La Cour Suprême du Canada rend une décision
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La Cour Suprême du Canada rend une décision
Page 1 Bulletin de Immobilier Septembre 2016 La Cour Suprême du Canada rend une décision attendue quant à la détermination de l’emplacement de tours de radiocommunications Depuis quelques années, il y a une prolifération de tours et autres systèmes de radiocommunication au Canada en réponse à la demande grandissante des utilisateurs envers le réseau de radiocommunication cellulaire. Cet essor du réseau de radiocommunication a donné lieu à de nombreux conflits opposant les entreprises de communication faisant valoir l’étendue de la compétence fédérale en matière de télécommunication, d’une part, et les villes et municipalités, d’autre part, qui tentaient de contrôler l’aménagement de leur territoire. 1 Le 16 juin 2016, la Cour Suprême du Canada scellait le sort du conflit opposant Rogers Communications Inc. (« Rogers ») à la Ville de Châteauguay (« Châteauguay ») 2 depuis 2008 et, par le fait même, mettait un terme à des années d’incertitude entourant l’étendue des pouvoirs des municipalités quant à la détermination de l’emplacement de tours de radiocommunication sur leur territoire. Pour des motifs d’ordre constitutionnel, la plus haute instance judiciaire au pays donnait 1 Voir, par exemple : Situation à St-Austin, voir <http://www.lapresse.ca/la-tribune/actualites/estrie-etregions/201512/21/01-4933369-tours-de-telecommunication-austin-se-dresse-contre-videotron.php>, publié le 21 décembre 2015; Situation à Chambly, voir <http://www.journaldechambly.com/actualites/2016/5/9/l_installationdune-antenne-de-telecommunication-seme-la-grogne.html>, publié le 9 mai 2016. 2 Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville de), 2016 CSC 23. McMillan LLP mcmillan.ca finalement raison à Rogers et confirmait la prépondérance des pouvoirs fédéraux en matière de radiocommunication. Faits Rogers est une entreprise de communications qui, afin de fournir ses services, détient une licence de spectre. Cette licence l’oblige à desservir des zones géographiques canadiennes précisément déterminées. Parmi ces territoires figure la Ville de Châteauguay, où Rogers souhaite procéder à l’installation d’une nouvelle tour de communication afin de combler des lacunes dans la couverture de son réseau. Afin de respecter les termes de sa licence, Rogers entreprend le projet de construction d’un système d’antennes de radiocommunication sur le terrain situé au 411, boulevard SaintFrancis (« 411 Saint-Francis »). Cette future installation est approuvée par le propriétaire du terrain. En mars 2008, Rogers fait part à Châteauguay de son souhait de concrétiser son projet de construction. Par conséquent, Rogers demande l’approbation du ministre fédéral de l’Industrie (le « ministre ») quant à un site particulier tel que prévu à la Loi sur la radiocommunication et elle enclenche le processus de consultation publique de 120 jours requis par la circulaire d’Industrie Canada. Par ailleurs, Rogers prévient par lettre tous résidents et propriétaires d’immeubles demeurant dans les limites d’une superficie déterminée à proximité du 411 Saint-Francis et publie un avis dans un journal régional. Le 28 avril 2008, Châteauguay signifie son opposition au projet. Elle fait valoir que celui-ci serait inesthétique et enfreindrait le règlement de zonage municipal et elle s’interroge quant aux risques pour la santé et la sécurité des résidants de la région. Elle présente alors trois solutions alternatives à Rogers : l’installation de cette nouvelle antenne sur un site déjà établi, l’augmentation de la puissance d’une autre antenne de Rogers déjà en opération ou la réalisation du projet sur un nouveau terrain, situé au 50, boulevard Industriel (« 50 Industriel »). Plus tard cette même année, Rogers répond à la municipalité en faisant valoir que toutes ces solutions sont inappropriées. Après étude, elle avance que le site et l’antenne existants sont inadéquats et que le 50 Industriel n’est pas disponible pour son projet. Elle confirme par la même occasion la conformité de la future tour aux limites d’exposition aux radiofréquences établies par le Code de sécurité 6 3 de Santé Canada. En février 2009, Châteauguay délivre finalement un permis de construction à Rogers pour qu’elle puisse réaliser son projet au 411 Saint-Francis. Subséquemment, plusieurs résidents signent une pétition dénonçant le projet, provocant la reprise du processus de consultation de la population. Le 21 septembre 2009, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur la radiocommunication, le ministre confirme que la consultation publique a été complétée de manière satisfaisante et que le projet de Rogers n’affecterait pas négativement l’environnement. En revanche, il souligne son souhait que ce dossier se règle de manière satisfaisante entre Rogers et Châteauguay. Il explique qu’il donnera l’opportunité à Châteauguay de trouver un site alternatif au 411 Saint-Francis avant de rendre sa décision finale quant à l’emplacement de la tour de Rogers. De ce fait, Châteauguay réitère l’alternative du terrain situé au 50 Industriel, car celui-ci est également situé dans l’aire de recherche désignée. Elle signifie à Rogers son intention d’acquérir ce site alternatif, par voie d’expropriation ou de gré à gré. Rogers accepte de considérer cet emplacement alternatif, conditionnellement à ce que la transaction entre Châteauguay et le propriétaire de ce site soit conclue au plus tard le 15 février 2010. Entretemps cependant, avant que la résolution d’expropriation ne soit adoptée par Châteauguay, le 50 Industriel est acheté par Madame Christina White. Châteauguay publie finalement un avis d’expropriation du 50 Industriel au registre foncier. Cette publication survient cependant postérieurement à l’expiration de l’échéance déterminée par Rogers. Mme White réplique quelques jours plus tard par une requête s’opposant à un tel avis d’expropriation. Craignant que les procédures juridiques relatives à l’expropriation du 50 Industriel s’éternisent, Rogers demande au ministre de trancher quant à l’emplacement de sa future tour. Le 26 juillet 2010, le ministre se prononce finalement en approuvant la construction de la tour de Rogers au 411 Saint-Francis. Par sa décision, il met fin à des 3 Voir « Code de sécurité 6 : Lignes directrices de Santé Canada sur l'exposition aux radiofréquences », en ligne : <http://www.hc-sc.gc.ca/ewh-semt/pubs/radiation/radio_guide-lignes_direct/index-fra.php >. mois de consultation publique et de discussions entre Châteauguay et Rogers. Suivant la décision du ministre, Rogers annonce qu’elle va procéder à l’édification de sa tour au 411 Saint-Francis. En octobre de la même année, Châteauguay demande à Rogers d’attendre qu’une décision relativement à l’expropriation du 50 Industriel soit rendue avant que la construction ne commence et, advenant une défaite dans le dossier qui l’oppose à Mme White, Châteauguay s’engage à permettre la construction d’une tour par Rogers au 411 SaintFrancis. Suite à l’adoption par la Ville de Châteauguay d’une résolution autorisant l’imposition d’une réserve pour fins de réserve foncière quant au 411 Saint-Francis, Rogers refuse la proposition de la Ville. Le 12 octobre 2010, Rogers reçoit un avis d’imposition de réserve foncière visant spécifiquement le 411 Saint-Francis, lequel avis est applicable pour une durée de deux ans et lequel prohibe toute construction sur le terrain. Rogers dépose alors une requête devant la cour visant à contester l’avis de réserve, alléguant qu’il est inconstitutionnel puisqu’il empiète sur la compétence fédérale en matière de radiocommunication. Cet avis de réserve sera renouvelé pour une période additionnelle de deux ans peu avant son expiration initiale. Décisions antérieures (a) Cour supérieure En première instance, la Cour supérieure annule l’avis de réserve de Châteauguay. Dans un premier temps, le juge conclut que les pouvoirs d’expropriation de Châteauguay relativement au 50 Industriel revêtaient une finalité protectrice à l’égard du bien-être de ses citoyens. Selon la Cour, cet exercice ne visait donc pas à favoriser les intérêts d’une entreprise privée et n’était pas abusif. 4 En second lieu, le juge statue que l’avis d’imposition de réserve de Châteauguay n’empiète pas sur la compétence exclusive fédérale en matière de radiocommunication, au motif qu’il ne prescrit pas à Rogers d’utiliser le 50 Industriel. Malgré ces deux conclusions 4 Argument fondé sur la décision Spraytech 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Town), 2001 CSC 40. favorables à Châteauguay, le juge détermine que l’avis de réserve résulte de la mauvaise foi, car il a pour but d’empêcher la construction de la tour de Rogers, visée contraire aux principes de droit administratif. L’avis de réserve est donc annulé, et ce, pour des motifs de droit administratif plutôt que constitutionnel. (b) Cour d’appel La Cour d’appel est plutôt d’avis que les municipalités possèdent des pouvoirs décisionnels en matière de développement du territoire et de protection du bien-être de leurs citoyens, et ce, malgré la compétence exclusive fédérale en matière de radiocommunication. Par ailleurs, elle explique qu’il est ardu de conclure à la mauvaise foi de Châteauguay relativement à ses avis d’expropriation et de réserve, entres autres, car ceux-ci poursuivent des fins légitimes. Finalement, elle rejette l’argumentaire constitutionnel de Rogers. À cet effet, elle énonce que la décision relative à l’emplacement d’une tour ne constitue pas un élément essentiel et indivisible de la compétence fédérale en matière de radiocommunication. Ainsi, la Cour d’appel conclut que l’avis de réserve de Châteauguay est valide et qu’il ne porte pas atteinte aux pouvoirs fédéraux. Le pourvoi (a) Prétentions des parties Rogers prétend que l’avis de réserve a comme seuls objet et effet le blocage du projet de construction d’un système d’antennes au 411 Saint-Francis et que son caractère véritable est lié à la détermination de l’emplacement des établissements de radiocommunications. Selon elle, l’avis en question est donc inconstitutionnel, car il empiète sur la compétence exclusive du fédéral relativement à la radiocommunication. De son côté, Châteauguay plaide l’importance de la distinction entre l’effet pratique de l’avis de réserve et sa finalité visée. Elle prétend que l’avis en question a pour ultime but l’aménagement du territoire et la protection de la santé et du bienêtre des individus résidant aux environs du 411 Saint-Francis. Selon elle, l’avis est donc intra vires des pouvoirs de la province conférés par la Loi constitutionnelle de 1867 en matière de « propriété et [de] droits civils dans la province » et de «toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province » et constitue donc un exercice légitime des pouvoirs qui lui ont été délégués. (b) Doctrine du caractère véritable Dans le jugement rendu par la majorité de la Cour Suprême du Canada, l’avis de réserve de Châteauguay est annulé, car il est considéré ultra vires des pouvoirs de la ville. Pour de multiples raisons, la Cour statue que l’avis en question constitue un exercice de la compétence fédérale exclusive en matière de radiocommunication. Pour ce faire, la Cour procède à une analyse du caractère véritable de l’avis de réserve, soit en examinant son objet et ses effets. Premièrement, la preuve démontre que l’avis de réserve a été signifié postérieurement à l’approbation du projet par le ministre, immédiatement après le rejet de la proposition de Châteauguay par Rogers et immédiatement après l’annonce par Rogers de son intention de commencer la construction des antennes au 411 Saint-Francis. Selon la Cour, même interprétée de manière généreuse, l’analyse de ces faits ne peut mener qu’à une conclusion, soit que « l’objet de l’avis de réserve est d’empêcher Rogers d’installer son système d’antennes de radiocommunications sur le terrain situé au 411 Saint Francis en circonscrivant le choix de l’emplacement de ce système ». 5 La Cour est du même avis relativement aux effets juridiques et pratiques de l’avis de réserve. Ainsi, ce dernier a pour effet juridique l’interdiction de toute construction sur le 411 Saint-Francis durant deux années. Sur le plan pratique, cet avis contrecarre la construction d’une tour sur le terrain préconisé par Rogers et approuvé par le ministre. Ainsi, même si cet avis de réserve revêt également une finalité de protection envers les citoyens de Châteauguay, il est déterminé qu’il a comme effets juridiques et pratiques l’appropriation de la compétence fédérale en matière de radiocommunication. La Cour affirme qu’un verdict contraire pourrait donner lieu à un empiètement systématique des municipalités sur la compétence fédérale en matière du choix de l’emplacement des antennes de radiocommunication en alléguant des intérêts locaux. Elle explique néanmoins qu’il ne faut pas interpréter sa décision comme impliquant qu’une municipalité exerce ladite compétence fédérale lorsqu’elle aide des entreprises telles que Rogers dans le cadre du processus 5 Rogers Communications Inc. Châteauguay (Ville de), préc. note 1, par. 44. d’installation d’une antenne par le biais de l’exercice de ses pouvoirs en matière d’expropriation. Dans un tel cas, la Cour est d’avis qu’un tel exercice n’a pas pour effet de déterminer l’emplacement des antennes et donc, qu’il s’agit de l’exercice d’un pouvoir relatif à l’aménagement de son territoire qui est permis par le partage des compétences. Dans cette situation, la Cour est d’avis que la collaboration d’une ville revêt uniquement une finalité d’aménagement, action qui relève de son champ de compétence. Au contraire, lorsqu’une ville fait obstacle à la construction d’une tour dont l’emplacement a été approuvé par le ministre, alors la municipalité exerce le pouvoir attribué au fédéral de déterminer l’emplacement des infrastructures nécessaires au déploiement d’un réseau de radiocommunication. L’argument phare de Châteauguay qui alléguait un fédéralisme coopératif est fermement rejeté. La Cour explique que ce principe ne peut remplacer ou modifier le partage des compétences conféré par la Loi Constitutionnelle de 1867. De plus, il ne peut limiter l’exercice d’une compétence exclusive ou rendre valide un avis inconstitutionnel. En raison de son caractère véritable, lequel relève exclusivement de la compétence fédérale, la mesure contestée ne revêt pas de double aspect, c’est-à-dire un aspect fédéral en matière de radiocommunications et un aspect provincial en matière de santé. Pour ces motifs, la Cour est d’avis que, dans le cadre des faits présentés à la Cour, le contraste entre l’importance des deux aspects est très prononcé : la compétence fédérale est nettement plus significative. Reconnaître l’inverse serait contraire au stare decisis établi par l’arrêt In re Regulation and Control of Radio Communication in Canada, 6 lequel statue que l’emplacement des infrastructures en matière de radiocommunication est de compétence exclusivement fédérale. La Cour conclut donc que l’adoption de l’avis de réserve par Chateauguay était ultra vires de ses compétences. (c) Doctrine de l’exclusivité des compétences La majorité de la Cour Suprême du Canada énonce ensuite le souhait de justifier et confirmer sa décision à l’aide de la doctrine de l’exclusivité des compétences afin de clarifier le droit applicable, même si elle estime que la doctrine du caractère véritable est 6 [1932] A.C. 304. suffisante pour donner gain de cause à Rogers. Cette doctrine a pour effet de protéger une compétence (par exemple fédérale) contre les entraves qui pourraient être faites par l’autre ordre législatif (ici, provincial ou municipal). En pratique, la Cour est appelée à évaluer si une mesure particulière empiète sur le cœur d’une compétence donnée, et dans l’affirmative, doit déterminer si l’effet de cet empiètement est grave ou important. Les parties ont fait valoir divers arguments au sujet de la doctrine de l’exclusivité des compétences. D’une part, Rogers prétendait que la doctrine de l’exclusivité des compétences protégeait l’exercice d’activités relevant du cœur d’une compétence fédérale. D’autre part, Châteauguay soutenait que le cœur de la compétence fédérale ne comprenait pas le choix d’un terrain précis à l’intérieur d’une aire déterminée par Rogers. Subsidiairement, Châteauguay alléguait que l’avis de réserve n’empiétait pas de façon suffisamment grave et importante sur la compétence fédérale puisqu’il ne faisait que retarder la construction de la tour de radiocommunication. La Cour énonce qu’elle se doit de suivre le précédent établi par l’arrêt Toronto Corporation c. Bell Telephone Co. of Canada 7, jugement statuant que l’emplacement de poteaux et de câbles est au cœur des pouvoirs fédéraux en matière de télécommunication, et détermine que le choix de l’emplacement des antennes, à l’instar du choix de l’emplacement de poteaux et de câbles, est au cœur de la compétence fédérale en matière de radiocommunication. Cette opinion est renforcée par le témoignage du directeur de l’ingénierie radio de Rogers. 8 Ce dernier explique que l’emplacement désigné d’une tour doit être scrupuleusement respecté, car un simple décalage de 100 ou 200 mètres peut miner l’efficacité du réseau de radiocommunication. La Cour conclut donc que la détermination de l’emplacement des systèmes d’antennes est au cœur de la compétence fédérale en matière de radiocommunication, notamment puisque l’exploitation efficace du réseau cellulaire est grandement affectée par cette décision. Ainsi, elle est d’avis que le Parlement doit avoir le pouvoir de statuer à ce sujet pour remplir adéquatement la compétence qui lui a été assignée. 7 [1905] A.C. 52. Ainsi que d’autres sources, voir: Telus Communications Co. c. Toronto (City) (2007), 84 O.R. (3d) 656 (C.S.J.), par. 30; « Telecommunications and the Constitution : Re-Setting the Bounds of Federal Authority » (2010), 89 R. du B. can. 695, p. 726. 8 Ensuite, la Cour précise que l’avis de réserve foncière entrave cette compétence de manière grave et importante, ne faisant pas qu’uniquement la « toucher ». Les juges réitèrent que, dans les faits, la signification de l’avis de réserve a empêché la construction d’un système d’antennes au 411 Saint-Francis pour une période totale de quatre ans, alors qu’il n’existait aucune solution alternative réalisable dans de brefs délais. En conséquence de cet avis et suivant l’offre de Châteauguay, Rogers n’avait d’autre choix que d’attendre la fin des procédures d’expropriation relatives au 50 Industriel, ou d’attendre l’expiration d’une période d’environ sept mois. Puisque cette situation empêchait Rogers de remplir ses obligations prescrites par sa licence de spectre, l’avis de réserve « entravait le développement ordonné et l’exploitation efficace de la radiocommunication, et empiétait sur le cœur de la compétence fédérale en matière de radiocommunications au Canada». 9 Pour ces motifs, la Cour conclut que l’avis de réserve publié par Châteauguay constituait une atteinte grave et importante au cœur de la compétence fédérale en matière de radiocommunication et qu’il est par conséquent inapplicable à Rogers. (d) Dissidence Le juge Gascon aurait quant à lui accueilli le pourvoi, mais pour des motifs différents. Selon lui, l’avis de réserve est intra vires des pouvoirs de Châteauguay, puisque les circonstances entourant son adoption montrent une visée protectrice quant à la santé et la sécurité des citoyens et non une opposition expresse à l’édification de la tour. Malgré son effet pratique qui empêche la construction d’antennes de radiocommunication, le juge Gascon conclut qu’un tel avis de réserve a pour effet juridique l’exercice par la Ville de sa compétence en matière d’aménagement territorial par le biais de ses pouvoirs d’expropriation. En surplus, il avance que la mesure en question a également pour but principal l’aménagement harmonieux du territoire municipal. Par conséquent, il estime que l’avis de réserve de Châteauguay entre dans le champ de compétence de la municipalité tel que prévu par la Loi constitutionnelle de 1867. Selon le juge Gascon, cette approche souple de la doctrine du caractère véritable promeut la subsidiarité et le fédéralisme 9 Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville de), préc. note 1, par. 71. coopératif. Cependant, elle ne suffit pas à donner raison à Châteauguay, car, en application de la doctrine de l’exclusivité des compétences, l’avis de réserve empiète de façon importante sur le cœur de la compétence fédérale en matière de radiocommunication. En effet, il empêche l’utilisation du lieu déterminé par le ministre en vertu de la Loi sur la radiocommunication 10 et de la circulaire et, de ce fait, le juge Gascon se range du côté de la majorité de la Cour quant à l’issue du pourvoi. Conclusion Pour des motifs en partie différents, la majorité et la dissidence infirment la décision de la Cour d’appel, invalidant l’avis de réserve de Châteauguay et permettant ainsi à Rogers de procéder à l’installation de ses antennes de radiocommunication au 411 SaintFrancis. Ce faisant, la Cour confirme explicitement que le pouvoir ultime de déterminer l’emplacement des antennes fait partie de la compétence fédérale en matière de radiocommunication. Bien que les municipalités puissent faire part de leurs préférences et inquiétudes durant le processus de consultation, elles ne peuvent contrecarrer le processus, sous peine de menacer le développement ordonné et efficace des télécommunications aux pays. Ainsi, les revendications municipales, qu’elles soient d’ordre esthétique, sanitaire, sécuritaire ou autre, ne peuvent faire obstacle au lieu choisi pour l’édification de tours de radiocommunications, une fois les exigences de consultation remplie et l’approbation du ministre donnée. par Stéphanie Hamelin Pour en savoir plus sur le sujet, veuillez communiquer avec la personne suivante : Montréal Stéphanie Hamelin 514.987.5085 [email protected] Mise en garde Le contenu du présent document n'est qu'un aperçu du sujet traité et ne constitue pas un avis juridique. Le lecteur ne devrait pas se fonder uniquement sur ce document pour prendre une décision, mais plutôt obtenir des conseils juridiques particuliers. 10 LRC 1985, c R-2. © McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l./LLP 2016
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