L`approche pédagogique de l`ergothérapeute face au patient

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L`approche pédagogique de l`ergothérapeute face au patient
IFPEK
Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes
L’approche pédagogique de
l’ergothérapeute
face au patient lombalgique chronique
UE 6.5 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
MONIQUE Sandrine
Année 2013-2014
Selon le code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle
faite sans le consentement de l'auteur est illégale.
IFPEK
Institut de Formation en Ergothérapie de Rennes
L’approche pédagogique de
l’ergothérapeute
face au patient lombalgique chronique
Sous la direction de Guichoux Jean-François, directeur de mémoire
UE 6.5 S6 : Evaluation de la pratique professionnelle et recherche
MONIQUE Sandrine
Année 2013-2014
Résumé
La lombalgie chronique, une des premières causes d’arrêt de travail en France, a un
retentissement au niveau socio-économique, mais aussi et surtout chez l’individu en étant
source de handicap.
La prise en charge de la personne lombalgique chronique se fait selon une approche
pluridisciplinaire en intégrant un temps de conseil et d’éducation du patient. L’ergothérapeute
intervient à ce niveau afin d’aider la personne à faire face aux difficultés qu’elle rencontre
dans son quotidien, du fait de sa problématique rachidienne.
Ce travail de recherche s’intéresse à la façon dont ce professionnel adapte son
approche face à des patients souffrant de lombalgie chronique. L’analyse d’entretiens et
d’observations de professionnels en situation met en relief les compétences et techniques
relationnelles ainsi que pédagogiques, mobilisées par les ergothérapeutes afin de rendre la
personne lombalgique actrice de sa prise en charge. L’action éducative se fait alors selon
une vision holistique de la personne, en respectant ses habitudes de vie.
Mots clés : Lombalgie chronique, ergothérapie, éducation du patient
Abstract
Chronic low back pain, one of the first causes of sick leave in France, has a socioeconomic impact but also, and above all it induces a disability.
People with chronic low back pain are treated according to a multidisciplinary
approach with a part of advices and patient education. The role of occupational therapists is
to help these persons to cope with their daily difficulties due to their spinal problems.
The aim of this study is to examine how these professionals adapt their actions to
patients suffering from chronic low back pain. Results from interviews and clinical
observations point out relational and pedagogical skills as well as technics used by
occupational therapists to give the patient a more active role. Educational activity refers to a
holistic vision of the person and respects their life habits.
Keywords: Chronic low back pain, occupational therapy, patient education
Remerciements
Merci à celui sans qui rien de tout cela n’aurait été possible…
Sincères remerciements à…
Mes proches, pour leur patience, leurs encouragements et leur soutien
précieux.
Mon directeur de mémoire, qui a su répondre à mes questionnements et
m’éclairer tout au long de ce travail.
Les ergothérapeutes qui ont contribué à la réalisation de ce travail de
recherche.
Tous ceux, qui de près ou de loin, m’ont aidée à leur façon…
Sommaire
Introduction ........................................................................................................................... 1
Emergence de ma question de recherche ............................................................................. 2
Partie théorique ....................................................................................................................12
I.
La lombalgie chronique .................................................................................................12
A.
Présentation de la lombalgie et de ses retentissements.............................................12
B.
Prise en charge de la lombalgie chronique ................................................................16
Intervention de l’ergothérapeute : une approche systémique et écologique du patient ..18
II.
A.
Ergothérapie et handicap ...........................................................................................18
B.
Ergothérapie et personnes lombalgiques chroniques .................................................21
III.
Approche pédagogique du patient .............................................................................23
A.
Education et santé .....................................................................................................23
B.
Motivation du patient et appropriation du savoir .........................................................25
C.
Les compétences du thérapeute ............................................................................26
Partie exploratoire ................................................................................................................29
I.
Méthodologie de recherche ...........................................................................................29
A.
Choix du premier outil de recueil de données : l’entretien ..........................................29
B.
Un second outil : la grille d’entretien ..........................................................................30
II.
Analyse et synthèse des résultats .................................................................................31
Discussion ............................................................................................................................41
I.
Interprétation des résultats et vérification des hypothèses de recherche .......................41
II.
Approfondissement de la réflexion ................................................................................45
III.
Limites de l’étude .......................................................................................................47
Conclusion ...........................................................................................................................48
Bibliographie ........................................................................................................................49
Annexes ..................................................................................................................................
Introduction
Lumbago, hernie, sciatique, « tour de rein », tous ces mots reviennent lorsque l’on
parle de douleurs d’origine lombaire. Outre toutes ces appellations du mal de dos, on
retrouve également celle de « mal du siècle ». A notre époque où stress et mal être font
partie du quotidien, du fait de pressions sociales, nombreux sont ceux qui « en ont plein le
dos ». Cela se ressent sur la prévalence des lombalgies : L’Institut National de Prévention et
d’Education pour la Santé (INPES) estime que 4 personnes sur 5 souffrent au moins une fois
dans leur vie de maux de dos. Plusieurs mesures préventives et curatives ont été mises en
place, au fil des ans, mais malgré cela, la durée moyenne des arrêts de travail ayant pour
origine des douleurs rachidiennes a doublée en 35 ans1.
La lombalgie a donc des retombées sur l’individu, son employeur et également sur la
société. Le risque majeur qu’elle présente est celui du passage à la chronicité. Dans ce cas
précis, la personne souffrant de douleurs lombaires peut se retrouver isolée socialement et
professionnellement du fait de son incapacité à réaliser certaines activités. Cela a alors des
retombées sur la qualité de vie de l’individu.
Depuis plusieurs années, l’approche médicale des maladies chroniques s’oriente vers
une éducation du patient ayant pour finalité la création d’une alliance thérapeutique, ainsi
qu’une autonomisation du patient, en conférant à ce dernier des compétences en termes
d’auto-prise en charge. Cette action d’éducation se fait en multidisciplinarité, selon une
approche globale du patient.
L’ergothérapeute intervient de par ses compétences, au sein de ces équipes de
professionnels du domaine médico-social. Ce travail de recherche s’intéresse alors à la
façon dont il adapte sa pratique face à une population de patients lombalgiques chroniques.
A travers ce mémoire, j’exposerai dans un premier temps, la démarche de
questionnement m’ayant amenée à la formulation d’une question de recherche. Dans un
second temps, je développerai les concepts clés relatifs à mon étude. Par la suite,
j’expliciterai ma méthode de recherche, avant d’en retranscrire les résultats. Enfin, en
m’appuyant sur ces données, je vérifierai la validité de mes hypothèses avant d’élargir ma
réflexion concernant ce champ de pratique de l’ergothérapeute.
1
Institut National de Recherche et de Sécurité, Février 2011. Travail et lombalgie : Du facteur de
risque au facteur de soin. p8
1
Emergence de ma question de
recherche
Un questionnement de départ
Lors du premier stage de ma formation, au second semestre, j’ai pu observer pour la
première fois une démarche d’éducation auprès de patients souffrant de lombalgie.
J’ai eu l’opportunité de participer au programme d’école du dos, en même temps que les
patients du service. Ce dernier se déroulait sur trois jours.
Dans un premier temps, il y avait un point d’information concernant la pathologie et les
différents traitements existants.
Dans un second temps, se déroulaient des séances collectives avec un kinésithérapeute, un
ergothérapeute, ou un éducateur sportif. L’ergothérapeute enseignait des principes
d’économie articulaire dans les gestes de la vie quotidienne. Il s’agit d’adopter des stratégies
permettant d’éviter les situations à risque pour le dos au quotidien. En kinésithérapie, les
patients travaillaient leur musculation et leur souplesse. L’éducateur sportif intervenait afin de
favoriser la reprise d’une activité sportive. Des supports écrits étaient remis aux patients à la
fin des interventions du médecin, de l’ergothérapeute et du kinésithérapeute. Tout au long de
ce programme d’école du dos, j’ai pu entendre plusieurs commentaires de patients trouvant
qu’il y avait beaucoup d’informations à assimiler en peu de temps. L’évaluation gestuelle,
réalisée en ergothérapie au terme du programme, révélait que certaines personnes
parvenaient à acquérir les principes d’économie articulaire, alors que d’autres éprouvaient
plus de difficultés à adopter à bon escient les gestes d’économie rachidienne.
Toujours sur ce même lieu de stage, j’ai pu assister à des entretiens réalisés par
l’ergothérapeute en amont du programme d’école du dos, et, en réaliser moi-même par la
suite.
Ces entretiens m’ont permis d’observer qu’il existe une grande diversité entre les personnes
participant à ce programme. Il s’agissait d’hommes et de femmes de tranches d’âge
variables, appartenant à des catégories socio-professionnelles et culturelles différentes.
Chaque participant avait un vécu et une histoire de sa maladie qui lui était propre. Par
ailleurs, le fait que certaines personnes avaient déjà participé à ce genre de dispositif
éducatif dans d’autres structures, m’a également interpellé. De plus, certains patients ayant
assisté à l’école du dos du service revenaient en hospitalisation de jour pour des prises en
charge individuelles avec l’ergothérapeute.
2
Lors de ces séances, elles travaillaient l’acquisition des gestes d’économie articulaire, ou
préparaient la reprise d’une activité professionnelle.
Ces diverses observations ont suscité chez moi un questionnement :

Quelle est l’efficacité à long terme de ce type de programmes éducatifs sur la qualité
de vie des patients ? Quelles en sont les limites ?

Où s’arrête la prise en charge de l’ergothérapeute ?
L’ergothérapeute est un professionnel qui prend en compte la personne dans sa
globalité, tout en respectant l’unicité de l’individu. Il propose alors une prise en charge
personnalisée, basée sur les attentes de chacun de ses patients. Comment peut-il concilier
ces valeurs lors d’une prise en charge en groupe ?
Ma seconde période de stage, au troisième semestre, m’a permis d’étayer ma
réflexion. Dans ce service de rééducation, des personnes lombalgiques étaient également
prises en charge. Les ergothérapeutes du service soutenaient le fait que l’entretien en début
de prise en charge était un élément primordial. Bien que difficile à vivre pour le patient, du
fait de la dimension psychologique inhérente à la lombalgie, il s’agit d’une étape clé de la
prise en charge. En effet, cela permet au thérapeute de mieux connaître la personne et sa
problématique, mais peut également permettre au patient de bien prendre conscience de ses
difficultés et de ses ressources.
En outre, la diversité des personnes était prise en compte car certaines étaient dirigées vers
un programme d’école du dos, tandis que d’autres suivaient celui de la restauration
fonctionnelle du rachis. L’orientation des patients vers un type de programme était fixée par
la prescription médicale, en fonction des capacités et de la pathologie du patient.
Jusqu’à présent, les programmes d’éducation thérapeutique auxquels j’ai assisté
concernaient un groupe de patients adultes. Parmi ces derniers, certains n’en n’étaient pas à
leur premier programme d’éducation thérapeutique autour de la lombalgie.
Ces divers éléments m’ont conduit alors à poursuivre ma réflexion concernant
l’efficacité au long terme de ce type de programmes, ainsi que leurs limites. Cela m’a permis
d’affiner mon questionnement :

Les programmes d’éducation thérapeutique, auprès d’une population d’adultes
lombalgiques, se révèlent-ils suffisamment efficaces en termes d’amélioration de la
qualité de vie ?

Dans quelles mesures l’ergothérapeute peut-il œuvrer afin de maximiser les impacts
positifs de ce type de pratique ?
3
Des notions théoriques apportées en formation
Les cours théoriques de cette troisième année de formation m’ont également apporté
des éléments consolidant ma réflexion.
En effet, nous avons eu une intervention au sujet de l’école du dos, exposant les moyens
mis en place par l’ergothérapeute : travail proprioceptif et prophylaxie.
Puis, nous avons eu un cours concernant la Réparation Fonctionnelle du Rachis (RFR), où a
été abordé de syndrome de déconditionnement à l’effort. Ce syndrome a un retentissement
au niveau des activités de la vie quotidienne, de la sphère socio-professionnelle, et
psychologique. La lombalgie chronique peut donc être source d’un handicap invisible. Cet
aspect de la maladie doit être pris en compte lors de l’intervention de l’ergothérapeute. Ce
programme éducatif, ayant pour finalité la reprise d’une vie « active », n’est par contre pas
adressé à toutes les pathologies rachidiennes, et présente plusieurs contre-indications. Au
long terme, on observe une amélioration au niveau physique, psychologique et en terme de
qualité de vie.
Cependant, il existe tout de même des patients pour lesquels ce programme n’est pas
efficace au long cours.
Il nous a été prodigué également un cours concernant l’éducation thérapeutique du
patient. Ce concept clé a pour objectif de rendre le patient acteur de sa prise en charge, par
un changement de comportement et l’acquisition de compétences d’auto soin. Nous avons
abordé plusieurs définitions de l’éducation thérapeutique du patient, ses enjeux, ainsi que les
différentes étapes de construction d’un programme éducatif.
Lors de travaux dirigés, nous avons suivi l’évolution des pratiques concernant l’éducation
thérapeutique de patients souffrant de lombalgie.
Les pratiques professionnelles semblent donc être en constante évolution, bien que
règlementées par divers textes.
Ensuite, nous avons découvert l’entretien motivationnel, outil indispensable pour les
professionnels, dans la prise en charge de maladies chroniques. Il permet d’impulser une
volonté de changement chez le patient. Cette motivation à changer semble être le moteur de
réussite de tout programme d’éducation thérapeutique.
Ces différents apports théoriques ont enrichi ma réflexion. J’ai pris le parti de ne pas
cibler mon travail de recherche sur un type de programme existant, ou une comparaison des
pratiques actuelles.
4
L’éducation thérapeutique entre pleinement dans le champ de compétence de
l’ergothérapeute dans la prise en charge de personnes lombalgiques.
Cela est mis en exergue par la compétence 5 du référentiel de compétences selon
l'annexe II de l'arrêté du 5 juillet 2010 relatif au Diplôme d'État d'Ergothérapeute : Élaborer et
conduire une démarche d'éducation et de conseil en ergothérapie et en santé publique.
J’ai donc fait le choix de porter ma réflexion sur l’approche de l’ergothérapeute face à
un patient lombalgique, en formulant la question de départ suivante :
Comment l’ergothérapeute adapte ou ajuste son intervention face à des personnes
souffrant de lombalgie ? Quelle approche pédagogique doit-il adopter ?
Des éléments de la littérature professionnelle
Afin d’affiner mon questionnement, j’ai effectué une recherche documentaire au sein
de la littérature professionnelle. Cette recherche avait pour mot clé la lombalgie. Mon objectif
était de connaître les programmes éducatifs existants, les études réalisées autour de cette
pathologie, ainsi que les recommandations de pratiques professionnelles. En termes de
critère d’inclusion, j’ai sélectionné les articles ayant été publié à partir de l’année 2000, car
mon intérêt se portait sur les pratiques récentes.
J’ai jugé utile, de commencer cette recherche par la définition du terme lombalgie :
Lombalgie désigne un « mal au dos » : c’est un symptôme et non une maladie en
soi. Ce symptôme peut découler de multiples affections, certaines graves (fractures,
tumeurs,…), mais le plus souvent bénignes.
Le Docteur Claude Hamonet2, médecin rééducateur et professeur des Universités,
préfère l’appellation mal de dos à celle de lombalgie car il considère qu’il s’agit d’un état de
« malaise », plutôt que de maladie. Il définit la situation de handicap des patients par le fait
que plaisirs et projets semblent inaccessibles. Le discours médical pouvant être assez
souvent pessimiste, réducteur et inadapté, semble renforcer ce ressenti.
« La lombalgie est l’une des affections les plus répandues : sa prévalence à vie est
estimée à 80 %, c’est-à-dire qu’elle affecte 80 % des personnes de façon significative au
moins une fois dans leur vie. De plus, elle a une prévalence instantanée de près de 30 %,
c’est-à-dire que près de 30 % des personnes d’une population en souffre à un instant
donné. […] » Cette citation du Docteur Patrick Loisel (2010), directeur du programme
stratégique de formation des IRSC (Instituts de recherche en santé du Canada) en
prévention d’incapacité au travail, atteste du fait que la lombalgie est une problématique de
santé publique majeure.
2
HAMONET Claude. Le mal de dos autrement, apports d'une école du dos. (mars 2005)
5
En outre, cette pathologie fait partie des Troubles Musculo Squelettiques, qui sont la
première cause de maladie professionnelle en France (95% chez les salariés agricoles et
80% pour les actifs du régime général). La lombalgie, représentant 33% des dépenses de
santé chez les actifs, a donc un coût social non négligeable. L’INRS atteste également du
fait que 30 millions de journées de travail sont perdues chaque année, à cause des
lombalgies. La prise en charge de cette maladie semble donc être un enjeu socioéconomique.
En Europe, depuis les années 80, la compréhension de la lombalgie se fait selon le
modèle biopsychosocial. Cela a permis d’établir des facteurs de risque de chronicisation au
niveau biologique (âge, irradiation au membre inférieur, tabac,…), psychologique (anxiété,
dépression, kinésiophobie, catastrophisme,…) et social (environnement professionnel,
système de santé,…). Il est très important de prendre en compte les facteurs
psychologiques, notamment les représentations du patient vis-à-vis de sa maladie. La
chronicisation semble s’expliquer par un des modèles de peur et d’évitement liés aux
croyances, son mécanisme pouvant être assimilé à celui des phobies. L’exposition à la
douleur conduit à une peur du mouvement entrainant des conduites d’évitement.
Certains auteurs définissent la douleur comme étant une expérience individuelle
composée de facteurs physique, psychologiques (cognition et émotion), sociaux et
environnementaux.
L’éducation thérapeutique du patient semble être un moyen efficace permettant de briser le
« cercle vicieux de la chronicité » (Vlaeyen & Crombez, 2007) ; elle permet de modifier les
croyances et représentations du patient. Il s’agit d’une démarche centrée sur le patient,
construite avec lui, personnalisée en fonction de ses besoins, ses attentes et son projet de
vie.
Plusieurs articles mettent en exergue l’aspect multidimensionnel de la lombalgie
chronique, ce qui implique qu’il n’existe pas de traitement unique. Les thérapies cognitivo
comportementales, encourageant les activités et l’exercice semblent prometteuses ; surtout
concernant le traitement de la douleur et la reprise d’une activité professionnelle. Une prise
en charge multidisciplinaire de la lombalgie est recommandée. Cela permet d’exercer une
action sur les composantes physiques, psychologiques, affectives et socio-professionnelles.
A l’issue de mes diverses lectures, il me semble pertinent de noter que la plupart des
auteurs s’accordent sur l’importance :

du travail en interdisciplinarité,

de modalités évaluatives (initiales, intermédiaires et finales),

d’une prise en charge personnalisée,
6

d’un discours informatif adapté,

de mises en situations.
Par ailleurs, on peut constater que la mise en place de programmes éducatifs semble
être confrontée à la contrainte de modalités organisationnelles (temps, locaux disponibles,
moyens financiers).
Cette première revue de la littérature établit un état des lieux concernant les pratiques
actuelles dans le domaine de la prise en charge des patients souffrant de lombalgie.
Rencontre avec des professionnels afin de valider mon questionnement
Suite à ces lectures préliminaires, je suis allée à la rencontre de professionnels
intervenant auprès de cette population de patients, afin d’effectuer des entretiens
exploratoires. Dans l’optique d’évaluer l’objectivité et la pertinence de ma question de départ,
j’ai choisi de ne pas me limiter à un unique entretien, mais d’en effectuer deux.
En préparant ces entretiens, j’ai réalisé une trame, afin d’orienter la discussion, sous la
forme de questions ouvertes :

Comment concevez-vous l’intervention d’un ergothérapeute auprès de personnes
souffrant de lombalgie ?

Quels sont selon-vous les atouts et les limites des programmes actuels ?

Quelles pistes de réflexion percevez-vous autour de ce thème ?

Comment amener le patient à s’approprier les notions que l’on veut lui transmettre ?
Le premier entretien a été réalisé auprès de l’ergothérapeute ayant encadré mon premier
stage, nommée ici Mme A., afin de clarifier le questionnement qui a découlé de ce temps de
formation.
Suite à plusieurs années d’intervention auprès de personnes souffrant de lombalgie,
Mme A., considère exercer un rôle d’éducation et de prévention face à la récidive.
Les habiletés du professionnel mises en jeu sont, selon elle : ses capacités à savoir prendre
du recul et son adaptabilité. Le thérapeute ne doit pas rester cantonné à la théorie, mais être
capable de mettre en pratique ce qu’il enseigne aux patients. Cela requiert donc une certaine
expérience.
Au sein de son lieu d’exercice, Mme A. a surtout eu à intervenir lors d’Ecoles du Dos. Elle en
décrit trois temps fort :
7
 Comprendre : Il s’agit d’expliquer à la personne comment fonctionne son dos et
l’origine de sa douleur. Cela implique d’utiliser des mots simples, de vulgariser les
notions anatomiques et physiologiques afin de les rendre compréhensibles pour la
population à laquelle on s’adresse. Des supports visuels sont d’une importance
capitale afin de faciliter la compréhension et la mémorisation des informations.
 Ressentir : Cela implique de travailler la proprioception des patients. Cet axe de la
prise en charge s’effectue le plus souvent en collaboration avec le kinésithérapeute
de l’équipe. La personne doit mieux prendre conscience de son corps, de sa façon
d’évoluer dans l’espace et de l’importance de la variation de positions.
 Mettre en pratique : Lors de cette étape, les patients appliquent les principes
enseignés de façon concrète au cours d’activités proches de leur quotidien. Il s’agit
d’un travail d’analyse des différentes caractéristiques d’une journée. L’objectif est
d’automatiser les « bons » gestes.
Cette « éducation » des patients demande beaucoup de répétitions, et du fait de contraintes
temporelles, les thérapeutes se doivent d’aller à l’essentiel. Il est important de présenter des
situations concrètes, afin que les personnes puissent transférer aisément ce qu’elles ont
acquis, dans leur quotidien.
Les séances en groupe favorisent les échanges entre les patients, alors que celles en
individuelles permettent de mieux travailler sur le ressenti de la personne. Elles peuvent
également être l’occasion de travailler en essayant de reproduire au mieux l’environnement
de la personne.
Le suivi des patients ayant participés au programme révèle, plusieurs mois après la
fin, une efficacité pour ceux ayant mis en pratique ce qu’ils ont appris. Chez les personnes
présentant un manque de motivation, ou ayant un bénéfice secondaire, aucune amélioration
n’est observable six mois après le programme. Il arrive également que certains, tellement
bien réintégrées dans leur « vie normale », ne reviennent pas lors de ces temps d’évaluation.
Cela rend difficile l’obtention de résultats vraiment fiables.
L’ergothérapeute a émis quelques suggestions en terme d’amélioration des
programmes éducatifs, afin d’orienter ma réflexion. Il serait intéressant, selon elle, d’insister
sur la réalisation de séances individuelles d’automatisation et d’analyse personnelle de
l’activité. Il serait également utile de pouvoir observer le lieu de travail afin de dégager des
pistes de réflexion en termes d’adaptations, de modification de gestes et d’organisation du
travail. Ceci permettrait de prolonger la prise en charge globale du patient. Cependant, cela
dépend des circonstances de cette prise en charge : en libéral ou en institution, la durée
d’hospitalisation, et la disponibilité du professionnel.
8
Afin de faciliter le transfert de savoir du thérapeute au patient, les informations ne
doivent pas être amenées de façon restrictive :
« Il faut que les gens trouvent eux même la façon de faire les choses, il n’y a pas une
façon de faire, il y en a plusieurs. Il faut leur faire comprendre que l’on peut tout faire à
condition de le faire bien, et de savoir ce que c’est de le faire bien. » conclut Mme A.
Afin de compléter les données recueillies, j’ai choisi de réaliser un deuxième entretien.
Mon second entretien, s’est effectué auprès d’une ergothérapeute intervenant au sein
d’un Centre de Réadaptation Professionnelle, que nous nommerons ici Mme B. Cette
professionnelle a réalisé un mémoire sur la gestion de la douleur chronique au travail, dans
le cadre de la validation d’un Diplôme Universitaire en Education Thérapeutique du Patient.
Elle m’a donc semblée être une personne ressource, au vu de mon questionnement de
départ.
Le centre où intervient l’ergothérapeute accueille de nombreux patients douloureux
chroniques en arrêt de travail prolongé (entre 1 et 3 ans). Ces patients « enfermés dans leur
douleur » selon les termes de Mme B., arrivent au centre de leur propre gré ou sous la
« pression» des médecins, pour les plus réfractaires.
Au départ, un diagnostic éducatif est réalisé en pluridisciplinarité. Ils l’ont renommé
entretien de compréhension car il a pour objectif de « comprendre la situation de la
personne, et même plus loin, de permettre à cette dernière de comprendre sa propre
situation » d’après les dires de Mme B. Cette étape de la prise en charge est donc l’occasion
de cerner les problèmes, ressources et freins du patient ; afin de définir avec ce dernier des
objectifs éducatifs.
Cet entretien initial est fondamental dans tout programme d’éducation thérapeutique.
Il permet d’analyser la lombalgie et tout ce qui l’entoure. Il est réalisé par des professionnels
du domaine médical et paramédical (médecin, infirmière, kinésithérapeute, ergothérapeute,
professeur de sport), social (éducateur spécialisé, assistante sociale), et professionnel
(ergonomes, conseillers d’orientation, moniteurs). La personne doit être mise en confiance,
afin qu’elle puisse exprimer ses problèmes.
Les objectifs globaux du programme sont :

Accompagner la personne dans la gestion de sa douleur chronique

Lever les angoisses

Augmenter la motivation en s’inspirant des techniques d’autodétermination
9
Il est important de savoir respecter l’ambivalence des personnes afin de ne pas créer de
résistance au changement. L’expérimentation en atelier, ainsi que l’effet de groupe ou pair
émulation, sont des facteurs favorisant la motivation au changement.
Mme B. définit trois étapes d’apprentissage :

Expérimenter

Apprendre à faire par soi-même pour être autonome

Intégrer dans son quotidien
Les ergothérapeutes du centre animent un atelier préprofessionnel. Ils y expliquent le
fonctionnement du dos. C'est également le lieu d'apprentissage et d'intégration de gestes et
postures par le biais d'activités significatives proches du quotidien. L'objectif de cet atelier est
que les patients effectuent une autoévaluation de leur tolérance vis-à-vis des gestes et
postures.
Les thérapeutes ont également un rôle de référents car ils coordonnent le contenu du
séjour en fonction de l’avancement de la personne, et l’accompagnent dans son projet
professionnel. Cette fonction de l’ergothérapeute est due au fait que ses compétences se
trouvent
au
croisement
de
celles
des
autres
équipes
(médicales,
sociales
et
professionnelles).
Les
ergothérapeutes
réalisent
également
des
entretiens
motivationnels.
Il
s’agit
d’accompagner la personne à exprimer, mettre des mots sur ses ressentis. Cela leur permet
d’arriver à une prise de conscience et augmente les chances que les gestes soient intégrés
au quotidien.
Mme B. évoque également des limites de ces programmes d’éducation thérapeutique. Le
manque de moyens humains et financiers, ainsi que des contraintes organisationnelles,
rendent difficile la mise en place de programmes respectant les critères de l’Agence
Régionale de Santé. De plus, il n’y a pas d’agrément dans le projet de service pour un suivi à
distance des patients ayant suivi le programme. Les atouts de ce dernier sont la
pluridisciplinarité, l’expérimentation, la pairémulation et la personnalisation de la prise en
charge.
10
Les habiletés de l’ergothérapeute, qui sont nécessaires à la participation à ce type de
pratique sont :

Une bonne méthodologie autour de la motivation et de la compréhension

Une pédagogie d’animation correcte, avec l’utilisation de supports adaptés
(langage accessible, supports visuels, techniques de communication, explication
de la finalité de l’intervention)

Etre dynamique, créer l’envie et l’intérêt
Les deux entretiens que j’ai menés comportaient des éléments de réponses similaires mais
également des divergences dues, entre autres, au cadre institutionnel. Cela conforte mon
choix de ne pas appuyer ma recherche sur un type d’intervention (école du dos, RFR, par
exemple), mais sur la pratique de l’ergothérapeute en elle-même.
Formulation de ma question de recherche
Ces divers questionnements et réflexions m’ont amenée à formuler la question de
recherche qui guidera le travail d’élaboration de mon mémoire :
Comment l’ergothérapeute peut-il adapter son approche pédagogique, face à une
population de personnes souffrant de lombalgie ?
Les solutions provisoires qui me servent d’hypothèses sont les suivantes :
En prenant en compte les habitudes et le projet de vie de la personne,
l’ergothérapeute mène une intervention adaptée à la problématique de personnes
souffrant de lombalgies.
L’ergothérapeute s’appuie sur des compétences et techniques pédagogiques afin de
favoriser la pérennisation des savoirs transmis aux patients.
11
Partie théorique
I.
La lombalgie chronique
A.
Présentation de la lombalgie et de ses retentissements
1.
Qu’est-ce que la lombalgie commune ?
« La lombalgie chronique est définie par une douleur habituelle de la région
lombaire évoluant depuis plus de 3 mois. Cette douleur peut s’accompagner d’une irradiation
à la fesse, à la crête iliaque, voire à la cuisse et ne dépasse qu’exceptionnellement
le genou. » (HAS, 2000)
Cette définition de la lombalgie est issue d’un consensus entre plusieurs professionnels. Il ne
s’agit donc pas d’une maladie mais d’un symptôme.
On parle de lombalgies « communes », « mécaniques » ou « non spécifiques » quand elles
sont consécutives à un problème mécanique (pincement ou hernie discale, arthrose...). Ces
lombalgies communes s'opposent aux affections de la colonne vertébrale secondaires à une
cause organique (infection, rhumatisme inflammatoire, ostéoporose, tumeur....) et aux
maladies ne concernant pas le rachis mais pouvant entrainer des douleurs au niveau
lombaire (colique néphrétique par exemple).
Ce type de lombalgies est le plus répandu et concerne, en France, un adulte sur
deux. Lorsque l’épisode aigu dure plus de 3 mois, selon la Haute Autorité de Santé, on
considère que l’on arrive à un stade de chronicisation.
Plusieurs facteurs de risques des lombalgies chroniques ont été identifiés :
 Des facteurs génétiques, avec une héritabilité entre 52 et 57 % (EL ADSSI et RAT,
2013).
 Des facteurs personnels : le risque augmente avec l’âge, le sexe (les femmes étant
plus touchées que les hommes), la corpulence, le tabagisme, la sédentarité,
l’inactivité, une gêne fonctionnelle, une douleur importante.
 Des facteurs liés à l’environnement de travail : de mauvaises conditions de travail,
l’insatisfaction de l’employé, la pénibilité physique de la tâche (manutention et port de
charges, vibrations), l’absence de culture de prévention dans l’entreprise, la durée de
l’arrêt de travail, un manque de reconnaissance, de soutien, d’entraide et
d’autonomie ; ainsi que des contraintes organisationnelles.
12
 Des facteurs psychosociaux : le stress, l’anxiété, la dépression, la somatisation et
des comportements inadaptés vis-à-vis de la douleur.
 Des éléments iatrogènes : une gravité de l’atteinte confirmée par les examens, et
une prise en charge inadaptée.
Les lombalgies chroniques représentent plus de 90% des lombalgies prises en
charges, mais également la forme la plus grave du fait des répercussions au niveau social,
professionnel et économique engendrées.
2.
Un problème de santé publique
Dans son rapport de novembre 1994, le Haut Comité Français pour la Santé Publique
déclare que « La réduction de la fréquence et de la gravité des lombalgies sévères,
invalidantes et sources de désinsertion sociales est un objectif prioritaire de santé
publique. »
L’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES) estime que 4
personnes sur 5 souffrent au moins une fois de lombalgie au cours de leur vie. De plus, un
arrêt de travail sur cinq est dû à une lombalgie. Il s’agit donc d’une affection très répandue,
dont la prise en charge a un certain coût.
Une enquête3, auprès de 110 rhumatologues libéraux de la région Rhône-Alpes,
révèle que le premier motif de consultation (22,8 %) est l’atteinte mécanique du rachis
lombaire. Plusieurs études se sont consacrées au coût de la lombalgie. Il a été établit que le
coût financier médical direct en France est de 1,4 milliards d’euros ; les coûts indirects
(rente, indemnité journalière, perte d’emploi) étant 5 à 10 fois plus élevés.
En France, on estime que le coût direct annuel d’un patient lombalgique chronique est de
1430 €, ce qui permet de formuler une estimation annuelle du coût de la lombalgie à hauteur
de 2,7 milliards d’euros soit 1,7 % des dépenses de santé annuelles.
En dehors de son poids économique, la lombalgie chronique a également un
retentissement au niveau de la société. En effet, reconnue maladie professionnelle depuis
1999, cette affection représente la première cause d’accident de travail avec arrêt et
d’accident de travail avec indemnités permanentes partielles. Ce mal du siècle concerne un
grand nombre de métiers, de l’ouvrier à l’employé de bureau, une enquête de 2005 estime
que 60 à 90 % des personnes seront amenées à souffrir de lombalgies à un moment donné
de leur carrière.
3
Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique. Haute autorité de santé,
décembre 2000, p 23
13
La lombalgie commune concerne 60 à 80 % de la population générale adulte mais
seul 15 % de ces cas évolueront vers un état douloureux chronique conduisant à des
incapacités et des limitations dans les actes de la vie quotidienne. Le problème de santé
principal de la lombalgie ne réside pas dans la pathologie médicale mais en l’incapacité
prolongée engendrée, ce qui en fait la première cause de handicap avant 45 ans.
3.
Un handicap « invisible » ?
L’incapacité découlant de la lombalgie a un aspect subjectif car elle peut être
différente d’un individu à un autre, en fonction de facteurs psychosociaux. Par exemple, pour
un même état anatomophysiologique, un travailleur sédentaire n’aura pas le même ressenti
qu’un professionnel amené à réaliser beaucoup de manutentions dans son quotidien.
Les émotions les plus fréquemment exprimées par les personnes lombalgiques sont
la tristesse, la colère mais aussi le sentiment d’injustice et de solitude face au fréquent
manque de reconnaissance de leurs difficultés de la part de leur entourage familial et
socioprofessionnel. En effet, le poids du regard des autres est difficile à accepter.
L’incapacité des personnes lombalgiques n’est pas « visible », leur douleur est subjective et
fait partie de leur quotidien. Elles sont donc incomprises par les autres qui les considèrent
alors comme étant paresseux ou fainéants, ce qui peut entrainer des reproches et une
exaspération de la part de leur entourage.
La personne lombalgique est entrainée dans un cercle vicieux de la douleur, selon le
modèle de « peur-évitement » de VLAYEN et LINTON (2000) :
Blessure
Déconditionnement
Dépression
Incapacité
Guérison
Évitement
Hyper vigilance
Expérience
douloureuse
Peur
liée à la douleur
Catastrophisme
Confrontation
Faible peur
14
D’après ce modèle, suite à une expérience douloureuse, dans 25% des cas, cela conduit à
des pensées catastrophistes correspondant à « des croyances et des attentes pessimistes
à propos de soi-même, des autres et du futur »4, puis une peur du mouvement ou
kinésiophobie qui conduit à une inactivité. Cette dernière est entretenue par un
déconditionnement aussi bien psychique, physique que social.
En 1980, l’américain Tom Mayer, créateur du programme de reconditionnement à
l’effort, a décrit les retentissements de ce syndrome de déconditionnement.
Au niveau physique, on observe une perte de flexibilité se manifestant par une
raideur articulaire. Il y a également une diminution des capactités musculaires en termes de
force et d’endurance. Une diminution du potentiel cardio vasculaire conduit à des difficultés
lors de l’adaptation aux efforts, entrainant une gêne lors de la réalisation d’activités du
quotidien.
Au niveau fonctionnel, des problèmes de coordination se manifestent. Des douleurs
sont également à relever lors de la reprise d’activité, ce qui entraine une crainte du
mouvement.
Concernant l’identité sociale de la personne, il y a une rupture plus ou moins longue
et définitive avec la réalisation d’activité sociales et professionnelles. Cela conduit à une
désinsertion, un isolement social et donc à une désidentification. A notre époque, où prime la
compétition sociale, l’absence d’activité et la perte de moyens financiers, remettent en
question la place de la personne vis-à-vis de sa famille et de ses relations sociales. Il se
produit un phénomène de déconditionnement identitaire.
Sur le plan psychique, cette situation de rupture entraine une fragilisation de
l’enveloppe narcissique de la personne. Cela conduit à un état de dépression et d’anxiété.
La lombalgie chronique est donc multifactorielle et a des conséquences au niveau
socio-économique. Son retentissement chez un patient lombalgique est différent en fonction
de l’environnement psychosocial de la personne. Sa prise en charge différera donc en
fonction de chaque individu.
4
KUPPER, D. & GALLICE, Jean-Paul, 2010. Programmes multidisciplinaires et lombalgies chroniques
: concepts et aspects pratiques : Première partie : concepts et développement. Kinésithérapie La
revue p 36.
15
B.
Prise en charge de la lombalgie chronique
Cette affection demande de prendre en compte la personne dans sa globalité. Dans
son ouvrage, Frank Gatto (2005) expose les principes généraux de la prise en charge d’un
patient lombalgique chronique :
Accepter la
réalité de la
douleur
Informer et
dédramatiser
Pluridisciplinarité
Prendre en
compte le
contexte
psychosocial
Principes
Enseigner et
contrôler
l’activité
gestuelle
Identifier les
effets iatrogènes
Promouvoir et
organiser la
reprise
d’activités
quotidiennes et
de loisirs
1.
Inciter le patient
à être acteur
Redonner
confiance par
rapport aux
gestes du
quotidien
Une évolution des pratiques : du repos complet à l’éducation
thérapeutique du patient lombalgique
La prise en charge de la personne lombalgique a beaucoup évolué ces trente
dernières années grâce au progrès des connaissances cliniques, biomécaniques,
physiologiques et psychologiques.
Au cours des années 60 à 70, la lombalgie était perçue comme étant liée aux travaux
pénibles nécessitant de la force ou des manutentions. La prise en charge du patient
consistait donc en un traitement chirurgical et/ou au repos complet ainsi que l’absence
d’activité.
Dans les années 80, émerge le modèle biopsychosocial avec la création « d’écoles
du dos » dont l’objectif est de prévenir l’apparition de lombalgies et inciter la personne à
participer à la gestion de son problème de dos. Le repos complet qui était prescrit
auparavant, est alors perçu comme étant néfaste de façon prolongée.
16
Les années 90 mettent en avant les programmes de reconditionnement à l’effort, où
l’aspect biopsychosocial se retrouve souvent en second plan. La notion de kinésiophobie,
soit la peur de bouger, est admise comme étant plus handicapante que la douleur en ellemême. L’accent est donc mis sur le reconditionnement physique, la reprise d’une activité
professionnelle étant perçue comme un critère de guérison.
L’importance de l’éducation thérapeutique du patient est de plus en plus mise en
exergue dans les années 2000. Il s’agit d’aider le patient à contrôler sa douleur et favoriser le
maintien dans l’activité, en le plaçant au centre du processus de soin, en tant qu’acteur
principal de sa prise en charge. Au cours de ces années ont été mis en place plusieurs
actions de recherche afin d’établir des recommandations professionnelles.
2.
Des recommandations de bonnes pratiques professionnelles
Des groupes de travail ont été mis en place afin d’établir un consensus concernant la
prise en charge de la lombalgie chronique. La Haute Autorité de santé a publié en 2000 des
recommandations dans son rapport Diagnostic, prise en charge et suivi des malades
atteints de lombalgie chronique.
Selon ce rapport, une évaluation initiale doit être réalisée afin d’écarter le diagnostic d’une
possible lombalgie symptomatique, de jauger la composante douloureuse, et d’estimer les
conséquences sur l’activité physique quotidienne et sur l’activité professionnelle.
« Le principal objectif du traitement est de permettre au patient de contrôler et de gérer sa
douleur, d'améliorer sa fonction et de favoriser sa réinsertion sociale et professionnelle
le plus rapidement possible en collaboration avec le médecin du travail (accord
professionnel). » HAS (2000)
La stratégie thérapeutique recommandée dans ce rapport de l’HAS est la suivante :
Un programme multidisciplinaire associant une prise en charge de la douleur, une éducation,
des conseils, des exercices physiques et un accompagnement psychologique, est
recommandé. L’ergothérapeute intervient alors au sein de l’équipe pluridisciplinaire.
17
II.
Intervention de l’ergothérapeute : une approche systémique et
écologique du patient
A.
Ergothérapie et handicap
1.
Rôle de l’ergothérapeute
« L'ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre
l'activité humaine et la santé.
L'objectif de l'ergothérapie est de maintenir, de restaurer et de permettre les activités
humaines de manière sécurisée, autonome et efficace. Elle prévient, réduit ou supprime
les situations de handicap en tenant compte des habitudes de vie des personnes et de
leur environnement. L'ergothérapeute est l'intermédiaire entre les besoins d'adaptation de
la personne et les exigences de la vie quotidienne en société.
[…] C'est dans le cadre d'une relation thérapeutique et par l'intermédiaire d'activités
adaptées, d'enseignements et d'apprentissages, que l'ergothérapeute intervient. Il vous
guidera vers l'identification de vos difficultés, la récupération optimale de vos capacités
fonctionnelles physiques et psychiques, l'adaptation à vos limites et à votre potentiel, ainsi
que vers le réinvestissement de vos activités et rôles sociaux antérieurs. »
Cette définition du métier d’ergothérapeute provient de l’Association Nationale Française des
Ergothérapeutes.
Lors de la prise en charge d’un patient, la démarche de l’ergothérapeute passe par
une évaluation des capacités et incapacités de l’individu, puis l’établissement d’objectifs
adaptés. Par la suite, l’ergothérapeute propose et met en place des activités qui ont du sens
pour la personne.
L’ergothérapie vise à une amélioration de la qualité de vie du patient, dans son quotidien, par
le biais d’activités signifiantes et significatives.
2.
Qualité de vie et notion d’activité signifiante
La qualité de vie est un concept multidimensionnel et dynamique difficile à
appréhender car il fluctue en fonction de plusieurs facteurs et est spécifique à chaque
individu.
18
Plusieurs définitions peuvent être retrouvées dans la littérature : « état de bien-être
en relation avec l’état de santé ; sensation de bien-être physique, psychique, émotionnel
intellectuel, possibilité de participer aux activités familiales, sociales, professionnelles ».
(AMARENCO et al., 2000)
Les facteurs influençant la qualité de vie peuvent être regroupés selon le schéma suivant :
Selon Csikszentmihalyi, psychologue aux Etats Unis, on peut adopter deux types de
stratégies afin d’améliorer la qualité de vie : agir sur les conditions extérieures ou alors sur
la perception des facteurs (MOREL-BRACQ, 2001).
Dans le cadre de la lombalgie, il est possible d’agir en modifiant les conditions de travail
et/ou les représentations qu’ont les patients de leur maladie et leurs capacités.
Une étude concernant la mesure de la qualité de vie a révélé que les patients lombalgiques
chroniques ont un niveau de qualité de vie plus bas que celui de personnes souffrant
d’asthme ou d’angine de poitrine.5
La qualité de vie repose sur l’accomplissement de l’individu au sein de la société. Cet
accomplissement passe par l’investissement dans l’activité. Cette dernière a des fonctions
biologiques, mais aussi sociales de relation, de reconnaissance et d’interdépendance.
Une activité est dite signifiante lorsqu'elle a un sens pour la personne et
significative lorsqu'elle a un sens pour l'environnement social. (Leontiev, cité par MorelBracq, 1995). Par exemple, faire du jardinage pourrait être une activité ayant un sens pour la
personne du fait de son vécu et de ses habitudes de vie, dans ce cas précis on parlerait
donc d’activité signifiante.
5
POIRAUDEAU, S., RANNOU, F. & REVEL M., 2004. Lombalgies communes : handicaps et
techniques d'évaluation, incidences socioéconomiques. Appareil locomoteur.
19
L’engagement du patient dans des activités signifiantes et significatives lui permettrait
de développer des capacités, de mieux gérer son quotidien et environnement, et ainsi
d'améliorer sa qualité de vie.
Un modèle de pratique a été conçu par des ergothérapeutes afin de pouvoir catégoriser et
analyser les activités : le Modèle Canadien du Rendement Occupationnel.
3.
Un modèle conceptuel : le MCRO
Le Modèle Canadien du Rendement Occupationnel et de l’Engagement (MCROE) (Polatajko, Townsend & Craik, cité par Dion, 2008), montre la complexité de l’interaction
existant entre la personne (ses croyances, ses intérêts, ses forces et ses faiblesses), ses
occupations (la réalisation de soins personnels, ses loisirs et son activité professionnelle)
ainsi que son environnement (physique et social).
20
L’activité, nommée occupation dans la culture anglo-saxonne, besoin fondamental pour
l’homme, est considérée comme pourvoyeuse de sens et d’équilibre pour la vie de la
personne, ainsi que source de satisfaction.
Les différentes dimensions de l’individu (physique, affective et cognitive) sont considérées en
lien avec son environnement. La personne est donc considérée dans sa globalité.
Le MCRO-E aborde également l’engagement dans l’activité c’est-à-dire la participation aussi
bien psychologique que physique de l’individu.
Ce modèle conceptuel de pratique peut être appliqué à la prise en charge de patients
lombalgiques chroniques car ces derniers se trouvent généralement dans une situation où
leur rendement occupationnel est réduit avec une atteinte des activités de productivité et de
loisirs (perte d’emploi, arrêt des loisirs). Leur environnement (poids du regard des autres,
travail inadapté, isolement social) est également à considérer.
L’ergothérapeute, qui œuvre dans le domaine de l’occupation, fait tout au long de sa
pratique le lien entre ces différents systèmes en proposant à la personne des activités qui
ont du sens pour elle. Afin de s’assurer que l’activité proposée soit signifiante ou significative
pour la personne, l’ergothérapeute tente de se rapprocher au plus près possible du quotidien
de la personne, par le biais de mises en situations, écologiques si possible.
B.
Ergothérapie et personnes lombalgiques chroniques
Auprès de cette population de patients, les séances d’ergothérapie ont pour but de
trouver des solutions aux problèmes rencontrés par les patients dans leur vie quotidienne, en
adoptant une approche réflexive autour de l’activité.
Des situations problématiques sont amenées par les participants, puis travaillées en
groupe. L’objectif est de conduire les patients vers une démarche de réflexion, d’analyse des
activités qu’ils appréhendent ou qui sont source de douleurs. Quelques séances individuelles
en ergothérapie préprofessionnelle peuvent également être nécessaires en complément
d’une prise en charge collective. Ces séances permettent de travailler plus spécifiquement
en vue de la reprise du travail.
La prise en charge d’un patient lombalgique chronique met en jeu plusieurs éléments
du référentiel d'activités selon l'annexe 1 de l'arrêté du 5 juillet 2010 relatif au diplôme d'État
d'ergothérapeute :
21
Activité 1. Recueil d'informations, entretiens et évaluations visant au diagnostic
ergothérapique.
L’ergothérapeute évalue la situation de la personne lombalgique chronique, en jaugeant la
répercussion des troubles dans son quotidien, afin de mener une prise en charge adaptée.
Activité 2. Réalisation de soins et d'activités à visée de rééducation, réadaptation,
réinsertion et réhabilitation sociale.
Des activités adaptées aux objectifs thérapeutiques, fixés selon les besoins et attentes
individuelles, sont proposées aux patients.
Activité 4. Conseil, éducation, prévention et expertise vis à vis d'une ou de plusieurs
personnes, de l'entourage et des institutions.
L’ergothérapeute mène une action d’éducation et de conseil auprès des patients
lombalgiques chroniques, afin qu’ils développent des stratégies leur permettant de gérer leur
douleur au quotidien.
Activité 5. Réalisation et suivi de projets d'aménagement de l'environnement.
Il arrive que l’ergothérapeute soit amené à préconiser des adaptations concernant le milieu
professionnel de la personne lombalgique, et si nécessaire son lieu de vie.
La prise en charge du patient lombalgique chronique en ergothérapie se fait donc
selon une approche globale de la personne et de ses difficultés. Plusieurs champs de
compétence du thérapeute entrent alors en jeu afin de garantir une amélioration de la qualité
de vie du patient.
22
III.
Approche pédagogique du patient
« Mieux un malade connait sa maladie, moins il la craint, et plus il est capable
de la gérer correctement. » (Assal, 1990)
La parution de plusieurs textes officiels, a entrainé une véritable volonté politique établissant
l’éducation thérapeutique comme étant une priorité de santé publique.
A.
Education et santé
L’origine étymologique du mot éducation provient du latin Exducere qui signifie
conduire hors de, faire sortir de soi, développer, épanouir. L’éducation ne se restreint donc
pas à la simple instruction de savoir, mais aussi à un développement de l’esprit critique et de
l’autonomie du sujet apprenant, en l’amenant hors de ce qu’il sait déjà. Cela passe par une
appropriation et une transformation des savoirs transmis.
« Le rôle de l’éducation pour la santé est d’accompagner la personne souffrant d’une
maladie chronique ou laissant des incapacités face aux différents deuils entraînés par sa
nouvelle condition afin qu’elle puisse se réapproprier qui elle est et se définir de nouveaux
projets de vie. » (EYMARD C., 2010)
A l’origine, sous l’influence du modèle biomédical, les soignants avaient un rôle
d’experts, détenteurs du savoir. Le patient devait mémoriser passivement les messages
ordonnés selon la logique du professionnel. Suite à l’évolution des pratiques, maintenant,
une approche écologique est prônée, avec la notion de compétences et d’empowerment.
L’éducation thérapeutique conduit la personne à se dépasser. Elle associe une part de
formation avec informations et conseils, à une part d’accompagnement psychologique et/ou
social.
«L'éducation thérapeutique du patient devrait permettre aux patients d'acquérir et de
conserver les capacités et compétences qui les aident à vivre de manière optimale leur vie
avec leur maladie. Il s'agit par conséquent d'un processus permanent, intégré dans les
soins, et centré sur le patient. L'éducation implique des activités organisées de
sensibilisation, d'information, d'apprentissage de l'autogestion et de soutien psychologique
concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, le cadre hospitalier et de soins, les
informations organisationnelles, et les comportements de santé et de maladie. Elle vise à
aider les patients et leurs familles à comprendre la maladie et le traitement, à coopérer avec
les soignants, à vivre plus sainement et à maintenir ou améliorer leur qualité de vie.».
(OMS, 1998)
23
« Eduquer » le patient correspond donc à un processus de co-apprentissage continu
entre les personnes, leurs proches et les intervenants professionnels du domaine médicosocial.
L’éducation du patient se fait selon une approche centrée sur la personne. Ce concept définit
par Carl Rogers implique que le vécu, ainsi que la dimension affective de l’individu sont pris
en considération dans la prise en charge.
Plusieurs modèles psycho-sociaux et théories d’apprentissage peuvent être appliqués en
fonction de la finalité de l’action éducative. Par exemple, le béhaviorisme visant une
modification du comportement problématique, ou alors le constructivisme, se basant sur une
transformation du processus de pensée. Ces différents modèles, plus ou moins
complémentaires ont également des limites et remettent en question la posture éducative du
soignant.
La démarche éducative des thérapeutes a été définie selon quatre étapes
successives (IVERNOIS et coll.) :
Evaluation initiale
Mieux connaitre le patient
Diagnostic éducatif
Compétences à acquérir
Evaluation des acquis
Objectifs pédagogiques
Contrat patients/soignants
Mise en place de méthodes
d'appentissage
L’évaluation de l’efficacité de l’action éducative menée se fait d’une part au niveau des
patients par rapport à l’acquisition de savoirs et compétences. D’autre part, l’action éducative
des soignants est également sujette à une évaluation afin d’améliorer leur pratique
professionnelle.
24
B.
Motivation du patient et appropriation du savoir
Le manque de motivation peut se révéler être un obstacle à l’apprentissage de
nouveaux savoirs. Il est donc primordial de prendre en compte ce facteur dans toute activité
éducative. C’est la motivation du patient qui va assurer son engagement dans l’action
d’éducation thérapeutique.
Selon Boutinet6, l’adulte arrive à se mobiliser dans l’action d’apprentissage s’il arrive à
donner du sens à ce qu’il entreprend. Sa motivation repose sur « les 4 sens de sens, quatre
préoccupations qui structurent chacune à sa manière selon les situations, les espaces et les
temps d’apprentissages » :
 Le sens de l’expérience
La motivation de l’apprenant est stimulée par le fait que la situation qui lui est proposée est
en lien avec ses actes passés, ce qu’il sait et fait déjà, ses valeurs et son vécu.
 Le sens de la situation
L’environnement dans lequel se déroule l’activité éducative doit être stimulant, questionnant,
source de curiosité et de réflexion pour la personne, afin d’inciter à l’apprentissage.
 Le sens direction
L’adulte doit pouvoir arriver à projeter à court ou moyen terme les bénéfices de
l’apprentissage dans son avenir. Il doit être capable de fixer ses propres objectifs en relation
avec l’action éducative.
 Le sens signification
La personne doit pouvoir intellectualiser dans un langage familier la situation éducative. Il
s’agit de donner une signification aux apprentissages, afin de les rendre permanents et ainsi
se les approprier.
Ces quatre sens sont plusieurs canaux d’entrée favorisant l’apprentissage et l’appropriation
du savoir.
Plusieurs autres concepts doivent être pris en considération dans le champ de
l’éducation thérapeutique du patient.
Banduras a développé en 1977 la notion d’autoefficacité perçue. Il s’agit de l’efficacité
personnelle ressentie par le patient. Ce sentiment d’autoefficacité se mesure sur 4 critères :
l’étendue de ce sentiment dans divers domaines, l’étendue de ce sentiment sur diverses
6
BOUTINET, Jean-Pierre, 2012. Quel(s) sens l’adulte peut-il donner à ses apprentissages tout au
long de la vie ?. Les Cahiers pédagogiques.
25
expériences, la force du sentiment (probabilité de découragement), la durée et fréquence de
perception de ce sentiment.
On retrouve également le concept d’empowerment qui consiste en un processus
d’acquisition d’un « pouvoir » de se prendre en charge par soi-même, de décider de son
projet de vie. Il s’agit donc d’autonomiser au maximum le patient afin de garantir une bonne
observance de son traitement.
Le terme de résilience est également évoqué car il induit la prise en compte des ressources
de la personne en lien avec ses expériences familiales et/ou l’aspect émotionnel relatif à la
maladie. L’accompagnement thérapeutique a pour but de conduire la personne à « faire
avec » cette partie de sa vie et non de la diminuer.
Le patient doit donc arriver, grâce à l’action éducative, à développer des habiletés lui
permettant de mener une « auto-prise en charge » (HOLMAN et LORIG, 2003) :
C.
Les compétences du thérapeute
Il existe plusieurs méthodes et techniques pédagogiques. Leur utilisation dépend du
contexte institutionnel, de la population de patients et des préférences du professionnel qui
les met en pratique.
26
Un référentiel7 a été établi par l’INPES concernant les compétences nécessaires de
la part des professionnels dans le cadre de l’éducation thérapeutique des patients (ETP). Ce
document définit les situations et facteurs de contexte que peuvent rencontrés les
professionnel, ainsi que les ressources et compétences qu’ils doivent mobiliser.
Situations significatives rencontrées par les professionnels dans la pratique de
l’éducation thérapeutique
Situation 1
Créer un climat favorable à l'ETP
Situation 6
Situation 2
Co-évaluer avec le patient, les
pratiques et les résultats de la
démarche d'ETP
Analyser avec le patient sa situation,
ses pratiques de santé et convenir de
ses besoins en ETP
Situation 3
S'accorder avec le patient et son
entourage sur les ressources
nécessaires pour s'engager dans
un projet et construire avec lui un
plan d'action
Situation 5
Mettre en oeuvre le plan d'action
avec le patient et son entourage
Situation 4
Se coordonner avec les différents
acteurs de la démarche d'ETP pour
déployer les activités
Ressources
Chacune des situations, recensées dans le schéma précédent, réclame de la part des
professionnels des connaissances, des techniques et méthodes, constituant globalement
des « ressources» :
 Connaissances liées aux pathologies (savoir biomédical, traitements, épidémiologie,
anthropologie, sociologie)
 Connaissances liées à la démarche d’éducation thérapeutique du patient (principes,
valeurs et finalités du programme ; connaissance du réseau des professionnels de
santé et des associations de patients)
7
Institut National de Prévention et d’Education à la Santé (INPES), juin 2013. Référentiel de
compétences pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient dans le cadre d’un Programme.
27
 Connaissances liées aux publics reçus (aspects sociologiques et démographiques,
facteurs psychosociaux et culturels, connaissance des aides spécifiques)
 Connaissances liées aux activités exercées (principes d’accueil, d’écoute active,
de relation d’aide, techniques de communication, méthodes d’animation de groupe,
méthodes et techniques pédagogiques, principes d’organisation et de planification,
connaissance et utilisation des nouvelles technologies d’information et de
communication)
Facteurs de contexte
Ce sont des paramètres pouvant influencer la mise en œuvre de l’action éducative. Par
exemple, les comorbidités, de possibles troubles psychiques, les caractéristiques du patient
(âge, gravité de la maladie, genre…) et bien d’autres.
Compétences
Plusieurs compétences sont nécessaires afin de mener une action d’éducation
thérapeutique. Le référentiel de l’INPES définit trois grands domaines de compétences et
des sous-domaines :
Cette formulation est générique et peut être spécifiée en fonction du contexte dans lequel se
déroule l’éducation thérapeutique du patient.
La prise en charge de maladies chroniques telles que la lombalgie, se fait donc de
plus en plus selon une approche éducative du patient afin de le rendre autonome et acteur
de sa prise en charge. Les thérapeutes doivent donc adapter leur pratique dans cette
optique.
28
Partie exploratoire
I.
Méthodologie de recherche
Dans le cadre de mon travail de recherche, j’ai choisi d’adopter une démarche
hypothético-déductive. Cela m’a conduit dans un premier temps à formuler une question de
recherche : Comment l’ergothérapeute peut-il adapter son approche pédagogique, face
à une population de personnes souffrant de lombalgies ?
J’ai par la suite émis des hypothèses de recherche en réponse à cette question :
En prenant en compte les habitudes et le projet de vie de la personne,
l’ergothérapeute mène une intervention adaptée à la problématique de personnes
souffrant de lombalgies.
L’ergothérapeute s’appuie sur des compétences et techniques pédagogiques afin de
favoriser la pérennisation des savoirs transmis aux patients.
Après avoir développé les concepts théoriques clés de mon travail de réflexion, il
convient d’entamer la deuxième phase de ma démarche de recherche. Cette seconde étape
consiste en une partie expérimentale ayant pour but de vérifier ou infirmer mes hypothèses.
A.
Choix du premier outil de recueil de données : l’entretien
Concernant mon recueil de données, j’ai pris le parti d’employer une méthode
qualitative. En effet, en me basant sur les solutions provisoires que j’ai formulées, il me
semble plus pertinent de m’intéresser aux valeurs, intentions et finalités des professionnels.
L’entretien semi-directif est l’outil de recueil de données, qui m’a semblé correspondre le
mieux à mes critères de recherche.
La population ciblée par mon étude est un échantillon d’ergothérapeutes ayant
plusieurs années d’expériences auprès de patients souffrant de lombalgies.
J’ai choisi de ne pas interroger de patients car, d’une part, cela me parait peu pertinent vis-àvis de ma question de recherche. Cette dernière se basant sur la façon dont l’ergothérapeute
conçoit sa pratique, interroger le professionnel en question apparaît plus adapté à mon
questionnement. D’autre part, solliciter des patients me semble peu fiable puisque les
résultats pourraient être biaisés par des facteurs personnels (vécu, représentations, niveau
d’étude,…), le type de programme suivi, l’animateur et le contexte institutionnel.
29
J’ai donc fait le choix de réaliser des entretiens semi-directifs afin de collecter les
informations nécessaires à mon travail de recherche. Pour cela, j’ai réalisé une grille
d’entretien (cf. annexe 1) se composant de questions ouvertes afin de ne pas limiter
l’expression des personnes interviewées, tout en posant le cadre de la discussion. Pour
chaque question, j’ai fixé des indicateurs, correspondant aux éléments de réponse attendus.
Ceci permet de faciliter l’analyse des résultats obtenus par la suite.
J’ai réalisé un entretien téléphonique avec une ergothérapeute, que je nommerai par
soucis d’anonymat Mme C, ayant 30 années d’expérience dont une dizaine de pratique de la
Restauration Fonctionnelle du Rachis.
Je suis allée à la rencontre de trois autres professionnels, eux plus familiers avec le
concept de l’école du dos :
□
Mme D, ergothérapeute depuis 23 ans, avec autant d’année de pratique auprès de
personnes lombalgiques
□
Mr E, ergothérapeute ayant 11 années d’expérience auprès de ce public
□
Mme F, ergothérapeute prenant en charge des personnes lombalgiques depuis plus
de 17 ans.
B.
Un second outil : la grille d’entretien
Les trois professionnels que j’ai pu rencontrer afin de réaliser mes entretiens, m’ont
également permis d’assister à leurs séances de pratique auprès de personnes lombalgiques.
Cela m’a permis de confronter les réponses obtenues lors des entretiens à la réalité de leur
pratique quotidienne. Afin d’exploiter ces données, j’ai choisi de réaliser une grille
d’observation (cf. annexe 2). Cette dernière permet d’une part de relever des éléments
concernant la pratique des ergothérapeutes, et d’autre part, d’analyser le comportement des
patients lors de cette activité éducative.
Mon échantillon d’étude consiste en trois groupes de patients venant en hôpital de
jour pendant trois semaines, ainsi que les ergothérapeutes les encadrant :
□
Deux groupes de personnes lombalgiques suivant un programme hors école du dos
à raison d’une heure, cinq jours par semaine, encadrés par deux ergothérapeutes
différents
□
Un groupe de patients en école du dos encadré par un binôme d’ergothérapeutes, à
raison d’une heure et demie, cinq jours par semaine.
30
II.
Analyse et synthèse des résultats
Afin d’analyser l’ensemble des éléments que j’ai recueillis et retranscrits en annexe
(cf. annexe 3 et 4), j’ai défini des grands thèmes récurrents en croisant les résultats de mon
recueil de données, et en me basant sur la trame de mon guide d’entretien.
1.
Cadre de la prise en charge de la personne lombalgique
La prise en charge de personnes lombalgiques se fait en pluridisciplinarité,
principalement en hôpital de jour ou après une opération, selon différentes modalités : école
du dos, restauration fonctionnelle du rachis, ou « hors cadre ». Ces types de prise en charge
diffèrent en fonction des modèles de pratique des institutions, et de l’état du patient. C’est à
l’admission que le médecin décide de l’orientation de la personne.
Mme D a exposé un autre type de situations où l’ergothérapeute peut être amené à
intervenir : « De mon expérience, je suis aussi intervenu en entreprise : la centrale à G, chez
X où on intervenait pour des professionnels qui avaient déjà eu des soucis, des problèmes
de dos. C’était en lien avec la médecine de travail. »
Les personnes lombalgiques peuvent être prises en charge en groupe ou de façon
individuelle, « souvent en post op […] parce que le rythme est moins soutenu. Ce sont des
gens qui ont besoin plus d’être corrigés, ou moins prêts psychologiquement pour une école
du dos. Il faut savoir intégrer un groupe et être à l’aise dans un groupe. » d’après les dires de
Mme F.
« C’est important de voir les gens de façon individuelle pour recueillir des données, remplir
nos fiches ergo. Après on essaie aussi de faire une prise en charge un peu plus collective,
prendre les gens en groupe, puisque, comme cela on leur explique les conseils et les
positions à prendre. Pour nous, c’est mieux de prendre plusieurs patients en même temps et
ça crée aussi un certain dynamisme […] puisque les patients observent l’autre, comment il
se positionne, comment il a pu s’organiser. Ça permet des échanges, de voir les choses
autrement. Je trouve que c’est important de pouvoir prendre les gens de façon collective. Si
on peut les prendre au moins à deux, il y a une certaine émulation, des échanges qui font
que ça peut apporter aussi de l’eau à notre moulin. »
Cette citation de Mme C, témoignant de l’importance et de la pertinence de la prise en
charge en groupe, a été corrélée par mes observations. En effet, les patients que j’ai pu voir
en situation échangeaient entre eux conseils et expériences. Ils se corrigeaient entre eux, ce
qui permettait au groupe d’évoluer ensemble.
31
Mme F définit l’intervention de l’ergothérapeute comme étant une action de sensibilisation :
« C’est surtout pour qu’ils comprennent que c’est leur dos, leur vie, leur confort de vie.
[…] les rassurer et leur prouver qu’ils peuvent faire plein de choses avec leur corps, et les
remettre en route, les remettre à l’activité.»
A cela se rajoutent les dires de Mme D : « Nous on fait de la prévention secondaire en fait,
[…] après que les gens aient eu des soucis. […] C’est de l’éducation thérapeutique, c’est une
autre prise de conscience du corps. C’est prendre conscience que c’est au quotidien et que
ce n’est pas que quand on a trop de douleurs […] c’est plus une prise de conscience du
schéma corporel, de pourquoi ils ont mal, de trouver les raisons et les causes des douleurs
et qu’ils réalisent que c’est quelque chose qui est au long court. C’est une prise en charge
personnelle à long terme. »
2.
Prise en charge de l’ergothérapeute
a)
Eléments à prendre en compte afin de mener une prise en
charge adaptée
Plusieurs éléments sont à prendre en compte par l’ergothérapeute, lors de la prise en
charge de personnes lombalgiques. Tout d’abord des éléments personnels : « l’âge du
patient, ses attentes, ses activités professionnelles et de loisirs. Même si on prend les gens
en groupe il faut tout de même personnaliser cette prise en charge, pour que le patient
puisse trouver des réponses. » déclare Mme C. Il faut cerner les attentes de la personne,
ses attentes, par rapport à son quotidien.
D’autres facteurs, spécifiques à la prise en charge de personne lombalgique doivent être
considérés :
La douleur
« La douleur chez le lombalgique, c’est ce qu’il y a de plus invalidant. Pour moi c’est
souvent ce qui vient en premier, avant la répercussion fonctionnelle de la problématique
rachidienne, la douleur c’est vraiment prioritaire. […] que ce soit en ergothérapie ou
n’importe quelle prise en charge rééducative, tu dois tenir compte de la douleur du patient
puisque d’un jour à l’autre ça peut être fluctuant, et ça peut impacter sur ta prise en charge
quotidienne. »
Cette citation de Mr E atteste de l’importance de la prise en compte du ressenti douloureux.
Lors de mon observation en situation, j’ai également pu relever que les thérapeutes
questionnent régulièrement les patients concernant leur douleur au cours de séances ou
dans leur quotidien.
32
La motivation du patient
« Il faut que le patient soit prêt à accepter des changements dans ses habitudes
de vie. S’il n’est pas prêt à ça, j’ai l’impression que l’on prêchera pour rien. Il faut que le
patient accepte, prenne conscience qu’il y a des modifications à faire dans ses habitudes de
vie. […] ce n’est pas un séjour en centre de rééducation qui va être miraculeux, et fera qu’il
n’aura plus mal du tout. Il faut aussi qu’il accepte de vivre avec sa douleur. »
Mme C explique bien ici l’importance de pouvoir s’appuyer sur la motivation du patient afin
de s’assurer de son adhésion. A cela Mme D rajoute :
« Pour qu’ils adhèrent à fond dans leur prise en charge, il faut déjà qu’ils soient
volontaires pour leur prise en charge. S’ils sont orientés, et s’ils sont un peu obligés de
venir par le médecin du travail ou parfois leur médecin traitant qui ne sait plus par quel bout
les prendre ; si ce n’est pas une demande personnelle, c’est parfois compliqué, donc il faut
que le patient adhère complètement à cette prise en charge. »
Le contexte psychologique
Il est essentiel de prendre en compte ce facteur, comme l’explique Mme D : « […] il
faut aussi qu’il soit dans un contexte psychologique en adéquation avec ce qu’on va lui faire
ingurgiter parce qu’il faut vraiment être à l’écoute et prêt à adhérer à cette prise en
charge. Ça arrive qu’on ait des patients qui soient perturbés pour des raisons x ou y
personnelles et où ce n’est pas forcément évident parce qu’ils ne sont pas à fond dans ce
qu’on leur demande de faire et ce n’est pas évident de se concentrer, d’intégrer ce qu’on va
leur apporter.»
Mr E insiste lui aussi également sur cet aspect de la lombalgie : « Sa spécificité c’est
l’impact psychosocial important. La répercussion du trouble dans la vie de la personne, son
attitude au quotidien, son ressenti douloureux, au niveau dépressif, donc au niveau
psychologique et aussi au niveau de la répercussion sur le couple, sur la famille, sur les
amis, sur le travail, sur la société en général. […] la personne lombalgique a un problème par
rapport aux autres patho qu’on rencontre, c’est que ce n’est pas marqué… on voit une
personne lombalgique, elle est comme toi et moi. […] Ce n’est pas forcément marqué sur
son visage et ça, ça a un impact sur le quotidien, puisque tout le monde peut se dire
lombalgique. »
Les personnes lombalgiques chroniques sont généralement déconditionnées du fait
de la diminution d’activités. Comme le dit Mme F, elles « rentrent dans un engrenage et ont
du mal à en sortir, et donc psychologiquement ne vont pas bien ». Ce sont des personnes
dont l’estime de soi se voit diminuée et qui sont alors sujettes à l’autodépréciation. Elles
n’osent plus faire certaines choses de peur de se faire mal. L’ergothérapeute continue en
33
disant qu’en réponse, sa démarche est de : « Les écouter, entendre leur souffrance parce
qu’on ne la connait pas. Moi, personnellement, je n’ai pas de problèmes de dos, cette
souffrance là je ne la connais pas. Cette douleur physique là, donc du coup psychologique,
je ne la connais pas. Et je pense que comme dans toute prise en charge, ils ne sont pas
différents, il faut être à l’écoute et leur redonner confiance en eux. »
Lors de mes observations, j’ai noté que l’ergothérapeute laissait la place à
l’expression des plaintes des patients. Parmi les attentes de ces derniers, il est intéressant
de relever le fait de vouloir « améliorer leur moral ».
La notion de bénéfice secondaire apparait également dans le cadre de la lombalgie
chronique. Comme l’exprime Mme F : « la bonne question est : est-ce que c’est de
l’angoisse, de la peur ou est-ce que ça leur sert dans la vie de tous les jours ? ». Certains
patients peuvent s’être installés dans un certain « confort de vie » qui fait que leur maladie
est pour eux une excuse pour ne pas faire et laisser les autres agir à leur place. Dans ce
cas, les patients auront du mal à adhérer à la prise en charge proposée car ils ne sont pas
prêts à accepter un changement dans leur quotidien.
Ce point a pu être confirmé lors de mon observation des groupes de patients, où j’ai pu
constater que souvent revenait la phrase « Je ne le fais pas, je demande à quelqu’un de le
faire pour moi » de la part de certains patients.
Le ressenti au niveau du schéma corporel
Que ce soit lors de mes observations ou de mes entretiens, la notion de schéma
corporel est souvent évoquée par rapport à l’acquisition d’une gestuelle adaptée. Comme
l’évoque Mr E : « tout ce qui est trouble du schéma corporel, c’est quelque chose de très
très marqué qu’il est important de prendre en compte, pour justement après, essayer de
réparer la personne au niveau de sa gestuelle. Si elle n’a pas un bon schéma corporel, elle
peut difficilement se corriger. »
L’état physique du patient
Il faut que la personne soit dans un état physique convenable afin de mettre en
pratique ce qu’on va lui enseigner.
34
b)
Moyens utilisés par l’ergothérapeute
« Ce qui est important aussi, c’est qu’on donne des clés aux patients et après c’est
au patient d’être autonome pour utiliser ses différentes clés dans les différentes situations
qu’il va rencontrer sur le plan professionnel, lors de ses loisirs ou activités de la vie
quotidienne. Il faut que le patient arrive à intégrer les positions pour pouvoir après les
adapter et les utiliser à bon escient dans les différentes activités de la vie quotidienne. »
Cette citation de Mme C reprend bien la finalité de l’intervention de l’ergothérapeute. Afin
d’accomplir cet objectif, les thérapeutes emploient différents outils :
Bilans
Les professionnels interrogés ont évoqué une fiche de bilan individuelle utilisée afin
de recueillir des informations concernant les patients. J’ai pu observer son utilisation par les
ergothérapeutes. Elle permet de récolter des informations concernant les habitudes de vie
de la personne, sa douleur, son activité professionnelle et ses loisirs.
J’ai également relevé lors de mon observation, l’utilisation d’un bilan fonctionnel avec
utilisation de l’outil vidéo. Cette évaluation réalisée en début de programme permettait aux
patients d’avoir un comparatif en fin de session, en les amenant toujours à réfléchir sur leur
positionnement et leur gestuelle.
Mr E explique bien la finalité de ces évaluations : « Le fait de faire passer des bilans
ça permet aussi à la personne de se rendre compte des difficultés qu’elle peut rencontrer. Le
fait d’avoir une note ça permet d’avoir un référentiel et par ce biais-là, le fait que le bilan
soit refait régulièrement, ça permet à la personne de voir son évolution. Et à la fin de la
session, tu fais une synthèse de tout ça pour justement voir d’où tu es parti, comment tu as
progressé, et où tu en es arrivé. Tout en sachant qu’en sortant de l’hôpital ce n’est pas la fin
de tout mais le début du chemin et que tu devras continuer par la suite. »
Rappel anatomique
Mr E et Mme C insistent sur l’importance de réaliser un rappel anatomique,
physiologique et biomécanique de la colonne. Ce point d’information est essentiel à la
compréhension du patient car il lui permet de mieux visualiser ce que l’on attend de sa part,
comme l’explique cette citation de Mr E :
« Une fois qu’on comprend, qu’on sait à quoi ça ressemble, on fait comprendre à la
personne quels sont les mouvements qui sont agressifs pour le dos et par quels palliatifs on
pourrait passer pour justement être moins agressif vis-à-vis de ce dernier, pour avoir une
35
qualité de vie plus importante et recommencer à faire des choses que peut être elle n’osait
pas faire ou peut être qu’elle ne se sentait pas capable de faire.
Donc moi je passe par la compréhension anatomique du dos pour désamorcer la
problématique, faire prendre conscience de pourquoi ils en sont arrivés là, comment ils se
sont abimés, pour qu’après on ne recommence pas les mêmes erreurs et qu’on adapte sa
gestuelle en fonction de ce qu’on doit faire. »
Jeux
Mme C a évoqué l’utilisation du jeu au sein de sa pratique professionnelle. Elle
emploie cet outil en groupe ou en individuel afin de travailler l’acquisition de positions
d’économie rachidienne : « Des jeux grands modèles, des jeux plus ou moins adaptés, des
jeux où on va solliciter le patient pour travailler en position haltérophile. »
Supports papier et vidéo
Des livrets ont été réalisés par le service et sont remis aux patients à la fin de leur
prise en charge. Cela leur permet d’avoir une trace écrite récapitulant l’ensemble des
éléments abordés lors des séances d’ergothérapie.
L’outil vidéo est également utilisé, en dehors de la passation de bilans. Deux séances
de visionnage sont proposées aux patients. Une première en début de session montrant les
mauvais gestes qui peuvent être réalisés tout au long d’une journée, ainsi que quelques
éléments d’information. Une deuxième vidéo est diffusée à la fin du programme, montrant les
bons gestes à effectuer dans les situations du quotidien.
Education à l’économie rachidienne par des mises en situation
Les ergothérapeutes s’appuient beaucoup sur la pratique afin de faire intégrer aux
patients les gestes d’économie rachidienne. Pour cela, des mises en situations sont
proposées, « On essaie d’être au plus proche de ce qu’ils vont faire au domicile. » déclare
Mme D.
Dans cette optique, les séances ont lieu dans une salle où l’on retrouve plusieurs
éléments du quotidien : lit, baignoire, lavabo, placards, évier, four, chariot de course,
poubelle et bien d’autres.
Un repas thérapeutique est proposé à la fin de l’école du dos afin d’observer les
positions adoptées spontanément par les patients.
« Ce qu’on essaie de leur transmettre, c’est qu’il n’y a vraiment pas grand-chose à connaitre,
c’est qu’il n’y a que quelques gestes à bien maitriser et que s’ils les maitrisent bien dans leur
36
vie quotidienne, s’ils les appliquent vraiment à la lettre, ils seront après capables de les
retransposer dans leur profession.» déclare Mme D.
Ressenti du positionnement au niveau du schéma corporel
Les ergothérapeutes interrogés s’accordent sur l’importance de travailler autour du
ressenti concernant le schéma corporel. Mes observations corroborent ce fait, les
thérapeutes ont beaucoup insisté sur le fait que le patient ressente comment il positionne
son corps, aussi bien en statique, qu’en dynamique. Mme F l’explique bien : « […] j’insiste
tout le temps sur le ressenti corporel. S’ils ne sentent pas s’ils sont bien positionnés ou pas,
on va avoir beaucoup de difficultés puisque quand dans 3 semaines ils ne seront plus ici, ils
n’arriveront pas à s’auto corriger. Donc c’est important de leur faire faire pour pouvoir les
corriger. »
Vie professionnelle
La notion d’activité professionnelle est également abordée lors des séances
d’ergothérapie. Les professionnels rassurent les patients par rapport à leur capacité à
reprendre une vie professionnelle « la plus normale possible ». « Parce que bien souvent ils
se disent soit je ne suis pas capable de faire, soit mon patron ne m’écoute pas par rapport
au problème que je rencontre, donc là on oriente aussi vis-à-vis de la médecine du travail, du
CHSCT8, ou vers une adaptation du poste de travail » déclare Mr E.
« Faites en fonction de vos capacités et en apprenant à connaitre vos limites.
Vos limites ne sont peut-être pas celles que vous pensez être, mais l’idée c’est que vous
continuiez à faire plein de choses, tout en ne dépassant pas les limites qui vous sont létales
et qui sont trop négatives, néfastes, pour avoir une vie quotidienne la plus normale possible,
tout en prenant en compte bien sur les limitations pathologiques. »
C’est le message que l’ergothérapeute doit réussir à faire passer aux patients, selon Mr E.
8
Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
37
3.
Compétences et qualités de l’ergothérapeute
a)
Compétences relationnelles
Lors mon observation, j’ai pu relever que les ergothérapeutes font preuve de
compétences relationnelles dans leur prise en charge, en faisant preuve d’empathie et en
adoptant une position d’écoute active. Les patients sont mis en confiance afin de leur
permettre d’exprimer leurs plaintes. Leur douleur, leurs ressentis ne sont pas minimisés. Au
contraire, les thérapeutes se montrent compréhensifs par rapport aux conséquences de la
lombalgie dans leur quotidien. Mme C déclare : « Il faut être à l’écoute bien sûr. Il faut être
bien en coordination avec le patient, pour savoir ce qu’il ressent. »
Les professionnels interrogés ont également mis en exergue l’importance de
posséder des capacités d’adaptation : « Alors, il faut savoir s’adapter à tout type de patients,
on doit avoir une grande capacité d’adaptation en fonction de chaque patient. » dit Mme D.
L’ergothérapeute, intervenant auprès d’un groupe de patients, doit être capable
d’établir un climat de confiance propice à la discussion et « savoir aussi parfois réussir à
détendre l’atmosphère », selon les termes de Mme D.
b)
Compétences pédagogiques
Connaissances théoriques et pratiques
« […] puisque toi tu es le référent, le référentiel du savoir, donc si le référentiel du
savoir n’applique pas, ne fait pas, c’est qu’il n’est pas un bon référentiel, donc c’est
quelqu’un qui n’est pas compétent. […]Toi tu te dois d’être hyper carré, hyper pointu, ne pas
pouvoir te laisser mettre en porte à faux. »
Cette citation de Mr E témoigne de l’importance d’avoir des connaissances au niveau de
l’anatomie du dos, ainsi que dans le domaine de l’économie rachidienne. L’ergothérapeute
doit être « convainquant et convaincu de ce qu’il fait » comme l’exprime Mme F. Il se doit de
maitriser le sujet afin de pouvoir répondre facilement aux questions des patients et
argumenter les éléments qu’il leur inculque :
« Il faut aussi que l’ergo soit à l’aise avec tout ce qui est justement économie rachidienne
pour pouvoir le faire accepter au patient et puis être sûr de ses positions. Pouvoir aussi, du
coup, justifier dans différentes activités de la vie quotidienne » déclare Mme C.
A cela s’ajoute les dires de Mme F : « Dès qu’il y a une « éducation », si toi tu n’es pas
sensibilisé comment peux-tu sensibiliser les autres. »
L’ergothérapeute se doit de se former et de s’informer concernant les techniques éducatives,
ainsi que l’évolution des pratiques. Il faut qu’il maintienne une veille informationnelle.
38
Gestion d’un groupe
Une autre compétence de l’ergothérapeute qui entre en jeu dans la prise en charge
de personnes lombalgiques est sa capacité à gérer un groupe de patients.
« Ça s’improvise pas de gérer un groupe, il faut avoir aussi une grosse dose de psychologie,
savoir analyser les comportements des personnes de manière individuelle, mais aussi
d’avoir une notion de la dynamique de groupe. […] Dynamiser le groupe, savoir dynamiser
ta façon de présenter, la rendre positive, agréable, dynamique. […] Certains tu dois les
freiner, les canaliser, d’autres tu dois les stimuler et les booster. » évoque Mr E.
L’ergothérapeute doit réussir à poser un cadre et à s’assurer qu’il soit respecté par le groupe
de patients qu’il a en face de lui. Le thérapeute doit également être sensible à l’attitude du
groupe afin de s’adapter en conséquence.
Approche pédagogique
L’ensemble des ergothérapeutes s’accordent sur l’importance de faire preuve de
patience et d’écoute. La notion de rigueur est également évoquée par Mme D : « on ne peut
pas laisser passer des erreurs tant que les patients sont encore ici donc il faut vraiment
qu’on soit très carré et très rigoureux par rapport à ça, selon moi. […] Ça doit être rigoureux,
mais il faut réussir aussi à pouvoir s’éloigner aussi parfois et parler d’autre chose qui les
préoccupe et des choses qu’ils ont envie d’aborder et que l’on avait pas forcément prévu:
concernant les enfants, la sexualité, plein d’autres sujet. Savoir les prendre aussi un peu à la
dérision, s’adapter à eux, en fonction de leur demande et de leurs attentes ».
Mr E, lui, met surtout l’accent sur l’importance de capacités d’observation de la part
du thérapeute, ce qui a été confirmé lors de mon analyse de situation. : « Avant, on parlait
d’écoute, parce que c’est important, mais l’observation c’est primordial. Si tu ne sais pas
observer, tu n’arriveras pas à mettre le doigt sur ce qui ne va pas […] L’observer depuis le
moment où il rentre dans la salle jusqu’à la façon dont il s’assied, sa gestuelle tout au long
de la séance, et même en dehors de la séance. Voir un petit peu quels sont les écueils qu’il
rencontre au niveau de sa statique, sa dynamique ; et puis, ce qui fait qu’au niveau de sa
gestuelle, ça a entrainé des problématiques rachidiennes. »
Les ergothérapeutes se basent également sur la pratique, la mise en application, afin
de favoriser une bonne intégration des éléments qu’ils apportent aux patients. Ils essaient
tant que possible d’illustrer par le biais d’activités du quotidien. Ces derniers doivent arriver à
accepter un changement au niveau de leur gestuelle, de leurs habitudes. Les thérapeutes
doivent les accompagner vers l’acceptation de ce changement, en se montrant
convaincants, tout en leur laissant le droit à l’erreur et en faisant preuve d’une certaine
39
souplesse. « Moi je n’insiste pas : ils prennent c’est bien, ils ne prennent pas c’est bien
aussi. » déclare Mme F.
L’ergothérapeute, comme l’exprime Mme C doit « savoir aussi corriger les positions
du patient, lui faire ressentir comment il positionne son bassin, comment il positionne ses
jambes. Bien lui faire sentir justement les positions. Parce que c’est vrai que ce n’est pas
tout de lui dire comment il faut faire, de lui montrer. Mais il faut surtout insister sur le
ressenti, pour que le patient puisse intégrer justement ces nouvelles positions dans ses
activités et son quotidien ». Mr E complète cette affirmation en disant qu’ « avoir une très
bonne connaissance de son corps, avoir un bon schéma corporel ça s’est primordial aussi.
Tu ne peux pas demander aux autres de faire quelque chose que toi-même tu as du mal à
faire. Donc ça c’est un travail du corps, un entretien physique du moniteur. »
En matière d’animation des séances, il existe plusieurs techniques pédagogiques et
différents outils. Mr E évoque quelques principes importants : « savoir rebondir, savoir
enchainer, savoir aller chercher le petit truc, la petite anecdote ou le petit mot que la
personne a lâché pour pouvoir expliquer un autre truc au groupe entièrement. […] Moi je
questionne beaucoup les personnes, je les fais réfléchir à la problématique avant de
donner les solutions. Je ne donne jamais de solution sans avoir fait réfléchir la personne
parce que si tu fais que donner des informations ou des compétences, la personne elle fait
quoi ? Elle est en attente de recevoir. Elle va recevoir de manière passive ; et de manière
passive ça ne marche pas. Donc c’est une dynamique à donner aussi au groupe, à l’individu
pour le faire réfléchir, le sortir du carcan limitatif dans lequel il pouvait se sentir ; et puis, le
faire participer activement à la prise en charge. […] ma façon de faire ce n’est pas de
donner mais d’interpeller, d’interroger la personne en face, de faire revenir des informations
et après de dialoguer, discuter et argumenter. »
J’ai pu être témoin de cette démarche réflexive au cours de mon observation en
situation. L’ergothérapeute est donc à l’origine d’un questionnement de la part des patients
et doit donc accepter de recevoir les questions qui lui sont adressées. Selon Mme F, c’est
également un signe attestant de l’efficacité de l’intervention : « à partir du moment où ils te
posent des questions, ils veulent savoir, c’est que toi tu as déjà pas mal avancé. Quelque
part c’est une satisfaction parce que tu les as sensibilisés. Il y en a s’ils ne posent pas de
questions, tu peux te dire : tu as donné c’est bien, mais ils n’en tireront pas grand-chose. »
« Je parle souvent de notion de coach, coaching. Nous ont fait 10% du taf, on leur
donne les infos et après c’est à eux de pratiquer. A eux de changer leur façon de faire, leur
façon d’être et ça viendra de là. Nous c’est du coaching, moi je suis plus côté coach que côté
prof, mais c’est un mix des deux. » Cette citation illustre la notion d’accompagnement selon
Mr E et conclu cette partie d’analyse de mes résultats.
40
Discussion
Après avoir analysé l’ensemble des résultats de mon travail de recherche, il convient
de les interpréter en regard de mon questionnement de départ, et de les confronter aux
concepts théoriques développés précédemment.
I.
Interprétation des résultats et vérification des hypothèses de
recherche
Avant de conclure mon enquête en interprétant mes résultats, il faut rappeler la
question sur laquelle se base mon travail de recherche :
Comment l’ergothérapeute peut-il adapter son approche pédagogique, face à une
population de personnes souffrant de lombalgies ?
La lombalgie chronique est multifactorielle, ce qui fait que sa prise en charge se base
sur le modèle biopsychosocial. Les ergothérapeutes interrogés ont bien mis l’accent sur
l’importance de prendre en compte le contexte psychosocial. La notion d’engrenage a été
évoquée afin d’illustrer le fait que les patients sont enfermés dans leur douleur, ce qui n’est
pas sans rappeler le cercle vicieux de la douleur du modèle de peur-évitement (cf. I.A.3).
Les professionnels ont également mis en avant le fait de prendre en considération
l’état physique de la personne et ont particulièrement insisté sur l’importance du ressenti au
niveau du schéma corporel. En effet, la personne lombalgique chronique étant
déconditionnée au niveau physique et fonctionnel, par crainte du mouvement, présente une
gestuelle inadaptée. Elle a alors des difficultés à percevoir son propre corps et son
positionnement dans l’espace.
La notion de douleur a également été abordée lors des entretiens ainsi que celle du
handicap invisible qui découle de la lombalgie, et peut être à l’origine d’une souffrance
morale pour l’individu. Les ergothérapeutes ont également mis en avant l’importance de
prendre en compte la notion de travail dans la prise en charge de la personne lombalgique,
ces personnes ayant généralement cessé toute activité professionnelle et de loisir.
Assister à une conférence sur la précarité9 a enrichi ma réflexion. La notion de
précarité a été définie comme étant le caractère incertain d’un avenir. La personne
lombalgique se trouve donc dans une situation de précarité en voyant son avenir
professionnel compromis du fait de sa problématique rachidienne. La lombalgie est, en effet,
9
Conférence Précarité et travail dans le milieu carcéral du 14 mai 2014 à l’Institut de Formation en
Pédicurie-Podologie, Ergothérapie et Masso-Kinésithérapie
41
responsable d’arrêts de travail plus ou moins prolongés. Or, l’emploi est un objet social et la
non obtention de cet objet social entraine une insécurité.
La personne souffrant de lombalgie chronique peut également se retrouver en situation
d’exclusion sociale du fait de son absence d’activité professionnelle et de loisirs.
L’ergothérapeute intervient alors afin de permettre à la personne de se réinvestir dans
l’activité, de se réapproprier un rôle social, et ainsi améliorer sa qualité de vie.
Dans sa démarche, l’ergothérapeute peut être confronté à un obstacle abordé lors
des entretiens : le bénéfice secondaire. En effet, si le patient se satisfait plus ou moins
consciemment dans sa situation, et ne voit donc pas l’intérêt de la changer, il n’adhérera pas
à la prise en charge. Le professionnel doit donc prendre en compte ce fait, afin de trouver
une stratégie lui permettant de susciter la motivation du patient. Il faut l’accompagner vers
l’acceptation d’un changement en s’assurant d’une bonne adhésion de sa part. Il doit s’agir
d’une démarche personnelle basée sur sa motivation.
Certains patients se trouvent dans une situation problématique, sans savoir quels
éléments mobiliser pour arriver à s’en sortir, par manque d’information et/ou de confiance en
soi. L’ergothérapeute intervient alors, afin de donner à la personne les « clés » lui permettant
de s’extirper de sa souffrance physique et morale quotidienne.
Les professionnels établissent alors un climat de confiance, en faisant preuve de
patience, d’écoute, d’empathie, mais également de capacités d’adaptation. L’utilisation de
techniques de relation et de communication permet au patient de se sentir à l’aise et favorise
la création d’une alliance thérapeutique.
Les ergothérapeutes mènent une prise en charge centrée sur le patient et ses
besoins, en respect des principes d’éducation thérapeutique du patient. La réalisation de
bilans permet justement de cerner la problématique du patient et d’établir un référentiel pour
une évaluation ultérieure afin de pouvoir apprécier une évolution. Les professionnels, afin de
garantir l’adhésion des patients leur proposent des activités qui ont du sens pour eux car se
rapportant à leur quotidien.
Ma première hypothèse de recherche était la suivante : « En prenant en compte les
habitudes et le projet de vie de la personne, l’ergothérapeute mène une intervention
adaptée à la problématique de personnes souffrant de lombalgies. »
Cette affirmation est vérifiée car les professionnels interrogés ont rapporté le fait
qu’ils proposent des mises en situation se rapprochant au plus près du quotidien des
patients et donc de leurs habitudes de vie. La vie professionnelle de la personne est
également abordée lors des séances d’ergothérapie afin d’aider la personne à se projeter
dans son avenir à la suite du programme. La personne est considérée par l’ergothérapeute
42
de façon globale, selon une approche holistique. Les professionnels interrogés ne suivaient
pas de programmes d’éducation thérapeutique du patient donc il n’y avait donc pas vraiment
de temps formel consacré à une discussion autour du projet de vie de la personne.
En effet, dans la démarche des programmes d’Education Thérapeutique du Patient, il
y a une première étape de diagnostic éducatif, qui permet de concevoir des objectifs
éducatifs avec le patients. Ce dernier doit alors par la suite signer un contrat, assurant son
engagement dans la démarche. La personne est, selon moi, plus investie dans sa prise en
charge et dans l’alliance thérapeutique, grâce à ce type de pratique, que lors de programmes
de type école du dos ou RFR10. Malheureusement, concernant la prise en charge de la
lombalgie chronique, les programmes d’ETP restent encore peu développés. Il serait
intéressant de valoriser ce type de pratique permettant de favoriser l’adhésion du patient.
Comme démontré précédemment, le contexte psychosocial est important à prendre
en compte, les habitudes et le projet de vie ne sont donc pas les seuls éléments à
considérer. Afin de mener une action vraiment adaptée, l’ergothérapeute doit prendre en
considération l’environnement de la personne, son rôle familial, sa participation sociale, et sa
vie professionnelle. L’intervention de l’ergothérapeute est limitée, en ce qui concerne
l’environnement familial et professionnel du patient. Au niveau matériel, par exemple, il n’est
pas toujours possible de reproduire les conditions de travail de la personne.
Lors de ma démarche exploratoire, au début de ce travail de recherche, les
ergothérapeutes interrogés avaient abordé trois points clés de leur intervention :
Comprendre, Ressentir et Pratiquer. Ces trois éléments se retrouvent dans les résultats de
mes entretiens. Il y a un temps d’explication des concepts anatomo-physiologiques. Ensuite,
les professionnels mettent l’accent sur l’importance du ressenti au niveau du schéma
corporel. Enfin, il y a une partie pratique avec des mises en situations se rapportant à des
situations de vie quotidienne, par le biais d’activités signifiantes et significatives.
Ma seconde hypothèse de recherche était la suivante : « L’ergothérapeute s’appuie
sur des compétences et techniques pédagogiques afin de favoriser la pérennisation
des savoirs transmis aux patients. »
En termes de pédagogie, les ergothérapeutes d’appuient sur la dynamique de groupe
afin de favoriser l’adhésion et la participation des patients. La pairémulation est un des
leviers que l’ergothérapeute peut utiliser afin de mener à bien son intervention.
Les professionnels disposent de capacités d’observation leur permettant d’analyser
l’attitude et la gestuelle des patients afin de les corriger d’une part, mais aussi réajuster leur
propre pratique. Les ergothérapeutes se doivent de maîtriser des connaissances théoriques
10
Restauration Fonctionnelle du Rachis
43
et poursuivre leur formation. Plusieurs outils et techniques d’animations peuvent être
mobilisés par les thérapeutes. Ils varient en fonction des lieux et modèles de pratique, mais
également en fonction des valeurs et préférences des professionnels.
L’empowerment correspond au fait de responsabiliser le patient, l’autonomiser, le
rendre acteur de son traitement. Les professionnels adoptent cette démarche en faisant les
patients réaliser une analyse de l’activité afin de trouver par eux même les solutions adaptés.
Les ergothérapeutes amorcent alors un travail de réflexion qui permettra aux patients de
poursuivre cette démarche, par eux-mêmes, à la fin du programme.
Cette autonomisation du patient permet de placer ce dernier au centre du dispositif
de soin. L’ergothérapeute a un rôle d’accompagnement, de « coaching », comme l’a exprimé
l’un des professionnels interrogés.
Ma seconde hypothèse est alors elle ainsi vérifiée. Cependant, il n’est pas question
uniquement de compétences pédagogiques car au sein de l’action éducative, des
compétences relationnelles entrent également en jeu.
Mon travail de recherche a permis de vérifier la véracité de mes hypothèses,
cependant j’ai pu discerner des limites à ma recherche, mais également approfondir ma
réflexion initiale.
44
II.
Approfondissement de la réflexion
L’ergothérapeute a un rôle de conseil et d’éducation dans divers cadres et face à
différentes populations de patients. Dans le cadre de ma formation, j’ai été amenée à réaliser
une action éducative auprès de patients hémiplégiques, au cours d’un atelier équilibre et
chute, lors de l’attribution d’une aide technique, ou encore avec des enfants présentant des
troubles des apprentissages par le biais de la métacognition. Cette dernière permettait aux
enfants de comprendre comment fonctionne leur cerveau et quelles stratégies développer
alors afin de pallier leurs difficultés. Cette définition de la métacognition n’est pas sans
rappeler celle de l’éducation thérapeutique du patient. Ce bref exemple illustre bien le fait
que l’ergothérapeute peut exercer une action éducative auprès d’une population aucunement
similaire à celle de personnes lombalgiques.
Ces exemples de situations éducatives ne sont pas exhaustifs car l’ergothérapeute
peut intervenir dans bien d’autres occasions afin de mener une action de sensibilisation que
ce soit auprès du patient, et/ou de son entourage.
Les ergothérapeutes mènent donc une action éducative auprès de personnes
lombalgique qui, malgré des modèles de pratique divergents, semble suivre les mêmes
principes, tout en prenant en compte les spécificités de la lombalgie chronique :

partir des besoins et attentes de la personne,

la considérer dans sa globalité,

susciter la motivation de l’individu,

rendre le patient autonome et actif de sa prise en charge.
Ce travail m’a donc permis de mieux cerner les compétences requises lors d’une
action d’éducation auprès de patients lombalgique, tout en le transposant à d’autres
pathologies, en faisant le parallèle avec d’autres situations rencontrées en stage. Afin
d’exercer une action pertinente, l’ergothérapeute doit être capable de s’informer et de se
former, tout au long de sa pratique, afin de se perfectionner et avoir un bon niveau
d’expertise dans le champ qu’il enseigne.
En menant cette action de recherche, j’ai découvert l’importance de la notion de
schéma corporel dans la prise en charge de la personne lombalgique. Je n’avais pas
envisagé le lien étroit existant entre l’image du corps et la lombalgie chronique. Pourtant, au
fil de mes observations et entretiens, travailler autour du ressenti du schéma corporel m’est
apparu comme étant un des piliers de la prise en charge en ergothérapie. En
complémentarité avec l’action du kinésithérapeute, Il s’agit de travailler avec le patient autour
du positionnement et de la gestuelle qu’il adopte lors de ses activités du quotidien.
45
Exercer une intervention à visée éducative auprès de personnes lombalgiques me
parait être un type de pratique très pertinent dans le champ de l’ergothérapie. En effet, la
notion occupationnelle est très importante à prendre en compte face à ce type de patients
car ils se retrouvent à une réduction de leurs activités quotidiennes. Les ergothérapeutes
peuvent être confrontés à des limites telles que le contexte institutionnel, les protocoles mis
en place, le matériel à disposition, ou alors des collègues ayant un discours contradictoire.
Dans ce dernier cas, l’ergothérapeute se doit de sensibiliser les autres membres de l’équipe
afin d’avoir un discours commun face aux patients, et mener ainsi une action pertinente et
coordonnée. Les autres limites susmentionnées peuvent être contournées par une
adaptation de l’ergothérapeute en termes d’approche et de pratique.
Un élément qu’il m’a paru manquer lors de mes observations, et que j’ai mentionné
dans les limites de cette étude, est l’absence d’éléments permettant à l’ergothérapeute
d’évaluer l’efficacité de son action. Il serait, selon moi, pertinent d’avoir un outil permettant à
l’ergothérapeute d’avoir un retour quant à son intervention afin de la réajuster si besoin et
donc améliorer sa pratique. La mise en place d’un questionnaire de satisfaction à la fin du
programme permettrait aux thérapeutes de savoir comment les patients ont perçu leur action
éducative, et de recueillir leurs suggestions en termes d’amélioration. S’il est difficilement
possible de mettre en place un questionnaire du fait de contraintes institutionnelles, un
temps d’échange pourrait être prévu à la fin du programme éducatif, avec la même finalité.
Ce procédé pourrait être généralisé à l’ensemble de l’équipe multidisciplinaire. Cela pourrait
permettre d’améliorer l’action collective des professionnels et d’ouvrir de nouvelles
perspectives d’action.
46
III.
Limites de l’étude
La première limite de ce travail de recherche concerne l’échantillon étudié. Le panel
de professionnel interrogé était mal réparti : un ergothérapeute pratiquant la Restauration
Fonctionnelle du Rachis et trois autres pratiquant l’école du dos. Cette différence de type de
pratique aurait pu influencer mes résultats ; cependant, il y a eu peu de divergences au
niveau des réponses obtenues. J’avais sollicité d’autres services d’ergothérapie dont un
pratiquant un programme d’Education Thérapeutique du Patient (ETP), mais je n’ai
malheureusement pas eu de réponse. Un entretien avec un professionnel de ce service
aurait été pertinent car il m’aurait permis d’observer si le cadre poser par l’ETP influe sur la
pratique de l’ergothérapeute.
Concernant mes outils de recherche, j’aurais pu élargir la réflexion en ajoutant à ma
grille d’entretien une partie concernant les limites de l’intervention de l’ergothérapeute, mais
aussi les indicateurs de réussite des patients. En outre j’ai choisi d’utiliser une grille
d’observation afin d’enrichir mon analyse, grâce aux professionnels qui m’ont permis de les
observer en situation. Cependant, cet outil reste très subjectif car il est lié à mon appréciation
de la situation. J’ai observé trois groupes de patients en situation. La variabilité inter individu
fait que les résultats que j’ai eus pour ces échantillons pourraient ne pas être transposables
à un autre groupe de patients. Les ergothérapeutes que j’ai observés en situation avaient un
même modèle de pratique : l’école du dos. Il aurait été intéressant de pouvoir observer un
autre type de prise en charge afin d’avoir une diversité plus importante de données
recueillies.
Une autre limite liée à ce travail de recherche est le fait qu’il n’y ait pas de suivi des
patients à la suite du programme d’éducation, les ergothérapeutes ne pouvaient donc pas
me communiquer de retour concernant l’action qu’ils ont menée. Ils n’avaient donc pas
d’indicateurs permettant d’attester de l’efficacité de leur intervention.
47
Conclusion
La lombalgie chronique, revêt un aspect multifactoriel, qui doit être envisagée selon
un modèle biopsychosocial. Elle nécessite une approche pluridisciplinaire, qui considère
l’individu dans sa globalité, et prend en compte son contexte psychosocial. La personne
lombalgique chronique peut se retrouver dans une situation de cessation ou diminution
d’activité, dont découle une perte de son identité sociale. Le but de l’équipe de
professionnels est d’accompagner la personne afin qu’elle développe des stratégies lui
permettant de gérer sa douleur au quotidien.
L’ergothérapeute intervient dans ce cadre, selon une approche holistique, en
considérant la problématique du patient, consécutive à sa problématique rachidienne, avec
une démarche évaluative. Par la suite, la prise en charge en ergothérapie consiste en une
action de conseils et d’information, se basant sur les attentes ainsi que les habitudes de vie
des patients. Ce mémoire a montré que l’ergothérapeute, quel que soit son modèle de
pratique, met en jeu des techniques et compétences au niveau relationnel et pédagogique,
en menant son action éducative. Cela lui permet de mettre le patient dans une position
active afin de l’accompagner vers un changement de ses habitudes de vie.
Tout au long de ce travail de recherche, l’action de l’ergothérapeute auprès du patient
a été mise en avant et analysée. Mais, il serait intéressant de s’interroger également sur la
pertinence d’une action de sensibilisation auprès de l’entourage de la personne
lombalgiques. Les proches du patient sont, en effet, peu informés et ont alors du mal à
comprendre la douleur ressentie par leur proche, ainsi que ce qu’elle implique. Cette
incompréhension entraine une attitude de jugement, de dépréciation qui est mal vécue par le
patient. Il serait pertinent de se questionner sur la façon d’associer les proches au sein de
l’alliance thérapeutique se créant avec la personne lombalgique chronique.
48
Bibliographie
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formation à l’analyse d’activité en ergothérapie, en relation avec l’analyse de pratique ?.
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Texte de loi
Ministère de la santé et des sports, 2010. Arrêté du 5 juillet 2010 relatif au diplôme d'Etat
d'ergothérapeute. Journal officiel, n°0156, 8 juillet 2010, p.12558. Disponible sur
internet:<http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=F3C68E5A8463511773
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Ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue Social, s.d. .
Chiffres-clés et Statistiques. Travailler mieux la santé et la sécurité au travail [en ligne].
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sur
Internet :
<http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Les-chiffres-Cles-et-
Statistiques.html> (Consulté le 27 décembre 2013)
52
Annexes
Annexe 1 : Grille d’entretien et indicateurs
Annexe 2 : Grille d’observation vierge
Annexe 3 : Retranscription des entretiens
Annexe 4 : Recueil d’éléments dans la grille d’observation
Annexe 1 : Grille d’entretien
Quelle est votre expérience auprès de personnes lombalgiques ?
Indicateurs : ancienneté, type de pratique, posture professionnelle
Quelles sont les spécificités de la prise en charge d’une population de patients
lombalgiques ?
Indicateurs : multifactoriel, multidisciplinaire, souffrance, douleur, isolement, participation sociale,
éducation
Quels sont selon vous les éléments à prendre en compte afin de mener une action adaptée
auprès du patient ?
Indicateurs : évaluation, ressources, habitudes de vie, valeurs, représentations, environnement, vécu,
projet de vie
Dans votre pratique professionnelle, qu’est-ce que vous mettez en place afin que les patients
transposent dans leur quotidien les informations transmises ?
Indicateurs : supports visuels, motivation, mises en situation écologique, techniques d’animation,
support écrit, expérimentation
Quelles compétences l’ergothérapeute doit-il mettre en jeu face à ce type de patients ?
Indicateurs : compétences relationnelles, pédagogiques, adaptabilité
Annexe 2 : Grille d’observation
Ergothérapeutes
Attitude
Techniques pédagogiques
Supports et outils
Messages clés
Patients
Attentes
Adhésion
Motivation
Participation
Comportement et dynamique du groupe
Annexe 3 : Retranscription des entretiens
Entretien avec Mme C
J’aimerais savoir quelle est votre expérience auprès de personnes lombalgiques
En termes de qualité ? de nombre d’années ?
Depuis combien d’années vous avez ce type de pratique et justement quel type de pratique
Ça fait un peu plus de trente ans que je suis ergo. Je vous avais parlé dans mon mail de prise en charge type RFR. Ça doit
faire une bonne dizaine d’années que j’ai suivi la formation. Avant c’était une prise en charge lombalgique un peu plus
classique type école du dos ou qui n’avait pas vraiment de cahier mis en place, avec plus des conseils et des mises en
situation. Maintenant c’est vrai que la prise en charge lombalgique dans le cadre du RFR est quand même différente.
Vous ne faites que des prises en charge RFR ou vous en faites aussi hors cadre ?
On prend quelques patients lombalgiques en hôpital de jour actuellement. Autrement, les prises en charge dos sont des
post-op, donc pas vraiment des lombalgies. C’est vrai qu’on en a un peu moins hors RFR.
Quelle est la spécificité de la prise en charge de patients lombalgiques chroniques ?
Il faut que le patient soit prêt à accepter des changements dans ses habitudes de vie. S’il n’est pas prêt à ça, j’ai
l’impression que l’on prêchera pour rien. Il faut que le patient accepte, prenne conscience qu’il y a des modifications à faire
dans ses habitudes de vie. Et que du coup ce n’est pas un séjour en centre de rééducation qui va être miraculeux, où il
n’aura plus mal du tout. Il faut aussi qu’il accepte de vivre avec sa douleur. Qu’est-ce que vous entendez par spécificité ?
Qu’est-ce qui selon vous caractérise la prise en charge des personnes lombalgiques par rapport à une autre
pathologie ?
C’est important de voir les gens de façon individuelle pour recueillir des données, remplir nos fiches ergo. Après on essaie
aussi de faire une prise en charge un peu plus collective, prendre les gens en groupe, puisque comme cela on leur explique
les conseils et les positions à prendre. Pour nous, c’est mieux de prendre plusieurs patients en même temps et ça crée
aussi un certain dynamisme, que l’on retrouve dans le cadre du RFR bien sûr, donc on les prend systématiquement en
groupe. Je trouve que c’est bien aussi puisque les patients observent l’autre comment il se positionne, comment il a pu
s’organiser. Ça permet des échanges, de voir les choses autrement. Je trouve que c’est important de pouvoir prendre les
gens de façon collective. Si on peut les prendre au moins à deux, il y a une certaine émulation, des échanges qui font que
ça peut apporter aussi de l’eau à notre moulin.
Quels sont les éléments à prendre en compte afin de mener une action adaptée auprès du patient ?
Il faut tenir compte de l’âge du patient, de ses attentes, ses activités professionnelles et de loisirs. Même si on prend les
gens en groupe il faut tout de même personnaliser cette prise en charge, pour que le patient puisse trouver des réponses.
Même si ce ne sont pas des réponses miracles, il ne faut pas non plus que les gens s’attendent à des recettes miracles.
Mais il faut qu’ils aient des réponses à leurs besoins spécifiques. Ce qui est important aussi, c’est qu’on donne des clés aux
patients et après c’est au patient d’être autonome pour utiliser ces différentes clés dans les différentes situations qu’il va
rencontrer sur le plan professionnel, loisirs ou activités de la vie quotidienne. Il faut que le patient arrive à intégrer les
positions pour pouvoir après les adapter et les utiliser à bon escient dans les différentes activités de la vie quotidienne.
Dans votre pratique professionnelle, qu’est-ce que vous mettez en place afin que les patients transposent ces
informations dans leur quotidien ?
On fait toujours un rappel anatomique de la colonne, en utilisant des planches ou on a aussi une petite colonne avec des
vertèbres. Ça permet d’expliquer de façon à ce que le patient voit en 3D justement comment est faite la colonne. Ça permet
au patient de visualiser et de comprendre certaines choses : pourquoi on lui demande de se positionner dans cette position
plutôt que dans telle autre. Donc là c’est plutôt un outil.
Après au niveau activité, on travaille beaucoup avec différents jeux, que ce soit en individuel ou en groupe. Des jeux grands
modèles, des jeux plus ou moins adaptés, des jeux où on va solliciter le patient aussi pour travailler un peu en position
haltérophile. Donc là il pourra travailler avec un petit solitaire, avec n’importe quel type de jeu mais de façon individuelle. Et
aussi des mises en situation d’activité cuisine : préparation, mise en place, ... Installation aussi dans la voiture, essai de
petites aides techniques pour favoriser une bonne position en voiture. Globalement c’est ça. Après au niveau activité, les
activités artisanales on en fait un peu moins. Eventuellement du macramé, une activité en position assise… voilà,
globalement tout ce que l’on peut proposer aux patients.
Est-ce que vous sauriez dire quelles compétences de l’ergothérapeute sont mises en jeu face à ce type de
patients ?
Il faut être à l’écoute bien sûr. Il faut être bien en coordination avec le patient, pour savoir ce que le patient ressent. Il faut
aussi que l’ergo soit à l’aise avec tout ce qui est justement économie rachidienne pour pouvoir le faire accepter au patient et
puis être sûr de ses positions. Pouvoir aussi du coup justifier dans différentes activités de la vie quotidienne. Par exemple,
utiliser des points d’appui dans la cuisine, le balancier pour prendre dans les tiroirs. Essayer d’illustrer beaucoup dans les
activités de la vie quotidienne. Avoir des réponses assez faciles, justement, face aux différentes questions du patient. Mais il
faut aussi, je ne dirais pas le mot imposer, mais, faire accepter au patient justement le fait de changer ses habitudes, ses
positions. C’est vrai qu’il faut arriver à être assez convainquant. Donc là il faut être, je ne dirais pas ferme mais bon, savoir
bien démontrer que ces positions c’est important, pour que le patient puisse avoir moins mal plus tard. Quitte à avoir
d’autres soucis ailleurs…
Savoir aussi corriger les positions du patient, lui faire ressentir comment il positionne son bassin, comment il positionne ses
jambes. Bien lui faire sentir justement les positions. Parce que c’est vrai que ce n’est pas tout de lui dire comment il faut
faire, de lui montrer. Mais il faut surtout insister sur le ressenti, pour que le patient puisse intégrer justement ces nouvelles
positions dans ses activités et son quotidien.
Entretien avec Mme D
Quelle est votre expérience auprès de personnes lombalgiques ?
En termes de durée, ça fait 23 ans que je travaille, donc 23 ans et en stage j’en ai vu un peu mais pas énormément.
Et en termes de pratique ?
Au niveau de la prise en charge, ici on prend tous les lombalgiques : lombalgie chronique, des gens qui ont été opérés de
hernie, où il y a mise en place de prothèses discales, des patients qui ont des spondylarthrites ankylosantes, et toutes les
pathologies rhumatismales. Après on a aussi par exemple, ce patient qui a une algo de genou et qui a mal au dos donc on
nous le confie. Nous on fait de la prévention secondaire en fait, ce n’est pas de la prévention primaire. C’est après que les
gens aient eu des soucis.
De mon expérience, je suis aussi intervenu en entreprise : la centrale à G, chez X où on intervenait pour des professionnels
qui avaient déjà eu des soucis, des problèmes de dos. C’était en lien avec la médecine de travail, et c’était très global
puisqu’on les voyait sur des temps très courts. C’était sur une matinée et on faisait de la gym d’auto entretien avec la kiné
d’ici qui venait avec nous. On leur faisait un topo d’anatomie, qui était fait par le médecin et puis nous on leur apprenait les
bons gestes, les mouvements, on faisait un peu de pratique.
Par rapport à la lombalgie chronique, quelle est selon vous la spécificité de la prise en charge de ces patients, par
rapport à une autre maladie ?
C’est de l’éducation thérapeutique, c’est une autre prise de conscience du corps, c’est prendre conscience que c’est au
quotidien et que ce n’est pas que quand on a trop de douleurs. On est plus dans l’éducation en fait, c’est plus une prise de
conscience du schéma corporel, de pourquoi ils ont mal, de trouver les raisons et les causes des douleurs et qu’ils prennent
conscience que c’est quelque chose qui est au long court. Que ce n’est pas quelque chose qu’ils devront faire pendant 3
semaines, un mois, deux mois, le temps que ça se passe, c’est vraiment pour toute la vie. C’est une prise en charge
personnelle à long terme.
Quels sont les éléments importants à prendre en compte pour mener une action pertinente auprès des patients ?
Pour qu’ils adhèrent à fond dans leur prise en charge, il faut déjà qu’ils soient volontaires. S’ils arrivent ici, s’ils sont orientés,
et s’ils sont un peu obligés de venir par le médecin du travail ou parfois leur médecin traitant qui ne sait plus par quel bout
les prendre ; si ce n’est pas une demande personnelle, c’est parfois compliqué, donc il faut que le patient adhère
complètement à cette prise en charge. Ensuite, il faut qu’il soit dans un contexte psychologique aussi en adéquation avec ce
qu’on va lui faire ingurgiter parce qu’il faut vraiment être à l’écoute et prêt à adhérer à cette prise en charge. Ça arrive qu’on
ait des patients qui soient perturbés pour des raisons x ou y personnelles et où ce n’est pas forcément évident parce qu’ils
ne sont pas à fond dans ce qu’on leur demande de faire et ce n’est pas évident de se concentrer, d’intégrer ce qu’on va leur
apporter. Donc ça c’est super important. Après, physiquement, ils doivent être aussi capables de mettre en pratique ce
qu’on va leur apprendre. Donc il faut vraiment trouver le moment le plus opportun, s’ils sont très douloureux, ce n’est pas
vraiment le bon moment non plus. Il faut qu’ils soient capables de faire les exercices de kiné et que nous aussi on soit
capable d’aller dans le même sens que les kinés, leur apprendre les bons gestes et qu’ils soient capables de les réaliser
physiquement. Parce que si c’est une période où ils sont très douloureux, ils ne sont pas forcément capables de les mettre
en pratique donc il vaut mieux attendre un peu pour qu’ils soient plus à même de les pratiquer et pouvoir les retransposer
après dans leur vie quotidienne.
Selon vous quelles sont les compétences que l’ergothérapeute doit mettre en jeu face à des personnes
lombalgiques ?
Alors, il faut savoir s’adapter à tout type de patients, on doit avoir une grande capacité d’adaptation en fonction de chaque
patient, beaucoup de patience, de la rigueur. Etre rigoureux dans ce qu’on leur dit : on ne peut pas laisser passer des
erreurs tant que les patients sont encore ici donc il faut vraiment qu’on soit très carré et très rigoureux par rapport à ça,
selon moi. Savoir aussi parfois réussir à détendre l’atmosphère, pour pas que les patients soient trop stressés. Il faut réussir
aussi à pouvoir s’écarter du sujet, pour pouvoir aussi faire en sorte que le patient soit capable de penser à autre chose
momentanément et puis réussir à revenir. Ça fait aussi partie de nos compétences de réussir à les laisser un peu s’éloigner
du sujet et puis recentrer après. Ça doit être rigoureux, mais il faut réussir aussi à pouvoir s’éloigner aussi parfois et parler
d’autre chose qui les préoccupe et des choses qu’ils ont envie d’aborder et que l’on avait pas forcément prévu: concernant
les enfants, la sexualité, etc. Savoir les prendre aussi un peu à la dérision, s’adapter à eux quoi, en fonction de leur
demande et de leurs attentes.
Au sein de votre pratique, qu’est-ce que vous mettez en place pour permettre aux patients de transposer dans leur
quotidien les éléments que vous leur apportez ici ?
On essaie d’être au plus proche de ce qu’ils vont faire au domicile. Déjà au domicile, là où c’est le plus facile, parce qu’on a
quand même, même si on n’est pas très riches, au niveau matériel et tout ça, on réussit quand même à pouvoir évaluer ce
qu’ils pourront mettre en pratique à la maison. Après au niveau professionnel, ce n’est pas toujours évident, parce qu’ils ont
parfois du mal à retranscrire déjà leur conditions de travail et puis matériellement on n’a pas toujours les moyens de le faire
non plus. Donc on essaie de leur expliquer de manière globale, parce que c’est souvent les mêmes gestes qui reviennent.
Ce qu’on essaie de leur transmettre, c’est qu’il n’y a vraiment pas grand-chose à connaitre, c’est qu’il y a que quelques
gestes à bien maitriser et que s’ils les maitrisent bien dans leur vie quotidienne, s’ils les appliquent vraiment à la lettre, ils
seront après capables de les retransposer au niveau professionnel. Parce que c’est vrai qu’il n’y a pas grand-chose à
connaitre, ce sont toujours les mêmes choses qui reviennent et s’ils les maitrisent bien au quotidien, ils réfléchiront moins le
jour où ils seront confrontés à des situations plus complexes dans leur travail ou dans leurs loisirs.
Quels outils utilisez-vous ?
Les patients lombalgiques qui ne sont pas pris en école du dos, on leur fait remplir une fiche alors que pour les écoles du
dos on fait un bilan fonctionnel, on fait le PILE, qu’on ne fait pas avec les autres patients lombalgiques. Parce que ça nous
prend du temps et ce n’est pas toujours très adapté non plus aux patients qu’on prend en charge hors école du dos. Comme
moyen, on peut faire aussi un repas thérapeutique avec l’école du dos, des mises en situation plus pratiques.
Entretien avec Mme F
Quelle est votre expérience auprès de personnes lombalgiques ? En termes de durée et de pratique ?
En termes de pratique, j’ai pris les écoles du dos de juillet 96 à mai 2013. Donc en école du dos, avec des groupes de 5
personnes et des prises en charge individuelles, groupées aussi ça varie de 3 à 5.
Vous êtes la première à me parler de prise en charge individuelle. Selon vous pourquoi faire des prises en charges
individuelles par rapport à celles en groupe ?
En fait, les écoles du dos c’est un rythme plus soutenu donc c’est souvent des gens qui sont à distance d’une opération.
Souvent les gens en post-op ils sont pris en individuel parce que le rythme est moins soutenu et c’est à l’admission que le
médecin décide si cette personne-là doit être prise en prise en charge individuelle ou en école du dos. En sachant que nous
en ergo, ça reste de l’éducation d’économie rachidienne, donc d’hygiène de vie donc ça ne change pas des masses. C’est
surtout le programme de balnéo, de sport et de kiné qui peut être un peu différent. Et en prise en charge individuelle, le kiné
est vraiment plus présent aussi. Ce sont des gens qui ont besoin plus d’être corrigés ou psychologiquement, moins prêts
pour une école du dos. Puisqu’il faut savoir intégrer un groupe aussi et être à l’aise dans un groupe.
Avez-vous remarquez de grandes différences entre les deux prises en charge ?
Non, puisque des fois tu te retrouves avec des gens que tu as pris en charge en individuel et tu t’attends à ce qu’ils soient
moins prêts physiquement et finalement on en a des fois qui sont plus prêts que ceux des écoles du dos. Donc ça ne se
vérifie pas forcément. Ou alors des fois tu te dis que le toubib il n’a pas fait un bon choix mais quand c’est fait, c’est fait quoi.
Moi dans ma pratique, que ce soit école du dos ou prise en charge individuelle, ils ont exactement le même programme.
Après c’est bien ou ce n’est pas bien je n’en sais rien mais moi ils reçoivent exactement le programme complet.
Par rapport à la lombalgie, quelles sont les spécificités de la prise en charge de cette population de patients ?
Alors souvent, ce sont des gens qui psychologiquement ne sont pas forcément très forts ou alors il y a eu un truc ou alors ils
se cachent derrière ça je n’en sais rien. Mais c’est toujours des personnalités un peu à part. Il y en a qui sortent du lot et ça
se sent tout de suite : ils sont hyperactifs tout de suite. Tandis que là tu sens bien que ce sont des gens qui rentrent dans un
engrenage et qui ont du mal à en sortir, et qui psychologiquement du coup ne vont pas bien. Mais ceux qui réagissent tout
de suite on ne les voie pas forcément, tu vois. Je pense à un sportif en particulier, il n’a pas eu du tout le même
comportement, il allait de l’avant quoi, c’est pas du tout la même réaction. Là ce sont des gens qui nous disent « ah non je
ne pourrais pas, je ne peux pas changer ça ». On a du mal à les convaincre et tu te demandes vraiment si eux ils ont envie
de changer. Voilà c’est ça le souci. Ce ne sont pas souvent des gens optimistes, des gens dynamiques. Ça arrive, je ne vais
pas généraliser mais ce sont des gens qui tu sais… Ils ont accepté quoi
Ils se sont enfermés dans…
Ouais plus de port de charges ni rien quoi. Et à tendance à se diminuer soi-même. Alors après la question, la bonne
question c’est est-ce que c’est de l’angoisse, de la peur ou est-ce que ça leur sert dans la vie de tous les jours ? Parce que
ça rentre aussi dans un confort de vie. Je ne peux pas faire, je demande à mon conjoint, je ne peux pas porter de l’eau, je
ne peux pas etc.
Ce qui pourrait par la suite empêcher qu’il y ait adhésion du patient, le fait qu’il y ait un bénéfice secondaire
Oui, et on en a qui rejettent, que tu n’arrives même pas à convaincre. En fait ce n’est pas essayer de les convaincre, c’est
les sensibiliser. C’est ce que je leur dit tous les jours. Moi je m’en fous c’est pour eux, après s’ils ne font pas un minimum
attention, ce n’est pas moi qui vais le vivre c’est eux. Mais si déjà on arrive à les sensibiliser, mais ce n’est pas toujours
gagné. C’est surtout pour qu’ils comprennent que c’est leur dos, leur vie, leur confort de vie. Mais il y en a qui prennent ça
comme une agression. Après ça dépend comment c’est présenté aussi de la part du thérapeute. Moi je n’insiste pas : ils
prennent c’est bien, ils ne prennent pas c’est bien aussi.
Par rapport à toutes ces caractéristiques des personnes lombalgiques, qu’est-ce qui selon vous est important de
prendre en compte, en tant qu’ergothérapeute, pour mener une action efficace ?
Les écouter, entendre leur souffrance parce qu’on ne la connait pas. Moi, personnellement, je n’ai pas de problèmes de dos,
cette souffrance là je ne la connais pas, cette douleur physique là, donc du coup psychologique, je la connais pas. Et je
pense, c’est comme dans toute prise en charge, ils ne sont pas différents, il faut être à l’écoute. Il faut être à l’écoute et leur
redonner confiance en eux, c’est surtout ça parce que t’as vraiment des gens qui n’osent plus faire. Ce n’est pas que ça les
arrange de plus faire, c’est qu’ils sont mort de trouille à l’idée de se refaire mal. Parce que je pense que c’est une sacré
douleur quand même. Donc c’est vraiment les rassurer et leur prouver qu’ils peuvent faire plein de choses avec leur corps,
et les remettre en route, les remettre à l’activité. C’est surtout ça l’important.
Les compétences pratiques aussi, par rapport à l’économie rachidienne sont importantes. La maitrise du sujet, sinon tu ne
peux pas sensibiliser quelqu’un. Si tu ne connais pas ton truc, dès que tu veux apprendre à quelqu’un, si tu ne connais pas
ton truc, s’il y a une faille chez toi, laisse tomber. Toi, ton rôle c’est de les sensibiliser donc si tu n’es pas convaincant et
convaincu c’est mort. Si toi, tu n’es pas sur de toi, si tu ne montres pas que t’es sur de toi dans la vie de tous les jours,
comment tu veux les convaincre, les sensibiliser ? Ce n’est pas possible. Il y a deux écoles : il y a la restauration
fonctionnelle et l’économie rachidienne. Nous à Z on ne fait que de l’économie rachidienne. A X ou ailleurs, c’est de la
restauration fonctionnelle, donc les mouvements que nous on interdit il faut les faire avec des poids, ils parlent de
renforcement. Donc chacun a sa philosophie. Eux je pense qu’ils sont convaincus de ce qu’ils font donc nous, à nous d’être
convaincants et convaincue de ce que l’on fait. Si tu ne crois pas en ce que tu fais… c’est comme tout, si j’y croyais pas je le
ferais pas quoi. Tu ne peux pas passer un message en lequel tu ne crois pas, ce n’est pas possible, je n’y crois pas. Et ça
ce n’est pas que pour l’ergothérapie, c’est pour tout. Dès qu’il y a une « éducation », si toi tu n’es pas sensibilisé comment
peux-tu sensibiliser les autres. Ce n’est pas possible.
Dans votre pratique quotidienne, quels éléments mettez-vous en place pour permettre aux patients de transposer
dans leur quotidien les éléments que vous leur apportez ?
L’application, la pratique. C’est basé sur un programme et on fait chaque activité et chaque activité que l’on voit ensemble
est mise en pratique. Et l’objectif c’est qu’ils remettent en pratique à la maison. Ils ont tous un problème de schéma corporel,
si tu ne fais pas de pratique, s’il y a que de la théorie, on refile un livret et on montre une vidéo,… C’est pour ça que j’insiste
tout le temps sur le ressenti corporel. S’ils ne sentent pas s’ils sont bien positionnés ou pas, on va avoir beaucoup de
difficultés quand même, puisque quand dans 3 semaines ils ne seront plus ici, ils n’arriveront pas à s’auto corriger. Donc
c’est important aussi de leur faire faire pour pouvoir les corriger.
Quel autre outil peut être utile selon vous, pour accompagner vers cet apprentissage au long terme ? Pour qu’il
perdure dans le temps ?
J’essaie de les convaincre de l’utilité du truc. Pour que ça perdure, c’est réussir à les sensibiliser, sinon ça ne peut pas
perdurer. Répondre à leurs questions, répondre à leurs attentes. Si tu n’as pas sensibilisé quelqu’un, si tu ne l’as pas
convaincu, de toute façon dans 3 semaines il va arrêter. Et pour que ça perdure il faut l’avoir sensibilisé. Sinon ben… Il faut
l’inciter à pratiquer.
La patience, aussi comme compétence. Parce que s’ils ne sont pas convaincus, si tu fais du rentre dedans c’est mort. C’est
vraiment une démarche, de la pédagogie. Si tu rentres dans le lard, ils vont se fermer encore plus. Après c’est de la
patience, de l’écoute, tu t’adaptes. En fait c’est de l’adaptation surtout, par rapport à la personne que tu as en face de toi.
Par rapport à comment elle gère son problème de dos.
Leur laisser poser des questions par rapport à leur architecture et compagnie, être au plus près de leur quotidien dans leur
vie de tous les jours. Leur cuisine, la disposition, l’architecture de leur maison, les poubelles, leur poste de travail. Voilà c’est
ça ! Accepter aussi qu’ils te posent des questions. Et c’est ça aussi, à partir du moment où ils te posent des questions, ils
veulent savoir c’est que toi tu as déjà avancé pas mal. Quelque part c’est une satisfaction parce que toi tu les as
sensibilisés. Il y en a s’ils ne posent pas de question, tu peux te dire, tu as donné c’est bien mais ils n’en tireront pas grandchose.
La transmission n’a été que dans un seul sens
Voilà, tu n’as pas réussi à sensibiliser. La personne n’est pas convaincue. Par contre si ce sont des gens qui ont un intérêt,
qui posent des questions « comment je dois faire si ? comment je dois faire ça ? chez moi c’est comme si, est-ce que je dois
adapter ça ? comment je peux me positionner ? » Là oui, c’est qu’ils font un effort déjà. C’est qu’ils vont essayer au moins.
Je ne sais pas si ça perdurera, s’ils vont réussir à le garder dans le temps. Mais au moins, ça me satisfait, parce que même
si dans le temps je ne pourrais pas vérifier, c’est tout ce que je leur souhaite, car au moins ils vont essayer.
Entretien avec Mr E
Quelle est votre expérience auprès de personnes lombalgiques ? En termes d’années, de type de pratique
Donc moi j’ai commencé à m’occuper de personnes lombalgiques à partir de mon stage de deuxième année à C, à B. Parce
que c’était une pathologie qui m’intéressait et parce que mes maîtres de stage considéraient que je pouvais m’en occuper.
Après avoir eu mon diplôme d’Etat j’ai travaillé chez les enfants, donc là il n’y avait pas forcément des besoins spécifiques
par rapport à la lombalgie. Donc c’est vraiment en arrivant ici en 2002 que j’ai commencé à véritablement prendre en charge
les patients lombalgiques, dans le cadre de l’école du dos et dans le cadre des hospitalisations de jour, ce que l’on appelle
des patients hors cadre, des dos hors cadre. Parce qu’ils ne sont pas forcément pris dans un groupe type école du dos
classique. Donc j’ai aussi fait un diplôme universitaire de sophro et de relaxation à l’université de Lille 2 et mon mémoire
c’était sur la prise en charge du patient lombalgique. Et donc depuis 2002 j’en prends régulièrement, quasiment
quotidiennement, des patients lombalgiques.
Vous avez dit que vous avez fait votre mémoire sur la prise en charge de personnes lombalgiques
Mon mémoire était sur les personnes lombalgiques, parce que j’avais matière d’avoir des cobayes sur place à la pelle donc
j’ai profité de cet état de fait pour faire mon mémoire sur la prise en charge de l’image du corps, de la relaxation, des
techniques de relaxation, de voir son efficacité sur les personnes lombalgiques, que ce soit en groupe ou en individuel.
Justement, du fait de votre expérience et de votre mémoire autour de ce type de population, qu’est-ce que vous
avez vu comme caractéristiques de la personne lombalgique, qui diffèrent des autres pathologies ?
Ça diffère sans différer vraiment. Ça veut dire qu’il y a certains points qui sont plus marqués ou moins marqués que
d’autres. Le premier c’est le ressenti douloureux. La douleur chez le lombalgique, c’est ce qu’il y a de plus invalidant. Pou r
moi c’est souvent ce qui vient en premier la douleur, avant la répercussion fonctionnelle de la problématique rachidienne, la
douleur c’est vraiment prioritaire. Après, tout ce qui est trouble du schéma corporel, ça c’est quelque chose de très très
marqué qu’il est important de prendre en compte, pour justement après essayer de réparer la personne au niveau de sa
gestuelle. Si elle n’a pas un bon schéma corporel, elle peut difficilement se corriger et donc par la suite, il n’y aura pas un
effet intéressant au niveau de la prise en charge rachidienne en ergothérapie ou en kinésithérapie aussi. Puisque si tu ne
comprends pas l’exercice, tu ne peux pas te positionner. Et donc moi avec la relax je travaille aussi beaucoup sur l’image du
corps.
Donc en termes de spécificité de cette prise en charge c’est…
Sa spécificité c’est l’impact psychosocial important. La répercussion du trouble dans la vie de la personne, son attitude au
quotidien donc son ressenti douloureux, au niveau dépressif, donc au niveau psychologique et aussi au niveau de la
répercussion sur le couple, sur la famille, sur les amis, sur le travail, sur la société en général. Donc ça fait des vagues
jusqu’à éclabousser assez large. Parce que la personne lombalgique, elle a un problème par rapport aux autres pathos
qu’on rencontre c’est que ce n’est pas marqué… on voit une personne lombalgique, elle est comme toi et moi. Elle a deux
bras, deux jambes, elle peut très bien sourire, elle peut être en survêtement, tu ne peux pas dire est-ce que c’est un
STAPS ? est-ce-que c’est une personne lombalgique ? Tu ne sais pas. Si tu ne vois pas de cicatrice dans son dos, torse
nus, tu ne peux pas forcément des fois te rendre compte que c’est une personne qui a des problèmes de dos. Ce n’est pas
forcément marqué sur son visage et ça, ça a un impact sur le quotidien, puisque tout le monde peut se dire lombalgique. Toi
tu peux très bien dire j’ai une hernie discale je vais te croire alors que ce n’est pas forcément vrai donc t’as aussi un jeu à ce
niveau-là. Ça c’est quelque chose de très marquant chez les lombalgiques. C’est les gros points, impact psychosocial, la
douleur, l’image du corps.
Selon vous, en tant qu’ergothérapeute, quels sont les éléments que l’on doit prendre en compte pour mener une
action efficace auprès des personnes lombalgiques ?
La douleur, dans un premier temps. Ça dans n’importe quelle prise en charge que ce soit en ergothérapie ou n’importe
quelle prise en charge rééducative, tu dois tenir compte de la douleur du patient puisque d’un jour à l’autre ça peut être
fluctuant et ça peut impacter sur ta prise en charge quotidienne. Après, tout ce qui est environnemental, c’est-à-dire, quelles
sont les attentes de la personne vis-à-vis de sa vie quotidienne. Déjà où elle en est elle-même physiquement, dans sa
pratique gestuelle au quotidien et après vers quoi tu peux l’amener pour améliorer ça et faire que ce soit plus pertinent dans
sa vie de tous les jours et que ce soit moins agressif vis-à-vis de son dos.
Une fois que vous avez pris en compte tous ces éléments, et que vous mettez en place votre prise en charge,
qu’est-ce que vous mettez en place afin qu’ils puissent transposer dans leur quotidien ce que vous leur apportez ?
En fait, on fait de l’éducation thérapeutique, sans faire de l’éducation thérapeutique ici. Mais globalement ça ressemble à de
l’éducation thérapeutique. On travaille tout ce qui est conseil en économie articulaire, rachidienne. Donc c’est leur faire
prendre conscience dans un premier temps de ce que c’est anatomiquement un dos, biomécaniquement. Une fois qu’on
comprend, qu’on sait à quoi ça ressemble, on fait comprendre à la personne quels sont les mouvements qui sont agressifs
pour le dos et par quels palliatifs on pourrait passer pour justement être moins agressif vis-à-vis de ce dos, pour avoir une
qualité de vie plus importante et recommencer à faire des choses que peut être elle n’osait pas faire ou peut être qu’elle ne
se sentait pas capable de faire. Donc moi je passe par la compréhension anatomique du dos pour désamorcer la
problématique, faire prendre conscience de pourquoi ils en sont arrivés là, comment ils se sont abimés pour qu’après on ne
recommence pas les mêmes erreurs et qu’on adapte sa gestuelle en fonction de ce qu’on doit faire, de l’action qu’on doit
faire.
Selon vous quelles sont les compétences ou qualités de l’ergothérapeute qui entrent en jeu ?
Avant on parlait d’écoute, parce que c’est important, mais l’observation c’est primordial. Si tu ne sais pas observer, tu
n’arriveras pas à mettre le doigt sur ce qui ne va pas donc observer son patient. L’observer depuis le moment où il rentre
dans la salle jusqu’à la façon doit il s’assied, sa gestuelle tout au long de la séance et même en dehors de la séance, voir un
petit peu quels sont les écueils qu’il rencontre au niveau de sa statique, sa dynamique et puis ce qui fait qu’au niveau de sa
gestuelle, ça a entrainé des problématiques rachidiennes. Indépendamment des accidents et des choses comme ça. Mais
au niveau de sa gestuelle, il y a des choses qui sont à changer et donc ça il n’en a pas forcément conscience, donc à nous
déjà, ergothérapeutes, d’observer, de mettre le doigt là-dessus pour pouvoir après corriger. Donc observer, écoute,
empathie, pédagogie, capacité à manager un groupe. Ça s’improvise pas de gérer un groupe, il faut avoir aussi une grosse
dose de psychologie, savoir analyser les comportements des personnes de manière individuelle, mais aussi d’avoir une
notion de la dynamique de groupe. Un de mes mémoires d’ergothérapie était sur la dynamique de groupe. Donc c’est
quelque chose que je connaissais déjà bien avant de m’occuper plus particulièrement des écoles du dos ou des dos hors
cadre. Donc savoir comment fonctionne un groupe, savoir la psychologie d’un groupe, c’est primordial aussi donc ça
nécessite de bouquiner, de se renseigner et après de l’appliquer. La théorie c’est bien, c’est une chose mais rien ne vaut le
fait de se confronter à un groupe. Le côté psychologique du management d’un groupe, management d’un individu, il est
super important, tant dans tout ce qui est éducation thérapeutique. Si tu te fais embarquer par ton groupe, si t’es pas assez
affirmé, si tu n’es pas sur de toi, ça n’ira pas. Ils vont toujours chercher à te coincer. Puisque toi tu es le référent, le
référentiel du savoir, donc si le référentiel du savoir n’applique pas, ne fait pas, c’est qu’il n’est pas un bon référentiel, donc
c’est quelqu’un qui n’est pas compétent. Quelqu’un de pas compétent on ne va pas l’écouter. Si on ne l’écoute pas ça veut
dire que c’est de la merde ce qu’il nous donne et donc on ne va pas le mettre en application. Je schématise rapidement,
mais, ça c’est quelque chose d’hyper important. Toi tu te dois d’être hyper carré, hyper pointu, ne pas pouvoir te laisser
mettre en porte à faux sinon s’il y un individu un peu pervers dans le groupe, il va s’engouffrer là-dedans et les autres
peuvent suivre, en fonction de la dynamique de groupe et ça peut te flinguer ta prise en charge. Si c’est sur 3 semaines ça
peut être très long. Donc apprendre à recadrer, le travail du cadre est important. Et puis après, avoir une très bonne
connaissance de son corps, avoir un bon schéma corporel ça c’est primordial aussi. Tu ne peux pas demander aux autres
de faire quelque chose que toi-même tu as du mal à faire. Il y a un niveau d’exigence qui est important quand tu fais une
prise en charge de groupe, dans le sens où je te dis tu dois être le référentiel et le référentiel il n’a pas le droit de ne pas
savoir faire ou de ne pas être capable de faire. Donc ça c’est travail du corps, entretien physique du moniteur. Dans
beaucoup de formations initiales, de prise en charge de tout ce qui est lombalgie et port de charge, il y a un entrainement
physique avant de travailler sur les différentes techniques. Donc il y a un échauffement d’une demi-heure, trois quarts
d’heure : travail des quadri, travail des bras, travail des fentes, reports d’appuis et des trucs comme ça. Donc, physiquement
tu dois être capable de gérer ça.
Vous avez parlez de pédagogie, donc au niveau de la pédagogie, qu’est-ce que selon il faut mettre en place ?
Au niveau de la pédagogie, il y a pleins d’outils différents. C’est très très varié. On passe par des supports vidéo, on passe
par des supports papiers. On passe par des supports physiques. Moi je questionne beaucoup les personnes, je les fais
réfléchir à la problématique avant de donner les solutions. Je ne donne jamais de solution sans avoir fait réfléchir la
personne parce que si tu ne fais que donner des informations ou des compétences, la personne elle fait quoi ? elle est en
attente de recevoir. Elle va recevoir de manière passive et de manière passive ça ne marche pas. Donc l’idée c’est la
dynamique de la donner aussi au groupe, à l’individu pour le faire réfléchir, le sortir du carcan limitatif dans lequel il pouvait
se sentir. Et puis le faire participer activement à la prise en charge. Après les outils c’est comme dans tout ce qui est
formation, tu as plein plein plein d’outils différents, je ne peux pas t’en faire une liste. Normalement, on avait demandé un
tableau depuis longtemps pour faire des brainstormings, des choses comme ça. Travail sur les idées, travail du côté
participatif des gens en face de soi. Ma façon de faire la formation ce n’est pas de donner mais aussi d’interpeller,
d’interroger la personne en face, de faire revenir des informations et après de dialoguer, de discuter et d’argumenter.
Je reviens sur ma question concernant le fait de transposer au quotidien, vous avez dit qu’on peut passer par la
compréhension de son dos…
Tout à fait, on passe par des outils comme l’outil vidéo, les bilans. Le fait de faire passer des bilans ça permet aussi à la
personne de se rendre compte des difficultés qu’elle peut rencontrer, nous le fait d’avoir une note ça permet d’avoir un
référentiel et par ce biais-là, le fait que le bilan soit refait régulièrement ça permet à la personne de voir son évolution. Et à
la fin de la session, tu fais une synthèse de tout ça pour justement voir d’où tu es parti, comment tu as progressé, où tu en
es arrivé. Tout en sachant qu’en sortant de l’hôpital ce n’est pas la fin de tout mais le début du chemin et que tu devras
continuer par la suite. Donc tu as plein de supports différents. Après on passe beaucoup par la pratique, évidemment, la
pratique c’est primordial. C’est indispensable. Tu ne peux pas de manière théorique donner un fichier d’images à une
personne et lui dire voilà vous savez tout si tu n’as pas pratiqué. Parce que l’image c’est un instantané, c’est arrêté, mais la
gestuelle c’est plein d’images, c’est plein de mouvements pour arriver à un tout quoi donc pour moi s’il n’y a pas de pratique
ça ne sert à rien.
L’importance de faire comprendre à la personne qu’elle est capable de retravailler, quand c’est un patient de l’école du dos.
Parce que bien souvent ils se disent soit je ne suis pas capable de faire, soit mon patron ne m’écoute pas par rapport au
problème que je rencontre, donc là on oriente aussi vis-à-vis de la médecine du travail, vis-à-vis du CHSCT, vis-à-vis
d’adapter le poste de travail en fonction de comment est réceptive la hiérarchie, des choses comme ça. Donc tu orientes
vraiment vers la reprise d’une vie socioprofessionnelle la plus normale possible ça c’est quelque chose vers laquelle on
oriente, on n’orientera jamais les personnes par ne faites plus rien ça ne va pas là mais « faites en fonction de vos capacités
et en apprenant à connaitre vos limites, vos limites ne sont peut-être pas celles que vous pensez être, mais l’idée c’est que
vous continuez à faire plein de choses tout en ne dépassant pas les limites qui vous sont létales et qui sont trop négatives,
néfastes, pour avoir une vie quotidienne la plus normale possible, tout en prenant en compte bien sur les limitations
pathologiques ». Donc la notion de taf c’est hyper important. La notion de taf bien sur ça passe par la maison. A la maison,
refaire les choses, parce que bien souvent tu as des bénéfices secondaires « moi je fais plus parce que j’ai mal au dos »
c’est une bonne excuse quoi. Ça se voit pas forcément, la personne est très bien capable de faire des choses mais si
madame fait à la place, pourquoi ça changerais quoi.
C’est difficile de penser à tout, de savoir rebondir, de savoir enchainer, de savoir aller chercher le petit truc, la petite
anecdote ou le petit mot que la personne a lâché pour pouvoir expliquer un autre truc au groupe entièrement. Ça c’est hyper
important, savoir rebondir. Ça c’est quelque chose que moi je sais bien faire mais c’est loin d’être évident. Tous les petits
mots, il faut que tu sois attentif à tout, ce que tu racontes mais aussi de l’attitude du groupe : tête qui dodeline ou le mec qui
sort un petit mot et là tu peux repartir et tout ça pour argumenter et orienter notre philosophie de prise en charge et
comment on compte les amener vers du mieux par la suite, au niveau des conseils en économie articulaire. Ça c’est de la
pratique, c’est beaucoup, beaucoup de pratique. Après tu l’as ou tu ne l’as pas. Si tu ne l’as pas ça se travaille évidemment,
c’est comme pour tout, tu peux être timide, effacé, mais la base c’est d’être super carré sur ta pratique. Sur ta théorie, sur ta
pratique, il faut que tu connaisses ton anat, au moins l’anatomie que tu dois présenter aux gens, il ne faut pas que tu sois
attaquable là-dessus. Parce que je te dis, si tu ne sais pas répondre ou si tu es mis en porte à faux, tu n’es plus crédible. Et
si tu n’es plus crédible, tu es mauvais. Un prof, s’il ne peut pas répondre à la question tu vas te dire « c’est une tache, il doit
tout savoir » c’est pareil. T’as une notion de prof, puisqu’on appelle école du dos ici et école ça veut dire qu’il y a quelqu’un
qui enseigne. Si tu veux enseigner tu dois connaitre, tu dois être le garant de la connaissance donc ça ce n’est pas évident.
Déjà ça il faut être carré par rapport à ton programme, le connaitre sur le bout des ongles et après savoir dynamiser.
Dynamiser le groupe, savoir dynamiser ta façon de présenter, la rendre positive, agréable, dynamique. Savoir donner un
cadre malgré tout, savoir engueuler quand il faut et savoir mettre des coups de pieds aux culs s’il faut aussi quoi. Certains tu
dois les freiner, les canaliser, d’autres les stimuler et les booster. Tout en sachant que, je parle souvent de notion de coach,
coaching. Nous ont fait 10% du taf quoi, on leur donne les infos et après c’est à eux de pratiquer. A eux de changer leur
façon de faire, leur façon d’être et ça viendra de là quoi. Mais nous c’est du coaching, moi je suis plus côté coach que côté
prof. C’est un mix des deux quoi.
Annexe 4 : Recueil d’éléments dans la grille d’observation
Ergothérapeutes
Attitude
Techniques
pédagogiques
Supports et outils
Messages clés
Empathie
Ecoute, laisse les patients exprimer leurs plaintes
Compréhensif par rapport aux conséquences de la douleur
Insiste sur le ressenti au niveau du schéma corporel
Gestion du groupe, régulation des temps de parole
Travailler à partir des habitudes de vie des patients
Observation de l’attitude et de la gestuelle patients
Laisser trouver par eux même la posture correcte
Favoriser l’expérimentation
Demander d’essayer au domicile pour en rediscuter la séance suivante
Travail autour des représentations
Analogie du vase qui se remplit tout au long de la journée => laisse la possibilité de faire des
« mauvais gestes »
Simplification des informations : 4 mauvais mouvements et 4 principes à retenir
Demander de décrire l’activité qui pose problème pour amener une réflexion collective à la
recherche d’une solution
Vidéos : explication anatomique, bons gestes et mauvais gestes
Fiche bilans
Bilan fonctionnel filmé au début du programme puis visionné à la fin pour voir l’évolution
Livret récapitulatif en fin de programme
Salle avec reproduction des pièces d’un logement et éléments de port de charge
Capacité à avancer par eux même
Etre souple et mobile tout en protégeant son dos
Savoir reconnaitre ses limites
4 mouvements à éviter
4 principes d’économie rachidienne
4 positions à adapter en fonction de la situation
Savoir gérer son temps, se préserver, écouter son corps et se corriger seul en fonction de son
ressenti
Patients
Attentes
Adhésion
Motivation
Participation
Comportement et
dynamique du
groupe
Diminuer les douleurs
Pouvoir reprendre leur travail, leurs activités de loisirs
Améliorer leur moral
Réticences pour certains mouvements
Répétition de « Je ne le fais pas, je demande à quelqu’un de le faire pour moi »
Questions par rapport à leur quotidien, leur travail
Emulation du groupe
Partage d’expériences et de conseils
Correction de la part des autres membres du groupe
Réflexion collective

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