Phot.Vizzavona. PAUL JOUVE — TIGRECOUCHÉ(PEINTURE) NOS

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Phot.Vizzavona. PAUL JOUVE — TIGRECOUCHÉ(PEINTURE) NOS
Phot.Vizzavona.
NOS
PAUL JOUVE — TIGRECOUCHÉ(PEINTURE)
ARTISTES
(A propos
ANIMALIERS
d'une
GEORGES GARDET — MATERNITÉ
récente
exposition)
animalier est le seul de tous les
artistes qui n'ait qu'un maître : la NaL'ARTISTE
ture. L'obligation
où il est mis, par sa
de s'appuyer
même
d'animalier,
profession
toujours sur la Nature, — même dans ses
fantaisies décoratives les plus lyriques, — est
la conséquence
inévitable de la puissance
de
cette
Nature même. C'est poursubjective
et
quoi, malgré les diversités d'interprétation
d'expression, les animaliers gardent une homogénéité parfaite : la nécessité de rester en
contact immédiat avec la réalité naturelle les
libère des influences d'école, de mode et de
snobisme si multiples à notre époque.
Et ce n'est pas un paradoxe d'affirmer que,
loin d'être des attardés ainsi que peut le faire
désuète,
supposer leur forme apparemment
ils sont au contraire les précurseurs inconscients d'un retour cyclique à un classicisme
non point mort et cérébral ou purement analytique, mais vivant et réalisant la synthèse
des contacts giratoires,
que nous, artistes,
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L'ART
PIERRE
ET
LES
ARTISTES
LACROIX — HUPPES(MOTIFDE DÉCORATION)
nous sentons entre les êtres, les choses et
nous.
De tous temps, depuis l'époque magdalénienne jusqu'à nos jours, le souci de représenter l'animal et le cadre qu'il anime, s'est
perpétué dans le coeur des artistes; nos animaliers contemporains
semblent indiquer un
réveil de ce sentiment avec une plus grande
sûreté d'expression et un appréciable charme
poétique. Leur effort à fixer les images de
ce miroir qu'est la Nature, et qui réfléchit si
d'une manière si rituellement
fugitivement,
son
éternelle unité, est des plus
éphémère,
bénéfiques.
Nous ne saurions trop insister sur le courage dont fait preuve ce groupe d'artistes en
manifestant qu'ils aiment de tout leur coeur la
Bête et la Nature vierge et en consacrant tous
leurs efforts à cette étude : courage d'autant
plus beau qu'il n'ont pas à compter sur l'incohérence et le snobisme d'une époque aussi
troublée que la nôtre. Leur art est une ini-
tiation pour les citadins surtout : ceux-ci, en
effet, chez lesquels l'art se cantonne hélas presque exclusivement, et s'anémie en se cérébralisant outre mesure, ont plus que jamais besoin
de cette initiation
naturelle. Il serait bon
qu'ils y puisent l'amour du grand ciel libre
où respirent les nuages, de l'écorce vivante
des arbres, de leur feuillage sur le ciel ému,
de la terre fraternelle et vivante aussi, de l'eau,
de l'herbe, et des simples bêtes.
Sous l'initiative de son fondateur M. Armand Dayot, le Groupe des Artistes animaliers a organisé cette année sa quatrième
manifestation à la Galerie de la Ville-Lévêque.
Cette exposition a confirmé pleinement
le
succès des précédentes. Les sculpteurs, dont
M. Gardet, président de la société, les peintres
à la tête desquels s'illustrait une intéressante
rétrospective d'Alfred de Dreux, et les décorateurs, nous ont présenté des oeuvres tant
remarquables
que diverses, manifestant leurs
deux tendances habituelles : abstraction
du
Phot.Vizzavona.
GABRIEL SUE — DINDONS(PEINTURE)
262
NOS
ARTISTES
modèle isolé de son ambiance, ou bien représentation
de l'animal
dans son ambiance
comme partie liée à la nature nourricière dont
il est l'animation merveilleusement
adaptée.
D'autre part une autre classe utilisant le motif pour l'adapter à la décoration, a stylisé
le modèle étudié et donné libre cours à travers la logique indication des formes et
des couleurs, à sa fantaisie guidée par leur
caractère essentiel.
ANIMALIERS
Au centre de la salle, sur des colonnes
contraste l'âpre conception de
basaltiques,
Louis de Monard : quatre vautours groupés
sur ces blocs prismatiques,
repus, somnolents ou aux aguets, les ailes fermées comme
une gaîne ou abandonnées à la caresse de la
lumière, évoquent les oiseaux du lac Stymphale ou les mauvais anges de la
sur Delastrophe de Baudelaire
croix. La composition, destinée à
une dimension
triple en bronze
verdâtre devra émerger d'une pièce
d'eau. C'est grand. La vie y est
intense. L'art aussi. De Monard
anime la matière sans apauvrir
jamais la qualité de permanence
du bronze ou de la pierre. Il est
l'un des rares sculpteurs qui puissent associer la Nature à l'Homme
par ce lien décoratif qu'est la Bête
entre elle et lui, et il est souhaitable qu'un tel artiste puisse dresser comme on ne le fit plus assez
6
depuis le xvn siècle des groupes
décoratifs où la vie traverse le bloc
depuis la roche qui le supporte, les
joncs qui émergent au flanc des
motifs, jusqu'à l'expression synthé-
Le président des
Animaliers, le sculpteur Gardet, a un
seul envoi, et de petites dimensions,
à
côté de tant d'oeuvres
plus vastes du Maître, une « Maternité »
de fauves, groupe
blond et chaud, dans
la tonalité d'un marbre de Sienne, dont
les qualités souples
de félinité
tendre
donnent
la paradoxale expression de
la tendresse accessible au « coeur » des
bêtes féroces. Soude voir
haitons
érigés
promptement
à la porte Dauphine
les grands groupes
de cerfs de M. Gardet
qui attendent la trop
lente démolition des
fortifications
pour
prendre la place qui
leur est attribuée.
Phot.Vizzavona.
Gardet a atteint dans
LOUIS DE MONARD — VAUTOURS
la matière dure le madestinéà la décorationd'unepièced'eau).
(Groupe
ximum de souplesse
qui se puisse tenter.
M. Marx, dans le même marbre de Sienne,
tique de la nature que condense la forme
a exposé un « Groupe de singes » dont les humaine par l'intermédiaire
de l'animal.
mille nuances psychologiques, depuis les inHenri Vallette présente un admirable chat
flexions du pelage triste du singe jusqu'à
de marbre blanc : l'artiste a su démêler le
« la queue qui pend » de la guenon (suivant
subtil chevauchement
des plans infiniment
le terme de Kipling) exprime une impression
doux et rester maître de son oeuvre qui pas un
d'horreur qui surprend et qui touche aussi
instant ne dérive dans la suggestion. Tout est
Les plans
dit, simplement,
profondément.
puissamment.
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L'ART
ET
LES
ARTISTES
ailes, avec une crête et des barbillons d'un
rouge rose très juste de ton, cette oeuvre capitale est d'une exécution parfaite et équilibrée,
dont la réelle âpreté surprend sous cette main
de femme qui sait aussi exprimer toutes les
délicatesses.
Ed. Navellier est un maître qui incarne
l'exemple de la sagesse d'étudier toujours. On
reconnaît sa conscience et sa technique tant
admirée par ses nombreux élèves dans cette
débauche de mouvements où il fait ruer un
sont tous en rapport avec l'anatomie de la
fourrure, car celle-ci épouse toute la musculature du félin ramassée sous elle. Quelle
oeuvre silencieuse, évocatrice profonde de la
psychologie du chat, si complexe par sa douceur apparente, son hypocrisie, peut-être son
mépris et sa cruauté, sûrement sa royale et
lucide indifférence. Cette oeuvre est une, par
sa continuité, etc'est grandement comprendre
la vie que de la restituer ainsi.
Une artiste dont l'évolution s'affirme vers
PhotVizzavona.
PAUL MARCUEYZ — GRAND-DUC
la maîtrise: Mlle Piffard. Ses oeuvres antérieures témoignaient déjà de dons et d'intentions remarquables.
Les trois bronzes de
chiens de berger qu'elle nous présente aujourd'hui, se classent dans les plus belles de l'ensemble : volontaire et émue, la facture en est
pleine et garde les mêmes qualités de spontanéité que celle de la période où l'artiste
avait une facture plus cursive; l'un de ces
chiens, le nez dans le vent, roide sur ses
pattes, stylisé, évoque la « Louve » romaine
à Venise. Mais son « Coq orpington » est assurément son envoi le plus particulier : exécutée en taille directe dans la pierre, et
rehaussée de tons fauves au camail et aux
lourd rhinocéros, ou dans son groupe d'ânes
d'une patine si surveillée.
Charles Artus, un jeune animalier, présage
tout un avenir d'oeuvres vivantes par deux
belles esquisses très vibrantes : un sanglier et
un chien, ainsi qu'une étude de vache, révélant un rare souci de la forme.
P. Christophe.
Doué d'une sensibilité
profonde et réfléchie, ce très bel artiste témoigne d'une grande simplicité et d'une
mais il a une exspontanéité d'observation,
trême réserve; il résume, avec une compréhension si grande de sa propre vision, que
cet art d'omettre les détails reste inapparent.
On reste devant cette biche au repos, devant
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NOS
ARTISTES
ANIMALIERS
R. BIGOT — DINDONS(DESSINORIGINALA L'ENCREDE CHINE)
ce couple de mandrills
à grimace sombre,
comme devant la beauté originelle même.
« L'animal, sombre mystère, » disait Michelet, est là devant nous dans son aisance souple
et sûre de son secret. Ce qui l'anime est une
étincelle au-dessus de la matière et c'est elle
dont Christophe nous fait ressentir l'effluve
troublant.
C'est une affirmation
spirituel,
de puissance artistique très grande que de
traduire la Nature de si près qu'on rivalise
avec elle sur ses propres données.
Ch. Virion, groupe dans une grande vitrine une série de grès, en collaboration avec
M. A. Cytère, présentant
la bête luisante
d'écaillés ou évoquant quelque poterie villageoise.
Pierre
Lacroix,
pur décorateur,
stylise
l'oiseau dans une série de gouaches dont le
ferme dessin esthétique ne trahit pas la réalité initiale. Coloriste délicat — témoin ce
butor fauve étoile de noir, sur fond mauve.
Ce nouvel exposant aux animaliers
laisse
prévoir une évolution très personnelle.
Décorateur
Léo Laporte-Blair\y
aussi,
nous montre des vases de bronze avec des
poissons et des coquillages, des dessins décoratifs ingénieux pour broderies, et aussi un
cobaye en marbre de Sienne qui est à retenir.
Et voici maintenant
deux sculpteurs qui
ont pris le bois comme matière : R. Bigot
expose cette année à côté de ses admirables
aquarelles d'un si précieux coloris, un corbeau d'ébène macassar pillant une grappe,
traité fortement
dans une matière souvent
et puissamment
rebelle, oeuvre intensément
d'une grande
exécutée, avec des nuances
finesse; l'outil a emporté des copeaux comme
le ferait le sabotier, et donne à l'ouvrage une
force primitive extrême et d'une rare maîtrise.
A.-E. Le Bourgeois est un décorateur-né,
dont la souplesse allie à infiniment de connaissance de la vie naturelle une fantaisie
d'interprétation
inépuisable, l'extrême variété
du bois, son application
au meuble et à la
décoration extérieure font de ce sculpteur un
artiste tout à fait unique grâce à ses possibilités multiples dont l'animal lui fournit la
vivante ressource. Il faudrait une étude pour
parler de chaque pièce de son envoi, très
grand cette année, qui témoigne d'un goût
si avisé, tant par le choix des colorations que
par la plastique de la ligne.
Il sied de commencer par la rétrospective.
Chaque année, en effet, les Animaliers ont
une rétrospective : après Barye, Delacroix, cette
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L'ART
ET
LES
ARTISTES
L'effet le passionne et le jeu des valeurs,
la puissance des blancs et des noirs est chez
lui le leitmotiv qui lui permet d'analyser
toutes les formes, tous les pelages et les plumages. Un rehaut de couleur, fauve sur noir,
or sur argent, montre son désir de peintre.
Et lorsqu'il peint, c'est d'une façon compacte
qui atteint plus à la tache décorative qu'à la
vérité naturelle. Car Jouve est avant tout un
décorateur. Aubusson a tramé une tapisserie
sur ses indications, mais le résultat est moins
fois, c'est un peintre d'élégance souple et de
fougue racée.
Alfred de Dreux (i810-1860) peignait des
amazones et des cavaliers, des chevaux de
haute race et'des chiens. Les pièces prêtées
Tout
ici sont des toiles et des lithographies.
le monde connaît les chevaux pommelés,
aux
noirs ou bais aux croupes nerveuses,
sabots et oreilles, les amafines extrémités,
zones aux tailles minces et aux longues robes,
dans la
tout cela frémissant de mouvement,
Phot.Vizzavona.
M"0 JEANNE PIFFARD — COQORPINGTON
(Pierre,avecrehautspolychromes)
délicatesse fraîche des paysages que de Dreux
avec ce trait
dessinait
souple qui était
son secret, et cette rareté dans l'accord déliaristocracieux des tons dont la distinction
tique s'allie à la maîtrise du maître. La place
et
étant déjà trop restreinte pour énumérer
mettre en relief le talent des vivants, nous
celui du grand
ne pouvons
qu'effleurer
mériterait
une
peintre qui
longue étude. Que
soit remerciée l'obligeance des personnes à
les
qui nous devons d'avoir pu contempler
belles toiles du maître défunt.
Paul Jouve, qui fit des bronzes, aune oeuvre
et de graveur.
déjà célèbre de dessinateur
beau que la donnée: nous préférons la richesse d'une laque de Dunand, faisant mieux
valoir les qualités de ses panthères noires.
Citons, entre autres, une harpie, des fauves
sous un trait de silhouette autoritaire et gras,
tous les modelés étant indiqués avec les mulles possibilités
tiples « travaux » montrant
du graveur.
innombrables
Non loin de Jouve, un autre dessinateur
de fauves, un jeune invité étranger, le peintre
Trémond, expose six dessins
luxembourgeois
et
sensibles, où l'on sent ce qu'il
personnels
et
de grave dans les « féroces»,
a
de
large
y
de rude dans leur pelage fauve.
266
NOS
ARTISTES
Le maître Steinlein nous donne cette année
le spectacle toujours prenant de ses chats
mystérieux et faméliques, hantés dévie montmartroise.
Quelle assurance,
quelle force
et
de
concision
traduite
passionnée d'analyse
avec un fusain qui s'écrase en un trait énorme,
pesant ou léger, en taches estompées, en repentirs et en doubles traits, dans ces oeuvres
ANIMALIERS
cience et un métier impeccable toutes les
variations possibles de ce motif admirable.
Vyboud, graveur pur, à la facture sévère et
rompue à toutes les sciences du dessin, du
modelé et des valeurs, peint des natures
mortes qui sont des tours de force de fini
sans aucune fatigue, sans aucun retour. Dans
ce groupe de peintres à l'affût de la vie,
Phot.RrHuchet.
AUBOIS
ROGER REBOUSSIN — CERFTOUCHANT
magistrales dont les consciences aux possibilités illimitées sont seules capables.
Paul Marcuey\, envoie une série de dessins
à l'essence et au brou de noix, d'une technique
aisée, sombre, d'un aspect mélancolique et
sévère. Un grand-duc à plumage mou et
gris a été acheté par l'Etat, oeuvre belle de
nuances variant du blond au gris verdâtre.
Oger expose une série de chats gravés ou
dessinés, et tire avec une inlassable cons-
Vyboud nous montre que même dans la mort,
l'animal a encore sa beauté.
Edouard Doigneau, dont l'oeuvre vaste est
connu, rassemble cette année une série de
toiles qui sont autant d'étapes colorées de son
oeuvre et de ses voyages. Bretagne, Camargue, bords du Nil même, le peintre étale les
ressources graves de sa palette sur les chameaux, l'eau du fleuve et les voiles accablées
de lumière pesante. Sa jument alezane et son
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L'ART
PIERRE
ET
LES
ARTISTES
CHRISTOPHE — BICHEJAPONAISE
(BRONZE)
au bac de Ghiseh
poulain, ses chameaux
de son envoi.
le
culminant
marquent
point
Henri Rousseau nous frappe par ses compositions éclaboussées de gouache comme de
l'écume de ses chevaux arabes mouvant sous
leurs cavaliers roides en selle, dressés sur les
ciels torrides ou aux portes des villes algériennes en fantasias pleines de feu ou serrés en
colonnes fringantes. Les Alpes lui donnent le
motif de manteaux à laine bourrue, de chiens
hirsutes aux oreilles et aux yeux pointés vers
les horizons libres.
Jacques Nam, le dessinateur humoriste des
bêtes nous donne un aspect plus grave et plus
tendre de sa pensée dans sa peinture au couteau, trouvant dans les étalements, coloris,
la vérité d'expression des
plans juxtaposés,
modèles dont il vit entouré : fox-terriers,
chats, etc. Comme R. Bigot il se révèle
souvent un excellent sculpteur. Nous déplorons l'absence d'un de ses bronzes si souples
et si nerveux à cette exposition de 1922.
E. Mérite : Regardons toutes ses études,
peintures ou aquarelles, tous ses dessins, un à
tout ce que nous ignorons
un, recherchons
dans ce microcosme rassemblé en quelques
EDOUARD NAVELLIER — GROUPED'ANES
(BRONZE)
268
NOS
ARTISTES
ANIMALIERS
resterons
saisi de l'ardeur
cadres. Nous
d'observation
aiguë d'un artiste
qui s'est
voué aux attentes patientes du naturaliste, à
la capture des bêtes par les pièges les plus
divers,
collets,
par les armes,
trappes,
appeaux, cages, reginglettes et réseaux... Il
a logiquement
étendu son émerveillement
croissant à l'ethnographie
même dont il nous
donne ici quelques spécimens en des aquarelles d'objets à motifs zoomorphiques.
Gabriel Sue, lui, n'est pas seulement un
Nature et la Bête, l'arbre et le ciel, la mer
et ses rivages, les paysans et leur sol, peint
de grandes pochades dont la première préoccupation est la recherche de l'unité. Et certes,
voilà un souci d'universalité
qui sacre un
artiste et peut le conduire très loin, très
haut.
G.-F. Rotig aime surtout les forêts pour
y mettre sous leur lumière spéciale ses cerfs
et ses sangliers, ses chevreuils et ses renards:
effets délicats dans les contre-jours au halo
Phot.PaulLemare.
(PEINTURE)
JACQUES NAM — FOX-TERRIER
visuel sensible à tout ce que la nature conchez lui,
tient, c'est un peintre : l'animal,
n'est pas un motif unique ; il le voit seulement comme un motif d'une force particulière
de tons.à inscrire sur le fond, ou le terrain
sur lequel ses modèles portent leur accent et
leur ombre. Le résultat en est fort décoratif,
mais ses hardiesses larges et généreuses de
sont celles
couleur, de pâte ou d'indication
d'un peintre pur, amoureux de son terroir.
Il pratique l'élevage, la chasse, la culture
dans son domaine de Servanches
en Dorla
Sue
un
animalier
reliant
est
dogne.
qui,
clair, les gris brumeux et argentés du matin,
les mauves cendrés de la forêt à l'arrièresaison; — souci de dire le silence des grands
bois, la discrétion de la lumière hivernale
sur la neige, la bruine des marais.
Oberthiïr est un grand chasseur, un savant
initié à tous les vols des oiseaux de toutes
plumes. Ses sauvagines couvrent cette année
un grand panneau
de toiles d'atmosphère
claire qui affirment ses dons de coloriste et
d'observateur
puissant, avec une notion particulièrement
sensible de la mer où l'on
reconnaît le Breton.
269
L'ART
ET
LES
Pean de Saint-Gilles
a aussi l'âme d'un
chasseur, mais plus encore d'un amoureux de
la montagne. Nous augurons grandement
de
ce jeune peintre épris d'espace et de grands
plans. Ses oiseaux, aigles, chocards piquant
du bec sur le névé, palombes, sont indiqués
dans leur esprit et la logique de leur action.
a été sculpteur : il
M. Pean de Saint-Gilles
présage un avenir d'oeuvres puissantes
par
leur plastique.
cette étude par un arNous terminerons
tiste dont les toiles retiennent
l'attention
même du plus profane par leur sensibilité
lumineuse, par ce charme de sincérité dynamique qui émeut profondément en créant un
lien fraternel et intime entre l'eau, la terre,
le ciel, les bêtes et nous : Roger Reboussin
est un peintre très purement peintre et qui
demande à la nature de lui livrer ses secrets,
sans parti pris d'académisme
ou de moderen élève soumis de son
nisme, simplement
coeur. A l'affût, depuis des années, au fond des
campagnes de France, il épie avec une patience amoureuse et il note minutieusement
la vie, la Vie toute entière dont l'animal fixe
vivante
les correspondances
en synthèse
éparses. Il peint sans dessin préalable, des
HENRI VALLETTE
ARTISTES
oeuvres mûrement
méditées après l'émotion
la
Nature
lui a fournie; il conpremière que
naît la matière et la lumière, la couleur et
l'effet au point que certaines toiles sont d'un
mais parcourues par
mimétisme surprenant,
tel frémissement de sensibilité en contact un
direct avec l'ambiance fugitive, qu'elles sont
la matérialisation
de ce que la Nature a de
permanent et d'éternel. Plus qu'un animalier,
Reboussin peut sembler, au premier moment,
un peintre fervent de nature, car souvent,
chez lui, l'animal se fond dans le paysage
avec une telle fraternité entre eux qu'on en
oublie l'admirable et précise étude.
Les oeuvres de Reboussin sont des matérialisations authentiques de la vérité naturelle
initiale, et dans de grands panneaux de tapisserie, son âme de décorateur a su les fixer
avec le respect le plus profond des lois esthétiques. Ses motifs favoris vont de la biche au
sanglier et au renard, jusqu'au grand-duc, à
l'aire du faucon et à la petite bécassine, jusqu'au buisson où la nichée bée, jusqu'à
l'herbe de printemps où les papillons embrassent les fleurettes, et jusqu'au paysage où
il n'y a rien qui vive plus que l'eau qui court,
le ciel qui passe...
JEAN SYLVEIRE.
— CHATCOUCHÉ(MARBRE)
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