Floraison des arbustes – incidence des tailles
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Floraison des arbustes – incidence des tailles
Floraison des arbustes – incidence des tailles Pascal Prieur & Jac Boutaud - Association Les Arbusticulteurs S’il y a des idées reçues qui ont la vie dure, celle qui consiste à affirmer que la taille des arbustes se raisonne en fonction de leur période de floraison est assurément de celles-là ! En se référant à ce qui est régulièrement proclamé, les arbustes qui fleurissent en été se tailleraient ainsi en hiver, tandis que ceux qui fleurissent au printemps devraient se tailler une fois la floraison terminée. Quant à la nécessité de tailler, elle serait évidente : une plante qui n’est pas taillée serait forcément moins belle et moins florifère que si une taille régulière lui est appliquée ! Bien que l’intérêt d’un arbuste soit également lié à son port, la couleur ou la texture de son bois, la nature de son feuillage (forme, couleur…), la floraison reste souvent l’élément essentiel qui conduit à sa sélection. Mieux vaut donc procéder à un choix bien réfléchi, mais également effectuer les opérations d’entretien le mieux adaptées pour qu’elle produise durablement les effets escomptés. Modes de floraison… Pour une même espèce ou un même cultivar, la floraison peut varier selon la région, la météorologie ou des facteurs pédoclimatiques locaux. C’est ainsi que, pour une altitude et une latitude identiques, le décalage de floraison dû au climat général peut être important. Par exemple, le lilas commun, arbuste à floraison « printanière » sur le continent français, fleurit début juillet à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il devient donc une plante à floraison « estivale ». Pourtant, son mode de floraison reste identique, quel que soit le lieu considéré. Si la période de floraison est un élément important pour l’utilisateur, elle n’est pourtant que d’une utilité relative pour le gestionnaire, qui doit adapter son intervention au mode de fonctionnement de l’arbuste plus qu’à la saison de floraison, et adopter le geste le plus judicieux. Ainsi, tous les arbustes qui fleurissent en hiver ou au début du printemps le font sur des rameaux «t» programmés à fleurir au cours de l’année de végétation précédente, à partir de bourgeons floraux ou mixtes. La floraison peut également s’effectuer sur des bois de deux ans, parfois plus. De même, tous ceux qui fleurissent au cœur ou en fin d’été le font systématiquement sur des pousses de l’année en cours. En revanche, les principes sont beaucoup moins évidents pour les floraisons de mai/juin et parfois celles de début juillet. En effet, au cours de cette période, s’épanouissent des arbustes qui programment leur floraison sur les rameaux de l’année précédente et d’autres qui la programment sur les pousses de l’année. Par exemple, Hydrangea paniculata, qui programme sa floraison sur les pousses de l’année, fleurit approximativement en même temps qu’Hydrangea quercifolia, qui fleurit sur les bois d’un an, après avoir observé une longue dormance de ses bourgeons. Il est également fréquent que Spiraea x japonica ‘Anthony Waterer’ et Spiraea x notha, deux spirées qui fleurissent sur les pousses de l’année, s’épanouissent avant Spiraea nipponica ‘Snowmound’. Spiraea x brachybotrys fleurit encore plus tardivement. Pourtant, ces deux dernières fleurissent à partir de bourgeons mixtes programmés l’année précédente. De fait, pour tailler un arbuste, il est important de connaître la période d’induction florale (programmation de la floraison). À défaut, la période de floraison ne donnant pas toujours des renseignements fiables et la bibliographie spécialisée étant bien peu détaillée, la « lecture » de la floraison se fera par une observation méticuleuse de l’âge des rameaux qui portent les fleurs. … et modes de ramifications Cependant, connaître les modalités de floraison ne suffit pas pour tailler correctement les arbustes. Il faut également bien choisir les types d’interventions à leur appliquer. Et pour ce faire, la connaissance des modes de ramification est impérative. C’est l’occasion de rendre hommage à Pierre Raimbault, membre fondateur des Arbusticulteurs, qui a été l’un des premiers à formaliser une classification détaillée des modes de développement des arbustes. Certains arbustes se caractérisent par une aptitude à développer des rameaux d’autant plus vigoureux qu’ils sont proches de la base des rameaux de l’année pré- 25 cédente, de la souche ou émis à partir du sol. C’est la basitonie, qui se décline en basitonie de rameau, basitonie de souche ou basitonie souterraine selon l’origine de ces nouvelles pousses. Très nombreux sont les arbustes qui, comme la plupart des arbres, présentent une acrotonie marquée, en développant plus vigoureusement les pousses situées près de l’extrémité des rameaux existants. avant après taille d’entretien mais peuvent, pour des raisons essentiellement techniques (pour contenir ou réduire leur volume), être taillés. Dans ce cas, ils le sont comme les arbres, par sélection sur relais potentiels s’il faut les contenir ou par réduction sur prolongement ou têtes de chat pour des formes architecturées privilégiant la charpente. Ils peuvent également être régulièrement entretenus par tonte, pour les topiaires et les haies régulières. Les tailles de mise en valeur de la structure, à l’image de l’évolution naturelle d’une cépée, leur conviennent également, pour peu qu’ils disposent d’une place suffisante pour développer leur silhouette. À l’instar de la reconnaissance des modes de floraison, l’observation méticuleuse des arbustes permet de comprendre la construction des ramifications et donc d’en déduire les types de taille possibles. Bien sûr, pour ce faire, la plante ne doit pas avoir préalablement été trop maltraitée par des tailles inadaptées. Rameau d’Amelanchier canadensis avant et après une taille de diminution/éclaircie destinée à réduire son volume sans le dénaturer. Cette taille s’inspire de principes appliqués aux arbres © Jac Boutaud Types de taille, périodes d’intervention et incidences sur la possibilité de fleurir D’autres arbustes privilégient principalement des rameaux médians, développés à partir du milieu des axes existants, pour petit à petit prendre du volume (Sambucus nigra, Kolkwitzia amabilis, Lonicera maackii…) ou simplement pour renouveler partiellement leurs rameaux sans prendre de hauteur (Spiraea x vanhouttei, la plupart des Weigela et Deutzia…). Les tailles d’éclaircie sur souche n’enlèvent que les rameaux les plus vieux ou les plus frêles. Chez des arbustes qui fleurissent sur les rameaux de l’année précédente (souvent appelés à « floraison printanière »), elles sont traditionnellement effectuées après floraison. Elles peuvent pourtant être avantageusement pratiquées en cours d’hiver sans empêcher la floraison, car elles conservent les rameaux qui sont potentiellement le plus florifères ! Pour cela, seuls les vieux bois Chaque mode de ramification induit des modalités de taille particulières. La basitonie implique d’effectuer des éclaircies sur la base de la plante : les branches les plus anciennes, et donc les moins florifères, sont supprimées au plus près du sol. L’intervention, qui doit être plus ou moins régulièrement effectuée, stimule l’apparition de nouveaux rameaux sur la souche. Cette pratique mise en œuvre sur des plantes rejetant naturellement peu de souche est qualifiée de « basitonie d’éducation ». Les arbustes qui produisent essentiellement des rameaux médians peuvent être taillés sur relais potentiels, comme pour des arbres dont on souhaite contenir le volume en maintenant une apparence « naturelle », ou bien éclaircis sur souche s’ils sont aussi suffisamment basitones... Ces deux opérations peuvent se cumuler si nécessaire. 26 Quant aux arbustes acrotones, ils ne nécessitent pas de Massif de Forsythia WEEK-END ® ‘Courtalyn’ régulièrement éclaircis sur souche en cours d’hiver. Pourtant, leur floraison est abondante © Hervé Bichon – Essais « Arbusticulteurs » au lycée de Lomme doivent être supprimés, et les rameaux conservés ne doivent en aucun cas être raccourcis. Ces pratiques, déjà effectuées dans un grand nombre de collectivités, sont confortées par des essais effectués pendant plus de 10 ans par les Arbusticulteurs dans trois lycées : Lomme (Nord), Roman (Drôme) et Nérac (Lot-et-Garonne). Ces essais, appuyés sur des échantillons représentatifs, visaient à comparer le nombre et la vigueur des rejets de souche, mais également le nombre de fleurs, les temps de taille et les poids des rémanents. Ils ont bénéficié d’un précieux appui de Plante & Cité pour l’exploitation des nombreuses données recueillies. Ces essais ont notamment montré que des Forsythia WEEK-END® ‘Courtalyn’ annuellement éclaircis sur souche en hiver produisent autant de fleurs que des Forsythia identiques éclaircis sur souche après floraison. L’éclaircie sur souche en hiver permet en effet d’augmenter le nombre de rameaux engendrés et de leur donner plus de vigueur. La baisse de floraison n’est constatée que la première année, puisque le dynamisme de la souche n’a pu être préalablement renforcé. Pour les Philadelphus coronarius et les Weigela ‘Bristol Ruby’ présents sur les mêmes essais, les écarts de nombre de fleurs entre les sujets ayant subi des éclaircies hivernales et ceux ayant été taillés après floraison ne sont pas très importants. De nombreuses observations menées sur de multiples sites et sur d’autres essences arbustives à floraison sur des bois de l’année précédente montrent les mêmes tendances. Les tailles de diminution/éclaircie sur relais potentiels appliquées à des arbustes qui fleurissent sur les rameaux de l’année précédente et qui ont des ramifications médianes (Buddleja alternifolia, Cotoneaster franchetii, Lonicera fragantissima...) Cette haie d’Osmanthus heterophyllus est en cours de réduction de volume, selon la méthode de diminution/ éclaircie © Jac Boutaud ou qui sont acrotones (Cornus mas, Magnolia stellata, Laburnum...) diminuent plus ou moins leur potentiel de floraison. Mais elles ne la suppriment pas complètement dans la mesure où elles conservent de nombreux rameaux florifères. Les tailles de réduction par tonte sur prolongement ou sur têtes de chat éliminent tout ou partie des rameaux. Pratiquées en hiver, elles n’empêchent pas toujours la floraison des arbustes qui fleurissent sur les pousses de Bien qu’ils soient capables de fleurir à la même époque, Hydrangea paniculata (à gauche) fleurit sur des pousses de l’année et pourra être taillé par réduction sur prolongements, alors qu’Hydrangea quercifolia (à droite) fleurit sur les bois d’un an et pourra être taillé par diminution ou diminution/éclaircie © Pascal Prieur Hydrangea paniculata. Seul le sujet de droite a été taillé, par réduction sur prolongements. Ses inflorescences sont plus grandes que celles du sujet de gauche mais toutes les fleurs constituant les inflorescences sont de tailles sensiblement équivalentes © Pascal Prieur 27 l’année (il y a blocage du fait d’une trop forte vigueur chez certaines essences...). En revanche, ces mêmes tailles appliquées à des arbustes qui fleurissent sur les rameaux de l’année précédente, suppriment toute possibilité de fleurir sur les nouvelles pousses lors du printemps qui suit la taille. Seuls les arbustes qui fleurissent sur des rameaux âgés (Forsythia par exemple) peuvent fleurir en dessous du gabarit habituel de tonte. Les tailles de réduction par tonte effectuées sur ces mêmes arbustes en post-floraison permettront tout de même d’obtenir des fleurs, mais, selon que les arbustes seront principalement acrotones ou basitones, elles entraîneront les effets suivants : - plantes majoritairement basitones : tous les ans, de nouvelles pousses se formeront sur une structure qui vieillira un peu plus chaque année et finira par dépérir. - plantes majoritairement acrotones : la tonte revigorera les plantes, et la vigueur se fera au détriment de la floraison chez beaucoup d’arbustes. Pouvoir réaliser la quasi-totalité des tailles en période hivernale permet au gestionnaire de rationaliser les interventions dans beaucoup d’espaces accueillant des arbustes. Ne faire qu’un seul passage de taille sur chaque site permet de dégager de la disponibilité dès le début du printemps pour effectuer d’autres activités prioritaires (tonte des gazons, maîtrise des adventices, fleurissement événementiel...). Dans un contexte où les moyens humains et financiers diminuent et où la mise en place d’une gestion différenciée se généralise, cette nouvelle approche de la taille est un atout très important pour une meilleure organisation du travail Rapport entre vigueur et aptitude à fleurir Une plante qui pousse à bois ne pousse pas à fleurs. Ce principe est bien connu des arboriculteurs fruitiers. En effet, dans beaucoup de cas, vigueur végétative et floraison s’opposent. Si la plupart des arbustes fleurissant sur les pousses de l’année conservent leur aptitude à fleurir même en cas de très forte vigueur consécutive à une taille, d’autres ne produiront que des pousses végétatives et devront attendre une année supplémentaire pour être en mesure de fleurir. C’est notamment le cas de Nerium oleander, Hypericum ‘Hidcote’, Callicarpa, Amorpha canescens, Sorbaria sorbifolia... pour ne citer que des plantes de petit à moyen développement. Plus les plantes auront un potentiel de développement 28 important, moins elles seront capables de fleurir en cas de tailles sévères. Tous les végétaux continuent à fleurir même en l’absence de taille. Ceux qui perdent de leur intérêt lié à la floraison sont rarement des espèces types, mais presque toujours des cultivars nains, dépourvus d’acrotonie et de rameaux médians : ils finissent étouffés par leur basitonie. De nombreux arbustes acrotones seront d’autant plus aptes à fleurir que leur vigueur baissera. Aucune taille ne pourra alors favoriser leur floraison. C’est notamment le cas de Cornus mas (qui ne fleurit que sur les bois âgés et un petit peu sur la base des bois d’un an), de Viburnum x bodnantense (qui ne fleurit au mieux que sur l’extrémité des rameaux d’un an, quelle que soit leur longueur), de Cercis siliquastrum… Si une intervention est cependant nécessaire, elle devra être de faible importance et parfaitement raisonnée, par diminution sur relais potentiels ou éclaircie sur souche occasionnelle quand une basitonie existe (cas du Viburnum x bodnantense). Rapport entre taille des arbustes et dimension des inflorescences Certains arbustes ont des inflorescences groupées d’autant plus longues (Lagerstroemia, Hydrangea paniculata, Syringa vulgaris…) ou d’autant plus larges (spirées « d’été », Hydrangea arborescens...) qu’ils sont vigoureux. En revanche, la dimension des fleurs composant ces inflorescences reste a priori inchangée ou, du moins, ne varie pas dans les mêmes proportions que celle des inflorescences. La taille des arbustes dont la floraison est individuelle ne varie sensiblement pas, qu’une taille soit effectuée ou non (Hibiscus…). Et pour les arbres ? Comme le jardinier, l’arboriste peut vouloir, dans certains espaces arborés, combiner tailles architecturées sur charpente structurée et bénéfice de la floraison. Ainsi, Lagerstroemia, Koelreuteria, Sophora... peuvent fleurir malgré des tailles de réduction sur prolongement voire même sur têtes de chat, les fleurs se développant sur les pousses de l’année.
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