Le Centre de Linguistique Appli- quée de Besançon. - FLE-ASSO

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Le Centre de Linguistique Appli- quée de Besançon. - FLE-ASSO
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Modeste témoin de l’histoire du CLA en tant qu’enseignant, cette chronique à
grands traits, qui tente de tracer les moments importants qui ont ponctué la
vie du centre et ont pu apporter leur contribution à la didactique du FLE en
France, est certainement, au-delà ou en-deçà de toute l’attention consciente
portée à l’objectivité, marquée de la subjectivité d’un regard auquel la distance a pu manquer.
En 1975, le CLA a déjà 17 ans. Au regard d’autres institutions de français
langue étrangère, il fait figure de débutant, mais à l’échelle de son propre projet, il atteint alors un âge affirmé, conscient de ses forces, empli de ses désirs,
riche de ses utopies.
Le centre est très diversifié dans ses orientations. FLE, enseignement et formation, bien sûr. Mais aussi, porté par la vague de la loi de 1971 relative à la
formation continue en France (le 1 % des salaires des entreprises), il investit
fortement dans la formation des migrants avec son équipe de CLAB-ALPHA.
C’est à cette date que l’auteur de ces lignes passant du statut d’étudiant du
département de la faculté des lettres de Besançon à celui d’enseignant au
CLA retrouve ses professeurs, en particulier Jacques Montredon et Georges
Zask, directeur du centre, et découvre ce lieu à la fois inscrit dans l’université
et qui se démarque des habitudes universitaires, se veut différent, non
conforme, autonome pédagogiquement et identitairement.
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Avant d’aborder ce que le CLA peut représenter de spécifique dans l’histoire
contemporaine du français langue étrangère en France, le détour par les langues étrangères est nécessaire. En effet, le CLA ce n’est pas seulement le
FLE, mais aussi les langues vivantes étrangères : allemand, anglais, arabe,
espagnol, chinois, italien, japonais, portugais, russe. Ces deux domaines sont
alors dans une proportion de deux tiers-un tiers, équilibre constant qui semble
évoluer aujourd’hui vers un rapport trois quarts-un quart.
L’allemand, l’anglais et l’espagnol sont les langues les plus fréquentées. On
serait tenté d’en souligner l’évidence si on ne craignait d’énoncer un truisme.
L’arabe, à cette époque, est en plein développement, lié à l’attention que les
pays occidentaux portent aux pays producteurs de pétrole et à l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) qui en 1973 fixa les prix du pétrole,
créant par là une rupture définitive et ouvrant une nouvelle ère économique.
Ce lien entre le développement de l’arabe et de profondes modifications géopolitiques illustre bien l’attitude constante du CLA de considérer
l’enseignement d’une langue étrangère – français ou autre – non comme une
fin en soi, mais comme une activité, un acte, en cohérence avec le marché des
langues. On retrouvera cette attention tout au long du développement du centre.
En 1974, c’est aussi pour l’anglais, le premier contrat avec Air France pour
former à l’anglais aéronautique le Personnel Navigant Technique. Depuis ce
temps-là, une équipe travaille à Paris. Elle forme actuellement les personnels
d’ADP, Aéroports de Paris.
L’originalité et la force des langues vivantes étrangères du CLA tiennent autant dans ses enseignants que dans la pédagogie qu’ils mettent en œuvre. Leur
qualité de native speaker crée un climat d’authenticité linguistique générateur
de confiance. Si pour l’apprenant débutant, un court stage intensif lui permet
essentiellement une découverte de la langue, il est remarquable de constater
comment, en une soixantaine d’heures, des adultes très éloignés de la pratique
mais très motivés par des nécessités professionnelles et surtout marqués de
souvenirs d’apprentissage scolaire, peuvent réactiver leurs connaissances passives, les enrichir, s’ouvrir à l’expression et s’impliquer dans des échanges.
Bien que l’objet de ce propos soit le français langue étrangère ne pas rendre
compte, même succinctement, de la dimension des langues vivantes étrangères aurait été une approche réductrice de la réalité et de l’identité du CLA.
Ainsi, les langues vivantes étrangères, domaine spécifique dans ses
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publics et ses méthodes, participent de la démarche du CLA dans son triple
projet général d’enseignement, de formation et de recherche.
Le milieu de la décennie est pour le CLA le temps du passage d’une conception méthodologique structuro-globale audiovisuelle aux débuts de l’approche
communicative. On utilise alors pour les débutants De Vive Voix (MarieThérèse Moget, Didier, 1972), puis soit Transition (Marie-Thérèse Moget et
al., Didier, 1970) soit Le Français Actuel (Sophie Moirand, Rémy Porquier,
Hatier, 1972) pour les apprenants de niveau intermédiaire, appelé 2e degré.
De Vive Voix et Transition sont des méthodes élaborées par le CREDIF et Le
Français Actuel a été élaboré et expérimenté au CLA en 1967 par Rémy Porquier, Sophie Moirand et Georges Zask. Transition, relativement plus « facile
» que Le Français Actuel, était une suite pédagogique logique de De Vive
Voix dans sa forme audiovisuelle et dans son mode de progression même si
l’ordre des phases quasi canonique du premier manuel n’était plus de rigueur
pour le second. Le Français Actuel était une méthode audio-orale réputée
plus difficile d’accès et réservée à des apprenants plus « solides » :
Cette méthode audio-orale de perfectionnement propose un enseignement pratique du français contemporain, parlé et écrit, à
un niveau avancé. (Livret de présentation, p. 3).
Soucieux de faire une grande place à l’écrit sans non plus négliger l’oral, Le
Français Actuel tente de lier la progression rigoureuse d’un enrichissement
de la maîtrise du code linguistique sur la base de thèmes de la vie contemporaine illustrés par de courts dialogues, de techniques d’exploitation favorisant
la découverte et l’implication de l’apprenant et d’un appareil d’exercices
structuraux de laboratoire très développé, encore parfois utilisé de nos jours
en complément ou en renforcement.
Le passage à l’approche communicative prend la forme d’une rupture, voire
d’un rejet, avec la parution de C’est le printemps. Expérimenté au CLA dès
1975 et publié en 1978, C’est le printemps est réalisé par une équipe du CLA,
Jacques Montredon, Claire Cesco, Denise Dragoje, Gisèle Gschwind-Holtzer,
Christian Lavenne, à laquelle s’est jointe Geneviève Calbris du CREDIF.
Dans l’avant-propos du Guide pédagogique (Jacques Montredon et alii,
1978), le point de vue est clairement exprimé :
C’est le printemps est né d’une critique de contenu des méthodes audiovisuelles et de l’ennui qu’elles suscitaient générale-
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ment : il fallait rompre avec les histoires de famille, les amoureux d’un autre siècle et les étudiants fortunés. (p. 5).
Le ton est vif et sans concession. La condamnation de De Vive Voix est sans
appel. Même si la méthode n’est pas nommée, la référence à Pierre et Mireille, les deux personnages de De Vive Voix, est facilement reconnaissable
dans le reproche qui est fait d’un manque d’ouverture culturelle contemporaine :
Aussi, C’est le printemps n’est-il pas l’histoire d’une famille
petite bourgeoise sans problème ou une idylle entre jeunes gens
timides, mais une suite de situations mettant en scène des personnages divers, des gens de tous âges, des Français et même
des étrangers vivant en France. (p. 5).
Le reproche porte aussi sur la conception de manuels à progression trop linguistique ne favorisant pas l’expression personnelle et ne développant pas
l’autonomisation de l’apprenant. La dimension authentique ou quasi authentique des dialogues est revendiquée ainsi qu’une approche phonétique novatrice et une prise en compte de l’écrit dès le début de l’apprentissage.
Au-delà du rejet et quel qu’ait été le ton employé, il faut reconnaître aux auteurs de C’est le printemps d’avoir su tenir compte de l’évolution de l’époque
– les formes pédagogiques recommandées par le CREDIF devenaient de
moins en moins suivies – et d’avoir su anticiper ce que seraient les nouvelles
orientations de la méthodologie dont un manuel comme Archipel (Janine
Courtillon, Sabine Raillard, 1982) représente l’un des exemples les plus
aboutis.
La dynamique qui a porté C’est le printemps est aussi à l’image du débat
permanent qui mobilise les enseignants du CLA au regard de leur place et de
leur statut dans l’institution universitaire.
A cette époque, le CLA compte environ 70 enseignants permanents et une
vingtaine de personnels administratifs et techniques. L’établissement fait,
dans son fonctionnement, la plus grande place aux enseignants et administratifs. Parallèlement, préalablement bien souvent, aux réunions institutionnelles,
de nombreuses assemblées générales débattent du présent de l’institution, de
sa politique pédagogique, de son fonctionnement, de son devenir. La discussion, par exemple, sur les critères devant être remplis et leur classification
(ancienneté au CLA, dans la profession, diplômes, autres expériences, situation sociale et peut-être privée, etc.) pour enseigner l’été – période classique
de plus grande présence d’étudiants et de professeurs en formation – concerne
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tout un chacun et mobilise tout le monde, y compris les postulants qui assistent aux débats, interviennent, défendent leur point de vue. On se quittait tard
dans la nuit, quand la fumée des cigarettes descendait du plafond de quatre
mètres et devenait perceptible.
Complémentaire à cette dynamique centripète d’analyse et de définition de sa
propre identité se développe un mouvement centrifuge favorisant une petite
diaspora portée par diverses causes : des projets aboutis de recherche pédagogique et d’élaboration de matériel comme En passant le Mungo, méthode
pour le Cameroun, des échanges inter-universitaires comme avec le CELE de
l’UNAM, Université nationale autonome de Mexico, des décisions de
s’investir personnellement à l’étranger dans des structures universitaires. Ainsi, pour des durées plus ou moins longues, des départs se font vers le Cameroun, le Mexique, le Cap Vert, le Bahreïn, l’Australie, le Japon, le Vietnam,
les États-Unis, etc. Tous ou presque sont revenus.
Ainsi, le professeur qui découvre le CLA au milieu de cette décennie rencontre-t-il une communauté dynamique qui, d’une part, s’investit professionnellement et produit du matériel pédagogique et, d’autre part, prend en charge
son existence, discutant son fonctionnement et s’interrogeant sur son avenir,
se préoccupant tant du statut de l’institution que de celui de ses personnels.
Le CLA est alors un département de la faculté des lettres de l’Université de
Besançon (on ne dit pas encore Université de Franche-Comté) avec un comité
de gestion et une commission de recrutement dont les délibérations sont approuvées, ou non, par les instances de la faculté puis de l’université. Un Bureau exécutif, sorte de commission permanente, gère l’institution au quotidien. Les enseignants, à l’exception de trois titulaires, sont des vacataires bénéficiant de contrats à durée indéterminée – ce qui leur sera d’un grand secours dans la tourmente quelques années plus tard – assimilés à des certifiés
pour le traitement.
C’est dans ce contexte que se fait jour l’idée d’un possible statut spécifique
du FLE, prenant en compte tant la spécificité du domaine que celle des formes d’intervention pédagogique et scientifique au sein de l’université : enseignement, formation, recherche. Cela ne se fera pas et il faudra attendre la loi
Le Pors de 1984.
Cette description d’un ciel apparemment sans nuages cache cependant une
fragilité financière devenue structurelle au tournant des années 1980. Fonctionnant en autofinancement, sans dotation de fonctionnement, le CLA assied
son budget sur les seuls droits d’inscription de ses stagiaires. Plus de 90 % de
ce budget est affecté aux traitements des enseignants et des personnels administratifs non titulaires. Chaque fin d’exercice est marquée d’un léger déficit
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qui va grandissant pour atteindre en 1982 un montant avoisinant le quart du
budget total du CLA, soit 2,6 millions de francs environ.
Il s’ensuit une grave crise de fonctionnement, originale par son déroulement
et son aboutissement. Les cours sont assurés quoi qu’il arrive. Le soutien du
président de l’université de l’époque, un mathématicien, est sans faille.
L’appui, par le chemin des organisations syndicales, des enseignants de l’université, est généreux. Les prises de position des élus locaux (ville, département, région) sont nettes et positives.
Certes, les solutions sont cherchées dans la tension et la crainte d’une fermeture, mais aussi dans la consultation et la concertation. Nulle part, on ne souhaite voir disparaître un élément dynamique et rayonnant tant à l’intérieur de
l’université que localement et internationalement. On s’aperçoit aussi très vite
que licencier des enseignants vacataires amènerait l’université à verser des
indemnités dont le montant va bien au-delà de ses capacités. Le CLA et
l’université illustrent la figure de la double contrainte paradoxale : impossibilité de continuer à verser des salaires avec un tel budget et impossibilité de diminuer, en se séparant d’une partie du personnel enseignant et
administratif, le poids budgétaire des traitements. Deux inspecteurs généraux
passeront plusieurs jours sur place et rendront un rapport dont les conclusions
sont sans équivoque : le CLA a développé une politique d’embauche trop optimiste, mais sa gestion est rigoureuse. Le salut de l’institution et de ses personnels passe par des mesures à court et moyen terme. A court terme, c’est
l’interdiction immédiate de toute nouvelle embauche et l’imposition à
l’université de combler immédiatement sur ses fonds de réserve le déficit du
CLA. Cette décision est somme toute logique, les contrats des personnels
étant des contrats signés par l’université. Cependant, cette injonction laissera
longtemps de profondes cicatrices car elle eut pour conséquences de freiner,
voire d’assécher, les budgets d’investissements de nombreux laboratoires.
L’hémorragie est momentanément stoppée, mais le rapport d’inspection insiste sur le fait que seule l’intégration de ses personnels pourra permettre, à
terme, l’équilibre de l’institution.
Cette crise a, au fond des choses, été bénéfique. Elle a permis de mieux cerner les difficultés de gestion d’une institution de ce type tout en réaffirmant
l’ancrage universitaire du CLA. Elle a aussi eu pour effet de le faire mieux
percevoir de la communauté régionale, ce qui aura dans l’avenir des conséquences très porteuses en particulier quand il sera question de la création de
nouveaux locaux pour le CLA. Mais surtout, le vent du boulet a fait prendre
conscience de l’importance, de l’absolue nécessité, d’être plus que jamais à
l’écoute de la demande de formation, en langue comme en pédagogie, et
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d’être très attentif à ses évolutions. C’est, au niveau institutionnel, la centration sur l’apprenant, ses attentes, ses besoins et ses objectifs de formation.
Ces concepts fondateurs de l’approche communicative, qu’il aura fallu quelques années pour transposer au niveau d’une politique pédagogique,
s’actualisent dans une diversification de la conception des programmes
d’enseignement/apprentissage et dans une réponse la plus adaptée possible
aux situations locales d’enseignement.
De fait, l’intégration des vacataires de l’université est en mouvement et, petit
à petit, les enseignants du CLA intègrent la fonction publique sur les statuts
d’adjoint d’enseignement – ceux-ci bénéficieront de celui de certifié quelque
temps plus tard – et de maître de conférences.
Cela apporte graduellement et régulièrement l’oxygène nécessaire. Mais, pour
exister, l’institution ne peut compter sur la dynamique habituelle de
l’inscription universitaire annuelle ni par ailleurs sur les seuls boursiers du
gouvernement français dont le nombre va diminuant inexorablement après la
très riche période des années 1970. Elle doit savoir analyser la demande de
formation internationale et nationale dans le cas des langues vivantes étrangères.
C’est sous l’impulsion de la direction de Marc Souchon puis d’Élisabeth
Lhote que l’équilibre reviendra. Par la coïncidence d’un mouvement croisé,
Élisabeth Lhote choisira de s’attacher définitivement au CLA – après son
mandat de directeur, elle restera professeur au centre – et Marc Souchon,
après un détour par un poste à l’étranger, intégrera le département de FLE de
la faculté.
Quatre grands chantiers sont mis en œuvre.
D’abord, sur le plan de l’enseignement, le CLA bénéficie d’une grande opportunité dans la formation linguistique de jeunes étudiants libanais auxquels
la Fondation Hariri, du nom du mécène qui sera plus tard ministre du Liban,
en les dotant de bourses d’études en France permet d’échapper à la guerre qui
ravage leur pays. Ce n’est pas là seulement un contrat de formation important,
c’est aussi apprendre à travailler avec d’autres publics aux motivations et aux
profils spécifiques si l’on peut ainsi réduire le désarroi matériel et psychologique qui marquait ces jeunes gens. L’action fut coordonnée par un enseignant que l’on retrouvera plus tard au poste de directeur pédagogique, Régis
Cristin.
De son côté, Élisabeth Lhote, dans l’esprit d’une diversification des formations, mettra en place un diplôme de traducteur sur deux ans, formation qui, si
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elle a aujourd’hui disparu, n’en a pas moins été là aussi un facteur de motivation et d’implication pédagogiques.
Par ailleurs, deux des axes de la recherche pédagogique se développent fortement. Thierry Lebeaupin élabore un manuel à destination d’étudiants scientifiques vietnamiens débutants : Sciences et communication (T. Lebeaupin, T.
Nguyen Huu, Q. Van Tong, P. Van Pham Van, collab. M.-H. Bouveret,
ACCT, 1987). Parallèlement se met en place un groupe de travail sur le français sur objectifs spécifiques. On ne dit pas encore à l’époque FOS, mais FLS
pour français langue scientifique. Dans l’esprit d’une recherche action, le matériel Français, langue scientifique (C. Le Ninan, P.-H. Schmitt, M. Doreau,
CLA, 1984) élaboré au CLA était en même temps expérimenté auprès de
boursiers scientifiques en pré-stage linguistique. Le CLA a toujours favorisé
la recherche pédagogique – on dit aussi recherche finalisée – en dégageant à
l’époque l’équivalent de quatre plein-temps d’enseignement. Aujourd’hui,
cette activité représente moins d’investissement de l’institution et est construite avec des partenariats extérieurs. Par l’importance que le milieu de
l’édition accorde aux travaux engagés au centre, cela témoigne d’une certaine
maturité de la réflexion didactique et des outils qu’elle engendre. Le centre
s’est d’ailleurs doté d’un responsable de la recherche et du développement
aujourd’hui confié à Claude Le Ninan. Le groupe de FOS s’est étoffé au fil
du temps et a élargi son champ d’investigation tant en enseignement de la
langue qu’en formation pédagogique et qu’en publication. Il couvre les domaines des sciences (physique, chimie, géologie), de l’économie (français
économique et des affaires), de l’hôtellerie et du tourisme. On citera comme
exemple de production Le Français des affaires par la vidéo (G. Augé et C.
Le Ninan, Didier-Hatier, 1993).
Enfin, le CLA a apporté une attention particulière à la formation continue des
professeurs, que ce soit en stage long annuel, en stage court de trois semaines
pendant l’année ou en stage d’été. Cette triple dimension, qui s’est affirmée
année après année, a nécessité une analyse très fine et des réponses appropriées à la diversité des cas de figure. Cette démarche a fait du CLA l’un des
grands pôles de la formation de professeurs en France. Par un effet induit,
l’institution est très fortement sollicitée pour animer des stages de formation
dans les postes à l’étranger et pour analyser et conduire des expertises des
systèmes de formation dans de nombreux pays. En 1996, plus de 50 missions
de formation et d’audit ont été conduites par des enseignants du CLA à
l’étranger. La formation d’été de professeurs, coordonnée depuis plus de 13
ans par Christian Lavenne, a touché cette même année 700
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enseignants qui sont venus sur une durée d’un mois améliorer leurs connaissances et leur pratique pédagogique. Les stages courts, sous la responsabilité
de Philippe Hoibian, sont des formation à la carte, construites à partir
d’analyses de besoins pour un public d’enseignants spécifiques et pour un
projet de formation précis. La formation à l’année, organisée en formation
initiale et continue, a su évoluer et faire face à la diminution progressive des
bourses de longue durée. Elle reste l’une des rares formations de ce type en
France.
Depuis quelques années, le centre a développé la formation de formateurs et
l’ingénierie pédagogique sous l’impulsion de Régis Cristin. Les savoir-faire
des enseignants du CLA sont transférés auprès d’animateurs et de conseillers
pédagogiques, de responsables éducatifs, d’inspecteurs, de professeurs chargés d’animation.
Cette dimension de la formation et cette implication dans la recherche sont,
avec l’enseignement, constitutifs des trois missions du CLA qui permettent un
va-et-vient constant entre la réflexion et l’action pédagogiques.
C’est dans un climat de confiance retrouvée qu’Évelyne Bérard est élue directeur en 1987 et qu’elle engage trois actions fondamentales qui installeront solidement le centre et en feront un acteur important du champ de la didactique
et de l’enseignement des langues étrangères.
D’abord, face à un vieillissement et à une inadaptation des formes
d’organisation du centre, elle engage un audit chargé d’analyser le fonctionnement, la chaîne de décision et d’action de l’institution. Une longue concertation s’instaure, où l’on retrouve l’effervescence des réunions et quelque
chose de l’atmosphère des assemblées générales, et permet de faire émerger
une structure plus efficace. La direction assurée par une équipe de direction –
un directeur, un directeur pédagogique et un responsable de la recherche et du
développement – et un service de communication gèrent le centre. Des coordinateurs, responsables de leurs programmes de formation et de leur équipe
pédagogique, équilibrent les attentes et les intérêts des enseignants, des apprenants et de l’institution. Les services – scolarités, services techniques, accueil, logement, activités culturelles, etc. – sont plus clairement identifiés et
leurs tâches mieux définies.
Surtout, Évelyne Bérard entreprend auprès du Conseil régional de FrancheComté des démarches pour l’installation du CLA dans des locaux adaptés à sa
dimension. Cela fait trop longtemps que les bâtiments du centre, vieux, mal
adaptés et dispersés, sont en contradiction flagrante avec l’image que l’on
veut donner du professionnalisme et de la dynamique de nos activités.
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Le Conseil régional est depuis longtemps ouvert à nos préoccupations et à
l’occasion du transfert aux régions de la possibilité d’intervenir dans la construction de bâtiments universitaires, elle souhaite s’engager dans une réalisation prestigieuse. La ville de Besançon, qui a toujours été très proche du
CLA, et le Conseil général du Doubs contribuent au projet. L’État apporte
également sa pierre. En 1992, le CLA s’installe dans un bâtiment moderne, au
centre ville, remarquable par son architecture et son équipement informatique. On est tous malgré tout assez nostalgiques de quitter un lieu où chacun a
fait ses premières classes, mais on sait bien que l’avenir nous pousse en avant.
Depuis, on a commencé à « habiter » les lieux. Enfin, grâce à ces nouveaux
locaux, le directeur peut mettre en place une médiathèque, on dit maintenant
un centre de ressources, avec 12 000 titres et des espaces multimédias et
d’auto-apprentissage.
En 1993, Évelyne Bérard termine son mandat dans un CLA qui se sent plus
sûr de lui. Georges Zask, de retour d’un long séjour à l’étranger, lui succède
et entreprend lui aussi un autre chantier. L’ouverture vers le Conseil régional
avait permis de tisser des liens nouveaux et importants. Mais il fallait aussi
promouvoir des potentialités qui se dessinaient depuis quelque temps avec la
présence au centre de plus en plus de maîtres de conférences habilités à diriger des recherches et d’un professeur, Élisabeth Lhote. Cette dernière a créé
au CLA une équipe d’accueil de doctorants pendant que Georges Zask s’est
attaché à faciliter le travail des équipes de chercheurs et à leur permettre de
structurer des formations universitaires. Actuellement, le CLA assure la maîtrise de FLE qui a l’originalité de se dérouler sur deux étés successifs. Elle est
d’un grand intérêt pour ceux qui, travaillant à l’étranger, ne peuvent résider
que peu de temps en France. Des DEA sont assurés et des doctorats sont soutenus. En 1998, un DESS sera mis en place.
Ce renforcement des liens avec l’université était le chaînon manquant qui
permet maintenant d’assurer des formations de toute nature et sur une longue
durée : formation linguistique générale depuis le niveau débutant jusqu’aux
niveaux de compétences de communication les plus avancés, formation linguistique sur objectifs spécifiques dans une grande diversité de domaines,
formation pédagogique continue et initiale, à l’attention de professeurs étrangers et dans le cadre de la filière FLE, formation de formateurs, ingénierie
pédagogique.
Les grandes orientations actuelles d’enseignement et de recherche du centre
concernent les domaines également développés ailleurs en France :
l’ingénierie pédagogique, le FOS, l’enseignement précoce et les nouvelles
technologies. La méthodologie générale et fondatrice est toujours présente.
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On ne peut résister au plaisir d’indiquer la parution de la toute nouvelle méthode de FLE intégrant les réflexions les plus actuelles de la recherche didactique : Tempo (Didier-Hatier, 1996), réalisé par Évelyne Bérard, Yves Canier
et Christian Lavenne.
Cependant, rien n’est jamais complètement acquis, tout est toujours fragile.
C’est par une constante attention et adaptation à un ensemble complexe de
paramètres que se définit la politique pédagogique du centre : la mobilité du
marché des langues, l’évolution des tendances de la formation de professeurs,
les orientations de la politique linguistique ministérielle, la prise en compte
des nouvelles technologies, les champs et leurs évolutions de la recherche en
didactique, les attentes professionnelles légitimes des enseignants sont autant
de facteurs modélisant les formes d’intervention du CLA conduites par ses 70
enseignants et ses 30 personnels administratifs.
A la relecture, ce propos consacré au FLE accueille peu les langues vivantes
étrangères du CLA. Il serait injuste de ne pas au moins indiquer que les langues vivantes étrangères ont aussi développé à leur façon et dans un contexte
économique très difficile des outils pédagogiques efficaces avec la même attention et la même énergie qu’en FLE.
Également, le ton de ce propos est marqué d’un optimisme affirmé. On a certainement gommé de la mémoire les aspérités que des années de travail ensemble n’ont pas manqué de produire. C’est aussi parce que l’on est conscient
que ce métier d’enseignant-formateur de FLE est un métier privilégié, ouvert
sur les cultures du monde, où plus qu’enseigner il s’agit de mettre en relation,
où on reçoit et apprend des autres. Un journaliste qui apprenait l’anglais
avant de partir travailler au Rwanda s’exclamait un jour en sortant de
l’ascenseur bondé : « Ici, tu prends l’ascenseur et tu fais le tour du monde ».
Au même titre que quelques autres centres en France, le CLA joue un rôle
très important depuis plus de trente ans dans la diffusion du français,
l’accompagnement de la politique du ministère des Affaires étrangères en faveur de la formation continue des enseignants.
Non négligeable aussi est le rôle d’accueil en France de milliers d’étudiants.
Par sa politique d’ouverture sur la cité, l’insertion dans le tissu social de Besançon et des petites villes des environs, le CLA ne reçoit pas de simples visiteurs de passage. Ses étudiants sont des ambassadeurs de leur pays, de leur
langue et de leur culture que l’on accueille et que l’on écoute.
Finalement, la raison d’être de cette institution est l’échange, enrichissant
pour tous.