Auchan-Système U

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BUSINESS nACTUALITÉS
Auchan-Système U
Quelles conséquences sur le marché ?
Les accords de coopération à l’achat se suivent et se ressemblent, sur le marché de la distribution
alimentaire. Mais ces rapprochements, à l’image d’Auchan et Système U, le dernier en date,
soulèvent des problèmes de concurrence et créent des tensions sur le marché. PAR CÉCILE BUFFARD
La moutarde lui est montée au
nez. Michel-Edouard Leclerc n’a pas fran-
chement apprécié l’annonce d’un accord
de franchise entre son meilleur ennemi,
Serge Papin, PDG de Système U et le
groupe Auchan, derrière lequel il voit déjà,
se dessiner une fusion entre les centrales
d’achat des deux groupes : “j’avais envisagé la possibilité que cette alliance à l’achat
soit une première étape dans la construction d’une organisation… plus fusionnelle !
Eh bien, il semblerait que j’avais raison”,
écrit le patron des Centres E. Leclerc sur
son blog. Quelques passes d’armes plus
tard (et une réponse bien sentie de Serge
Papin à MEL), la rumeur a été confirmée.
Le 13 février dernier, Auchan et Système U
se déclaraient officiellement “être entrés
en négociations exclusives en vue d’approfondir leur partenariat”. En substance, les
distributeurs souhaitent unir leurs forces
en matière d’achat et établir des synergies
dans les domaines du développement, de
l’organisation des réseaux et des fonctions
commerciales et organisationnelles. Avec,
pour ambition, de devenir un acteur majeur du marché de la GMS, doté d’un maillage géographique dense.
ÉCHANGE D’ENSEIGNES
Outre le rapprochement de leurs centrales
d’achat, Auchan et Système U prévoient
d’échanger leurs enseignes, afin de profiter des formats les plus rentables. Ainsi,
les Hyper U deviendraient Auchan et les
Simply Market, Système U. “Ils veulent capitaliser sur ce qui fonctionne le mieux chez
chacun. Auchan a la réputation d’avoir les
hypermarchés les plus rentables, Système
U, de bien gérer le format supermarché. Cet
accord d’enseignes fait donc sens du point
de vue commercial”, explique Grégoire
Toulouse, avocat spécialiste du droit de la
distribution, associé chez Taylor Wessing.
En rachetant les Hyper U, Auchan
comptabiliserait environ 200 hypermarchés sur le territoire français. De quoi
inquiéter Leclerc et Intermarché… Mais,
également, l’Autorité de la Concurrence.
Celle-ci a été saisie par le gouvernement
pour donner un avis, début mars, sur la
création de cette centrale d’achat commune. Signe que la situation n’est pas
sans conséquence sur le marché français.
“Il faut comprendre la situation concurrentielle sur le marché de la grande distribution.
Un marché amont (national) oligopolistique
où le niveau de concentration n’est pas forcément préoccupant aujourd’hui mais pourrait
le devenir avec les rapprochements en cours.
Et des marchés avals (locaux) où la concentration peut être plus forte et est déjà problématique” décrit l’avocat. Selon l’Autorité
de la concurrence, pour les hypermarchés,
dans 43 % des cas, l’indice de HerfindahlHirschman (IHH) qui mesure la concentration des acteurs est supérieur à 2 200,
signalant une situation de concurrence
problématique sur le marché local.
TENSIONS SUR LE MARCHÉ
L’alliance Auchan-Système U risque de
ne pas arranger les choses. Car si la structure capitalistique des groupes – familial
du côté d’Auchan et coopérative du côté
de Système U – éloigne tout risque de
fusion, (n’en déplaise à Michel-Edouard
Leclerc), la mise en place d’une centrale
d’achat commune va tendre un peu plus
la situation des industriels les plus fragiles.
Les deux groupes ont pris d’ailleurs soin
de rassurer leurs fournisseurs, en soulignant, dans un communiqué commun,
que les produits vendus par les producteurs et PME sur les rayons fruits et légumes, fromage, charcuterie, boucherie,
poissonnerie et boulangerie-pâtisserie,
ainsi que les produits locaux, resteraient
exclus de ce projet. Il n’empêche qu’à la
vitesse où les accords de coopérations à
l’achat se nouent (Casino et Intermarché,
en octobre 2014, Carrefour et Cora en décembre), les industriels voient le marché
se concentrer de plus en plus et diminuer
d’autant leur marge de manœuvre, dans
le cadre des négociations commerciales.
“Ces rapprochements entre distributeurs
vont accroître la pression sur les prix, ce qui
est favorable aux consommateurs… mais
pas aux fournisseurs, surtout les plus petits”,
souligne Grégoire Toulouse, pour qui, en
outre, les constantes évolutions et modifications de la législation, à raison d’un
changement par an, sont révélatrices du
problème que suscite le marché de la distribution en France. “La puissance à l’achat
de ces centrales est un problème que le législateur essaie de rectifier depuis plus de 20
ans ! À l’échelle internationale, nous avons
certes des fleurons, mais sur le territoire
national, cela crée des tensions”, poursuit
l’avocat. En accordant davantage de pouvoirs à l’Autorité de la concurrence, le projet de loi Macron a pour ambition de rétablir un niveau de concurrence acceptable,
sur le plan local. Auchan et Système U vont
devoir présenter un dossier juridiquement
solide à Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence. Nul doute que celui-ci ne se privera pas d’éplucher ce nouvel
accord pour en détecter toutes les failles et
les entorses à la concurrence. Les dés sont
jetés.n
N°1171 - 23 février 2015 - www.pointsdevente.fr