Amitiés dominicaines

Transcription

Amitiés dominicaines
Amitiés
dom inic a ine s
Choisir
la pauvreté ?
Lettre de la province de France
56
Rentrée 2012
SOMMA I R E
L’ É DITO rial
D o ss i e r : Choisir la pauvreté ?
N’avoir à offrir que sa vie même.
Comme si la pauvreté, la vraie, avec son odeur de
mort, pouvait être un bien en soi. Comme si nous pouvions, nous religieux, prétendre à la
moindre pauvreté alors qu’aucun de nous, toutes congrégations et ordres confondus, ne
connaît l’angoisse d’un lendemain sans travail ou sans pain.
par le frère Jean Delarra, o.p.
Quelques évolutions.
par le frère François Nielly, o.p.
Pauvre de quoi ?
par le frère Jean-François Bizot, o.p.
La pauvreté «choisie» dans un contexte de précarité.
par le frère Alain-Francis Ngombe, o.p.
Qui a besoin des pauvres ?
par le frère Jean-François Bour, o.p.
Heureux les pauvres.
par le frère Philippe Jeannin, o.p.
M é ditation
Pauvre de moi...
par le frère Jean-Luc-Marie Foerster, o.p.
Ac tualités de l a pr ov i nc e :
La Paroisse du Saint-Nom-de-jésus : nova et vetera.
par le frère Jean-Etienne Long, o.p.
La voix des psaumes.
par le frère Pascal David, o.p.
Faire vœu de pauvreté, quelle folie !
Pendant que Dominique étudiait à Palencia, une famine
éclata en Espagne. De nombreux pauvres viennent se
réfugier dans les villes. Dominique est touché par cette
misère des hommes. Il va
vendre et donner tout ce qu’il
a pour les aider…Il vend
même son trésor : ses manuscrits car, dit-il « je ne pouvais
plus continuer à étudier sur
des peaux mortes alors que
des gens vivants risquent de
mourir de faim. »
Vous êtes des vrais ?
par le frère Marc-Antoine Bêchétoille, o.p.
No uvelles des fr è r e s é tudi a nts :
Cure de jouvence avec les frères aînés de la province
par les frères Jacques-Benoît Rauscher et Jean-Baptiste Régis, o.p.
Et pourtant ce vœu a du sens. Dans un monde où la course à l’avoir et à l’argent nourrit
l’injustice et la violence, il est bon que depuis 2000 ans, un petit signe soit posé par des
hommes et des femmes qui, au nom du Christ, renoncent à participer à cette course sans
fin à la possession.
Ce vœu nous fait à tout instant risquer le contre-témoignage tant nous sommes observés
et attendus, individuellement et collectivement, dans notre rapport aux biens. Aussi est-il
nécessaire de faire régulièrement le point avec vigilance sur notre rapport au vœu de
pauvreté.
Trois questions peuvent nous y aider :
- Suis-je en contact concrètement avec une forme ou une autre de pauvreté, subie et non
pas choisie, à laquelle je me sens lié au point d’en être personnellement affecté ?
- M’arrive-t-il d’éprouver un manque, de nourrir un désir un peu tenace que je ne peux
assouvir faute de disposer des moyens nécessaires ?
- La mise en commun de mes biens est-elle suffisamment réelle au point de me sentir
dépendant de mes frères ? Ou bien, toute forme extérieure de la vie religieuse étant sauve
par ailleurs, mon indépendance matérielle est-elle pour l’essentiel préservée ?
Bien peu d’entre nous sans doute sont en mesure de répondre positivement à chacune de
ces trois questions, en tous les cas pas moi...
Mais les vœux servent aussi à mesurer les écarts entre ce que nous avons promis et ce
que nous vivons. Pour continuer à avancer.
E n direct des fr a te r ni té s :
Université d’été dominicaine
par Michel Alibert
«Amitiés dominicaines», nouvelle série, n° 56
ISSN 1637-3847 - Dépôt légal : III-12
Prix indicatif de ce numéro : 5 €
Directeur de la publication : Province dominicaine de France
Rédacteurs en chef : frs Marc-Antoine Bêchétoille et Jocelyn Dorvault, o.p.
© Province dominicaine de France
Imprimé en France par : MG Imprimerie (04 90 670 670)
Collaboration impression : Atelier du monastère Sainte-Catherine, 2 rue du Pont, 43300 Langeac
Al b um photo or di na ti ons
L e carnet
Fr. Jean-Paul Vesco, o.p.
prieur provincial de la province de France
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DOSSIER :
Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait.
(Sermon sur la montagne, évangile selon Matthieu Ch5, v48)
Choisir la pauvreté ?
Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes,
donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les
cieux. Puis viens, suis-moi ! (Dialogue avec le jeune
homme riche, évangile selon St Matthieu Ch19, v21)
Ne plus rien posséder est devenu vœu de religion,
la pauvreté. Radical, le propos de Jésus suscite peu
de disciples et n’entraîne guère d’enthousiasme. Les
biens vendus passent en d’autres mains !... Alors, implicitement, il y aura toujours des riches : les acquéreurs de biens ! Inversement, lorsque Marie eut versé
un parfum coûteux sur les pieds de Jésus, il adresse
aux disciples l’une de ses plus terribles paroles : Les
pauvres, vous les aurez toujours avec vous. (évangile
selon St Jean Ch12, v8)
Cette voie de perfection serait-elle impossible ? Être
parfait comme le Père est parfait serait donc impossible ? Comment l’infini de la perfection divine pourrait
il devenir notre propre infini ?
Grégoire de Nysse (v. 335 - v. 394), Père de l’Eglise
grecque, fut interrogé à ce sujet par un jeune homme.
Sa réponse devint un livre : La Vie de Moïse. En voici
juste une citation, sa densité peut nourrir une vie entière, laïque ou religieuse : Qui sait si la disposition
qui consiste à tendre toujours à un plus grand bien
n’est pas la perfection de la nature humaine ?
Pour nous, pour vous, il ne s’agit pas d’arriver, au
terme de la vie, à une réalisation parfaite, bilan de
clôture d’un exercice, mais de mettre chacun de nos
pas, l’un après l’autre, dans ceux du Semeur et, avec
lui, semer nos biens autant que nos mains peuvent en
contenir. Seule compte la suite des instants, que le pas
soit ferme ou hésitant, seul importe qu’il soit. Là est
notre perfection.
Fr. Michel Albaric, op.
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n’avoir à offrir que sa vie même
Des trois vœux prononcés lors de notre profession, seul celui d’obéissance est exprimé. C’est grâce à lui que nous nous engageons à rechercher la volonté de Dieu. Les deux autres, pauvreté et chasteté, sont là
pour l’appuyer.
Un de nos frères, qui a vraiment connu la
misère dans sa prime jeunesse en Espagne
au temps du franquisme, disait à des amis,
qui l’avaient invité à en parler, que, depuis
qu’il avait fait vœu de pauvreté, il n’avait
jamais manqué du nécessaire… C’est vrai,
la pauvreté religieuse est d’abord le renoncement à la propriété personnelle des biens
matériels, signe de liberté dans notre marche vers Dieu, dans notre société plus que
jamais dominée par l’argent et l’argent de
la spéculation.
St Dominique a voulu que ses frères soient
effectivement pauvres et il leur a interdit
toute charge pastorale à l’époque liée à
un « bénéfice ». D’où le nom de « mendiants » donné aux frères qui vivaient de
la charité publique. Les temps ont changé,
mais chacun de nous doit veiller à ce que
nos communautés gardent un style de vie
simple et accueillant, proche de celui des
pauvres à qui, selon l’Evangile, nous sommes envoyés en priorité.
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DOSSIER
Mes premières années de ministère se sont déroulées à la mission
ouvrière de Marseille entre 1957 et 1961. Nous étions trois à partager un demi-baraquement. De l’autre côté de la cloison vivait une
famille de réfugiés espagnols. Pas d’eau chaude et WC au fond de la
cour. Bref, une habitation semblable à celle de beaucoup d’habitants
du quartier dont nous avions la charge pastorale. Cela, joint au travail
manuel, nous permettait d’être proches d’eux.
Les circonstances ont voulu ensuite que je parte en Afrique dans une
communauté nouvellement fondée dans un pays, lui aussi, nouvellement indépendant. Nous vivions beaucoup moins largement que la plupart des européens expatriés et cependant mieux que la grande masse
des Africains… J’y ai vécu durant quatorze ans, sans regret, mais avec
le souvenir un peu nostalgique de mes années marseillaises…
Nos couvents ont besoin d’une bibliothèque, d’ordinateurs et de l’usage
d’internet. Comment aurait-on imaginé, sans cela, la « Retraite dans la
ville » ? Alors que devient la pauvreté ?
Comme toujours, elle est largement dépendante de l’attitude personnelle
de chacun. Les rétributions que les frères rapportent à la communauté
sont variables. Tant que chacun rend des comptes à la communauté représentée par le supérieur et évite les dépenses inutiles, il ne cède pas à
la tentation de la vie privée et il demeure dans la pauvreté.
L’exemple vient de très haut, de Dieu lui-même : le Père Maurice Zundel avait coutume de dire que dans la Trinité, il n’y a pas de vie privée.
Notre Dieu est Amour et donc il est don dans sa vie intime. Le Père, qui
est source communique tout ce qu’il est à son Fils, l’unique engendré.
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Le chapitre général de Bologne, en 1220, déclara la pauvreté mendiante de l’Ordre. Pas
seulement la pauvreté mendiante du prédicateur
en voyage, mais la pauvreté mendiante de tout
l’Ordre, c’est-à-dire même des couvents. On
institua donc la mendicité conventuelle. Tous
les jours, deux frères quittent le couvent pour
mendier de porte en porte et le couvent se nourrit des aliments obtenus par la quête. Comme le
prédicateur en tournée, il attend chaque jour de
la Providence ce qu’elle veut bien lui procurer
par la charité du quartier.
Dominique fait inscrire dans les premières
constitutions des Prêcheurs en quatre mots seulement : possessiones et redditus nullatenus
recipiantur : On n’acceptera ni propriété, ni
revenus, d’aucune sorte. Il n’est pas non plus
question de travail manuel pourtant universel
parmi les religieux à l’époque. Travaillez, avait
dit l’Écriture, pour une nourriture qui ne périt
pas (Jn 6,21). Que reste-t-il alors pour subsister, sinon l’aumône précaire des fidèles ?
On connaît l’épisode du repas des anges raconté
par le procureur du couvent lui-même : Un jour
où je veillais au service des frères au réfectoire... le pain vint à manquer. Frère Dominique
fit signe d’en mettre devant les frères. Je lui dis
qu’il n’y en avait pas. Alors le visage rayonnant,
il leva les mains, loua le Seigneur et lui rendit
grâces. Au même instant entrèrent deux hommes
portant deux corbeilles, l’une pleine de pain,
l’autre de figues sèches, en sorte que les frères
eurent abondamment de quoi manger.
Choisir la pauvreté ?
Celui-ci se reçoit totalement du
Père. Le Souffle (l’Esprit) procède
de cet échange de connaissance et
d’amour entre le Père et le Fils.
Jésus, le Fils du Père devenu homme, nous propose d’être parfaits
comme notre Père céleste est parfait. Celui-ci est le véritable pauvre
puisqu’il communique tout ce qu’il
est à son Fils et à l’Esprit. Jésus a
sans cesse recherché la volonté de
son Père qui était de sauver l’humanité et il a été conduit à donner
sa vie pour nous sur la croix. Ainsi,
devenons-nous, par grâce, le corps
du Christ mort et ressuscité.
Rechercher la volonté de Dieu nous
gardera dans la pauvreté à l’exemple
de Jésus qui n’avait pas une pierre
où poser la tête (Lc 9,58)… Ce qui
permettra à Saint Paul d’écrire aux
Corinthiens : Vous connaissez la
générosité de notre Seigneur Jésus
Christ, qui pour vous de riche qu’il
était, s’est fait pauvre pour vous
enrichir de sa pauvreté (2Co 8,9).
Un frère dominicain disait : Je n’ai pas lu que Jésus
ait été moine blanc, ni moine noir, mais pauvre prêcheur, et je veux suivre ses traces.
Fr. Jean Delarra o.p.
Source : Fr. Marie-Humbert Vicaire, o.p., Dominicains. L’Ordre des Prêcheurs présenté par quelquesuns d’entre eux. Cerf, 1980.
← Giovanni Antonio Sogliani, Saint Dominique et ses
compagnons nourris par les anges, fresque, vers 1536.
Le frère Jean Delarra, fils de la Province de Toulouse, est
assigné au couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon.
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DOSSIER
Quelques évolutions
Je suis entré dans l’Ordre en 1956, à 19 ans, jeune bachelier. Rien de surprenant à l’époque : nous étions trois novices dans la même situation. Sortant directement du milieu familial, la signification du voeu de pauvreté avait un
sens spirituel, celui du détachement : «Quitte ton pays...».
Par la suite, le couvent d’étude avait une allure de monastère dont témoigne l’architecture du couvent de Le
Corbusier à la Tourette, où j’ai fait la plus grande partie
de mes études. Etrangers que nous étions aux nécessités
économiques, réglées en dehors de nous. Ce qui n’est
plus le cas aujourd’hui.
Quittant le couvent d’études, je me suis trouvé dans une
structure différente qui était celle de tous les couvents :
à chacun, grâce à un «pécule» et en accord avec son
prieur, de justifier au cas par cas, chacune de ses dépenses. Quant aux «honoraires», ils étaient directement versés à la communauté.
Un seuil a été franchi vers les années 60, suivant les
formes adaptées à la diversité des temps et des lieux
(Constitutions de l’Ordre des Prêcheurs COP n° 30).
avec l’attribution de carnets de chèques, de cartes bancaires..., de déclaration fiscale individuelle puis l’équipement d’ordinateur, de téléphone portable, etc. Tandis
que les anciens reçoivent une pension vieillesse, nos
plus jeunes frères sont pour la plupart salariés soit de
l’Eglise, soit d’entreprises civiles. Chaque frère soumet
mensuellement à son prieur l’état de ses dépenses et de
ses gains tandis que, en chapitre, la situation économi8
Choisir la pauvreté ?
que de la communauté est visée par tous les frères. Il ne s’agit pas
d’un contrôle mais de mesurer en conscience, personnelle et collective, l’usage que nous faisons de l’argent.
Si un bon nombre de nos tâches le sont de façon bénévole et gratuite,
au nom de l’Evangile elles nous inscrivent vraiment dans le tissu social (rencontres personnelles, groupes de prière, participation à des
associations sous diverses formes, dialogues interreligieux, etc.) avec
ce critère : afin qu’en toute chose périssable dont il nous faut user
ici-bas, ce soit la charité impérissable qui l’emporte (COP n°3 II).
A l’imitation des Apôtres qui annonçaient le règne de Dieu sans or ni
argent, ni monnaie (...) telle fut la pauvreté apostolique au début de
l’Ordre dont il faut encore s’inspirer en suivant les formes adaptées
à la diversité des temps et des lieux (COP n° 30). Ceci en référence à
Pierre guérissant le paralysé de la Belle Porte (Ac 3). Faut-il rappeler
la réponse cinglante de Pierre au mage Simon qui voulait acheter
aux frères le don de l’Esprit : Périsse ton argent et toi avec, puisque
tu as cru pouvoir acheter le don de Dieu à prix d’argent (Ac 8,18).
Le voeu de pauvreté est à comprendre dans cette logique d’une annonce sans intérêt : «Ce que j’ai, je te le donne». Cet esprit de pauvreté nous presse à mettre notre trésor de justice du règne de Dieu
avec une confiance vive dans le Seigneur. Il est libération de la servitude, bien plus, de l’inquiétude des choses du monde afin d’adhérer
à Dieu plus intensément, s’occuper de Dieu plus librement, parler
de Dieu plus hardiment. (COP n°31).
Fr. François Nielly, o.p.
← Le frère François Nielly, du couvent de l’Annonciation à Tours,
est assistant régional des équipes du Rosaire.
9
DOSSIER
Choisir la pauvreté ?
Alors ce voeu de pauvreté ?
pauvre de quoi ?
La pauvreté est l’état d’une personne qui ne dispose pas
des ressources matérielles suffisantes et vit dans des
conditions qui ne lui permettent pas d’exister dignement
selon les droits légitimes et vitaux de la personne humaine et qui la condamnent à survivre péniblement au
jour le jour.
Comme religieux dominicain, cette pauvreté-là, je ne l’ai jamais vécue
et il serait indécent et même répugnant de l’affirmer. Beaux couvents,
grands espaces verts, employés de maison, repas garantis, compte
commun permettant de voyager, de se vêtir, d’étudier, de se divertir.
Notre vie religieuse, en occident, est pour le moins confortable.
Voeu de pauvreté : si je partageais les nuits de Lille, arpentant les trottoirs, discutant, avec les prostitué(e)s, c’était librement et je rentrais
ensuite dans mon couvent pour dormir au chaud.
Voeu de pauvreté : si je partageais durant 15 ans, jour et nuit, la vie
des gitans : l’hiver sur un terrain sans eau, sans électricité, sans commodités dans une baraque où l’eau entrait les jours de pluie ; et l’été
le chemin des pèlerinages ponctué par les expulsions, la fatigue et les
amendes, c’était un choix. Mes frères gitans, eux, subissaient, moi je
savais qu’à tout moment, je pouvais arrêter et retourner me blottir dans
le confort de mon couvent.
Voeu de pauvreté : Etre aumônier de prison, avec la surpopulation,
les appels au secours, les humiliations, les suicides, la déshumanisation, ça aussi c’est un choix. Trois ou quatre jours par semaine en
Contrat déterminé, mais chaque soir je rentre chez moi, personne pour
me fouiller, me mettre à nu, m’enfermer dans un espace, seul avec ma
souffrance .
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Peut-être au fur et à mesure de
ma vie religieuse a-t’il été de
l’ordre de l’abandon, du lâcherprise ...
Accepter de devenir vulnérable, vide, de laisser les autres
habiter ou plutôt envahir ma
vie : prostitué(e)s, gitans, détenus, handicapés, gens de la rue,
mais aussi, maintenant, personnes ayant connu la drogue, l’alcool et tant d’autres addictions.
Autant de situations, de rencontres, de prénoms, où, alors que je fais
l’expérience de cette pauvreté-là, je me découvre comme enrichi de
DIEU, de sa Patience et de sa Miséricorde.
Un détenu m’a un jour donné la définition de la pauvreté, en
m’envoyant ce message avant de partir en détention : «Tu es
mon ami, je suis content, arrive ici et trouve moi dans ton coeur».
Et si la pauvreté c’était de n’avoir que de l’amour en soi et rien d’ autre ?
N’avoir que de l’amour en soi, pour découvrir que cette «pauvreté» est
la plus grande des richesses.
Fr. Jean-François Bizot, o.p.
Le frère Jean-François Bizot, du couvent de Sainte-Marie-duChêne à Nancy est accompagnateur spirituel de la Maison du
Bien-Aimé, des équipes du mouvement Sève, et aumônier du
centre de détention de Toul.
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Dossier
LA PAUVRETE «CHOISIE» DANS UN CONTEXTE DE PRECARITE
Porter un témoignage de pauvreté dans la vie religieuse exige de se
dépouiller du superflu pour aller à l’essentiel (Mc 6, 7-11). C’est une
vie de privations dans laquelle on n’accepte pas de servir l’argent. On
se sent léger et les mains libres pour accomplir son devoir de religieux. Car le religieux est surtout quelqu’un qui fait passer, dans sa vie
concrète, le Christ avant tout. Il place son capital chez Dieu, convaincu
que sur terre il n’est point de bonne cachette pour son trésor.
Ainsi le religieux pauvre place-t-il son trésor dans le ciel (Mt 6, 19-23).
Il a tout son regard fixé sur Dieu. C’est ainsi qu’il peut donner à ce
monde, où tout se compte et se calcule, un témoignage accrocheur. Il est
prompt à faire l’offrande de sa propre vie. Car on ne donne pas à Dieu
de simples restes, ce qui est sans valeur. Saint Augustin le dit si bien :
si nous sommes généreux avec Dieu, il le sera encore plus avec nous.
Le vœu de pauvreté nous apprend donc à donner avec amour et avec générosité. Que la main gauche ignore ce que fait la main droite (Mt 6, 3) !
Et la formation à la vie religieuse prépare les frères à s’engager au service de la communauté sans attendre une rémunération. Quand on fait
quelque chose pour le profit des autres, pour servir le bien commun, cela
engendre une joie intérieure, et c’est déjà, en soi, un salaire suffisant.
Tout sacrifice consenti et qui contribue
à l’édification de la communauté et de
notre propre personnalité est d’ailleurs
comptable aux yeux de Dieu. Le disciple accepte volontairement la pauvreté,
à la suite de Jésus, Lui, le riche devenu
pauvre parmi les pauvres (2Co8, 9).
Elle est une dimension essentielle de sa
vie et de sa mission, une des caractéristiques principales de la vie religieuse.
12
Choisir la pauvreté ?
Le disciple pauvre entend ainsi provoquer chez ceux qu’il rencontre
des attitudes évangéliques. Il vit avant d’expliquer. C’est pourquoi il
se met à la merci des gens que Dieu met sur son chemin afin de montrer que ce n’est pas le prestige matériel ou social qui compte. Il se présente complètement démuni : sans argent, sans sac, sans sandales…
les mains vides. Cette vulnérabilité est la preuve que le prêcheur n’a
pas la prétention de peser sur la liberté de ceux vers qui il est envoyé.
Il est pauvre, donc libre. Il a en mains le sésame ouvre-toi de toutes
les portes de l’humanité et du cœur des plus pauvres. Se présenter
démuni laisse à l’Evangile de paraître en toute transparence et à ses
destinataires de ne point être conditionnés par le poids des richesses
de l’ambassadeur du Christ. Le prêcheur pauvre se présente dans une
vraie pauvreté dans la mesure où il ne vient pas pour épater, ni impressionner, encore moins pour séduire.
C’est fort de toutes ces valeurs évangéliques que bon nombre de jeunes
embrassent encore aujourd’hui la vie consacrée. Ils choisissent la pauvreté religieuse, c’est-à-dire qu’ils n’y sont pas confrontés par hasard.
En Afrique où la situation politique et économique laisse souvent à
désirer, la conception de la pauvreté apparaît pourtant souvent incomplète. Le monde extérieur regarde surtout la pauvreté matérielle. Etre
pauvre dans ce contexte devient synonyme d’être indigent. Ce qui se
comprend bien dans la mesure où, dans la société africaine, la pauvreté est une réalité palpable, lisible sur la plupart des visages.
Au fond, l’Afrique est un scandale parce qu’on y
meurt de faim alors que le sol regorge des richesses
et que les ressources humaines sont à foison. Le riche au pouvoir n’hésite pas à tuer pour mieux s’enrichir ou pour mieux régner. La division au sein
de la population est bien nette. Il y a d’un côté des
riches et de l’autre des pauvres. Nous sommes en
face des conséquences du péché, un péché à la fois
collectif et individuel.
13
Dossier
D’aucuns penseraient que porter un témoignage de pauvreté
dans notre société équivaudrait à adopter la manière d’être
et de vivre des pauvres de nos quartiers. Etant donné que la
pauvreté africaine n’est pas naturelle, mais la conséquence du
manque de charité et de solidarité, se solidariser avec cette pauvreté imposée serait simplement encenser ou consacrer ce scandale. Et il n’est pas question pour nous de faire l’apologie d’une
telle forme de pauvreté. Heureusement que la pauvreté matérielle
n’est pas le point le plus important de la vie religieuse.
La vie consacrée prend aussi en compte d’autres types de pauvreté à côté de la pauvreté sociale ou matérielle. Le religieux est
ainsi conscient qu’il possède un être qui ne lui appartient pas,
qu’il l’a reçu de Dieu et continue de le recevoir de Lui. Il n’est
qu’une créature limitée (la pauvreté de l’être). Le religieux, en
Afrique, comprend notamment que la pauvreté ne veut pas dire
« manquer de quelque chose ». La pauvreté sociale ou matérielle
est l’illustration du manque de charité et de solidarité. Cette forme de pauvreté, loin d’être un obstacle au vécu et à la pratique
du vœu de pauvreté, réclame néanmoins du religieux dominicain
des réflexions et des actions.
Dans notre église d’Afrique le temps des missionnaires expatriés,
encore appelés bienfaiteurs, est quasiment révolu. Les sources
tarissent un peu partout et même la manne se fait de plus en rare.
Pourtant, les prêcheurs africains doivent continuer à parcourir
villes et universités pour annoncer l’Évangile. Naturellement, ils
ne sauraient le faire le ventre vide et vivant dans des couvents
qui sont des quasi boîtes de sardines. Tout le monde est conscient
qu’on ne peut plus compter sur l’hospitalité gratuite des premiers siècles de l’Eglise.
Aujourd’hui plus que jamais la nécessité se fait sentir de trouver des
voies pour une réelle prise en charge de nos communautés d’Afrique.
Comment réitérer l’exploit des moines bénédictins du Moyen-âge qui
ont su travailler à leur autosuffisance ? Que peut faire un frère clerc
14
Choisir la pauvreté ?
dominicain qui s’est toujours maintenu dans une situation économique d’éternel assisté ?
Dans notre vicariat d’Afrique équatoriale, les structures en place
jusqu’à nos jours habituent encore les frères à presque tout recevoir de la Province pour subvenir aux besoins de première nécessité de nos communautés. Du côté de la formation, très peu de
place est laissée à l’esprit d’initiative. L’heure est venue de lutter
contre le culte du paternalisme et de la dépendance et d’oser des
tentatives de prise en charge. Le seul et vrai atout pour une juste
autonomie économique est à l’heure actuelle l’effectif croissant
des frères. En effet, notre vicariat est en plein essor vocationnel.
Ce sont des ressources humaines indispensables. On gagnerait
à diversifier la formation initiale en formant en même temps au
travail productif de sorte que cette kyrielle de frères serve à la
réalisation de l’autofinancement qu’on appelle de tous nos vœux.
La formation économique et professionnelle peut aider à en finir
avec la non productivité chronique de nos communautés.
Des frères formés à la gestion rigoureuse et honnête des biens à
leur disposition auront alors aux yeux de tous un bon témoignage
de pauvreté. Le but est d’arriver à inventer la manière de vivre la
pauvreté qui renforcerait la fraternité. Vécue avec cohérence, la
pauvreté permet alors de goûter à la vie de Dieu : la charité.
Fr. Alain-Francis Ngombe, o.p.
Le frère Alain-Francis Ngombe, de la Maison Saint-Martinde-Porrès à Brazzaville (Congo), est aumônier universitaire.
Il enseigne la théologie et l’histoire de l’Eglise au Grand
séminaire de Brazzaville.
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Dossier
Qui a besoin des pauvres ?
Mon attention depuis que je suis dans l’ordre a rapidement porté sur la
Pauvreté. Après 10 ans dans des conditions de vie précaire pendant la
guerre et après, mon entrée dans l’Ordre coïncide avec une reconstruction de l’économie de la France et un mieux être général. Au moment
où je prononce le vœu de pauvreté, je n’ai jamais été dans une situation
aussi confortable. Paradoxe de l’histoire qui ne cesse alors de m‘interroger. Que faire ? Dans ces premières années de ministère, ma pauvreté
effective a consisté à donner ce dont je peux disposer, mon temps, à qui
vient me solliciter, ma disponibilité, à qui vient me demander.
Et puis assez rapidement l’insatisfaction s’accroît. Parler de la pauvreté
à partir d’une situation de vie assez confortable ne me va plus. C’est
alors que la vie vient me rejoindre.
Un jeune avocat de retour d’un séjour à l’Arche de Trosly vient me
trouver et me dit qu’il faudrait fonder quelque chose de semblable à
Strasbourg. Je suis partant immédiatement. S’adjoint à nous un ami du
couvent, directeur de l’Ecole d’éducateurs. A nous trois nous montons
l’Association Clair de Terre qui accueille en foyer, avec des bénévoles, trois puis six personnes déficientes mentales ou malades mentales,
Temps béni pour moi d’autant que je trouve un travail de psychologue
dans deux structures : un CAT pour l’aide par le travail et un foyer d’enfants placés par le juge. .Et me voilà pour des années en contact avec
la pauvreté. Un triptyque: déficience mentale, maladie mentale, misère
matérielle et affective. J’apprends comment l’une engendre l’autre.
Accompagnant des personnes pendant 16 ans, leur « misère » m’est
présente. L’aumônerie de la prison prolongera 9 ans cette situation. Je
ne veux pas parler ici des formes, des causes, du retentissement de ces
situations de pauvreté. Je me contenterai de dire quelques mots sur l’incidence qu’elles ont eue sur ma vie.
16
Choisir la pauvreté ?
Je découvre en premier lieu que je ne peux
pas partager ces pauvretés : j’ai un savoir,
une prise sur ma psychologie, une sécurité
matérielle, affective qui me permettent une
analyse des situations et une capacité d’action sur ma vie. Je peux accompagner, être
proche, mais je n’en serai pas. Le faut-il
d’ailleurs ! Cette présence patiente et à longue durée sinon auprès des personnes qui
peuvent passer et poursuivre leur vie, mais
au moins des lieux de pauvreté signifie déjà
leur importance. Le premier geste est de
donner à chacun sa dignité. Puis je découvre que ces personnes ne sont pas responsables (tout au moins entièrement) de leur
condition de vie. Elles l’ont le plus souvent
reçu de leurs parents et de leur milieu. Et il
en est de même pour moi de ma situation.
Ma prière en est imprégnée et je dois rendre
grâces de ce que j’ai reçu tout en présentant
à Dieu ces situations parfois très critiques.
La Prière à partir de la détresse. Pour ces
foules qui cherchent un salut.
Et puis, de leur compagnie, j’ai beaucoup reçu, j’ai été provoqué par
leur comportement et leurs demandes. Déjà le vernis artificiel des codes
de civilité n’a plus cours. J’ai appris à recevoir les paroles directes d’approbation et de critique, les gants restant dans le tiroir. Ce que l’on pense
est dit sans détour. De plus toute parole ayant une forme de promesse
doit être prise à la lettre et honorée. Y faillir est perçu comme un manque
d’intérêt, une forme d’abandon, une marque de mépris que l’on peut se
permettre parce qu’ils seraient faibles. J’ai été témoin aussi de gestes de
générosité, de solidarité, inattendues et exceptionnelles, qui donnent à
réfléchir et à imiter. La fidélité a aussi une grande importance. Ayant
peu de personnes sur qui compter, celle qui s’est approchée est investie.
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Dossier
Choisir la pauvreté ?
Durer avec eux devient source de vie pour eux. Enfin l’oreille attentive permet de s’exprimer, de situer la souffrance, et de l’apprivoiser
lorsqu’elle ne peut être supprimée. Le drame des pauvres, c’est que
personne n’a besoin d’eux.
Tout cela invite à entrer dans la souffrance du monde portée
spécialement par quelques uns des enfants de Dieu. Attention à ne pas
former une prière de riche, celle qui présente à Dieu la souffrance et
passe son chemin sans changer sa vie. Il faut avoir une prière de pauvre,,
celle qui s’implique dans la souffrance et le péché, celle qui pleure sur
ses limites et ses impuissances et demande à Dieu l’inspiration d’une
solution, une prière de confiance envers quelqu’un que l’on ne connaît
pas beaucoup mais que l’on sait secourable (à la façon dont le pauvre
fait confiance en celui qui vient à lui mais qu’il connaît peu), une prière
d’attente de la main tendue faite d’ espérance et de confiance. Bref, rien
de bien extraordinaire, mais encore faut-il y être attentif et le faire.
Tout cela pour moi est éclairé par les quelques versets de l’Epitre aux Philippiens : Lui qui était de condition divine, n’a pas retenu
commun privilège le rang qui l’égalait à Dieu… (Phil. 2,6-11). Ne pas
garder comme un privilège la situation de vie que nous avons reçue de
Dieu, mais la mettre en phase avec la misère du monde portée par Jésus
en Croix.
Fr. Jean-François Bour, o.p.
Le frère Jean-François Bour, du couvent de l’Annonciation
à Tours, est délégué diocésain pour les relations interreligieuses. Il est également investi dans la pastorale de la
santé du diocèse.
18
Heureux les pauvres
Évoquer la pauvreté alors que je ne manquerai jamais de rien, aurai
toujours quelque chose à manger, un lit dans un couvent, des frères et
des sœurs pour m’accueillir partout sans jamais connaître les fins de
mois difficile… Est-ce sérieux ? Et pourtant, je m’y risque.
Deux anecdotes éloquentes et pour moi marquantes vont éclairer mon
propos.
La première : Deux candidats à la vie religieuse arrivent le même jour
au monastère. L’un avec un seul petit sac et sa bible ; l’autre avec trois
valises. Ils vécurent longtemps au monastère et moururent vers la même
période. Dans la cellule de celui qui était arrivé sans rien, on a retrouvé
un impressionnant lot de sacs et de boites renfermant bouts de ficelles,
élastiques, clous, vis, épingles, boutons… et toutes choses soit-disant
utiles ; dans la cellule de l’autre
arrivé jadis avec ses trois valises,
on n’a retrouvé que sa bible.
L’autre anecdote est une réflexion
entendue dont j’ai pu éprouver la
pertinence. Un religieux disait :
« Au moment de la profession
solennelle, on donne tout puis on
passe le reste de sa vie religieuse
a essayer de récupérer par petits
bouts tout ce qu’a cru donner un
jour ».
Dans les deux cas, la pauvreté est
un lent travail de dépouillement de
soi pour l’accueillir Lui…
19
Dossier
La pauvreté est un choix… dont on n’a pas le choix… Répondre
à l’appel du Christ « pauvre, chaste et obéissant » et marcher à sa
suite, impose de prendre sur soi ces trois vœux et d’essayer de son
mieux de les réaliser. C’est le travail de toute une vie et les tentations
ne manquent pas. On prête cette formule au P. Chenu : « Manquer à
l’obéissance et à la pauvreté, c’est assez courant chez les religieux ;
manquer à la chasteté, c’est le drame… alors
que le manque à la pauvreté est souvent plus
scandaleux. » Plus qu’un choix, la pauvreté
n’est-elle pas une décision ?
Chacun à son cadre de référence. À partir
de quand est-on une personne riche ? Notre
conception de la pauvreté en dépend.
De milieu modeste par mes grands parents puis
mes parents, je vois la chance que nous avons
aujourd’hui de ne manquer de rien. J’ai eu à
gagner ma vie entre le séminaire et le couvent :
dans les années 75-80, 49h15 de travail par
semaine dans le BTP pour 1800 francs brut.
Choisir la pauvreté ?
Depuis plus de trente ans, j’ai connu des frères qui m’ont touché par leur
choix : des grands bourgeois qui, pour le Christ et comme lui, de riches
qu’ils étaient, se sont faits pauvres : nommer au moins ici les frères
Burin des Roziers, Maillard, Motte… et leur rendre hommage. Ils m’ont
appris que la pauvreté était possible dans l’Ordre.
Aujourd’hui, alors que ma mission me permet
de bien vivre et d’aider ma communauté, il
me semble que la pauvreté est davantage une
dynamique intérieure, une attitude permanente
d’action de grâce et de partage à réajuster à
tous les niveaux de sa vie : humain, spirituel,
économique… au regard du prochain plutôt
qu’un choix radical difficile à tenir.
Si la pauvreté est un idéal évangélique :
« Heureux les pauvres… », l’atteindre reste
sans doute le travail de toute une vie.
Fr Philippe Jeannin, o.p.
Pendant les années de formation, j’ai connu
l’insouciance des «tous frais payés» et les débats
sur la nécessité de faire travailler ou non les
frères en formation pendant l’été. Comme jeune père de ministère, j’ai
prêché des retraites pour pas grand chose, appris à rappeler aux jeunes
couples que les préparer aux mariage valait bien un don à la communauté.
Comme prieur, j’ai eu, dans des grandes ou des petites communautés, à
voir que la vie économique des frères reste un défi pour chacun.
Comme directeur général du Rosaire puis aujourd’hui comme producteur
du Jour du Seigneur qui ne vivent que des dons, j’ai appris à ne compter
que sur la générosité des fidèles qui ne nous fait pas défaut, à me rappeler
que nous sommes un Ordre mendiant mais aussi à me demander ce que
nous leur apportons en retour.
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Le frère Philippe Jeannin, du couvent de Saint-Jacques à Paris, achève son mandat de producteur du Jour du Seigneur
et Directeur du CFRT.
21
Méditation :
Pa u v re de moi . . .
Pauvre de moi, parce que si souvent je m’aime si peu...
Pauvre de moi, parce que j’ai tellement peur de moi.
Pauvre de moi, qui n’ai aucune confiance en moi.
Alors oui, je pourrais semer la vie dans la vie
des autres, si j’acceptais de naître, moi, d’abord.
Abondamment. Généreusement. Largement.
Tu aimeras ton prochain comme toi-même
Pauvre de moi, quand je suis pauvre de vie,
de rires et de couleurs,
à force de cultiver la mort, la honte, la peur.
Et comment donc aimer mon prochain si je dois
l’aimer comme moi-même ?
Si je me malmène, ne vais-je pas le malmener ?
Que de regards impitoyables dans mes yeux !
Que de jugements sans appel dans mon cœur !
Que de paroles dures qui m’écorchent les lèvres !
Et tous ces gestes violents qui dénoncent et condamnent.
Et blessent et tuent.
Pauvre de moi quand je ne m’accepte pas
Avec tout ce que je suis
Tout ce que je rêve. Tout ce que je vis.
Pauvre de moi quand tomber me fait peur.
Et que me relever me décourage.
Pauvre de moi, qui vais parfois sans espérance.
Pauvre de moi quand je refuse d’apprendre de toi, Seigneur.
A aimer.
A simplement aimer.
Pauvre de moi, quand j’aime si peu les autres...
Pauvre de cœur, pauvre de moi, pauvre misère...
A quoi me servirait-il d’être riche – d’honneurs, d’or
et d’argent, de succès – si je me respecte si peu, me
supporte si peu, me regarde si mal ?
Je dis que l’autre me fait peur, mais n’ai-je pas bien
plutôt peur de moi ?
Pauvre de moi, vraiment, quand je m’aime si peu.
Il suffirait juste que je m’aime un peu. De temps en
temps dans la journée...
Que je me supporte un peu, surtout quand je suis seul...
Que je me trouve beau, un peu. Dans les yeux des
autres. A mes yeux d’abord.
Alors oui, je serais capable d’un autre regard,
d’un autre jugement, d’une autre parole.
Sur moi. Sur eux. Sur vous. Sur nous.
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Pauvre de moi, alors que, je pourrais être riche.
Follement riche.
Immensément riche.
Riche de Toi, Seigneur. Qui m’aime.
Audrey Grant
Man Standing with Yellow Background
huile sur toile
2010
Le frère Jean-Luc-Marie Foerster est le supérieur de la
maison Saint-Louis-Bertrand à Clermont-Ferrand. Il enseigne
le français en Lycée Professionnel, l’hébreu à l’Institut
Théologique d’Auvergne et fait du soutien scolaire avec les
jeunes du quartier.
23
ACTUALITÉ D E LA P R OV I N C E
La Paroisse du Saint-Nom-de-jésus :
nova et vetera
2
Ce nouveau pas complètement nouveau, c’est la présence
des frères dominicains à la Paroisse du Saint-Nom-de-Jésus
à Lyon. À la fondation du Couvent1 dans les années 1850,
il n’y a pas encore de paroisse, mais après l’expulsion des
Dominicains en 1903 au nom de la République, l’évêque
de Lyon érige l’église du Saint-Nom en paroisse, et à leur
retour en 1916, les frères prennent en charge la paroisse et
en sont les pasteurs jusqu’en 1984.
Ils sont bien connus du quartier, parce qu’ils animent à la fois 1
une école, une bibliothèque, des groupes scouts, des colonies de vacances, des conférences Saint-Vincent-de-Paul, les
divers mouvements d’action catholique, et la fameuse salle
de cinéma baptisée Lacordaire. Tous les anciens du quartier
se rappellent donc avec bonheur de la présence des frères
au Saint-Nom, dont on peut citer les derniers curés, encore
connus de nos générations, tels les frères Loez et Santa Maria.
En 1984, la Province de Lyon considère que la situation financière et humaine ne permet plus de s’occuper de la paroisse.
Les terrains des « patronages » sont vendus, l’école sauvée 3
in extremis, et l’église est confiée au diocèse sous le régime
du commodat, la paroisse étant rapidement confiée au Père
Xavier Guillemet2, salésien incardiné dans le diocèse, depuis vingt ans déjà sur place comme vicaire, et qui assurera
jusqu’à sa mort (en décembre 2011) non seulement l’animation de la paroisse, mais une présence attentive au quartier,
notamment à travers son soutien à l’association sportive de
L’éveil et à l’association de réinsertion par le travail Spirale.
24
Depuis 1985, les provinces de Lyon et de Paris se sont
réunies, le couvent s’est repeuplé, avec une moyenne de
vingt-cinq frères, le diocèse doit aujourd’hui envisager ici
et là des regroupements paroissiaux, bref, il semblait bien
naturel que les Dominicains soient sollicités un jour ou
l’autre pour prendre en charge la paroisse. Le père Xavier
travaillait déjà avec un vicaire dominicain, le frère Francis,
et après l’élaboration d’une convention entre le diocèse et
la Province, le Cardinal Barbarin vient de nommer curé le
frère Joseph de Almeida3.
Cela faisait quelque temps que nous en parlions, et à la
vérité, que nous nous interrogions : il n’est pas si simple
pour une communauté d’accepter la charge d’une paroisse,
d’une part parce qu’il y a un risque que le curé et le vicaire vivent concrètement hors de la communauté et que la
communauté n’ait aucun lien avec la paroisse, d’autre part
parce que dans notre Province, très peu de frères ont cette
expérience, ou se sentent prêts à la risquer, du fait d’autres
tâches et d’autres manières de servir la prédication.
Mais nous avons surmonté ces craintes, et nous avons bien
l’intention d’essayer un rapport communautaire à la paroisse, dans le respect de sa dynamique et de ses traditions.
Il nous faudra pour commencer nous écouter mutuellement
pour comprendre nos attentes respectives et voir comment
œuvrer au mieux au service de la liturgie et de la pastorale,
en harmonisant nos énergies !
Fr. Jean-Etienne Long, o.p.
Le frère Jean-Etienne Long, Prieur du
Couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon, est
Rédacteur en chef de la revue Lumière &
Vie. Il dirige le cycle philosophie de l’Agora
Tête d’Or.
25
actualité de la province
n&b
Psaumes-Paul Claudel a lieu à la cathédrale
de Saint-Malo le 4 juillet 2009.
La voix des psaumes
Nous partons cet été-là en tournée sur les
chemins de Compostelle (Conques, Moissac…), puis c’est le Festival d’Avignon.
Stéphane Daclon interprète à son tour ce
spectacle – un spectacle qui n’a besoin
d’aucun décor ajouté, où l’essentiel est dans
la voix et qui peut donc être donné n’importe où, dans une église comme dans une salle
communale, ou un lycée, ou un jardin.
Dimanche 5 août 2012 après-midi, monastère des moniales dominicaines
de Taulignan. Un homme entre sur scène. Il crie sa détresse, sa peur d’être
abandonné, les ennemis qui l’assaillent : Et alors, Seigneur, c’est pour
toujours ? ça va durer longtemps que tu m’oublies et que tu détournes
de moi la figure ? C’est fini que tu m’abandonnes à mes réflexions et mon
cœur à cette pointe incessante ? Il appelle Dieu à son secours et remet sa
vie entre ses mains : N’es-tu pas le bon Dieu ? Montre un peu que tu es
égal à ton nom ! inspire à mes pieds l’endroit qu’il faut !
Depuis trois ans, ce spectacle a été donné
une cinquantaine de fois, en France et en
Belgique ; il l’a été dans des lieux dominicains, par exemple : les couvents de Strasbourg, de Lille, de l’Annonciation à Paris,
les monastères de Dax l’année dernière et
de Taulignan cette année. Il a été diffusé à la
télévision au mois de février dernier.
Peu à peu, par la parole, par cette vague de paroles adressées, une conversion s’opère, la confiance est restaurée et c’est un cri de louange et d’admiration qui porte à Dieu toute la création : Loue, mon âme, le Seigneur,
puisque c’est vrai que tu vis et puisque voilà que c’est vrai que tu existes !
Une heure durant, c’est au combat spirituel d’un homme avec lui-même,
avec son passé et avec son Dieu que nous avons assisté.
A l’origine de ce spectacle, il y a le désir de transmettre la Parole de Dieu,
de faire découvrir les psaumes et leur inépuisable richesse, et de faire entendre la traduction qu’en a donnée Paul Claudel.
Tout à commencé au début de l’année 2009 : je fais lire les Psaumes de
Claudel (Gallimard) à un comédien et metteur en scène, Stéphane Daclon.
Il embarque dans l’aventure un autre comédien (qui a depuis rejoint la
Comédie Française), Nâzim Boudjenah. Je choisis des psaumes afin que,
placés les uns à la suite des autres, cela fasse comme une histoire, celle
d’un homme perdu, déchiré, au bord de la mort qui renoue avec le « bon
Dieu » et se laisse envahir par la grâce.
Stéphane lit des psaumes mis en ligne sur le site de la Province dominicaine de France. Entre temps, les répétitions avec Nâzim commencent, et
après une répétition générale au Théâtre de l’Odéon, la « première » de
26
Je vais poursuivre cette aventure, manière
de donner de la voix à la Parole de Dieu, et
d’autres projets de spectacles sont en train
d’être imaginés – où il sera encore question
des psaumes !
Fr. Pascal David, o.p.
Stéphane Daclon au couvent de La Tourette
Crédit photographique : © François Diot
Plus d’infos : [email protected]
Le frère Pascal David du couvent de Sainte-Marie (La
Tourette) à éveux est professeur de philosophie.
27
actualité de la province
Vous êtes des vrais ?
Des vrais moines ?
Les festayres (les participants aux férias) avaient semble-t-il beaucoup
de mal à le croire ! Et pourtant il fallait se rendre à l’évidence : au milieu de la foule blanche et rouge, respectant le code couleur de la fête
grâce à leurs habits blancs, réhaussés pour l’occasion du foulard rouge,
d’authentiques moines, ou plus précisément deux dominicains, des vrais
(si si), arpentaient les rues animées de Dax, au long des nuits de la féria !
Après avoir tenté l’expérience une première fois en 2010, à l’initiative
du frère Adrien, nous avons à nouveau cette année pris la direction
de Dax, un peu avant le 15 août, pour participer à sa célèbre féria.
Nous logions pour l’occasion chez nos sœurs moniales, ce qui fut pour
moi l’occasion de découvrir ce beau monastère, à deux pas du centre,
avec ses majestueux vitraux de Kim En Joong, son potager aux tomates succulentes, et bien sûr sa communauté, à laquelle nous rendions
compte de notre ministère nocturne chaque matin, à la messe de 8h.
Quand on se couche à 4h, c’est assez matinal, il faut le reconnaître !
Mais que peuvent faire des frères, biens sous tous rapports par ailleurs,
dans les rues de Dax à cette heure tardive ? J’imagine vos airs effarés !
Je vous rassure, nous ne buvions pas solitaires, à l’un des multiples
comptoirs de bars qui se dressent dans les rues du centre ville. Nous
étions bien trop occupés à discuter avec quelques unes des 800 000
personnes qui se rassemblent dans cette ville, habituellement beaucoup
plus tranquille ! Le risque de l’habit, comme le soulignait l’incrédulité
première de nos interlocuteurs, c’est d’être pris pour un déguisement.
Mais son atout, quand on a le temps de parler, c’est d’attirer l’attention,
de susciter les questions, de permettre des rencontres qui démarrent souvent de façon surréaliste ou ironique mais qui peuvent se terminer par
une réelle discussion, par une prière ou une bénédiction, par des larmes
aussi parfois, des confidences ou une confession, et de nombreuses intentions de prières.
28
Il faut être honnête : les participants aux fêtes de Dax ne boivent pas essentiellement
de la grenadine, et les conversations s’en
ressentent parfois ! Pourtant nous avons été
touchés par la réelle convivialité au service
de laquelle est mise la fête. Une forte proportion des festayres, et à dire vrai, la quasi
totalité de ceux qui nous ont abordés, étaient
là pour échanger, ouverts à la rencontre. Participant à la fête, nous rendant disponibles,
tachant de nous accorder à cet état d’esprit
général, nous nous sentions parfaitement à
l’aise comme dominicains, à témoigner de la
présence de l’Église au cœur de la vie, et de la
bienveillance de Dieu pour tous ses enfants.
En quittant Dax le 16 août, nous souhaitions
avoir lancé, déjà, une nouvelle tradition, et
que la présence dominicaine aux fêtes de
Dax, bel apostolat réunissant frères et soeurs,
puisse se perpétuer.
D’abord pour bénéficier de la chaleur de
l’hospitalité landaise, que nous avons ressentie tant de la part des festayres, du comité d’organisation, que de
l’église locale, lors de notre participation à la mythique messe des bandas, mais aussi pour s’inscrire dans cette intuition de Dominique, capable de discuter toute la nuit avec un aubergiste autour d’un verre pour
réveiller en lui la soif de la vérité.
Fr. Marc-Antoine Bêchétoille, o.p.
Le frère Marc Antoine, récement assigné au couvent des
Saints Jacques et Philippe de Vilnius (Lituanie) est rédacteur
en chef des Amitiés dominicaines.
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DES NOUVEL LE S D E S F R È R E S ét udiants
Cure de jouvence avec les frères aînés de la province
Du 3 au 6 juillet 2012, une vingtaine de frères âgés de plus
de75 ans ont participé à une rencontre à Baye (Marne) spécialement préparée pour eux. Quatre jeunes frères s’étaient
portés volontaires pour aider le frère Xavier Pollart, chef
d’orchestre de cette rencontre.
Profès simples, encore étudiants,
nous avons, en ce qui nous
concerne, contribué à faire substantiellement chuter la moyenne
d’âge des Dominicains abrités
dans cette maison ! Mais l’écart
du nombre des années ne nous
a en rien isolé des frères aînés
ni donné le sentiment que nous
étions là pour accomplir notre
B.A. de l’été !
Nous devons en effet avouer que nous avons vécu, en leur compagnie, un magnifique temps de partage pendant ces 4 jours.
Présents pour l’animation liturgique et les transports, nous
avons finalement assisté à toutes les conférences et échanges.
Témoignages de vie, rappels
de bons souvenirs et réflexions
se sont succédé dans le cadre
du foyer de charité qui nous a
magnifiquement accueillis.
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En particulier, la question des enjeux du vieillissement a été évoquée avec l’abbé André Polaert, prêtre
du diocèse de Lille. Le frère Bernard Rey a, quant à
lui, invité les participants à une réflexion sur la vie «
avant et après la mort » à partir d’un de ses ouvrages. Enfin, une discussion a eu lieu autour de la
province, de son passé, de son présent et de son
avenir avec le frère Jean-Paul Vesco, présent pendant ces 4 jours.
Finalement, c’est toute la vie d’un prêcheur qui a été passée en revue par nos frères aînés. Et cela a constitué pour
nous une véritable leçon.
Alors que nous nous préparons à faire profession « jusqu’à
la mort », nous ne pouvons nous empêcher de nous demander comment affronter les défis de la vie religieuse et ecclésiale qui se présenteront à nous.
Nos frères aînés nous ont donné le témoignage d’un profond attachement au Christ et à leur vocation de prêcheur,
à travers les joies et les épreuves qu’ils ont pu connaître.
Merci donc à nos frères aînés de nous avoir offert cette expérience rajeunissante pour notre foi et notre vocation dominicaine !
Frs. Jacques-Benoît Rauscher et Jean-Baptiste Régis, o.p.
Les frères Jacques-Benoît Rauscher et JeanBaptiste Régis, du couvent de Saint-Thomasd’Aquin à Lille, poursuivent leurs études de
théologie et de philosophie.
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E n direct des fraternités
Estivales dominicaines
La Bretagne avait installé son légendaire brumisateur pour accueillir
à Saint-Gildas la cinquantaine de laïcs dominicains venus «estiver»
studieusement ; après les jours de canicule nous ne pouvions qu’apprécier d’avoir les joues fraiches pour les accolades d’arrivée. Le soleil
est revenu dès le lendemain : il y avait un vent tonifiant pour visiter
Vannes le samedi et grand beau temps pour une longue balade en
bateau sur le remarquable Golfe du Morbihan le dimanche. Merci
Marie-Claire pour ces excursions, pour l’accueil … et pour une météo
particulièrement favorable.
C’est un groupe où la parité homme / femme était remarquable et où
les âges s’étageaient de 10 mois (Baptiste) à 91 ans (Jacqueline), qui
a commencé sur le champ ses travaux. Le frère Réginald Blondeel,
assistant religieux provincial nous accompagnait. Moments liturgiques,
conférences, tables rondes, balades, mais aussi temps de convivialité et
soirée festive animée par Céline Weymann, se sont succédés de façon
soutenue et dans la bonne humeur. L’évocation de ces journées, ici,
n’est pas un compte-rendu, mais un écho subjectif avec des raccourcis
audacieux quant au contenu des interventions ; les lecteurs intéressés
auront des documents plus substantiels sur le site des Fraternités de la
Province de France .
Soulignons d’abord combien la Liturgie des Heures est inscrite dans
nos «gênes» ; ce sont de fervents offices de «laudes» et de «vêpres»
qui ont rythmé nos journées, le plus souvent dans la belle abbatiale
où a été aussi célébrée la messe dominicale. L’équipe liturgique avait
préparé une agréable et efficace plaquette ; Arnaud Arcadias et sœur
Anne ont été des chantres entraînants, Denis nous accompagnait sur
un clavier électronique.
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Après l’accueil par Catherine Masson,
responsable provinciale, et la présentation du
thème à traiter par Xavier Cuche, le maître
d’œuvre des Estivales, nous sommes entrés,
dès vendredi après-midi, dans la question de
«L’inter-génération». Deux laïcs dominicains
nous en ont donné des éclairages complémentaires. Emmanuel Morucci, sociologue, en a parlé
en termes d’intériorisation de la représentation
sociale de l’intergénérationnel. Ghislaine
Petit, psychologue, a valorisé l’écoute pour
construire la subjectivité personnelle.
Samedi matin, deux interventions. Marie-Odile Durand, de l’Institut
Catholique d’Angers, a traité de «L’inter-génération dans la famille».
Voici les quatre points de sa conclusion : éclairer ceux qui nous
entourent, laisser l’autre faire son chemin, se sentir responsable et, enfin,
valoriser la gratuité. Sœur Anne Lécu, dominicaine de la Présentation
de Tours, a centré son intervention sur «L’inter-génération dans les
relations fraternelles» : dans la solidarité des «ébranlés», et au-delà
du temps, nous sommes une seule génération de frères, car hommes
et femmes sont appelés à être fils de l’unique Père. La deuxième
partie de la matinée a permis à quatre groupes de fonctionner en
«Tables-rondes». Des retours, nous pouvons retenir que la fraternité
est l’horizon des «orpailleurs», qui cherchent des pépites, et des
«mutants», qui transforment le conflit-déchirure en conflit-tremplin.
Dimanche matin, après l’Eucharistie qu’il
a célébrée, frère Réginald intervient sur le
thème : «Inter-génération et annonce de la
Parole». Une réflexion à méditer : Dieu prend
le risque d’être mal interprété par les hommes
à qui il a confié sa Parole. Une distinction :
on communique l’Évangile lorsqu’on le
fait connaître, on transmet la foi lorsqu’on
témoigne de notre propre conversion à JésusChrist. Une question : la foi est un don, est-il
adressé à tous ? (Relire Marc 4, 1-20).
33
en direct des fraternités
Après cette intervention, trois laïcs dominicains apportent leurs
témoignages à propos de conditions concrètes d’annonce de
l’Évangile. Simone Bovar a témoigné de son expérience dans
l’enseignement : les élèves reçoivent ce qu’on ne leur impose pas,
surtout lorsque les échanges partent des questions concrètes qu’ils se
posent (avortement, tentative de suicide, drogue) ou de témoignages
qui les questionnent (Abbé Pierre, ATD Quart-monde).
Marie-Claire Potet a parlé de la grande diversité des situations dans
sa propre famille ; mais oser vivre ce qui est important pour elle, est
source d’échange et de question plus que de conflit. Enfin, Emmanuel
Bouclon nous a invités à réfléchir à
la double question : qui m’a transmis
la foi et qui ne me l’a pas transmise ?
Lui-même y répond ainsi : famille
et institution m’ont transmis des
«valeurs», mais ce sont ceux qui
m’ont écouté en vérité qui m’ont
éveillé à la foi.
Lundi matin, Catherine, en qualité
de responsable provinciale (et sans
doute aussi d’historienne avertie)
a reparcouru avec brio ces trois
journées. Retenons ici la douzaine
de mots qu’elle a relevés : écoute, confiance, distance, manque, désir,
alliance, filiation, transcendance, consentement, non-choix, choix du
Père, valeurs. Chacun de ces mots serait à commenter, car tous peuvent
être sources de malentendus. Catherine a encore souligné combien le
Concile Vatican II avait été présent dans nos échanges ; ce concile
a, entre autre, ressaisi la réalité du laïcat dans la longue histoire de
l’Église.
Le frère Réginald a rappelé que nous ne devions pas oublier la mission
apostolique de tout dominicain ; les assistants religieux auprès des
fraternités laïques sont d’abord au service de cette mission, il faudrait
réfléchir à leur rôle.
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Quelques éléments épinglés et énumérés en vrac : la prière et le chant
auprès du reliquaire de saint Vincent Ferrier dans la cathédrale de
Vannes, la splendide diversité des croix des pierres tombales dressées
dans l’abside de l’abbatiale Saint-Gildas, le sentier des douaniers
au petit matin ou au couchant, la voix de Stéphanie, la variété des
produits régionaux dont le Chouchen (hydromel de Bretagne) … .
Merci à tous les acteurs, majeurs ou discrets, qui ont permis la réussite
des ces Estivales ; la meilleure satisfaction pour eux a sans doute été
d’entendre la demande unanime que l’on recommence le plus tôt
possible.
Pour conclure par une prière, voici
une des intentions portées par
Barbara lors de l’Eucharistie du
dimanche : «Fais grandir en nous
le sentiment de fraternité pour que
nous devenions coresponsables
de la beauté et de la grandeur des
actes humains, mais aussi de leurs
vulnérabilités et de leurs fragilités.
Fais grandir en nous le goût des
autres, Seigneur nous t’en prions».
Michel Alibert
Michel Alibert, Responsable régional des Fraternités laïques
dominicaines Rhônes-Alpes Auvergne, est membre du Groupe
fraternel Yves-Congar à Lyon.
35
Nous recommandons à votre prière
les frères Adrien CANDIARD1,
Cyrille-Marie R1CHARD2,
Christian-Marie DONET3
ordonnés diacres,
al b u m p h oto
Texte
Fr. ..., o.p.
4
36
2
et le frère Raphaël de BOUILLÉ4
ordonné prêtre,
en l’église du Saint-Nom-de-Jésus
à Lyon, le dimanche 1er juillet 2012
par Mgr Henri TEISSIER,
archevêque émérite d’A1ger.
3
1
37
1
2
3
Le 1er septembre 2012, le frère Nicolas BURLE a été assigné au
couvent de Saint-Jean-Baptiste à Ottawa (Canada), pour raison
d’études.
L e carnet
O r dinations
4
Le 5 août 2012, les frères Further TOUMANDJI1 et Mervy Monsoleil
AMADI2 ont été ordonnés diacres au couvent de Saint-Dominique à Abidjan (Côte-d’Ivoire), par Mgr Pierre-Marie Coty, évêque émérite de Daloa.
Le 20 octobre 2012, Le frère Haavar Simon Nilsen3, sera ordonné prètre à Oslo.
Le 25 août 2012, les frères Jean-Marie GUEULLETTE et Benoît DELHAYE
ont été assignés au couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon.
Le 1er septembre 2012, le frère Marie-Augustin LAURENT-HUYGHUESBEAUFOND5 a été assigné au couvent de Saint-Pierre-Martyr à Strasbourg.
Le 1er septembre 2012, les frères Adrien CANDIARD6 et Rémi CHENO ont
été assignés au couvent de Notre-Dame-du-Rosaire au Caire (Egypte).
Le 1er septembre 2012, le frère Yvon GUENEDAL7 a été assigné au couvent
de Sainte-Anne à Rennes.
Le 1er septembre 2012, le frère Emmanuel DOLLE a été assigné au couvent
de Saint-Jacques à Paris.
Le 1er septembre 2012, le frère Adrien de FOUCHIER a été assigné au couvent de l’Annonciation à Paris.
Le 1er septembre 2012, les frères David-le-Duc TIAHA9 et Jean-Laurent
VALOIS10 ont été assignés à la maison de Saint-Louis-Bertrand à ClermontFerrand.
Le 1er septembre 2012, le frère Henrik ALBERIUS a été assigné à la maison
de Sainte-Marie-Madeleine à Lund (Suède).
Le 1er septembre 2012, le frère Marc-Antoine BECHETOILLE a été assigné
à la maison des Saints-Jacques-et-Philippe à Vilnius (Lituanie).
Le 1er septembre 2012, le frère Cyrille-Marie RICHARD a été assigné au
couvent des Sts-Dominique-et-Sixte à Rome, pour raison d’études.
6
7
Le 17 septembre 2012, le frère Patrick-Dominique LINCK a été
réélu prieur du couvent de Sainte-Marie-du-Chêne à Nancy.
Professions
A ssi g n a t i o n s
5
Elections
9
Le 1er septembre 2012, les frères Yvon GUENEDAL7 et MarieAugustin LAURENT-HUYGHUES-BEAUFOND5 ont fait profession solennelle au couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon.
Le 8 septembre 2012, les frères Pierre-André MAUDUIT, Charles
DESJOBERT, Grégoire LAURENT-HUYGHUES-BEAUFOND
et Olivier CATEL ont fait profession simple au couvent de St-Pierre-Martyr à Strasbourg.
Nominations
Le frère Jean-Luc VESCO a été promu au grade de maître en sacrée
théologie par le maître de l’Ordre.
10 Le 25 juin 2012, le frère Arne-Dominique FJELD8 a été institué
vicaire du couvent de Saint-Dominique à Oslo (Norvège).
Dé c è s
11
8
12
Le 9 juin 2012, est décédé le frère Auguste CHAPLAIN11, du couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon.
Le 10 juin 2012, est décédé le frère Arnfinn HARAM12, du couvent
de Saint-Dominique à Oslo (Norvège).
Le 15 juin 2012, est décédée Madame Denise PENTECOTE, mère
de notre frère Didier Pentecôte.
Le 22 juin 2012, est décédé le frère André COULEE, du vicariat
général de Saint-Thomas-d’Aquin en Belgique.
Le 19 juillet 2012, est décédé monsieur Michel LUNEAU, à l’âge
de 78 ans, frère du frère René Luneau.
Le 8 août 2012, est décédé le frère Clément HUMBRECHT, du
couvent de Saint-Pierre-Martyr à Strasbourg.
Le 19 septembre 2012, est décédé le frère Matthieu GOY KONGOMBETI4, du couvent de Saint-Joseph à Douala (Cameroun).
Carl Heinrich Bloch, Le Christ à la fontaine de Bethesda, vers 1850 →
Je n’ai pas lu que Jésus ait
été moine blanc, ni moine
noir, mais pauvre prêcheur,
et je veux suivre ses traces.
Les frères dominicains de la province de France
vous souhaitent une belle fête de tous les saints !