Résumés des interventions - Archives départementales du Val

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Résumés des interventions - Archives départementales du Val
Résumés des interventions
La naissance des offices publics d'HBM en région parisienne.
Au cours du développement industriel et urbain de la fin du 19e siècle, les classes populaires
ont eu de plus en plus de difficultés à se loger. Dans la région parisienne, chassés par la cherté
des loyers de la capitale intra muros, elles se sont massivement installées en banlieue, rendant
toujours plus aiguë la question du logement. C’est à cette époque, que les pouvoirs publics
commencèrent à se préoccuper de l’habitation des catégories les moins riches de la
population. En 1894, sous la Troisième République, le vote de la loi Siegfried a signé l’acte
de naissance du logement social. En créant les Sociétés d’habitations à bon marché (HBM)
auxquelles étaient accordées des facilités fiscales et financières, les parlementaires donnaient
à des investisseurs privés les conditions et les possibilités de construire des logements pour les
classes populaires, peu onéreux mais de qualité. À condition d’être salariés, les moins pauvres
des classes populaires pouvaient désormais espérer recevoir un logement dit « social », au lieu
de n’avoir accès qu’à des taudis dans des immeubles insalubres, correspondant à leurs faibles
revenus. La loi Siegfried fut plusieurs fois renforcée, notamment par la loi Bonnevay du 23
décembre 1912 qui créait les offices publics d’Habitations à bon marché dans les
départements et les communes. C’est ainsi qu’en 1915, au moment où tant de jeunes hommes
étaient mobilisés pour la défense de la patrie, laissant leurs familles se débattre avec la gestion
du loyer, fut créé l’Office départemental des habitations à bon marché de la Seine qui permit
la construction de 18 000 logements jusqu’en 1939. Renforçant une tendance entamée depuis
la fin du 19e siècle, la banlieue nord-est de la capitale fut dès lors le laboratoire de ce type
d’habitations.
Danièle Voldman,
Directrice de recherche au CNRS (Université Paris I Panthéon Sorbonne, CHS)
La construction des grands ensembles au tournant des années 1950 en région parisienne.
Après avoir abordé la définition et les contours de la région parisienne pour les différents
acteurs de la politique du logement après la seconde guerre mondiale, les limites
chronologiques de l'intervention seront explicitées. Si la période majeure de la construction
des grands ensembles en France se situe après 1958, cette politique s'élabore peu à peu à
partir de la fin des années 1940. Il s'agit donc de traiter des grands ensembles construits dans
la région parisienne entre 1945 et 1965, année où les ZUP (Zones à Urbaniser en Priorité)
furent remplacées par les ZAC (Zones d'Aménagement Concerté). A travers l'étude de la
construction de ces grands ensembles, la question est de savoir s'il a existé une politique du
logement spécifique à la région parisienne au cours de cette période. Dans un premier temps
sera présentée brièvement la situation du logement en région parisienne dans l'après-guerre :
crise quantitative et qualitative du logement, croissance démographique, acteurs publics et
privés et de la politique du logement, graviérisme de la politique nationale de construction.
Un tournant s'opère à partir de 1953-1954. Alors que la demande de logements se renforce,
les pouvoirs publics prennent des dispositions spécifiques pour la région parisienne. De
nouvelles structures sont créées, un plan d'aménagement régional commence à se dessiner et
de grands programmes de construction sont lancés, débouchant sur une première génération
de grands ensembles en région parisienne. Ces expériences sont utilisées pour concevoir une
politique nationale de grands ensembles : les ZUP, décidées en 1958. Tout en offrant un cadre
national à la construction des grands ensembles, les ZUP sont également conçues comme un
outil adapté aux problématiques spécifiques des grandes agglomérations urbaines, à
commencer par la région parisienne. De ce fait la politique des ZUP résume l'attitude des
pouvoirs publics vis-à-vis de la région capitale : prendre en compte ses particularités pour
résoudre ses problèmes tout en essayant de normaliser un territoire atypique".
Gwenaëlle Legoullon,
Docteur en histoire contemporaine (Université Paris I Panthéon Sorbonne, CHS)
Loger le peuple en « banlieue rouge » : le cas ivryen entre radicalité, exemplarité et
compromis (1920-1960).
Depuis 1925, Ivry-sur-Seine fait figure de bastion communiste. Son premier maire, Georges
Marrane, s’est imposé comme l’une des figures tutélaires du « communisme municipal ». Son
action publique se traduit par un volontarisme en matière de construction de logements
collectifs et salubres destinés aux classes populaires. Soutenu par l’un de ses adjoints, Venise
Gosnat, investi dans la promotion et la réalisation de grands programmes immobiliers en
banlieue parisienne, le maire d’Ivry s’engage au sein de son parti et du mouvement HLM dans
la défense du logement social. En 1965, lorsque les deux élus ivryens cèdent leurs
responsabilités à une nouvelle génération d’édiles, l’un et l’autre affichent avec fierté leur
bilan. Leur office municipal a construit 3 600 logements et la coopérative d’HLM, présidée
par le maire d’Ivry, plus de 770. 30 % de la population vit déjà dans un logement relevant du
parc public communal, un chiffre qui ne cessera de progresser au cours des décennies
suivantes.
Emmanuel Bellanger,
Chargé de recherche au CNRS (Université Paris I Panthéon Sorbonne, CHS)
De la réhabilitation du logement social à la politique de la ville. Enjeux et temporalités.
L’histoire de la Politique de la ville ne peut se résumer aux programmes de mesures
engagés par l’État au début des années 1980 afin d’engager la réhabilitation de quartiers
d’habitat social en difficultés. La politique de développement social des quartiers entreprise à
partir de 1982 sous l’impulsion d’Hubert Dubedout, député-maire de Grenoble, à la tête de la
commission nationale éponyme constitue bien la première grande période de cette politique
publique. Toutefois, il est nécessaire de la resituer dans une approche chronologique plus
large qui est marquée par le début de la transition post-fordiste qui s’applique également aux
problématiques urbaines. De même, il convient d’élargir les horizons thématiques concernant
l’évolution de la Politique de la ville au cours des années 1970-1990.
Parmi les principaux enjeux liés à l’histoire de la politique de la ville, il convient de
s’interroger en tout premier lieu sur la manière dont l’État appréhende l’affirmation des
phénomènes de ségrégation urbaine observés depuis le tout début des années 1970. De ce
point de vue, il est nécessaire de placer la focale autour de la question du logement des
immigrés au sein des HLM. En second lieu, il convient de replacer plus largement la question
de la Politique de la ville dans la mobilisation de l’État dans la lutte contre les inégalités
sociales qui se développent au fur et à mesure de l’implantation de la crise en France. Pour
cela, il faut s’interroger sur le croisement chronologique existant entre la création du RMI en
1988 et la redéfinition générale de la Politique de la ville par le gouvernement de Michel
Rocard. Celle-ci aboutit également à une remise en cause des procédures d’intervention de
l’État au niveau de l’échelon local.
Ce qui amène à la question du découpage chronologique de la Politique de la ville telle
qu’elle a fonctionnée au cours des trois dernières décennies. On peut ainsi définir deux
grandes périodes :
- « Humaniser le béton » : La période qui couvre les années 1970 et 1980 qui est
surtout marqué par un keynésianisme spatial consistant à opérer des rattrapages au sein des
quartiers inachevés des Trente Glorieuses.
- « Eradiquer le béton » : La période 1988-2003 qui entend s’en prendre désormais à la
forme même des ZUP et des grands ensembles en opérant la démolition d’une partie du parc
social des HLM. Cette période culmine avec le vote de la Loi Borloo en août 2003.
Thibault Tellier,
Maitre de conférence en histoire contemporaine (Université Lille III, IRHIS)
Le Val-de-Marne et la naissance de la politique de la ville : échelles, acteurs et outils
d’une nouvelle politique en faveur des grands ensembles dans les années 80.
La dégradation rapide des grands ensembles construits dans les années 50-60, a
conduit à la mise en place progressive de nouvelles politiques publiques en faveur des
quartiers d’habitat social. Amorcée par la procédure Habitat et vie sociale en 1977, la
politique de la ville prend un essor considérable au début des années 80 avec la mise en place
du dispositif national de développement social des quartiers (DSQ), élargissement du concept
« ilots sensibles » initié par la région Ile-de-France en 1981. Inscrit dans une démarche à la
fois contractuelle, interministérielle, territorialisée, transversale, partenariale et participative,
ce nouveau dispositif qui vise à lutter contre les ségrégations urbaines et sociales des grands
ensembles, regroupe un certaine nombre d’actions touchant aussi bien les domaines de la
réhabilitation du bâti, que de la justice, du social, du culturel, et de l’économique. La
naissance de cette politique publique dans le Val-de-Marne, territoire sur lequel s’est érigé à
la sortie de la seconde guerre mondiale un certain nombre de grand ensemble, dont trois ZUP
– à Vitry-sur-Seine, Fontenay-sous-Bois et Créteil –, conduit à s’interroger sur la mise en
application au niveau local de ces nouveaux dispositifs inscrit sous le vocable de la politique
de la ville et sur le rôle joué par l’échelon départemental dans la détermination de ces
quartiers prioritaires et dans le financement des actions. Avec cinq opérations faisant l’objet
de la procédure « Ilots sensibles » en 1982 – premières générations des contrats de DSQ –,
dont une retenue au niveau nationale par la commission Dubedout sur le Grand ensemble
dit « d’Orly-Choisy », le Val-de-Marne entre de plein pied dans la politique de la ville.
Le développement progressif d’une politique départementale de l’habitat sur son
territoire, en parallèle à la mise en place de ces nouvelles procédures, marque de plus une
forme d’intervention originale de la part du département bien qu’il n’ait aucune compétence
obligatoire dans ce domaine. En définissant en 1980 une politique en faveur de l’aide à la
construction, en aidant depuis 1984 l’office public d’aménagement et de construction du Valde-Marne (OPAC) dans sa politique de réhabilitation du patrimoine dévolus par l’ancien
office interdépartemental de la région parisienne, puis en 1987 en développant une politique
d’aide à la réhabilitation à hauteur de 60% du coût des travaux et sans augmentation de la
quittance des loyers, le Conseil général du Val-de-Marne tente d’imposer une autre politique
de l’habitat que celle menée au niveau nationale.
L’intervention cherchera donc à mettre en avant, à travers des exemples locaux, les
particularités des premières opérations de développement social des quartiers dans le Val-deMarne, territoire du communisme municipal et départemental, parallèlement à la mise en
place d’une politique départementale de l’habitat. On insistera davantage sur les équipements
d’accompagnements prévus dans ces opérations, en raison du rôle financier joué par l’échelon
départemental et régional.
Julia Moro,
Doctorante en histoire contemporaine (Université Paris Est Créteil, CRHEC)
La démolition d’un grand ensemble en copropriété : un nouveau regard sur la
rénovation urbaine ?
Lorsque les émeutes de 2005 ont éclaté à Clichy-sous-Bois, le grand ensemble
intercommunal de Clichy-Montfermeil a été érigé en archétype du problème des cités HLM
de banlieue. Or, les tours et les barres qui marquent le paysage de ces deux communes de
Seine-Saint-Denis ne sont pas constituées de logements locatifs sociaux. Il s’agit pour
l’essentiel de copropriétés privées, qui manifestent des signes de délabrement, de
délaissement et de paupérisation plus impressionnants encore que les quartiers HLM les plus
disqualifiés.
Aujourd’hui, ces deux villes bénéficient du Projet de Rénovation Urbaine le plus coûteux à
l’échelle nationale avec un budget estimé à plus de 500 millions d’euros. Mais alors
qu’ailleurs le Programme National de Rénovation Urbaine se propose de diversifier les
quartiers HLM en construisant, à la place des logements démolis, des logements en accession
à la propriété et en locatif privé dans un objectif de mixité sociale, à Clichy-Montfermeil à
l’inverse, les logements détruits sont essentiellement des logements privés en copropriété et
ils seront tous remplacés par des logements locatifs HLM. Paradoxalement, dans ce grand
ensemble de copropriétés privées, ce sont les logements locatifs HLM qui sont envisagés
comme le moyen d’améliorer les conditions d’habitat et d’attirer une population plus aisée.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la démolition est expérimentée sur se site. La
copropriété des Bosquets a fait partie des démolitions pionnières, dès la fin des années 1980,
dans le cadre des dispositifs de la politique de la Ville.
Cet exemple à la fois emblématique et atypique interroge la politique de rénovation
urbaine et la de démolition des grands ensembles.
L’exploration de l’histoire de la copropriété des Bosquets et de l’urbanisation de ClichyMontfermeil offre des pistes de lecture originales du problème des grands ensembles. Elle
montre que les problèmes de cet ensemble immobilier ne sont pas dû, en premier lieu, aux
caractéristiques du bâti ou de l’environnement mais à des difficultés de gestion internes à la
copropriété, propres à ce système juridique et liées aux financements publics qui sont à
l’origine de sa construction, à l’éclatement d’une bulle spéculative au moment de sa livraison
et à des « malfaçons juridiques ». En privilégiant depuis 1981 les interventions sur la forme
architecturale et la diversification du peuplement, l’action publique a aggravé ces
déséquilibres de gestion et les démolitions ont constitué un nouveau facteur de fragilisation
des trajectoires des ménages. Alors que les politiques actuelles proposent de répondre aux
problèmes des quartiers HLM en difficulté par la démolition et la reconstruction de logements
en accession à la propriété, l’exemple de la copropriété des Bosquets montre que la propriété
n’est pas toujours un vecteur de mixité et qu’elle est parfois loin de constituer un gage de
sécurité et la manifestation d’une ascension sociale.
Sylvaine Le Garrec,
Sociologue-urbaniste (association des Responsables de copropriétés)