Le scaphandre et le papillon, un livre bien émouvant
Transcription
Le scaphandre et le papillon, un livre bien émouvant
Le scaphandre et le papillon, un livre bien émouvant toujours d’actualité Synthèse faite par Margot Phaneuf, inf., Ph.D. «Carnets de lecture» d’Infiressources, 2004 Après une journée bien remplie à travailler à Boulogne-sur-mer, je me promenais dans la ville, errant là où me portaient mes pas, lorsque je me suis trouvée devant une librairie. Ne pouvant résister à cette tentation, j’y suis entrée. Pendant la journée des infirmières de l’hôpital Maritime de Berck, m’avaient parlé de l’un de leurs malades qui souffrant d’un lockedin-syndrome, avait quand même réussi à communiquer par code, de manière remarquable, avec son orthophoniste. Très impressionnée sur le moment par cette expérience unique, je l’avais presque oubliée. Et, tout au délice de ma flânerie dans les allées de cette petite librairie, je feuilletais, palpait quelques livres pris au hasard de mon attirance. Un tout petit livre vint alors capter mon regard par son titre accrocheur, « Le scaphandre et le papillon ». Pendant quelques heures, je ne pus m’en séparer, au restaurant où je dînais, dans ma chambre d’hôtel, je lisais, lisais, fascinée par ce récit poignant. J’en retrace ici quelques lignes, parce que je le crois toujours d’actualité. Il nous montre combien certains malades recèlent de courage, c’est une véritable leçon de vie. Jean-Dominique Bauby, l’auteur, était le rédacteur en chef de la revue bien connue ELLE. Il était renommé pour son style, son esprit et son amour passionné de la vie. Âgé de 44 ans, marié et père de deux enfants, il fait subitement, le 8 décembre 1995, un accident cérébrovasculaire. Localisée à la région du tronc cérébral, cette lésion le plonge dans un long coma. À son réveil, à l’Hôpital de Berck-sur-mer, petite ville au bord de la Manche, il découvre que ses fonctions motrices sont figées, qu’il est entièrement paralysé. Il est victime d’un locked-insyndrome. Seule sa paupière gauche peut encore bouger. Son esprit demeure intact, il voit, entend, comprend et réalise l’horreur de sa situation. Enfermé dans un corps qui ne lui obéit plus, cet œil est sa seule fenêtre sur le monde. Il est enfermé à l'intérieur de luimême, captif de la prison de ce « scaphandre », ne pouvant ni bouger, ni manger, ni parler, ni même respirer sans assistance. Dans ce corps inerte, seule sa paupière peut s’ouvrir ou se fermer et cet œil gauche devient ainsi son unique lien avec le monde, avec les autres, avec la vie. Mais dans cette bulle, il peut encore imaginer des paysages, des fleurs, des voyages, des sensations, c’est ce qu’il appellera ses « papillons ». Il nous parle depuis un monde que l’on ne peut même pas imaginer, d’un monde mort transcendé par l’esprit. Presque par miracle, dominant cette épreuve, il devient vite capable d’exprimer sa pensée avec une richesse étonnante de détails. Avec des battements de cils, il réussit à communiquer avec l’entourage et à dicter son livre émouvant, qui me garde encore par la pensée au bord des larmes. Il cligne une fois de la paupière pour dire « oui », deux fois pour dire « non » arrêtant ainsi l’attention de ses interlocuteurs sur certaines lettres de l'alphabet pour former des mots, des phrases, où pointent l’ironie et la poésie. Il entreprend avec son orthophoniste un long travail de patience, où chaque matin, pendant des semaines, il dicte, battant des cils, les mots, les lignes, voire les pages qu’il a déjà formées dans sa tête. Il offre ainsi sa vision du monde dans un livre bouleversant qui nous livre des impressions et des souvenirs d'une intensité rare. À travers les petits riens de son quotidien ou ses grandes espérances, on perçoit son ardente volonté de vivre. Il parle de la joie de voir ses enfants, d’entendre son vieux papa au téléphone ou encore de la sensation, si douce, de s’allonger près de la femme qu’il aime. Alimenté uniquement par intraveineuses, il nous fait partager comme par magie, ses fantaisies sur des plats aussi plantureux que délectables, explorant ainsi tout un monde de sensations. Mais il nous fait aussi partager des moments de sa vie dans la chambre 119 dont la description est fort dérangeante. Il nous parle par exemple du son aigu, affolant pour lui, de l’alarme de sa tubulure de tubage gastrique bloquée qui crie pendant de très longues minutes avant que les soignantes ne puissent venir corriger le problème; il nous décrit ce moment d’agacement suprême où le diachylon qui fermait sa paupière paralysée s’est décollé avec la sueur et où ses cils retournés venaient douloureusement gratter sa conjonctive. Il nous montre en somme par petites touches du quotidien, combien sa dépendance totale lui était pénible. Bauby survécut quand même pendant plusieurs mois dans son état de déchéance physique. Il mourut le 9 mars 1997, quelques jours seulement après la publication de son livre qui fut traduit en vingt-trois langues et vendu à plus d'un million d'exemplaires. Référence : Jean-Dominique Bauby. Le scaphandre et le papillon. Paris, Laffont, 1997. Synthèse faite par Margot Phaneuf, inf., Ph.D. pour les «Carnets de lecture» d’Infiressources, 2004.