Luxembourg, une belle histoire
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Luxembourg, une belle histoire
Claude Frisoni : Luxembourg, une belle histoire J’aime d’abord Luxembourg au féminin. J’aime d’abord Luxembourg, LA capitale, avant même d’aimer le Duché, LE Grand. Forte et fragile à la fois Je l’aime, parce que sa force lui vient aujourd’hui de son apparente fragilité, alors que dans l’histoire, sa faiblesse était la conséquence de sa prétendue invulnérabilité ! Tant que Luxembourg fut une forteresse réputée imprenable, on s’efforça la prendre, de la conquérir, de l’assujettir, de la soumettre… sans ménagements le plus souvent, à la hussarde quelques fois ! Et ce qui fait sa beauté, ses falaises abruptes et ses vallées profondes, sa topographie spectaculaire, la disproportion entre la profondeur de ses ravins et l’insolente modestie de ses cours d’eau, ne fut perçu, pendant des siècles, que comme les caractéristiques rêvées d’une place forte ! Aujourd’hui, les ponts ont remplacé les défenses militaires, comme autant de bras ouverts sur le monde. Les remparts, les espagnolettes et les contreforts rocheux sont devenus des lieux de promenade et ne servent plus à repousser l’ennemi mais à accueillir l’ami ! Cette inversion est symbolique du destin de Luxembourg ! Elle n’est plus imprenable, elle est offerte ! Elle n’est plus repliée sur elle-même, elle est ouverte. Sa force était sa faiblesse, sa faiblesse est devenue sa force. Un eternel enchantement Pour s’imprégner de la magie du lieu, il faut avoir déambulé aux abords de la rivière à la belle saison, embrassé du regard l’étonnant panorama qui souligne la topographie si particulière de la ville. Il faut avoir surpris le labeur patient d’un rat musqué, le piqué audacieux d’un martin pêcheur, la patience impassible du héron. Il faut avoir guetté la surface de l’eau, dans l’attente délicieusement inutile de l’apparition de Mélusine. Il faut avoir goûté la paresse du courant, la langueur des saules pleureurs, la sérénité de l’espace. Et puis, il faut oublier d’où l’on vient et ne pas savoir où l’on va. Croiser un restaurant japonais, s’attabler à un bistrot écossais, s’inviter dans un restaurant italien, saluer les clients d’un café portugais, écouter le pianiste d’un troquet luxembourgeois, échanger quelques mots avec un artiste amoureux du quartier, discuter avec une touriste chinoise et admirer la vieille ville, qui depuis des siècles regrette de ne pouvoir descendre dans les faubourgs. Ville de la diversité, Luxembourg a tout d’une grande et la sagesse d’avoir gardé une dimension humaine! Un charme qui jamais ne s’estompe Féminine jusque dans ses reliefs attirants et parfois mystérieux, comme dans ses traits de caractère, qui la font généreuse mais farouche, accueillante mais résistante, singulière mais plurielle, multiple mais pourtant unique, Luxembourg mérite bien d’être la capitale de son Duché éponyme auquel elle imprime une saine ambition, celle de convaincre sans contraindre, de séduire sans réduire, d’étreindre sans éteindre. Ainsi le Luxembourg peut-il continuer à exister à l’époque de la mondialisation, son ouverture sur le monde n’implique aucune dilution ni dépression. C’est peut-être ce que j’aime le plus dans ce pays : on n’y commémore aucune victoire glorieuse remportée au détriment de voisins plus faibles ou moins chanceux !