À lÊtre Lieu et au Musée dArras : La caméra- arme
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À lÊtre Lieu et au Musée dArras : La caméra- arme
À lÊtre Lieu et au Musée dArras : La caméraarme de Mussa Sarr echo62.com March 1 10:46 PM On n’oublie jamais Mussa Sarr. Ses œuvres sont aussi gonflées que glaçantes ; elles attirent autant qu’elles dérangent. L’artiste trentenaire, vidéaste, performer, photographe, est l’invité du centre culturel de la cité scolaire Gambetta-Carnot, l’Être Lieu, et du Musée des Beaux-arts à Arras. Après une résidence de trois mois, il propose à partir du 22 janvier « En Métamorphose », une exposition dans les deux lieux qui promet des apnées dans les respirations. Grégory Fenoglio, professeur d’arts plastiques des classes préparatoires littéraires, option art, a découvert Mussa Sarr au Fresnoy*. La rencontre a été décisive pour le projet de résidence commune du centre culturel et du musée. Pour être en phase avec l’actuelle exposition, "Les cent chefs-d’œuvre de Versailles", l’artiste s’attarde sur les fables de Jean de la Fontaine et en particulier sur la métamorphose. Parions que son humour grinçant et sa dérision crisperont (et enthousiasmeront) le public. Tordre le cou aux clichés L’homme s’autofilme en plans fixes. Point par nombrilisme, bien au contraire. « La caméra est une arme, je la retourne contre moi. Je tue mon égo et je ris de moi-même. Donc d’autrui. » Autrui, lui, ne rit pas. Les termes abordés par le plasticien sont si forts et leur traitement si dérangeant, que le public est en tension. Moussa Sarr est black et pointe notamment le racisme anti-noir. Ses courtes vidéos sans parole mettent en scène quantité de situations perturbantes. « L’orgasme du singe » en est une. L’homme se met en scène et imite un primate devant la caméra. À l’heure où retentissent encore les mots et les gestes nauséeux à l’encontre de Christiane Taubira, ministre de la République, ce film est réellement perturbant. « Il s’agit, dit-il, de devenir un cliché pour tordre le cou aux clichés. » « Plutôt brasser de l’air que de ne rien faire » Dans le cadre de son intérêt pour les fables de La Fontaine, Moussa Sarr a inventé « Frédi la mouche », ou l’éternel combat du petit contre le grand. L’insecte va se faire écraser mais décide de ne pas se résigner. Il gesticule. « Ce n’est pas parce que le combat est perdu d’avance qu’il ne faut pas le mener avec la conviction de pouvoir le vaincre ! Plutôt brasser de l’air que de ne rien faire ! » Le message est politique. L’homme travaille entre le peuple et le pouvoir, et son œuvre séduit. Nombre de ses pièces viennent d’être achetées à la FIAC par la Fondation Pinault. Arte Video Night a diffusé sa production à la Gaîté Lyrique, le centre Pompidou s’est arrêté sur son travail, ses vidéos ont été montrées au musée de Beaux-arts de Boston et le public d’Abou Dabi a découvert son « Rising carpet », un tapis de prière volant qui évoque l’élévation spirituelle. Cette émotion qui transforme Tandis que Mussa Sarr crée et prépare son exposition, L’Être Lieu et le musée des Beauxarts d’Arras imaginent et mettent sur pied des passerelles autour de son travail. Les élèves de la prépa littéraire, eux, s’affairent. Certains se font médiateurs culturels chez les petits. Avec le soutien de Laurent Bizarre, conseiller pédagogique en Arts visuels à l’Inspection académique, ils se sont penchés sur les enfants de CE 2 de l’école Oscar-Cleret à Arras. Les étudiants approchent avec eux le thème de la métamorphose et expliquent que l’émotion peut transformer un individu. Promenade au musée pour découvrir les œuvres qui émeuvent ; approche des artistes d’aujourd’hui ; écoute d’œuvres musicales, les couleurs à la main. Les enfants peignent ce qu’ils ressentent « et on les amène vers l’art abstrait ! ». Bientôt sera projeté sur le visage de l’enfant l’œuvre qu’il a réalisée. Des photos seront prises ; une exposition est prévue en marge des pièces visuelles de Moussa Sarr. Le travail des étudiants est malin ; il est astucieux. Ils ont compris qu’il valait mieux faire ressentir dès l’enfance ce qu’est l’abstraction (qui fête allégrement ses cent ans !), si on veut qu’un jour elle finisse – enfin – par être acceptée du grand public ! * À Tourcoing, lieu de formation artistique, audiovisuelle et multimédia de haut niveau, destiné à des étudiants avancés. Y sont proposés toute l’année de grandes expositions d’art contemporain, des programmations cinéma, des concerts, spectacles, conférences. Vernissage le 22 janvier à 18 h. Exposition jusqu’au 12 février à L’Être Lieu. Visite pour le grand public tous les jours de 18 à 19 h, les samedis et dimanches après-midi. Les visites seront guidées par les élèves et les étudiants de l’Université d’Artois. Au musée des Beaux-arts jusqu’au 23 mars. - L’Être Lieu, cité scolaire Gambetta-Carnot, 21 boulevard Carnot, Arras - Musée des Beaux-arts, abbaye Saint-Vaast d'Arras, 22, rue Paul-Doumer. Tél. 03 21 71 26 43 Marie-Pierre Griffon URL courte : www.echo62.com/actu3917