Antilles-Guyane - Centre de la francophonie des Amériques
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Antilles-Guyane - Centre de la francophonie des Amériques
PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE La francophonie aux Antilles françaises : de l’ambivalence au bilinguisme ? Etude anthropologique sur les pratiques linguistiques en milieu créolophone et les enjeux identitaires qu’elles produisent Christian CECILE La Guadeloupe et la Martinique, dans leur zone caribéenne, sont les seules entités francophones (avec Haïti) de cette partie sud des Amériques. Avec leur statut de département français d’outre-mer (1946), ces territoires partagent une histoire coloniale et postcoloniale dont les singularités, quant aux pratiques linguistiques et aux stratégies identitaires, présentent un intérêt particulier pour le chercheur en sciences sociales et humaines. Nous avons choisi, dans une perspective anthropologique, d’observer la francophonie qui en est issue en cherchant à identifier ses principales caractéristiques. L’Administration coloniale française en faisant, au XVIIème siècle, le choix d’un modèle culturel assimilationniste a implicitement fondé un système social bipolaire mettant, d’un côté, des valeurs métropolitaines socialisantes et, de l’autre, des valeurs serviles (populaires) le plus souvent stigmatisées. Au fil des décennies, plusieurs facteurs (insularité des territoires ; proximité des acteurs sociaux ; mouvements démographiques entre populations serviles et coloniales) ont favorisé les contacts culturels ; des modèles syncrétiques ont vu le jour et progressivement la bipolarisation naissante s’est estompée au profit d’une ambivalence quasiment structurante. Les Créoles, les hommes nés de ce contexte colonial, se sont construits avec l’ensemble des modèles culturels existants. L’image du « vieux nègre comique et laid » (Césaire,1958) et celle du Blanc colonisateur (celui qui humilie) n’ont cessé de cohabiter avec le Nègre majô / dôkô (major)1 et le Blanc enchanteur (celui qui séduit). Aussi, la langue créole et la langue française sont à la fois des objets d’amour et de déni avec lesquels les sujets se socialisent. Comme dans un fonctionnement schizophrénique les deux idiomes servent, suivant un ordre situationnel, aux stratégies des uns et des autres. Depuis la fin du XXème siècle cette ambivalence n’est plus autant marquée. La langue créole et la langue française apparaissent beaucoup plus comme des objets d’identification interchangeables. Nous avons, notamment, pu observer que le parler informel masculin, aujourd’hui, existe davantage en français. Dans les années 70 la communication verbale de la gent masculine (garçons, adolescents, jeunes hommes) avait cours en créole. En effet, l’usage du français dans le contexte de la rue où de la fête populaire ne répondait pas aux attentes sociales. La langue créole, avec son statut de langue maternelle majoritaire, structurait la plupart des échanges et particulièrement ceux développés dans l’espace rural et ouvert. Par ailleurs, les lieux institutionnels (espaces éducatifs, églises), longtemps considérés comme le terrain exclusif du français, sont désormais investis par la langue 1 Le mot majô (Guadeloupe, Martinique) et le mot dôkô (Guyane) appartiennent principalement au monde de la danse et de la musique. Ils désignent les virtuoses, tous ceux qu’on élève au titre de « maîtres ». Au-delà du champ musical, il s’étend à tous les domaines de la vie sociale. PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE créole. Nous nous intéressons à ces changements linguistiques en nous interrogeant sur ce qui en fait la dynamique et surtout en cherchant à comprendre les impacts culturels qu’ils génèrent. Avancerait –on désormais vers un bilinguisme où les créoles (guadeloupéen et martiniquais) pèseraient beaucoup plus dans les processus de socialisation ? Enfin, les attributs interculturels naissants seraient –ils les manifestations d’une sphère linguistique vivante et singulière dans laquelle les deux idiomes majeurs, le créole et le français, au bénéfice d’une reconnaissance sociale de plus en plus affirmée, interagiraient? Une pratique linguistique ambivalente Nous ne saurions initier notre propos sans nous référer aux discours linguistiques développés, jusqu’ici, sur ce sujet lié au bilinguisme. Le contexte socio-historique que nous avons exposé s’apparente selon C Fergusson (1959) à un système diglossique. La diglossie, souligne t-il, nous renvoie à une organisation sociale où coexistent deux langues au sein d’une même communauté linguistique. L’une est reconnue comme supérieure et sert aux échanges officiels, l’autre, moins bien considérée, convient aux situations courantes. Ce type de bilinguisme se distingue nettement d’autres modèles, tel l’exemple helvétique, où plusieurs langues partagent le même espace socio-économique de façon satisfaisante. Cet état diglossique, poursuit Fergusson, peut évoluer de deux manières distinctes. Dans la première, la langue dominée peut se rapprocher de la langue dominante et risquer, le cas échéant, de disparaître. La seconde, elle, situe un contexte où la langue dominée se renforce et rivalise avec la langue dominante (contre-acculturation). Les départements français d’outre mer, concernés à plus d’un titre par cette théorie, ont, bien évidemment, nourris de nombreuses études linguistiques et sociolinguistiques portant, notamment, sur l’évolution de la situation diglossique. Aux Antilles, comme à la réunion, l’idée du continuum2 a émergé mettant en corrélation, d’une part, le français standard et le français créolisé et, de l’autre, le créole basilectal et le créole francisé. Considérée comme évolutive, variée et inscrite, le plus souvent, dans une dynamique conflictuelle, la diglossie continue à faire débat dans tous les départements d’outre mer. Jusqu’à quel point l’assimilation joue-t-elle ? L’état diglossique peut-il disparaître ? Vers quoi, en l’occurrence débouche- t-il ? Certains linguistes (V. Gueunier, 1995) précisent que l’existence d’un continuum français / créole indique la disparition du rapport diglossique entre les langues. Le continuum français / créole serait ainsi l’expression d’une ancienne diglossie. Aux yeux de C. Bavoux (2003) « la diglossie est une forme de plurilinguisme, un type de situation de contact linguistique, relevant de l’analyse macro-sociolinguistique. D’autres auteurs (J-B Marcellisi, 1981, P. Gardy et R Lafont, 1981) la définissent comme un exemple spécifique de bilinguisme de masse. 2 "Un continuum se caractérise donc par la présence d'un "dia-système" bipolaire allant d'un "acrolecte" caractérisé par des formes socialement valorisées à un "basilecte" correspondant à l'état de langue dévalorisé socialement. Bien entendu, l'acrolecte et le basilecte possèdent en commun un nombre considérable de traits linguistiques et la différenciation ne porte que sur un nombre limité d'éléments, ce qui permet une relative intercompréhension entre les deux pôles du continuum." (Carayol et Chaudenson, 1978, p. 182). PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE Aux côtés de ces travaux conduits dans le contexte domien français, nous pouvons associer ceux menés, en général, sur l’alternance codique. La perspective est de la considérer comme une véritable compétence linguistique (Causa,2007) qui manifeste la maîtrise des deux langues, c'est-à-dire la capacité de les utiliser spontanément avec leurs codes respectifs. Nous n’allons pas dans ce travail prendre part explicitement au débat linguistique mais, en revanche, nous nous appuyons sur l’éclairage qu’il apporte quant à la dynamique linguistique en cours. Nous sommes ici dans un contexte post-esclavagiste et postcolonial où le créole et le français, deux idiomes aux statuts contrastés coexistent. Nous retenons que l’environnement historique, culturel et socio-économique détermine la nature et les changements de cette coexistence. Nous cherchons, avant tout, à bien identifier le rapport actuel à travers l’hypothèse qu’il serait moins soumis à la bipolarisation assimilationniste. Pour bien exposer notre regard nous allons mettre en exergue les conditions dans lesquelles l’ambivalence linguistique a apparu et s’est structuré en tant que système langagier adapté et performant. L’assimilation culturelle ou l’origine de la bipolarisation linguistique Le modèle ségrégationniste3 adopté par la plupart des puissances coloniales européennes (Angleterre, Allemagne…) ne fut pas choisi par la France. Elle prit l’option d’une politique assimilationniste officiellement lancée au XIXème siècle avec l’œuvre de référence d’Arthur Girault "Principes de colonisation et de législation coloniale" (1894). En fait, la doctrine assimilationniste est déjà présente au début du projet colonial (XVIIème s). Elle transparaît dans le Code Noir (Colbert, 1685) promulgué par Louis XIV. L’article 2, par exemple, ouvre clairement l’instruction catholique à la population servile : « Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine. Enjoignons aux habitants qui achètent des nègres nouvellement arrivés d'en avertir dans huitaine au plus tard les gouverneurs et intendant desdites îles, à peine d'amende arbitraire, lesquels donneront les ordres nécessaires pour les faire instruire et baptiser dans le temps convenable. » Nous pouvons aussi signaler la décision de l’assemblée nationale législative de la Première République du 4 avril 1792 accordant la citoyenneté française aux territoires français d’Afrique (l’Ile Saint-Louis ; Fleuve Sénégal ; Ile de Gorée ; Presqu’île du Cap-Vert). L’enjeu de cette notion d’assimilation fut de diffuser dans les colonies la culture française. Elle trouva avec la Révolution de 1789 un cadre référentiel idéal. Elle devait être perçue comme l’héritière directe de la Révolution car, déclarait A. Girault (1894), la Constitution de l’An III (1795) avait déclaré que les colonies étaient « partie intégrante de la République ». Ainsi dès le XVIIème siècle, l’Administration coloniale française s’est appliquée à diffuser la culture française métropolitaine dans ses colonies. L’Ecole avec ses fondements républicains, son grand principe de citoyenneté, et l’Eglise avec sa longue campagne d’évangélisation (XVIIème – XVIIIème siècles) en furent les principaux fers de lance (Cécile, 2011). 3 Le modèle colonial ségrégationniste équivaut à une organisation de la colonie fondée sur la séparation physique et morale des hommes selon des valeurs et des statuts édictés (textes de lois). Il n’intègre pas dans ses principes une assimilation entre le monde des colons et celui des esclaves. PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE La doctrine d’assimilation culturelle trouva dans la départementalisation de 1946 un réceptacle de premier rang ; Aimé Césaire rapporteur de cette loi le 12 mars 1946 à l’assemblée nationale constituante déclarait : « Les Antilles et la Réunion ont besoin de l'assimilation pour sortir du chaos politique et administratif dans lequel elles se trouvaient plongées. [...] La raison en est que presqu'aucun effort n'a été fait pour assurer au travailleur antillais ou réunionnais un statut économique et social en harmonie avec le statut politique dont il jouit depuis un siècle. » La volonté d’Aimé Césaire était de mettre en exergue la dimension sociale de la loi au-delà même de l’assimilation qu’elle incarnait. En définitive, les égalités sociales escomptées n’ont jamais été vraiment acquises ; bien, au contraire, les avantages sociaux obtenus, même réduits, ont considérablement rapproché les sociétés guadeloupéenne et martiniquaise du modèle social et culturel métropolitain. La langue française, avec cette période, renforça son statut de langue dominante, devenant, plus que jamais, l’outil majeur de l’émancipation. Face à l’inexorable ascension de la langue française et de son « implacable » hégémonie, la langue créole a connu une histoire inversée. Partons, pour illustrer sa singulière trajectoire, de sa genèse. Elle est d’abord la langue de la colonie ; elle est l’idiome qui a naturellement émergé avec l’apport (au début de la colonisation) de signes linguistiques européens, africains et amérindiens, puis de signes asiatiques et indiens. La dimension démographique a beaucoup compté dans sa cristallisation lexicale et prosodique. Précisons que la société d’habitation équivalait à une exploitation agricole où la population blanche était majoritaire et évidemment dominatrice. Et « en dépit de la distance sociale, blancs et noirs, privés de tout, vivaient, travaillaient aux champs, chassaient, pêchaient ensemble » (Chaudenson, 1992). Cette promiscuité favorisait l’intégration des esclaves dans le système socioculturel colonial, d’autant plus que ceux-ci arrivaient jeunes, la moyenne d’âge étant de quinze ans. Cette société d’habitation donna alors lieu à une communication centripète orientée vers un français populaire. Venus des provinces de la moitié nord-ouest de la France, au nord d’une ligne Paris-Bordeaux, les colons usaient de parlers distincts : des idiomes d’oil fondés sur l’usage systématique des périphrases (« être après ; être à ; avoir fini de ; aller ne faire que… »), un ancien français qui est encore parlé en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada). L’esclave dont la langue maternelle était interdite, s’appropriait ce langage. Les bossales parlaient ce que les colons nommaient le « jargons des commençants ». A la société d’habitation succéda la société de plantation où l’organisation sociale fut profondément bouleversée. Le besoin de main d’œuvre entraîna une importante immigration africaine. Les rapports changèrent ; la population blanche, toujours dominatrice, devint minoritaire. Rendus gestionnaires, les colons perdirent le contact avec la masse des esclaves. Alors, « la langue cible des nouveaux arrivants n’était plus le français, mais des variétés approximatives de cette langue. L’application des stratégies d’appropriation à ces variétés de français, déjà elles mêmes approximatives a entraîné une autonomisation sociale et linguistique » (Chaudenson, 1253). Ainsi, la communication centripète s’est évanouie et a laissé la place à un idiome autonome : le créole. En Guadeloupe et en Martinique, devînt la principale langue coloniale, celle parlée et comprise par la majorité des protagonistes. Elle fût même écrite dès le milieu du XVIIIème siècle par des blancs créoles et des mulâtres (les nègres écriront un peu plus tard). Ce PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE mouvement scriptural ne se développa, le créole restant, avant tout, une langue orale avec laquelle la gent servile se socialisa. Toutes les expressions liées à la vie sociale des esclaves (aussi brimée qu’elle fût) se cristallisèrent avec le créole. Les musiques tambourinées, les croyances animistes et les pratiques culinaires en sont les résultats. Les esclaves, au gré de leurs activités serviles, partageaient la vie sociale des maîtres et l’ensemble de ces contacts a, bien évidemment, nourri les syncrétismes qui s’en suivirent. Cette appropriation de la langue créole par la population servile couplée au principe d’assimilation culturelle poussa les colons à prendre leur distance avec un environnement culturel qu’ils allaient désormais caricaturer et dénigrer. Le créole devint ainsi un patois vulgaire dépourvu de structures grammaticales et syntaxiques. Cette dépréciation des colons blancs, parce qu’elle est d’abord fondée sur une doctrine institutionnelle (assimiler les indigènes pour qu’ils deviennent « nous »), constitue le fondement de la conduite linguistique ambivalente qui s’est développée et perdure encore. L’argumentaire de l’assimilation culturelle n’a pas suffi pour déconstruire une langue créole bien enracinée, maîtresse de tous les rites de vie et de mort. Il ne fut point possible de déstabiliser une oralité vivante emblématisée par les musiques tambourinées. L’appel de la sirène assimilationniste ne laissait pas, pour autant, les adeptes du parler créole complètement indifférents. La vie matérielle du colon, ses « bonnes manières », ses tenues ostentatoires, ses musiques instrumentales, sa couleur de peau, tant valorisée et enfin sa manière de parler formaient un ensemble auquel le créole n’était point insensible. Comment cette ambivalence linguistique se manifestait-elle (et se manifeste-t-elle encore) ? L’observation de la vie sociale martiniquaise et guadeloupéenne nous renvoie une omniprésence de la langue créole. C’est indéniablement la langue de la rue, elle s’entend partout et les locuteurs sont de tous âges. On l’utilise en majorité dans les situations informelles et festives ; les cérémonies culturelles (léwoz, swaré Bèlè4, veillées de contes, chants funèbres…) forment son terrain naturel. Pour bon nombre d’individus, le plus souvent issus du milieu rural, ces moments culturels représentent leur « fondal natal » (Bernabé,), leur « authenticité » nègre qu’ils tiennent ici à faire valoir. Ces instants revêtent, pour eux, une forte valeur identitaire, ils s’y complaisent et les distinguent d’autres situations culturelles francophones qui appartiennent aux Blancs. Dans ces rituels anciens, les esprits des « ancêtres esclaves » semblent présents; la langue française y est alors exclue parce qu’on considère qu’elle ne coïncide pas aux valeurs originelles du tambour. Dans ce contexte, la langue française est rapportée comme la langue de l’ancien colonisateur et il est implicitement recommandé de ne pas l’employer. Sortis de cette sanctuarisation, ces mêmes individus peuvent, paradoxalement, éprouver un sentiment opposé à l’égard de ces pratiques anciennes. Le joueur de tambour, sublimé par ailleurs, peut devenir le vyé nèg a wonm ki pa ka palé fwansé (le vieux nègre qui boit du rhum et qui ne sait pas parler français) bien comme il faut. Ils vont, alors, encourager leurs enfants à emprunter la voie de l’émancipation, celle qui s’authentifie par le « bien savoir parler français ». Damas (1937) dans sa rébellion lyrique s’en était pris à la petite bourgeoisie locale qui ne fixait sa destinée qu’à travers le principe de l’assimilation 4 Le léwoz est une soirée où se rassemblent les adeptes du gwoka, la musique tambourinée guadeloupéenne. Chanteurs, joueurs de tambour (boulayè, makè), danseurs et répondeurs rivalisent toute la nuit à la cadence de huit rythmes majeurs interprétés avec trois tambours (un makè et deux boula): le toumblak, le padjanbel, le woulé, le léwoz, le menndé, le kaladja et le graj. La soirée bèlè présente une structure proche de celle du léwoz. On y retrouve les mêmes acteurs se relayant et rivalisant au cours de toute la soirée. La musique est produite par un tambou-bèlè et un tibwa joué à l’arrière du tambour. PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE culturelle. Il dénonça, en particulier, leur propension à dénigrer les manières nègres des petites gens : Ma mère voulant d’un fils très bonnes manières à table Les mains sur la table le pain ne se coupe pas le pain se rompt le pain ne se gaspille pas le pain de Dieu le pain de la sueur du front de votre Père le pain du pain Outre la piété qu’on voulait inculquer au fils idéal, il y avait bien sûr, le français qu’il lui fallait maîtriser : Cet enfant sera la honte de notre nom cet enfant sera notre nom de Dieu Taisez-vous Vous ai-je ou non dit qu’il vous fallait parler français le français de France le français du français le français français (Hoquet, 1937) L’église et l’école ont, jusqu’à la fin du XXème siècle, beaucoup contribué à asseoir l’hégémonie de la langue française dans les territoires guadeloupéen et martiniquais. Elles ont permis de l’intégrer comme une langue propre et respectable avec laquelle on accomplissait tout ce qui était officiel et « important ». Le créole, lui, en dépit de son usage majoritaire, était ressenti comme un idiome brut et vulgaire qui pouvait, parfois, susciter une quelconque gêne. Il était, en effet, fréquent d’observer des parents sommant, en créole, à leurs enfants de parler français : « palé fwansé mwen di’w » (Je te demande de parler français). Cette ambivalence linguistique, qu’on voudrait parfois rapprocher de la schizophrénie, n’est pas une manifestation anomique mais se développe plutôt comme une réponse adaptée face à la complexité du contexte social. En fait, le milieu du colon blanc et celui de l’esclave font partie de la même réalité sociale et culturelle Ils appartiennent à un même monde auquel des frontières idéologiques et symboliques ont été érigées et entretenues. L’ambivalence linguistique: une expression d’adaptation et de création Comment traduire le rapport ambivalent qu’entretiennent les locuteurs guadeloupéens et martiniquais avec le français, d’un côté, et, de l’autre, leur langue maternelle ? Retenons qu’il s’agit d’un bilinguisme spécifique parce qu’il concerne des individus qui sont nés dans un environnement multilingue bipolaire. Ils ont construit leur identité linguistique dans un cadre socioculturel où les idiomes socialisateurs présentaient des statuts contrastés. Face à la bipolarisation de nature coloniale, l’hypothèse généralement soutenue, et parfois validée, reconnaît l’existence de clivages dont les impacts sur la vie sociale sont visibles. On relève, notamment, les effets diglossiques touchant particulièrement les PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE individus qui ont le créole comme langue maternelle. Les exemples les plus exposés sont rattachés à la problématique de l’échec scolaire. La plupart des élèves qui ont le créole comme langue maternelle n’ont, à la fin de leurs premiers cycles scolaires (CM2 – 3ème) qu’une maîtrise approximative du français. Dans leur manière de parler et d’écrire le français, ils incluent des codes créoles. Ainsi le créole (comme les autres langues régionales guyanaises) n’a pas été majoritairement pensé comme une langue scolaire, capable de transmettre des savoirs nécessaires à une socialisation « positive ». Cette fonction émancipatrice était octroyée exclusivement à la langue française. Comment, en définitive, traduire cette posture ambivalente ? Au-delà de ses effets déstabilisants liés au déni de la langue dominante ou de la langue dominée, nous considérons avec beaucoup d’intérêt le rapport d’ « amour » (pour le français et le créole) entretenu par l’ensemble des locuteurs. Nous désignons ici les moments socialisants, c'est-àdire ceux où les langues servent aux stratégies identitaires et aux pratiques culturelles individuelles et collectives. Dans ce contexte multilingue postcolonial, les situations sociales et culturelles structurées avec la langue dominante et/ou les langues minoritaires sont, en effet, fréquentes. Celles liées aux expressions musicales, par exemple, présentent pour notre questionnement un grand intérêt. Les musiques tambourinées et instrumentales nées de la période coloniale, celles apparues dans les temps postcoloniaux et, enfin, celles qui emblématisent les cultures urbaines actuelles s’expriment toutes dans des viviers langagiers qui prennent une part majeure dans la symbolique qu’elles créent. Ce que nous nous voulons souligner ici c’est l’impact de la langue sur la pratique musicale (danse, chant danse). Les langues, avec leur potentiel prosodique, sont elles mêmes des « musiques » spécifiques, et en ce sens elles induisent des ressentis et des conduites différents. Les travaux menés sur le rapport entre bilinguisme et sport présentent sur ce sujet quelques pistes exploitables. Nous pensons, notamment, aux études développées par le Centre de recherches et de ressources en éducation et formation (CRREF) de l’Université des Antilles et de la Guyane sur l’alternance codique (Anciaux, Delcroix, 2013) dans un contexte d’éducation physique. Elles ouvrent sur des pistes de didactisation de l’alternance codique à destination de l’enseignement et de la formation en contexte bilingue. Une expérience conduite auprès de quatre vingt enfants bilingues guadeloupéens (créole / français) ‘(Anciaux, 2003) consistait à mesurer l’influence de la langue sur l’exécution d’une activité motrice. Une partie des résultats obtenus révèlent, d’une part, que les mots créoles posséderaient une valeur d’imagerie supérieure à celle des mots français et, d’autre part, que la langue influencerait la capacité d’imagerie mentale des sujets en fonction de l’âge. Le choix de l’assimilation culturelle opéré par l’Administration coloniale française n’a pas abouti, comme on l’escomptait, à l’effacement des modèles culturels coloniaux (langues, croyances, musiques…), des expressions syncrétiques mêlant des signes européens, africains, amérindiens, asiatiques et indiens. Bien au contraire, ces modèles se sont maintenus et se sont, inexorablement, intégrés dans l’organisation sociale et familiale des colonies. Portés dès le commencement par la population servile, ils ont été appropriés par la paysannerie et la classe ouvrière. Ils ont, au final, constitué des cultures orales qui n’ont jamais cessé de nourrir les situations quotidiennes. Et c’est cela, bien sûr, qui marque le PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE particularisme des anciens territoires coloniaux français d’Amérique ; constamment soumis à l’assimilation culturelle jacobine, ils se sont adaptés avec un système ambivalent qui s’est avéré efficace parce qu’il a permis de cristalliser des modèles coloniaux. Le caractère insulaire des territoires antillais (Martinique ; Guadeloupe) et leur modeste superficie (1 100km2 et 1 600 km2), forment un cadre spatial qui a nettement favorisé l’enracinement de cette sociabilité ambivalente. Ces deux petites îles ont bien vite constitué des « mondes » culturels au sens où l’entend Métral (2000), c'est-à-dire des espaces fonctionnant avec leurs propres références symboliques au sein d’un large périmètre institutionnel. L’insularité est parfois vécue comme un sentiment d’appartenir à un pays clos (Françoise Peron,2005)En l’occurrence, l’ensemble de leurs populations ont toujours baigné dans un même contexte référentiel et symbolique. Le rapport ambivalent à la langue française et à la langue créole, par exemple, a toujours concerné la totalité des individus Nous souhaitons, enfin, démarquer l’ambivalence des clivages renvoyés par les discours idéologiques s’appuyant, le plus souvent, sur le schéma manichéen « langue coloniale / langue identitaire ». L’ambivalence linguistique qui concerne notre propos ne présente pas une opposition systématique entre la langue française et la langue créole. Elle offre plutôt une dynamique langagière où les deux idiomes inter-changent leur statut devenant tour à tour des objets d’identification et de non identification. Dans notre regard anthropologique on la définit comme un phénomène d’adaptation, un ensemble de conduites parfois singulières produites pour répondre aux exigences de la réalité sociale et culturelle. Le contexte esclavagiste et colonial français fondé sur un processus d’assimilation culturelle a fait naître une société stratifiée où les hommes et les choses étaient catégorisés selon des critères sociaux et raciaux. L’ordre établi relevait davantage d’une logique politique et idéologique que de l’environnement social lui-même. Le processus d’assimilation culturelle en question a dès le commencement fait valoir la négation des modèles culturels nés de la colonie et au premier rang desquels on retrouvait la langue créole. Les musiques tambourinées, les croyances magico-religieuses ou encore les pratiques alimentaires furent les autres objets de cette dépréciation sociale. Nous avons souligné que la volonté politique et administrative n’a pas suffi à provoquer l’effacement de la culture coloniale. Bien au contraire, le fort impact de ses modèles sur la vie quotidienne et la densité de ses groupes sociaux ont nettement contribué à son ancrage dans la société. Des rituels autour de la naissance, de la mort et du travail ont émergé et ont, dès le XVIII ème siècle, forgé une organisation sociale et familiale, entendue comme le fondement de la société guadeloupéenne et martiniquaise. La langue créole occupe la rue et le milieu rural ; elle est la langue de la fête : les soirées gwotanbou, les soirées bèlè les véyé boukousou5 ou les veillée-contes sont indissociables des chants, des formules, des bay’ lavvwa et des jeux de mots créoles. Après avoir exposé les fondements de l’ambivalence linguistique, nous centrons notre regard sur la manière dont les Guadeloupéens et les Martiniquais utilisent aujourd’hui la langue française et la langue créole. 5 La véyé boukousou , c’est la veillée funèbre « traditionnelle » guadeloupéenne. C’est une fête populaire où wakayè (chanteur qui reproduit avec sa bouche le rythme du toumblak), conteurs et joueurs (mayolè :danse de lutte ; zizipan. PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE Vers un bilinguisme ? Va-t-on vers un effacement de l’ambivalence linguistique pour progressivement assister à l’émergence d’un bilinguisme où le créole s’institutionnaliserait et le français prendrait, sans clivages, ses attributs de langue maternelle ? Institutionnalisation du créole ? En ce début du XXIème siècle, la place institutionnelle de la langue créole s’est beaucoup accrue. Dans toutes les administrations, même celles directement rattachées à l’Etat (Préfecture), le créole dans sa forme orale occupe variablement le terrain. Les conversations professionnelles ou informelles et l’accueil au guichet sont aujourd’hui des situations courantes, voire banales. Ainsi, depuis le XVIIIème, le temps où il était vigoureusement décrié, le statut institutionnel du créole a beaucoup évolué ; il jouit, maintenant, de beaucoup plus de reconnaissance sociale et politique. Plusieurs facteurs ont, bien évidemment, nourri ce changement notable. Les actions des mouvements nationalistes ont assurément compté dans ces transformations sociales et culturelles. Parmi elles, il est, sans doute, opportun de souligner le rôle majeur qu’ont joué les associations estudiantines : l’Association Générale des Etudiants Guadeloupéens (AGEG) et l’Association Générale des Etudiants Martiniquais (AGEM). Avec des attributs syndicaux, elles avaient comme missions affichées la défense des intérêts sociaux et éducatifs des étudiants, mais elles ont été longtemps très proches des organisations nationalistes et n’hésitaient pas à revendiquer une politique de « décolonisation », d’émancipation sociale et culturelle fondée sur des valeurs endogènes. L’AGEG dans ses années les plus actives (1960-1990) s’était approprié l’hymne du mouvement nationaliste guadeloupéen et s’en servait pour ouvrir la plupart de ses grandes manifestations : « Gwadloupeyen, gwadloupéyenn’ / Guadeloupéens, Guadelolupéennes Gwadloup an danjé / La Guadeloupe est en danger Nou pé pa rété konsa / Nous ne pouvons pas rester passifs An nou met tout fos annou adan on sel konba / Mettons toute notre force dans un seul combat Pou nou rézisté / Pour que nous puissions résister Dè jou an jou lenmi ka anvahi nou / Jour après jour l’ennemi nous envahit An nou fè atansyon tan ka pasé / Soyons vigilants, le temps passe Gwadloupéyen, gwadloupéyenn’ / Guadeloupéens, Guadeloupéenne Nou tout ka doubout tout ansanm / Nous nous mettons debout tous ensemble Pou nou sové péyi la é gannyé libèté annou / Pour sauver le pays et gagner notre liberté L’emploi du créole dans le fonctionnement de l’AGEG et de l’AGEM était quasiment exclusif. Toute la communication interne en dépendait ; selon les valeurs « agegistes » et « agemistes », il était inconcevable que les étudiants antillais pussent converser entre eux en français. Ce « délit » de francophonie était implicitement reconnu comme une posture assimilationniste. Au bout de plusieurs décennies, le positionnement idéologique de ces deux associations estudiantines a contribué à conforter la pratique de la langue créole dans l’environnement hexagonal. Outre l’impact du milieu nationaliste, le créole a été aussi porté par le mouvement PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE littéraire qui, depuis la fin de la première moitié du XXème siècle, n’a cessé, à travers des plumes dénonciatrices, d’encenser une culture régionale trop longtemps brimée. Les écrivains de la Négritude (Aimé CESAIRE, Léon-Gontran DAMAS, Léopold Sédar SENGHOR) jouent, avec leur œuvre poétique, un rôle majeur dans la revitalisation des cultures régionales. Ils ont comme outil principal la langue française, ils se l’approprient et s’en servent pour dénoncer l’hégémonie de la culture blanche et clamer les vertus des modèles nègres. Pourquoi écrire en français et pas en créole ? On pourrait bien imaginer que ce choix d’écriture pût permettre de déconstruire plus âprement les principes coloniaux. Si, a priori, il semblait inapproprié d’utiliser le français pour faire la "promotion" du créole, Léopold S. Senghor (Cité par G. Drouet, 1958, p.59) rend plus claire la situation en ces termes : "pourquoi écrivons-nous en français ? Parce que nous sommes des métis culturels, parce que, si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s’adresse aussi aux Français de France et aux autres hommes". Le zèle déployé par les écrivains de la Négritude et le pullulement des études philologiques et comparatives sur les variantes du créole, ont peu à peu donné à penser que le créole devait être autre chose qu’un simple patois. Avec L. Calvert (1944), pour la première fois, le créole est explicitement appelé "langue". Mais, le processus de réhabilitation du créole se poursuit avec G. Gratiant (1961) qui met sur un pied d’égalité créole et français et refuse d’opposer culture antillaise et culture française. Il pense qu’il existe une culture créole qui tire son authenticité de l’héritage des cultures africaine et européenne. Texaco (CHAMOISEAU Patrick, Prix Goncourt 1992) est une production littéraire significative car elle traduit très nettement l’introduction de la langue créole dans des espaces conventionnels….Face au rêve de l’En-ville, les nègres marrons s’étaient mués en driveurs, les conteurs s’étaient tus un à un, eux les Mentô avaient su maintenir un reste de présence (la Parole) en espérant sans doute la déployer au cœur de ce nouvel enjeu qu’est l’espace urbain. » (Chamoiseau,422). Le créole et les lieux de culte Les lieux de cultes catholiques font partie des conquêtes symboliques de la langue créole. Aujourd’hui, en effet, il n’est pas rare d’entendre dans les églises des chants en créole interprétées par des chorales, le plus souvent, accompagnées d’un petit corps instrumental dans lequel ressort un tambour à membrane. De plus avec l’ordination croissante de prêtres créolophones (Guadeloupéens, Martiniquais, Haïtiens), on assiste parfois à des homélies en créole ou plus fréquemment à de courts messages solennels. On peut, parfois, aussi lire des phrases bibliques transcrites sur des banderoles fixées en haut de l’autel. Cette présence, même partielle, du créole dans les églises catholiques (le plus souvent) revêt une signification symbolique car elle traduit un phénomène de sacralisation qui lentement se développe. Dans les années 70, on priait systématiquement en français et nul n’aurait imaginé le faire en créole. C’eût été, bien évidemment, une marque d’irrespect que de s’adresser à Dieu dans un « jargon » qu’il ne comprendrait pas. En revanche, les pratiques magico-religieuses, vécues en catimini, étaient convenues pour être le terrain du parler créole ; on lui laissait volontiers ce qui semblait relever de la sorcellerie. Aujourd’hui, cette PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE considération s’est considérablement estompée et l’évêché local reconnaît implicitement qu’il est possible de s’adresser à Dieu en créole. Cette créolisation des prières est progressivement intégrée par les fidèles, les premières désapprobations s’estompent pour laisser la place à des attitudes instinctives et nouvelles : On admet que ce changement soit dû en partie aux réformes de l’église catholique mais il est indubitablement lié également aux influences créoles que connaissent les lieux de cultes chrétiens. De plus, le créole, dans sa conquête religieuse, s’associe à un allié emblématique : le tambour. En effet, la plupart des chorales ont leur tanbouyé ou boulayè6 (joueur de tambour) qui s’exprime sur un tambour à membrane identique à ceux que l’on retrouve dans les soirées « traditionnelles ». Les musiques tambourinées qui accompagnent les prières impactent ostensiblement l’atmosphère générale des messes. Les prières sont vécues autrement, elles sont davantage chantées et induisent certaines modifications corporelles. Les corps sont devenus dansants et rappellent des postures observées dans des lieux festifs ; les offices de ce XXIème siècle sont, au final, beaucoup moins sobres que celles du siècle passé. Outre les lieux de cultes, l’institutionnalisation du créole passe inexorablement par le terrain scolaire. Quel chemin a été jusqu’ici parcouru ? Le « jargon » des siècles passés s’est-il mué en langue de savoirs qui occupe désormais l’école aux côtés du français? La loi Deixonne du 11 janvier 1951, permettant l’intégration à l’école d’un enseignement de langue et culture régionale, n’a pas concerné les idiomes créoles des départements d’outre mer. Il a fallu attendre trente et un ans avec la loi de la Décentralisation (1982) pour assister à l’entrée officielle du créole à l’école. En effet, depuis la circulaire Savary de 1982 sur l’enseignement des langues régionales, l’usage du créole à l’école devint légal. Des expériences, jusque là informelles et officieuses, vont dès lors se développer dans plusieurs établissements scolaires (primaire et secondaire). Une étape significative fut franchie au début des années 2000, lorsqu’un décret en date du 5 février 2001 octroya aux régions d’outre-mer un CAPES créole. Le premier concours organisé les 5 et 6 mars 2002 ouvrit un champ que beaucoup d’acteurs continuent à exploiter. La volonté générale est d’œuvrer pour que le créole puisse prendre sa place dans les circuits éducatifs. L’ensemble de ces mesures officielles et informelles n’ont pas pour autant rendu l’enseignement du créole obligatoire. En conséquence, les textes édictés n’ont pas entraîné une généralisation des projets en langue créole ; le terrain scolaire dans sa grande majorité reste encore sous l’égide du français. Le débat sur la reconnaissance officielle du créole se poursuit autant dans les hémicycles politiques que dans le milieu associatif. Les 27 et 28 février 2013, lors du passage de la loi sur la refondation de l’école à l’Assemblée nationale, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a adopté deux amendements du député réunionnais, Jean-Jacques Vlody. Les textes suggèrent d’appliquer dans les régions d’outre-mer des approches spécifiques dans l’enseignement du français dans la perspective de tenir compte de tenir compte de la réalité linguistique des outre-mer. 6 Le boulayè joue sur un tambour nommé « boula » qui donne la cadence boulayè joue sur un tambour nommé « boula » qui donne la cadence PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE Quelles sont les conséquences de ces avancées juridiques sur le bilinguisme créole / français ? Les créoles guadeloupéen et martiniquais (ainsi que les créoles guyanais et réunionnais) sont officiellement enseignés depuis 2011. C’est incontestablement une reconnaissance qui impacte favorablement le statut de la langue créole. Dans les discours populaire et petit bourgeois on ne s’offusque plus de la présence du créole à l’école. Comme pour le milieu sacré, c’est un phénomène qui semble se ranger dans une norme relative. L’idée que le créole puisse être une langue d’expression du savoir et aussi d’apprentissage fait progressivement son chemin. Si nous dépassons les lieux sociaux de référence que forment l’église et l’école, on s’aperçoit que les institutions publiques (Administration, collectivités, entreprises publiques et privées…) manifestent quelques changements (même mineurs) en faveur d’une représentation bilingue. Les compagnies aériennes françaises, par exemple, qui couvrent la zone caraïbe proposent parfois un accueil en trois langues : français, anglais et créole. Si l’initiative, à ses débuts (environ dix ans) prêtait à sourire, aujourd’hui elle contribue, elle aussi, à renforcer le statut du créole. Nous avons aussi observé que certaines collectivités utilisent, depuis une dizaine d’années environ, des panneaux signalétiques bilingues. On peut, à l’entrée de certaines communes guadeloupéennes lire « Nou kontan vwè zot » (Bienvenue) ou à la sortie « Mèsi dé vizit a zot » (Merci de votre visite). L’impact de cette initiative publique est significatif car elle relève du cadre scriptural au lieu du contexte oral bien plus général. A l’instar de l’institutionnalisation du créole, la langue française connaîtrait-elle un mouvement de créolisation qui la conduirait à partager avec le créole certains espaces sociaux et culturels? L’observation du champ musical et, en particulier du zouk love, semble apporter un éclairage pertinent à ce questionnement. Le zouk love: une expression appropriée par le français Le zouk comme d’autres modèles culturels antillais francophones, est le résultat de syncrétismes issus du contexte colonial et postcolonial. Au sens où l’entend Glissant (Tout Monde, 1993), la Guadeloupe et la Martinique sont dans un processus de créolisation débuté depuis l’ère coloniale et qui se poursuit avec des modèles contemporains. Il s’agit dans cette pensée glissantienne de concevoir des sociétés mélangées de modèles différents dont les transactions constantes produisent de la culture. Elles sont, d’abord, profondément marquées par les attributs ruraux de la société d’habitation qui les a forgé. Elles apparaissent encore comme des territoires à forte « tradition orale », c'est-à-dire des pays où la parole est encore maîtresse. Les expressions musicales, tambourinées notamment, où les chants improvisés préservent une place majeure, traduisent bien ces traits culturels. Le rôle que jouent les radios publiques et privées illustre également la prégnance de l’oralité. Depuis, quasiment, leur apparition, elles ont, notamment, pris le relais des crieurs de veillées qui, de maison en maison, passaient PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE annoncer la mort d’untel (que chacun connaissait)7. Ainsi, les avis d’obsèques diffusés par les médias radiophoniques sont rapidement devenus des rituels partagés par la majorité des Guadeloupéens et des Martiniquais. Les horaires et la mise en onde de ces passages nécrologiques ne varient guère ; les médias contribuent ainsi à la ritualisation de ces moments populaires. Le zouk dans le processus de créolisation en cours prend un sens majeur car il représente un des principaux phénomènes culturels qui fassent l’hybridation entre le monde rural (celui du tambour) et le monde urbanisé où apparaissent des cultures urbaines. D’où vient le zouk ? La kadans et la kadans lypso8 sont des genres musicaux qui occupent la scène musicale aux Antilles dans les années 70. Ce sont des musiques orchestrales (grande variation instrumentale) nées à la fin des années 60 sous la forte influence, notamment, du konpa haïtien, de la cadence rampa et du tumbélé africain. La Kadans est un genre musical dansant qui va beaucoup séduire les adeptes des bals au point de supplanter les soirées dites traditionnelles (biguine ; quadrille ; gwoka). Les deux principaux créateurs du groupe kassav (Pierre-Edouard Décimus et Freddy Marshall) ont souhaité moderniser une musique antillaise qu’ils jugeaient peu originale. Notons qu’à cette même période le mouvement nationaliste guadeloupéen occupait le terrain avec de fortes mobilisations dans les milieux agricole, ouvrier et éducatif. Les discours portant sur la question culturelle et identitaire mettaient, entre autres, en cause l’influence haïtienne sur les musiques locales ; aux côtés de l’assimilation culturelle française et occidentale venait s’imbriquer le mimétisme antillais et caribéen. Ce positionnement a peut être impacté, dans une certaine mesure, le projet des musiciens précurseurs du zouk. D’emblée ils ont communiqué sur l’enracinement du zouk dans les musiques « traditionnelles » (rythmes carnavalesques : Saint-Jean ; gwoka) et l’ont présenté comme un genre endogène détaché, autant que soit peu, des influences régionales. Dans l’un des premiers albums du groupe Kassav figure un morceau enregistré avec la formation carnavalesque « plastic Boys » rendant hommage à Saint-Jean, un personnage populaire du carnaval pointois : Lévé o, lévé o ka (bis) / En avant, avançons au son du tambour Tanbouyé woulé tanbou / Frappez joueurs de tambour Fô kriyé lajennes pa obliyé Senjan / Il faut rappeler à la jeunesse qu’elle ne doit pas oublier Saint-Jean Sonjé sonjé sonjé / Souvenons-nous souvenons nous souvenons-nous An tan mas a sen jen / Au temps du carnaval de Saint-Jean Timoun e granmoun kouri dèyè tanbou la / Petits et grands se rassemblaient autour du tambour L’émergence du zouk love Le zouk love interprété en langue française est une pratique inédite dans l’histoire de la musique guadeloupéenne et antillaise. L’usage du français, jusqu’ici, était observé dans 7 La Guadeloupe et la Martinique sont des petits pays où l’interconnaissance est active. Dans la plupart des zones rurales, particulièrement, les gens vivent dans une grande proximité. Par conséquent, de façon directe ou indirecte les uns et les autres se connaissent. 8 La kadans est née aux Antilles françaises avec l’apport de groupes renommés : Simon Jurad ; Vickings ; Aiglons ; Perfecta. La kadans lypso est crée, elle, à la Dominique avec les groupes Grammacks et Exile one. PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE l’interprétation de morceaux de charme (boléro ; valse) prisés dans les années 50, 60 et 70. Ces musiques étaient jouées dans les bals : les orchestres leur consacraient souvent un quart d’heure dans leur répertoire. Ces morceaux étaient, le plus souvent, des reprises ou des variantes d’airs métropolitains et il semblait naturel, pour tous, qu’ils soient interprétés en français. Les autres musiques dites « traditionnelles », l’étaient exclusivement en créole. En fait, en ce début du XXIème siècle, nous assistons à un changement qui contraste avec l’ordre musical établi : aujourd’hui, le zouk, musique populaire, ancré dans le terroir créole depuis sa création, se développe aussi dans une sphère française. Cette expansion francophone, en réalité, n’interfère pas sur les productions créoles ; la médiatisation télévisuelle (clip) et radiophonique (hit parade) profitent aux deux catégories et leur permettent de partager les lieux scéniques et dansants. Les succès en français tel Fleur d’elle ou en créole tel Sandy occupent un terrain commun : ces deux morceaux sont diffusés dans les mêmes lieux festifs et sont visiblement vécus, dansés, en l’occurrence, de façon identique : Tu me manques, tu es si loin de moi / Ou ka manké mwen, ou telman lwen Les jours, pour moi, sont des années / Jou pou mwen sé lanné Dis-moi si tu m'aimes, écris-moi des poèmes / Di mwen si’w enmé mwen, di mwen bel pawol Vides-moi de ma peine, Fais que nos jours soient les mêmes / Fè mwen kontan, fé nou sanblé Dé fwa an la ka imagine’w kon sa / Parfois je t’imagine comme ça Sé vou an ka sonjé, pou ki tou sa rivé ? / C’est à toi que je pense, pourquoi tout ceci est arrivé ? Mèm si an fé déga fow padoné mwen / Même si j’ai fait des bêtises, il faut me pardonner An té anvi di vou kè vrèman an désolé / J’aimerais te dire à quel point je suis désolé An désolé an vlé rantré ouvè la pote pa lésé mwen sèl déwo la / Je suis désolé, je veux rentré, ouvre la porte , ne ma laisse pas seul dehors (Jim RAMA, Sandy, 2007) Un titre plus ancien « Tu me manque » (1990) d’Harry DIBOULA illustre bien l’alternance entre les mots créoles et les mots français. Le refrain « Tu me manque, ou ka manké mwen » est un exemple où s’explicite un sens commun : le sentiment exposé est simultanément exprimé par les deux langues. Ce mélange lexical avec le succès rencontrer par le morceau a, bien sûr, impacté le milieu du zouk qui plus de dix après poursuit sa francisation : Mwen sav fo nettoyer Mémoire mwen tro tiré Souvenirs nou à dé Nou té ka ri souvan Nou ja pasé bon tan Ou ti pas pli lontan Mais, oh, ça difficile Fait ménage an têt mwen Nettoyer l'esprit moin Sans penser Tou sa fo mwen abandoné Résigné, ça insensé PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE Refrain*2 Oh tu me manques, ou ka manké mwen Tu me manques Mwen sav fo mwen bougé Fo on moun, fo palé Oh, men mwen pa décidé Mwen sav fo mwen souri Mais jouer la comédie Pas on moun, pa anvi Mais, oh, ça difficile … Harry DIBOULA, Tu me manque, 1990 Dans cette sphère musicale on s’éloigne de la bipolarisation linguistique encore prégnante dans la vie quotidienne ; l’artiste zoukeur utilise autant les mots français que créoles pour traduire ses pensées. Les deux idiomes semblent lui convenir pour interpréter son discours chanté car le sens de ses mots parait se trouver dans la musique elle-même. Ainsi le zouk avec ses sonorités, son histoire et ses rites sert à la construction de plusieurs stratégies identitaires. Nous avons, sans doute, ici les prémisses d’un changement culturel majeur : le zouk en tant que genre musical syncrétique serait une voie ouverte à un bilinguisme plus homogène. De jeunes musiciens, ayant le français comme langue maternelle, se l’approprient et parviennent à produire des albums à succès. L’intérêt, maintenant, est de mesurer l’impact de ces productions sur la vie sociale en vérifiant, notamment, en quoi elles modifieraient le rapport bipolaire tenu entre le créole et le français ? En somme, l’institutionnalisation de la langue créole et la créolisation de la langue française manifestent l’évolution d’une dynamique linguistique dans laquelle les clivages s’effaceraient progressivement. En l’occurrence, nous faisons le constat que la langue française constitue, pour un bon nombre d’individus, une langue maternelle qui, au-delà du lieu scolaire, est employée dans toutes les situations sociales. La production musicale, notamment, à travers le phénomène du Zouk love, est un terrain intéressant qui nous révèle comment le français occupe des espaces auxquels il était très peu associé jusqu’ici. Aussi, la réappropriation de la langue française comme objet identitaire n’est pas un phénomène culturel qui manifeste forcément un recul des langues régionales. Bien au contraire, elle pourrait illustrer une nouvelle dynamique linguistique où la bipolarisation fondatrice serait moindre. Conclusion Certains observateurs et chercheurs en linguistique et littérature s’interrogent sur la nature du continuum qui se développe. Ils observent un phénomène de décréolisation et s’inquiètent de ses effets sur la structure même de la langue créole. Le bilinguisme français / créole en cours donnerait à entendre un créole francisé, de plus en plus dépourvu de ses sources lexicales, phonétiques et syntaxiques. Ces transformations structurelles du parler créole sont, en effet, récurrentes et sont aisément repérées dans de nombreuses situations sociales. Il s’agit d’un créole majoritairement acrolectal, c'est-à-dire quasiment dilué dans le français, que l’on peut, par exemple, entendre sur les médias radiophoniques. Outre le cadre PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE oral, des constats similaires sont faits dans le champ de l’écrit ; Didier Robillard9 dans un rapport établi en 2002 sur le CAFEP mentionnait qu’une grosse majorité des candidats ne parvenait pas à se distancier d’un créole excessivement basilectal (abus de la métaphore) ou intensément acrolectal (créole dissout dans le français). Face à l’enjeu de la codification du créole, nous comprenons ce questionnement et les inquiétudes que peut susciter la francisation du créole. Toutefois, nous avons cherché à nous détacher de ces préoccupations académiques pour nous intéresser au statut du créole et du français dans la dynamique linguistique en cours. Le créole, coupé de sa niche naturelle, la société d’habitation, aurait perdu l’énergie qui le vivifiait et le rendait créatif (R. Confiant, J. Bernabé, 2002). Depuis les premiers grands signes de déclin de l’économie sucrière (1960), la Guadeloupe et la Martinique sont, inexorablement, happées par une urbanisation évolutive. Marquées par un exode rural massif, elles présentent, aujourd’hui, une organisation socio-économique dans laquelle le secteur primaire tient une place minorée. Doit-on pour autant induire qu’elles sont en train de perdre subrepticement leurs attributs créoles ? Loin de valider un quelconque effacement des cultures créoles antillaises et, en particulier, des parlers créoles, nous faisons constat d’un processus de créolisation en cours au sein duquel les modèles créoles interagissent avec les modèles français. Nous pouvons convenir que ce processus ait commencé depuis le début de l’ère coloniale et qu’il soit rythmé par des étapes successives. L’ambivalence en constitue, indubitablement, la première étape et son effacement progressif vers un bilinguisme créole / français en est une autre. Nous retenons que l’ambivalence apparaît, en somme, comme une phase d’adaptation efficace face au projet d’assimilation culturelle instaurée au XVIIème siècle par l’administration coloniale française. Le créole, en dépit du dénigrement qu’il a longtemps subi, est restée, au fil des décennies, la langue rurale avec laquelle beaucoup de Guadeloupéens et Martiniquais se socialisent. Son urbanisation croissante, enfin, est la marque de sa dynamique, sa capacité à poursuivre son adaptation et à participer à l’invention culturelle en interagissant avec le français. Aujourd’hui, les cultures urbaines propres aux Antilles françaises se nourrissent du bilinguisme créole / français. Les étudier pour comprendre la manière dont chacune des langues intervient ou encore mesurer leur impact sur le milieu social s’avèrent des perspectives nécessaires que nous souhaitons poursuivre. Nous précisons, enfin, pour clore notre propos que nous avons fait le choix délibéré de privilégier le concept de bilinguisme dans notre travail car le contexte antillais étudié offre un rapport créole – français spécifique qui mérite de l’attention. Nous aurions pu aussi parler de plurilinguisme en considérant les autres créoles antillais (haïtien, Saint-Lucien, Dominicais) ainsi que d’autres langues caribéennes (espagnol, anglais). L’intérêt eût été de comprendre comment tous ces idiomes prenaient leur place dans la dynamique linguistique décrite. Comme nous l’avons déjà mentionné, ce travail est à venir et nous envisageons le conduire dans le contexte francophone d’Amazonie, c'est-à-dire en Guyane française. Nous sommes avec ce cadre amazonien dans un environnement plurilingue très riche dans lequel le bilinguisme créole-français s’entrevoit autrement. 9 Didier de Robillard, professeur des universités – Créole – Rapport 2002 concours externe et CAFEP correspondant PLURILINGUISME AUX ANTILLES-GUYANE Mai 2013 Christian CECILE Bibliographie BAGGIONI, D, 1993, « Dalons et paumés de la créolo-francophonie réunionnaise ou de la difficulté à vivre sans conflit la diglossie franco-créole dans un D.O.M. », dans FRANCARD, M. et al. (Ed.), L’insécurité linguistique dans les communautés francophones périphériques, actes du colloque de Louvain-la-Neuve 10-12 novembre 1993, vol. II, pp. 95-107. 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