Bateau, météo, dodo

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Bateau, météo, dodo
Les Sables - Les Açores - Les Sables
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\ Divers
Bateau, météo, dodo
La lassitude commence à faire des ravages dans la
flotte des cinquante-huit Minis en route vers les
Sables d’Olonne depuis trois jours : un temps couvert,
une mer qui s’aplatit, un vent qui mollit en se
stabilisant, une météo sans grand changement à
venir. Mais pour s’échapper, il faut rester motivé, ce
que font les leaders qui creusent l’écart…
« Ah ! C’est pas si facile… Essaye encore une fois ! » La
réflexion de Casimir prend tout son sens au milieu de
l’Atlantique. Il faut encore barrer, encore rester rivé dans le Les petits airs commencent à
cockpit, user son pantalon de ciré sur les granulés irritant
sérieusement ralentir la flotte.
du pont, courber l’échine, se tordre le dos, étirer ses
articulations meurtries par les appuis incessants sur les cale-pieds, déployer ses bras
pour vaincre la tétanisation des muscles.
Encore une fois : manger à la va-vite un plat insipide et sans saveur, un lyophal, un
déshydraté à grumeaux, à moitié chaud, une substance sans odeur qui barbouille
l’intestin, provoque gargouillis et crispations stomacales. Ou grignoter des barres de
céréales, des arachides, un biscuit, une pâte d’amande, une poignée de raisins secs.
Boire, et boire encore pour ne pas se déshydrater, la hantise du marin.
Encore une fois : dormir en chien de fusil, agrippé dans la bannette au vent, sur les
voiles trempées, entre la caisse à outil et les jerricans d’eau douce, prendre un léger
repos d’une vingtaine de minutes, en stressant sur la stridence de l’alarme, un klaxon de
voiture aux tremolos décibéliques, sortir une tête engourdie pour vérifier le pilote
automatique, les réglages des voiles, le cap et la vitesse, replonger dans les bras de
Morphée pour une nouvelle tranche, une sieste d’une demie heure où s’entrechoquent les
scenarii, le sommeil paradoxal, les rêves les plus fous, les cauchemars les plus denses.
Encore une fois : reprendre cinq centimètres d’écoute, choquer un zest de bordure,
border la grand voile, remonter le chariot, vérifier que le génois ne frotte par sur le
chandelier, checker la poulie de renvoi qui donne des signes de fatigue, caler le matériel
à l’intérieur qui joue les filles de l’air à la vague, regarder son palan de quille criqué à
fond pour basculer le lest le plus au vent, faire l’inventaire de l’eau pour savoir s’il faut
en balancer à la mer ou économiser.
Encore une fois : la routine qui s’installe, les heures qui rythment la journée avec la
vacation de 11h02 TU (météo et classement), les contacts radio en VHF avec les
solitaires aux environs, les périodes de barre et de pilote, les habitudes. Une routine qui
doit perpétuellement être remise en cause pour ne pas relâcher son attention, pour ne
pas s’endormir au mauvais moment quand le vent bascule ou mollit.
Les heures s’égrainent, les milles défilent… lentement
Les milles succèdent aux milles mais les vitesses restent encore modestes : rien à voir
avec les surfs endiablés de la première étape ! Et c’est grand l’Atlantique… Un océan
encore respirant d’une longue houle de Nord, balayé par un zéphyr paresseux, plombé
par un ciel grisâtre, où les minuscules embarcations chahutent au gré des flots. Gagner
dans le Nord Est, sortir des métastases anticycloniques, trouver un flux porteur pour
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19/08/2006
Les Sables - Les Açores - Les Sables
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envoyer la bulle, la toile multicolore, la montgolfière de nylon, le tulle diaphane qui se
gonfle au moindre soupir. Mais il faudra attendre : les prévisions météorologiques sont
redoutables. La petite brise de secteur Nord qui sévit au large des Açores va s’envoler
vers d’autres cieux. C’est la pétole, du vent nul !
Des calmes qui ont déjà scotché double face les « Islandais » Gerard Marin (Escar
l’escala-CN. Llanca) et Dominik Zurrer (Ubik 245), auxquels se sont joints Dominique
Barthel (Yamm), Mathieu Girolet (Le roi du matelas) et Rémi Daudin (Déolen) : ces cinq
solitaires ne sont pas sortis de l’auberge… L’anticyclone des Açores vient de les coiffer, le
centre est pile sur leurs têtes ! Un nœud de vitesse au compteur alors qu’il leur en reste
plus de 900 milles avant d’atteindre Les Sables d’Olonne. Dur, dur. Mais la nature fait
toujours bien les choses : dans deux jours, un front va passer et leur amener un souffle
rafraîchissant.
Même devant, les leaders qui s’échappent inexorablement emmenés par Andraz Mihelin
(Adria Mobil Too) et Peter Laureyssens (Ecover) en prototype et Thomas Bonnier
(architecture élémentaire) en voilier de série, devraient se faire coiffer par les hautes
pressions…
Pour l’instant, tout va bien pour les leaders qui progressent encore à plus de six nœuds
en route directe mais déjà le peloton est un nœud moins rapide. Et très au Sud, les deux
skippers revenus à Horta pour réparer après le départ mercredi, Hugo Ramon (Emotion)
et Pierre Brasseur (Peintures Ripolin) pourraient fort bien créer la surprise : en restant
calés plus de 150 milles sous la flotte, ils pourraient éviter les calmes et faire une
trajectoire courbe en remontant vers l’Espagne qui auraient des allures de Solitaire du
Figaro ! Mais la route est encore longue. Pour l’instant, les solitaires vaquent à leurs
vagues et tentent de progresser au plus vite pour ne pas se faire manger par l’ogre
anticyclonique qui en a déjà avalé cinq…
DBo.
samedi 19 août 2006
Réalisation : Adonnante.com | Design : fabienne.est.une.indienne | Hébergeme
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