On notera par ailleurs que la levure Y. lipolytica comporte dans son génome 15 autres gènes codant potentiellement pour des lipases. Chez ces 15 lipases, les homologues de 8 cystéines sont retrouvées, la seule cystéine non retrouvée (et également non retrouvée chez les autres lipases de la famille fongique) est la cystéine 244. Si la cystéine 244 est impliquée dans un pont disulfure, alors, celui-ci ne semble pas nécessaire au bon repliement de l’enzyme. Ces éléments vont dans le sens que cette cystéine est une cystéine libre. Pour définitivement affirmer que cette cystéine était libre, il aurait fallu réaliser un dosage des SH libres (réactif de Ellman) de la lipase sauvage et du mutant C244A. La mutation des cystéines Cys30 et Cys299 en alanine conduit à une inactivation totale de l’activité enzymatique. Ceci conforte l’hypothèse d’un pont disulfure entre les cystéines Cys30 et Cys299 comme le prédisaient les alignements de structure. Chez la lipase de Y. lipolytica ce pont disulfure est indispensable à l’activité enzymatique et est probablement impliqué dans le maintien d’une structure tridimensionnelle catalytiquement active. Tableau III-20 : Activités de la lipase sauvage et des mutants cystéines. Enzyme Activite pNPB (µmole.min-1.ml-1) Activité résiduelle (%) sauvage 15 100 Cys 30Ala < 0,01 0 Cys244Ala 12,1 81 Cys299Ala < 0,01 0 Conclusion : Les données que nous avons obtenues par mutagenèse dirigée concernant les ponts disulfures sont en adéquation avec les alignements de structure. Ils permettent d’affirmer que les cystéines 30 et 299 forment un pont disulfure nécessaire au maintien de l’activité catalytique. D’après les informations retirées des alignements de séquence et de la mutagenèse dirigée, il semble que la cystéine 244 soit une cystéine libre. Pour la construction du modèle nous prendrons donc en compte les arrangements déterminés par les alignements de structure et retiendrons donc les ponts disulfures suivants : Cys30-Cys299, Cys43-Cys47, Cys120-Cys123 et Cys265-Cys273. d) Construction du modèle Rapellons que les lipases peuvent exister sous deux formes : une forme ouverte et une forme fermée selon le positionnemment du volet amphiphile : si cette hélice recouvre le site actif alors la lipase sera sous forme fermée, si au contraire son positionnememnt libère l’accès au 263 Chapitre III : Résultats site actif alors la lipase sera sous forme ouverte. Comme il n’est a priori pas possible de prévoir si la lipase est sous forme ouverte ou sous forme fermée dans l’édifice cristallin dont le jeu de données a été enregistré, il conviendra de ne pas tenir compte de cette zone lors du remplacement moléculaire. Le modèle que nous allons construire pourra également servir de première base pour l’étude des relations entre la structure de l’enzyme et sa sélectivité envers les différents substrats. Il est donc nécessaire de disposer de la forme ouverte de la protéine qui seule permet l’accès des substrats au site actif de l’enzyme. Par conséquent dans un premier temps un modèle de la forme ouverte de la protéine a été réalisé. Seules les lipases de R. miehei et de T. lanuginosa ont été cristallisées sous forme ouverte avec respectivement un groupe diethylphosponate et de l’acide oléique dans leurs sites actifs. Ainsi, le modèle tridimensionnel de la lipase de Y. lipolytica a été réalisé à partir des formes ouvertes de ces deux lipases (code PDB 4TGL pour la lipase de R. miehei et 1GT6 pour la lipase de T. lanuginosa). Dix modèles ont été construits avec le logiciel MODELLER disponible sur la plateforme INSIGHTII. Le modèle de plus basse énergie a été affiné avec le module DISCOVER d’INSIGHTII en utilisant le champ de force CFF91. Dans un premier temps les carbones α de tous les acides aminés ont été bloqués et seules les chaînes latérales ont été autorisées à bouger, puis toute la protéine a été relâchée. Le modèle prédit a ensuite été vérifié à l’aide du logiciel PROCHEK disponible sur la plateforme Biotech de validation des structures protéiques. Le diagramme de Ramachandran montre que la majorité des résidus satisfont aux contraintes liées aux angles Φ et Ψ de la chaîne principale ; en effet, 97% des résidus se trouvent dans les zones les plus favorables, les 3 % restants se partageant entre les zones additionnelles admises et les zones non autorisées. Ces derniers résidus se trouvent dans les boucles n’ayant pas d’homologue dans les protéines matrices ayant servi à la construction du modèle. Un affinement supplémentaire a donc été réalisé spécifiquement dans ces régions et les angles Φ et Ψ des résidus (hors glycine) de ces régions ont ainsi été corrigés. La planéité des chaînes latérales a été vérifiée à l’aide du logiciel PROCHECK pour les groupes aromatiques (Phe, Tyr, Trp, His) et pour les groupements terminaux plans (des acides aminés Arg, Asn, Asp, Gln, Glu). Les déviations au sens des moindres carrés (RMSD : Root mean Square déviation) de la planéité ont été calculées pour les atomes du modèle (par rapport aux valeurs idéales attendues). Les résidus ayant des RMSD supérieurs à 0,03 Å pour les cycles aromatiques et à 0,02 Å pour les autres groupes sont considérés comme hors gamme. Le modèle présente un nombre acceptable de 264 Chapitre III : Résultats résidus hors gamme comparé aux structures des lipases de R. miehei, T. lanuginosa et R. niveus. Les RMSD des longueurs et des angles de liaison ont également été calculés et sont de 0,02 Å et 3,5° respectivement par rapport aux valeurs standards, ce qui indique des paramètres structuraux corrects. Les rotamères ont été vérifiés à l’aide du logiciel WHATIF, disponible sur la plate-forme biotech de validation des structures protéiques. Seuls deux rotamères du modèle sont hors gamme selon cette étude. Ces étapes de vérification des paramètres structuraux permettent de confirmer que la structure tridimensionnelle est probablement correcte. A partir de ce modèle, une étude plus détaillée des acides aminés impliqués dans la sélectivité va pouvoir être réalisée. Deux zones sont cependant mal définies, il s’agit des boucles 108-120 et 207-220 qui sont des insertions non présentes dans les structures de lipases homologues. e) Description du site actif de la lipase Lip2 Le repliement du modèle de la structure obtenue par homologie de Lip2 et des lipases de T. lanuginosa et de R. miehei est très proche. Comme on peut le voir sur la figure III-57, les éléments de structure secondaire (hélices α et brins β) sont très bien conservés. Les acides aminés de la triade catalytique et du trou oxyanion sont parfaitement superposables (Figure III-57). Les différences les plus marquées se trouvent au niveau des boucles de surface. . D230 S162 L163 T88 H289 Figure III-57 : Superposition de la structure de Lip2 (colorée en magenta), de la lipase de R. miehei (colorée en vert) et de la lipase de T. lanuginosa.(colorée en gris). Les acides aminés de la triade catalytique (Ser 162- Asp230- His289) et les acides aminés du trou oxyanion (Thr88 et Leu163) impliqués dans la stabilisation de l’intermédiaire tétraédrique sont mis en évidence. 265 Chapitre III : Résultats Le site actif se présente comme une crevasse hydrophobe avec une triade catalytique exposée comme c’est le cas pour les lipases de la famille des lipases fongiques. Cette crevasse hydrophobe est constituée des acides aminés suivants Thr88, Val94, Ile98, Ile100, Phe129, Leu163, Pro190, Val232, Val235, Pro236 et Tyr241 correspondants aux acides aminés Ser82, Trp88, Leu92, Phe94, Phe111, Leu145, Pro177, Val205, Leu208, Pro209 et Phe215 dans la lipase de R. miehei. L’acide gras scissile d’un triglycéride est censé se positionner dans cette crevasse hydrophobe, le substituant sn-2 vient se positionner sur le creux hydrophobe (dent) composé par les acides aminés Ile204, Thr252, Val254 et Leu258 chez la lipase de R. miehei correspondants aux acides aminés Ile231, Val283, Val285, Leu290 pour la lipase Y. lipolytica. f) Conclusion : A partir des alignements de structures primaire et secondaire, nous avons généré un modèle de la structure de la lipase Lip2 de Y. lipolytica. Ce modèle a ensuite été affiné et ses paramètres stéréochimiques vérifiés. D’autre part, dans le cadre d’une autre thèse réalisée au laboratoire, il a permis de mieux comprendre certains mécanismes impliqués dans la discrimination énantiomérique envers les acides 2-bromo-arylacétiques. Des cibles de mutagenèse dirigée ont pu être déterminées. Ainsi, il a notamment permis d’identifier 2 acides aminés : l’acide aspartique 97 et la valine 232 impliqués dans la reconnaissance et la discrimination énantiomérique des substrats d’intérêt. Le mutant V232A montre une énantiosélectivité améliorée d’un ordre de grandeur pour la résolution de l’ester éthylique de l’acide 2-bromo-phénylacétique (la valeur de E passant de 5,5 pour la lipase sauvage à 59 pour le variant V232A). Pour la résolution de l’ester éthylique de l’acide 2-bromo-o-tolylacetique, l’énantiosélectivité est améliorée d’un facteur 4 (passant d’une valeur de E de 27 pour la lipase sauvage à une valeur de 111 pour le variant V232A, voir Figure III-58). D’après le modèle, cette mutation permet un meilleur placement du substrat S dans le site actif de l’enzyme, ce qui a pour effet d’améliorer à la fois l’énantiosélectivité et la vitesse de la réaction (Cancino, et al., 2008). Une publication afférente à la construction de ce modèle et à l’obtention de mutants d’énantiosélectivité améliorée a été récemment soumise à ChemBioChem sous le titre « Improvement of Yarrowia lipolytica lipase enantioselectivity by site-directed mutagenesis targeted at the substrate binding site ». 266 Chapitre III : Résultats Enantiomères R et S (mM) 30 25 20 15 10 5 0 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 Temps (h) Figure III-58 : Cinétique d’hydrolyse des acides 2-bromo-o-tolylacetique (R et S) dans un milieu biphasique (eau/décane v/v) à 25°C d’après Cancino et al. (2008). La concentration des substrats pour la lipase sauvage S- () and R- ( ) et pour le variant V232A : S- (♦) and R- (•) a été reportée sur le graphe pour différents temps de réaction. Les traits en gras représentent la vitesse initiale. Ces résultats confirment la validité de notre modèle ; cependant, pour analyser plus finement les mécanismes moléculaires qui interviennent dans la sélectivité de la lipase, ce seul modèle ne suffit pas. Seule la résolution de la structure tridimensionnelle peut permettre d’avoir accès à des informations plus fiables. Ainsi, ce modèle va pouvoir servir à réaliser le remplacement moléculaire pour le jeu de données enregistré à 1,7 Å. 2.1.2. Remplacement moléculaire avec le jeu de données à 1,7 Å. Le remplacement moléculaire a donc été effectué dans un premier temps avec le programme PHASER (du package ccp4) avec le modèle de la lipase réalisé précédemment pour tous les groupes d’espaces probables. Aucune solution n’a cependant été trouvée. De nombreux essais ont par la suite été réalisés avec ce même modèle mais tronqué : - sans la paupière - seules les structures secondaires ont été gardées sans les boucles - sous forme de squelette carboné de type polyalanine (toutes les chaînes latérales tronquées). Aucune des solutions trouvées par les programmes de remplacement moléculaire n’étaient de bonne qualité. Doutant de la qualité de notre modèle, d’autres tentatives de remplacement moléculaire ont été réalisées avec les lipases de structure homologue qui avaient servi à la réalisation du modèle (dans ce cas aussi des essais avec seulement les structures secondaires, le squelette polyalanine et sans le volet amphiphile ont été réalisées). Là encore, aucune solution de remplacement moléculaire n’est satisfaisante. D’autres tentatives avec des 267 Chapitre III : Résultats programmes de remplacement moléculaire différents (MOLREP, AMORE) n’ont pas donné de meilleurs résultats. Ce résultat est quelque peu troublant car la lipase de Y. lipolytica présente des taux d’homologie importants avec les autres lipases de la famille fongique. De plus, l’alignement des structures tridimensionnelles de ces différentes lipases entre elles, montre une très bonne conservation des structures secondaires. Trois causes ont été potentiellement identifiées pour expliquer le fait que le remplacement moléculaire ne donne pas de solutions : - La lipase de Y. lipolytica possède peut être une topologie quelque peu différente des autres lipases. A ce stade seule la résolution expérimentale de la structure de Lip2 pourrait nous permettre de vérifier cette hypothèse. - Les cristaux ne sont peut être pas aussi bien organisés qu’il n’y paraît. Ainsi, des cristaux apparemment monocristallins, mais présentant en réalité une superposition du même système cristallin dans différentes orientations, peuvent être formés : dans ce cas on parle de macles mérohédrales (Figure III-59) Figure III-59 : Exemple de superposition de système cristallin Dans notre cas une superposition parfaite ne sera pas possible car les paramètres de maille a, b et c sont tous différents. Cependant comme deux paramètres sont proches (b = 132 Å et c = 138,5 Å), il est donc possible qu’une macle pseudo mérohédrale puisse avoir lieu. Des programmes permettent de vérifier l’occurrence de macle de ce type. Nous avons donc soumis notre jeu de données à une analyse sur un serveur disponible sur internet : The Merohedral Crystal Twinning Server (http://nihserver.mbi.ucla.edu/Twinning/). Cette recherche a écarté cette seconde hypothèse Les paramètres de maille du cristal sont assez importants. En connaissant, le groupe d’espace, le volume de la maille et en considérant que le taux de solvant habituellement retrouvé dans les cristaux de protéines est aux alentours de 50 % (entre 20 et 70% selon les protéines), on peut estimer le nombre de molécules de lipase présentes dans l’unité asymétrique. Dans notre cas, ce nombre se situe entre 6 et 8 (nous l’appellerons x pour la suite de notre explication). Ce grand nombre de molécules est peut être à l’origine des problèmes rencontrés. Ainsi lors 268 Chapitre III : Résultats du remplacement moléculaire, les molécules du modèle sont placées une par une. La fonction de rotation compare la fonction de Patterson pour une molécule du modèle avec la fonction de Patterson calculée pour la structure à déterminer qui contient les x molécules et donc x positionnements différents en termes de rotation. Ainsi même si une orientation correcte est trouvée pour le modèle, elle ne représentera que 1/x ème du signal enregistré (et même moins car de nombreuses parties du modèle ont été enlevées : les boucles, les chaînes latérales …). De ce fait, la corrélation entre les deux fonctions de Patterson est moins apparente et les solutions peuvent être noyées dans le bruit de fond. Si c’est bien le problème à l’origine de l’échec du remplacement moléculaire, il faut changer de système cristallin et travailler avec un système cristallin contenant moins de molécules dans l’unité asymétrique, c’est à dire trouver de nouvelles conditions de cristallisation pour pouvoir résoudre le problème des phases par cette méthode. Malgré l’échec du remplacement moléculaire, d’autres outils sont à notre disposition pour retrouver l’information de phase. Ainsi, l’introduction de dérivés lourds ou de diffuseurs anomaux dans le cristal peut permettre de résoudre la structure tridimensionnelle de la lipase par les méthodes de remplacement isomorphe multiple (avec ou sans diffusion anomale), ou la technique MAD. 2.2. Dérivés lourds et diffuseurs anomaux L’intégration d’atomes riches en électrons dans le cristal est réalisée par trempage. Les composés diffusent dans l’édifice cristallin et vont se fixer à des endroits précis. Il n’y a aucun moyen de prédire avec certitude quels sont les métaux lourds qui se fixeront le mieux car l’obtention de dérivés dépend de l’exposition de groupements fonctionnels, de l’environnement chimique local de l’état d’ionisation (autant de paramètres qui ne peuvent être prédits sans la connaissance de la structure tridimensionnelle). Cependant, le choix des dérivés lourds peut être quelque peu rationalisé en fonction des propriétés connues des protéines et des ligands testés. Ainsi, les composés à base de mercure se fixent plus particulièrement sur les groupements thiols libres et l’uranium va avoir tendance à aller se fixer sur les parties acides des protéines. Dans un premier temps, des trempages avec les métaux lourds suivants : HgCl2, K2PtCl4 KAu(CN)2, à 10 mM sont réalisés. Ces métaux lourds font partie des « sept magiques » avec lesquels les chances de succès sont les plus importantes (Boggon and Shapiro, 2000). Aucune dégradation des cristaux n’est observable, ce qui ne laisse pas beaucoup d’espoir quant à la 269 Chapitre III : Résultats fixation de ces composés. L’enregistrement a été réalisé avec ces trois dérivés après des temps de trempages de 17 heures. L’analyse de la fixation des métaux est réalisée à partir de la comparaison des jeux de données du dérivé et de la lipase native. Les cartes de Patterson pour chacun des jeux de données sont calculées et la différence entre la carte de Patterson du dérivé et celle de la lipase native est réalisée. Si le dérivé a été fixé, alors des pics apparaîtront sur la carte de Patterson différence. Aucun des dérivés n’a fixé d’atomes lourds. D’autres trempages ont alors été réalisés avec de nombreux autres métaux lourds à une concentration de 10 mM : le gadolinium sous forme Gd (CH3COO)3, le samarium sous forme Sm(NO3)3, l’uranium sous forme K3UO2F5, l’osmium sous forme (NH4)2OsBr6, l’europium sous forme EuCl3, l’iridium sous forme (NH4)5IrCl6, le plomb sous forme de penthamethyl dithiocarbamate de Plomb, le tungstène sous forme NaWO4 , le cuivre sous forme de CuSO4, le nickel sous forme NiCl2 et le zinc sous forme ZnCl2. Ces trois derniers métaux ont été choisis pour leur effet sur l’activité de la lipase Lip2 de Y. lipolytica. Une étude montre en effet, que la lipase est inactivée partiellement en présence de nickel ou de zinc, et totalement en présence de cuivre (Yu, et al., 2007b). Ceci qui peut présager d’une fixation de ces métaux sur la lipase. Comme l’enregistrement des données dépend du temps de faisceau alloué au synchrotron, tous les trempages n’ont pas encore pu être analysés. Le choix des trempages qui ont été enregistrés (Tableau III-21) a été guidé par l’observation des cristaux au cours des trempages. Dans le cas de l’osmium (composé coloré noir) un noircissement du cristal permet de se rendre compte que le composé a pénétré dans le cristal. Cependant, pour les autres composés, les cristaux supportent très bien jusqu’à plusieurs jours de trempages dans les solutions de métaux lourds. Le choix des trempages qui ont été enregistrés s’est basé sur une méthode développée par Boggon et Shapiro (2000) qui permet de prédire si une protéine et un métal lourd auront des chances d’interagir. Elle consiste à incuber les deux composés pendant quelques minutes et à réaliser une électrophorèse en conditions natives. Des différences dans les profils de migration entre la protéine témoin et la protéine incubée avec un dérivé lourd seront le témoin d’une interaction entre la protéine et les métaux lourds. Cette technique a été réalisée pour cribler rapidement l’intérêt de plusieurs dérivés avec de l’enzyme à 1,5 g/L (0,05 mM) et les composés à une concentration de 1 mM (Figure III-60). Les seuls profils qui montrent des différences avec la lipase native sont ceux des incubations avec l’osmium (puits 1), et le mercure (puits 8). Pour l’osmium, ceci confirme les observations de noircissement du cristal déjà constatées pendant les trempages. Des cristaux 270 Chapitre III : Résultats trempés en présence du HgCl2 avaient été précédemment testés et ne montraient aucune fixation du mercure. Comme les interactions peuvent varier en fonction de la forme du composé, d'autres dérivés de mercure ont été testés mais sous différentes formes : TAMM (Tetrakis(acetoxymercuri)méthane), Phényl-Hg(CH3COO) et Hg(CH3COO)2. N 1 2 3 4 5 N 6 7 8 9 10 11 12 N Figure III-60 : Electrophorèse en conditions natives de l’enzyme Lip2 déglycosylée à 1,5 g/L incubée avec différents métaux lourds à 1 mM (les métaux lourds sont marqués en gras). N native, 1-HgCl2, 2-Gd (CH3COO)3, 3-Sm (NO3)3, 4-K3UO2F5, 5- NaBr, 6-NiCl2, 7- NaWO4, 8(NH4)2OsBr6, 9-CuSO4, 10-EuCl3, 11-(NH4)5IrCl6, 12-penthamethyl dithiocarbamate de Plomb Le récapitulatif des jeux de données enregistrés à l’ESRF est donné dans le tableau III-21. La fixation des atomes lourds a été analysée par la carte de Patterson différence entre les jeux de données de la lipase native et des dérivés enregistrés. Les résultats sont consignés dans le tableau III-22. Sur les 6 dérivés dont le diffractogramme a été enregistré, aucun pic significatif n’apparaît sur les cartes de Patterson différence et ce, même avec l’osmium et les composés mercuriques (HgCl2 et TAMM) qui présentaient des profils de migration particuliers sur les électrophorèses en conditions natives. D’autres dérivés lourds restent à tester : en premier lieu les dérivés à base de mercure seront enregistrés car il semble que le mercure se fixe à la lipase Lip2 (Figure puits 1). Cette fixation est probablement liée à la présence de la cystéine libre dans la lipase. L’absence de fixation des composés est peut être due à l’inaccessibilité du site de fixation notamment pour l’osmium et le mercure qui semblaient interagir avec la protéine en solution. Cependant, cette étape reste assez longue avant de trouver un "bon" dérivé dans les bonnes conditions de trempage. D'autres méthodes consistent à incorporer covalement un atome lourd directement dans la chaîne polypeptidique. C'est le cas par exemple de la bioincorporation de sélénométhionine. Des essais de bioincorporation de sélénométhionine dans la lipase produite par la levure Y. lipolytica ont donc été initiés. 271 Native Dérivé Hg Dérivé Pt Dérivé Au Dérivé Os Dérivé Sm Dérivé TAMM Ligne enregistrement id14eh4 id23eh2 id23eh3 id23eh4 id14eh2 id14eh2 id14eh2 Résolution Å 68,7 - 1,7 Å 88,6 - 3,0 Å 88,7 - 3,5 Å 88,0 - 2,4 Å 95,0 - 3,9 Å 61,3 - 3,5 Å 73,3 -2,5 Å Nombre d'observations 947008 103119 77898 190277 61014 64345 273149 Nombre d'observations indépendantes 228475 42124 30877 77935 19188 26431 70999 Multiplicité 4,1 2,4 2,5 2,4 3,2 2,4 3,8 Complétude % 99,5% (99,9) 98,3% (98,3) 95,5% (96,4) 95,1% (86,8) 97,2% (98,2) 96,5% (98,4) 99,7% (99,7) R sym % 7,3% (34,3) 10,5% (37,5) 12,7% (33,7) 6,7% (30,8) 8,3% (20,9) 5,5% (11,2) 6,5% (18,0) I/σ (signal sur bruit) 6,7 (2,2) 6,1 (1,9) 4,4 (2,1) 12,1 (7,2) 2,3 (2,6) 4,9 (4,7) 7,8 (3,9) Riso % 29,6% 27,5% 18,5% 36,3% 36,5% 9,7% Rano % 7,7% 11,2% 4,0% 10,5% 5,7% 3,2% Tableau III-21 : Récapitulatif des jeux de données enregistrés pour divers dérivés. Les paramètres enregistrés dans la dernière couronne de résolution sont indiqués entre parenthèses Riso = ∑ | Fdérivé - Fnative | ∑ Fnative hkl hkl et Rano = ∑ I+ − I− ∑( I + + I− ) Composé testé Temps de trempage Résolution Fixation HgCl2 17 heures 3,0 Å Non K2PtCl4 17 heures 3,5 Å Non KAu(CN)2 17 heures 2,4 Å Non (NH4)2OsBr6 4 jours 3,9 Å Non TAMM 3 jours 2,5 Å Non Sm(NO3)3 6 jours 3,5 Å Non Tableau III-22 : Analyse de la fixation des métaux lourds par la fonction de Patterson différence. Les composés ont été utilisés à une concentration de 10 mM. Chapitre III : Résultats 2.3. Protéine Sélénométhionylée Une des voies pour que le diffuseur anomal soit placé de manière reproductible dans le réseau cristallin, consiste à produire une protéine ayant déjà intégré ce diffuseur anomal. Ainsi, l’utilisation de protéines sélénométhyonylées comme outil de phasage a été rapportée pour la première fois par Hendrickson et al. (1990) et est depuis une technique de choix pour retrouver l’information de phase. La production de telles protéines se fait en remplaçant la méthionine par de la sélénométhionine dans un milieu de culture minimum. Cependant, du fait de la toxicité de ce composé, ceci peut conduire à une diminution de la production de protéines. Dans le cas de protéines produites par la bactérie E. coli, les pourcentages d’intégration avoisinent souvent les 100%, ce qui facilite le phasage. Dans le cas de la production de protéines par les systèmes levuriens, peu de cas ont été référencés dans la littérature (Tableau III-23), cependant le pourcentage d’intégration est souvent plus faible et seuls quelques exemples montrent des taux d’incorporation proche de 100%. Les deux cas où le taux d’incorporation de sélénométhionine est le plus important ont été obtenus avec la levure S. cerevisiae. Dans le cas de la protéine QDE-1Deta N (Laurila, et al., 2005), les auteurs attribuent leur succès au mode de production de l’enzyme, où la phase de croissance de levure et d’expression de la protéine ont pu être découplées. Dans le cas de la protéine Wrs 1 (Malkowski, et al., 2007), la production a été réalisée avec des souches disruptées de S. cerevisiae. Les gènes SAM1 et SAM2 intervenant dans la conversion de la méthionine en adenosylméthionine ont été délétés, ce qui empêche la conversion de la sélénométhionine en un composé toxique (l’adénosyl-sélénométhionine), et favorise la bioincorporation de sélénométhionine dans la protéine. Tableau III-23: Récapitulatif des essais de production de protéines sélénométhionylées avec des systèmes d’expression levuriens. Enzyme Hôte d'expression % d'incorporation Observations Référence ARN polymerase II S. cerevisiae 65% Insuffisant pour le phasage mais servent de marqueur pour la construction du modèle Bushnell et al.,2001 Dextranase P.pastoris 50% Résolution de la structure par la méthode MAD Larsson et al., 2001 b-mannanase Man5A P.pastoris 40% Pas de résolution Xu et al., 2002 QDE-1 DeltaN S. cerevisiae 98% Pas de croissance en présence de sélénométhionine mais expression de la protéine d'intérêt. Résolution de la structure tridimensionnelle Laurilla et al., 2005 Wrs1 S. cerevisiae * 95% Ingénierie de la souche - Résolution par la méthode MAD Malkowski et al., 2007 273 Chapitre III : Résultats Pour que le pouvoir de phasage soit bon, il faut qu’il y ait environ une sélénométhionine pour 100 à 150 acides aminés. Si on envisage un phasage par la méthode MAD avec des sélenométhionines pour la lipase de Y. lipolytica, il faut que l’incorporation de sélénométhionine soit proche de 100%, car elle ne contient que deux méthionines pour 301 acides aminés. 2.3.1. Essai de production en fermenteur Un premier essai de production en fermenteur sur milieu minimum a été réalisé avec la souche 329. Cette souche contient la lipase Lip2 en multicopie (16 copies) sous contrôle du promoteur POX2. La quantité de lipase produite par cette souche est environ 10 fois plus importante que pour une souche monocopie, ce qui permet de pallier la baisse de production due à la toxicité de la sélénométhionine. D’autre part, la lipase est sous contrôle d’un promoteur inductible, ainsi, la phase de croissance et la phase de production de lipase pourront être découplées. Cette dernière phase est réalisée en présence de 0,1 g/L de sélénométhionine. Il est à noter que le phénomène d’agrégation de la lipase qui avait été observé systématiquement lors des deux premières années de cette étude lorsqu’elle était produite en présence d’acide oléique n’a plus lieu depuis que le lot d’acide oléique a été changé. Les causes de ce phénomène n’ont pas été explorées, mais sont peut-être à mettre en relation avec un vieillissement de l’acide oléique. Le suivi de l’activité lipase au cours de la fermentation est présenté sur la figure III-61. aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa aaaaaaaaPhase de aaproduction de biomasse aaa sur glucose aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa aaaaaaaaaaaaaaaaaaaa Activité lipase (U/ml) 16 Phase de production de lipase sur acide oléique en présence de sélénométhionine 12 8 4 0 0 5 10 15 Temps (heures) Figure III-61 : Suivi de la production de lipase en cours de fermentation. 274 Chapitre III : Résultats La moitié de la lipase est produite dans la phase de production de biomasse car le promoteur POX2 n’est pas totalement réprimé en présence de glucose. Pour les productions habituelles de lipases, la dé-répression du promoteur POX2 n’est pas un problème et l’ampleur du phénomène est de moindre intensité car la production de lipase en présence d’acide oléique est au moins 10 fois plus élevée si la production n’a pas lieu en présence de sélénométhionine. Pour cette production, l’incorporation de sélénométhionine dans la souche ne pourra donc pas être supérieure à 50 %. Une analyse en spectrométrie de masse (réalisée par la pate-forme protéomique de l’IPBS) a tout de même été réalisée pour évaluer l’efficacité d’incorporation de sélénométhionine. La lipase a préalablement été purifiée selon la procédure habituelle, puis déglycosylée pour s’affranchir de la variabilité de masse générée par l’hétérogènéité de la glycosylation et finalement une précipitation au TCA a été réalisée. Les spectres de masse de la lipase native et de la lipase potentiellement sélénométhionylée sont montrés sur la figure III-62. La masse prédite de la lipase est de 33385,8 or, il y a deux sites de N glycosylation. Après déglycosylation par l'endo hf (NEB), l'enzyme déglycosylée porte donc deux résidus GlcNac (chacun de masse 200). Ce qui correspond à la masse moyenne de 33 785,5 observée pour la lipase native déglycosylée. Les autres pics sont dus à des déglycosylation incomplètes (résidus de mannose de masse molaire 163). Lipase native + 156 ? + 47 + 163 + 163 + 47 + 163 Figure III-62 : Spectres de masse de la lipase native et de la lipase potentiellement sélénométhionylée. Toutes deux ont été préalablement déglycosylées. 275 Chapitre III : Résultats Pour la lipase produite en présence de sélénométhionine, les pourcentages des différents composés sont récapitulés dans le tableau III-4. La masse de la lipase native n’est pas retrouvée, il y a un delta de 156 avec cette masse de Lip2 native. Cette lipase a été produite avec une souche multicopie surproduisant Lip2 et correspond à la masse molaire d’une arginine. Il s’agit peut être un clivage imparfait de la séquence d'adressage en effet, celle-ci contient une arginine comme dernier acide aminé. Tableau III-24 : Aires des pics obtenus pour le spectre de masse de la lipase potentiellement sélénométhionylée. n° Forme Masse moyenne Aire % 1 M LIP2 N + 156 (R) 33941,1 6664,1 42% 2 M LIP2 N + 156 (R) + 46 33987,2 6553,1 41% 3 M LIP2 N + 156 (R) + 46 + 47 34034,1 2809,1 18% Les deux autres pics majoritaires obtenus présentent des delta de 46 et 47. Ces différences de masses correspondent à la différence de masse entre un atome de soufre (32 g/mol) et un atome de sélénium (79 g/mol). Le pic n°2 correspond donc à la forme de lipase portant une seule sélénométhionine et représente 42 % des espèces en présence et le pic n°3 à la forme avec 2 Séléno-Méthionines et ne représente que 18 % de la lipase produite. La lipase disélénométhionylée n’est donc pas la principale forme au sein de l’échantillon. Au final, le taux d’incorporation de la sélénométhionine est de 38 %, même si ce taux est trop faible. Des essais de cristallisation sont en cours avec cette lipase. D’autre part, ce résultat préliminaire laisse penser que le pourcentage d’incorporation pouvait être grandement amélioré juste en modulant la conduite du procédé. En effet, nous avons vu qu’environ la moitié de la lipase native a été produite sans qu’il y ait présence de sélénométhionine. Si on considère que les 42 % de lipase non sélénométhionylée ont été obtenus dans la phase de croissance de la levure, alors, le taux d’incorporation de la lipase pendant la phase de production s’élève à 65 %. Pour obtenir une lipase avec un maximum d’incorporation de sélénométhionine, les phases de production et de croissance doivent être totalement découplées. Comme la lipase Lip2 est extracellulaire, on peut envisager, une première phase de production de biomasse en fermenteur sur glucose sans sélénométhionine, la biomasse est alors récupérée et le surnageant de culture éliminé. La production de lipase est alors effectuée avec cette biomasse dans un nouveau milieu de culture contenant de l’acide oléique et de la sélénométhionine. Pour éviter la production de lipase avec une seule sélénométhionine incorporée, on peut envisager de rajouter la sélénométhionine en fin de production de biomasse. 276 Chapitre III : Résultats 2.3.2. Ingénierie de la voie métabolique de biosynthèse de la méthionine chez Y.lipolytica Pour s’assurer que toutes les méthionines seront bien remplacées par des sélénométhionines, il ne s’agit pas seulement de rajouter de la sélénométhionine, en effet, Y. lipolytica possède sa propre voie de biosynthèse de la méthionine. Nous avons donc envisagé de réaliser l’ingénierie de cette voie métabolique pour bloquer ou au moins diminuer cette voie de biosynthèse. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur les travaux de Landaux et al., (2007) qui ont construit le cycle de biosynthèse des acides soufrés chez Y. lipolytica par comparaison avec celui déjà connu de S. cerevisiae (Figure III-63). a) Gène MET6 La biosynthèse de méthionine est réalisée par le transfert d’un groupement méthyl sur une homocystéine par une homocystéine méthyltransférase (ou méthionine synthase) (MET6 / YALIB14509g). La délétion de ce gène a donc été réalisée par insertion d’une cassette de délétion au locus du gène à déléter. La construction de cette cassette de délétion est détaillée dans le chapitre matériel et méthode. Elle comprend, une zone de 900 bp comprenant la zone amont du gène à déléter, un gène de sélection (de résistance à l’hygromycine) et la zone en aval du gène à déléter (environ 1100 bp). Les transformations ont été réalisées sur un milieu riche YPD hph complémenté avec différentes concentrations de méthionine (10 et 100 mg/L) et complémenté avec les 19 autres acides aminés et en adénine (0 et 10 mg/L de chaque). Les taux de transformation sont exceptionnellement bas et, après vérification par PCR, aucun des transformants testés n’a intégré la cassette de délétion au locus voulu (certains l’ont intégrée à des locus différents et d’autres sont des mutants spontanés de résistance à l’hygromycine). L’hypothèse retenue pour expliquer ce phénomène est que la délétion du gène MET6 est létale pour Y. lipolytica. Ainsi, tous les transformants qui ont inséré la cassette de délétion au locus voulu n’ont pas été capables de croître. Chez S. cerevisiae (Suliman, et al., 2005) et A. nidulans (Kacprzak, et al., 2003) la disruption du gène MET6 est totalement complémentée par la supplémentation en méthionine. Mais ce n’est pas le cas chez toutes les levures. Ainsi pour certaines levures, la complémentation en méthionine seule ne suffit pas à rétablir le phénotype initial. C’est les cas pour les levures de Cryptococcus neoformans et Schizosaccharomyces pombe. Chez Cryptococcus neoformans l’auxotrophie à la méthionine est obtenue avec la délétion de ce gène mais la croissance n’est pas optimale même en complémentant le milieu avec de la méthionine ; en outre, le champignon est avirulent et plus sensible aux antifongiques (Pascon, et al., 2004). De même, 277 Chapitre III : Résultats la disruption du gène de la méthionine synthase (met26) chez Schizosaccharomyces pombe conduit à l’obtention de transformants nécessitant à la fois une complémentation en méthionine et en adénine pour pousser (Fujita, et al., 2006). Chez Y. lipolytica malgré la complémentation dans ces deux composés, aucun transformant n’a pu être isolé. C’est aussi la cas pour la levure diploïde C. albicans (Suliman, et al., 2007) chez qui l’obtention du double mutant met6/met6 n’a pu être obtenue. L’insuffisance en méthionine n’est pas responsable puisque la levure possède une perméase active qui transporte la méthionine (Kaur and Mishra, 1991), et que la croissance de mutants auxotrophes pour la méthionine obtenus par ailleurs a pu être rétablie par une complémentation en méthionine (Poulter, et al., 1982; Viaene, et al., 2000). Pour mieux étudier le phénomène, le gène MET6 a été mis sous contrôle d’un promoteur inductible. Ainsi, des mutants ont pu être obtenus dans des conditions d’induction. Une étude du mutant lorsque le promoteur est réprimé, a montré une croissance possible en présence de méthionine. La répression de l’expression de la méhionine synthase n’est cependant pas totale ce qui permet le maintien en vie des levures. La délétion du gène de la méthionine synthase entraîne probablement une accumulation de d’homocystéine dans la cellule : pour les levures S. pombe (Fujita, et al., 2006) et S. cerevisiae (Jakubowski, 1991), cette accumulation s’avère toxique. Dans le cas de S. cerevisiae la présence de la voie de conversion de l’homocystéine en cystéine permet de réguler les taux d’homocystéine dans la cellule et de limiter la toxicité (Jakubowski, 1991). Malgré l’existence de cette voie chez Y. lipolytica, il semble que, comme pour C. albicans, cette délétion soit létale pour la levure. Les mécanismes induisant la toxicité de l’homocystéine ne sont pas encore clairement déterminés et semblent être dépendants de l’organisme. Chez S. cerevisiae, l’accumulation d’homocystéine se traduit par un stress au niveau du réticulum endoplasmique (Kumar, et al., 2006). D’autre part l’homocystéine semble interférer avec la voie de biosynthèse des purines chez S. pombe (Fujita, et al., 2006) et la voie de biosynthèse des stérols (Parks and Casey, 1995). b) Gène MET2 Pour éviter l’accumulation de ce composé dans le milieu, un autre gène a été ciblé, le gène MET2 (YALIE00836g). Ce gène code pour une L-homoserine-O-acetyltransferase qui permet la formation de O-acétylhomosérine à partir de laquelle l’homocystéine (puis la méthionine) sont synthétisées. La cassette de délétion a été construite et la transformation, là encore, n’a donné aucun disruptant. 278 YALI0B17930g YALI024233g YALI0B08184g YALI0E00418g YALI0B08140g YALI0D11176g YALI0E00836g YALI0E16368g YALI0D25168g YALI0F11759g YALI0D00605g YALI0D17402g YALI0E30129g YALI0B14509g YALI0E09108g YALI0F05874g YALI0E12683g YALI0C17831g Saccharomyces cerevisiae Yarrowia lipolytica Figure III-63 : Construction des voies métaboliques des acides aminés soufrés chez la levure Y. lipolytica par comparaison avec celle de S. cerevisiae. (d’après Landaud et al., 2007). Mise en évidence des gènes ciblés pour l’ingénierie de la voie métabolique de biosynthèse de la méthionine. 279 Chapitre III : Résultats La délétion de ce gène a été rapportée pour plusieurs levures : S. cerevisiae (Hansen and Kielland-brandt, 1996; Ono, et al., 1991), S. pombe (Ma, et al., 2007), Cryptococcus neoformans (Nazi, et al., 2007) et P. pastoris (Thor, et al., 2005). La disruption de ce gène d’après la voie de biosynthèse (figure III-63) peut entraîner l’accumulation de sulfides. Ce phénomène a été observé dans le cas de S. cerevisiae (Ono, et al., 1991). De même, une accumulation de sulfites dans le milieu extracellulaire chez cette même levure a aussi été mise en évidence (Hansen and Kielland-brandt, 1996) lors de la délétion de ce gène. Des phénomènes de toxicité induits par les sulfites avaient été mis en évidence par ailleurs chez cette même levure (Pilkington and Rose, 1988) sans pour autant que cela soit létal pour la levure. La disruption de ce gène est par contre létal pour la levure Y. lipolytica ce qui laisse supposer un métabolisme différent chez cette levure et peut être une sensibilité particulière à ces deux types de composés. Cependant, la délétion du gène MET17 codant pour l’Oacetylhomosérine sulfhydrylase intervenant dans la transformation de l’O-acétylhomosérine en l’homocystéine a déjà été réalisée chez Y. lipolytica. Les mutants obtenus ne sont pas auxotrophes et aucun effet sur la croissance des transformants n’a pu être mesuré (Brzywczy and Paszewski, 1993). La disruption de ce gène peut aussi conduire à l’accumulation d’homosérine. Cependant, son accumulation dans la cellule doit être de faible ampleur car celle-ci intervient aussi dans la voie de biosynthèse de la thréonine, d’autre part aucune accumulation ou effet toxique de ce composé n’ont jamais été rapporté dans la littérature. c) Gène SAM Une voie originale a été développée pour améliorer l’incorporation de sélénométhionine dans les protéines : elle consiste, non pas à empêcher la formation de méthionine, mais à couper la voie de formation de la S-adenosyl-méthionine (Malkowski, et al., 2007). Les auteurs formulent l’hypothèse que la toxicité de la sélénométhionine a pour origine sa conversion en un dérivé séléno de la S-adenosylméthionine (S-AdoMet). La délétion des deux gènes codant pour des S-Adénosylméthionine synthase SAM1 et SAM2 (permettant la conversion de méthionine en S-AdoMet) entraîne une toxicité moindre de la sélénométhionine et permet une meilleure incorporation de la sélénométhionine dans les protéines. Chez Y. lipolytica, une seule copie de la S-Adenométhionine synthase est présente et est codée par le gène YALIB14509g. La disruption de ce gène, là encore, n’a conduit à aucun disruptant et ce, malgré la complémentation en S-Adomet dans le milieu de sélection. Ce résultat surprenant nous a amenés à rechercher dans le génome de Y. lipolytica les perméases à la S-adénosyl 280 Chapitre III : Résultats méthionine. Aucun gène codant pour une S-adenosylméthionine perméase n’est annoté dans le génome de Y. lipolytica comme étant homologue à une S-adénosylméthionine perméase. Un blast avec la S-adénosyl perméase (SAM3) de S. cerevisiae montre un faible pourcentage d’homologie avec des protéines annotées comme homologues à GAP1 : une perméase non spécifique des acides aminés de S. cerevisiae. On notera que 8 gènes dans le génome de Y. lipolytica sont fortement homologues avec GAP1 : YALI0B16522g, YALI0C17237g, YALI0B19800g, YALI0F19866g, YALI0B19492g, YALI0E10219g et YALI0C09889g. Peut-être que l’un d’entre eux est responsable du transport de la S-adénosyl méthionine. Cependant pour tous, l’homologie avec SAM3 est moindre qu’avec GAP1. Là encore, ceci met en évidence les particularités du métabolisme des composés soufrés chez Y. lipolytica. d) Conclusion et Perspectives D’autres possibilités restent encore à explorer dans l’ingénierie de la voie de biosynthèse de la méthionine. La délétion des gènes MET13 et MET7 codant respectivement pour une méthylènetétrahydrofolate réductase et une folylpolyglutamate synthétase reste envisageable. En effet, le groupement méthyl qui permet la conversion de l’homocystéine en méthionine provient du N5-methyltetrahydropteroyltri-L-glutamate. Celui-ci est issu de la conversion N5,N10-methylenetetrahydrofolate par les enzymes codées par les gènes MET13 et MET7 chez S. cerevisiae. Chez Y. lipolytica, le gène YALI0E24497g est annoté comme étant l’équivalent de Met7. Aucun gène n’est annoté comme étant l’équivalent de Met13. Un Blast sur le génome a permis d’identifier le gène YALI0B00572g codant pour une méthylènetétrahydrofolate réductase, cette enzyme joue peut être le rôle de MET13 dans S. cerevisiae. En outre, comme la délétion des gènes a, à chaque fois, conduit à une mutation létale, une stratégie plus judicieuse pourrait consister à une moduler leur activité (plutôt que de les déléter), en délétant progressivement leur promoteur par exemple. Il semble que chez Y. lipolytica la voie de biosynthèse de la méthionine soit assez difficilement modifiable. En effet, sur les trois gènes ciblés pour délétion, aucun disruptant n’a pu être obtenu. On notera que cette levure possède une très faible quantité de méthionine comparée aux autres levures (Morzycka, et al., 1976) et que la voie de biosynthèse de composés soufrés est particulièrement développée (Bonnarme, et al., 2001; Cholet, et al., 2008) car c’est une levure intervenant dans la maturation des fromages. D’autre part, la modification d’une voie métabolique n’est pas une chose aisée. En effet, nous avons pu voir que dans certains cas la délétion d’un gène codant pouvait entraîner d’autres types d’auxotrophies, sans que cela soit prédictible ou compréhensible même à posteriori. En effet, 281 Chapitre III : Résultats les inter-connexions entre les voies métaboliques ne sont pas toutes connues, et de plus, elles diffèrent selon les organismes considérés. Ici, cependant, les transformations ont été réalisées sur un milieu riche, celui-ci a, en plus été complémenté en méthionine, et également avec les 19 autres acides aminés ainsi qu’en adénine. Par ailleurs, il convient de signaler que la connaissance des voies métaboliques des acides aminés soufrés est limitée chez la levure Y. lipolytica. Les gènes ont été ciblés par rapport à la voie de biosynthèse des acides aminés soufrés chez S. cerevisiae. Au vu des résultats, ces voies métaboliques sont certainement particulières et différentes chez Y. lipolytica. Ainsi, certains homologues n’ont peut être pas la fonction prédite et il est bien évident que d’autres gènes non identifiés puissent intervenir dans cette biosynthèse. D’autres stratégies peuvent être envisagées pour améliorer l’incorporation de sélénométhionine dans la lipase. La première pourrait consister à jouer sur les perméases permettant le transport des acides aminés (et de leurs homologues toxiques) dans la cellule. Il en existe de nombreuses qui peuvent être non spécifiques (Général Amino acid Perméase GAP) ou spécifique d’un acide aminé particulier. Des perméases spécifiques des méthionines ont déjà été identifiées chez les levures. Chez S. cerevisiae, une perméase MUP1 est spécifique du transport de la méthionine et de certains de ses analogues comme la sélénométhionine (Gits and Grenson, 1967). Chez Y. lipolytica, 5 gènes putatifs ont été identifiés comme étant des homologues à cette perméase : YALI0D16137g, YALI0F03498g, YALI0D1946g, YALI0F07018g, YALI0F25795g. On notera que cette redondance n’est pas présente chez S. cerevisiae ni chez les autres levures intervenant dans la maturation des fromages ce qui dénote un métabolisme particulier en ce qui concerne la méthionine. Généralement, l’expression de ces perméases est réprimée par la présence de sources de carbone (ammoniaque, glutamine…) dans le milieu de culture. Ainsi, le contrôle de l’expression de ces perméases, en les mettant sous contrôle d’un promoteur fort, pourrait faciliter l’entrée de la sélénométhionine dans la cellule et favoriser son incorporation dans les protéines. Une stratégie complémentaire pourrait être d’augmenter le nombre de méthionine dans la lipase. En effet, nous avons vu que pour avoir un bon pouvoir de phasage, il était nécessaire d’avoir au minimum une sélénométhionine pour 100 à 150 acides aminés et que la lipase Lip2 possédait seulement deux méthionines pour 301 acides aminés. Les acides aminés les plus propices à changer sont la leucine et l’isoleucine et dans une moindre mesure la valine (Leahy, et al., 1994). 282 Chapitre III : Résultats 2.4. Conclusion Les essais de cristallisation avec la lipase déglycosylée ont permis d’obtenir des cristaux monocristallins à partir desquels un jeu de données à 1,7Å a été enregistré. La méthode du remplacement moléculaire, lorsqu’elle fonctionne, est la technique la plus rapide pour résoudre la structure à partir d’un jeu de données. Dans notre cas, aucune solution n’a été trouvée par cette méthode, probablement à cause d’un grand nombre de lipase dans l’unité asymétrique. Les essais d’incorporation de métaux lourds dans l’édifice cristallin ont permis d’identifier l’osmium et le mercure comme étant des atomes potentiellement intéressant pour la résolution de la structure par remplacement isomorphe multiple. Une optimisation de la fixation des ces métaux dans l’édifice cristallin est actuellement en cours. D’autre part, même si les résultats préliminaires sont encourageants, la bioincorporation de sélénométhionine dans la lipase est encore trop faible pour que le phasage par la méthode MAD soit réalisé. Ce système cristallin contenant de nombreuses lipases dans l’unité asymétrique peut aussi poser des problèmes dans le cas des méthodes expérimentales de phasage. En effet, les fonctions de Patterson différences qui permettent la localisation des atomes lourds ou des diffuseurs anomaux peuvent être difficilement exploitables dans le cas d’un grand nombre de diffuseurs anomaux dans l’unité asymétrique. En parallèle des essais de production de lipase sélénométhionylée et des essais de trempages dans des atomes lourds, il a donc été décidé de trouver de nouvelles conditions de cristallisation aboutissant à un système cristallin avec moins de lipases dans l’unité asymétrique. 3. Recherche conditions de cristallisation avec maille plus petite. 3.1. Ancien crible Les premiers cribles de cristallisation avaient permis d’identifier d’autres conditions de cristallisation. Les cristaux obtenus en présence de 4M de formate de sodium sont de forme oblongue (Figure III-64) et ont été reproduits en plaque 24 puits. La diffraction de ces cristaux sur ligne synchrotron a permis d’enregistrer des clichés de diffraction avec des taches de diffraction allant au mieux jusqu’à 3,5 Å. Cependant, le jeu de données n’a pas été enregistré car une première indexation donnait un système cristallin de 283 Chapitre III : Résultats type hexagonal et les paramètres de maille suivants α = β= 90° γ= 120° et a = b = 125 Å et c = 400 Å. Soit une maille plus de deux fois plus grande que la maille obtenue avec les premiers cristaux et avec de 7 à 16 lipases dans l’unité asymétrique (d’après les prévisions du calcul du coefficient de Matthews). Figure III-64 : Cristaux de la lipase Lip2 déglycosylée obtenus en présence de formate. 3.2. Nouvelles pistes de cristallisation De nouveaux criblages haut-débit de conditions de cristallisation ont donc été réalisés avec de nouveaux screens commerciaux. La gamme des screens JCSG core (I, II, III et IV) a été utilisée ainsi que le screen pH Clear Suite. Les plaques Greiner utilisées ont à nouveau permis de tester trois conditionnements différents de la lipase. La cristallisation de la lipase déglycosylée dans les essais précédents a toujours été obtenue pour les conditionnements avec une faible force ionique, le conditionnement de la lipase dans 500 mM de NaCl n’a donc pas été retenu. De plus les cristaux obtenus en présence de l’acide ortho bromo-phényl acétique étaient mieux formés que ceux produits sans cet acide, il se peut que ce substrat stabilise la lipase. De ce fait un autre acide : l’acide oléique a été testé. Le problème de la miscibilité de l’acide oléique dans la phase aqueuse a été résolu en s’inspirant d’expériences antérieures sur la cristallisation d’un mutant inactif de la lipase de T. lanuginosa en présence d’acide oléique (Yapoudjian, et al., 2002). Les trois conditionnements de la lipase sont donc : - Lip2 12 g/L dans Tris 20 mM pH 7,8 - Lip2 13 g/L dans tris 20 mM pH 7,8 + l’acide ortho bromo-phényl acétique 8 mM dans DMSO 5% final - Lip2 14 g/L dans tris 20 mM pH 7,8 + Acide oléique 10 mM + sodium taurodéoxycholate (NaDTC) 10 mM dans isopropanol 5% final. 284 Chapitre III : Résultats Des petits cristaux 50 x 100 x 40 nm apparaissent dans les conditions suivantes : - 1,0 M tartrate Na/K - 0,2 M lithium sulfate - 0,1 M Tris pH 7,0 et seulement pour la lipase conditionnée en présence d’acide oléique. Ils ont été testés directement sur la ligne de l’ESRF. L’indexation du jeu de données a mis en évidence qu’il s’agissait d’un système cristallin quadratique (tétragonal) dont les paramètres de maille sont : a = b = 162, c =173 et α = β = γ 90°. Le groupe d’espace est donc de type P4x2x2. L’examen des extinctions systématiques a permis de lever l’indétermination sur l’axe d’ordre deux : il s’agit d’un axe hélicoïdal, mais pas sur l’axe d’ordre quatre. Ainsi, quatre groupes d’espace sont possibles : P4212, P41212, P42212 ou P43212. Le groupe d’espace et les paramètres de maille ont pu être déterminés. Ce type de paramètres correspond à une maille avec au minimum 8 lipases dans l’unité asymétrique (pour le groupe d’espace. C’est beaucoup. L’enregistrement du jeu de données n’a pu se faire qu’à une résolution de 4,0 Å (voir récapitulatif du jeu de données tableau III-25). Probablement que l’obtention de cristaux de taille plus grande permettrait d’améliorer la diffraction. Ainsi, nous sommes actuellement en train d’essayer d’optimiser la cristallogenèse de ce type de cristaux. Pour le moment, nous n’avons pas réussi à les reproduire en plaques 24 puits. 12,65 - 4,0 Å 4,22 - 4,0 Å Nombre d'observations 120072 10784 Nombre d'observations indépendantes 18271 2232 6,5 4,8 Complétude 91,5% 79,5% R sym 16,1% 39,5% 4,5 1,9 Muliplicité I/σ (signal sur bruit) Tableau III-25 : Récapitulatif du jeu de données enregistré à 4,0 Å Le remplacement moléculaire a été lancé dans les différents groupes d’espaces probables. Pour réaliser le modèle de départ, les enzymes homologues à Lip2 ont été alignées structuralement (logiciel Swiss pdb Viewer) par minimisation du rmsd. Seuls les éléments de structure secondaire qui se superposaient ont été conservés. Les calculs de remplacement moléculaires ont été réalisés avec les squelettes polyalanines de ces éléments de structure secondaire mais n’ont pas donné de résultats concluants. 285 Chapitre III : Résultats 4. Conclusion : D’autres conditions de cristallisation donnent des cristaux intéressants, cependant il semble que la lipase Lip2 ait tendance à cristalliser dans des mailles de tailles importantes, et que le remplacement moléculaire ne soit pas adapté à la résolution de sa structure. Celle-ci doit donc passer par les méthodes de phasages expérimentales. L’obtention de dérivés lourds par trempage est une méthode qui peut être assez longue avant de trouver le ou les atomes lourds qui vont se fixer dans le réseau cristallin. Ainsi, l’utilisation de protéine sélénométhionylée nous paraît une méthode de choix. D’autre part, la sélénométhionine a une composante anomale importante dans la gamme des rayons X qui permet d’envisager l’utilisation de la méthode de phasage MAD. Cette méthode consiste à enregistrer plusieurs jeux de données à des longueurs d’onde différentes sur un même cristal contenant un diffuseur anomal et permet de s’affranchir des défauts d’isomorphismes rencontrés dans les méthodes de phasage utilisant le remplacement isomorphe. D’autre part, nous avons vu que la bio-incorporation de sélénométhionine dans les protéines produites par des systèmes d’expression levuriens était loin d’être optimale à de rares exceptions près. A ce jour, aucun cas de production de protéines sélénométhionylées produites par la levure Y. lipolytica n’a été référencée dans la littérature. Les premiers résultats de bio-incorporation de sélénométhionine dans cette levure se sont avérés être encourageants, mais demandent à être optimisés. Le développement d’un tel système de production chez cette levure présenterait un grand intérêt et ajouterait une plus value au système d’expression déjà complet « Yarrowia lipolytica ». 286 Conclusion générale 287 Conclusion générale CONCLUSION Durant ces quatre années de thèse mon travail s’est articulé autour de l’ingénierie de la lipase Lip2 de Yarrowia lipolytica. Cette lipase présente de nombreuses applications sur un plan biotechnologique (traitement de l’insuffisance pancréatique humaine, traitement d’effluents chargés en matière grasse) ainsi qu’un intérêt croissant dans le domaine des biotransformations : énantiosélectivité envers les esters d’acides 2-bromo-arylacétiques (précurseurs à de nombreuses classes de médicaments), sélectivité vis-à-vis de la longueur de chaine des acides gras en vue de la purification d’acides gras d’intérêt… Cependant, ces dernières applications dans le domaine des biotransformations ne sont actuellement pas développées à des échelles industrielles. Les limitations majeures à son utilisation résident d’une part, dans sa faible thermostabilité, et d’autre part, dans une sélectivité insuffisante en fonction des applications. Dans le cadre de l’amélioration des propriétés de cette lipase, deux méthodes efficaces sont la voie de l’évolution dirigée et celle de l’évolution rationnelle. Nous avons donc développé au cours de ces travaux de thèse deux outils génériques permettant de réaliser l’amélioration de la lipase Lip2 de Y. lipolytica : un système d’expression de protéines pour le criblage à hautdébit d’enzymes optimisées permettant son amélioration par évolution dirigée et un modèle tridimensionnel de cette lipase permettant l’utilisation de la voie de l’évolution rationnelle et l’étude des relations structure-fonction pour améliorer ses propriétés. Le premier outil développé s’inscrit dans le cadre de l’amélioration des propriétés par évolution dirigée. L’évolution dirigée d’enzyme nécessite de cribler de très nombreux variants de l’enzyme afin d’en sélectionner un sur une propriété améliorée. Pour identifier clairement les variants aux propriétés améliorées, le procédé de criblage doit être à la fois sensible et robuste (avec une faible variabilité). Ceci évite la sélection de faux positifs et donc des étapes de criblage complémentaires souvent coûteuses en temps. Au début de la thèse cependant, aucun système d’expression eucaryote n’était approprié pour ce type d’application du fait de la variabilité apportée par l’étape de transformation du gène chez les levures (intégration non ciblée, intégration multicopies…). D’autre part, un système d’expression performant eucaryote existait déjà pour la lipase Lip2 : elle est exprimée de manière recombinante, chez son hôte naturel, la levure Yarrowia lipolytica. Cette levure alternative à Saccharomyces cerevisiae est un système d’expression performant et avéré pour l’expression hétérologue de protéines. La première partie de la thèse a été consacrée à la mise au point d’un système 289 Conclusion générale d’expression eucaryote original pour l’évolution dirigée d’enzyme chez la levure Y. lipolytica. Le succès d’une campagne d’évolution moléculaire dirigée repose sur le débit de criblage : plus le nombre de transformants testés sera grand, et plus les chances d’en trouver un avec une propriété améliorée seront importantes. Ainsi la première étape a consisté à adapter les conditions de culture et d’expression de protéine en format microplaque 96 puits. Toutes les étapes du criblage ont été analysées de manière statistique et optimisées une à une. Le problème de la variabilité apportée par l’étape de transformation du gène chez les levures a été solutionné en intégrant dans le génome de Y. lipolytica, une plate-forme d’intégration où la cassette d’expression va s’intégrer de manière ciblée. De cette manière, une reproductibilité compatible avec une campagne de criblage haut débit est atteinte. Avec cette souche, la variabilité statistique est de 18,9% (contre 37 % avec la souche sauvage), ce qui la rend compatible avec un criblage d’enzymes optimisées en minimisant le nombre de faux positifs. Par ailleurs, le taux de transformation de cette souche a été multiplié par 10, permettant d’atteindre 8000 transformants par µg d’ADN et d’obtenir sans difficulté 3 à 5 mille clones sur une boite de Pétri 20cms*20cms. On notera que la contribution de la variabilité apportée par le test enzymatique de 11,7 % compte pour près des 2/3 à la variabilité du procédé total (18,9 %). Cette forte variabilité est dépendante de l’activité enzymatique testée : l’activité lipase. Il est probable que pour d’autres activités enzymatiques la variabilité apportée par le test enzymatique soit améliorée et que la reproductibilité globale s’en trouve améliorée. Notons aussi que l’utilisation d’une autre plate-forme que la zone zéta (favorisant aussi la recombinaison non homologue) permettrait certainement de diminuer le taux de transformants ayant intégré la cassette d’expression à un autre locus que le locus d’intégration ciblé. La souche développée pour le criblage haut débit d’activités enzymatiques présente des avantages pour d’autres applications comme la création de mutants par mutagenèse dirigée. Ainsi, comme l’expression protéique est reproductible d’un mutant à l’autre, l’activité spécifique de deux variants peut être directement comparée. Aujourd’hui c’est la souche de référence dans laquelle se font toutes les transformations par mutagenèse dirigée dans le laboratoire. D’autre part, ce système d’expression n’est pas spécifique à la lipase Lip2 de Y. lipolytica, c’est un système d’expression générique qui peut être utilisé pour l’évolution dirigée d’autres enzymes. Actuellement, la féruloyl estérase d’Aspergillus niger est exprimée chez Y. lipolytica à des fins d’évolution dirigée. 290 Conclusion générale Grâce au système de criblage développé, des banques de mutants ont été obtenues par mutagenèse aléatoire classique (PCR à erreurs) et un mutant thermostable de l’enzyme a été identifié : le variant C244A. Il a été mis en évidence qu’un phénomène d’agrégation des protéines était la cause majeure de l’instabilité thermique de cette lipase. Lorsque le gène LIP2 est sous contrôle du promoteur POX2, la production de l’enzyme est induite par l’acide oléique. Nous avons démontré que ce dernier avait pour effet de complexer l’enzyme dans des complexes lipides–enzymes indissociables. Pour résoudre ce problème, nous avons modifié le système d’expression en utilisant un promoteur constitutif, le promoteur TEF, qui permet une production d’enzyme sans acide oléique et donc non agrégée. Ainsi, après purification, la thermostabilité de la lipase sauvage et du variant 244A a été caractérisée. Le variant 244A présente une thermostabilité grandement améliorée par rapport à la lipase sauvage. Son temps de demi-vie est multiplié par 127 à 60°C et par 21 à 90°C. Cependant, l’agrégation et un mécanisme d’interchange des ponts disulfures restent prépondérants dans la dénaturation thermique de Lip2 et la concentration en enzyme a un effet drastique sur la thermostabilité. Ainsi, à de fortes concentrations, la thermostabilité de ce mutant n’est pas suffisante pour des applications industrielles. La compréhension de ces mécanismes ouvre la voie à d’autres améliorations possibles de la thermostabilité de l’enzyme par évolution rationnelle. Nous pourrons par exemple, tenter d’agir sur le mécanisme d’interchange des ponts disulfure, en réalisant l’ingénierie des ponts disulfure chez la lipase Lip2, ou en acidifiant le pH du milieu car ce phénomène est quasi inexistant à pH acide. D’autre part, pour minimiser le phénomène d’agrégation, la voie de l’immobilisation de l’enzyme paraît prometteuse car elle permettrait non seulement d’éviter l’agrégation de l’enzyme, mais aussi de travailler en milieu non aqueux, l’eau étant impliquée dans de nombreux mécanisme de dénaturation thermique. La seconde partie de la thèse s’est articulée autour de l’évolution rationnelle de l’enzyme et la compréhension des bases moléculaires régissant sa sélectivité. Cette étude nécessite d’avoir accès à la structure tridimensionnelle de l’enzyme, ce qui n’est pas le cas pour Lip2. La résolution de la structure tridimensionnelle des protéines passe aujourd’hui le plus souvent par la cristallisation des protéines et la diffraction des cristaux aux rayons X. L’obtention de protéine utilisable pour les essais de cristallographie est passée par l’utilisation du promoteur TEF, qui permet la production d’enzyme non agrégée. Des essais de cristallogenèse ont été entrepris en collaboration avec la plate-forme de biocristallographie de l’IPBS (Institut de Pharmacobiologie et de Biologie Structurale) Cette plate-forme dispose d’une station 291 Conclusion générale automatisée qui permet de cribler à haut débit de nombreuses conditions de cristallogenèse. Les cristaux obtenus avec la forme glycosylée de l’enzyme présentent une formation en feuillet liée probablement à la glycosylation de l’enzyme et les diffractogrammes enregistrés sont donc ininterprétables. Nous avons donc travaillé avec l’enzyme déglycosylée par voie enzymatique. Plusieurs conditions de cristallisation ont pu être identifiées et reproduites. L’une d’entre elles a conduit à l’enregistrement d’un jeu de données à 1,7 Å sur ligne synchrotron. Cependant, la résolution de la structure tridimensionnelle nécessite une information complémentaire en plus de ce diffractogramme : l’information de phases. Celle-ci peut être généralement obtenue par remplacement moléculaire à partir de l’information de phase des enzymes homologues déjà cristallisées. A cet effet, un modèle de la structure tridimensionnelle de l’enzyme par homologie avec d’autres enzymes a été mis au point. Nous nous sommes basés sur l’alignement de séquences primaire et secondaire avec quatre enzymes de structure connue (les lipases de Thermomyces lanuginosa, de Rhizomucor miehei, de Rhizopus niveus et la féruloyl estérase d’Aspergillus niger) qui présentent toutes de l’ordre de 45 % d’homologie avec la lipase Lip2. Cependant dans notre cas, que le remplacement moléculaire soit réalisé avec le modèle ou directement avec les enzymes homologues, et malgré de nombreux essais, la détermination des phases par cette technique n’a pas pu être réalisée. Nous nous sommes donc orientés vers les méthodes de phasage ab initio qui consistent à intégrer un atome lourd (avec une densité en électrons importante) de manière périodique dans l’édifice cristallin. Les différences entre les spectres enregistrés avec et sans cet atome lourd permettent de retrouver l’information de phase. La première méthode consiste à essayer d’incorporer des métaux lourds dans l’édifice cristallin par trempage du cristal dans des solutions de dérivés lourds. Sur 17 composés testés, 6 ont donné lieu à l’enregistrement de jeux de données (les autres attendent leur tour pour passage au synchrotron), cependant aucun n’a intégré de métal ; la détermination des phases par cette méthode n’a donc pour le moment pas donné de résultats. La seconde méthode consiste à intégrer directement dans la protéine un métal lourd par la production d’une protéine sélénométhionylé. Autant, la bioincorporation de sélénométhionine dans les protéines est maîtrisée chez E. coli., autant elle n’en est qu’aux balbutiements pour les systèmes levuriens eucaryotes. Les pourcentages de bio-incorporation sont généralement assez faibles et ce type de production n’a jamais été réalisé chez la levure Y. lipolytica. Les premiers essais de bio-incorporation de la 292 Conclusion générale sélénométhionine à la place des méthionines dans la lipase Lip2 (environ 38 % des méthionines) laissent penser que c’est possible. Pour s’assurer d’un marquage à 100 %, deux voies sont en cours d’étude, la première est l’amélioration de la conduite du procédé de fermentation, la seconde consiste à disrupter la voie de biosynthèse de la méthionine chez Yarrowia lipolytica. Dans cette dernière voie, 3 gènes ont été ciblés et tous conduisent à des mutations létales pour la souche. D’autres gènes ont été identifiés comme cibles potentielles de disruption. Si la détermination de la structure tridimensionnelle venait à échouer par la technique de cristallisation et diffraction aux rayons X, la méthode de détermination par RMN pourrait être envisageable. En effet, les progrès récents dans l’analyse permettent aujourd’hui la détermination de structures protéiques de taille supérieure à 30 kDa. Il convient de souligner que, même si la structure tridimensionnelle n’a pas encore été résolue, le modèle créé pour le remplacement moléculaire peut servir de première base pour l’étude des relations structure-fonction. En effet, ce modèle a permis d’identifier plusieurs acides aminés clés pour la sélectivité de substrats d’intérêt pharmaceutiques (les esters d’acides 2-bromo-arylacétique, précurseurs d’analgésiques) : la valine 232 et l’acide aspartique 97. Ces mutants ont été construits par ailleurs, et les deux acides aminés identifiés montrent un effet important dans la stéréosélectivité de l’enzyme. Le variant 232A permet notamment d’augmenter d’un ordre de grandeur l’énantiosélectivité de cette enzyme, tout en améliorant les vitesses de réaction. Il permet d’atteindre des énantiosélectivités compatibles avec une utilisation de l’enzyme dans des applications pharmaceutiques (E>200). Au cours de cette thèse les améliorations apportées ont été de deux ordres : l’amélioration de la lipase Lip2 de Y. lipolytica d’une part, et le développement d’outils performants pour l’expression d’enzyme chez la levure Y. lipolytica, d’autre part. En ce qui concerne l’amélioration de la lipase Lip2. ces travaux auront permis d’aboutir à : - la construction d’un outil d’analyse des relations structure-fonction de la lipase Lip2 de Y. lipolytica. Bien que la détermination de la structure de Lip2 par cristallisation et diffraction aux rayons X n’ait pas encore abouti, le modèle de la structure tridimensionnelle de la lipase Lip2, réalisé in silico, a été utilisé avec succès pour identifier certains acides aminés impliqués dans l’énantiosélectivité de Lip2 envers les 293 Conclusion générale esters d’acides 2-bromo-arylacétiques. Ce modèle peut donc servir de première base pour l’étude des relations structure–fonction en attendant … - l’obtention d’un variant de la lipase Lip2 plus thermostable, permettant d’envisager l’utilisation de cette enzyme dans des conditions industrielles. En ce qui concerne le développement d’outils pour le système d’expression Y. lipolytica, cette thèse aura permis : - -la construction d’un outil d’expression générique (la souche JMY1212) qui peut être utilisé pour l’expression de n’importe quelle enzyme. Il permet de standardiser l’expression protéique entre différents variants. Ce système d’expression particulièrement adapté pour l’évolution dirigée d’enzyme est le premier système eucaryote à répondre aux exigences de standardisation de l’expression des protéines imposées pour le criblage haut débit d’activités enzymatiques. - la caractérisation du promoteur TEF. Ce promoteur n’a été que peu documenté dans la littérature. L’utilisation de ce promoteur sur un milieu sans acide oléique conduit à la production d’enzyme non agrégée (nécessaire à la fois pour les essais de cristallisation et pour la caractérisation de la thermostabilité de la lipase sauvage et du variant thermostable). Par ailleurs, nous avons montré que lorsque celui-ci est utilisé en présence d’acide oléique, il améliore d’un facteur deux la production de lipase par rapport au promoteur POX2 utilisé dans les mêmes conditions. Ceci fait de ce promoteur, un promoteur particulièrement adapté pour les fortes productions d’enzyme. La levure Yarrowia lipolytica est un nouvel outil à disposition des biologistes pour à la fois construire des enzymes aux propriétés améliorées et pour les produire de manière efficace. Au cours de ces quatre années de thèse, nous espérons avoir posé quelques pierres pour développer ce système. 294 Références bibliographiques (van Rantwijk, et al., 2003) (Brady, et al., 1992) (Brzozowski, et al., 1991; Derewenda, et al., 1992a) (Derewenda, et al., 1994b) (lipid) (Derewenda, et al., 1994a) (srtuct) (Brzozowski, et al., 2000; Yapoudjian, et al., 2002) (Kohno, et al., 1996) (Jaeger, et al., 1999) (Guenot, 2007) (Pleiss, et al., 2000a), (Pleiss, et al., 2000b) (Pleiss, et al., 1998) (Cancino, et al., 2008) (Santarossa, et al., 2005; Svendsen, et al., 1992; Volkin and Klibanov, 1987; Volkin, et al., 1997) (Berk and Lebbink, 2003) (Patkar, et al., 1998; Shinkai, et al., 1996) (Suen, et al., 2004) (Lutz and Ostermeier, 2003; Lutz, et al., 2001; Ostermeier, et al., 1999; Sieber, et al., 2001) (Lutz and Benkovic, 2002) (Shao, et al., 1998; Stemmer, 1994; Zhao, et al., 1998) (Coco, 2003; Crameri, et al., 1998; Joern, et al., 2002) (Neylon, 2004) (Leung, et al., 1989) . 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0.2 M tri-Sodium citrate 0.5 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium phosphate 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M Sodium chloride 0.01 M Cobalt chloride 0.2 M K/Na tartrate 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.05 M Cadmium sulfate 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M Imidazole pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium phosphate + 0.1 0.1 M MES pH 6.5 M Potassium phosphate 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 46 D10 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 47 48 D11 D12 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 327 Precipitant 1.0 M 1,6-Hexanediol 2.5 M 1,6-Hexanediol 3.4 M 1,6-Hexanediol 5 %(v/v) Isopropanol 10 %(v/v) Isopropanol + 20 %(w/v) PEG 4000 20 %(v/v) Isopropanol 20 %(v/v) Isopropanol + 20 %(w/v) PEG 4000 20 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol 10 %(v/v) Ethanol 20 %(v/v) Ethanol 25 %(v/v) Ethylene glycol 30 %(v/v) MPD 30 %(v/v) MPD 30 %(v/v) MPD 30 %(v/v) MPD 30 %(v/v) MPD 30 %(v/v) MPD 50 %(v/v) MPD 70 %(v/v) MPD 25 %(v/v) tert-Butanol 35 %(v/v) tert-Butanol 0.4 M Ammonium phosphate 1.0 M Ammonium phosphate 2.0 M Ammonium phosphate 2.0 M Ammonium formate 2.0 M Ammonium sulfate 2.0 M Ammonium sulfate 2.0 M Ammonium sulfate 1.6 M Ammonium sulfate 1.8 M Ammonium sulfate 2.0 M Ammonium sulfate 1.0 M Imidazole pH 7.0 0.4 M K/Na tartrate 0.8 M K/Na tartrate 1.0 M Sodium acetate 1.0 M Sodium acetate 1.4 M Sodium acetate 2.0 M Sodium chloride 2.0 M Sodium chloride 4.3 M Sodium chloride 1.4 M tri-Sodium citrate 1.6 M tri-Sodium citrate pH 6.5 0.8 M Sodium phosphate + 0.8 M Potassium phosphate 2.0 M Sodium formate 4.0 M Sodium formate Annexes Composition de la « classic suite » (Qiagen) Number Well 49 E1 Salt Buffer 50 51 52 53 E2 E3 E4 E5 54 E6 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 E7 E8 E9 E10 E11 E12 F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 F8 F9 F10 F11 F12 G1 G2 G3 G4 G5 G6 G7 80 G8 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 G9 G10 G11 G12 H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 H8 93 H9 94 H10 95 H11 0.1 M HEPES pH 7.5 96 H12 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M BICINE pH 9.0 1.6 M Ammonium sulfate 0.1 M MES pH 6.5 0.5 M Sodium chloride 1.5 M Ammonium sulfate 0.5 M Sodium chloride + 0.01 M Magnesium chloride 0.01 M Ferric chloride 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.1 M TRIS pH 8.5 0.5 M Ammonium sulfate 0.01 M Nickel chloride 0.01 M CTAB 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M BICINE pH 9.0 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.5 M Lithium sulfate 0.2 M Zinc acetate 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Magnesium acetate 0.05 M Potassium phosphate 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Sodium acetate 0.2 M Ammonium sulfate 2.0 M Ammonium sulfate 0.2 M Calcium chloride 0.1 M Cadmium chloride 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M tri-Sodium citrate 0.1 M Sodium chloride 0.01 M Zinc sulfate 0.01 M Nickel chloride 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium acetate 0.2 M Ammonium acetate 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Sodium acetate 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate Precipitant 2 %(v/v) Dioxane + 10 %(w/v) PEG 20000 10 %(v/v) Dioxane 35 %(v/v) Dioxane 2 %(v/v) Ethylene imine polymer 12 %(v/v) Glycerol 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M BICINE pH 9.0 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 2.0 M Sodium chloride 328 10 %(v/v) Jeffamine M-600 20 %(v/v) Jeffamine M-600 1.0 M Lithium sulfate 1.0 M Lithium sulfate 1.5 M Lithium sulfate 2.0 M Magnesium chloride 0.2 M Magnesium formate 1.6 M Magnesium sulfate 8 %(w/v) PEG 8000 10 %(w/v) PEG 8000 15 %(w/v) PEG 8000 18 %(w/v) PEG 8000 18 %(w/v) PEG 8000 20 %(w/v) PEG 8000 20 %(w/v) PEG 8000 30 %(w/v) PEG 8000 30 %(w/v) PEG 8000 30 %(w/v) PEG 8000 2 %(v/v) PEG 400 28 %(v/v) PEG 400 30 %(v/v) PEG 400 30 %(v/v) PEG 400 30 %(v/v) PEG 400 20 %(w/v) PEG 550 MME 25 %(w/v) PEG 550 MME 10 %(w/v) PEG 1000 + 10 %(w/v) PEG 8000 30 %(w/v) PEG 1500 20 %(w/v) PEG 2000 MME 30 %(w/v) PEG 2000 MME 8 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 5000 MME 10 %(w/v) PEG 6000 5 %(v/v) MPD 10 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 10000 + 8 %(v/v) Ethylene glycol 12 %(w/v) PEG 20000 + Annexes Composition de la « JCSG Core Suite I » (Qiagen) Solution 1 2 Well A01 A02 3 A03 4 A04 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 A05 A06 A07 A08 A09 A10 A11 A12 B01 B02 B03 16 B04 17 B05 Salt 0.05 M Lithium sulfate + 0.05 M Sodium sulfate 0.2 M Ammonium dihydrogen phosphate 0.2 M Magnesium chloride 0.05 M Magnesium chloride 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Sodium chloride 0.19 M Calcium chloride Buffer 0.1 M CHES pH 9.5 0.1 M Bicine pH 8.5 Precipitant 20 %(w/v) PEG 8000 20 %(w/v) PEG 6000 0.05 M Tris-HCl pH 8.5 30 %(w/v) PEG 400 0.1 M Tris pH 8.5 50 %(v/v) MPD 0.1 M Tris pH 8.5 0.1M Tris pH 8.5 0.2 M tri-Potassium citrate 0.2 M tri-Sodium citrate 0.2 M tri-Lithium citrate 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.2 M Potassium acetate 0.2 M Magnesium acetate 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 3.4 M 1,6 Hexanediol 40%(v/v) Ethanol 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20 %PEG 1000 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3000 20 %(w/v) PEG 8000 10 %(w/v) PEG 8000 26.6%(v/v) PEG 400 + 5 %(v/v) Glycerol 20 %(w/v) PEG 4000 + 10 %(v/v) Isopropanol 0.095 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 18 B06 19 20 21 B07 B08 B09 0.8 M di-Sodium hydrogen phosphate/0.8 M di-Potassium hydrogen phosphate 0.2 M di-Sodium tartrate 0.2 M Calcium acetate hydrate 0.2 M Potassium formate 22 B10 0.2 M Potassium Sodium tartrate 20%(w/v) PEG 3350 23 24 25 26 B11 B12 C01 C02 0.2 M Sodium formate 0.2 M Potassium fluoride 0.2 M Ammonium acetate 0.2 M Lithium nitrate 27 C03 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 C04 C05 C06 C07 C08 C09 C10 C11 C12 D01 D02 D03 D04 D05 D06 D07 D08 D09 46 D10 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 5%(w/v) PEG 8000 + 40%(v/v) MPD 10 %(w/v) PEG 8000 20 %(w/v) PEG 3000 2.5 M Sodium chloride 20 %(w/v) PEG 2000 MME 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 6000 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 50%(v/v) PEG 200 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 10 %(w/v) PEG 6000 + 5 %(v/v) MPD 47 48 D11 D12 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 0.1 M Tris pH 7.0 0.1 M Tris pH 7.0 0.1 M Tris pH 7.0 0.1 M Tris pH 7.0 0.2 M Sodium acetate 0.2 M Potassium thiocyanate 0.1 M HEPES pH 7.0 0.2 M Potassium nitrate 0.2 M Sodium thiocyanate 0.2 M Sodium iodide 0.2 M Potassium chloride 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Potassium iodide 0.2 M Lithium chloride 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M di-Ammonium tartrate 0.2 M Sodium sulfate 0.2 M Ammonium formate 0.1M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.2 M Magnesium acetate 9,0 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1M Sodium cacodylate pH 6.5 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Magnesium chloride Final pH 1.6 M Sodium citrate pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 329 20 %(w/v) PEG 8000 7,0 Annexes Composition de la « JCSG Core Suite I » (Qiagen) Solution 49 50 51 52 53 Well E01 E02 E03 E04 E05 Salt 0.2 M Ammonium nitrate 0.2 M Ammonium chloride 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Ammonium iodide 0.2 M Ammonium fluoride Buffer 0.1M Sodium acetate pH 4.5 0.1M Phosphate-citrate pH 4.2 0.18 M tri-Ammonium citrate Precipitant 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 10 %(w/v) PEG 8000 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 5%(w/v) PEG 3000 + 30%(v/v) PEG 200 20 %(w/v) PEG 8000 35 %(v/v) MPD 20%(w/v) PEG 3350 40 %(v/v) MPD 20 %(v/v) MPD 20 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 19 %(v/v) Isopropanol + 19 %(w/v) PEG 4000 + 5 %(v/v) Glycerol 20 %(v/v) Isopropanol + 20 %(w/v) PEG 4000 20 %(w/v) PEG 3000 50%(v/v) PEG 200 5%(w/v) PEG 1000 + 40% Ethanol 50%(v/v) PEG 400 40%(v/v) MPD 20%(w/v) PEG 3350 54 E06 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 E07 E08 E09 E10 E11 E12 F01 F02 F03 F04 F05 66 F06 0.095 M Sodium citrate pH 5.6 67 F07 0.1 M Sodium citrate pH 5.6 68 69 F08 F09 70 F10 71 72 73 F11 F12 G01 74 G02 0.1 M Sodium acetate pH 5.0 20 %(v/v) MPD 75 76 77 78 G03 G04 G05 G06 0.1 M Citric Acid pH 5.0 0.1 M Citric Acid pH 4.0 0.1 M Citric Acid 0.1 M Citric Acid pH 4.0 10 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 5 %(w/v) PEG 6000 79 G07 80 G08 81 82 83 84 85 86 G09 G10 G11 G12 H01 H02 87 H03 88 H04 89 90 91 92 93 94 95 96 H05 H06 H07 H08 H09 H10 H11 H12 0.1 M Na/K phosphate pH 6.2 0.1M MES pH 6.0 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 5.0 0.1 M MES pH 5.0 0.1 M MES pH 5.0 0.1 M MES pH 5.0 0.2 M Magnesium 0.2 M Magnesium 0.2 M Magnesium 0.2 M Magnesium sulfate formate nitrate chloride 0.2 M Sodium chloride 0.1 M Sodium citrate pH 5.5 0.1M Phosphate-citrate pH 4.2 0.1M Phosphate-citrate pH 4.2 0.2 M Lithium sulfate 1.0 M Lithium chloride 0.2 M Potassium dihydrogen phosphate 0.2 M Ammonium dihydrogen phosphate 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 0.02 M Calcium chloride 0.2 M Sodium dihydrogen phosphate 0.05 M Potassium dihydrogen phosphate 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Lithium sulfate 1.0 M Lithium chloride 1.0 M Lithium chloride Final pH 6,0 6,0 6,0 6,0 5,0 5,0 5,0 5,0 20%(w/v) PEG 3350 20%(w/v) PEG 3350 0.1 M Sodium 0.1 M Sodium 0.1 M Sodium 0.1 M Sodium 0.1 M Sodium 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 acetate pH 4.6 acetate pH 4.6 acetate pH 4.6 acetate pH 4.5 acetate pH 4.5 30 %(w/v) PEG 2000 MME 8 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 30 %(v/v) MPD 35 %(v/v) MPD 20 %(w/v) PEG 3000 20%(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 8000 0.1 M Phosphate-citrate pH 4.2 0.1 M phosphate/citrate pH 4.2 0.1 M Phosphate-citrate pH 4.2 0.1 M Citric Acid pH 2.5 0.1 M Citric Acid pH 3.5 0.1 M Citric Acid pH 4.0 0.1 M Citric Acid pH 4.0 0.1 M Citric Acid pH 4.0 330 10 %(w/v) PEG 3000 2.0 M Ammonium sulfate 20 %(w/v) PEG 1000 20 %(v/v) MPD 0.8 M Ammonium sulfate 20 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 5 %(w/v) PEG 6000 4,0 4,0 4,0 4,0 4,0 Annexes Composition de la « JCSG Core Suite II » (Qiagen) Solution 1 2 3 4 Well A01 A02 A03 A04 Salt 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Sodium chloride 1.0 M Sodium citrate 0.2 M Sodium chloride Buffer 0.1 M CAPS pH 10.5 0.1 M CHES pH 9.5 0.1 M CHES pH 9.5 0.1 M CHES pH 9.5 0.1 M Sodium chloride 1.0 M Lithium chloride 0.1 M Bicine pH 9.0 0.1 M Bicine pH 9.0 5 A05 6 A06 7 A07 0.1 M Bicine pH 9.0 8 A08 9 A09 10 A10 0.1M Tris pH 8.5 0.01 M Nickel chloride 0.1 M Tris pH 8.5 0.1 M Tris pH 8.5 11 A11 0.1 M Tris-HCl pH 8.5 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 0.1 M Tris-HCl pH 8.5 0.1 M Tris-HCl pH 8.5 0.1M Tris pH 8.5 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Tris pH 8.0 0.1 M Tris pH 8.0 A12 B01 B02 B03 B04 B05 B06 B07 B08 B09 B10 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Magnesium chloride 1.0 M Lithium chloride 0.2 M Lithium Acetate 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Magnesium chloride 23 B11 0.1M Imidazole pH 8.0 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.085 M Sodium HEPES pH 7.5 24 B12 0.6 M sodium dihydrogen phosphate/0.6 M potassium dihydrogen phosphate 0.075 M Sodium HEPES pH 7.5 25 C01 0.18 M Magnesium chloride 0.09 M Sodium HEPES pH 7.5 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Sodium fluoride 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Calcium acetate 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1M Na/K phosphate pH 6.2 26 C02 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 C03 C04 C05 C06 C07 C08 C09 C10 C11 C12 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 1.0 M Lithium chloride 0.2 M Sodium chloride 37 D01 38 39 40 41 42 D02 D03 D04 D05 D06 0.1 M Tris pH 7.0 0.1M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M Tris pH 7.0 0.1 M HEPES pH 7.0 0.1 M HEPES pH 7.0 0.1M Na/K phosphate pH 6.2 0.1M Citrate pH 5.5 0.1M Na/K phosphate pH 6.2 0.2 M Sodium nitrate 0.05 M Lithium sulfate 0.2 M Potassium sulfate 0.1M Tris pH 7.0 Precipitant 20%(w/v) PEG 8000 1.26 M Ammonium sulfate 10%(w/v) PEG 8000 10%(w/v) PEG 20000 + 2%(v/v) 1,4-Dioxane 20%(w/v) PEG 550 MME 10%(w/v) PEG 6000 5%(w/v) PEG 8000 + 20%(v/v) PEG 300 + 10%(v/v) Glycerol 20%(w/v) PEG 2000 MME 20%(v/v) Ethanol 2.0 M Ammonium dihydrogen phosphate 8%(w/v) PEG 8000 2.0 M Ammonium sulfate 40%(v/v) PEG 400 10%(w/v) PEG 8000 35%(v/v) MPD 20%(w/v) PEG 6000 20%(w/v) PEG 6000 20%(w/v) PEG 3350 40%(v/v) MPD 15%(v/v) Ethanol 70%(v/v) MPD 17%(w/v) PEG 4000 + 15%(v/v) Glycerol + 8.5%(v/v) Isopropanol 9,0 8,0 8,0 25%(v/v) Glycerol 27%(v/v) PEG 400 + 10%(v/v) Glycerol 2%(v/v) PEG 400 + 2.0 M Ammonium sulfate 30%(v/v) PEG 400 50%(v/v) PEG 200 20%(w/v) PEG 3350 2.0 M Ammonium sulfate 40%(v/v) PEG 300 20%(w/v) PEG 1000 10%(w/v) PEG 6000 10%(w/v) PEG 6000 40%(v/v) PEG 400 50%(v/v) PEG 200 25%(v/v) 1,2-Propanediol + 10%(v/v) Glycerol 20%(w/v) PEG 3350 50%(v/v) PEG 200 20%(w/v) PEG 3350 0.2 M Magnesium formate 0.1MSodium citrate pH 5.5 40%(v/v) PEG 600 43 D07 0.2 M Magnesium chloride 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 20%(w/v) PEG 1000 44 D08 0.2 M Magnesium chloride 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 10%(w/v) PEG 3000 45 D09 0.2 M Lithium sulfate 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 30%(v/v) PEG 400 46 D10 0.2 M Sodium chloride 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 2.0 M Ammonium sulfate 47 D11 48 D12 0.1 M MES pH 6.5 0.2 M Lithium sulfate monohydrate 12%(w/v) PEG 20000 20%(w/v) PEG 3350 331 final pH 7,0 7,0 Annexes Composition de la « JCSG Core Suite II » (Qiagen) Solution 49 50 51 52 53 Well E01 E02 E03 E04 E05 Salt 0.2 M Sodium chloride 1.0 M Lithium chloride 1.0 M Lithium chloride Buffer 0.1 M Na/K phosphate pH 6.2 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 54 E06 0.2 M Zinc acetate 0.1M Imidazole pH 8.0 55 E07 0.2 M Zinc acetate 0.1M Imidazole pH 8.0 56 E08 0.5 M Ammonium sulfate 0.1M Tris pH 7.0 57 E09 58 E10 1.0 M Lithium sulfate 0.2 M Ammonium acetate 0.1 M Sodium citrate pH 5.6 0.1 M Sodium citrate pH 5.6 0.2 M Sodium chloride 0.1M Sodium acetate pH 4.5 59 E11 60 E12 61 F01 0.1M Sodium acetate pH 4.5 62 F02 0.1M Phosphate-citrate pH 4.2 63 F03 0.1M Sodium acetate pH 4.5 64 65 66 67 68 69 70 71 F04 F05 F06 F07 F08 F09 F10 F11 0.1 M Sodium chloride 1.0 M Lithium chloride 72 F12 0.1M Sodium acetate pH 4.5 0.1M Sodium acetate pH 4.5 0.1M Sodium acetate pH 4.5 0.1 M Sodium acetate pH 5.0 0.1 M Citric acid pH 5.0 0.1 M Citric acid pH 5.0 0.1 M Citric acid pH 5.0 0.1 M Citric acid pH 5.0 0.1M Phosphate-citrate pH 4.2 73 G01 74 G02 75 G03 76 G04 0.2 M Magnesium chloride 0.01 M Cobalt chloride 0.1M MES pH 5.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 77 G05 0.08 M Sodium acetate pH 4.6 78 G06 0.07 M Sodium acetate pH 4.6 79 G07 0.14 M Calcium chloride 0.07 M Sodium acetate pH 4.6 80 G08 0.16 M Ammonium sulfate 0.08 M Sodium acetate pH 4.6 81 G09 0.018 M Calcium chloride 0.09 M Sodium acetate pH 4.6 82 G10 83 G11 0.2 M Zinc acetate 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 84 G12 0.2 M Ammonium sulfate 0.1M Phosphate-citrate pH 4.2 85 86 87 88 89 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Lithium sulfate 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Sodium chloride 0.1 M Phosphate-citrate pH 4.2 0.1 M Phosphate-citrate pH 4.2 H01 H02 H03 H04 H05 90 H06 91 H07 0.17 M Ammonium sulfate 92 H08 93 H09 94 H10 95 H11 96 H12 Precipitant 1 final pH 20%(w/v) PEG 1000 10%(v/v) MPD 6,0 20%(w/v) PEG 6000 6,0 10%(w/v) PEG 6000 6,0 5%(w/v) PEG 6000 6,0 25%(v/v) 1,2-Propanediol + 10%(v/v) Glycerol 40%(v/v) PEG 600 30%(v/v) PEG 600 + 10%(v/v) Glycerol 0.5 M Ammonium sulfate 30%(w/v) PEG 4000 24%(w/v) PEG 1500 + 20%(v/v) Glycerol 40%(v/v) PEG 300 35%(v/v) MPD 10%(v/v) Glycerol 40%(v/v) PEG 300 5%(w/v) PEG 1000 +50%(v/v) Ethylene glycol 30%(v/v) PEG 200 40%(v/v) 1,2-Propanediol 40%(v/v) Ethylene glycol 10%(v/v) MPD 5,0 2.4 M Ammonium sulfate 5,0 1.6 M Ammonium sulfate 5,0 0.8 M Ammonium sulfate 5,0 20%(w/v) PEG 6000 5,0 5%(w/v) PEG 3000 + 25%(v/v) 1,2-Propanediol + 10%(v/v) Glycerol 2.0 M Ammonium sulfate 5%(v/v) Isopropanol 2.0 M Ammonium sulfate 40%(v/v) PEG 400 1.0 M Hexanediol 1.6 M Ammonium sulfate + 20%(v/v) Glycerol 5.6%(w/v) PEG 4000 + 30%(v/v) Glycerol 30%(v/v) Glycerol + 14%(v/v) Isopropanol 20%(w/v) PEG 4000 + 20%(v/v) Glycerol 27%(v/v) MPD + 10%(v/v) Glycerol 2.0 M Ammonium sulfate 10%(w/v) PEG 3000 20%(v/v) PEG 300 + 10% Glycerol 30%(v/v) PEG 400 30%(w/v) PEG 8000 25%(v/v) Ethylene glycol 10%(v/v) Isopropanol 20%(w/v) PEG 8000 10%(w/v) PEG 1000 + 10%(w/v) PEG 8000 25.5%(w/v) PEG 4000 + 15%(v/v) Glycerol 30%(w/v) PEG 1500 0.4 M Ammonium dihydrogen phosphate 0.1 M Citric acid pH 4.0 0.1 M Citric acid pH 4.0 332 35%(v/v) 1,4-Dioxane 10%(v/v) MPD 20%(w/v) PEG 6000 4,0 4,0 Annexes Composition de la « JCSG Core Suite III» (Qiagen) The JCSG Core Suite III Composition Table Solution 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Well Salt A01 A02 A03 A04 A05 0.2 M Sodium chloride 0.2 M di-Potassium hydrogen A06 phosphate 0.2 M di-Sodium hydrogen A07 phosphate A08 A09 A10 0.2 M Ammonium sulfate A11 12 A12 13 B01 14 B02 15 B03 16 B04 17 18 19 20 21 22 B05 B06 B07 B08 B09 B10 Buffer 0.1 M CAPS pH 10.5 0.1M CHES pH 9.5 0.1M CHES pH 9.5 CHES pH 9.5 0.1M CHES pH 9.5 20%(w/v) PEG 3350 0.1 M Bicine 0.1 M Bicine 0.1M CAPS pH 10.5 0.1 M Tris pH 8.5 0.1 M Tris pH 8.5 0.1 M Tris pH 8.5 0.1 M Tris pH 8.5 40%(v/v) MPD 5%(w/v) PEG 6000 30% (v/v) PEG 200 20%(w/v) PEG 1000 1.0 M di-Ammonium hydrogen phosphate 20%(w/v) PEG 8000 1.26 M Ammonium sulfate 1.0 M Lithium sulfate 0.08 M Tris-HCl pH 8.5 20%(v/v) Glycerol 0.1 M Tris-HCl pH 8.5 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Tris 0.1 M Tris 30%(w/v) PEG 4000 0.2 M di-Ammonium hydrogen phosphate 0.2 M Sodium chloride 0.05 M Calcium acetate 0.2 M tri-Sodium citrate 0.1 M Sodium chloride 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1M Imidazole pH 8.0 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 28 C04 0.18 M Magnesium chloride 0.09 M Sodium HEPES pH 7.5 29 30 31 32 1.4 M tri-Sodium citrate 0.2 M Calcium chloride 0.2 M Magnesium chloride 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1M Imidazole pH 8.0 33 C09 10% (v/v) glycerol 0.1M HEPES pH 7.5 34 C10 35 C11 36 C12 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Sodium chloride 0.1 M Tris pH 7.0 0.1 M Tris pH 7.0 0.1 M Tris pH 7.0 37 D01 0.2M Sodium chloride 0.1M Imidazole pH 8.0 23 B11 24 25 26 27 B12 C01 C02 C03 C05 C06 C07 C08 38 D02 39 D03 40 D04 0.4 M Potassium/Sodium tartrate 42 D06 43 D07 44 D08 1.0 M Lithium chloride 45 D09 46 D10 47 D11 0.2 M Sodium chloride 48 D12 1.0 M Sodium citrate 15%(v/v) Ethanol 10%(w/v) PEG 3000 40%(v/v) MPD 2.4 M Ammonium sulfate 9,0 9,0 8,0 8,0 20%(w/v) PEG 3350 0.1 M HEPES 0.1 M HEPES 1.0 M Imidazole 41 D05 Final pH 20%(w/v) PEG 3350 0.1 M Tris pH 8.5 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Lithium sulfate 0.01 M Nickel chloride 1.6 M Ammonium dihydrogen phosphate 0.2 M Sodium acetate 1.0 M Sodium citrate 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Lithium sulfate Precipitant 30%(v/v) PEG 400 40% (v/v) PEG 600 50% (v/v) PEG 200 30%(w/v) PEG 3000 50%(v/v) PEG 400 0.1 M HEPES 0.1 M HEPES 0.1 M HEPES 0.1M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1M Tris pH 7.0 0.1M Sodium/Potassium phosphate pH 6.2 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 333 30%(v/v) PEG 400 35%(v/v) 2-Ethoxyethanol 10%(v/v) Isopropanol 1.6 M Ammonium sulfate 10%(v/v) Glycerol + 27%(v/v) Isopropanol 28%(v/v) PEG 400 30%(v/v) Isopropanol 40% (v/v) PEG 400 5% (w/v) PEG 3000 + 30% (v/v) PEG 400 1.0 M Sodium citrate 15%(v/v) Ethanol 35%(v/v) MPD 1.0 M Potassium/Sodium tartrate 40%(v/v) MPD 20%(v/v) MPD 2.4 M Ammonium sulfate 20%(w/v) PEG 6000 5%(w/v) PEG 6000 35%(v/v) 2-Ethoxyethanol 50% (v/v) PEG 200 35% (v/v) 2-Ethoxyethanol 7,0 7,0 7,0 7,0 7,0 7,0 Annexes Composition de la « JCSG Core Suite III» (Qiagen) Solution Well Salt 49 E01 50 E02 0.01 M Cobalt chloride 51 E03 52 E04 53 E05 54 E06 55 E07 56 E08 57 E09 58 E10 59 E11 60 E12 Buffer 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.08 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.09 M Sodium cacodylate 0.18 M Magnesium acetate pH 6.5 0.08 M Sodium cacodylate 0.16 M Magnesium acetate pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate 0.2 M Calcium acetate pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate 0.2 M Sodium acetate pH 6.5 0.1 M Imidazole pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate 0.2 M Magnesium acetate pH 6.5 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.16 M Calcium acetate 61 F01 0.1M MES pH 6.0 62 F02 65 F05 66 F06 67 F07 68 F08 69 F09 70 F10 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Zinc acetate 0.2 M K-Sodium tartrate 0.1M Sodium citrate pH 5.5 0.1 M Sodium/Potassium phosphate pH 6.2 0.1 M Sodium/Potassium phosphate pH 6.2 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M Sodium citrate pH 5.6 71 F11 0.17 M Ammonium acetate 0.085 M Sodium citrate pH 5.6 63 F03 64 F04 72 F12 0.1 M Sodium citrate pH 5.6 73 G01 74 G02 0.1 M Sodium citrate pH 5.5 0.1M Sodium acetate pH 4.5 75 G03 0.1M Tris pH 7.0 76 G04 77 G05 0.1M phosphate-citrate pH 4.2 0.2 M Calcium Chloride dihydrate 78 G06 79 G07 80 G08 81 G09 82 G10 0.1 M Cadmium chloride 83 G11 0.2 M Sodium chloride 84 G12 2.0 M Sodium chloride 85 H01 2.0 M Sodium formate 86 H02 0.2 M Calcium chloride 87 H03 0.2 M Lithium sulfate 88 H04 89 H05 0.2 M Sodium chloride 90 H06 91 H07 92 H08 93 H09 94 H10 95 H11 96 H12 Precipitant Final pH 1.26 M Ammonium sulfate 1.8 M Ammonium sulfate 1.6 M Ammonium sulfate + 10%(v/v) 1,4-Dioxane 1.6 M Magnesium sulfate 14.4%(w/v) PEG 8000 + 20%(v/v) Glycerol 27% (v/v) MPD + 10% (v/v) Glycerol 16%(w/v) PEG 8000 + 20%(v/v) Glycerol 18%(w/v) PEG 8000 30%(w/v) PEG 8000 1.0 M Sodium Acetate 30%(v/v) MPD 1.4 M Sodium Acetate 40%(v/v) PEG 400 + 5% (w/v) PEG 3000 35%(v/v) 2-Ethoxyethanol 35%(v/v) MPD 2.5 M Sodium chloride 10%(v/v) Isopropanol 10% (w/v) PEG 8000 3.2 M Ammonium sulfate 2.4 M Ammonium sulfate 0.8 M Ammonium sulfate 2.0 M Ammonium sulfate 25.5%(w/v) PEG 4000 + 15%(v/v) Glycerol 1.0 M Ammonium dihydrogen phosphate 2.0 M Ammonium sulfate 40% (v/v) PEG 400 40% (v/v) PEG 300 + 5% (w/v) PEG 1000 40%(v/v) PEG 600 6,0 6,0 20%(w/v) PEG 3350 0.1 M Sodium acetate 0.1 M Citric Acid 0.1 M Citric Acid 0.04 M Potassium dihydrogen phosphate 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 0.26 M Ammonium dihydrogen phosphate 0.1 M Citric Acid 0.1 M Citric Acid 0.1 M Citric Acid 2.0 M Sodium chloride 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 334 40%(v/v) MPD 1.0 M Lithium chloride 30%(w/v) PEG 6000 16%(w/v) PEG 8000 + 20%(v/v) Glycerol 30%(v/v) PEG 400 30%(v/v) MPD 5,0 5,0 5,0 20%(v/v) Isopropanol 2.5 M Sodium chloride 20%(v/v) Butanediol 1.26 M Ammonium sulfate 35%(v/v) Glycerol 40%(v/v) MPD 2.4 M Ammonium sulfate 1.6 M Ammonium sulfate 10%(w/v) PEG 6000 30%(w/v) PEG 4000 30%(w/v) PEG 8000 4,0 4,0 4,0 Annexes Composition de la « JCSG Core Suite IV» (Qiagen) Solution 1 A01 Well Salt 0.2 M Lithium sulfate Buffer 0.1 M CAPS pH 10.5 2 A02 0.2 M Lithium sulfate 0.1 M Glycine pH 10.5 3 A03 4 A04 5 A05 6 A06 7 A07 8 A08 9 A09 10 A10 11 A11 12 A12 13 B01 14 B02 15 B03 16 B04 17 B05 18 B06 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Sodium citrate 0.1M CAPS pH 10.5 0.1 M CHES pH 9.5 0.1 M CHES pH 9.5 0.1 M CHES pH 9.5 0.1 M CHES pH 9.5 0.1M CHES pH 9.5 0.1M CHES pH 9.5 0.1 M Bicine pH 9.0 0.1 M Bicine pH 9.0 0.1 M Bicine pH 9.0 0.1 M Bicine pH 8.5 0.1 M Bicine pH 9.0 0.1 M Bicine pH 8.5 0.1 M Bicine pH 8.5 0.1 M Bicine pH 9.0 0.1 M Tris pH 8.5 Precipitant 2.0 M Ammonium sulfate 1.2 M Sodium dihydrogen phosphate/0.8 M dipotassium hydrogen phosphate 40%(v/v) MPD 10%(w/v) PEG 3000 1.0 M Sodium/Potassium tartrate 30%(v/v) PEG 400 15%(v/v) Ethanol 40%(v/v) PEG 300 40%(v/v) MPD 1.6 M Ammonium sulfate 0.8 M Ammonium sulfate 2.4 M Ammonium sulfate 10%(w/v) PEG 6000 2.4 M Ammonium sulfate 30%(w/v) PEG 6000 65%(v/v) MPD 2.0 M Magnesium chloride 10%(v/v) Isopropanol 19 B07 0.2 M Magnesium chloride 0.1M Tris pH 8.5 50%(v/v) Ethylene glycol 20 B08 0.2 M Magnesium chloride 0.1M Tris pH 8.5 25%(v/v) 1,2-Propanediol + 10%(v/v) Glycerol 21 B09 0.2 M Magnesium chloride 0.1 M Tris·HCl pH 8.5 30%(w/v) PEG 4000 22 B10 23 B11 0.2 M Sodium citrate 0.2 M Lithium sulfate 0.1 M Tris·HCl pH 8.5 0.1 M Tris·HCl pH 8.5 30%(v/v) PEG 400 30%(w/v) PEG 4000 24 B12 0.2 M Ammonium acetate 0.1 M Tris-HCl pH 8.5 30%(v/v) Isopropanol 25 C01 0.1 M Tris pH 8.5 26 C02 0.2 M Sodium citrate 27 C03 0.17 M Sodium acetate 28 C04 29 C05 30 C06 31 C07 32 C08 33 C09 34 C10 35 C11 36 C12 37 D01 38 D02 39 D03 40 D04 41 D05 42 D06 43 D07 0.2 M Zinc acetate 0.2 M Sodium chloride 1.0 M Lithium chloride 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Sodium citrate 0.1 M Tris·HCl pH 8.5 0.085 M Tris·HCl pH 8.5 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Imidazole pH 8.0 0.1 M Tris pH 8.5 0.1 M Tris pH 8.5 0.1 M Tris pH 8.5 0.1 M Tris pH 8.5 0.1 M Tris pH 8.0 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 44 D08 0.1 M HEPES pH 7.5 45 D09 0.09 M HEPES pH 7.5 46 D10 0.085 M HEPES pH 7.5 47 D11 48 D12 0.05 M Lithium sulfate 0.1M HEPES pH 7.5 0.1M HEPES pH 7.5 335 1.5 M Ammonium sulfate + 12%(v/v) Glycerol 30%(v/v) PEG 400 25.5%(w/v) PEG 4000 + 15%(v/v) Glycerol 10%(v/v) Isopropanol 2.5 M Sodium chloride 2.5 M Sodium chloride 10%(w/v) PEG 8000 1.0 M Ammonium hydrogen phosphate 1.6 M Ammonium sulfate 5%(w/v) PEG 6000 65%(v/v) MPD 10%(w/v) PEG 6000 3.2 M Ammonium sulfate 1.26 M Ammonium sulfate 35%(v/v) MPD 50%(v/v) PEG 200 1.5 M Lithium sulfate 4.3 M Sodium chloride 30%(v/v) MPD 20%(w/v) PEG 10000 + 8%(v/v) Ethylene glycol 1.26 M tri-Sodium citrate + 10%(v/v) Glycerol 1.7%(v/v) PEG 400 1.7 M Ammonium sulfate + 15%(v/v) Glycerol 30%(v/v) PEG 600 + 10%(v/v) Glycerol 30%(v/v) 1,2-Propanediol + 20%(v/v) PEG 400 Final pH 9,0 9,0 9,0 9,0 9,0 9,0 8,0 8,0 8,0 8,0 + Annexes Composition de la « JCSG Core Suite IV» (Qiagen) Solution 49 E01 Well Salt Buffer 0.2 M Ammonium sulfate 0.1M Tris pH 7.0 50 E02 51 E03 52 E04 0.1M HEPES pH 7.5 Precipitant 25%(v/v) 1,2-Propanediol + 10%(v/v) Glycerol 5%(w/v) PEG 3000 + 40%(v/v) Ethylene glycol 40%(v/v) MPD 4.0 M Sodium formate 3.6 M Sodium formate + 10%(v/v) Glycerol 40%(v/v) PEG 400 30%(w/v) PEG 3000 1.0 M Sodium/Potassium tartrate 40%(v/v) PEG 600 0.8 M Ammonium sulfate 2.4 M Ammonium sulfate 30%(w/v) PEG 6000 0.2 M Ammonium sulfate 0.1M Tris pH 7.0 54 E06 55 E07 56 E08 57 E09 58 E10 59 E11 60 E12 61 F01 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Calcium acetate 1.0 M Lithium chloride 0.1M HEPES pH 7.5 0.1 M Tris pH 7.0 0.1 M Tris pH 7.0 0.1M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M HEPES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.0 0.1 M HEPES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.0 62 F02 1 M Sodium chloride 0.1M Sodium cacodylate pH 6.5 63 F03 64 F04 65 F05 0.2 M Zinc acetate 0.2 M Calcium acetate 0.1 M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1M Sodium cacodylate pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.0 30%(v/v) PEG 600 + 10%(v/v) Glycerol 10%(v/v) Isopropanol 45%(v/v) Glycerol 30%(v/v) Jeffamine M-600 pH 7.0 2.0 M Sodium chloride 53 E05 66 F06 0.1 M Sodium dihydrogen phosphate/ 0.1 M potassium dihydrogen phosphate 0.1 M MES pH 6.5 67 F07 0.16 M Zinc acetate 0.08 M Sodium cacodylate pH 6.5 68 F08 69 F09 0.1M Sodium citrate pH 5.5 0.2 M Zinc acetate 70 F10 0.1M Sodium citrate pH 5.5 71 F11 0.1M MES pH 6.0 72 F12 73 G01 74 G02 75 G03 76 G04 77 G05 78 G06 79 G07 0.2 M Zinc acetate 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Zinc acetate 0.2 M Zinc acetate 0.1M Sodium citrate pH 5.5 0.1M Imidazole pH 8.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M MES pH 5.0 0.1M Imidazole pH 8.0 14.4%(w/v) PEG 8000 + 20%(v/v) Glycerol 30%(v/v) 1,2-Propanediol + 20%(v/v) MPD 20%(w/v) PEG 3350 5%(w/v) PEG 1000 + 35%(v/v) Isopropanol 30%(v/v) PEG 600 + 5%(w/v) PEG 1000 + 10%(v/v) Glycerol 40%(v/v) MPD 35%(v/v) Isopropanol 1.0 M Sodium/Potassium tartrate 20%(v/v) Butanediol 15%(v/v) Ethanol 1.6 M Ammonium sulfate 30%(w/v) PEG 6000 40%(v/v) PEG 300 80 G08 0.2 M Ammonium acetate 0.1 M Sodium citrate pH 5.6 30%(v/v) MPD 81 G09 0.01 M FeCl2 0.7 M Ammonium dihydrogen phosphate 0.2 M Lithium sulfate 0.05 M Calcium acetate 0.1 M Sodium citrate pH 5.6 10%(v/v) Jeffamine M-600 0.2 M Ammonium acetate 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 82 G10 83 G11 84 G12 85 H01 86 H02 0.07 M Sodium citrate pH 5.6 30%(v/v) Glycerol 0.1 M Sodium citrate pH 5.5 0.1M Sodium acetate pH 4.5 0.1M Sodium acetate pH 4.5 15%(v/v) Ethanol 40%(v/v) 1,2-Propanediol 35%(v/v) Isopropanol 87 H03 0.17 M Ammonium acetate 0.085 M Sodium acetate pH 4.6 88 H04 0.2 M Zinc acetate 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 89 H05 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 90 H06 0.1 M Sodium acetate pH 4.5 91 H07 0.2 M Ammonium sulfate 0.1M Phosphate-citrate pH 4.2 92 H08 93 H09 94 H10 95 H11 96 H12 0.1 M Phosphate-citrate pH 4.2 1.0 M Lithium chloride 0.1 M Citric Acid pH 2.5 0.1 M Citric Acid 336 Final pH 7,0 7,0 6,0 6,0 30%(w/v) PEG 4000 25.5%(w/v) PEG 4000 + 15%(v/v) Glycerol 20%(w/v) PEG 1000 1.0 M Ammonium hydrogen phosphate 0.8 M Sodium dihydrogen phosphate/1.2 M dipotassium hydrogen phosphate 40%(v/v) Ethylene glycol 10%(v/v) Ethanol + 1.5 M Sodium chloride 1.5 M Ammonium sulfate + 25%(v/v) Glycerol 1.6 M Sodium dihydrogen phosphate/0.4 M dipotassium hydrogen phosphate 30%(w/v) PEG 6000 30%(w/v) PEG 6000 4,0 4,0 Annexes Composition de la « AmSO4 Suite » (Qiagen) Number 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 Well A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7 A8 A9 A10 A11 A12 B1 B2 B3 B4 B5 B6 B7 B8 B9 B10 B11 B12 C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C10 C11 C12 D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10 D11 D12 Salt or Buffer 0.2 M Ammonium acetate 0.2 M Ammonium chloride 0.2 M Ammonium phosphate 0.2 M Ammonium fluoride 0.2 M Ammonium formate 0.18 M tri-Ammonium citrate 0.2 M di-Ammonium phosphate 0.2 M Ammonium iodide 0.2 M Ammonium nitrate 0.2 M di-Ammonium tartrate 0.2 M Cadmium chloride 0.2 M Cadmium sulfate 0.2 M Cesium chloride 0.2 M Cesium sulfate 0.2 M Ammonium bromide 0.2 M Lithium acetate 0.2 M Lithium chloride 0.2 M tri-Lithium citrate 0.2 M Lithium nitrate 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Potassium acetate 0.2 M Potassium bromide 0.2 M Potassium chloride 0.2 M tri-Potassium citrate 0.2 M Potassium phosphate 0.2 M Potassium fluoride 0.2 M Potassium formate 0.2 M di-Potassium phosphate 0.2 M Potassium iodide 0.2 M Potassium nitrate 0.2 M K/Na tartrate 0.2 M Potassium sulfate 0.2 M Potassium thiocyanate 0.2 M Sodium acetate 0.2 M Sodium bromide 0.2 M Sodium chloride 0.2 M tri-Sodium citrate 0.2 M Sodium phosphate 0.2 M Sodium fluoride 0.2 M Sodium formate 0.2 M di-Sodium phosphate 0.2 M Sodium iodide 0.2 M Sodium malonate 0.2 M Sodium nitrate 0.2 M Sodium sulfate 0.2 M di-Sodium tartate 0.2 M Sodium thiocyanate 337 Precipitant 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate Annexes Composition de la « AmSO4 Suite » (Qiagen) Number 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 Well E1 E2 E3 E4 E5 E6 E7 E8 E9 E10 E11 E12 F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 F8 F9 F10 F11 F12 G1 G2 G3 G4 G5 G6 G7 G8 G9 G10 G11 G12 H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 H8 H9 H10 H11 H12 Salt or Buffer 0.1 M Citric acid pH 4.0 0.1 M Citric acid pH 5.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M HEPES pH 7.0 0.1 M TRIS pH 8.0 0.1 M BICINE pH 9.0 0.1 M Citric acid pH 4.0 0.1 M Citric acid pH 5.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M HEPES pH 7.0 0.1 M TRIS pH 8.0 0.1 M BICINE pH 9.0 0.1 M Citric acid pH 4.0 0.1 M Citric acid pH 5.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M HEPES pH 7.0 0.1 M TRIS pH 8.0 0.1 M BICINE pH 9.0 0.1 M Citric acid pH 4.0 0.1 M Citric acid pH 5.0 0.1 M MES pH 6.0 0.1 M HEPES pH 7.0 0.1 M TRIS pH 8.0 0.1 M BICINE pH 9.0 0.1 M tri-Sodium citrate 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.05 M tri-Sodium citrate 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.5 M Lithium chloride 1.0 M Lithium sulfate 0.2 M Sodium chloride + 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M MES sodium salt pH 6.5 2.0 M Sodium chloride 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M MES sodium salt pH 6.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M tri-Sodium citrate 0.1 M HEPES sodium salt pH 7.5 0.1 M MES sodium salt pH 6.5 338 Precipitant 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 0.5 M Ammonium 1.0 M Ammonium 1.0 M Ammonium 1.0 M Ammonium 1.0 M Ammonium 1.2 M Ammonium 1.5 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate + 1.0 M Lithium Sulfate + 2 %(w/v) PEG 400 + 3 %(w/v) Isopropanol + 15 %(w/v) Glycerol 1.6 M Ammonium sulfate 1.6 M Ammonium 1.8 M Ammonium 2.0 M Ammonium 2.0 M Ammonium 2.0 M Ammonium 2.0 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.2 M Ammonium 2.4 M Ammonium 3.0 M Ammonium 3.0 M Ammonium 3.5 M Ammonium 3.5 M Ammonium 3.5 M Ammonium sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate + 2 %(w/v) PEG 1000 + 5 %(w/v) PEG 400 + 20 %(w/v) Glycerol +1 %(w/v) MPD + 10 %(w/v) Glycerol + 1 %(w/v) MPD Annexes Composition de la « PEGs Suite » (Qiagen) Number 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 Well A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7 A8 A9 A10 A11 A12 B1 B2 B3 B4 B5 B6 B7 B8 B9 B10 B11 B12 C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C10 C11 C12 D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10 D11 D12 Salt or Buffer 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 0.1 M TRIS.HCl pH 8.5 339 Precipitant 40 %(v/v) PEG 200 30 %(v/v) PEG 300 30 %(v/v) PEG 400 25 %(v/v) PEG 550 MME 25 %(w/v) PEG 1000 25 %(w/v) PEG 2000 MME 40 %(v/v) PEG 200 30 %(v/v) PEG 300 30 %(v/v) PEG 400 25 %(v/v) PEG 550 MME 25 %(w/v) PEG 1000 25 %(w/v) PEG 2000 MME 40 %(v/v) PEG 200 30 %(v/v) PEG 300 30 %(v/v) PEG 400 25 %(v/v) PEG 550 MME 25 %(w/v) PEG 1000 25 %(w/v) PEG 2000 MME 40 %(v/v) PEG 200 30 %(v/v) PEG 300 30 %(v/v) PEG 400 25 %(v/v) PEG 550 MME 25 %(w/v) PEG 1000 25 %(w/v) PEG 2000 MME 25 %(w/v) PEG 3000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 6000 25 %(w/v) PEG 8000 20 %(w/v) PEG 10000 15 %(w/v) PEG 20000 25 %(w/v) PEG 3000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 6000 25 %(w/v) PEG 8000 20 %(w/v) PEG 10000 15 %(w/v) PEG 20000 25 %(w/v) PEG 3000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 6000 25 %(w/v) PEG 8000 20 %(w/v) PEG 10000 15 %(w/v) PEG 20000 25 %(w/v) PEG 3000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 6000 25 %(w/v) PEG 8000 20 %(w/v) PEG 10000 15 %(w/v) PEG 20000 Annexes Composition de la « PEGs Suite » (Qiagen) Number 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 Well E1 E2 E3 E4 E5 E6 E7 E8 E9 E10 E11 E12 F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 F8 F9 F10 F11 F12 G1 G2 G3 G4 G5 G6 G7 G8 G9 G10 G11 G12 H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 H8 H9 H10 H11 H12 Salt or Buffer 0.2 M Sodium fluoride 0.2 M Potassium fluoride 0.2 M Ammonium fluoride 0.2 M Lithium chloride 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Sodium chloride 0.2 M Calcium chloride 0.2 M Potassium chloride 0.2 M Ammonium chloride 0.2 M Sodium iodide 0.2 M Potassium iodide 0.2 M Ammonium iodide 0.2 M Sodium thiocyanate 0.2 M Potassium thiocyanate 0.2 M Lithium nitrate 0.2 M Magnesium nitrate 0.2 M Sodium nitrate 0.2 M Potassium nitrate 0.2 M Ammonium nitrate 0.2 M Magnesium formate 0.2 M Sodium formate 0.2 M Potassium formate 0.2 M Ammonium formate 0.2 M Lithium acetate 0.2 M Magnesium acetate 0.2 M Zinc acetate 0.2 M Sodium acetate 0.2 M Calcium acetate 0.2 M Potassium acetate 0.2 M Ammonium acetate 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Magnesium sulfate 0.2 M Sodium sulfate 0.2 M Potassium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M di-Sodium tartrate 0.2 M K/Na tartrate 0.2 M di-Ammonium tartrate 0.2 M Sodium phosphate 0.2 M di-Sodium phosphate 0.2 M Potassium phosphate 0.2 M di-Potassium phosphate 0.2 M Ammonium phosphate 0.2 M di-Ammonium phosphate 0.2 M tri-Lithium citrate 0.2 M tri-Sodium citrate 0.2 M tri-Potassium citrate 0.18 M tri-Ammonium citrate 340 Precipitant 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 20 %(w/v) PEG 3350 Annexes Composition de la « PEGs II Suite » (Qiagen) Number 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 Well A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7 A8 A9 A10 A11 A12 B1 B2 B3 B4 B5 B6 B7 B8 B9 B10 B11 B12 C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C10 C11 C12 D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10 D11 D12 Salt 1 0.1 M Calcium chloride 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M tri-Sodium citrate 0.1 M Magnesium chloride 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Calcium chloride 0.1 M Calcium chloride 0.1 M Sodium acetate 0.1 M Magnesium chloride 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M tri-Sodium citrate 0.1 M Sodium chloride 0.01 M Zinc sulfate Buffer 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M BICINE pH 9.0 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.01 M Nickel chloride 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M Sodium acetate 0.2 M Sodium acetate 0.2 M Lithium sulfate 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.2 M Magnesium chloride 0.1 M Sodium acetate 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Sodium acetate 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Calcium chloride 0.1 M Sodium acetate 0.2 M Magnesium chloride 0.2 M Calcium chloride 0.1 M Magnesium chloride 0.2 M Calcium chloride 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Sodium acetate 0.2 M Magnesium chloride 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M TRIS pH 8.5 341 Precipitant 15 %(w/v) PEG 400 15 %(w/v) PEG 400 15 %(w/v) PEG 400 15 %(w/v) PEG 400 25 %(w/v) PEG 400 25 %(w/v) PEG 400 28 %(w/v) PEG 400 30 %(w/v) PEG 400 30 %(w/v) PEG 400 30 %(w/v) PEG 400 30 %(w/v) PEG 400 30 %(w/v) PEG 400 30 %(w/v) PEG 550 MME 25 %(w/v) PEG 550 MME 25 %(w/v) PEG 1000 30 %(w/v) PEG 1000 15 %(w/v) PEG 1500 20 %(w/v) PEG 1500 30 %(w/v) PEG 1500 20 %(w/v) PEG 2000 MME 25 %(w/v) PEG 2000 MME 30 %(w/v) PEG 2000 MME 20 %(w/v) PEG 3000 30 %(w/v) PEG 3000 4 %(w/v) PEG 4000 8 %(w/v) PEG 4000 8 %(w/v) PEG 4000 10 %(w/v) PEG 4000 12 %(w/v) PEG 4000 12 %(w/v) PEG 4000 16 %(w/v) PEG 4000 16 %(w/v) PEG 4000 16 %(w/v) PEG 4000 18 %(w/v) PEG 4000 20 %(w/v) PEG 4000 20 %(w/v) PEG 4000 22 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 35 %(w/v) PEG 4000 Annexes Composition de la « PEGs II Suite » (Qiagen) Number Well 49 E1 50 E2 51 E3 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 52 E4 0.1 M HEPES pH 7.5 53 E5 54 55 56 E6 E7 E8 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 57 E9 0.2 M Ammonium sulfate 0.1 M HEPES pH 7.5 58 E10 0.2 M Ammonium sulfate 59 E11 0.2 M Magnesium sulfate 60 E12 0.1 M tri-Sodium citrate 61 F1 0.1 M tri-Sodium citrate 62 F2 63 F3 64 F4 65 66 F5 F6 67 F7 Salt 1 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M HEPES pH 7.5 0.2 M Ammonium sulfate + 0.1 M Sodium acetate 0.2 M Ammonium sulfate 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.2 M Ammonium sulfate 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.2 M Lithium sulfate + 0.1 M 0.1 M HEPES pH 7.5 Sodium acetate F8 0.1 M Sodium acetate 69 70 71 F9 F10 F11 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 72 F12 73 74 75 76 77 G1 G2 G3 G4 G5 78 G6 79 G7 80 81 82 83 G8 G9 G10 G11 84 G12 85 86 87 88 H1 H2 H3 H4 89 H5 90 91 92 H6 H7 H8 93 H9 94 H10 H11 96 H12 0.1 M tri-Sodium citrate pH 5.6 0.1 M MES pH 6.5 68 95 Buffer 0.1 M Sodium acetate pH 4.6 0.1 M Sodium acetate-acetate pH 5.6 0.1 M TRIS pH 8.5 0.2 M Lithium sulfate 0.2 M Ammonium sulfate 0.1 M Potassium chloride 0.01 M Magnesium chloride 2.0 M Sodium chloride 0.1 M TRIS pH 8.5 0.1 M MES pH 6.5 0.1 M TRIS pH 8.5 0.05 M Potassium chloride + 0.01 M Magnesium chloride 22 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 25 %(w/v) PEG 4000 + 8 %(w/v) Isopropanol 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 30 %(w/v) PEG 4000 32 %(w/v) PEG 4000 + 0.8 M Lithium chloride 25 %(w/v) PEG 5000 MME 30 %(w/v) PEG 5000 MME 3 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 12 %(w/v) PEG 6000 15 %(w/v) PEG 6000 + 5 %(w/v) Glycerol 15 %(w/v) PEG 6000 0.01 M tri-Sodium citrate 0.1 M Lithium chloride 0.5 M Lithium chloride 1.0 M Lithium chloride + 0.1 M Sodium acetate 0.01 M tri-Sodium citrate 0.5 M Lithium sulfate 1.0 M Lithium sulfate Precipitant 8 %(w/v) PEG 4000 + 0.8 M Lithium chloride 10 %(w/v) PEG 4000 + 20 %(w/v) Isopropanol 10 %(w/v) PEG 4000 + 20 %(w/v) Isopropanol 10 %(w/v) PEG 4000 + 5 %(w/v) Isopropanol 10 %(w/v) PEG 4000 + 20 %(w/v) Isopropanol 12 %(w/v) PEG 4000 15 %(w/v) PEG 4000 15 %(w/v) PEG 4000 16 %(w/v) PEG 4000 + 10 %(w/v) Isopropanol 20 %(w/v) PEG 4000 20 %(w/v) PEG 4000 + 10 %(w/v) Glycerol 20 %(w/v) PEG 4000 + 5 %(w/v) Isopropanol 20 %(w/v) PEG 4000 + 20 %(w/v) Isopropanol 20 %(w/v) PEG 4000 + 0.6 M Sodium chloride 20 %(w/v) PEG 4000 + 10 %(w/v) Isopropanol 0.05 M Imidazole pH 8.0 0.1 M HEPES pH 7.5 0.1 M TRIS pH 8.5 16 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 25 %(w/v) PEG 6000 28 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 33 %(w/v) PEG 6000 2 %(w/v) PEG 8000 2 %(w/v) PEG 8000 4 %(w/v) PEG 8000 0.2 M Lithium chloride + 0.05 M Magnesium sulfate 8 %(w/v) PEG 8000 0.1 M TRIS pH 8.5 0.2 M Zinc acetate 0.1M Imidazole pH 6.5 0.2 M Calcium acetate 0.1 M HEPES pH 7.5 0.05 M Magnesium acetate + 0.1 M Sodium acetate 0.2 M Magnesium acetate 0.1 M HEPES pH 7.5 342 8 %(w/v) PEG 8000 10 %(w/v) PEG 8000 10 %(w/v) PEG 8000 10 %(w/v) PEG 8000 10 %(w/v) PEG 8000 10 %(w/v) PEG 8000 + 10 %(w/v) Ethylene Glycol 10 %(w/v) PEG 8000 + 10 %(w/v) PEG 1000 Annexes Composition de la « pH Clear Suite » (Qiagen) Number 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 Well A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7 A8 A9 A10 A11 A12 B1 B2 B3 B4 B5 B6 B7 B8 B9 B10 B11 B12 C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C10 C11 C12 D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10 D11 D12 Buffer 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE Precipitant 1.0 M Sodium chloride 1.0 M Sodium chloride 1.0 M Sodium chloride 1.0 M Sodium chloride 1.0 M Sodium chloride 1.0 M Sodium chloride 2.0 M Sodium chloride 2.0 M Sodium chloride 2.0 M Sodium chloride 2.0 M Sodium chloride 2.0 M Sodium chloride 2.0 M Sodium chloride 3.0 M Sodium chloride 3.0 M Sodium chloride 3.0 M Sodium chloride 3.0 M Sodium chloride 3.0 M Sodium chloride 3.0 M Sodium chloride 4.0 M Sodium chloride 4.0 M Sodium chloride 4.0 M Sodium chloride 4.0 M Sodium chloride 4.0 M Sodium chloride 4.0 M Sodium chloride 5 %(w/v) PEG 6000 5 %(w/v) PEG 6000 5 %(w/v) PEG 6000 5 %(w/v) PEG 6000 5 %(w/v) PEG 6000 5 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 343 Final pH 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 Annexes Composition de la « pH Clear Suite » (Qiagen) Number 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 Well E1 E2 E3 E4 E5 E6 E7 E8 E9 E10 E11 E12 F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 F8 F9 F10 F11 F12 G1 G2 G3 G4 G5 G6 G7 G8 G9 G10 G11 G12 H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 H8 H9 H10 H11 H12 Buffer 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Sodium acetate 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Sodium acetate 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Sodium acetate 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Sodium acetate 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE Precipitant 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 0.8 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 1.6 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 2.4 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 3.2 M Ammonium 10 %(v/v) MPD 10 %(v/v) MPD 10 %(v/v) MPD 10 %(v/v) MPD 10 %(v/v) MPD 10 %(v/v) MPD 20 %(v/v) MPD 20 %(v/v) MPD 20 %(v/v) MPD 20 %(v/v) MPD 20 %(v/v) MPD 20 %(v/v) MPD 40 %(v/v) MPD 40 %(v/v) MPD 40 %(v/v) MPD 40 %(v/v) MPD 40 %(v/v) MPD 40 %(v/v) MPD 65 %(v/v) MPD 65 %(v/v) MPD 65 %(v/v) MPD 65 %(v/v) MPD 65 %(v/v) MPD 65 %(v/v) MPD 344 sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate sulfate Final pH 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 Annexes Composition de la « pH Clear II Suite » (Qiagen) Number 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 Well A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7 A8 A9 A10 A11 A12 B1 B2 B3 B4 B5 B6 B7 B8 B9 B10 B11 B12 C1 C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C10 C11 C12 D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10 D11 D12 Salt 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium 1.0 M Lithium chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride chloride Buffer 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 0.1 M Citric acid 0.1 M Citric acid 0.1 M MES 0.1 M HEPES 0.1 M TRIS 0.1 M BICINE 345 Precipitant 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 10 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 20 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 30 %(w/v) PEG 6000 5 %(v/v) Isopropanol 5 %(v/v) Isopropanol 5 %(v/v) Isopropanol 5 %(v/v) Isopropanol 5 %(v/v) Isopropanol 5 %(v/v) Isopropanol 10 %(v/v) Isopropanol 10 %(v/v) Isopropanol 10 %(v/v) Isopropanol 10 %(v/v) Isopropanol 10 %(v/v) Isopropanol 10 %(v/v) Isopropanol 20 %(v/v) Isopropanol 20 %(v/v) Isopropanol 20 %(v/v) Isopropanol 20 %(v/v) Isopropanol 20 %(v/v) Isopropanol 20 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol 30 %(v/v) Isopropanol Final pH 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0 Annexes Composition de la « pH Clear II Suite » (Qiagen) Number 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 Well E1 E2 E3 E4 E5 E6 E7 E8 E9 E10 E11 E12 F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 F8 F9 F10 F11 F12 G1 G2 G3 G4 G5 G6 G7 G8 G9 G10 G11 G12 H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 H8 H9 H10 H11 H12 Salt Buffer 346 Precipitant 0.8 M Na/K phosphate 0.8 M Na/K phosphate 0.8 M Na/K phosphate 0.8 M Na/K phosphate 0.8 M Na/K phosphate 0.8 M Na/K phosphate 1.0 M Na/K phosphate 1.0 M Na/K phosphate 1.0 M Na/K phosphate 1.0 M Na/K phosphate 1.0 M Na/K phosphate 1.0 M Na/K phosphate 1.4 M Na/K phosphate 1.4 M Na/K phosphate 1.4 M Na/K phosphate 1.4 M Na/K phosphate 1.4 M Na/K phosphate 1.4 M Na/K phosphate 1.8 M Na/K phosphate 1.8 M Na/K phosphate 1.8 M Na/K phosphate 1.8 M Na/K phosphate 1.8 M Na/K phosphate 1.8 M Na/K phosphate 1.0 M Sodium malonate 1.5 M Sodium malonate 1.9 M Sodium malonate 2.4 M Sodium malonate 2.9 M Sodium malonate 3.4 M Sodium malonate 1.0 M Sodium malonate 1.5 M Sodium malonate 1.9 M Sodium malonate 2.4 M Sodium malonate 2.9 M Sodium malonate 3.4 M Sodium malonate 1.0 M Sodium malonate 1.5 M Sodium malonate 1.9 M Sodium malonate 2.4 M Sodium malonate 2.9 M Sodium malonate 3.4 M Sodium malonate 1.0 M Sodium malonate 1.5 M Sodium malonate 1.9 M Sodium malonate 2.4 M Sodium malonate 2.9 M Sodium malonate 3.4 M Sodium malonate Final pH 5.0 5.6 6.3 6.9 7.5 8.2 5.0 5.6 6.3 6.9 7.5 8.2 5.0 5.6 6.3 6.9 7.5 8.2 5.0 5.6 6.3 6.9 7.5 8.2 4.0 4.0 4.0 4.0 4.0 4.0 5.0 5.0 5.0 5.0 5.0 5.0 6.0 6.0 6.0 6.0 6.0 6.0 7.0 7.0 7.0 7.0 7.0 7.0 Annexes Composition de la « Low ionic » (Sigma-Aldrich) 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 Solution de cristallisation TRIS hydrochloride pH 8.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) TRIS hydrochloride pH 8.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) Glycine Sodium salt pH 9.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) Glycine Sodium salt pH 9.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) Glycine Sodium salt pH 9.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) Glycine Sodium salt pH 9.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) Glycine Sodium salt pH 10.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) Glycine Sodium salt pH 10.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) Sodium citrate pH 3; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) Sodium citrate pH 3; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) Sodium citrate pH 3; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) Sodium citrate pH 3; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) Sodium citrate pH 4; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) Sodium citrate pH 4; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) Sodium citrate pH 4; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) Sodium citrate pH 4; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) Sodium citrate pH 4.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) Sodium citrate pH 4.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) Sodium citrate pH 4.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) Sodium citrate pH 4.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) Sodium citrate pH 5.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) Sodium citrate pH 5.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) Sodium citrate pH 5.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) Sodium citrate pH 5.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) Sodium citrate pH 5.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) Sodium citrate pH 5.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) Sodium citrate pH 5.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) Sodium citrate pH 5.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) MES-Na pH 6.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) MES-Na pH 6.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) MES-Na pH 6.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) MES-Na pH 6.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) BIS-TRIS hydrochloride pH 6.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) BIS-TRIS hydrochloride pH 6.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) BIS-TRIS hydrochloride pH 6.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) Imidazol hydrochloride pH 7.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) Imidazol hydrochloride pH 7.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) Imidazol hydrochloride pH 7.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) Imidazol hydrochloride pH 7.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) HEPES-Na pH 7.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) HEPES-Na pH 7.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) HEPES-Na pH 7.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) HEPES-Na pH 7.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) TRIS hydrochloride pH 8.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) TRIS hydrochloride pH 8.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 12% (v/v) TRIS hydrochloride pH 8.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) TRIS hydrochloride pH 8.0; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) BIS-TRIS hydrochloride pH 6.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 20% (v/v) TRIS hydrochloride pH 8.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 4% (v/v) TRIS hydrochloride pH 8.5; 0.05M – Polyethylene glycol 3350 28% (v/v) 347 Annexes Abréviations utilisées ADN : Acide désoxyribonucléique ARN : Acide ribonucléique BOG : β-octyl glucopyranoside BSA : Albumine sérique bovine CCP4 : Collaborative Computational Project n°4 DHA : l’Acide DocosaHexaènoïque DMSO : diméthylsulfoxyde DNS : acide –3,5-dinitrosalycilique dNTP : Désoxyribonucléotides DO : Densité optique DTT : Dithiothréitol EDTA : acide éthylène-diamine-tétraacétique ESRF : European Synchrotron Radiation Facility HEPES : 4-(2-hydroxyéthyl)-1-piperazineethanesulfonic acid ITCHY : Incremental truncation for the creation of Hybrid enzyme libraries. LiAc : Acétate de lithium MES : 2-(N-morpholino)ethanesulfonic acid MAD : Multiwavelength Anomalous Diffraction MIR : Multiple Isomorphous Replacement MPD : (±)-2-Méthyl-2,4-Pentanediol 2M2B : 2-méthyl-2-butanol PCR : Réaction de polymérisation en chaîne PDB : Protein Data Bank pNP : Para-nitrophénol pNPB : Para-nitrophénolbutyrate RACHITT : Random Chimeragenesis on Transient Template RMSD : Root Mean Square Deviation. RPR : Random Priming in vitro Recombination RID : Random Deletion Mutagenesis SIR : Single Isomorphous Replacement SHIPREC : Sequence homology independant protein recombination TAMM : Tetrakis(acetoxymercuri)méthane 349 Annexes TCEP : Tris (2-carboxyethyl)phosphine Tris : Trishydroxyméthylaminométhane 350