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mercredi 5 novembre 2014 – numéro 733
TV HORIZON 2018
CLES DE MARCHES & ENJEUX
Après les « Clés De Marches & Enjeux 2014/2017 » publié en Novembre 2013, NPA Conseil
renouvelle ce dossier et identifie les principaux enjeux pour le secteur des média et du numérique à
l'horizon 2018.
Chacun des pôles d'expertises de NPA Conseil fournit les clés d'analyse de ce marché en pleine
mutation. La première partie est consacrée à des prévisions de marché structurantes, servant de
cadre global pour comprendre les enjeux de demain : équipement des foyers, évolution des réseaux
et modèles de consommation.
Ensuite, NPA Conseil revient sur l'impact de l'arrivée de Netflix en France et envisage, à travers des
scénarios prévisionnels, les différentes conséquences sur le marché français.
D'autres enjeux ont également été identifiés, tel que le transfert de la « bande 700 », actuellement
utilisée pour la TNT en France et sa réaffectation au profit des opérateurs de télécommunications
mobiles.
Le développement de l'offre de recommandation à côté de l'offre de programmation pose la
question d'une plus grande personnalisation.
NPA Conseil examine aussi le Picture Marketing, outil qui permet aux marques de valoriser leurs
produits et services grâce à du contenu attractif, en favoriser le partage, de créer de l'engagement et
de la préférence de marque.
Sommaire
Les clés d’analyse d’un marché en pleine mutation ........................... 3
1.
ÉQUIPEMENT – La généralisation des terminaux mobiles connectés ................................................... 3
2.
RÉSEAUX – La confirmation de la montée de l’accès IPTV .................................................................... 5
3.
USAGES – Quels modèles pour la consommation audiovisuelle de demain ?....................................... 7
a)
TV en ligne – Confirmation du succès d’une nouvelle forme de consommation de la télévision ..... 8
b)
Vidéo physique – Vers une nouvelle taille critique de marché ? .................................................... 9
c)
Vidéo digitale à l’acte – Le téléchargement définitif pour redynamiser la consommation à l’acte ?
10
Netflix va-t-il tout changer en France ? Prévisions de marché ........ 13
1.
Scénario pessimiste : progression mesurée de Netflix et de l’activité SVOD en France ...................... 14
2.
Scénario optimiste : boom de Netflix avec des résultats conformes aux ambitions du groupe .......... 15
3.
Quelles conséquences pour les offres de Vidéo payantes par abonnement ? .................................... 17
4.
Quel impact de Netflix sur l’économie de la Vidéo ? .......................................................................... 19
5.
Vers une nécessaire évolution de la télévision payante par abonnement ? ....................................... 19
Transfert de la bande des 700 Mhz : un enjeu déterminant pour les
années à venir ........................................................................................ 21
6.
Une mise aux enchères des fréquences en 2015 ................................................................................ 21
7.
Une effectivité à l’horizon 2018-2020 ................................................................................................ 23
8.
Les futurs impacts pour l’audiovisuel................................................................................................. 24
Vers la personnalisation de la télévision ............................................ 26
1.
Une éditorialisation affinée ............................................................................................................... 26
2.
La variation des sources de recommandation pour les marques chaînes et marques programmes ... 27
3.
L’essor de la recommandation personnalisée .................................................................................... 29
Picture Marketing................................................................................... 31
1.
L’image, élément fondamental des stratégies de communication ..................................................... 31
2.
Explosion des usages de production et de partage des images sur les réseaux .................................. 32
3.
« L’image sociale », nouvelle création de valeur pour les marques.................................................... 34
4.
Best-cases : les ressorts des succès .................................................................................................... 36
Dossier NPA - numéro 733
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Les clés d’analyse d’un marché en pleine
mutation
1. ÉQUIPEMENT – La généralisation des terminaux mobiles
connectés
Autrefois souverain dans le foyer des français et voie d’entrée unique pour la consommation de contenus
audiovisuels, le poste de télévision doit aujourd’hui composer avec la concurrence des terminaux mobiles
connectés. Ces dernières années, ordinateurs portables, smartphones et plus récemment tablettes, se sont
véritablement imposés dans le quotidien des Français, contribuant tour à tour à une course effrénée vers le
multi-équipement. Fin 2013, les observations faisaient état de la présence de 6,5 écrans par foyer en moyenne1
(contre 4,4 en 2008), utilisés de manière successive ou simultanée, entrainant ainsi de profondes mutations
dans la consommation culturelle des Français. Une tendance au « multi-équipement », au « tout mobile » et au
« tout connecté », qui ne devrait pas se démentir à l’horizon 2018.
Évolution de l’équipement des foyers français en écrans multimédias
(2008 vs 2018 – en % de foyers)
2008
2018
98% des foyers équipés
6 foyers sur 10
Plus de 8 foyers sur 10
1 individu sur 10
3 individus sur 4
Moins d’1 foyer sur 10
Plus de 6 foyers sur 10
Source : Projections NPA Conseil sur données GfK/Médiamétrie
Marquée par la concurrence des autres supports de visionnage et par la transition dorénavant effective de
l’analogique vers le numérique (mettant un terme au besoin impératif de remplacement du parc de
téléviseurs), l’industrie des fabricants de TV n’a d’autre alternative que de se réinventer pour rester l’écran
dominant avec près de 98% des foyers français équipés à date.
Après l’échec de la 3D, taille et résolution d’écran semblent constituer les principales clés de succès pour
séduire des utilisateurs en recherche d’une qualité supérieure pour leur consommation de programmes
audiovisuels. En témoigne la progression de la taille d’écran moyenne vendue en France ces dernières années,
avec plus de 10 pouces gagnés en l’espace de 8 ans, pour établir un nouveau standard à 36 pouces en 2014.
Encore marginales à ce jour, les ventes de TV Ultra Haute Définition (UHD ou 4K) devraient se multiplier dans
les années à venir.
1
Référence des Équipements Multimédia, GfK/Médiamétrie
Dossier NPA - numéro 733
3
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Le développement d’une offre de contenus compatibles et la baisse progressive des prix attendue sur ces
modèles devraient encourager un nouveau cycle d’adoption chez les consommateurs. Sur les 5,3 millions de
ventes de téléviseurs prévues par l’institut GfK en 2014, près de 200 000 pièces devraient concerner des écrans
4K.
Côté services, la connectivité des téléviseurs sera au centre des enjeux. Le développement des offres Over The
Top (OTT) et l’amélioration des fonctionnalités des TV connectées pourraient donner un regain d’attractivité
aux écrans TV face à leurs concurrents nomades, avec une offre de contenus étoffée et la garantie d’une
expérience utilisateur de qualité (interfaces perfectionnées, confort visuel, possibilité d’un visionnage à
plusieurs, etc.).
Proche d’avoir atteint son niveau de maturité, le PC était présent dans 80% des foyers français fin 2013. Son
potentiel de croissance sera naturellement limité à l’horizon 2018 où 5% de foyers supplémentaires seront tout
de même susceptibles de s’être équipés.
Face à la concurrence des tablettes qui ont aujourd’hui la préférence des consommateurs, l’industrie du PC va
poursuivre le développement de son offre sur l’entrée de gamme (moins de 300 € TTC) et soutenir les
innovations mises en place ces dernières années (écrans tactiles, châssis convertibles, etc.). Bien que
répondant à des usages différents – production pour l’ordinateur contre consultation pour la tablette – le PC a
toujours un avenir et peut compter sur la montée des appareils hybrides (Tablettes PC) qui combinent les
caractéristiques des deux produits et dont les ventes pourraient dépasser les 350 000 unités fin 2014. Dotées
d’un écran tactile, d’un clavier détachable et d’une configuration PC, ces machines devraient toucher un plus
large public dès 2015 et voir leur taux d’équipement grimper dans les foyers.
Le Smartphone devrait demeurer le produit le plus vendu parmi les biens techniques dans les années à venir.
Sa vitesse d’adoption devrait en revanche s’atténuer au fil des ans dans le sillage d’un segment haut de gamme,
autrefois très dynamique, qui montre ses premiers signes de ralentissement et se rapproche de son point de
saturation. La croissance se fera sur les modèles d’entrée de gamme (moins de 200€ TTC) qui représenteront 3
ventes de mobile sur 4 en 2014 selon GfK.
La généralisation des smartphones dans les gammes des distributeurs et le remplacement progressif des
mobiles classiques, y compris auprès des franges de la population les plus réfractaires aux nouvelles
technologies, devraient mécaniquement accroitre le taux d’équipement des Français sur ce bien. 5 ans après
avoir franchi le seuil symbolique des 50% d’individus équipés, ce sont près des trois-quarts de la population
française qui devraient posséder un smartphone à l’horizon 2018.
Encore davantage que pour le smartphone (produit plus mature), le potentiel de croissance reste très
important pour la tablette qui demeure encore aujourd’hui réservée à une population jeune, urbaine,
technophile et au pouvoir d’achat suffisant.
La démocratisation de l’ardoise numérique au sein des foyers français devrait se faire sous l’impulsion des
ventes de modèles d’entrée de gamme. La largeur de l’offre désormais disponible (développement des
segments « 8 pouces » et « Enfant » notamment) conjuguée à la baisse vertigineuse des prix proposés et à
l’appui du secteur de la distribution devrait permettre au produit d’élargir son public. Le nombre de foyers
français équipés d’une tablette devrait ainsi être boosté dans les prochaines années, avec un taux
d’équipement multiplié par deux d’ici à 2018.
A l’image du smartphone, le rythme de croissance de l’équipement des foyers français en tablette devrait se
ralentir d’année en année. Son évolution ne devrait plus se faire qu’à un chiffre à partir de 2018 à l’approche
de son seuil de saturation et avec le développement des terminaux nomades concurrents : hybrides et
ultramobiles.
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Évolution de l’équipement des Français en terminaux mobiles
(2010-2018 – en % de foyers pour la tablette et en % d’individus pour le smartphone)
47%
68%
54%
60%
65%
29%
14%
Tablette
Smartphone
2%
2011
75%
47%
6%
2010
72%
39%
33%
24%
50%
57%
63%
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Source : Prévisions NPA Conseil sur données GfK/Médiamétrie
2. RÉSEAUX – La confirmation de la montée de l’accès IPTV
L’achèvement de la transition de l’analogique vers le numérique fin 2011 a profondément impacté les
habitudes des Français quant à leur manière d’accéder à la télévision. S’il demeure le premier mode de
réception TV des foyers français, le hertzien poursuit sa phase de repli progressif au profit quasi-exclusif de
l’IPTV (via ADSL ou fibre optique) qui a su séduire le grand public avec une offre multi-services et une
interactivité jugées innovantes. Avec une pénétration de 43,6% des foyers munis d’un téléviseur en 2014,
l’IPTV est le deuxième mode de réception TV et la première plate-forme de distribution d’offres de TV
payante. Un chiffre pratiquement multiplié par deux en seulement cinq ans et qui pourrait représenter plus
de la moitié des équipés TV d’ici à 2018 selon nos prévisions.
L’IPTV dispose d’une marge de progression importante et pourra bénéficier du socle d’abonnés au haut-débit
et très haut-débit (THD) qui a atteint 25,4 millions de foyers au deuxième trimestre 2014 selon l’ARCEP2. Si le
marché du haut-débit se rapproche de son niveau de maturité, celui du THD se développe progressivement
(+32% en un an pour compter 2,3 M d’abonnés à fin juin 2014), notamment sous l’impulsion de la fibre (+68%
en un an) dont le rythme de croissance est supérieur à ceux de l’ADSL et du câble sur la même période.
L’accroissement du nombre de foyers éligibles et la diversité des offres dorénavant disponibles pour un même
foyer sont autant de facteurs favorables à la montée du THD et par voie de conséquence à celle de l’IPTV dans
les foyers français.
Le dynamisme de l’IPTV a également eu des conséquences sur les modes de réception TV concurrents comme
le câble, en recul continu sur ses abonnements gratuits et payants, qui est dorénavant présent dans moins de
8% des foyers équipés TV. La réception satellitaire se stabilise autour de 25% des foyers français, avec une
répartition légèrement à l’avantage de sa version payante (13% contre 12% pour les décodeurs gratuits).
2
Observatoire des marchés des communications électroniques, ARCEP
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Évolution des modes de réception TV
(2010-2018 – en % de foyers équipés TV)
Source : Prévisions NPA Conseil sur données GfK/Médiamétrie, CSA et CREDOC
De plus, l’écart entre TNT et IPTV, les deux principaux modes d’accès, se réduit significativement quand le
périmètre d’observation est limité au poste principal du logement. Dans son rapport annuel sur la « Diffusion
des Technologies de l’Information et de la Communication dans la société française », le Credoc3 constate que
cet écart se réduit de manière très significative en passant de 12 points pour l’accès global (58% pour la TNT ;
46% pour l’ADSL et la fibre) à 1 point seulement sur l’écran principal du foyer (46% pour la TNT ; 45% pour
l’ADSL et la fibre) en 2013.
Il est intéressant de constater que cette différence d’équipement entre TNT et IPTV sur l’écran principal d’un
foyer s’amenuise d’année en année. Entre 2012 et 2013, celle-ci s’est contractée de 8 points, pour les résultats
du Credoc comme pour ceux du CSA. Dans le cas particulier des résultats issus de l’enquête du Credoc, le
prolongement de la tendance observée entre 2012 et 2013 devrait faire passer l’IPTV devant la TNT – sur le
poste principal – dès 2014. C’est déjà le cas chez tous les individus âgés de moins de 39 ans, ceux dont le foyer
abrite au moins quatre personnes, ceux qui sont diplômés au moins du baccalauréat ainsi que pour les
habitants de Paris et sa région.
Le rétrécissement de cet écart est tout d’abord dû à la montée en puissance de la TV sur IP sur l’écran principal
mais est également à mettre au compte d’un recul des accès TNT sur ce même écran. Si ces derniers restent
constants sur l’ensemble des postes TV présents dans les foyers, ils diminuent significativement sur le
téléviseur principal (-4 ou -3 points en un an). La tendance va se poursuivre dans les prochaines années
conduisant très progressivement la TNT à quitter l’écran principal pour se concentrer sur les postes
secondaires.
Répartition des modes d’accès principaux à la télévision
(2010-2018 – en % de foyers équipés TV)
Source : Prévisions NPA Conseil sur données GfK/Médiamétrie, CSA et CREDOC
3
Etude réalisée en juin 2013 sur la base d’entretiens face à face auprès de 2 215 individus âgés de 12 ans et
plus
Dossier NPA - numéro 733
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En conclusion, la période à venir devrait confirmer l’orientation prise ces dernières années avec un
prolongement des tendances observées jusqu’ici : poursuite de la progression de l’IPTV au détriment des
autres modes de réception (hertzien, satellite et câble).
Concernant la TNT, le principe de la réaffectation de la bande des 700 Mhz est désormais acquis, pour une mise
en œuvre à l’horizon 2018. L'adoption de nouveaux standards de compression et de diffusion (HEVC et DVB-T2)
pourrait permettre de compenser cette réduction de la bande passante allouée à l'audiovisuel. Mais aucune
décision n'est encore intervenue de la part des pouvoirs publics pour organiser leur introduction et, a fortiori,
leur généralisation. Et celles-ci exigeront en tout état de cause l'adaptation des équipements de diffusion et le
renouvellement par les ménages de leurs équipements de réception. La TNT va donc vivre une nouvelle étape
de sa jeune histoire. L’universalité et la gratuité restent deux atouts essentiels qui lui permettent de rester
totalement complémentaire des autres modes d’accès payants. En 2018, ses atouts historiques de gratuité,
d’anonymat, de fiabilité et de couverture étendue ne suffiront plus face aux différentes promesses de l’IPTV.
Puisque l’implémentation de l’interactivité sur la TNT via HbbTV tarde à se concrétiser, la prochaine
opportunité de modernisation de la plateforme - à savoir la diffusion en Ultra HD – apparaît comme cruciale
pour l’avenir du numérique terrestre. D’autant que l’ensemble des réseaux concurrents se préparent
activement. La montée en puissance de l'UHD favorisera de fait les technologies et réseaux à plus forte bande
passante : VDSL2, fibre, câble et satellite, au détriment de l'ADSL et de la TNT.
L'année 2016 pourrait de ce point de vue marquer une accélération, par la réduction du prix des téléviseurs
d'une part (NPA Conseil prévoit que l'écart existant aujourd'hui par rapport au prix des récepteurs HD sera
alors comblé) et d'une programmation sportive particulièrement riche (Euro de football en France, JO d'été au
Brésil…).
Enfin, et de manière concomitante, la période 2014 – 2018 va être marquée par un rapprochement progressif
du câble numérique et de la fibre et donc par l’effacement de la spécificité des deux réseaux historiques,
téléphonique et câble qui vont converger vers une même architecture et donc un marché commun. La rapidité
de ce rapprochement dépendra du niveau d'investissements sur le Très haut débit, avec trois évènements
principaux : le degré de mobilisation des pouvoirs publics aux niveaux national et local, les résultats d’une
réflexion déjà amorcée sur le démantèlement du réseau de fil de cuivre historique et enfin, la stratégie
d’investissements mais également la politique commerciale du nouvel ensemble né du rapprochement entre
Numericable et SFR.
3. USAGES – Quels modèles pour la consommation
audiovisuelle de demain ?
Musique, Vidéo, Télévision… l’industrie du divertissement a dû faire face à une évolution profonde ces
dernières années : le public a pris le contrôle sur sa consommation de contenus, s’affranchissant des choix qui
lui étaient imposés par les grands groupes. Le récent succès de la TV en ligne et des services de streaming
Audio témoigne de l’appétence des Français pour une consommation plus souple et davantage individualisée.
L'arrivée de Netflix en France mi-septembre fait écho à cette nouvelle tendance : le succès des offres
audiovisuelles légales passera à l’avenir par une créativité et une adaptation aux évolutions des usages du
public (richesse du catalogue, consommation illimitée, prix accessible, innovation technologique, accessibilité
sur tous les supports, etc.).
Dossier NPA - numéro 733
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a) TV en ligne – Confirmation du succès d’une nouvelle forme de consommation de la
télévision
4
Après une année 2013 record en nombre de vidéos vues (3,027 milliards ) mais morose en termes d’évolution
(+2%), 2014 devrait renouer avec une croissance soutenue, comme observé les années précédentes. Une
tendance due en grande partie à la poursuite des stratégies engagées par les éditeurs ces dernières années :
hyper distribution (y compris sur les plates-formes de partage de vidéos), offres de contenus toujours plus
abondantes et productions de nouveaux programmes exclusifs, meilleure ergonomie des services et
personnalisation plus poussée. Avec une progression de l’ordre 35% par rapport à 2013, la barre des 4 milliards
de vidéos visionnées devrait être dépassée pour la première fois de la jeune histoire de la TV en ligne. Une
prouesse qui confirme l’engouement des Français pour cette nouvelle forme de consommation de la télévision,
davantage en accord avec leur environnement technologique (multiplication des terminaux connectés) et leurs
nouveaux usages de consommation (flexibilité, nomadisme, interactivité sociale, etc.).
Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir. Elle s’appuiera sur l’évolution de l’équipement en
terminaux mobiles et en solution de télévision connectée qui devrait concentrer les deux-tiers des visionnages
de TV en ligne à l’horizon 2018. Dans ce contexte haussier, ce sont les écrans nomades qui devraient afficher
les plus forts taux de croissance d’une année sur l’autre. Une évolution qui viendra renforcer l’idée d’une
substitution des écrans mobiles (principalement des tablettes) aux téléviseurs secondaires des foyers.
Évolution de la consommation de TV en ligne
(2011-2018 – en millions de visionnages)
Source : Prévisions NPA Conseil sur données CNC, Régies et GfK/NPA Conseil
Répartition de la consommation de TV en ligne par support de visionnage
(2011-2018 – en %)
Source : Prévisions NPA Conseil sur données CNC, Régies et GfK/NPA Conseil
4
Baromètre de la télévision de rattrapage, CNC, Régies et GfK/NPA Conseil
Dossier NPA - numéro 733
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Le développement de l’offre (discussions autour de l’exploitation de films en TVR notamment) et l’amélioration
continue des services et des fonctionnalités (continuité multi-écrans par exemple) laissent augurer un bel
avenir à la télévision délinéarisée. Par ailleurs, certains évènements d’envergure planétaire, notamment les
manifestations sportives de 2016 et 2018 (Euro et Coupe du Monde de football, Jeux Olympiques d’été),
pourront stimuler de façon ponctuelle l’audience de la TV en ligne.
Pour autant, cette nouvelle accélération de la consommation de TV délinéarisée va intervenir dans un univers
de la distribution de contenus vidéo numériques de plus en plus concurrentiel. L’offre de programmes
audiovisuels est aujourd’hui pléthorique et va obliger les chaines à innover et à optimiser leur distribution pour
se positionner vis-à-vis de leur environnement concurrentiel et pouvoir conserver leur dynamique.
b) Vidéo physique – Vers une nouvelle taille critique de marché ?
Le marché de la Vidéo physique connaît un recul régulier de son activité depuis une décennie. En 2013, le
chiffre d’affaires des ventes de DVD et de Blu-ray est passé pour la première fois en-dessous de la barre
symbolique du milliard d’euros, soit moitié moins qu’en 2004. Les causes de ce déclin progressif sont
nombreuses. L’industrie Vidéo doit faire face à de profonds bouleversements : pouvoir d’achat des ménages en
berne, fragilisation de la distribution traditionnelle, équipement insuffisant en platines Blu-ray, explosion du
piratage, concurrence accrue des nouveaux modes de consommation de contenus vidéo qui cannibalisent
budget et temps de visionnage des consommateurs.
2014 devrait s’inscrire dans la continuité de 2013 qui avait vu une accélération de la décroissance du marché
Vidéo physique (-17% en valeur5) avec une nouvelle chute du DVD (-19%), format dominant qui représente plus
des trois-quarts des recettes Vidéo, conjuguée au recul soudain du Blu-ray (-9%) après plusieurs années de
croissance linéaire. Un format HD qui devrait enregistrer une deuxième baisse successive en 2014 de l’ordre de
-6%. Le chiffre d’affaires total Vidéo physique devrait s’établir autour de 800 millions d’euros fin 2014, soit
un repli de près de 14% par rapport à 2013.
La contraction des ventes Vidéo sur supports physiques est une tendance lourde de ces dix dernières années.
Une tendance qui devrait se poursuivre à l’horizon 2018 jusqu’à l’atteinte d’une nouvelle taille critique estimée
autour de 550 millions d’euros.
Entre-temps, le marché aura connu un ralentissement de sa décroissance à l’approche de son seuil de
stabilisation, avec des années en recul à un seul chiffre à partir de 2016. Le line-up très prometteur de ces
prochaines années (et ce dès 2015), les stratégies mises en place par les éditeurs et distributeurs du secteur
pour dynamiser la Vidéo (baisse des prix des nouveautés, développement d’Ultraviolet, etc.), l’arrivée de la 4K
ou encore les réflexions autour d’un assouplissement de la chronologie des médias et de mesures contre la
contrefaçon numérique sont autant de raisons de croire à ce scénario.
5
Baromètre Vidéo physique, CNC/GfK
Dossier NPA - numéro 733
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Évolution du chiffre d’affaires de la Vidéo physique
(2008-2018 – CA en millions d’euros)
1 384
1 419
CA Vidéo
2008-2018
1 388
1 223
1 116
929
2008
2009
2010
2011
2012
2013
800
2014
707
2015
-60%
650
601
559
2016
2017
2018
Source : Prévisions NPA Conseil sur données CNC/GfK
Le marché de la Vidéo évolue et tend progressivement à une dématérialisation certaine, à l’image de ce qui
peut déjà être observé sur les marchés leaders anglo-saxons (États-Unis et Royaume-Uni) où les difficultés du
marché physique ont été compensées par l’essor des offres digitales, notamment des services d’abonnement
illimité et de téléchargement définitif. Dans nos scénarios les plus optimistes, cette transition progressive du
physique vers le numérique pourrait permettre à l’industrie Vidéo de renouer avec la croissance à l’horizon
2016.
c) Vidéo digitale à l’acte – Le téléchargement définitif pour redynamiser la consommation à
l’acte ?
En comparaison des locomotives mondiales, la France accuse un retard dans sa phase de mutation qui peut
s’expliquer en partie par une difficile pénétration des usages dématérialisés en France, une barrière prix encore
élevée (notamment sur le download), une distribution partielle de l’offre de services et de contenus existante,
une chronologie des médias rigide (gel des droits VOD locative durant la fenêtre Pay TV et les fenêtres
ultérieures) et un engouement des Français pour les offres gratuites, qu’elles soient légales (TNT, TV de
rattrapage) ou illégales.
C’est dans ce contexte que le marché de la Vidéo digitale à l’acte (par opposition à l’abonnement illimité ou
SVOD) a enregistré un premier repli historique en 2013 (-6% en valeur) après plusieurs années de forte
croissance. Au-delà des causales citées plus haut, VOD locative et téléchargement définitif ont fait face en 2013
à l’historique performant de l’année précédente avec des titres particulièrement plébiscités par le public
comme Intouchables ou Hollywoo.
Malgré un développement de l’activité SVOD à prévoir, le paiement à l’acte devrait encore dominer le marché
de la Vidéo digitale dans les années à venir (87% de la consommation digitale légale payante en 2014). Pour
autant, achat et location à l’unité devraient connaître des rythmes de progression différents.
La VOD locative semble pour sa part arriver à maturité. Son évolution, continue jusqu’en 2012 avant un léger
recul en 2013 (-3%), devrait repartir à la hausse dès 2014 mais se faire de façon plus modérée pour atteindre le
palier des 200 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018.
A paramètres constants, l’un des leviers de croissance additionnelle sera le recrutement de nouveaux
utilisateurs qui semble avoir atteint ses limites à ce jour mais qui pourrait être redynamisé par l’arrivée de
nouvelles offres et/ou une distribution plus large des offres existantes. La VOD étant avant tout un marché
éditorial, son succès dans les années futures sera également dépendant de l’offre disponible.
Dossier NPA - numéro 733
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A ce titre, comme pour son homologue physique, la Vidéo digitale pourra compter sur des sorties
particulièrement attendues par le grand public entre 2015 et 2018.
Les performances du téléchargement définitif en France sont quant à elles difficilement mesurables à ce jour.
Ce mode de commercialisation reste l’apanage des géants extracontinentaux (Apple en tête, Sony, Microsoft)
qui ne communiquent leurs données à aucun institut dans l’Hexagone. De fait, sur la base des estimations du
baromètre digital GfK-NPA, l’activité EST était évaluée à 43 millions d’euros en 2013. Pour les raisons citées ici,
estimer son potentiel de recettes à l’horizon 2018 est un exercice délicat et incertain.
Les tendances observées sur ce marché outre-Atlantique, certes plus mature et avec une appétence avérée des
consommateurs américains pour la propriété numérique, laissent toutefois entrevoir de sérieux motifs d’espoir
pour l’essor du format en France. Ainsi, au premier semestre 2014, l’EST a enregistré une nouvelle hausse de
6
son activité aux États-Unis avec des recettes en progression de 37% par rapport à 2013 .
Leader du marché sur le territoire US, Apple est évidemment un acteur majeur de cette croissance. Mais la
firme de Cupertino n’est plus seule désormais. Bien que renforcé par son partenariat privilégié avec Disney
(Disney Movies Anywhere), iTunes doit aujourd’hui composer avec la concurrence de services puissants et
dorénavant installés dans le paysage du téléchargement Vidéo aux États-Unis.
Avec plus de 19 millions de comptes crées à travers le monde à date, le service Ultraviolet a connu une forte
expansion en seulement 3 ans d’existence, principalement aux États-Unis (16 M de comptes) mais aussi en
Europe (notamment au Royaume-Uni avec 1,4 M de comptes). Bâti sur l’idée d’un écosystème contrôlé
permettant à ses utilisateurs de profiter de leurs contenus audiovisuels sous le format de leur choix (support
physique, streaming, download) et sur le support de leur choix (interopérabilité maximale des appareils de
lecture), le service UltraViolet, et l’engouement qu’il suscite, offre de nouvelles perspectives aux acteurs de la
Vidéo à l’international.
Lancé il y a tout juste un an en France, UltraViolet tarde à prendre son envol sur notre territoire (70 000
comptes fin juin 2014). Les facteurs explicatifs de ce retard à l’allumage sont nombreux. Le succès d’UltraViolet
repose principalement sur l’adhésion au service du plus grand nombre d’acteurs dans les pays où il opère. En
France, seuls 3 studios hollywoodiens sont présents sur la plate-forme (Universal, Paramount, Warner) et on ne
dénombre aucun studio français à ce jour. Cette situation a un impact évident sur l’offre de titres disponibles,
encore très limitée pour le moment. Les acteurs de la distribution manquent également à l’appel. Aux ÉtatsUnis ou au Royaume-Uni, la distribution physique a joué un rôle prépondérant dans le développement
d’Ultraviolet (Walmart, Target, Tesco, etc.) et dans sa promotion auprès du grand public. Cette situation
spécifique à la France pourrait évoluer très prochainement avec l’annonce faite par Carrefour sur un possible
partenariat. Une collaboration qui permettrait à UltraViolet de bénéficier de la puissance du réseau du leader
français et européen de la grande distribution (près de 4 800 magasins en France fin 2013). L’essor
d’UltraViolet en France passera également par un important travail de communication et de pédagogie autour
du service, de ses fonctionnalités et de ses bénéfices auprès du public. Enfin, il convient de rappeler que le
déploiement rapide d’UltraViolet aux États-Unis a également été favorisé par l’initiative Digital HD et la
création d’une fenêtre d’exploitation exclusive à l’achat définitif, en qualité HD mais à un prix inférieur à celui
du Blu-ray et ce, jusqu’à quatre semaines avant l’ouverture des fenêtres VOD, DVD et Blu-ray. Une initiative qui
donne encore davantage à réfléchir à une possible révision de la chronologie des médias sur le territoire
français.
Le marché du téléchargement définitif pourrait donc s’ouvrir en France dans les années à venir si certaines des
barrières citées plus haut venaient à être levées. Un potentiel d’affaires qui attire les convoitises et voit naître
un nombre grandissant d’initiatives à l’image du lancement de l’EST sur les box d’Orange en février dernier.
L’inconnue restera de savoir si le téléchargement définitif profitera à ces nouveaux entrants ou si nous
assisterons à une situation de duopole avec ITunes et UltraViolet.
6
First Half 2014 Home Entertainment Report, DEG
Dossier NPA - numéro 733
11
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Là encore l’exemple nord-américain est intéressant et laisse penser que les opérateurs ont toute leur place sur
ce nouveau marché. De fait, Comcast, premier câbloopérateur du pays avec plus de 23 millions d’abonnés TV,
s’est lancé l’an dernier sur l’EST avec un succès fulgurant malgré le choix d’un format pour l’instant
incompatible avec le standard UltraViolet. En un seul trimestre, la part de marché de Comcast est passée de 0 à
15% sur l’EST. Un an après, malgré l’absence de données publiques, Comcast revendique son statut de
deuxième acteur le plus important, derrière iTunes mais devant toutes les autres plates-formes numériques7.
Dans ce contexte, nous tablons sur une progression linéaire du téléchargement définitif en France ces quatre
prochaines années, avec un atterrissage 2018 multiplié par deux par rapport à 2013 pour s’établir autour de 80
millions d’euros de CA.
Évolution du chiffre d’affaires de la Vidéo digitale à l’acte
(2010-2018 – CA en millions d’euros)
199
137
49
225
212
269
231
257
280
245
58
65
73
80
EST
VOD
49
41
50
5
150
176
170
181
187
192
196
200
132
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Source : Prévisions NPA Conseil sur données CNC/GfK
Le modèle de la propriété numérique sera vraisemblablement essentiel pour compenser les pertes enregistrées
par les supports physiques. Nul doute qu’il sera poussé par les éditeurs dans les années à venir car plus
rémunérateur. La question de son expansion restera toutefois suspendue à la concurrence accrue des autres
modes de consommation vidéo, notamment des offres par abonnement.
7
Matthew Strauss, GM Video Services chez Comcast : “We’re definitely one of the top two” in “Deadline Q&A:
Can Matt Strauss’ Hollywood Deals Help Comcast Defend Cable?” deadline.com, 21 juillet 2014
Dossier NPA - numéro 733
12
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Netflix va-t-il tout changer en France ?
Prévisions de marché
Parmi toutes les offres de contenus audiovisuels disponibles sur le marché, celles reposant sur un mode d’accès
par abonnement sont certainement celles dont l’évolution est la plus imprévisible. Elles sont aussi celles qui
cristallisent le plus l’attention. Un mois et demi après le lancement officiel de Netflix en France, NPA Conseil se
risque à un exercice de projections délicat sur le développement de la firme de Los Gatos dans l’Hexagone, son
potentiel en termes d’abonnés et de chiffre d’affaires à l’horizon 2018 et, bien sûr, son impact sur le marché
SVOD et le marché connexe de la TV payante.
Fin 2013, le marché de la SVOD générait près de 28 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit une hausse
sensible de 4% par rapport à 2012. Les huit premiers mois de l’année 2014 témoignent quant à eux d’une
accélération de la croissance de l’activité SVOD avec une évolution à +11% comparativement à la même
période en 2013. Cette tendance devrait être renforcée sur le dernier trimestre de l’année par le déploiement
effectif du géant américain, conjugué à la riposte de CanalPlay (à la fois sur les aspects techniques, éditoriaux
et médias), ce qui devrait donner un coup de fouet à la SVOD dont le CA pourrait avoisiner 35 millions d’euros
fin 2014 (+25%).
Évolution du chiffre d’affaires de la SVOD
(2010-2014 – CA en millions d’euros)
+25%
+4%
15
20
2010
2011
27
28
2012
2013
35
2014
Source : Prévisions NPA Conseil sur données CNC/GfK
La question du rythme de croissance de Netflix se posera dès 2015. Les premiers chiffres qui ont circulé
quelques semaines après le lancement du service sur le sol français semblent décevants au regard des objectifs
particulièrement ambitieux du groupe (« conquérir un foyer français sur trois au cours des cinq à dix prochaines
années », selon Reed Hastings). La plate-forme américaine compterait 100 000 utilisateurs dans l’Hexagone, un
niveau qu’elle ne confirme ni ne dément pour le moment.
Compte tenu des nombreuses incertitudes qui pèsent encore sur le marché SVOD à ce jour (chronologie des
médias, pénétration de l’usage, investissements des plates-formes en termes de droits et d’innovation,
partenariats de distribution, pouvoir d’achat des ménages, lutte anti-piratage), il nous semble raisonnable
d’envisager plusieurs scénarios prospectifs où le niveau de développement de Netflix sera fonction de
l’évolution de ces paramètres.
Ainsi, deux scénarios ont été retenus afin d’appréhender l’évolution 2015-2018 : un premier dit « pessimiste »,
avec une progression mesurée de Netflix et du modèle SVOD, un second dit « optimiste » avec, à l’extrême,
une explosion du service américain et un niveau d’activité plus conforme à ses ambitions.
Dossier NPA - numéro 733
13
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1. Scénario pessimiste : progression mesurée de Netflix et de
l’activité SVOD en France
La lente démocratisation de l’usage SVOD en France, l’existence de services similaires sur le territoire national
depuis 2008 sans que cela n’entraîne une adhésion massive du public, la profusion d’offres gratuites (TVR, TNT,
sites de partage de vidéos) et l’appétence des Français pour celles-ci, l’absence d’une politique efficace contre
la prolifération du piratage ou encore le maintien d’une chronologie des médias défavorable au
développement de ce type d’offre sont autant de facteurs qui tendent à minimiser le potentiel de
développement de Netflix dans l’Hexagone.
A cela, il faut ajouter la concurrence féroce à laquelle devra faire face le service américain. Concurrence
frontale d’autres services généralistes comme Jook Video mais surtout CanalPlay. CanalPlay est aujourd’hui le
leader du marché et bénéficie de l’aura et du savoir-faire du Groupe Canal+ dans la sélection et
l’éditorialisation de contenus audiovisuels mais aussi d’une excellente distribution (FAI, services OTT) et d’un
catalogue récemment enrichi (plus de 10 000 titres), signe d’une politique volontariste sur la négociation des
droits (accord conclu avec HBO courant septembre 2014) et enjeu majeur de ce marché. Une compétition à
laquelle seront aussi susceptibles de se mêler quelques géants de l’industrie (Orange, Amazon, Hulu, Google,
etc.). Et enfin, une concurrence plus indirecte avec la présence de challengers sur des offres de niche comme
FilmoTV pour le cinéma ou Gulli Max, Dailymotion Kids pour la jeunesse.
Netflix présente par ailleurs de sérieuses lacunes sur deux des principaux facteurs clés de succès sur le marché
de la VOD par abonnement : la distribution et les droits d’exploitation des œuvres.
Disponible sur les services OTT et les box d’Orange et de Bouygues Telecom, la plate-forme américaine n’est
pas encore parvenue à un accord avec Free et Numericable, à la différence de son concurrent le plus sérieux
CanalPlay. Une absence de partenariat avec des acteurs majeurs de la distribution numérique qui pourrait
constituer un frein non-négligeable alors même que le géant US souhaite couvrir la cible la plus large possible.
De plus, si Netflix peut légitimement constituer un produit d’appel pour une migration sur un modèle de box
supérieur ou sur une offre premium des FAI, il paraît peu probable que les opérateurs en fassent une
promotion démesurée afin de ne pas cannibaliser leurs activités de distribution (voire d’édition dans le cas
d’Orange), plus rémunératrices que les conditions désavantageuses décidées par le géant US.
Le catalogue disponible au lancement de Netflix a pour sa part été jugé décevant avec une offre restreinte
(7 873 titres disponibles8) et des absences de marque. Côté Cinéma, outre les restrictions imposées par la
chronologie des médias en vigueur (respect d’un délai de 3 ans après la sortie d’un film pour son exploitation
ème
en SVOD), le catalogue de Netflix se fait remarquer par l’absence de grands classiques du 7 art (Hitchcock,
Chaplin, Sergio Leone ou Orson Welles) et une offre de films récents (sortis avant octobre 2011) dépourvue elle
ème
aussi de ses plus gros blockbusters (Harry Potter et les Reliques de la Mort 2 partie, Pirates des Caraïbes la
Fontaine de Jouvence, Le Discours d’un Roi, etc.). Côté Série TV, si certaines des licences phares du moment
sont bien présentes (The Walking Dead, Breaking Bad, How I Met Your Mother ou Orange is the New Black),
nombre de séries cultes manquent à l’appel (Friends, The Simpsons, X-Files, Lost) tout comme le catalogue de
son grand concurrent aux USA HBO (Game of Thrones, The Sopranos, The Wire, Sex and the City). Un
phénomène qui s’étend à quelques-unes des productions emblématiques du groupe comme Lilyhammer ou
House of Cards, actuellement sous droits TV sur la chaîne Canal+. S’il ne fait nul doute que l’offre de Netflix
devrait rapidement s’étoffer, les trous béants apparus dans son catalogue de lancement pourraient pénaliser la
plate-forme à l’heure où elle doit convaincre ses premiers utilisateurs français de prolonger leur abonnement
après un premier mois d’essai gratuit.
8
Baromètre des offres SVOD en France, NPA Conseil
Dossier NPA - numéro 733
14
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La somme de ces éléments, volontairement regroupés dans un scénario noir, pourrait limiter le rythme et la
marge de progression du service US en France. Dans ce scénario pessimiste, Netflix atteindrait la barre
symbolique du million d’abonnés à l’orée 2018. Un résultat nettement en-deçà des ambitions du groupe qui
sonnerait comme un échec pour l’ogre américain.
2. Scénario optimiste : boom de Netflix avec des résultats
conformes aux ambitions du groupe
Après un lancement en France accompagné d’une médiatisation et de dépenses marketing sans précédent
dans l’univers de la Vidéo par abonnement, le géant américain commence par séduire les plus curieux, les
cinéphiles, les férus de séries TV et autres initiés aux offres de SVOD ou de télévision payante. Son savoir-faire
technique est unanimement reconnu (fluidité de navigation, recommandations personnalisées, etc.). Sous
l’effet de son offre promotionnelle (1er mois d’essai gratuit), la plate-forme US convainc et recrute de nouveaux
abonnés à un rythme soutenu. A l’image des offres de streaming Audio illimité (Deezer, Spotify, Qobuz, etc.), le
modèle de la SVOD séduit et s’installe progressivement dans les nouveaux usages de consommation Vidéo des
Français.
Rapidement le service américain s’adresse aux masses en multipliant des partenariats de distribution solides.
D’abord réfractaires à l’annonce de l’arrivée de Netflix sur le sol français, les opérateurs internet se laissent
persuader et scellent tour à tour des accords avec la firme de Los Gatos pour rendre sa plate-forme accessible à
tous. L’arrivée des box Android chez les opérateurs (SFR, Bouygues Telecom) profite à Netflix, intégré d’office
dans le Play Store de Google mais également présent dans les offres premium des opérateurs en raison de son
attractivité et de sa dimension multi-écrans qui constituent des leviers stratégiques essentiels pour la
migration de leurs abonnés vers le très-haut débit.
Comme détaillé précédemment (cf. I. Équipement – La généralisation des terminaux mobiles connectés),
l’élargissement du parc d’écrans multimédias joue lui aussi un rôle prépondérant dans l’essor du service SVOD
qui a vocation à être utilisé sur l’ensemble des supports existants (tablettes, smartphones, ordinateurs et TV).
Dans le même temps, le déploiement national de la 4G accélère la généralisation des usages SVOD et d’une
consommation de contenus vidéo en mobilité.
De plus, le scénario « optimiste » prend en compte le fait que le catalogue proposé aujourd’hui est très
différent de celui qui sera accessible dans les prochaines années. Nerf de la guerre, l’offre éditoriale de Netflix
est en effet regonflée au moyen d’investissements sans commune mesure dans un contexte hyper
concurrentiel. Le catalogue se redessine d’année en année pour se rapprocher de son homologue américain.
Netflix semble capable de transposer en France le modèle qui a fait son succès outre-Atlantique : acquisition
d’œuvres premiums et exclusives, certes peu nombreuses par rapport au reste du catalogue mais suffisantes
pour susciter l’abonnement. L’offre s’enrichit de manière significative et en particulier sur les œuvres Jeunesse,
contenus hautement stratégiques pour le recrutement et la fidélisation du public Enfant, véritable prescripteur
du service dans les foyers. Le groupe a obtenu des accords exclusifs de diffusion avec Disney (à partir de 2016),
Dreamworks (portant sur plus de 300 heures de contenus) et Time Warner (programmes Cartoon Network et
Warner Bros.). En parallèle, Netflix intensifie sa politique de productions originales et multiplie les nouvelles
séries (Marco Polo, Daredevil, Bloodline, Sense8, F is For Family, Marseille). La plate-forme leader du streaming
Vidéo aux États-Unis franchit également une nouvelle étape dans sa démarche d’intégration verticale et se
lance dans le financement d’œuvres cinématographiques en vue d’une exploitation ultérieure. La firme de Los
Gatos se positionne également sur la réalisation et la diffusion exclusive d’un talk-show, avec un lancement du
programme sur sa plate-forme dès 2016.
Dossier NPA - numéro 733
15
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Enfin, dans ce scénario optimiste pour Netflix, nous pouvons imaginer un assouplissement de l’actuelle
chronologie des médias avec un raccourcissement des délais de mise à disposition des films en SVOD, passant
de 36 à 18 mois selon les recommandations des rapports Lescure et Bonnell ou à 24 mois selon la proposition
du CSA. Une modification qui semble encore lointaine vu les dernières positions des acteurs réunis par le CNC,
mais qui permettrait l’intégration d’une offre de Cinéma plus fraiche dans les catalogues SVOD et davantage en
adéquation avec les attentes du public.
La mise en place de mesures contre la contrefaçon numérique (déréférencement ou blocage des sites illégaux,
sensibilisation des régies publicitaires, annonceurs ou acteurs du paiement en ligne) pourrait elle aussi
bénéficier à Netflix. Avec un catalogue profond et accessible en illimité, des œuvres populaires, des contenus
disponibles en HD et en UHD, une facilité d’accès et d’utilisation sur tous les supports, le service américain
pourrait être une solution palliative au piratage et permettre de convaincre les internautes d’opter pour une
offre légale payante à moindre coût.
Cette hypothèse de développement ambitieux, davantage en accord avec les objectifs assignés par la direction
de Netflix, amène à penser que le service américain pourrait être adopté par près de 2,7 millions de foyers
français d’ici à 2018, soit environ 10% des foyers français à cette échéance.
Les deux scénarios retenus par NPA Conseil et détaillés ci-dessus ont fait l’objet de projections sur le potentiel
de croissance de Netflix à l’horizon 2018. Pour chacun des scénarios un postulat identique : Netflix comptabilise
300 000 utilisateurs français, gratuits et payants confondus, à fin 2014.
Évolution du nombre d'abonnés Netflix
(2014-2018 – en milliers d'abonnés)
Évolution du chiffre d’affaires de Netflix
(2014-2018 – en millions d’euros)
Source : Projections NPA Conseil
Dossier NPA - numéro 733
16
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Évolution du nombre d’abonnés et du chiffre d’affaires de Netflix
(2014-2018)
Scénario pessimiste
Scénario optimiste
Nombre
d’abonnés
CA (K€)
Nombre
d’abonnés
CA (K€)
300 000
2 697
300 000
2 697
-
-
-
-
2015
600 000
36 679
900 000
55 019
Évol. vs n-1
+100%
+1260%
+200%
+1940%
2016
800 000
51 782
1 800 000
124 062
+33%
+41%
+100%
+125%
950 000
64 728
2 300 000
169 372
+19%
+25%
+28%
+37%
1 100 000
77 134
2 700 000
210 366
+16%
+19%
+17%
+24%
2014
Évol. vs n-1
Évol. vs n-1
2017
Évol. vs n-1
2018
Évol. vs n-1
Source : Projections NPA Conseil
L’évolution du chiffre d’affaires dépend du nombre d’abonnés recrutés par année et de la variation du prix
moyen de l’abonnement estimée en tenant compte du ratio utilisateurs gratuits / payants sur chaque période.
3. Quelles conséquences pour les offres de Vidéo payantes par
abonnement ?
Quel que soit le scénario, le déploiement du service US en France ne sera pas sans répercussions pour le
marché audiovisuel et plus particulièrement pour celui des offres de Vidéo par abonnement. Hégémonie du
géant américain ? Déstructuration du marché audiovisuel ? Statu quo de la SVOD ? Opportunité pour
l’ensemble des acteurs ? Là encore plusieurs hypothèses d’évolution sont envisageables.

Netflix ne révolutionne par le marché SVOD
Dans l’hypothèse où notre scénario le plus noir viendrait à se confirmer, l’échec relatif de Netflix renforcerait
l’idée d’une appétence modérée des Français pour la SVOD et son modèle de consommation. Victimes de la
concurrence des autres modes de visionnage, en particulier des offres gratuites (légales et illégales), les platesformes de VOD par abonnement s’installent progressivement dans le paysage audiovisuel français mais leur
rythme de croissance (tout de même dopé par la présence du service US et la réplique des acteurs locaux) reste
mesuré avec un chiffre d’affaires qui n’excède pas les 150 millions d’euros à fin 2018. Dans ce contexte peu
favorable à l’essor de l’offre américaine, le marché SVOD se partage à parts quasi égales entre Netflix (environ
52% de PDM Valeur) et le reste des acteurs à ce même horizon 2018.

Boom de Netflix : menace ou opportunité pour les acteurs français ?
Si le scénario optimiste, avec une explosion du géant américain dans les années à venir, venait à se produire, le
marché SVOD devrait faire face à une profonde et inévitable restructuration.
Dossier NPA - numéro 733
17
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A l’image de son succès fulgurant dans son pays d’origine et de son expansion rapide à l’international, Netflix
pourrait bouleverser le paysage audiovisuel et s’imposer comme l’offre de référence pour la consommation de
vidéos auprès du grand public. Le géant américain domine sans partage un marché SVOD où il ne laisse que des
miettes à ses concurrents. Netflix s’octroie une place quasi-hégémonique quelques années seulement après
son lancement dans l’Hexagone. Fin 2018, son chiffre d’affaires dépasse la barre des 200 millions d’euros pour
représenter les trois-quarts des recettes SVOD totales.
Autre possibilité, l’arrivée de Netflix s’avère être une opportunité plus qu’une menace pour les acteurs du
streaming Vidéo par abonnement qui bénéficient des retombées médiatiques et de la forte attente générée
autour de la SVOD. Les plates-formes locales profitent de ce succès pour passer à la vitesse supérieure et
donner une nouvelle impulsion à leur offre à l’image de CanalPlay. Perfectionnement des interfaces et des
fonctionnalités (Download To Go par exemple), travail d’éditorialisation, élargissement de l’offre, négociation
de contenus premiums et exclusifs, campagnes de communication pour sensibiliser le grand public aux offres
SVOD et à leurs bénéfices consommateurs. Une émulation qui sert les clients potentiels avec un plus large
choix de services et une compétitivité importante au niveau des prix. Le service américain profite au marché
dans sa globalité et accélère l’installation de la SVOD dans le quotidien des Français. Dans ce scénario le plus
optimiste, Netflix et ses concurrents parviennent à cohabiter, entrainant l’adhésion massive du public (environ
5 M de foyers abonnés au total) et l’atteinte d’un chiffre d’affaires record autour de 325 millions d’euros à
l’horizon 2018. Dans ce contexte hyper concurrentiel, l’activité de Netflix représente un peu moins des deuxtiers du marché SVOD fin 2018.
Évolution du chiffre d’affaires de la SVOD
(2014-2018 – CA en millions d’euros)
Pas de révolution Netflix
et/ou SVOD
Hégémonie de Netflix
Netflix profite à la SVOD
35
2014
104
2015
Structure du marché SVOD à l’horizon 2018
(2018 – PDM valeur en %)
48%
35%
25%
52%
65%
75%
Pas de révolution
Netflix et/ou SVOD
Netflix profite à la
SVOD
Hégémonie de Netflix
Source : Projections NPA Conseil
Dossier NPA - numéro 733
18
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Autres
Netflix
190
2016
252
2017
325
2018
4. Quel impact de Netflix sur l’économie de la Vidéo ?
Le déploiement de Netflix sur le territoire national devrait modifier de façon significative le modèle
économique de l’industrie Vidéo ces prochaines années. Quel que soit le scénario retenu, l’essor du service
américain, et plus largement de la SVOD, devrait accélérer la transition numérique du marché Vidéo français à
l’instar de ses homologues anglo-saxons.
Conjugué à la probable expansion du téléchargement définitif en France, le développement des
abonnements de streaming payants pourrait permettre à la Vidéo digitale dans son ensemble (VOD, EST,
SVOD) de compenser l’effondrement continu des recettes de supports physiques (DVD, Blu-ray) et ce, dès
2016. Un retour à la croissance de l’ordre de +2% à +4% qui ne pourrait se faire qu’avec un Netflix
puissamment installé dans le paysage audiovisuel français.
Fin 2018, on pourrait donc assister pour la première fois dans l’industrie Vidéo à un équilibre entre sources de
revenus physiques et digitales. Dans l’hypothèse où Netflix insufflerait un nouveau souffle à l’ensemble du
marché, la croissance de la SVOD pourrait conduire jusqu’à une inversion des modes de rémunération
dominants avec un chiffre d’affaires digital supérieur à celui des ventes de supports physiques d’ici quatre ans.
Répartition du chiffre d’affaires Vidéo
(2014-2018 – en % Valeur)
Pas de révolution Netflix
et/ou SVOD
Hégémonie de Netflix
Netflix profite à la SVOD
Source : Projections NPA Conseil
5. Vers une nécessaire évolution de la télévision payante par
abonnement ?
Avec ses 53 millions d'abonnés et 3,4 milliards de dollars de chiffre d'affaires à travers le monde au troisième
trimestre 2014, le succès de Netflix met en évidence la montée en puissance du streaming à la demande qui
s’impose peu à peu comme un concurrent redoutable pour la consommation linéaire classique sur les chaînes
de TV payantes. L’arrivée du géant américain dans le paysage audiovisuel français pourrait contribuer à
accélérer la mutation numérique des groupes audiovisuels vers une offre délinéarisée premium.
Simple enseigne de location de DVD à distance à l’origine, le service leader de la SVOD aux États-Unis est en
effet en passe de devenir une chaîne payante premium à part entière, en proposant à ses utilisateurs une
nouvelle façon d’accéder aux films et séries. L’importance prise par Netflix au sein d’un paysage audiovisuel
américain pourtant bien établi (avec des ténors comme HBO, Starz ou Showtime) rend la plate-forme
incontournable pour les éditeurs de contenus qui la jugent désormais aussi stratégique que les chaînes
premiums classiques. L’accord d’exclusivité conclu avec Disney pour la diffusion de ses films (dont les
productions Pixar et Marvel), à partir de 2016 et pour trois ans, marque à ce titre un véritable tournant dans les
Dossier NPA - numéro 733
19
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relations qu’entretiennent les studios avec les opérateurs américains de TV payante à qui les droits exclusifs
étaient réservés jusqu’à présent. Avec cet accord inédit, l’industrie Vidéo reconnaît l’importance croissante de
la VOD par abonnement (et de Netflix en particulier), qui répond parfaitement aux changements intervenus
dans les habitudes de consommation du public. La présence massive du service outre-Atlantique assure une
audience désormais plus large que sur les réseaux traditionnels et permet de faire vivre les catalogues sur
l’ensemble des supports et sur un temps plus long.
Les accords du type de celui conclu avec Disney illustrent également la principale menace à laquelle seront
confrontés les acteurs de la TV payante en France : l’inflation des coûts d’acquisition. Le montant du
partenariat exclusif passé avec Disney (estimé autour de 350 M$) rappelle qu’au-delà de considérations
techniques (fluidité et ergonomie du service) ou stratégiques (diffusion auprès d’une large base d’utilisateurs),
l’équation financière demeure essentielle. Les services de Vidéo premiums ont besoin de contenus attractifs
pour accroitre leur nombre d’utilisateurs ce qui passe par une politique d’investissement de plus en plus
lourde. Avec plus de 3 milliards de dollars investis chaque année pour la négociation d’accords exclusifs avec les
studios pour la première fenêtre TV (Dreamworks, Relativity Media, The Weinstein Company) et la production
d’œuvres originales, Netflix rappelle à ses concurrents que la guerre des contenus ne fait que commencer et
qu’elle sera décisive dans la course aux abonnés. Une étude américaine menée par RBC Capital Markets chiffre
à 5,2 milliards le montant des droits achetés en 2014 par Netflix, Hulu et Amazon. Le phénomène ne devrait
pas tarder à se propager à l’Europe.
Le déploiement de Netflix dans l’Hexagone devrait donc accélérer la convergence entre les deux univers de la
vidéo en ligne premium et de la TV payante traditionnelle. La porosité semble de plus en plus évidente avec des
contenus qui s’affranchissent de frontières devenues obsolètes entre les différents modes d’accès et de
distribution. Dans ce nouvel environnement il convient néanmoins de distinguer plusieurs catégories d’acteurs.
D’un côté les bouquets de chaînes des groupes Canal+ et Orange (OCS) dont le positionnement sur des droits
exclusifs et inaccessibles à Netflix doit leur permettre de défendre leurs positions sur le marché de la télévision
payante premium (près de 10 millions d’abonnés en métropole pour les deux bouquets). Canal+ construit son
offre autour du sport qui n’intéresse pas Netflix pour l’instant et d’une première fenêtre exclusive sur le cinéma
français qu’il contribue directement à financer. Pour OCS, le positionnement habile du service lui permet de
pouvoir répondre aux nouveaux usages (OCS Go avec une offre à la demande pendant 30 jours) tout en
proposant des films inédits 12 mois après leur sortie en salles et des séries HBO 24 heures seulement après leur
diffusion aux Etats-Unis grâce à son statut linéaire de chaîne de télévision payante. Sur un marché où Netflix
participe par sa puissance financière à assécher le marché des droits, les deux acteurs français peuvent
compter sur l’importance des groupes auxquels ils appartiennent pour défendre efficacement leurs stratégies
de développement.
Il en va en revanche différemment pour les autres chaînes thématiques dont les positions sont plus fragiles et
qui devraient donc souffrir de la concurrence de l’essor du modèle SVOD en France. Déjà mises à mal par la
TNT gratuite, les chaînes thématiques dont les fermetures se multiplient (Stylia, TF6, Jimmy, Maison +, Cuisine+)
doivent s’engager rapidement dans un processus de transformation profond qui passe par le délinéarisé. Face à
l’émergence de la SVOD, elles sont progressivement en train de se positionner en « chaînes-vitrine » sur le
linéaire pour mettre en valeur leur stock et la profondeur de leur catalogue qui doivent être exploités
autrement, via des services numériques à la demande.
Une nouvelle forme de TVR, payante, avec un accès aux contenus au-delà des 7 jours, semble de plus en plus
indispensable pour le maintien de leur activité. Les chaînes thématiques vont devoir adapter leur modèle
économique et se servir de la TV à la demande comme d’un véhicule pour une nouvelle distribution sur
internet (OTT) ou pour valoriser leurs services au sein des offres managées des opérateurs distributeurs. Une
stratégie qui va se heurter à la concurrence frontale des services de SVOD généralistes comme le leader
français CanalPlay ou le géant américain Netflix.
Dossier NPA - numéro 733
20
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Transfert de la bande des 700 Mhz :
un enjeu déterminant pour les années à venir
La bande des Ultra hautes fréquences (UHF) du spectre radioélectrique allant de 694 à 790 mégahertz, appelée
« bande 700 » est actuellement utilisée pour la TNT en France. Le gouvernement a néanmoins annoncé une
réaffectation de ces fréquences au profit des opérateurs de télécommunications mobiles. L’objectif est double :
9
opérer un second dividende numérique pour faire face à la croissance du trafic mobile , et financer en partie le
programme militaire pour les années à venir.
1. Une mise aux enchères des fréquences en 2015
Cette bande basse des 700 Mhz présente une grande valeur (on parle d’ailleurs de « fréquences en or ») de par
des caractéristiques physiques de propagation plus robustes que celles des fréquences plus hautes, ce qui offre
de nombreux avantages, notamment une bonne pénétration dans les édifices et une grande couverture. Les
réseaux nécessitent ainsi un nombre plus faible d'émetteurs, d'où l'intérêt marqué des opérateurs télécoms.
Les qualités de la bande des 700 Mhz se prêtent bien à la prestation de services sans fil, et est particulièrement
adaptée à la couverture des zones rurales, ainsi qu’à l’intérieur des bâtiments. Elle apparaît donc comme une
ressource de qualité naturellement recherchée. Juridiquement, elle appartient au domaine public de l’Etat et
doit donc faire l’objet d’une gestion optimale.
Lors du Conseil de Défense du 10 avril 2013, l’Élysée a pris la décision de principe de proposer aux opérateurs
de télécommunications mobiles des nouvelles fréquences dans la bande des 700 MHz utilisées par la TNT.
La loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant
diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (LPM) a ensuite prévu des recettes
exceptionnelles au profit du ministère de la défense à hauteur de 6,1 milliards d’euros, dont
environ 3,5 milliards devraient être issus de la vente, par voie de mise aux enchères, de la bande des
700 MHz.
La vente de fréquences de la bande des 700 MHz avait ainsi été annoncée sans aucune date précise. Clôturant
le séminaire « l'audiovisuel, enjeu économique » organisé par le CSA le 2 octobre dernier, le Président de la
République apporte à cette occasion un premier élément de calendrier. Le lancement de la procédure
d’attribution des fréquences de la bande des 700 MHz aux opérateurs télécoms se fera en 2015. « Ce délai est,
en ce qui me concerne, impératif » a ajouté le chef de l'Etat, qui n'a pas précisé la date précise de la mise aux
enchères, ni celle des transferts des fréquences.
Si cette décision fait de la France un pays précurseur en Europe après la Finlande, la Suède et l’Allemagne,
l’objectif de Francois Hollande est clair : augmenter rapidement les ressources budgétaires de l’Etat.
9
Selon l’étude Visual Networking Index réalisée chaque année par Cisco, dont la dernière édition a été publiée en juin 2014,
le trafic data mobile mondial a cru de 67% en 2013. La moitié de ce trafic est de la vidéo dont l’usage est favorisé d’une part
via l’augmentation de la taille des écrans (smartphones, tablettes, …) et d’autre part via la croissance des débits liée aux
nouvelles technologies (3G 42 Mbps, 4G). Dans les cinq ans à venir, Cisco prévoit une multiplication par 11 du trafic des
données mobiles soit une croissance CAGR de 61% chaque année.
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En effet, contrairement aux fréquences attribuées à l’audiovisuel, les licences de services de radiocommunication mobile sont payantes et octroyées par l'Arcep lors d'un appel d'offres donnant lieu à des
enchères. D’où un intérêt conséquent dans la décision d'allouer une part significative du dividende aux
télécoms, dans le but de récupérer le produit financier des enchères qui viendront créditer le budget de l'état.
A titre d’exemple, les deux appels d'offres du gouvernement français pour les licences 4G ont rapporté au total
3 575 216 518 €. Le premier appel d'offre compte pour 936 129 513 €. Le second, qui attribuait des licences
pour des « fréquences en or », compte pour 2 639 087 005 €10.
Concernant la bande des 700, le produit financier total attendu est de 3,5 milliards d’euros, dont une
11
première tranche de 2,1 milliards d’euros pour le budget 2015 . L’argent récolté devra servir à financer une
partie des besoins de l’armée pour les années à venir, dans le cadre de la loi de programmation militaire. Il
manque en effet 5,9 milliards de recettes pour boucler le volet recettes de cette loi, qui fixe les moyens de la
Défense jusqu’en 201912.
Les critères qui seront pris en compte pour vendre ces ressources rares seront l’intérêt patrimonial de l’Etat, la
capacité financière des opérateurs télécoms à payer et des critères liés à l’intérêt général tels que la couverture
du territoire et le respect d’un certain niveau de concurrence dans le secteur du mobile.
Si les opérateurs télécoms ne contestent pas l'intérêt de ces nouvelles fréquences (très précieuses pour le
très haut débit mobile), la majorité d’entre eux considèrent cette mise aux enchères comme prématurée.
Tout comme les acteurs de l’audiovisuel, ceux-ci auraient préféré un transfert en 2017-2020, également plus
conforme au calendrier européen.
Le choix du gouvernement vient ainsi contrecarrer les estimations des opérateurs, et des analystes, qui
envisageaient une vente plus tardive quand les opérateurs auraient retrouvé une capacité à investir. En effet, à
l’exception de Free13, ces derniers n’en ont pas nécessairement un besoin immédiat, disposant déjà de 2 voire
3 bandes de fréquences 4G achetées à des sommes très conséquentes en 2012. L’opération apparaît donc
lourde financièrement alors que les télécoms sortent à peine des enchères précédentes, et que le contexte
financier est difficile.
SFR a même évoqué un recours devant le Conseil d’État pour préjudice estimant que, deux années plus tôt, les
autorités avaient annoncé qu’il n’y en aurait pas d’autres avant la fin de la décennie14.
En outre, certains opérateurs ont d’autres dépenses et chantiers en cours, notamment des processus
d’acquisition (SFR/Numericable) conduisant à un endettement fort du groupe, ou un processus de
mutualisation des réseaux mobiles (Bouygues/SFR). Selon ces acteurs15, le calendrier d’attribution devrait tenir
compte de la nécessité pour les opérateurs de planifier sereinement leurs investissements.
Bercy promettant de tenir compte de la situation financière des opérateurs lors des enchères, il serait ainsi
question d’échelonner les paiements des licences 700 Mhz sur plusieurs années16.
Toutefois, les opérateurs participeront aux enchères dans la mesure où ils ont besoin de ces fréquences de
grande qualité et pour anticiper l’explosion des usages de l’internet mobile.
10
Source : ARCEP
Source : Zone Bourse ; Commission des Finances, 13 octobre 2014, rapport sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°
2234), tome ii examen de la première partie du projet de loi de finances (Volume 1 Examen des articles, par Mme Valérie
RABAULT Rapporteure générale, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014).
12
Source : Capital
13
Free n’ayant pas acheté de fréquences de la bande des 800 MHz, il manque de fréquences en or qui lui permettraient
d’augmenter sensiblement la portée de sa couverture 4G, et est donc davantage prêt financièrement à investir.
14
Source : Les Echos
15
Source : Les Echos
16
Source : La Tribune.
11
Dossier NPA - numéro 733
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2. Une effectivité à l’horizon 2018-2020
La réaffectation d’une bande de fréquences pour les télécommunications mobiles est un processus très long. Si
les enchères ont lieu en 2015, la libération effective de la bande aura plutôt lieu à l’horizon 2018 pour des
raisons de contraintes techniques. Un décalage en terme de faisabilité qui fait peser un risque d’inefficacité
d’une cession trop en amont.
Sur le plan international, un rapport de la Commission des Finances sur le projet de loi de finances pour
201517, constatait en outre que la vente de la bande des 700 MHz dépendait en partie de la conclusion des
négociations mondiales, « également déclinées au niveau européen, portant sur le deuxième dividende
numérique, qui vise à libérer et à organiser la mise sur le marché de nouvelles fréquences au profit d’opérateurs
privés ».
En 2012, la conférence mondiale des radiocommunications (CMR) de l'UIT (Union internationale des
télécommunications) avait décidé, qu'à partir de 2015, la bande de fréquence des 700 MHz pourrait être
utilisée par le service mobile en Europe et en Afrique, alors qu'elle est, jusqu'à présent, réservée à la
radiodiffusion terrestre. Cette possibilité doit toutefois être précisée et finalisée lors de la CMR qui se tiendra à
Genève du 2 au 27 novembre 2015 sous l’égide de l’UIT.
Sur le plan européen, le rapport de Pascal Lamy présenté à la Commission européenne le 1er septembre
201418, avait fixé une première feuille de route prévoyant la réaffectation effective de la « bande des 700
MHz » aux services mobiles dans toute l’Europe pour 2020, avec un calendrier anticipé pour les pays qui le
souhaiteraient selon les 3 étapes suivantes :
- Date cible de 2020 proposée pour une réaffectation effective de la bande 700 MHz, avec un
calendrier anticipé pour les pays le souhaitant ;
- Conservation jusqu’en 2030, pour la diffusion audiovisuelle, du reste de la bande UHF (470-694
MHz) ;
- Bilan d’ici 2025 de l'utilisation du spectre UHF en tenant compte des évolutions des secteurs
audiovisuel et télécom.
17
Rapport de la Commission des Finances17 publié le 13 octobre sur le projet de loi de finances pour 2015 (n° 2234), tome ii
examen de la première partie du projet de loi de finances (Volume 1 Examen des articles, par Mme Valérie RABAULT
Rapporteure générale, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014).
18
er
Rapport spectre radioélectrique présenté à la Commission européenne le 1 septembre 2014 par Pascal Lamy. Ce
rapport fait suite à la demande de la Commission européenne, le 13 janvier 2014, à Pascal Lamy de diriger un groupe
consultatif sur l'utilisation future de la bande UHF pour la TV et le haut débit sans fil. Lui et plusieurs hauts responsables de
sociétés européennes du secteur de la radiodiffusion, des réseaux et de la téléphonie mobile ainsi que d'organismes
chargés des aspects techniques ont eu six mois pour faire des propositions à la Commission sur la façon d'utiliser plus
efficacement la bande UHF au cours des prochaines décennies.
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3. Les futurs impacts pour l’audiovisuel

Des conséquences sur le développement de la TNT
Après avoir déjà perdu la bataille des fréquences en or (800 Mhz) également affectées aux opérateurs mobiles
pour le déploiement de la 4G, les éditeurs de services de télévision craignent que cette décision mette en péril
le développement des chaînes de la TNT.
La réallocation d’une partie des fréquences signifierait, selon eux, d’une part que la haute définition ne
19
pourrait pas être généralisée à l’ensemble des chaînes et que l’ultra haute définition, ne pourrait jamais être
lancée. D’autre part, cela empêcherait l’arrivée de nouvelles chaînes.
Début janvier 2014, les quatre diffuseurs techniques TDF, Onecast, Towercast (filiale de NRJ) et Itas Tim
avaient adressé à Jean-Marc Ayrault, une lettre commune à ce sujet, où ils avaient demandé un basculement
effectif à l'horizon le plus lointain possible - 2020 au plus tôt, et souhaitent qu'au moins 7 fréquences soient
dévolues à la TNT et non pas 6 comme prévu. Tout cela pour éviter selon eux « un préjudice industriel
important » dû à une durée réduite d'amortissement des investissements, et « un grave préjudice » dû à un
20
désintérêt pour la TNT, délaissé au profit d'autres réseaux TV non régulés (ADSL, câble, satellite) .
Selon eux, réaffecter la bande 700 MHz pour les services mobiles, c’est amputer l’audiovisuel de 30% de son
patrimoine fréquentiel. Actuellement, la TNT diffuse 32 chaînes TV dont 11 sont en haute définition. Ces
chaînes sont regroupées au sein de multiplex. Ceux-ci peuvent contenir 6 chaînes SD ou 3 chaînes HD ou une
combinaison de chaînes SD et HD. Sur l’émetteur de Paris-Tour Eiffel, une dizaine de multiplex sont émis : 9
permanents de R1 à R8 + R15 et le multiplex temporaire L9. Chaque multiplex est diffusé sur l’un des 40 canaux
TNT de 8 MHz. Réaffecter la bande 700 MHz pour les services mobiles consistera à amputer la TNT de 12
canaux (49 à 60), entrainant ainsi un réaménagement des fréquences et un re-paramétrage des décodeurs TNT.
A titre d’exemple, le multiplex R8, qui porte les chaînes HD 6TER, RMC Découverte et Numéro 23, est diffusé à
Paris sur le canal 58 qui fera donc partie du deuxième dividende numérique21.
Les diffuseurs techniques estiment qu’il y a deux conditions indispensables à un tel transfert22 :
- d'une part, une action résolue des pouvoirs publics pour soutenir la mise à niveau des technologies
de diffusion, en adéquation avec la qualité d’image offerte par les téléviseurs,
- et, d’autre part, un calendrier de basculement raisonnable, c’est-à-dire, selon eux, une libération en
2020, car l’enjeu est bien de gérer la transition sans « écran noir », au profit de tous les Français.
Selon elles, Le transfert de la bande des 700 MHz de l’audiovisuel aux télécommunications entraînerait une
reconfiguration majeure des réseaux de diffusion dont les déploiements ont été financés par les acteurs
audiovisuels.
Une étude du cabinet Aetha sur la bande UHF dans l’Union européenne du 31 octobre 2014 s’est penchée sur
l’utilisation future du spectre, et conclut que « La bande UHF est quatre fois plus précieuse pour la TNT que
pour les opérateurs mobiles, même en retenant les prévisions les plus ambitieuses en matière de hausse du
trafic des données échangées par le biais de services mobiles ».
19
À ce jour, 11 des chaînes nationales sont diffusées en haute définition, c’est le cas de TF1, France 2, M6, Canal+ et Arte,
ainsi que des six nouvelles chaînes HD1, L’Equipe 21, 6Ter, Numéro 23, RMC Découverte et Chérie 25. C’est une étape
importante dans la généralisation de la haute définition sur la télévision numérique terrestre. CSA, Les chaînes hertziennes
terrestres.
20
Source : BFM
21
Le second dividende numérique, par Jean-Marc Do Livramento Consultant télécom fixe et mobile, Juin 2013.
22
Source : TDF, « La TNT est un service public : attention à ne pas le déstabiliser ».
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Selon le cabinet, la bande UHF, qui couvre les fréquences de 470 à 862 MHz, dont la bande des 700 MHz
convoitée par les opérateurs mobiles, est « essentielle pour la distribution des services radiodiffusés ». L’étude
d’impact économique menée pour l’occasion montre que le coût de migration de la TNT vers d’autres
fréquences (évalué à 38,5 milliards d’euros, dont 10,8 milliards d’euros pour la mise en place d’une nouvelle
plateforme TNT) ne serait compensé que dans un facteur de un à quatre par les revenus issus de l’utilisation de
ces mêmes fréquences pour le mobile (10,30 milliards d’euros). Toute perte de fréquence UHF « nuirait à la
qualité des services de TV en Europe et invaliderait tout investissement futur des opérateurs de TNT », note
Aetha23.
 Les conséquences en termes techniques
24
En terme d’évolution, deux conséquences sont envisageables afin de libérer les fréquences par l’audiovisuel :
-
Accélérer l’arrêt du MPEG-2 (norme de compression numérique) et généraliser le MPEG-4 : cela
permettrait de libérer ces fréquences mais limiterait le nombre de chaînes passant en HD, et
supprimerait la diffusion simultanée en HD et SD. Le parc des téléviseurs actuels est largement
compatible (à 80% selon Médiamétrie), mais la généralisation nécessiterait néanmoins de
programmer la conversion d’une partie du parc.
-
Transition vers le DVB-T2 (norme de diffusion) : cette transition peut se faire soit de manière
forcée pour une libération rapide, ce qui suppose une concertation entre l’Etat et les opérateurs
pour le remplacement des matériels ; soit de manière naturelle en tirant partie du
renouvellement des matériels de réception. L’avantage de la norme DVB-T2 est qu’elle multiplie
par deux la capacité des multiplex (les groupes de chaînes diffusées sur un même canal).
Aujourd’hui, aucun téléviseur n’est compatible et aucun fabricant n’est capable de proposer
rapidement des téléviseurs et des adaptateurs compatibles.
Une solution possible en terme d’efficacité économique, serait de faire coïncider le lancement du DVB-T2 avec
l’extinction définitive du MPEG-2 et la généralisation du MPEG-4, voire un peu plus tard encore, avec la mise au
point d’une nouvelle norme de compression encore plus puissante, le HEVC, et l’introduction d’une nouvelle
norme de multiplexage plus performante, le DVB-NGH.
On constate donc que des solutions existent afin d’augmenter la définition des chaînes TV sans augmenter
dans les mêmes proportions les besoins en fréquences. Le passage de la TNT à la norme DVB-T2, plus rapide, et
plus précisément les performances en compression de la norme de codage vidéo H265/HEVC (High Efficiency
Video Coding) permettra des gains de l’ordre de 50% par rapport à l’actuelle norme de codage vidéo
H264/MPEG4. Toutefois, il s’agit d’une opération lourde, impliquant de changer les matériels de réception, et
qui prend donc du temps. Il serait ainsi problématique d’interrompre le service pour certains spectateurs nonéquipés.
23
L’étude est disponible ici : http://www.aethaconsulting.com/downloads/Aetha%20future%20use%20of%20the%20470694MHz%20band%20in%20the%20EU%2031%20Oct%202014.pdf
24
Source : consultation lancée par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) sur l'avenir de la
télévision numérique terrestre (TNT) dans le cadre des réflexions en cours sur la cession de la bande 700 MHz, juillet 2013.
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Vers la personnalisation de la télévision
Le développement de la SVOD et l’arrivée de Netflix en France a fait prendre conscience du développement de
l’offre de recommandation à côté de l’offre de programmation. En effet, les acteurs de l’audiovisuel proposent
de plus en plus une offre alternative d’éditorialisation des contenus. Cette offre va nécessairement se
développer chez tous ces acteurs dans les prochaines années pour arriver à un niveau de recommandation
d’une grande finesse. Cette concurrence entre les médias sera vive et nécessitera de nombreux
investissements pour chacun.
1. Une éditorialisation affinée
Les systèmes de recommandation vont permettre à tous les médias de diffuser leurs programmes avec plus de
pertinence. De nombreux concepts de repères, de guides, d’assistants personnels s’offrent ainsi aux éditeurs.
Pour autant, dans les années à venir, les choix éditoriaux seront-ils tous effectués par des automates
personnalisés qui devineront ce dont l’utilisateur a besoin avant même de l’exprimer ?

Le rôle des « experts »
Les influenceurs prennent de plus en plus de places dans ce nouvel écosystème de recommandation. En effet,
alors que traditionnellement le système voulait que l’information descende des journalistes et médias vers les
individus, aujourd’hui et plus encore demain, les téléspectateurs, internautes où lecteurs pourront proposer
leurs expertises. Ces experts ont déjà une fonction étendard dans certains médias qui s’appuient sur leur
capacité à influencer leur audience.
Les Experts du Plus de L’OBS
Source : Le Plus Nouvel Obs
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
Le rôle de la presse de recommandation en ligne vs presse print
Aujourd’hui, les articles présents sur la version web d’un magazine TV divergent généralement de ceux
proposés en ligne (contenus plus courts, plus de visuels). Malgré le rapprochement en cours des rédactions, les
médias ne s’adressent pas de la même manière à leurs lecteurs si ces derniers consultent la version papier ou
sur la version en ligne.
En revanche, leur point commun demeure leur objectif de recommandation : en effet, parmi les
développements prioritaires mis en œuvre, les acteurs du print et du web cherchent à se maintenir comme les
principaux acteurs de la recommandation TV, que ce soit par la recommandation éditoriale ou par le
développement d’outils de recommandation personnalisée.
La presse en ligne devrait donc dans les années à venir renforcer son rôle de guide TV en multipliant les
recommandations :
-
Critique (avis de la rédaction, notes moyennes, indicateurs) ;
Editoriale (recommandation de journalistes / de personnalités) ;
Sociale (nombre de tweets, nombre d’abonnés sociaux, avis de la communauté) ;
Personnalisée (à partir d’informations personnelles).
En termes de contenus, le lecteur pourra donc bénéficier de propositions de programmes, recommandations
personnalisées, informations enrichies, traitements analytiques et critiques, dossiers de fond, le tout valorisé
par des vidéos exclusives, extraits, interview filmés, etc.
2. La variation des sources de recommandation pour les
marques chaînes et marques programmes

Une communication optimisée via la presse spécialisée
Alors que la presse TV est en pleine mutation, l’objectif pour la communication des chaînes de télévision est de
trouver la bonne manière de s’adresser aux bonnes cibles. Aujourd’hui, la distinction entre rédaction
traditionnelle et rédaction web au sein d’un même titre de presse demeure une réalité qui impose aux
diffuseurs de communiquer spécifiquement vers chacune des deux rédactions. Même si la mutualisation des
rédactions est en cours, les contenus demeurent spécifiques aux supports de lecture.
Rapidement, les chaînes de télévision vont donc devoir optimiser l’utilité et l’impact de leur communication
presse :
- par une analyse du périmètre cible entre journalistes « traditionnels » et nouvelles cibles « digitales »
(bloggeurs, sites web) et leurs attentes selon leurs catégories
- par les types d’infos et de contenus les plus utilisés parmi tout ce qui est mis à disposition (fiche technique,
angles périphériques au programme, anecdotes de tournages, extraits, BA, interviews, making of…) par la prise
en compte la temporalité des différentes types de médias et différentes dates de diffusion.
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
Une recommandation « one-to-one » et 360
La place prépondérante de la communication presse n’empêche pas les chaînes de télévision de communiquer
directement vers leur public. La démarche de la presse TV est d’aider le téléspectateur à faire un choix parmi
une offre pléthorique de programmes et de chaînes en s’appuyant sur les critiques, les extraits ou les analyses
proposés. A l’inverse, la promotion d’un programme par la chaîne sort ce dernier de son contexte
concurrentiel. Les chaînes de télévision s’adressent directement à leur public et travaillent ainsi sur la relation
téléspectateur, via l’antenne (bandes-annonces), les sites internet, les réseaux sociaux. C’est l’attachement à la
chaîne et/ou au programme qui permet de renforcer ce type de recommandation.
La création d’un écosystème de promotion va donc permettre aux marques chaînes et marques programmes
de développer leur recommandation de manière durable, avant et après la diffusion de l’émission, à travers :
-
-
-
les réseaux sociaux : Twitter, Facebook, Instagram, Vine, Pinterest, Tumblr, etc., seront les piliers de
cette communication directe pour constituer des communautés, raconter des histoires autour d’un
programme
les sites internet : ils joueront un rôle de lien et permettront de renvoyer d’un support à l’autre
les bandes-annonces et bandeaux dynamiques : ces éléments essentiels de la communication TV
seront de plus en plus « croisés » entre les chaînes d’un même groupe rt entre les supports
les chaînes YouTube : pour développer la marque chaîne ou la marque programme de manière
originale et spécifique
l’édition (DVD, BD, livres, etc.) et les jeux vidéos : pour diversifier l’univers de la marque
les animateurs : ils sont et seront davantage les relais de cette communication, en se faisant les
ambassadeurs de la chaîne et/ou du programme sur les différents outils.
L’objectif pour les chaînes est de sélectionner les contenus à mettre en avant et de maîtriser ainsi
complètement leur communication, tout en créant un lien de fidélisation avec leurs publics. Elles leur offrent
également une expérience enrichie tout en capitalisant sur diverses opportunités commerciales.
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3. L’essor de la recommandation personnalisée
Les chaînes de télévision sont amenées à récolter de plus en plus de données personnelles sur les internautes.
Cette récolte massive de données personnalisées devrait permettre aux acteurs de mieux anticiper les désirs
individuels de chacun. 78% des marketeurs envisagent d’utiliser la collecte de données en temps-réel pour
pouvoir personnaliser leur communication sur tous les canaux, alors qu’ils ne sont que 44% à le faire en 2014,
selon l’étude « Digital Marketing Insight Report 2014 » de Teradata.
Les chaînes de télévision auront de multiples occasions de proposer des systèmes de recommandation.
Dernièrement, France Télévisions a ainsi proposé la web-app « Un livre un jour », un moteur de
recommandation ludique dans lequel chaque résultat est le reflet de la personnalité et de l’humeur de
l’utilisateur sur le moment. Il peut aussi programmer une autre sélection dès qu’il est en manque d’inspiration
ou dès qu’il change d’avis.
Une autre évolution qui préfigure la nouvelle place du téléspectateur dans la recommandation TV est la
nouvelle fonctionnalité « On en a parlé » sur FranceTV Pluzz. Un moteur de recherches dans lequel les
internautes peuvent taper un mot, un lieu ou une personnalité recherchée et notamment découvrir les
propositions de programmes dans lesquels apparaît le mot recherché.
Les nouvelles technologies permettront aux chaînes de télévision une meilleure personnalisation et
recommandation de contenus pour les utilisateurs notamment dans un environnement multi-utilisateurs. Ainsi,
le projet HBB Next a développé une application qui formule des recommandations aux personnes et aux
groupes sur les programmes à suivre, en combinant les technologies de la reconnaissance faciale, vocale et
gestuelle. Lorsqu'un téléspectateur, dont le profil a été défini au préalable, rentre dans la pièce et dit
« Bonjour » devant l'écran de télévision, celui-ci reconnaît la personne et répond en suggérant des programmes
qu'il ou elle aimerait regarder. Si une seconde personne entre dans la pièce et s'identifie, les deux reçoivent
alors leurs recommandations de groupe.
Fonctionnement technique de la recommandation personnalisée
Source : AntVoice, 2014
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L’essor de la recommandation personnalisée et algorithmique est au cœur des chantiers numériques. En 2018,
ce chantier sera achevé et la consommation de contenus à partir de recommandations personnalisées jouera
un rôle déterminant dans l’audience multi-écrans des programmes.
La personnalisation des recommandations TV est obtenue par le croisement de 5 grandes familles de donnée :
1) données déclaratives générales cartographiant les goûts de l’internaute (notations de programmes,
suivis de marques-TV ou de personnalités sur les réseaux sociaux, centres d’intérêts revendiqués) ;
2) données déclaratives portant sur l’envie de l’internaute au moment où il recherche un contenu (genre,
sous genre, atmosphère, ambiance, personnalité) ;
3) données comportementales (historique de navigation sur internet) ;
4) données de tendance (succès du moment, contenus les plus visibles grâce à la publicité) ;
5) données sociales (préférence et consommations de ses amis, contacts et relations sur les réseaux
sociaux, contenus dont on parle le plus sur les réseaux sociaux) ;
L’investissement des acteurs de la télévision dans ce secteur va peu à peu conditionner le succès des contenus
consommés sur tous les écrans en ligne. De plus en plus de pages d’accueil médias – comme Trace TV
actuellement – vont être à 100% personnalisées.
Selon les responsables de Netflix, 75% des programmes visualisés en 2014 le sont grâce à la recommandation,
très loin devant le moteur de recherche ou les sélections manuelles. Après avoir investi pour acquérir du trafic,
la recommandation participera à offrir une expérience de télévision en ligne de qualité permettant à
l’internaute de trouver le bon contenu au bon moment.
Dossier NPA - numéro 733
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Picture Marketing
Le picture marketing concentre l’ensemble des techniques de promotion par l’image sur les médias sociaux.
Cet outil marketing permet aux marques valoriser leurs produits et services grâce à du contenu attractif, en
favoriser le partage, créer de l’engagement et de la préférence de marque. Depuis quelques années, images et
photos sont au cœur de toutes les plateformes sociales.
En effet, les blogs ont été les premières formes de réseaux sociaux sur lesquels les internautes écrivaient des
posts dépassant régulièrement les 1000 mots. Avec les « updates de status » sur Facebook, on a observé une
réduction de la longueur des posts, qui s’est accentuée avec les 140 caractères des tweets. Aujourd’hui, les
mots ne sont même plus nécessaires sur les réseaux tels que Pinterest ou Instagram. Ainsi, l’utilisation de
l’image dans les stratégies de communication des marques connaît un renouveau grâce aux réseaux sociaux.
Toutefois, les marques doivent intégrer dès l’amont les contraintes créatives et techniques afin de définir et
optimiser leur stratégie de picture marketing. Certaines, telles Oasis, El Corte Ingles, H&M, Dior et Sosh, ont à
cet égard réussi leurs campagnes.
1. L’image, élément fondamental des stratégies de
communication
a.
Véhicule d’information, de sens, d’émotion et de représentation mentale
L’image permet de donner des informations rapidement
identifiables, en jouant sur des référentiels partagés et
reconnaissables. On prête à Confucius cette citation : « une
image vaut mieux que mille mots ». Il est plus facile de
croire ce que l’on voit, et du même coup, d’adhérer à un
message. Ainsi, le marketing est plus engageant lorsqu’il
contient un visuel. Celui-ci est un puissant stimulus du point
de vue cognitif car il accroît notre compréhension, notre
souvenir et notre mémoire. Les visuels sont assimilés plus
rapidement que les textes. De plus, les images influencent
nos émotions, or celles-ci jouent un rôle vital dans le
processus de décision.
Source : webmarketinggroup.co.uk
b. Réponse à l’ensemble des objectifs de communication
La simplicité d’interprétation des images offre de
nombreuses opportunités aux marques. Du logo
aux visuels réalisés pour et par les marques,
l’image joue depuis longtemps un rôle
fondamental dans les stratégies marketing, que
ce soit dans un objectif de définition d’une
identité de marque, de branding, ou de
convaincre les cibles sélectionnées d'acheter ou
de racheter un produit.
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c.
Au cœur de la publicité en Presse, Affichage et Display
Ces 3 catégories de supports concentrent la quasi-totalité des inventaires visuels (hors vidéo) disponibles pour
les marques. Les recettes de l’Affichage restent à peu près stables depuis 2012 : -1,6% entre 2013 et 2012, et
+1,5% entre S1 2014 et S1 2013. Ce média profite de ses qualités de proximité, de visibilité en déplacement. Il
est également important pour les besoins de communication localisée des annonceurs, tels l’automobile ou la
grande distribution. En revanche, les revenus publicitaires de la Presse (PQN, PQR, PHR et Magazines), hors
petites annonces, enregistrent un recul sur les 5 derniers semestres consécutifs. A contrario, le Display (fixe et
mobile) bénéficie d’une croissance quasi-continue. Au sein de ce segment, la part du mobile ne cesse de
progresser, gagnant 7 points entre le S1 2012 et le S1 2014. Car, d’une part, le mobile devient un support
publicitaire à part entière en termes de Display, mais également parce que l’explosion des usages sur les
réseaux sociaux boostent les investissements des marques. Ainsi, avec l’augmentation du nombre de médias
sociaux, l’inventaire dédié à l’image progresse et les réseaux eux-mêmes mettent les images au cœur de leur
stratégie de développement, et de monétisation.
Les revenus de la Presse enregistrent un recul, quand ceux du Display en particulier mobile, progressent
(Invest. pub. en millions € nets, du S1 2012 au S1 2014)
1 200
1 000
944
1 000
922
869
800
600
400
604
567
610
542
355
347
342
855
550
353
369
200
0
S1 2012
S2 2012
Presse
S1 2013
Affichage
S2 2013
Display
S1 2014
Presse : PQN, PQR, PHR, Magazines
Display : Internet fixe et mobile, applications
Source : IREP-France Pub
2. Explosion des usages de production et de partage des images
sur les réseaux
Les réseaux sociaux sont le support premier du picture marketing aujourd’hui. En offrant la possibilité aux
internautes de créer, héberger et partager leurs contenus, ils ont gagné très rapidement en popularité. Dans
ces univers sociaux, l’image est le contenu le plus privilégié car il vient donner vie à l’espace et est
particulièrement apprécié par les membres des différents réseaux. Cette tendance est tellement forte que
certains se sont uniquement construit par et sur l’image comme Snapchat, Pinterest et, surtout, Instagram.
a.
Sur les réseaux majeurs : Facebook et Twitter
Facebook : l’image reine des contenus
Facebook est un réseau social qui permet à chaque membre de créer son profil, l’alimenter en contenu de tous
types : textes, liens, vidéos, images, sons, etc. et de se relier avec ses amis, échanger, etc. Rapidement la
plateforme est devenue un territoire d’expression et de partages de la vie quotidienne. Ce partage s’est
principalement orienté vers la messagerie, l’hébergement et la promotion de photos personnelles.
Dossier NPA - numéro 733
32
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Réseau social numéro 1 dans 127 pays, le site héberge en 2014 plus de 240 milliards de photos et chaque jour
350 millions supplémentaires étaient postées. En termes d’activité, selon The Social Skinny, toutes les 60
secondes, 510 commentaires sont publiés, 293 000 statuts actualisés et 136 000 photos publiées. Ainsi, la
publication de photos est en soi un grande part du contenu produit sur le réseau.
L’appétence des membres pour la publication de photos mais surtout sur l’interaction avec ces contenus est
tellement forte qu’elle a transformé le réseau en plateforme visuelle. L’algorithme qui filtre et classe les
actualités dans le newsfeed des membres – l’EdgeRank – applique généralement une prime au contenu du type
« image ». Ainsi, ces publications ont tendance à être plus vues.
En termes d’engagement, plusieurs études pointent que les contenus les plus engageants intègrent des images
ou photographies. Socialbakers a ainsi montré que 93% des publications les plus engageantes sur le réseau
social étaient des photos. Ce sont ceux qui obtiennent la meilleure visibilité et suscitent le plus grand nombre
d’interactions des membres.
D’ailleurs sur les pages des marques, les stratégies 100% image sont de plus en plus courantes car les plus à
même de générer de l’activité autour de la marque. SocialBaker a pu ainsi relevé qu’en 2014, 75% des contenus
publiés par les marques étaient des images et 87% de la totalité des publications ayant reçu le plus
d’interactions étaient des contenus visuels.
Twitter : l’image viralisée
Twitter, plateforme de microblogging, a été condamné à innover pour résister au rouleau compresseur que
sont Facebook et les nouveaux réseaux émergents qui surfent sur la puissance des images. Ainsi, d’une
plateforme d’échanges de mini publications de type texte, le réseau a de plus en plus intégré les contenus
multimédia et en premier lieu, la vidéo et l’image. L’insertion d’images a d’abord été possible via l’utilisation de
services tiers (twipic, yfrog, instagram…) et est maintenant gérée nativement au sein de la plateforme avec la
possibilité de créer des publications intégrant plusieurs photos et de taguer des personnes.
Sur Twitter, comme sur Facebook, les contenus images sont appréciés par les membres du réseau. Par
exemple, un post incluant une image a en moyenne 94% plus de chance d’être retwitté qu’un post sans
(source : buffer app).
Une étude publiée par LTU Technologies a montré que 36% des liens partagés sur Twitter étaient des liens
d’images. Ce sont les contenus plus partagés et retweetés de la plateforme de micro-blogging.
Méthodologie de publication d’images sur Twitter
Source : twitter.com
b. Sur les réseaux émergents : Pinterest, Instagram, Snapchat, Tumblr
Les géants des réseaux sociaux ont peu à peu intégré et poussé l’image au cœur de leur plateforme via des
fonctionnalités nouvelles, enrichies et des algorithmes plus favorables à cette typologie de publications. En
parallèle d’autres réseaux ont fait le choix et le pari du 100% visuel. C’est le cas des plateformes comme Tumblr
et Snapchat dans une certaine mesure, Pinterest et Instagram pleinement.
Dossier NPA - numéro 733
33
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Ces réseaux ont été construits autour de l’image, de la photographie et de possibilités de partage. Leur succès,
solides et grandissants pour certains, fulgurant pour d’autres (Snapchat, Instagram) témoigne de l’intérêt et de
la pertinence du l’image sur Internet et les réseaux sociaux.
Sur Instagram par exemple, qui est le réseau social de l’image par excellence, les 150 millions d’utilisateurs ont
publié depuis la création de la plateforme plus de 20 milliards de contenus (au 26 mars 2014) et publient en
moyenne 60 millions de contenus par jour (source : blog.instagram.com). Chaque jour, ce sont plus de 1,2
milliards de likes qui sont distribués par les instagramers.
Utilisateurs et taux d’engagement sur la page des marques par réseau social
Autre élément toujours en lien avec les données observées sur Facebook et Twitter, les images sont un
contenu qui engage les audiences. Instagram avec des fonctionnalités simples (like, commentaire
principalement) parvient à générer des niveaux d’engagement incomparables avec les autres réseaux. C’est
une aubaine très forte pour les marques qui savent manier ce contenu. Ainsi, selon emarketer, sur Instagram,
le taux d’engagement sur les publications de marques présentes sur le réseau est de loin supérieur à celui
observé sur les autres principaux réseaux sociaux : 1,53% contre 0,10% sur Facebook ou 0,04% sur Twitter.
3. « L’image sociale », nouvelle création de valeur pour les
marques
a.
Une appétence certaine de la part des utilisateurs
Si les réseaux sociaux font la promotion et placent les images au cœur de leur stratégie de monétisation, c’est
en grande partie parce que les usages de consommation sont déterminants : l’appétence des utilisateurs pour
les contenus visuels est très forte. Cela se vérifie en général, ainsi les articles contenant des images comptent
94% de vues supplémentaires, d’après l’étude « The power of visual storytelling » de NewsCred et Gettyimages
publiée en juin 2014. Et se confirme sur les réseaux sociaux : en 2014, 350 millions de photos sont uploadées
par jour sur Facebook et 60 millions sur Instagram, selon les données communiquées par les 2 entreprises.
De plus, les Jeunes sont particulièrement friands des réseaux spécialisés sur l’image et la photo. A cet égard,
30% des adolescents américains considèrent Instagram comme étant le réseau social le plus important, d’après
25
blog.instagram.com. Ou encore, 77% des étudiants américains utilisent Snapchat quotidiennement .
b. Une nouvelle mise en valeur de la relation client
Dans un univers « d’infobésité », la stimulation des sens visuels génère un
engagement plus fort. Les images nous permettent de trier et comprendre la
grande quantité d’informations auxquelles sont exposés les utilisateurs chaque
jour.
25
: http://mashable.com/2014/02/24/snapchat-study-college-students/
Dossier NPA - numéro 733
34
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Source : twitter
Les annonceurs ont dès lors leur carte à jouer sur ce créneau et sur ces médias sociaux : 44% des utilisateurs
sont davantage tentés d’interagir avec les marques si elles postent des visuels, d’après l’institut ROI Research.
Les entreprises apprennent progressivement à mettre en valeur leurs produits en les montrant, plus qu’en les
décrivant. Les sites spécialisés dans les contenus visuels (Flickr, Picasa, GettyImages…) alimentent l’envie des
consommateurs de belles photographies et de beau design. S’il y a encore quelques années le « contenu était
roi », désormais une « image vaut mieux qu’un million de mots ».
Le tweet d’Oreo lors la coupure d’électricité du Super Bowl en 2013, qui a généré
plus de 15 000 retweets et plus de 6 000 mises en favori, est un exemple parfait
de la puissance de l’image sur un réseau social dans un contexte de réaction en
temps réel bien maîtrisée par la marque.
L’image permet également aux marques d’engager un nouveau type de
conversation, de relation avec leurs clients, en les invitant non plus seulement à
partager le visuel mais à devenir producteur. Cet élément d’activation de sa
communauté devient un moyen de s’associer à des moments de vie, des
émotions positives. Le consommateur n’est plus seulement critique des contenus
des marques mais s’investit dans la création. Ainsi la campagne «Partagez un
Coca-Cola avec…» permet de partager des photos et des messages personnalisés
à ses proches.
La stratégie de picture marketing permet également aux marques de s’adresser à de nouvelles cibles, plus
jeunes. Le défi étant de s’insérer dans leurs « newsfeeds » et leurs conversations de manière à la fois originale,
pour émerger et mettre en valeur leur modernité, et naturelle, non intrusive ou gênante. Par exemple, Sosh, la
marque mobile sans engagement 100% d’Orange, a ouvert il y a peu un compte sur Snapchat pour « toucher les
13-25 ans, très présents, avec un ton informel et des contenus ludiques », selon Cécile Pfeiffer Responsable
Social Media de la marque26, autour de prises de parole via des rébus et des bons plans exclusifs. Si cette
stratégie semble être en adéquation avec l’ADN de Sosh, il est cependant important de ne pas risquer une
perte de cohérence dans le discours, la présence et le ciblage.
c.
Un storytelling plus développé et pertinent
Les marques ont l’opportunité de raconter leurs histoires à travers des images, qui provoquent chez les
consommateurs des émotions, des réactions, de manière plus percutante, facilement partageables. Cependant,
un travail sur la créativité est fondamental.
Tout d’abord, il importe que l’image soit non seulement pertinente avec les valeurs de la marque mais
également avec sa charte éditoriale, afin de renforcer la cohérence de la démarche et créer une association
naturelle entre le discours visuel et la marque. Les utilisateurs sont sensibles à l’authenticité des campagnes de
picture marketing : la marque doit réussir à montrer qu’elle comprend son consommateur, sa vie, ses centres
d’intérêt… Et ce, dans un souci de clarté et de pertinence du message. Et les utilisateurs qui cliquent sur des
photos de « tranches de vie » ont 2 fois plus de chance de concrétiser un achat, selon l’étude Newscred et
GettyImages. L’authenticité réside également dans la qualité de l’image, qui ne tient pas obligatoirement à sa
perfection. Celle-ci doit être réalisée sur-mesure, utiliser des références culturelles et adopter un langage visuel
adapté, contemporain.
Le picture marketing oblige les marques à :
 porter une grande attention au choix des images
 travailler sur la créativité pour générer intérêt et engagement
 travailler les codes, le style et la narration
 définir une stratégie de storytelling
 s’humaniser et rester authentique
 monitorer la résonance de leurs visuels
26
: Cf. Partie 4 : Best-cases
Dossier NPA - numéro 733
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d. Le développement d’une présence mobile efficace
En lien avec les usages des réseaux sociaux, le picture marketing permet aux marques de développer une
présence utile sur les terminaux mobiles. Cependant, les contraintes techniques sont nombreuses.
Ainsi le choix du réseau social sur lequel diffuser ses visuels a une importance primordiale, chacun ayant ses
spécificités en termes d’optimisation des images. Lorsque la taille des visuels est optimisée, prenant en compte
que les réseaux sociaux rognent les bords, les taux d’engagement progressent. De même, il faut prendre en
compte les formats d’images en fonction du terminal de connexion, afin qu’elles soient adaptées à toutes les
résolutions.
Il existe une grande diversité des dimensions des images sur les réseaux, ex. sur Facebook, Pinterest et Facebook
Source : blogdumoderateur.com
4. Best-cases : les ressorts des succès
Dans différents secteurs et sur différents réseaux, des marques excellent dans la manipulation des contenus
visuels. Au travers de l’étude de 5 marques sur cinq réseaux sociaux différents, nous proposons un panorama
des potentiels de performances dans le picture marketing.
Oasis sur Facebook : utiliser l’image comme support de la relation avec la marque
Oasis est une des marques régulièrement citée pour les performances en termes d’audiences et d’engagement
qu’elle est parvenue à susciter sur Facebook. La marque réunit en France près de 3,4 millions de fans et génére
un engagement moyen autour de ses publications entre 5k et 10k likes.
Elle a choisi de développer une présence active mais rare. En effet, elle ne publie « que » 2 posts par semaine
en moyenne. Plutôt que de multiplier les occasions d’être vue, elle entretient donc une forme de rareté pour
maximiser l’écho de ses publications.
Dossier NPA - numéro 733
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Exemples de publications et page Oasis sur Facebook
Source : facebook.com
L’originalité de la présence de Oasis repose sur l’utilisation très forte des images qui sont le support de la vie de
ses personnages emblèmes de la marque. Ainsi, le feuilletonage de la vie des différents fruits permet à la
marque de créer des situations d’humour, des clins d’œil à l’actualité, des jeux concours qui viennent
entretenir une proximité avec les fans en s’insérant dans les problématiques de la vie quotidienne et l’actualité
en général.
Ici l’image ne valorise ou ne promeut pas directement le produit. Elle sert à distiller l’univers de la marque, son
« esprit » plutôt que de mettre en avant les atoûts rationnels de la marque (goût de la boisson, prix, format,
etc.). L’image est relationnelle, elle est ici pour créer de l’émotion et entretenir de la préférence de marque par
la connivence et l’humour. On voit aussi une manière pour Oasis d’offrir un prolongement à sa stratégie de
communication. Ainsi l’univers diffusé à la télévision, au cinéma et sur Youtube trouve un écho et une
déclinaison complète sur Facebook.
El Corte Ingles sur Twitter : donner à voir le magasin
Le distributeur espagnol se montre particulièrement innovant et performant sur Twitter en misant sur une
gestion 100% visuelle de ses contenus. Ainsi, on retrouve presque dans chaque publication un contenu image
venant illustrer le propos de la marque. La marque au travers de plusieurs comptes parvient à fédérer une large
communauté près de 150k abonnés et maintenir un bon niveau d’engagement (moyenne de 11RT/tweet). La
marque s’appuie sur un rythme de publication soutenu avec un peu plus de 13 tweets/jour sur son compte
principal @ElCorteIngles et une très bonne appréhesion des codes du réseau (utilisation des hashtags, mention
de personnalités/marques, retweets ciblés, organisation de jeux concours, etc.)
Exemple de publications sur le compte @ElCorteIngles
Source : twitter.com
Dossier NPA - numéro 733
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L’image a une place de choix au cœur de la stratégie de la marque sur Twitter. Entre contenus travaillés, mise
en scène de produits et photo-reportage d’évènements en magasins, El Corte Ingles parvient efficacement à
alterner les tonalités dans ses publications et surtout à répondre à son objectif de donner à voir le magasin, de
le rendre plus sensible et plus attirant in fine.
Notons aussi la cohérence générale des publications qui est unifiée dans une charte graphique efficace (coins
supérieur gauche et inférieur droit avec une encoche verte rappelant la marque). Les contenus sont facilement
identifiables et brandés El Corte Inglès.
H&M sur Instagram : haut niveau d’engagement pour contenus uniques
H&M réunit plus de 21 millions de fans sur Facebook et 4,2 millions sur Twitter. L’enseigne de mode parvient à
réunir sur son compte Instagram au niveau mondial plus de 4,1 millions de membres (source :
Iconosquare.com). C’est donc qu’elle atteint un niveau de performances au moins égal en audience potentielle
à celle de la plateforme de micro-blogging.
Compte @HM et exemple de publication de H&M sur Instagram
Source : instagram.com
Mais au-delà de l’audience, c’est par la force de l’engagement suscité que la marque excelle sur Instagram. En
moyenne, ses publications sont likées par 77 500 personnes soit un taux d’engagement près de 1,9%. La
marque entretient activement sa présence avec environ 16 posts par semaine (soit plus de 2 par jour).
Les compositions sont en effet souvent sobres et travaillées dans une mise en scène des produits de la marque
éditorialisée (thème Afrique, Accessoires, etc.). H&M sait aussi utiliser des contenus de coulisse de ses
campagnes de communication (Shooting Lady Gaga / Tony Bennett par exemple ; défilé haute couture, etc.). La
marque parvient aussi inciter à la création de contenus par sa communauté de fans en lançant des défis sous
des hashtags officiels comme « Show off your personality with the right necklace! #HMAccessories ». Enfin,
souvent, elle use des mentions via le @User pour présenter les mannequins de ses shootings.
Un rythme soutenu de publication allié à un travail très poussé dans la conception des contenus sont des clés
du succès rencontré par l’enseigne suédoise. Mais la maîtrise des codes propres du réseau (mention, utilisation
des hashtags, etc.) est aussi un levier que la marque a su mettre à profit pour générer de hauts niveaux
d’engagements.
Enfin, H&M parvient aussi à créer une singularité à sa communication sur Instagram puisque les posts qu’elle y
publie sont différents de ceux que l’on trouve sur Facebook par exemple. Le réseau existe dans sa spécificité
pour la marque et est plus qu’un simple canal supplémentaire. Les niveaux de performances sont d’ailleurs très
différents puisque pour un même type de posts (image d’une sélection de vêtements sur fond blanc), H&M
peut générer 10000 j’aime sur Facebook (communauté de 21M de membres) et 65k sur Instagram
(communauté de 4M).
Dossier NPA - numéro 733
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Dior sur Tumblr : incarner une jeunesse d’esprit tout en incarnant le luxe
Les marques de luxe ont progressivement intégré Tumblr dans leur écosystème digital. Dior est une des
marques de luxe les plus performantes sur ce réseau. Avec une fréquence de publication autour de 1post/jour,
la marque met en ligne des contenus de différents types et très soignés.
Le luxe est éminemment visuel et le travail réalisé par Dior ici est poussé puisqu’il fait appel à l’image et au gif.
C’est une manière de fournir du contenu sur une plateforme où le reblog (partage) est assez poussé et la
résonance des marques en termes d’UGC très forte.
Tumblr de la marque Dior et exemples de publication
Source : tumblr.com
Encore une fois, la marque s’illustre par la bonne maîtrise des codes du réseau (hashtags, mentions, contenus
gif) mais surtout par la bonne adaptation en accord avec les codes de la maison de couture. En effet, la posture
haut-de-gamme, luxe n’est pas dénaturée. Et si la marque est plus accessible parce que présente sur ce réseau
jeune, elle reste éliste par la qualité poussée des contenus et la cohérence générale des publications tant dans
la charte graphique que dans l’aspect éditorial (coulisse, rendez-vous, extrait de publicité, etc.).
Sosh sur Snapchat : surfer sur une mode en adaptant son discours
Tweet d’annonce de l’arrivée de Sosh sur Snapchat
Source : twitter.com
Sosh (marque 100% digitale et lowcost d’Orange), déjà très présent sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter,
Google+, Instagram, Vine, Pinterest, Tumblr, Youtube, Dailymotion…), a fait le choix de se lancer sur Snapchat
au premier semestre 2014.
On peut voir dans cette opération une forme d’opportunisme en France qui permet à Sosh d’apparaître à la fois
comme résolument connectée, avant-gardiste et jeune. De plus, cette marque très visuelle trouve donc un
prolongement idéal sur ce réseau qui est très en affinité avec la cible de l’opérateur (13-25 ans). En termes de
contenu, la marque a choisi d’envoyer dans un premier temps des rébus et bons plans via cette plateforme
pour
cultiver
le
côté
décalé,
informel
de
la
communication
sur
ce
réseau.
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